(Moniteur belge n°35, du 4 février 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à une heure.
M. de Renesse procède à l’appel nominal.
M. Brixhe donne lecture du procès-verbal de la séance précédente. Il est adopté.
M. de Renesse fait connaître l’objet des pétitions adressées à la chambre.
« Les propriétaires de la manufacture de faïence de Nimy prés de Mons exposent l’état de souffrance dans lequel se trouve cette industrie et demandent un changement dans le tarif des douanes. »
« Le sieur J.-B. Cellier Blumenthral, distillateur, propose la chambre une machine de son invention à introduire dans les distilleries, nommée récipient applicable aux alambics de toute espèce. »
« Le sieur Ch. Boogaerts adresse des observations sur la question de la pêche maritime. »
M. de Sécus. - Je demande que l’on renvoie à la commission d’industrie la première pétition.
M. Verdussen. - Je demande qu’elle soit renvoyée avant tout à la commission des pétitions ; s’il faut ensuite la renvoyer à la commission d’industrie, nous le verrons.
M. de Sécus. - On a renvoyé à la commission d’industrie une pétition concernant l’industrie cotonnière, je ne vois pas pourquoi nous ne renverrions pas celle-ci de la même manière. Il y a un antécédent qui nous y autorise.
M. Dumont. - La commission des pétitions est surchargée de travail. Il s’agit d’un objet spécial, et il me semble naturel de renvoyer le mémoire à une commission spéciale. Il y a une grande différence entre renvoyer une pétition à un ministre et la renvoyer à une commission qui émane de la chambre.
M. Dumortier. - C’est vrai !
M. Dumont. - Je le répète, la commission des pétitions est surchargée de besogne.
M. Verdussen. - Je persiste dans mes observations, car si nous n’admettons pas la marche tracée par le règlement, nous en viendrons à supprimer la commission des pétitions. On dit qu’elle est surchargée de travail ; cependant, à en juger par les rapports peu nombreux qu’elle nous a présentés, on ne le dirait pas.
M. Van Hoobrouck. - S’il y a urgence, il faut faire renvoyer le mémoire à la commission d’industrie ; s’il n’y a pas urgence suivons le règlement.
M. de Sécus. - Il n’y a pas plus d’urgence pour cet objet que pour la pétition concernant l’industrie des cotons ; il y a convenance.
- Le renvoi à la commission d’industrie, mis aux voix, est ordonné.
Les autres mémoires sont renvoyés à la commission des pétitions.
M. Dumortier, rapporteur. - J’ai déposé sur le bureau un rapport de la section centrale sur la loi communale. Ce rapport comprend deux objets... (L’impression ! l’impression !)
Si on le désire, j’en donnerai lecture... (L’impression ! L’impression !)
- L’impression et la distribution du rapport sont ordonnées.
M. le président. - La parole est M. de Brouckere.
M. de Brouckere. - Messieurs, le 18 juin 1832 j’ai présenté à la chambre un projet de loi qui était conçu comme suit :
« Considérant que, dans l’impossibilité de procéder dans un bref délai à la révision de la législation pénale, il est urgent d’en faire disparaître les peines qui ont cessé d’être en harmonie avec nos mœurs, qui sont contraires à l’humanité et à la justice, ou dont l’exécution est devenu impossible ;
« Considérant qu’il importe cependant de laisser subsister dans les peines une gradation qui permette de punir chaque crime selon sa gravité ;
« Nous avons, de commun accord, etc.
« Art. 1er. La peine de mort, celle de la déportation, la flétrissure et la mutilation, mentionnées dans l’article 13 du code pénal, sont abrogées. »
« Art. 2. La peine de mort est remplacée par celle des travaux forcés à perpétuité. »
« Art. 3. Dans tous les cas où les lois actuellement en vigueur prononcent cette dernière peine, elle est remplacée par celle des travaux forcés pour un temps qui ne pourra excéder trente années, ni être moindre de quinze. »
« Art. 4. Dans tous les cas où les lois prononcent la déportation ou les travaux forcés à temps, cette dernière peine est appliquée pour un temps qui ne pourra excéder quinze années ni être moindre de cinq. »
« Art. 5. L’arrêté-loi du 20 janvier 1815 (publiée le 31 juillet suivant) reste en vigueur, mais seulement pour les cas prévus par l’article précédent. »
« Art. 6. Sont et demeurent abrogées les dispositions de l’article … de la loi monétaire du … modifiant les articles 132, 133 et 134 du code pénal, auxquels s’appliquera la présente loi. »
« Art. 7. La présente loi n’est point applicable aux crimes militaires, en temps de guerre. »
Le 4 juillet suivant, je développai ma proposition, et le même jour, elle fut prise en considération sinon à l’unanimité, comme je le pense cependant, du moins à une immense majorité. Je ne reproduira pas aujourd’hui les développements que j’ai soumis alors à la chambre ; je me permettrai seulement de lui rappeler à quelle occasion j’avais présenté mon projet. Voici comment je m’exprimai à cet égard :
« Dans une de ses séances de mois de mai dernier, et à l’occasion d’une loi qui lui était présentée par le gouvernement, la chambre, à une grande majorité, s’est refusée, malgré l’insistance du ministère, à comminer la peine de mort contre un crime qui jusque-là avait toujours été puni du dernier supplice. Elle a fait plus : dans son impuissance de prononcer dès lors l’abrogation complète de cette peine, impuissance de plusieurs orateurs ont déploré avec force, elle s’est du moins empressée de saisir cette circonstance, pour l’effacer d’une disposition du code pénal, qui par sa nature se rattachait à la loi en discussion.
