(Moniteur belge n°322, du 18 novembre 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Dechamps procède à l’appel nominal à une heure.
M. de Renesse donne lecture du procès-verbal de la séance précédente. La rédaction en est adoptée.
M. Dechamps donne connaissance des pièces adressées à la chambre.
« Plusieurs habitants de Barvaux demandent qu’une route soit construite de Barvaux à Marche. »
« Un grand nombre d’habitants de Tamise (Flandre orientale) demandent : 1° la répartition de l’impôt foncier d’après la péréquation cadastrale ; 2° l’élection directe des bourgmestres et assesseurs, et 3° que l’enseignement reste libre sans aucune intervention du gouvernement. »
« Plusieurs boutiquiers de Gand demandent que le système actuel des poids et mesures soit changé, et que la chambre adopte une loi pour le commerce en détail, laquelle, en laissant subsister le système décimal, autoriserait les boutiquiers et détaillants à se servir des poids et mesures anciens, tels que quarterons, onces, etc. »
(Erratum inséré au Moniteur belge n°330, du 26 novembre 1835 :) « Les sieurs Janssens et de Deknuyt, fabricants de colle forte et de noir animal, à Ostende, demandent une nouvelle loi protectrice de leur industrie, qui frappe les os d’un droit de dix francs par 100 kilogrammes à la sortie. »
M. le président. - Nous passons à l’ordre du jour.
M. Zoude. - Dans le projet ministériel qui vous est soumis comme dans celui de la commission, on invoque la justice nationale envers les détenteurs des los-renten, mais on n’y remarque pas la même sollicitude pour les acquéreurs des biens du syndicat dont la fortune est ici gravement compromise.
La question des los-renten intéressait les détenteurs pour une somme de 15 millions et les acquéreurs pour celle de cinquante.
Ceux-ci ont acquis sous la foi d’un contrat qui attribuait un intérêt de 2 1/2 p. c. aux valeurs avec lesquels ils devaient se libérer ; en l’élevant aujourd’hui à cinq, on aggrave évidemment leur position en favorisant celle du syndicat hollandais.
Mais le gouvernement qui représente le vendeur peut-il, sans violer le contrat, changer la position de l’acheteur ? Celui-ci, en achetant, s’est soumis à l’obligation de payer en los-renten dont la loi avait fixé l’intérêt à 2 1/2 ; s’il avait pu soupçonner qu’on le doublerait un jour, certes, dans la prévision que ces valeurs auraient alors augmenté de prix, il eût restreint ses achats ; et cependant, lorsque le ministère vient par son seul fait rendre l’obligation de l’acheteur plus onéreuse, il sait, et particulièrement M. le ministre des finances, que le sort des acquéreurs a toujours été en empirant depuis la révolution, d’abord par les dévastations commises dans les forêts, et qui, dans quelques localités ont été portées aux excès les plus scandaleux, et ont occasionné un préjudice très notable aux acquéreurs, et puis par la baisse considérable qu’ils ont éprouvée et que si cette année, pour la première fois, les bois de charbonnage ont repris quelque faveur, toujours il est vrai que ce prix même est inférieur de beaucoup aux estimations qui avaient été faites, tant par le vendeur que par les acheteurs, en sorte que ceux de ces derniers qui, pour acquitter les termes des années antérieures, ont été forcés de faire des coupes, ont dû les livrer à bon marché, pour se procurer des valeurs dont le prix a toujours été en croissant, depuis que le syndicat en avait élevé l’intérêt à 5 p. c.
Encore si les sacrifices arrachés aux acquéreurs avaient pu être de quelque utilité à l’Etat, tout ne serait pas perdu pour eux ; mais il en est tout autrement, et malgré que le traité de paix ait imposé à la Hollande l’obligation de rendre compte des opérations du syndicat, que cette condition n’a pu été dictée que dans les prévisions que la Belgique aurait une part dans l’actif, qu’on est d’ailleurs généralement d’accord que lors de la liquidation, si jamais elle avait eu lieu, le syndicat serait notre débiteur, mais que l’on sait que celui-ci enveloppe sa comptabilité de mystère, de manière à se soustraire à l’investigation des plus clairvoyants, à tel point que notre ancien collègue, M. Angillis, dont les talents et les connaissances profondes sont universellement appréciés, après avoir étudié la matière, nous a fait l’aveu qu’il n’avait pu pénétrer dans ce dédale financier ; eh bien, nonobstant toutes ces considérations, on force encore les acquéreurs à alimenter ce gouffre, en y versant leur or, pour en retirer des chiffons los-renten.
Vous cesserez donc d’être étonnés, messieurs, que le syndicat se soit chargé d’acquitter la part des dettes que les puissances ont assignée à la Belgique lorsqu’il en reçoit les fonds des mains des acquéreurs belges par des propriétés situées en Belgique et quand le domaine décerne une contrainte contre les retardataires. Ce n’est pas procurer des ressources au trésor belge, mais il agit exclusivement dans l’intérêt du syndicat qui fait ainsi opérer gratuitement ses recensements par l’intermédiaire de nos receveurs ; car, notez-le bien, messieurs, c’est à Amsterdam que, pour éviter l’effet d’une contrainte, nous envoyons notre numéraire à nos frais, risques et périls, pour changer à la caisse du syndicat contre une quittance appelée los-renten qui est reçue pour comptant au trésor belge. C’est de cette manière que le gouvernement qui avait un gage au moment de la révolution de 50 millions dus par les acquéreurs, s’en est dépouillé de moitié par les versements qu’il a fait faire depuis lors en Hollande.
Cependant, messieurs, cette somme de 25 millions aurait pu servir au gouvernement, soit en l’employant au rachat des bons de l’emprunt, soit en diminuant la masse des bons du trésor, soit enfin en allégeant le budget des intérêts du cautionnement pour les fonds qui sont en Hollande, de ceux de la caisse des ventes, dépôts et consignations judiciaires, que nous payons à la décharge des caisses hollandaises.
Ce que le gouvernement a négligé de faire jusqu’ici, qu’il le fasse au moins pour ce qui reste à recouvrer encore sur nos domaines ; que les acquéreurs soient admis à se libérer en numéraire, non pas au pair, condition qui n’a jamais été supposée lors de l’aliénation de ces biens, mais au taux des los-renten lors des ventes partielles, ou à celui qu’ils avaient lors de leur émission, c’est-à dire 98 p. c. Il y aurait alors justice pour tous, et c’est dans ce sens que je proposerai un amendement lors de la discussion des articles.
M. Legrelle. - Je vois avec peine que la question des los-renten qui a fait l’objet de sérieuses méditations dans deux commissions, et sur laquelle a été fait un rapport très lucide, ne soit pas comprise comme elle devrait l’être.
Plusieurs membres nommés aux dernières élections n’ont pu se procurer le rapport de M. Fallon. Ces honorables membres en ont exprimé le regret, d’autant plus que ce rapport démontre de la manière la plus claire la nécessité de la loi proposée. On trouvera dans ce rapport tous les arguments en faveur du projet ; et je crois que sans ce rapport la question peut paraître très douteuse. Moi-même, j’ai douté fort longtemps s’il était indispensable de faire droit aux porteurs de los-renten.
J’ai siégé avec l’honorable M. Angillis dans la commission dont on a parlé ; mais alors la question était différente, et nous ne pûmes tomber d’accord sur l’impossibilité de payer des intérêts. Maintenant je suis convaincu que les propositions du ministre des finances, amendées légèrement par la commission, sont les plus rationnelles qui puissent être faites, et que toutes celles qui s’éloigneraient des principes sur lesquels ces propositions sont fondées s’écarteraient de la justice que nous devons aux porteurs de los-renten.
Quelle est la question qui maintenant vous est soumise ? dans quelle voie vous propose-t-on d’entrer ?
Lorsque la Belgique fut séparée de la Hollande, on a examiné si on devait établir une distinction entre les los-renten dénoncés en Belgique et les los-renten non dénoncés ou dénoncés en Hollande. Deux fortes considérations ont déterminé le gouvernement provisoire et plus tard le ministre des finances d’alors, M. Coghen, après avoir pris l’avis d’une commission de savants jurisconsultes, à continuer de recevoir les los-renten de crainte de compromettre les intérêts des tiers porteurs.
Sans vouloir revenir sur le passé, je dirai que peut-être il aurait mieux valu de faire apposer une estampille sur les los-renten qui se trouvaient dans le pays. Mais cette mesure n’a pas été prise, et les los-renten estampillés à Bruxelles, comme ceux qui avaient été estampillés à Amsterdam et ceux qui n’ont pas été estampillés, ont été reçus en paiement des domaines vendus.
Les porteurs de los-renten dénoncés à Amsterdam ont reçu un intérêt de 5 p. c ; les porteurs de los-renten non dénoncés ont touché en Hollande 2 1/2 p. c. d’intérêt, tandis que ceux de nos concitoyens qui ont dénoncé leurs certificats à Bruxelles, n’ont touché aucun intérêt. Ils ont fait plusieurs réclamations, mais n’ont jamais pu rien obtenir. On leur a toujours dit que ce n’était pas au trésor de la Belgique à payer les intérêts dus par le syndicat hollandais, et à Amsterdam on les a renvoyés pour le paiement en Belgique.
Le ministre par son projet a proposé, non pas de payer les intérêts aux porteurs, mais de recevoir, en paiement des domaines, capitaux et intérêts de ces los-renten. Cette proposition qui concilie tous les intérêts me paraît de toute justice. Si vous la rejetez, vous mettrez les porteurs de los-renten dénoncés à Bruxelles dans une position pire que celle des porteurs de los-renten dénoncés à Amsterdam, tandis qu’en l’adoptant, vous mettez les uns et les autres dans la même position.
On vient de faire une proposition qui est de recevoir le prix des domaines vendus, en numéraire, à 2 p. c. de perte au détriment du trésor, soit à raison de 98.
Cette proposition me paraît aller contre l’intention de son auteur. Ce serait une grande injustice. En effet, vous avez hypothéqué les domaines pour le paiement des los-renten, vous ne pouvez pas dire que vous recevrez le prix de ces domaines en numéraire, au-dessous du prix d’achat. Vous gratifieriez d’un bénéfice de 2 p. c. au profit des acquéreurs des domaines, mais au préjudice des détenteurs de los-renten et contre la foi du traité fait lors de l’emprunt. La Belgique est trop loyale pour consentir à cette espèce de banqueroute au mépris des contrats et de la foi jurée.
On croit qu’en agissant ainsi, les los-renten n’arriveraient plus à Amsterdam ; c’est une erreur, car le cours ne se forme que d’après le taux auquel vous les recevez. Si maintenant vous disiez que vous ne les recevrez plus qu’à 90, les los-renten tomberaient en proportion ; car, en Hollande, leur valeur se règle sur le cours auquel on peut les placer en Belgique,
Je crois donc que ce qu’il y a de mieux à faire, c’est d’adopter le projet du gouvernement amendé par la commission.
M. Pirmez. - Je ne sais jusqu’à quel point la nation belge est liée envers les porteurs de los-renten. Il me semble qu’il est facultatif aux acquéreurs des domaines vendus par le syndicat de se libérer en numéraire ou en los-renten. Il est de fait que plusieurs se sont libérés en numéraire.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - C’est une erreur !
M. Pirmez. - Si c’est une erreur, c’est différent. Dans ce cas, il faudrait ordonner que tout sera payé en numéraire, sauf à examiner ensuite les droits des porteurs de los-renten.
M. de Foere. - D’après les discours prononcés par les orateurs qui m’ont précédé, la question mise en ce moment en délibération est la même que celle qui a été soumise à la commission des finances qui a en premier lieu examiné cette matière, et cependant il y a une grande différence. Car alors les détenteurs de los-renten exigeaient que les intérêts échus leur fussent remboursés en argent, tandis qu’aujourd’hui on accorde seulement aux détenteurs que ces fonds seront admis en paiement des domaines vendus, avec bonification des intérêts, ce qui pose la question sur un autre terrain. Il y a encore d’autres différences, mais celle-ci est la plus importante.
Quant à ce qui regarde le fond de la question, je persisterai dans l’opinion que j’ai émise lorsque j’étais membre de la commission de finances.
J’ai rejeté les prétentions des détenteurs de los-renten, par la raison que le ministre des finances avait dit que les intérêts des los-renten n’étaient pas à la charge du trésor public, mais bien à la charge du syndicat d’amortissement.
Je remarque que la commission qui a été nommée pour examiner cette question se fonde sur les précédents de la chambre, sur ce que nous payons les intérêts de la dette du grand-livre de la Belgique, pour conclure qu’il faut aussi payer les intérêts des los-renten. Mais il y a cette différence entre les intérêts de la dette du grand-livre et les intérêts des los-renten que le grand-livre est une charge du trésor public, tandis que l’intérêt des los-renten est une charge d’un établissement particulier. On ne peut pas dire que ce soit une charge du trésor public, puisque dans nos lois financières aucuns fonds n’ont été alloués pour payer les intérêts des los-renten. Pourquoi le trésor belge irait-il se mettre à la place du syndicat hollandais ? Le syndicat seul a reçu les fonds, seul il doit en payer les intérêts.
Je ne veux plus rien ajouter, parce que la question a été discutée sous les divers rapports sous lesquels elle pouvait être examinée, et que je ne veux pas répéter ce qui a été dit. Mais j’ai voulu énoncer le motif pour lequel je ne voulais pas m’associer au projet.
M. Fallon, rapporteur. - Dans une matière aussi fertile en considérations de toute nature que celle des los-renten, il importe, si l’on veut éviter de perdre beaucoup de temps, que les débats se restreignent aux seuls points auxquels il convient de s’attacher dans les circonstances actuelles.
Pour éviter que, dans la discussion des articles, les débats ne s’égarent et ne s’engagent sans résultat dans des discussions plus ou moins inutiles, je pense qu’il est bon de résumer les diverses questions que votre commission a examinées, et de vous donner quelques explications ultérieures sur les motifs qui ont déterminé son opinion sur ces questions.
Le projet du gouvernement n’avait pour objet que le point de savoir s’il convenait de bonifier aux porteurs des los-renten dénoncés à Bruxelles, avant la révolution, l’intérêt de ces obligations à partir du jour où le remboursement est devenu exigible.
La section centrale, réunie à la commission spéciale que vous lui avez adjointe, a bien pensé que la chambre voudrait aller plus loin, et elle a pris l’initiative.
Elle a pensé qu’après les nombreux débats que la question des los-renten a soulevés dans cette chambre sans résultat, il ne fallait pas se borner à l’examen d’une mesure purement accessoire, mais qu’il fallait franchement aborder la question principale sous toutes ses faces, et la discussion à laquelle votre commission s’est livrée doit faire regretter vivement, pour les finances de la Belgique, que la solution d’une question d’un si haut intérêt n’ait pas été plus tôt provoquée.
Depuis la révolution et au moyen des los-renten, la Hollande a pu profiter aux dépens de la Belgique de plus de 20 millions de francs, et, si l’on n’y prend garde, elle profitera encore à notre préjudice d’une valeur non moins considérable.
Au moment de la révolution, il restait à recouvrer sur le prix des domaines vendus en Belgique, une valeur de fr. 44,754,930 15, sur laquelle il a été reçu jusqu’au 1er octobre 1834, en los-renten, 21,028,248 12. Il reste donc à recouvrer 23,726,682 fr. 03 c.
Le gouvernement belge ne pouvait-il, ne peut-il recevoir ces valeurs qu’en los-renten ?
En d’autres termes, ne pouvait-il, sans violer la loi du contrat et sans blesser les règles de la bonne foi, prendre les mesures nécessaires pour que le trésor reçût en numéraire le prix de ventes des domaines, ou ne reçut tout au moins en paiement que les los-renten qui se trouvaient dans la possession des Belges, au moment de la révolution ?
Pour parvenir à résoudre cette question très compliquée, votre commission a pensé qu’il fallait avant tout examiner quelles étaient les obligations du gouvernement des Pays-Bas envers les preneurs de los-renten et quelles sont celles de la Belgique.
Les los-renten ont été créés en exécution de deux lois successives : les lois des 27 décembre 1822, 5 juin 1824. Ils ont constitué une dette du gouvernement des Pays-Bas au fur et à mesure de leur mise en circulation ; cela n’est pas susceptible de contestation.
Cette dette est-elle devenue de plein droit une charge de la Belgique ?
En fait, le gouvernement belge se trouve subrogé au gouvernement précédent dans la souveraineté des provinces méridionales du gouvernement des Pays-Bas.
En droit, il n’est pas aussi facile de déterminer les effets actifs et passifs de cette subrogation.
Cette subrogation n’est ni conventionnelle ni prévue par aucune loi ; on cherche en vain dans le code de notre droit positif une disposition qui soit applicable à cette espèce de subrogation tout exceptionnelle ; si, pour résoudre la question, on argumente des dispositions du droit écrit sur la nature et les effets des différents titres successifs, on se livre à des difficultés inextricables et on est forcé de reconnaître que ce n’est pas là qu’il faut chercher un moyen satisfaisant de solution.
Cette subrogation est bien incontestablement un titre universel, mais c’est le titre universel que produit la conquête, que produit l’insurrection couronnée de succès ; et ce n’est évidemment pas le droit privé qui peut régler les effets d’un titre semblable.
A défaut d’une disposition constitutionnelle ou légale sur la matière, il faut bien que la législature y supplée, il faut bien qu’elle cherche un système dans les principes généraux de loyauté et d’équité compatibles avec les nouveaux intérêts politiques du pays.
Quant aux obligations passives résultantes de cette subrogation, en ce qui concerne les dettes contractées par le gouvernement précédent, le système qui paraît le plus équitable est celui qui établit la corrélation la plus exacte possible entre les avantages et les charges de la subrogation.
Puisque le gouvernement belge succède à tous les droits et actions du gouvernement précédent sur les choses et les personnes qui se trouvent sur le territoire des provinces acquises à la nouvelle Belgique, il paraît rationnel qu’en attendant qu’un partage de communauté puisse s’établir entre les deux divisions de l’Etat précédent, partage dont les conditions ne pourront se régler que par la force des armes ou par un traité de paix ; il semble rationnel que le gouvernement belge fasse siennes les dettes qui ont été contractées légalement avant la séparation, sois envers les habitants de ces mêmes provinces, soit à raison des choses sur lesquelles la saisine nationale s’est étendue dans ces provinces.
Cette conséquence ne paraît pas pouvoir être contestée aux Belges par le gouvernement né de la révolution.
La révolution pour eux doit rester un avantage et non un préjudice ; elle ne doit pas changer leur condition quant aux droits qu’ils avaient légalement acquis ; le gouvernement belge doit donc payer les dettes contractées envers eux avant la révolution ; ces dettes sont inhérentes au fait même de la révolution qui les prive de l’exercice de leurs droits envers la puissance déchue ; il doit donc, en principe politique, comme en principe d’équité nationale, satisfaire à cette dette, sauf à en faire article de compte dans la liquidation à faire entre les deux gouvernements. Cette liquidation, au surplus, dont le terme est tout aussi incalculable qu’elle est elle-même incertaine, est chose étrangère à l’action privée, qui ne doit pas plus souffrir que profiter des arrangements qui pourront intervenir un jour entre les deux souverainetés.
Ce principe d’équité nationale trouve ici d’autant plus facilement sa place, que nous en trouvons l’application dans les nombreux antécédents de la législature belge.
C’est ainsi que la Belgique s’est chargée des intérêts de la dette active inscrite au livre auxiliaire de Bruxelles, des intérêts des cautionnements et des consignations dont les fonds sont restés en Hollande.
C’est ainsi qu’elle a payé la dette exigible contractée envers des Belges avant la révolution, et qu’elle a même payé à des étrangers et même à des Hollandais ce qui leur restait dû sur des travaux exécutés dans le territoire belge.
Ce principe étant admis, et il ne paraît pas possible de le repousser, après l’application successive que nous en avons faite jusqu’aujourd’hui, la principale difficulté qui domine la matière des los-renten se trouve levée, et il devient plus facile d’arriver à la solution des diverses questions qu’elle soulève.
Ces questions, qui ont fait le sujet d’un sérieux examen dans votre commission, sont indiquées dans le rapport, et vous connaissez les diverses considérations qui ont déterminé son opinion sur chacune d’elles.
Première question. Quelles sont les obligations du gouvernement belge envers les porteurs des los-renten en général ?
En appliquant à cette question le principe qui doit régir les effets de la subrogation du gouvernement belge au royaume des Pays-Bas, la solution serait facile, si tous les los-renten actuellement en circulation appartenaient à la dette contractée avant la séparation.
Mais il n’en est pas ainsi.
Ce n’est pas l’émission qui créait la dette, mais bien seulement la mise en circulation. Aussi longtemps que les los-renten restaient dans les mains du syndicat d’amortissement, aucune action en paiement ne s’ouvrait au profit de personne ; ce n’était que du jour où ils étaient livrés à la circulation, que la dette du gouvernement prenait naissance.
Le rapport de votre commission vous a fait connaître que depuis la révolution la Hollande a pu en livrer à la circulation et en faire argent pour plus de 45 millions de florins.