« C’était, on l’a dit alors, c’était une pierre d’attente que la chambre posait ; elle manifestait, d’une manière non équivoque, son éloignement pour une peine vraiment exorbitante et en dehors de nos mœurs. Après s’être ainsi expliquée, elle avait quelque raison de s’attendre à ce qu’une proposition lui fût faite, qui la mît à même, sinon de voter la suppression de la peine de mort, du moins de la restreindre à un petit nombre de cas, d’empêcher qu’elle ne continuât à souiller toutes les pages de notre législation pénale.
« Six semaines se sont écoulées, et aucune proposition ne vous est soumise ! cependant, s’il faut en croire certains bruits qui s’accréditent de plus en plus, le gouvernement serait à la veiller d’ajourner la chambre. Dans une semblable occurrence, j’ai cru de mon devoir de vous présenter le projet, dont lecture vous a été donnée dans une séance précédente, et que vous avez pu méditer à loisir. »
Depuis, messieurs, je n’ai pas insisté pour que les sections auxquelles mon projet avait été renvoyé s’en occupassent, parce que je croyais, chaque fois qu’une condamnation capitale était prononcée, le Roi usant du droit qui lui est conféré par la constitution, commuerait la peine en une détention plus ou moins longue, et qu’ainsi le but que je m’étais proposé était atteint par le fait. Ne pouvant, messieurs, sans manquer aux convenances parlementaires, adresser mes hommages plus haut, je déclare que les ministres qui ont signé ces arrêtés de commutation ont, à mes yeux, un titre aux éloges du pays et de l’humanité tout entière.
Aucune exécution capitale n’a en lieu en Belgique depuis la révolution, si j’en excepte celle que Louvain a vue dernièrement ; depuis quatre ans et demi, bien qu’il se soit succédé trois gouvernements et quatre ministres de la justice, le sang n’a point coulé sur les échafauds.
Je viens de lire dans le Moniteur qu’un individu condamné par la cour d’assises de la Flandre occidentale sera guillotiné à Courtray…
C’était donc sous le ministère de M. Ernst et après une interruption de quatre ans et demi que devait être donné pour la première fois en Belgique le spectacle d’une guillotine élevé pendant 24 heures sur une place publique. C’était sous son ministère que devait être tranchée la première tête ! Aucuns l’en féliciteront. Je le sais ; pour moi je le plains plus encore que je ne le blâme. Il y a huit mois cette conduite de la part de M. Ernst m’eût étonné ; aujourd’hui, non.
Mais puisque l’on en revient aux exécutions capitales, puisqu’on pousse les choses au point de les annoncer à l’avance dans le Moniteur, comme un événement dont la Belgique doit s’applaudir, et sans doute afin que de toutes les parties du royaume on puisse aller à ce spectacle, je suis forcé de rappeler ma proposition à la chambre et de la prier de s’en occuper le plus tôt possible dans les sections. Qu’on la modifie, qu’on la change, soit ; mais qu’au moins une décision puisse intervenir. Quand elle ne préviendrait qu’une seule exécution capitale, ce serait beaucoup, selon moi.
Comme mon projet de loi et les développements à l’appui ne sont pas entre les mains de bon nombre de membres de la chambre qui, en 1832, n’étaient pas nos collègues, je demande à l’assemblée qu’elle veuille en ordonner la réimpression et sa distribution, ou du moins qu’elle ordonne que cette réimpression aura lieu par la voie du il.