Il est incontestable que la dette résultante de tout ou partie de ces 45 millions de florins, n’ayant pris naissance qu’après la séparation, ne peut en aucun cas être à la charge de la Belgique.
Ainsi, sur le point de savoir quels sont les los-renten sur lesquels doit porter la dette du gouvernement belge, il faut faire cette distinction importante.
C’est que l’obligation du gouvernement belge ne peut concerner que les los-renten qui avaient été mis en circulation avant la révolution.
C’est que la dette de la Belgique ne peut être mise en question que pour ceux-là.
Quelle est maintenant la conséquence toute naturelle de cette distinction ?... C’est que le gouvernement belge n’est obligé à admettre et à recevoir en paiement du prix des domaines que les los-renten qui avaient été livrés à la circulation avant la séparation, et qu’en conséquence il doit prendre les mesures nécessaires pour se garantir des los-renten dont la puissance ennemie a fait argent depuis notre séparation.
La solution de la première question peut se borner à l’adoption de cette distinction. Le point de savoir quelles sont les mesures qu’il convient de prendre pour garantir le trésor de cette fausse monnaie, trouve sa place dans la discussion de la question suivante.
Je passe donc à la deuxième question.
Deuxième question
En ce qui concerne les los-renten qui ont été dénoncés à la banque de Bruxelles votre commission a été d’avis qu’aucune mesure n’était à prendre et qu’on devait continuer à les recevoir en paiement du prix des domaines.
Leur inscription dans les écritures de la banque, leur insertion dans l’état par elle formé dans un temps non suspect, et surtout la circonstance qu’après la révolution on ne pouvait avoir aucun intérêt à grossir cet état ; cette absence d’intérêt résulte de ce qu’il était alors incertain si la Belgique consentirait à payer l’intérêt de ces los-renten, tandis qu’en les faisant dénoncer à Amsterdam, cet intérêt était assuré même à 5 p. c. Toutes ces circonstances, et l’absence de tout intérêt de fraude, donnent la garantie bien suffisante que les los-renten dénoncés à la banque de Bruxelles sont sortis des mains du syndicat, et sont entres en Belgique avant la révolution.
Ainsi il ne peut pas y avoir de difficulté à continuer à les admettre en paiement du prix des domaines.
Quant aux los-renten qui n’ont pas été dénoncés à Bruxelles, quant aux los-renten qui ont conservé leurs coupons, quelles sont les mesures à prendre pour se garantir de ceux au moyen desquels la Hollande peut encore venir épuiser le prix de nos domaines et en faire argent ?
Les mesures les plus légales, et en même temps les plus efficaces, sont celles que suggère le droit commun.
C’est sur celui qui réclame la dette que pèse la charge de la justifier ; c’est à celui qui présente en paiement le los-renten à justifier que la Belgique en doit le montant, et comme la Belgique n’en doit le montant que pour autant que le los-renten ait été mis en circulation avant la séparation, c’est au porteur à justifier que, par la mise en circulation avant cette époque, l’obligation a une origine antérieure à la révolution, c’est-à-dire, en un mot, à prouver la date certaine de l’obligation dont il réclame le paiement.
La Belgique est bien l’ayant-cause du gouvernement précédent en ce qui concerne la légalité de l’émission ; mais elle est personne-tierce en ce qui regarde la mise en circulation, la date où l’obligation a pris naissance.
Ainsi, en appliquant les principes du droit commun aux los-renten, il ne paraît pas douteux que le gouvernement belge est en droit de n’admettre en paiement des los-renten qu’alors qu’il est justifié que ces los-renten ont été mis en circulation avant la révolution.
Mais ici, des scrupules, dont le rapport vous rend compte, se sont élevés, et votre commission s’est arrêtée en présence d’une objection sérieuse.
Il ne faut pas se dissimuler que, sauf les hospices, les bureaux de bienfaisance et autres établissements publics qui pourraient facilement justifier, par leurs écritures, de la date certaine des los-renten qu’ils ont eu leur possession, cette justification serait difficile, pour ne pas dire impossible, à l’égard de tous autres.
Il faut donc reconnaître que, dans l’application de la mesure légale, on s’expose à repousser une créance légitime en l’absence de la preuve de sa date.
C’est là un inconvénient ; mais, pour éviter cet inconvénient, il faudrait admettre sans distinction tous les los-renten créés avant ou depuis la révolution ; il faudrait ainsi se résoudre à charger le trésor belge au profit de la puissance ennemie, d’une dette que ne doit pas la Belgique, et c’est là un inconvénient non moins grave.
En présence de ces deux inconvénients, que faut-il faire ? Votre commission a pensé devoir différer de se prononcer sur cette difficulté jusqu’à ce que le gouvernement, plus avantageusement placé pour en saisir toute la portée, puisse lui-même prendre l’initiative sur la mesure qu’il croira la plus convenable.
Elle s’est déterminée d’autant plus facilement à prendre ce parti, que le préjudice à redouter pourrait peut-être disparaître, du moins en grande partie, si la chambre adopte la disposition de l’addition qu’elle propose, qui tend à autoriser les acquéreurs à se libérer en numéraire.
Aujourd’hui les los-renten sont pour ainsi dire au pair, et par conséquent on peut croire que les acquéreurs, pouvant se libérer en numéraire, n’iront pas faire la dépense de faire acheter des los-renten en Hollande.
Sur ce point, le plus important de la difficulté, voilà la seule part que je puis prendre à la discussion en ma qualité de rapporteur.
Mais, en ma qualité de député, il m’est permis de manifester mon opinion, et je la manifesterai tout entière.
Ma conviction est que la Belgique n’userait que de son droit, et sans pouvoir être accusée de sortir du cercle de la légalité, en attachant à l’admission des los-renten la condition de la preuve qu’ils ont été mis en circulation avant la révolution.
A défaut de cette preuve, l’obligation reste incertaine, et je ne vois pas pourquoi, dans cet état d’incertitude sur l’existence réelle de la dette, c’est plutôt au trésor belge qu’aux personnes des los-renten à en supporter les inconvénients et tout le préjudice.
Si l’existence réelle d’une obligation ne peut être prouvée, ce n’est pas sur le débiteur, mais sur le créancier que doit retomber le préjudice résultant du défaut de preuve.
C’est à celui qui acquiert une créance à calculer toutes les chances de son acquisition ; et si, dans son fait, il y a légèreté ou imprudence, c’est à lui, et non à celui sur qui la créance est cédée, à en supporter toutes les conséquences.
Il est au surplus ici une circonstance qui me met parfaitement à l’aise sur l’emploi du moyen que je crois être le moyen légal, c’est qu’en laissant à la charge des porteurs des los-renten tout l’inconvénient de la mesure, je le laisse à la charge de celle des parties qui peut seule se garantir du préjudice.
Au taux que sont portés les los-renten, les porteurs peuvent les échanger contre du numéraire sans perte sensible, tandis que si le trésor s’en chargeait, il supporterait un préjudice irréparable en ce qui regarde les los-renten fabriqués en Hollande depuis la révolution.
J’appuierai donc toute proposition qui sera faite de ne plus admettre les los-renten non dénoncés, sans la preuve de leur mise en circulation avant la séparation de la Belgique de la Hollande.
Troisième question. Le gouvernement belge doit-il rembourser les los-renten dénoncés à Bruxelles ?
Cette question, pour le moment, ne demande pas à être discutée, puisque les porteurs de ces certificats ne persistent pas à en réclamer le remboursement.
Votre commission ne s’est occupée de cette question que pour présenter quelques considérations de nature à déterminer les porteurs de ces certificats à ne pas revenir sur leurs pas de ce chef.
Quatrième question. Le gouvernement doit-il les intérêts des los-renten dénoncés, et doit-il ces intérêts en numéraire ?
C’est dans cette question que se renfermait le projet du gouvernement, et votre commission a été d’avis qu’elle devait être résolue dans le sens de ce projet.
A part l’arrêté royal du 25 septembre 1830 qui, pour la Hollande, a reconnu le principe, il est certain que la dénonciation des los-renten, à l’époque de leur exigibilité, était une véritable mise en demeure, et qu’en conséquence, les intérêts légaux ont couru à leur profit de plein droit.
Quant au point de savoir si ces intérêts sont exigibles en numéraire, la réponse est également fort simple.
Les intérêts sont l’accessoire de la créance principale et doivent dès lors en partager la nature et le sort.
Ces intérêts seront donc bonifiés comme le principal même de la créance ; ils seront employés, comme le principal, en paiement du prix des domaines, et les porteurs n’en souffriront aucun préjudice puisqu’ils peuvent dès à présent réaliser ces intérêts.
La cinquième question se trouve résolue par les développements donnés sur la deuxième question.
Sixième question. Le gouvernement peut-il autoriser les acquéreurs des domaines à se libérer en numéraire ?
Cette question est celle qui a présenté le moins de difficultés dans le sein de votre commission.
On s’est étonné, en la discutant, que l’on soit resté si longtemps sous l’impression de la pensée qu’en autorisant les acquéreurs à se libérer en argent, on pouvait porter atteinte aux droits acquis par les preneurs des los-renten.
La condition des preneurs des los-renten et des acquéreurs était bien la même quant au droit de faire recevoir ces effets en paiement du prix des domaines ; mais les obligations que le gouvernement avait contractées envers les uns et les autres, n’en restaient pas moins très différentes.
Les obligations prises envers les preneurs des los-renten ont été déterminées par le plan de négociation du 29 juin 1824 ; celles prises envers les acquéreurs des domaines n’ont été déterminées que par l’arrêté du 16 octobre même année, contenant le cahier des charges de la vente.
Par le plan de négociation du 19 juin 1824, l’Etat n’a pris d’autre engagement envers les preneurs des los-renten que de recevoir ces effets au pair en paiement du prix des douzaines qui seraient ultérieurement mis en vente ; il ne s’est pas obligé envers eux à ne recevoir ce prix qu’en los-renten, et, sans doute, s’engager à recevoir les los-renten en paiement du prix des domaines, ce n’était pas s’interdire le droit concurremment tout autre mode de paiement,
Les preneurs des los-renten ne peuvent pas même se prévaloir qu’en l’absence d’une semblable stipulation dans le plan de négociation, ils ont dû compter que tout autre mode de paiement serait interdit, puisqu’à cette époque les conditions de vente n’étaient point encore connues et que toute l’opération de la négociation était entièrement consommée avant que l’arrêté royal réglât et publiât ces conditions.
Si donc ils n’ont souscrit au plan de négociation que dans la prévision que les los-renten seraient exclusivement admis en paiement du prix des domaines, ils ont agi avec imprudence, et dès lors ils ne sont pas recevables à se plaindre des conséquences préjudiciables qui peuvent en résulter pour eux.
Quant aux acquéreurs des domaines, le plan de négociation des los-renten leur est étranger, leurs droits et leurs obligations sont déterminés par le cahier des charges que l’arrêté royal du 16 octobre 1824 a formulé et auquel les actes d’adjudication sont conformes.
Là il a été stipulé que les acquéreurs ne pourraient payer qu’en los-renten.
Cette stipulation était onéreuse aux acquéreurs puisqu’elle les privait d’un droit que leur conférait la nature de la convention, celui de pouvoir se libérer en argent, stipulation d’autant plus onéreuse que si les los-renten eussent dépassé le pair, l’excédant était une perte réelle pour eux.
Cette stipulation était à la vérité favorable aux porteurs des los-renten, et notamment au syndicat qui en tenait la plus forte partie dans ses caisses ; mais ce n’était là qu’une faveur et non une obligation.
En l’absence de cette stipulation, il n’est pas douteux que les acquéreurs des domaines eussent le droit de se libérer en argent ; cette stipulation était donc faite en faveur des vendeurs, et comme il est de principe que le vendeur peut toujours se relâcher des stipulations du contrat lorsqu’il s’agit de rendre meilleures les conditions de l’acquéreur, il n’est pas douteux que le gouvernement puisse sans contrevenir à la loi du contrat, autoriser les acquéreurs à se libérer à leur gré, soit en los-renten, soit en numéraire.
M. Verdussen. - On a déjà dit que plusieurs membres nouvellement entres dans cette chambre étaient peu familiarisés avec cette matière qui n’est déjà pas trop lucide pour ceux qui l’ont étudiée : je pense qu’il ne serait pas sans utilité de laisser à ces membres le temps de la méditer. Des hommes de la plus grande capacité se sont trompés sur cette matière ; une commission même peut se tromper ; j’en trouve la preuve dans le premier rapport qui a été fait par la commission des finances antérieure. Cette commission est tombée dans les plus grandes méprises sur la question des los-renten.
L’honorable M. de Foere vient de vous dire qu’il s’opposait au projet de loi purement et simplement. Il n’a pas senti qu’il mettait dans une fâcheuse position les détenteurs belges ou présumés belges, par la dénonciation de leurs certificats ; qu’il les mettait dans une position plus fâcheuse que les détenteurs qui n’ont pas fait de dénonciation à Bruxelles, qui l’ont faite en Hollande, ou qui n’en ont pas fait du tout.
Messieurs, si M. l’abbé de Foere avait dit : Je veux que dorénavant on ne reçoive plus en paiement du prix des domaines vendus des los-renten quelconques, je concevrais que son opinion pût être soutenue ; mais il se borne à dire : Je rejette la loi, sans dire comment se fera le paiement du reste du prix des domaines vendus.
Resterait la question de savoir s’il y a justice ou injustice à agir ainsi, s’il n’y aurait pas violation du contrat. Je ferai observer qu’en laissant les choses telles qu’elles sont par le rejet pur et simple de la loi, la condition des détenteurs des los-renten dénoncés en Belgique est pire que celle des détenteurs qui ont fait leur dénonciation à Amsterdam ou qui n’en ont pas fait.
Ceux qui ont fait leur dénonciation à Amsterdam ont reçu, depuis cette dénonciation et depuis que les circonstances n’ont plus permis le remboursement comme la Hollande en avait pris l’engagement, ceux-là, dis-je, ont reçu 5 p. c., et ceux qui n’ont fait aucune dénonciation, ont continué à recevoir 2 1/2 p c., et je crois que ces derniers ont encore la possibilité de faire leur dénonciation, non pour recevoir le paiement intégral du capital, mais pour jouir de l’intérêt de 5 p. c. au lieu de 2 1/2.
M. de Foere, en rejetant purement et simplement le projet présenté et auquel j’adhère de toutes mes forces, place, je le répète, les détenteurs belges dans la plus fâcheuse position. Ils n’ont pas reçu l’intérêt de leur certificat en Hollande, parce qu’ils présentaient un titre marqué de l’estampille belge.
On les repoussait comme présumés belges, on leur disait : Vous appartenez à une nation qui est en révolution contre nous, nous ne reconnaissons pas vos titres ; adressez-vous à la Belgique. Revenus au gouvernement belge, on leur a dit : Nous ne devons rien, la Belgique ne doit pas payer la dette de la Hollande ; et encore moins la dette du syndicat. De sorte qu’ils ont été repoussés par la Hollande comme Belges, et par le gouvernement belge comme créanciers de la Hollande. C’est une position extrêmement fâcheuse.
Il faut remarquer que c’est à la demande de plusieurs détenteurs qu’un livre s’ouvrit à Bruxelles pour recevoir les dénonciations, tandis que la première dénonciation était ouverte à Amsterdam. Il est tout simple de présumer que ceux qui ont fait leur déclaration à Bruxelles, sont détenteurs belges, et cependant c’est contre ceux-là que M. l’abbé de Foere se prononce, en rejetant le projet. Car que propose le projet ? D’admettre leurs titres, comme les titres hollandais, à valoir en paiement des domaines de la Belgique vendus par le syndicat.
J’ai cru devoir faire ces observations, dans la crainte que l’opinion du député de Thielt ne fît impression sur vos esprits.
M. de Foere. - L’honorable préopinant a fondé son discours sur ce que je n’ai pas fait de distinction entre les los-renten dénoncés en Belgique et ceux dénoncés à Amsterdam.
Tout son discours tombe en ruine en présence du principe général que j’ai énoncé, et sur lequel j’ai fondé mon opinion ; car j’ai dit que le syndicat avait reçu les fonds pour rembourser les los-renten et payer les intérêts, et qu’on ne devait recevoir ni les los-renten dénoncés à Amsterdam, ni ceux dénoncés à Bruxelles. Je les plaçais les uns et les autres dans la même catégorie, parce que la dénonciation, qu’elle soit faite à Amsterdam ou à Bruxelles, n’est jamais qu’une forme d’administration qui n’attaque pas le fond de la question.
Je le répète, j’ai énoncé un principe général. J’en avais même parlé à l’honorable préopinant, et j’ai conclu que la Belgique ne devait ni recevoir les los-renten, ni en payer les intérêts.
M. Fallon, rapporteur. - Il est évident que l’honorable préopinant est dans l’erreur sur la nature du syndicat d’amortissement. M. l’abbé de Foere voudrait faire une distinction entre les obligations du syndicat et les obligations de l’ancien royaume des Pays-Bas.
Je regrette que l’honorable membre n’ait pas assisté aux discussions relatives aux relations de la banque avec le trésor, car cette question y a été longuement discutée et résolue d’une manière claire. Il a été reconnu que la commission du syndicat était une succursale du trésor des Pays-Bas, et que les obligations que prenait le syndicat étaient pour le compte du gouvernement, et que si le syndicat ne satisfaisait pas à ses engagements, le gouvernement devait y pourvoir.
Jetez un coup d’œil sur l’organisation du syndicat, et vous verrez que des obligations lui étaient imposées, moyennant certaines recettes telles que celles des barrières et autres. Le syndicat faisait pour la Hollande ce que la banque fait pour la Belgique. Il recevait et payait pour le compte du trésor public.
Voici ce que porte l’article 4 :
« Le syndicat d’amortissement sera tenu de satisfaire aux obligations suivantes :
« A. De payer au trésor pour l’année 1823, et ensuite annuellement, une indemnité de 190,000 florins, somme à laquelle est évalué le revenu net des domaines cédés par la loi du 25 mai 1816 à notre bien aimé fils, le prince Frédéric des Pays-Bas.
« B. De faire les avances nécessaires pour suppléer aux revenus des grandes communications.
« C. De satisfaire toutes les obligations imposées aux domaines.
« D. De fournir au trésor, dans le cours de 5 années à partir de 1823 une somme de 30 millions assignés comme suit :
« 1° Pour l’achèvement des grandes communications ;
« 2° Pour couvrir le déficit sur la liquidation générale ;
« 3° Pour la construction extraordinaire des vaisseaux ;
« 4° Pour suppléer aux fonds des fortifications ;
« 5° Pour couvrir le déficit de 1822.
« Art. 7. Afin de pouvoir se procurer les sommes nécessaires pour les paiements dont il est fait mention en l’article 4, le syndicat d’amortissement est… »
Ensuite suit l’énumération des diverses recettes confiées au syndicat d’amortissement.
Dans l’opinion de M. de Foere, si le syndicat eût fait de mauvaises affaires, le déficit de 1822, par exemple, n’eût pas dû être payé par le gouvernement ; le gouvernement ne devait pas satisfaire aux obligations contractées par le syndicat. Ce système n’est pas admissible. Il est incontestable que les obligations contractées par le syndicat d’amortissement formaient une dette réelle du royaume des Pays-Bas.
M. Verdussen. - Je dois une réponse à l’honorable abbé de Foere.
Il semblerait que j’ai été déloyal en le combattant : il est vrai que cet honorable membre m’avait entretenu de son opinion ; mais je ne pouvais que répondre à ses paroles et non à son silence.
Il ne s’était pas expliqué d’abord comme il vient de le faire, et on pourrait donner à ses paroles un sens contraire à sa pensée, ce qui ne serait pas arrivé s’il avait commencé par dire nettement qu’il ne voulait qu’on reçût ni les los-renten dénoncés en Hollande ni ceux dénoncés en Belgique, ni ceux qui n’auraient pas été dénoncés du tout.
Au reste, nous aurons tantôt une longue discussion, à propos d’un amendement déposé, sur la question de savoir si véritablement on peut exiger des acquéreurs des domaines de la Belgique de payer en écus, et si on ne doit pas leur laisser la faculté de se libérer en los-renten ou en écus.
Il ne m’appartient pas de supposer la pensée de M. de Foere, mais j’ai pu la combattre telle qu’il l’a énoncée.
M. de Foere. - Je n’ai pas entendu attaquer l’opinion de l’honorable préopinant en disant que j’étais surpris qu’il fondât son discours sur une opinion que je lui avais communiquée ; on peut manifester de l’étonnement sans pour cela douter de la loyauté de quelqu’un.
A l’égard de l’opinion défendue par M. Fallon, je soutiendrai encore que la dette de la caisse d’amortissement n’est pas une dette de l’Etat, que c’est une dette privée, car les fonds ont été faits pour les los-renten ; c’est au syndicat à payer ceux qui ont dénoncé comme ceux qui n’ont pas fait de dénonciation, afin d’avoir des los-renten. La dénonciation n’est qu’une simple formalité administrative.