Messieurs, je me serais borné à ce peu de mots, si un honorable sénateur, dans la séance du 31 janvier, n’avait laissé échapper quelques expressions qu’il est impossible de ne pas relever. Voici comment s’est exprimé l’honorable sénateur :
« Je demande pardon à l’assemblée si un rhume m’empêche d’exprimer mon idée ; mais je ne puis faire autrement que de m’élever de toutes mes forces contre la philanthropie que l’on prône aujourd’hui et qui ne s’exerce qu’en faveur des coquins.
« Les honnêtes gens sont exposés aux coups de l’assassin, mais ils n’excitent pas l’intérêt. Un assassin plonge son bras dans le sein de son concitoyen, et quand on le punit, tous les philanthropes s’extasient, se passionnent pour obtenir sa grâce. Voilà une pitié que je ne puis pas concevoir. J’ai en horreur une telle philanthropie. Ma philanthropie s’exerce envers les honnêtes gens, les gens probes et amis de leur pays ; elle ne s’exerce pas envers ceux qui répandent partout le trouble, la douleur, la dévastation, l’assassinat.
« Je soupçonne quelques-uns de ces philanthropes de n’avoir d’autre but que de peupler les bagnes afin d’y trouver, dans le cas d’une révolution, une armée révolutionnaire toute prête, des égorgeurs, des buveurs de sang ; car on trouve tout cela dans les bagnes. Je pense que ces philanthropes veulent former la un dépôt de recrues.
« Dans le Hainaut que j’habite, l’opinion générale est que la peine de mort est abolie. Aussi, quelle sécurité règne parmi les assassins !
« J’invite M. le ministre à voir s’il y aurait moyen de porter remède à cet état de choses. »
Messieurs, je n’ai pas eu un instant la pensée de prendre ces paroles pour moi ; mais quels que soient les philanthropes, objets des soupçons de l’honorable sénateur, vous conviendrez qu’il faut regarder les hommes comme bien froidement atroces pour supposer qu’ils aient conçu un aussi horrible, un aussi épouvantable calcul. Je suis fâché de le dire, mais si un langage semblable fait tort à quelqu’un, ce n’est pas à ceux auxquels il s’adresse ; et je suis bien persuadé que, sans l’indisposition dont l’honorable membre s’est plaint en commençant son discours et qui le rendait probablement un peu plus irritable que de coutume, il ne se le serait pas permis.
J’ai recueilli des documents sur la matière objet de mon projet de loi, j’en ai d’assez curieux ; je les communiquerai à la chambre, quand le temps en sera venu ; mais ils ne sont pas complets ; je préviens ici M. le ministre de la justice que je lui adresserai une demande afin qu’il veuille autoriser les employés de son administration à me communiquer les renseignements qui me manquent. Ce n’est qu’à l’aide de ces renseignements que je pourrai compléter le travail que j’ai commencé.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Messieurs, que la peine de mort doive être restreinte aux crimes atroces, qu’elle ne puisse plus être appliquée dans tous les cas prévus par le code pénal, c’est une chose sur laquelle tout le monde s’accorde. Il est douloureux pour moi, messieurs, qu’il m’ait été réservé de proposer le premier au Roi, en qualité de ministre de la justice, de laisser exécuter un arrêt de mort. J’ai rempli, en faisant cette proposition, un devoir terrible, et jamais dans ma vie, il ne m’en a coûté autant que pour contresigner cet arrêté. Cependant j’ai agi librement, sans influence et sans regrets. Je n’ai pas pensé que je mériterais les éloges de personne en faisant ce qui me paraissait juste et nécessaire ; je me suis attendu au blâme de certains philanthropes. L’honorable préopinant s’est permis de me plaindre. Ma conscience est tranquille : il y a huit mois, quoiqu’on en dise, le sentiment du devoir était comme aujourd’hui la règle de mes actions.
M. Dumortier. - L’honorable député de Bruxelles demande que l’on réimprime son projet de loi ; mais ce projet ayant été présenté à une chambre dissoute, et n’ayant pas été reproduit à la chambre nouvellement élue, nous n’en sommes plus saisis ; il faut pour que la chambre s’en occupe que l’honorable membre dépose son projet sur le bureau.
M. de Brouckere. - Ma proposition a été en effet présentée avant la dissolution de la chambre ; mais il y a eu décision prise par elle ; ma proposition a été prise en considération et renvoyée devant les sections : je doute fort que dans cet état de choses mon projet doive être de nouveau déposé. Je déclare toutefois que je n’attache aucune importance à cette formalité, et que je la remplirai s’il le faut quoiqu’elle soit inutile. Je crois que le règlement ne s’applique pas aux propositions qui ont été prises en considération. Si je n’avais fait que présenter mon projet et le développer, je conçois que je serais obligé de le présenter encore aujourd’hui ; mais la chambre a prononcé par une décision ; je n’ai plus rien à faire.