M. Jadot. - Il est vrai que le syndicat d’amortissement travaille pour le compte de l’Etat mais à charge de rendre compte ; vous ne pouvez donc pas reconnaître sa dette comme dette de l’Etat avant qu’il ait rendu compte des 75 millions qu’il a reçus. Nous ne pouvons pas nous charger de rembourser 75 millions dont nous ne connaissons pas l’emploi.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Dès mon entrée au ministère je me suis occupé des los-renten. Cette grave question, agitée à tant de reprises dans le sein de la chambre, devait nécessairement attirer toute mon attention.
J’ai déploré avec vous tous, messieurs, que le paiement de nos belles forêts servît aux armements de notre ennemi ; et je me suis enquis du point de savoir si l’on ne pouvait pas se dégager de cette malheureuse obligation.
La question a été examinée par des jurisconsultes distingués ; et tous ont pensé que le pouvoir exécutif était tenu de continuer à subir cette triste nécessité de recevoir comme numéraire les obligations los-renten, quoique achetées à Amsterdam.
De nombreuses pétitions avaient été déposées sur le bureau de la chambre des représentants par des détenteurs de los-renten, dont la dénonciation pour le remboursement avait eu lieu à Bruxelles avant la révolution, et qui, par là, avaient une date certaine.
Il ne m’a pas été difficile de me convaincre, en examinant leur réclamation, que les propriétaires belges, ainsi que l’ont démontre d’honorables préopinants, se trouvaient dans une position plus désavantageuse que les détenteurs de los-renten hollandais, par la raison qu’ils ne pouvaient pas toucher les intérêts de leurs obligations, à cause de leur caractère spécial de nationalité belge qui faisait refuser le paiement de ces intérêts à Amsterdam, tandis que les Hollandais touchaient ces mêmes intérêts, portés, comme vous le savez de 2 1/2 à 5 p. c., ensuite de l’avis du syndicat d’amortissement, à défaut de remboursement du capital à l’échéance déterminée par le contrat.
Il fallait en toute loyauté apporter un remède à la position fâcheuse des détenteurs de los-renten déclarés à Bruxelles. Le projet de loi a pour but de rendre cette position moins pénible.
La mesure que nous vous proposons aura pour effet de faire rentrer le restant des obligations qui ont été dénoncées à Bruxelles, parce que les porteurs de ces obligations seront intéressés à s’en défaire le plus tôt possible, pour pouvoir toucher les intérêts arriérés depuis cinq années, qui courent sur le capital des obligations, et ainsi l’on aura fait droit aux justes réclamations que je viens de rappeler.
Je crois que le gouvernement aura, outre l’adoption de l’acte de justice que consacre le projet de loi, à s’applaudir d’avoir présenté ce projet ; il résultera de cette discussion et de l’examen consciencieux fait par la section centrale qu’un doute sera levé, à savoir que le gouvernement peut accepter du numéraire en paiement de nos beaux domaines, au lieu de los-renten, valeur morte pour les caisses de l’Etat.
Quand nous serons à l’article 3, je me rallierai à la disposition qu’il renferme, car je pense maintenant avec la commission, qu’il ne nous est aucunement interdit en bonne foi, ni en droit, d’accepter des écus au lieu de papier.
Ainsi, messieurs, nous sera offerte la possibilité de stipuler dans nos transactions avec des acquéreurs poursuivis en déchéance qu’ils pourront en être relevés s’ils veulent verser du numéraire au trésor belge au lieu de los-renten.
Un autre point très important que la discussion a mise au jour, c’est celui relatif à l’incertitude de la mise en circulation des los-renten. Il y aurait duperie de la part de la Belgique de risquer de payer les obligations émises depuis notre séparation d’avec la Hollande, c’est-à-dire des obligations contractées par la Hollande seule, et à l’acquittement desquelles la Belgique viendrait concourir.
Je crois que ce sera désormais un devoir pour le gouvernement, après cette discussion, de s’assurer avant tout, par tous les moyens légaux qui pourront être exigés des intéressés, que la date de la mise en circulation des obligations qu’ils présenteront est antérieure à la révolution. En l’absence de cette preuve le trésor belge devra se refuser, aujourd’hui que la question est bien éclaircie, à n’accepter aucune obligation los-renten autre que celles dénoncées à Bruxelles.
Je ne me hasarderai pas à toucher la partie historique de la création des los-renten, ni les points de droit qui en découlent : le discours très lumineux que vient de prononcer M. le rapporteur, ajouté au rapport de la section centrale, m’en dispense : je ne pourrais qu’obscurcir une matière qui a été si habilement traitée par l’honorable M. Fallon. Chacun de vous pourra maintenant émettre en pleine connaissance de cause un vote sur la question.
Un honorable député a émis tout à l’heure le doute si le gouvernement n’avait jamais considéré comme facultatif le paiement des domaines en numéraire ou en los-renten.
Je dois déclarer que jamais l’administration n’a reconnu cette faculté, et que jamais les domaines n’ont été payés malheureusement autrement qu’en los-renten. Ce qui a pu induire M. Pirmez en erreur, ce sont des cas spéciaux pour lesquels l’administration, en vertu de jugements de collocation, a été autorisée à toucher du numéraire ; par exemple, il est arrivé que dans une association d’acquéreurs de domaines nationaux, quand un des associés ne remplissait pas ses conditions, la déchéance pouvait s’en suivre, alors les acquéreurs consignaient la somme à payer par celui en retard, afin d’éviter la dépossession prévue par les clauses de l’adjudication et ensuite par un jugement de collocation, l’administration des domaines était en demeure de toucher le numéraire consigné.
Ces jugements, qui se réduisent à trois ou quatre, n’ont pas produit des sommes considérables.
Je pense qu’il n’est pas opportun de s’occuper en ce moment de l’amendement de M. Zoude ; cet amendement n’est pas d’ailleurs déposé sur le bureau ; si je l’ai bien compris, il tend à favoriser, par rapport à la disposition relative au paiement facultatif en numéraire, les acquéreurs de domaines.
L’auteur de l’amendement est d’avis qu’il y aurait justice à ne pas placer ceux-ci dans la position de solder leurs acquisitions à raison du pair, alors que nous voyons le cours des los-renten cotés aujourd’hui à raison de 98 (103 avec les intérêts calculés à 5 p. c.). La chambre verra, lorsque nous serons arrivés à l’amendement dont s’agit, déjà fortement combattu par M. Legrelle, s’il y aurait équité de l’admettre.
Dans un des discours prononcés aujourd’hui, on a paru faire un reproche à l’administration de ce qu’elle obligeait rigoureusement les acquéreurs de domaines à verser le prix de vente, ce qui ne donnait cependant au trésor que des papiers improductifs à la Belgique.
Je dirai que, depuis que je suis au ministère (et je pense que mes prédécesseurs ont agi de même), je dirai que j’ai facilement accordé des délais, et que, si des poursuites ont été intentées, ce n’était pas pour obtenir du papier, mais pour obtenir la déchéance ; c’était pour que le domaine rentrât dans la propriété du bien vendu. Je n’ai jamais cru qu’il fût utile d’être rigoureux pour faire rentrer les los-renten, dont nous sommes en quelque sorte dupes.
M. Gendebien. - Je me serais abstenu de prendre la parole, si l’on n’avait pas prononcé le nom de gouvernement provisoire. Je dois dire dans quelles circonstances nous nous sommes trouvés au commencement de la révolution.
Les los-renten ont été, j’ose le dire, l’objet des premières pensées du gouvernement provisoire. Les Hollandais sont partis à Bruxelles, le 27 septembre à 4 heures du matin ; et le même jour à 8 ou 9 heures du matin, c’est-à-dire 4 ou 5 heures après leur départ, le gouvernement provisoire s’est occupé de la question relative aux los-renten.
Dans notre gros bon sens, il nous semblait qu’il y avait nécessité de prendre une mesure, et que la plus convenable était de faire estampiller les los-renten.
Ce qui nous a arrêtés dans l’exécution de cette mesure que j’ai toutefois considérée et que je regarde encore comme seule efficace, ce sont les avis qu’on nous donnait. On disait que la Belgique était encore occupée en grande partie par les Hollandais, qu’elle serait libérée probablement avant peu ; que la mesure ne serait pas générale, si on la prenait pendant l’occupation momentanée de quelques-unes des villes par l’ennemi ; que par conséquent on pourrait être dans le cas de nuire à ceux qui étaient encore sous le joug hollandais.
Prenez garde de plus que le gouvernement hollandais, instruit de votre mesure, jettera des quantités considérables de los-renten dans le pays non encore évacué ; à Anvers, par exemple, ville de commerce et de bourse, on jettera sur la place grand nombre de los-renten ; vous serez obligés de les admettre tous si vous ne voulez être injustes envers les détenteurs de bonne foi.
Plus tard d’autres motifs ont été allégués : la Belgique, disait-on, était désintéressée, puisque la liquidation avec la Hollande devait établir une balance et une restitution du prix de nos domaines.
Ces raisons ne nous paraissaient pas des meilleures ; mais étant étrangers aux questions de finances, nous nous en sommes référés à l’avis de toutes les personnes qui passaient pour avoir des connaissances spéciales en matière commerciale et en finances : MM. Coghen, Meeus, gouverneur de la banque, et Ch. de Brouckere, nous disaient qu’il n’y avait pas de mesure à prendre ; que toute mesure était inutile et même dangereuse soit en ce qui concernait le paiement en numéraire, soit en ce qui concernait l’estampille, parce que la liquidation entre la Belgique et la Hollande égaliserait tout.
Dans la position que la nation belge avait prise vis-à-vis de la Hollande, nous pouvions accepter ce motif, parce que nous étions bien convaincus du pouvoir et de la volonté de la nation de ne pas abdiquer ses droits envers la Hollande. Nous étions convaincus que nous amènerions la Hollande à une liquidation équitable. Depuis lors, grâce à la diplomatie, nous avons pris une telle attitude que nous devons être persuadés que ce que nous ne tenons pas nous ne l’aurons jamais. (On rit.)
Ces los-renten, et les questions qu’ils ont soulevées, ont toujours pesé sur nous comme un cauchemar ; mes collègues et moi, nous n’avons pas osé prendre des mesures, parce que nous avons cru devoir nous en rapporter à des hommes instruits dans la partie qui se sont toujours opposés à toute espèce de mesure.
Nous avons aujourd’hui à nous prononcer sur le projet présenté ou sur la mesure relative aux los-renten ; à part les questions de droit, je crois qu’il est de toute équité, de toute justice, d’exécuter les obligations contractées en temps non suspect envers des Belges, c’est-à-dire à l’égard des los-renten dénoncés. J’adopte le projet en principe, sauf à discuter les détails.