M. Dumortier. - Je conviens qu’il ne s’agit ici que d’une simple question de forme ; mais toujours est-il que les formes doivent être conservées pour M. de Brouckere, comme pour tout autre. J’aurai l’honneur de faire remarquer à l’assemblée que toutes les lois présentées par le ministère, avant la dissolution de la chambre, ont été considérées comme non avenues ; je pourrais citer la loi provinciale, la loi communale, la loi sur les naturalisations, celle sur les distilleries et d’autres ; mais je citerai un exemple bien plus frappant encore. Mon honorable ami M. Dubus avait fait une proposition relativement aux biens des fabriques des églises : eh bien, cette proposition a été de nouveau déposée sur le bureau, relue à la tribune et renvoyée devant les sections. Il faut remplir encore une fois les mêmes formalités pour la proposition de M. de Brouckere.
M. de Brouckere. - Je ne m’oppose pas à une présentation nouvelle de mon projet. Tout ce que le demande, c’est que la chambre prenne une décision. Si la chambre se considère comme saisie, je réclame la réimpression quand ce ne serait que par la voie du Moniteur.
M. Helias d’Huddeghem. - Je ferai observer que depuis la présentation de la proposition de M. de Brouckere, le ministère a soumis un projet de loi pour modifier le code pénal, projet qui contient la suppression de la marque, de la mutilation. La proposition de M. de Brouckere ne tend qu’à supprimer la peine de mort ; je crois que la majorité de l’assemblée sera loin d’adopter purement et simplement cette suppression. Il est nécessaire que M. de Brouckere revoie sa proposition avant de la reproduire.
M. de Brouckere. - L’honorable membre m’engage à revoir ma proposition ; je le veux bien ; mais je n’y changerai rien. Mon projet est en certains points d’accord avec celui qu’a présenté le ministre de la justice précédent. Ce dernier projet est extrêmement long ; c’est une révision de nos lois pénales qu’il comprend. Il est probable qu’il ne sera pas discuté cette année, ni l’année prochaine.
M. Dumortier. - Jamais !
M. de Brouckere. - Qui est-ce qui empêche, en attendant, d’examiner mon projet qui n’a que sept articles et dont un seul, celui qui est relatif à la peine de mort, donnera lieu à quelque discussion ? M. Helias d’Huddeghem doit avoir remarqué que bien que je demande l’abolition de la peine de mort, je laisse l’assemblée libre de modifier ma proposition. On doit convenir que la peine de mort est prodiguée d’une manière atroce dans le code pénal. Il faut adoucir nos lois criminelles jusqu’à ce qu’on ait modifié le code lui-même. Je n’attache pas d’importance à un dépôt sur le bureau qu’il faudrait renouveler ; tout ce que je réclame, c’est une décision.
Je demande formellement que la chambre ordonne l’impression et la distribution par la voie du Moniteur.
M. Dumortier. - Je suis loin de m’opposer à l’adoption du projet de M. de Brouckere ; je conviens que le code pénal est un code terrible et qu’il faut le modifier ; cependant je ne peux pas consentir à ce que le projet soit pris en considération dans le moment, attendu que toutes les propositions de loi déposées sur le bureau de la chambre dissoute ont été censées non avenues. C’est là un principe dans tous les gouvernements représentatifs, qu’il faut reproduire les propositions aux chambres résultant d’élections nouvelles. Il faut suivre la filière ordinaire pour la proposition de M. de Brouckere comme pour les autres ; il ne faut d’exceptions pour aucune proposition, même pour celles que nous adopterons avec le plus d’empressement.
Je demande que la proposition de M. de Brouckere soit écartée maintenant ; qu’elle soit déposée de nouveau. Il ne peut y avoir de privilège pour personne, pas plus pour la peine de mort que pour toute autre proposition.
Je vote contre la réimpression du projet et de ses développements.
M. de Brouckere. - Je demande la réimpression dans le Moniteur. Si la chambre accueille cette demande, c’est qu’elle se regarde comme saisie du projet ; si elle ne l’accueille pas, c’est qu’elle exige une nouvelle présentation. (Aux voix ! aux voix !)
M. H. Dellafaille. - Je crois qu’avant de délibérer sur la réimpression il faut que la chambre décide si elle se regarde comme saisie.