Quant aux los-renten non dénoncés, j’avoue que je persiste à croire, comme il y a cinq ans, qu’il est nécessaire de prendre des précautions. La mesure que l’on prendra ne sera sans doute pas si efficace que celle qu’on aurait pu adopter dans les premiers jours de la révolution ; quoi qu’il en soit, il faut prendre un parti prompt et efficace ; mais la mesure doit être dans la loi. Il ne suffit pas que le gouvernement prenne ici l’engagement de suivre telle ou telle règle ; il faut que la règle soit imposée par la législature.
Celle que présente M. Fallon me paraît bonne quoique incomplète. Le gouvernement, dans son intérêt, doit désirer que la législature lui trace des règles, afin de ne pas s’exposer à être accusée d’agir libéralement envers les uns et trop rigoureusement envers les autres. Le ministre est à l’abri de tout reproche, s’il ne fait qu’exécuter une loi. Je suis trop ignorant dans la matière pour présenter un amendement. Je me bornerai à peser et à appuyer les propositions qui me paraîtront les plus convenables. Je les appelle de tous mes vœux.
M. Coghen - Je ne comptais pas, non plus, prendre la parole, mais comme on vient de rappeler des faits auxquels j’ai pris part, je crois devoir donner quelques éclaircissements.
Comme l’a dit M. Gendebien le premier soin du gouvernement provisoire a été de chercher un moyen de sauver le prix de nos belles forêts vendues par les Hollandais ; mais n’ayant pas assez de connaissances en droit, j’ai réuni tous les jurisconsultes qui avaient le plus de célébrité en Belgique pour leur soumettre la question : d’une voix unanime ils ont dit qu’il n’était pas permis de toucher aux droits des tiers et que le gouvernement provisoire ne pouvait détruire des contrats.
Au congrès la question a été de nouveau agitée ; elle fut encore soumise à des jurisconsultes et on obtint la même solution.
Quand le Roi me fit l’honneur de m’appeler pour la deuxième fois au département des finances, j’ai encore recherché les moyens de sauver vingt millions qui restaient à payer ; les mêmes embarras, les mêmes scrupules m’ont empêché de prendre une mesure quelconque.
La proposition faite actuellement par le gouvernement est une proposition d’équité : il est juste que nous payions les los-renten dénoncés à Bruxelles comme vous avez trouvé juste de payer les intérêts des cautionnements et les pensionnaires de la caisse des retraites quoique ces fonds soient encore en Hollande.
On aurait pu faire pour les los-renten comme pour les autres créances sur l’Etat. Cependant je donne mon appui au projet.
J’appuierai aussi l’amendement tendant à autoriser le paiement en espèces, parce que je sus assuré que de cette manière l’intérêt de la Belgique ne sera pas compromis.
M. le président. - Voici l’amendement que M. Jadot vient de déposer sur le bureau. Il a pour but d’autoriser le trésor à ne recevoir que du numéraire et pas de los-renten.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - La proposition que l’honorable M. Jadot vient de déposer sur le bureau n’est pas un amendement ; c’est une loi nouvelle que l’on substituerait à celle que le gouvernement a présentée. Il est fâcheux que cette proposition, dont la portée est si grande, n’ait pas pu être examinée dans les sections et par la section centrale.
On veut repousser également tous les los-renten et ne recevoir que du numéraire. Je n’entrerai pas dans l’examen du fond de la question que l’on soulève, parce qu’il me paraît que tout ce qui a été dit relativement à la loyauté nationale, repousse victorieusement d’avance cette proposition : elle serait une infraction à un contrat qui lie la Belgique, car la Belgique est liée pour sa part dans la dette contractée pendant sa réunion à la Hollande.
J’avais demandé la parole, non pour combattre les amendements que je ne connaissais pas encore, mais pour exprimer mon opinion sur le désir manifesté par M. Gendebien.
Cet honorable membre voudrait qu’une proposition conçue dans le sens indiqué par M. Fallon pût être formulée dans la loi. Je dois déclarer franchement, en présence de cette assemblée, en présence de la nation que, d’après le rapport de la commission, je regarderai comme une obligation sacrée d’exiger dorénavant des propriétaires qu’ils justifient de la date certaine de la mise en circulation, avant la révolution, des obligations qu’ils présenteront en paiement de leurs acquisitions.
Ainsi, que cette disposition soit introduite dans la loi ou qu’elle n’y soit pas introduite, je ferai justifier, dans l’intérêt de mon pays, aussi longtemps que je serai ministre des finances, de cette date de la mise en circulation. Cependant, comme l’a fait observer M. Gendebien, ma position serait des plus délicates, car il n’y aurait aucune règle fixe relativement à cette justification ; les moyens justificatifs ne seraient pas les mêmes dans tous les cas et on pourrait dire que le ministre a été plus facile avec tel qu’avec tel autre ; j’ai donc intérêt à ce que la disposition soit formulée dans la loi elle-même, et si la chambre jugeait à propos de renvoyer à la section centrale la rédaction d’une pareille disposition en lui adjoignant la commission qui lui a déjà été adjointe, je me rendrais volontiers dans son sein pour coopérer à cette rédaction.
M. Jadot. - Je crois, messieurs, que l’on peut aussi bien proposer une disposition qui amende la loi entière qu’une disposition qui amende un article.
M. le ministre dit qu’il se propose de faire justifier la date certaine des los-renten ; mais c’est une chose impossible ; toutes les obligations los-renten portent la même date, elles ont été signées toutes le même jour ; on en émettrait encore pour 30 millions qu’elles porteraient encore la date du 30 août 1824 ou 1826… Je ne sais comment on pourrait faire pour connaître la date de leur mise en circulation.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable M. Jadot confond deux choses bien différentes. Il ne s’agit pas de la date des obligations, mais de l’époque de leur mise en circulation.
Pour moi, je ne puis croire qu’un gouvernement quel qu’il soit, ait à fabriquer de la fausse monnaie, car ce serait vraiment de la fausse monnaie qu’aurait faite le gouvernement hollandais, s’il avait fait des obligations des los-renten depuis la révolution ; il nous aurait fait payer des sommes que nous ne sommes pas tenus de payer. Je ne puis croire qu’il en soit ainsi.
Cependant, dans le doute, surtout en présence de l’incertitude du moment où la liquidation peut être faite en Hollande, il importe de prendre des précautions pour s’assurer, non de la date des obligations, mais de l’époque de leur mise en circulation ; ce qui fait une différence notable.
M. Jadot. - Je ferai remarquer à M. le ministre des finances que le syndicat a fabriqué toutes les obligations de los-renten le même jour, et qu’il les émet, le jour où il les rend, le jour où on va les acheter.
Ces obligations sont émises à 99 pour cent ; car j’ai appris hier, que si elles ne sont plus cotées à la bourse d’Amsterdam, c’est que le prix en est fixé ; on va les chercher comme on va chercher chez le boulanger un pain d’un sol ; on apporte 99 florins de numéraire, et on reçoit cent florins en papier.
M. Dumortier. - Il y a longtemps que j’ai eu l’honneur d’appeler l’attention de la chambre sur la question des los-renten. J’ai toujours pensé qu’il fallait prendre à cet égard, non des mesures résultant de consultations d’avocats, mais des mesures gouvernementales pour empêcher que le produit de nos immenses forêts ne devienne la proie du gouvernement hollandais, pour empêcher qu’une nation en guerre avec la Belgique, ne puise ici des ressources pour faire la guerre à la Belgique. Je n’ai jamais pensé que ce fût là une question d’avocats, mais une question d’Etat, une question d’existence pour la Belgique ; et je me suis dit depuis longtemps que si la Belgique avait attendu l’avis des avocats pour faire la révolution, la révolution serait encore à faire : c’est par l’épée qu’on fait les révolutions ; il est des questions que l’on doit trancher de la même manière.
Je suis heureux de voir que cette opinion a maintenant beaucoup d’écho dans cette chambre ; il est fâcheux qu’elle n’en ait pas eu plus tôt ; cela aurait empêché la Hollande de puiser 20 millions dans le pays, depuis la révolution. Mais un vieux proverbe dit : « Mieux vaut tard que jamais. » Hâtons-nous donc de prendre des mesures pour empêcher que la Hollande ne prélève encore dans nos caisses publiques de l’argent pour nous faire la guerre.
Il est bon que chacun sache comment les choses se passent aujourd’hui relativement au paiement de nos domaines. Qui le croirait ? quand un acquéreur de forêts doit en payer le prix, quel moyen emploie-t-il ? il envoie les fonds à Amsterdam et reçoit du roi Guillaume un bon nommé los-renten pour payer à Bruxelles le prix de son achat. Ce bon est reçu dans nos caisses et c’est ainsi que le roi Guillaume met notre argent dans sa poche et nous donne un morceau de papier en échange. (Rires d’adhésion.) Voilà, messieurs, comment les choses se passent ; la Belgique a eu la longanimité de souffrir cela depuis 5 ans. C’est une chose pitoyable que depuis 5 ans le gouvernement n’ait pas pris une mesure vigoureuse pour faire cesser un pareil état de choses.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il y a un an que le projet de loi relatif aux los-renten a été présenté à la chambre.
M. Dumortier. - Il y a un an, cela est vrai ; mais il y a 2 ou 3 ans que j’ai dit qu’il fallait trancher dans le vif et ne plus recevoir de los-renten, et j’ai toujours rencontré à cet égard de l’opposition dans le gouvernement.
Maintenant la question des los-renten nous est soumise ; il importe que chacun se pénètre de ce que c’est que les domaines los-renten ; je n’en ferai pas l’historique, le rapport en dit assez sur ce point ; mais il importe que l’on sache que les obligations des domaines los-renten étaient originairement toutes obligations au porteur comme sont par exemple les billets de banque, les billets d’emprunts et autres.
Dans l’état actuel, il importe encore de remarquer que les obligations de domaines los-renten sont de 3 catégories.
La première : Ceux qui sont restés au porteur et qui se sont transmis de la main à la main comme des billets de banque ; c’est là la grande quantité, et la majeure partie des paiements s’effectuent en los-renten de cette catégorie.
La seconde : Ceux qui ont été inscrits à Bruxelles avant le 1er octobre 1830 et pour lesquels il y a, non pas certitude, mais au moins présomption qu’ils appartiennent à des Belges.
La troisième : Ceux inscrits à Amsterdam, pour lesquels il y a présomption qu’ils appartiennent à des Hollandais.
Voyons d’abord les los-renten inscrits à Bruxelles et à Amsterdam.