M. Legrelle. - La proposition de M. Dellafaille est inutile, puisque le vote sur la réimpression décidera tout.
M. le président. - La proposition de M. de Brouckere est ainsi conçue :
« Je demande que la chambre ordonne l’impression du projet de loi et des développements, soit séparément, soit par la voie du Moniteur. »
La proposition de M. Dellafaille est rédigée de la manière suivante :
« La chambre se regarde-t-elle comme saisie de la proposition de M. de Brouckere à l’effet d’abolir la peine de mort ? »
Je vais consulter la chambre sur cette question.
- La chambre consultée sur la question de savoir si elle se regarde comme encore saisie de la proposition de M. de Brouckere décide négativement.
M. de Brouckere. - Je déclare que je déposerai aujourd’hui mon projet sur le bureau, et je prie M. le président de vouloir bien le renvoyer demain dans les sections.
« Art. 3. Subvention à la caisse de retraite : fr. 200,000. »
- Ce chiffre, admis par la section centrale, est mis aux voix et adopté.
« Art. 4. Crédit supplémentaire : fr. 200,000 fr.
La section centrale réduit le chiffre de 150,000 fr. et propose 50,000 fr.
M. Milcamps, rapporteur. - Messieurs, les motifs qui ont déterminé la section centrale à réduire le chiffre propose par M. le ministre des finances à 50,000 fr. sont les mêmes que ceux qui l’ont engagée à adopter la même mesure en 1834. Mais le rapport de cette année sur le budget de la dette publique renvoie également à la longue discussion qui a eu lieu en 1833 à l’occasion des subventions à la caisse de retraite.
Ces motifs quels sont-ils ? En 1822, le gouvernement des Pays-Bas s’était engagé à fournir à la caisse de retraite une subvention annuelle de 30,000 florins. Or, il est proposé au budget d’abord une subvention fixe de 200,000 fr., puis une subvention extraordinaire de 50,000 fr. Un second motif était que la législature n’avait pas été mise à même d’apprécier si les pensions qui avaient été conférées l’avaient été légalement. Mais, à cet égard même, on sait que le gouvernement a nommé une commission chargée de vérifier si dans la fixation du montant des pensions la loi avait été bien appliquée.
On ajoutait un autre motif que l’on faisait résulter de la nécessité qu’il y avait qu’une loi fût présentée sur la caisse de retraite. Il a été satisfait à cette demande, car la chambre est saisie d’une loi sur cet objet.
Dans l’intérêt des pensionnaires eux-mêmes, l’on faisait valoir que lors de la séparation de nos provinces de l’empire français, le gouvernement de ce pays avait remboursé à celui de Pays-Bas les sommes versées dans la caisse de retraite. On ajoutait que sous le régime précédent, les employés du ministère des finances avaient versé des fonds à la caisse de retraite, et que la Hollande retenait actuellement ces fonds. Mais la section centrale manquait totalement de documents qui pussent lui faire apprécier l’exactitude de ces allégations. Si le fait était vrai, les intérêts de ces sommes seraient donc également à la caisse de retraite, et il y aurait lieu de mettre le gouvernement à même d’en faire l’avance, sauf recours au gouvernement des Pays-Bas. Mais la section centrale n’a aucune donnée certaine à cet égard.
On disait encore, dans l’intérêt des pensionnaires que le montant des pensions de retraite conférées à l’époque de la révolution s’élevait à la somme de 407,818, et que les fonds destinés à les couvrir existaient à la caisse de retraite, et qu’ils étaient retenus par la Hollande.
L’on disait encore qu’il n’y avait pas d’obligation aux employés actuels de faire les fonds nécessaires pour concourir au paiement de ces anciennes pensions. Cependant, d’après les renseignements fournis par M. le ministre des finances, il résulte que, dans certains cas, les employés sont astreints à une retenue de 5 p. c., tandis que par la loi précédente la retenue n’est que de 2 1/2, 3 p. c. On argumentait ensuite de la nature même de la caisse de retraite. Les uns prétendaient que les pensions étaient à charge du trésor. D’autres, que ce n’était qu’une simple tontine.
C’est en présence de ces circonstances que les années précédentes la chambre n’a pas cru devoir voter toutes les sommes demandées en faveur de la caisse de retraite. Il n’y avait donc pas pour la section centrale, placée entre ces différentes allégations, des motifs puissants pour faire d’autres propositions que les années précédentes. Aujourd’hui que M. le ministre des finances a fourni de nouveaux documents, c’est à la chambre à les apprécier et à voir quelle décision elle doit prendre. Quant à la section, elle n’a fait, comme dans d’autres circonstances, que se régler d’après les précédents de la chambre.
M. de Brouckere. - Dans les explications données par M. le ministre des finances dans la séance d’hier, je lis le passage suivant :
« Je ne chercherai pas davantage à établir que les pensions de retraite liquidées jusqu’ici l’ont été conformément aux règlements. Une commission, instituée par arrêté du 21 septembre 1833, et prise dans le sein des chambres, a bien voulu se charger de réviser ces pensions, et de s’assurer si les dispositions en vigueur avaient été rigoureusement appliquées. Bien qu’elle n’ait pas tout à fait terminé son travail, j’ai lieu de croire qu’elle a dû reconnaître que la liquidation des pensions a été opérée généralement avec équité et légalité. »
J’ai l’honneur d’être l’un des membres de la commission dont a parlé M. le ministre des finances, et j’ai pour collègues MM. Donny, d’Hane, Milcamps, Engler et un sixième membre dont le nom ne me revient pas en ce moment. M. Donny et moi nous nous étions chargés du travail de l’examen des 500 pensions conférées par le ministre des finances depuis la révolution. Nous étions secondés dans ce travail par l’honorable M. Dupré qui est secrétaire de la caisse des pensions. M. Donny et moi nous avons passé bien des matinées à ce travail laborieux et désagréable. Il était déjà très avancé, lorsqu’une maladie que j’ai faite pendant la session dernière est venue l’interrompre.
Depuis lors le ministère a été changé, et M. le ministre de finances, qui en cette qualité est président de la commission, ne nous a jamais convoqués. C’est à cette circonstance qu’il faut s’en prendre de ce que le travail pas encore achevé. M. le ministre des finances a lieu, dit-il, de croire que la commission reconnaît que les dispositions en vigueur avaient été légalement appliquées, que les pensions avaient été données avec équité et légalité. Cela n’est pas tout à fait exact.
Nous avons reconnu des abus, des erreurs de calculs et surtout un assez grand nombre de fausses applications des règlements. Mais nous avons, je dois le dire, généralement pensé que ces abus, ces erreurs et ces fausses applications des règlements ne devaient pas être attribués à la mauvaise volonté. Messieurs, en entreprenant ce travail long et pénible, mon intention était, en relevant toutes ces erreurs et tous ces abus, de ne point revenir sur ce qui s’était passé, sauf pour rectifier les erreurs de calculs. Quant à la fausse application des règlements, quant à quelques abus qui s’étaient glissés dans la collation des pensions de retraite, mon intention était (et je ne suis pas le seul membre de la commission qui la partageât) que l’on jetât un voile sur le passé. Il eût été excessivement dur d’ôter à d’anciens fonctionnaires une partie de la pension dont ils avaient joui depuis plusieurs années.
Notre désir, notre but devait être particulièrement de prévenir à l’avenir de nouvelles erreurs. Comme je l’ai dit, notre travail est resté incomplet, Il n’a été fait aucun rapport. Je suis fâché de devoir ajouter que depuis le changement de ministère, de nouveaux abus ont été commis dans la collation des pensions, d’après ma manière de voir du moins ; je ne prétends pas qu’elle doit être partagée par la chambre. En ma qualité de membre de la commission, j’avais fait des règlements et des dispositions en vigueur, une étude assez particulière.
On ne me niera pas que l’on a donné des pensions à des fonctionnaires jeunes, bien portants, très à même d’occuper convenablement un emploi. Vous savez que je n’aime pas à citer des noms propres. Cependant si l’on m’y forçait, je pourrais designer des individus assez haut placés que l’on a mis à la pension, et à l’égard desquels il serait assez difficile de justifier cette mesure. Au moment même de l’entrée du nouveau ministère aux affaires, le précédent ministre des finances a mis entre autres à la retraite un directeur, qui certes était d’un âge et jouissait d’un état de santé à ne pas rendre nécessaire le paiement de sa pension par le trésor.
Mon opinion était (et je l’avais manifestée à M. le ministre des finances à cette époque) que dans le département des finances, pas plus que dans tout autre département, une pension ne devait s’élever au-delà de six mille francs ; je crois me rappeler que l’honorable M. Duvivier était de mon avis. Du reste je n’affirme rien.
Mon opinion personnelle était donc que le chiffre le plus élevé des pensions ne devait pas dépasser six mille francs. La raison en est simple.
D’après les dispositions de l’arrêté-loi de 1814, aucune pension au-delà de 6000 francs ne peut être accordée à un fonctionnaire de l’ordre judiciaire, de l’ordre administratif ou à un officier-général, eût-il été général de division pendant 20 ans, un membre de l’ordre administratif eût-il été ministre pendant 10 ans. S’il en est ainsi, il n’est pas juste que les membres de l’administration des finances soient plus favorisés. Vous serez étonnés d’apprendre qu’il est tel receveur qui reçoit une pension de plus de 8,000 francs. L’explication est facile à donner.