De même que vous admettez qu’il est probable que les los-renten inscrits à Bruxelles appartenaient à des Belges, nous devons admettre qu’il est probable que ceux inscrits à Amsterdam appartiennent à des Hollandais ; c’est une conséquence du principe qui a été admis relativement à la dette publique ; la partie de la dette publique dite by-boek qui avait été inscrite à Bruxelles a été présumée appartenir à des Belges, et le trésor belge en dessert les intérêts. La partie de la même dette inscrite à Amsterdam a été déclarée au contraire appartenir à des Hollandais, et le trésor hollandais en dessert les intérêts. Il doit en être de même pour les los-renten. Il y a des deux côtés parité de motifs.
On aurait donc dû en agir de même et refuser de reconnaître les los-renten non dénonces en Belgique. Voilà ce qu’on aurait dû faire depuis longtemps. Les los-renten constituent une partie de la dette publique du royaume des Pays-Bas ; les règles qui ont été suivies pour une autre partie de la dette doivent être suivies pour celle-ci. Je ferai une proposition dans ce but.
Viennent maintenant les los-renten au porteur, qui sont, ainsi que je l’ai dit, une espèce de papier-monnaie bien utile au roi Guillaume ; car toutes les fois qu’il a besoin d’argent, il émet ainsi des traites sur nous ; ce qui est un moyen infiniment commode de se procurer des fonds pour nous faire la guerre. Ce papier à la main, on se présente à nos caisses publiques, et comme on ne peut savoir si ces obligations ont été émises en faveur de A, de B ou de C, on les acquitte. Or c’est précisément pour cela qu’on devrait les repousser et que nous devons empêcher qu’il en soit ainsi désormais. Car nos domaines ne doivent être payables qu’avec un papier du pays et non avec des bons émis chaque jour par notre ennemi.
Maintenant il faut considérer la position des acquéreurs de biens domaniaux ; ils avaient, en acquérant, contracté l’obligation de payer en los-renten. Mais le roi Guillaume qui avait signé beaucoup de los-renten, n’en avait pas beaucoup émis ; il en augmentait ainsi la valeur à son gré ; et comme les acquéreurs devaient payer en los-renten, le taux de ces obligations eût été bientôt plus élevé que le pair ; c’est ce qui serait nécessairement arrivé sans la révolution ; aussi les acquéreurs de biens domaniaux considéraient-ils avec raison comme très désavantageuse pour eux l’obligation de payer en los-renten ; et ils auraient été heureux d’avoir la perspective de se procurer ces obligations au pair.
Mais à cet égard, voulez-vous éviter toute objection ? Décidez que vous recevrez des acquéreurs de biens domaniaux 98 pour cent en numéraire ; la Belgique y perdra 2 pour cent sur ce qu’ils doivent à l’Etat ; mais aucune objection ne sera plus possible, il faudra nécessairement que chacun soit satisfait d’une pareille mesure. Mais cette mesure, elle est indispensable, car le projet de loi présenté n’est pas du tout suffisant.
Ce projet de loi suppose que lorsque l’on aura admis les los-renten dénoncés à Bruxelles avec l’intérêt de 5 p. c. d’une part, et que d’une autre on aura autorisé le paiement en numéraire au pair, le roi Guillaume ne viendra plus prélever le montant de nos domaines.
Mais cela suppose bien peu de connaissance des opérations financières. Le lendemain du jour où vous aurez fait votre loi, que fera le roi Guillaume pour en anéantir l’effet ? Il vendra ses los-renten à 90, 80, 70 ou même moins, et par là continuera à recevoir le prix de nos domaines, car celui qui pourra acheter des los-renten à 70 ou 80, ne sera pas assez dupe pour payer au pair en numéraire. Voilà ce que fera le roi Guillaume, et il serait bien mal avisé de ne pas agir ainsi si vous ne savez pas mieux défendre les intérêts de votre trésor public. Le projet que l’on vous présente est donc insuffisant.
Si vous voulez assurer au trésor public la recette de nos domaines, il n’y a qu’un seul moyen, c’est d’interdire les los-renten dénoncés à Amsterdam et ceux au porteur, et de n’admettre que ceux dénoncés en Belgique ou du numéraire. Tout autre système est une chimère et n’a mènera aucun résultat.
Or, vous pouvez d’autant plus facilement le faire que vous ne nuirez pas aux porteurs des los-renten non dénoncés à Bruxelles, s’il s’en trouve dans ce pays, et qui peuvent toujours les faire passer en Hollande, comme ils y feraient passer les coupons de la dette active ou des billets de la banque d’Amsterdam.
On propose d’augmenter les intérêts et de les porter à 5 pour cent ; mais cette perte de 2 1/2 pour cent est inutile dans le système que je présente, car il n’y aura plus concurrence entre les los-renten de la Belgique et ceux de la Hollande. D’ailleurs, les los-renten, lorsqu’ils ont été émis, l’ont été avec un intérêt de 2 1/2 ; ce n’est qu’après la révolution que le taux de l’intérêt a été porté à 5, sur l’avis du syndicat ; or un avis du syndicat ne fait pas loi pour la Belgique.
Je crois en avoir dit assez pour justifier la proposition que je vais déposer sur le bureau. Il est temps que nous prenions des mesures pour empêcher le roi Guillaume de s’emparer du produit de nos forêts et de faire de la poudre avec notre argent. (Rires d’approbation.) Qu’il voie que si nous avons été bons quelque temps, nous ne voulons pas être dupes. Il est incontestable que si vous ne prenez pas des mesures, le produit entier du domaine sera perdu pour jamais.
On vous a parlé d’une négociation à intervenir ; on vous a dit : « Une négociation interviendra, payez les los-renten ; ce qui aura été payé par la Belgique lui sera porté en compte. » Mais est-il possible de dire de pareilles choses ! Ignorons-nous que les opérations du syndicat aboutiront non à un boni mais à un mali ?
Le roi Guillaume le sait bien, car dans ses propositions à la conférence il a toujours entendu que la Belgique entre dans le boni et dans le mali, tandis que, d’après le traite des 24 articles, nous devons entrer dans le boni et non dans le mali. Pourquoi le roi Guillaume a-t-il tant insisté pour que la Belgique entre dans le mali ? Parce qu’évidemment il y aura un mali.
Voici la proposition que je dépose sur le bureau :
« Art. 1er. Les rentes des domaines dénoncés à Bruxelles, avant le 1er octobre 1830, seront seules reçues en paiement des domaines. »
« Art. 2. Les acquéreurs des domaines vendus en exécution de la loi du 27 décembre 1822 et de l’arrêté royal du 16 octobre 1824, sont admis à se libérer en numéraire au taux de 98 p. c. »
J’aurai encore un mot à dire relativement à l’observation de M. le ministre des finances, sur la date des obligations des domaines los-renten. Il est incontestable, comme l’a dit l’honorable député de Marche, qu’il est impossible d’en reconnaître la date certaine ; ce sont des obligations au porteur. Je vous demande si l’on pourrait savoir la date de l’émission des billets de banque.
Il est également impossible de connaître la date de la mise en circulation des los-renten. Il n’y a qu’un cas où ce serait possible, celui où les los-renten auraient été acquis par des établissements publics. Alors, au moyen de l’autorisation de la députation des états, on reconnaîtrait si ces obligations ont été mises en circulation avant la révolution. Hors ce seul cas, il est impossible de reconnaître la date de la mise en circulation. J’en fais la proposition.
M. Legrelle. - Je ne pense pas que l’intention de la chambre puisse être de voter immédiatement sur les articles proposés par l’honorable M. Dumortier. Ils diffèrent totalement du projet de la commission. Je pense que la chambre devrait les renvoyer à l’examen de la commission. J’en fais la proposition.
M. Dumortier. - Ce qu’a dit l’honorable préopinant n’est pas fondé. Ce n’est pas un nouveau projet de loi. Mon amendement présente des modifications considérables. Mais enfin c’est un projet dans les mêmes termes que le premier et sur la même matière.
Quant à l’article 2 de mon amendement, je l’ai copié de l’article 3 du projet de la commission ; j’ai seulement ajouté que le paiement en numéraire ne devait être fait aux acquéreurs qu’au taux de 98 pour cent.
Si M. Legrelle avait bien voulu m’écouter, il aurait entendu les explications que j’ai données pour justifier l’intérêt de 2 et demi pour cent que je substitue à celui de 5. J’ai dit que la Belgique n’était pas liée par un avis du syndicat donné après la révolution, que c’était un supplément dont le trésor de la Belgique ne devait pas se grever au profit des détenteurs des rentes domaniales.
M. Fallon, rapporteur. - Je regrette que l’honorable préopinant n’ait pas assisté au début de la discussion qui a eu lieu dans la chambre ; il eût vu d’abord que la commission était parfaitement d’accord avec lui sur les principes qu’il professe, et que le désaccord ne tombe que sur l’application de ces principes.
M. Dumortier admet qu’il est de la dignité nationale de payer les los-renten dénoncés à Bruxelles. Pourquoi ? parce que nous avons la garantie qu’ils ont été mis en circulation avant la révolution, qu’ils forment une partie de la dette du royaume des Pays-Bas avant notre séparation. M. Dumortier est donc d’accord avec nous sur ce point.
Quant à l’opinion soutenue par lui que la Belgique n’était pas liée en principe et en droit par l’avis du syndicat, qui a élevé l’intérêt des los-renten de 2 1/2 à 5 pour cent, si l’honorable membre avait été présent au commencement de la séance, il aurait entendu les explications que j’ai données sur les motifs qui ont guidé la commission, motifs puisés dans le droit commun et qui me paraissent incontestables.
La commission ne s’est pas arrêtée à examiner la disposition royale prise en Hollande au mois d’octobre 1830. Elle ne l’a invoquée que comme ayant sanctionné un principe incontestable. Les détenteurs de los-renten avaient le droit d’exiger le remboursement des obligations dont ils étaient porteurs, à dater du mois d’octobre 1830, alors qu’ils en avaient fait la dénonciation six mois à l’avance.
Nous devons supposer que les obligations dénoncées à la banque de Belgique dans le terme fixé appartenaient à des Belges, enfin il y a présomption en faveur des nationaux. Quel devait être l’effet de cette dénonciation ? c’était le remboursement des obligations.
L’Etat est donc en demeure, depuis le mois d’octobre 1830, de payer en numéraire le montant des obligations de los-renten dénoncés. S’il ne l’a pas fait, il doit depuis cette époque le capital de la somme à rembourser, et l’intérêt légal qui court depuis cette époque, c’est-à-dire de 5 p. c. Il n’est plus question de l’intérêt de 2 1/2, taux de l’intérêt des obligations jusqu’au moment où elles sont devenues remboursables. L’intérêt légal seul demeure dû. Cette opinion est basée sur des principes de droit incontestables.