Un directeur des contributions, un inspecteur, un vérificateur ont un traitement fixe. On leur accorde en outre une subvention à titre de frais de bureau. Lorsque l’on liquide la pension, l’on ne fait pas entrer en ligne de compte la somme reçue annuellement pour frais de bureau. Chaque receveur au contraire touche un tantième sur le montant de sa recette. Dans ce tantième se trouvent compris les frais de bureau qui s’élèvent à une somme très élevée. L’on fait entrer dans la liquidation de la pension tout ce qu’il a touché et à titre de traitement et à titre de frais de bureau. C’est ainsi que tel receveur encore jeune parvient à toucher une pension de près de 8,000 francs.
Des abus de cette nature ont continué à exister sous le ministère actuel. Je les signale sans que pour cela je veuille m’élever contre la demande du ministère, tendant à ce que le subside extraordinaire pour la caisse de retraite soit accordé. Cependant, je dois dire que l’élévation de ce subside est en partie la conséquence de la conduite irrégulière en cette matière tenue par les ministres qui se sont succédé au département des finances.
J’ai exposé les faits tels qu’ils sont. Ce n’est pas que je veuille rejeter le subside. J ai toujours admis l’allocation demandée pour la caisse de retraite. Je ne viendrais pas me rétracter cette année. Ce que j’ai dit, je l’ai dit non pas pour chercher à faire rejeter ce subside, mais pour montrer qu’il est plus que temps que la révision des pensions sur la caisse de retraite soit achevée. Si la commission avait été réunie, il est probable que son travail serait actuellement terminé.
M. Duvivier. - L’honorable préopinant a expliqué comment il se fait que sous l’empire des règlements actuels les pensions des employés des finances peuvent s’élever jusqu’à 8,000 francs. Il a donné des développements tellement clairs à cet égard, que je ne crois avoir rien à ajouter. Le gouvernement n’a pu se dispenser de faire l’application des règlements lorsque des employés des finances ont présenté leurs droits à la retraite. Lorsqu’ils étaient fondés, l’administration de la caisse de retraite ne pouvait les rejeter.
L’honorable M. de Brouckere a parfaitement démontré que par suite des retenues opérées sur les traitements et sur les accessoires des traitements, les pensions des employés des finances devaient ne pas dépasser le taux de 6,000 francs annuellement, ce qui paraît devoir être désormais la limite des pensions de retraite à accorder dans toutes les administrations.
Sous ce rapport l’honorable préopinant a dit que telle était mon opinion. Sans doute c’était mon opinion, et l’administration de la caisse de retraite l’a partagée également puisque dans le projet de loi qu’en ma qualité de ministre j’ai souscris, dans le temps à l’assemblée, le maximum des pensions à accorder aux employés des finances est fixé à 6,000 fr. Etait-il possible cependant de ne pas observer les règlements en vigueur, de ne pas en faire l’application à ceux qui avaient des droits à la retraite, ou aux fonctionnaires qui l’avaient obtenue sous l’empire de leurs dispositions bienveillantes ?
Je ne sais si je dois entrer dans quelques détails sur des pensions qui ont été accordées sous mon ministère à des employés de l’administration centrale.
Il est vrai, comme l’a dit l’honorable M. de Brouckere, qu’un directeur a été admis à la retraite. Il est également vrai que ce directeur n’est pas très âgé, ou plutôt que s’il jouissait de toutes ses facultés physiques, il n’est pas d’un âge à être admis à la pension pour ce seul motif, car ce fonctionnaire n’a que 50 ans. Mais ce qui a déterminé son admission à la pension, c’est que chaque année il est atteint d’une maladie qui l’empêche de se livrer à aucun travail. En vain, dans les premières années de sa maladie, lui a-t-on accordé chaque année un congé assez long. Malgré la prolongation de ce congé annuel qui durait jusqu’à quatre mois, la maladie dont ce directeur est atteint n’a cessé de se reproduire avec une violence telle qu’elle l’a mis dans l’impossibilité de continuer ses fonctions. Vous sentez que, dans un tel état de choses, le gouvernement a senti la nécessité d’admettre à la retraite un fonctionnaire estimable que le délabrement de sa santé rendait impropre au service actif. Il l’a donc admis à faire valoir ses droits, et l’administration de la caisse de retraite ne les a reconnus valables que sur l’attestation bien positive des médecins que ce fonctionnaire était dans l’impossibilité absolue de jamais reprendre ses fonctions.
Le directeur dont il est ici question avait d’autant plus de droits à la pension qu’il avait contracté cette infirmité périodique au service de l’Etat, lorsqu’il était attaché en qualité d’employé des domaines à la houillère de...