Je ne vois pas pourquoi nous discuterions plus longtemps. Nous sommes d’accord sur la manière de résoudre la difficulté. Nous voulons qu’elle soit la plus avantageuse possible au trésor. Puisque nous reconnaissons la nécessité de bonifier les los-renten dénoncés à la banque de Bruxelles, nous devons également admettre au remboursement les obligations mises en circulation avant notre révolution. Elles appartiennent à la même catégorie. Mais nous devons nous mettre en garde contre les pertes que pourrait éprouver le trésor si l’on présentait au remboursement des los-renten mis en circulation depuis le mois d’octobre 1830.
Nous avons un moyen bien facile de parer à cet inconvénient, c’est de nous renfermer dans les règles du droit commun. C’est de n’admettre que les los-renten que l’on justifiera avoir été mis en circulation avant le mois d’octobre, c’est-à-dire dont on pourra prouver qu’ils font partie de la dette du royaume des Pays-Bas.
La commission par suite de différents scrupules a voulu laisser au gouvernement l’initiative des mesures à prendre. Comme son organe, je n’avais plus rien à ajouter. Ma tâche de rapporteur s’arrêtait là.
Mais comme député j’ai ajouté que je ne voyais aucune espèce d’inconvénient à ce que l’on admît les los-renten mis en circulation, mais non dénoncés avant le mois d’octobre 1830.
L’on a dit qu’il n’est pas possible de reconnaître l’époque de la mise en circulation, que toutes les obligations portent la même date d’émission. M. Dumortier voit donc dans cette circonstance une impossibilité de constater la date de la mise en circulation. L’honorable membre est dans l’erreur. Le droit commun indique de quelle manière on justifie un semblable fait. Il suffit de lire le code civil. Il détermine comment la circulation s’établit par la transaction dans un registre public, dans un inventaire.
Ainsi, les inventaires des successions doivent fournir des renseignements sur la mise en circulation d’une partie des los-renten.
Il y a d’autres moyens encore. Il n’y a rien de plus facile à constater que ce fait pour les établissements publics. La correspondance de ces établissements avec l’autorité suffirait pour l’établir. La constatation du fait de la mise en circulation des los-renten rentre donc dans le domaine du droit civil.
Mais pourquoi tant vous effrayer d’ailleurs de l’impossibilité de constater la date certaine de la mise en circulation ? Si cette date ne peut être constatée, vous voilà satisfait. On ne les admettra pas au remboursement. (Approbation.) Je prends donc acte de ce que vous avez dit, qu’il est impossible de constater la date de la mise en circulation des los-renten. Nous ne devons pas craindre qu’on les admette au remboursement. Nous avons donc toutes les garanties que vous demandez.
Je terminerai en présentant à la chambre l’amendement suivant, qui n’exclut pas le recours au droit commun, lorsqu’il sera jugé nécessaire :
« Les los-renten non dénoncés à la banque de Bruxelles avant la révolution, seront admis en paiement du prix des domaines, à charge par l’acquéreur de justifier qu’ils ont été mis en circulation avant le 1er octobre. »
Au moyen de cette disposition et de l’article additionnel, proposé par la commission, toutes les garanties dont on doit entourer les remboursements des los-renten me semblent obtenues.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’avais demandé le renvoi à la commission des amendements présentés pendant la séance ; mais l’honorable M. Fallon vient de rendre cette proposition inutile. Du moment que le détenteur de l’obligation non dénoncée sera obligé par la loi de prouver la date certaine de la mise en circulation avant la révolution, cette preuve et les contestations qui peuvent s’élever à cet égard rentrent dans le droit commun, comme l’entend l’auteur de l’amendement lui-même ; il n’est pas nécessaire de tracer spécialement les règles à suivre pour justifier de cette mise en circulation ; elles reposent dans le code civil.
L’amendement de M. Fallon pare à tout ; je n’insiste donc plus sur le renvoi à la commission.
M. Verdussen. - Je crois le renvoi à la commission des amendements proposés absolument nécessaire.
Les paroles mêmes de l’honorable M. Fallon indiquent cette nécessité. Une loi ne doit pas présenter une disposition qui puisse être critiquée par les tribunaux.
La question qui nous concerne aujourd’hui n’est pas tout à fait neuve. Elle a été soulevée par l’honorable M. Jadot, dans la commission spéciale, dont j’avais l’honneur de faire partie. Il peut arriver que les détenteurs d’obligations non dénoncées, qui se présenteront devant l’autorité compétente pour en obtenir le remboursement, et qui ne seront pas admis à ce remboursement, aient recours aux tribunaux et qu’ils y aient gain de cause.
Le remboursement des los-renten n’est que l’accomplissement d’un contrat formellement arrêté entre le vendeur et l’acheteur ; je crois au moins, que les amendements tels qu’ils ont été présentés, tant celui de M. Dumortier que celui de l’honorable M. Fallon, auraient l’effet d’une véritable rétroactivité qui annulerait un contrat déjà consommé en partie. Il se peut que je me trompe, mais je crains que le pouvoir judiciaire ne se montre contraire à cet égard au pouvoir législatif. C’est du moins l’opinion de personnes très éclairées, qui ont des connaissances approfondies en matière de droit.
Qu’a fait la commission spéciale dans cette incertitude ? Elle a laissé la question intacte. Elle a pensé que le ministre pouvait refuser de rembourser les obligations dont il ne connaîtrait pas la date précise de la mise en circulation. Quitte ensuite au détenteur à l’attraire en justice. Et du moins, s’il gagnait son procès, ce serait le pouvoir exécutif qui succomberait devant les tribunaux.
Rien de plus commun que de voir le gouvernement condamné par le pouvoir judiciaire. Mais il serait du plus mauvais effet que le pouvoir législatif succombât devant le pouvoir judiciaire. Je pense qu’il serait plus sage de laisser la question de permettre au ministre d’agir comme il le jugerait convenable. Je persiste à demander le renvoi à la commission des amendements présentés dans la séance. Je ne saurais les apprécier à leur juste valeur. M. Fallon a démontré que les obligations dénoncées dont l’intérêt est de 2 1/2 p.c. devraient être remboursées au taux de 5 p. c. Honnête homme et belge, je ne voudrais pas que les Belges détenteurs de los-renten se trouvassent dans une condition pire que les Hollandais. Cette considération d’équité a aussi son poids.
M. Dumortier. - Si la chambre désire le renvoi de mon amendement à une commission, je ne m’y oppose pas ; mais je le crois inutile. Les membres de la commission ont plutôt traité la question en jurisconsultes qu’en législateurs. Moi, j’ai fait ma proposition pour trancher le nœud gordien.
M. Demonceau. - J’assiste à la plus importante discussion qui ait été traitée depuis que j’ai l’honneur de siéger dans cette assemblée. Je crois devoir demander en mon nom, et au nom de mes collègues nouveaux comme moi, que l’on renvoie les amendements à la commission. Si elle nous présente un nouveau projet formel, nous sommes prêts à le discuter et à prendre une décision ; mais en présence de différents systèmes notre tâche devient plus pénible.
M. Verdussen. - La question qui nous occupe est extrêmement grave. Il est impossible de la traiter dans une seule séance.
Je propose de suspendre la discussion actuelle jusqu’à ce que la commission ait déposé son avis sur les amendements présentés. En attendant, nous pourrons nous occuper des autres projets à l’ordre du jour, tels que la loi sur les crédits du ministère de l’intérieur, la loi sur le bétail, etc.
M. Fallon, rapporteur. - Je crois que le renvoi à la commission fera perdre du temps à la chambre sans aucun résultat. La commission a énoncé les principes qu’elle professe. Il s’agit seulement d’en admettre ou d’en repousser l’application.
Nous sommes d’accord sur les articles 1 et 2. L’article 3 additionnel paraît également devoir être accueilli par la chambre. Il me semble que rien n’est plus facile à saisir que les différences qui peuvent exister entre le système de M. Dumortier et le projet de la commission. Quant à ma proposition, elle est facile à saisir.
Je demande que l’on n’admette les los-renten non dénoncés au remboursement que quand la date certaine de leur mise en circulation aura été constatée.
Je ne me dissimule pas que cette disposition limitera le remboursement de cette catégorie de los-renten à un petit nombre, à ceux dont les hospices et les bureaux de bienfaisance peuvent se trouver détenteurs.
Je persiste à trouver le renvoi à la commission inutile.
M. Legrelle. - Si j’étais persuadé que nous soyons tous d’accord, je demanderais la continuation de la discussion. Mais il n’en est pas ainsi ; l’honorable M. Dumortier a présenté un système tout nouveau qui pourrait trouver de l’écho dans la chambre quoiqu’il n’en ait pas trouvé dans la commission. Je voudrais que sur une question aussi importante la chambre consultât la commission et ne prit une décision qu’avec précaution.
Laissons aux membres nouveaux le temps de réfléchir jusqu’à demain. Si nous admettons l’amendement de M. Dumortier, que ce soit au moins en connaissance de cause.
M. Fallon, rapporteur. - L’honorable M. Legrelle est dans l’erreur lorsqu’il voit dans l’amendement de M. Dumortier un système nouveau. Au contraire, M. Dumortier rentre dans les propositions faites par la commission. Seulement il ne va pas ainsi loin qu’elle. Il ne veut pas admettre le taux de 5 p. c. comme elle le fait. Il est du reste d’accord avec la commission sur les autres points.
Il paraît que l’on attache une grande importance au remboursement des obligations de los-renten non dénoncées. Cependant il n’en existe presque pas en Belgique qui y aient été mises en circulation. Celles qui existent dans notre pays viennent de la Hollande. Faites attention que quelle que soit la disposition que vous preniez, vous n’occasionnerez aux détenteurs de ces obligations non dénoncées qu’un préjudice très modique. Ils les renverront en Hollande.
M. d'Hoffschmidt. - Je crois comme l’honorable rapporteur qu’il est inutile de renvoyer l’amendement de M. Dumortier à l’examen d’une commission, d’autant plus que la commission spéciale a déjà eu occasion d’en examiner les principes et l’a rejeté à la majorité des voix. La discussion du projet pourrait continuer demain, car l’heure est trop avancée pour que nous passions à un autre objet de l’ordre du jour.
M. Demonceau. - La proposition de M. d’Hoffschmidt me paraît lever tous les scrupules. Que les amendements soient imprimés, nous aurons le temps de les examiner jusqu’à demain.
- Le renvoi à la commission des amendements présentés dans la séance est mis aux voix et rejeté.
L’impression des amendements est ordonnée.
La discussion générale de la loi est close.