Telles sont les explications que j’ai cru devoir donner sur le fait rappelé par l’honorable M. de Brouckere. Je terminerai en déclarant que je voterai pour la subvention extraordinaire demandée par le gouvernement.
M. de Brouckere. - L’honorable M. Duvivier a reconnu que toutes mes assertions étaient exactes. Il a reconnu entre autres que dès le premier jour où je me suis occupé des pensions de la caisse de retraite, je lui ai manifesté mon opinion sur la limite de 6,000 fr. que je croyais devoir être considérée comme le maximum de toute pension de retraite. L’honorable préopinant a ajouté qu’il partageait cette opinion.
Vous conviendrez après cela, messieurs, qu’il y a quelque chose de bizarre à voir que le ministre des finances, tout en reconnaissant combien cette opinion était fondée, a continué à accorder des pensions dépassant le chiffre de 6,000 fr. depuis cette époque.
Mais, dit l’honorable préopinant, sous l’empire des règlements existants l’on ne pouvait faire autrement. J’en demande pardon à l’honorable M. Duvivier. Rien n’était plus facile. Il suffisait d’un simple arrêté ministériel ou, si l’on veut, d’un arrêté royal pour établir que jusqu’à la loi à intervenir sur la matière, aucune pension dépassant 6,000 fr. ne serait conférée, et cela en vertu de l’arrêté-loi de 1814, car je prétends qu’on pourrait très bien soutenir que la disposition de cet arrêté-loi est encore en vigueur relativement aux employés des finances. Je répéterai que j’ai dit à l’honorable préopinant qu’il fallait réduire les pensions conférées qui dépassaient six mille francs. Quand on en viendra à examiner cette question, je justifierai comme je pourrai mon opinion qu’aucune pension accordée en Belgique, quel qu’en soit le motif, quel que soit celui à qui on la confère, ne doit dépasser six mille francs.
S’il n’en était pas ainsi, ce serait une très grande injustice. Comment ! un lieutenant-général, un gouverneur de province, après trente ans de service, ne pourrait avoir que six mille francs de pension, tandis qu’un individu qui, pendant quinze ou seize ans, aurait rempli des fonctions dans le département des finances, aurait une pension de huit à neuf mille fr. ! Un pareil état de choses ne peut pas subsister, il faut qu’à cet égard on revienne sur le passé.
Messieurs, j’ai dit qu’on avait admis à la pension des fonctionnaires dont l’âge et la santé ne s’opposaient pas à ce qu’ils continuassent leurs fonctions, mais je n’ai nommé personne. Le fonctionnaire que vient d’indiquer l’honorable M. Duvivier était compris parmi ceux auxquels je faisais allusion. Voici comment il a expliqué la mesure qu’il a prise à l’égard de ce fonctionnaire qui est d’un rang élevé et jouit d’une pension très forte. Ce fonctionnaire était depuis longtemps atteint d’une maladie périodique qui forçait l’administration à lui donner chaque année des congés de trois ou quatre mois.
Je demande comment il se fait qu’un fonctionnaire, qui ne pouvait remplir ses fonctions que pendant sept ou huit mois de l’année, ait été retiré de la province et appelé à faire partie de l’administration centrale où l’on savait qu’il devait avoir plus de besogne qu’en province ? Ordinairement on n’appelle à l’administration centrale que les employés les plus aptes et les plus laborieux, ou du moins il en doit être ainsi.
Eh bien, voyez le choix qu’a fait le gouvernement. Il sait, notez que c’est d’après l’auteur de la décision que je parle, il sait, dis-je, qu’il existe dans l’administration un directeur malade, qui, pendant quatre mois de l’année, ne peut pas vaquer à ses fonctions ; c’est justement ce directeur qu’il fait venir à Bruxelles pour être employé à l’administration centrale, où il doit avoir plus de besogne, et où sa présence sera plus nécessaire. Si on l’eût laisse en province, il remplirait encore ses fonctions. Je le connais personnellement ; C’est un homme zélé et vraiment dévoué à son service, mais qu’avait-on besoin de lui donner un surcroît de besogne pour être obligé ensuite de lui ôter toute espèce de besogne et de lui conférer une pension très élevée ?
Si on voulait relever ainsi chaque cas de pension conférée sans nécessité, il en est plusieurs à l’égard desquelles on pourrait produire des preuves aussi concluantes que pour le directeur dont nous parlons.
Il y a toujours eu dans la collation des pensions de graves abus. Espérant toujours qu’ils cesseraient, j’ai constamment soutenu les demandes du gouvernement, disant que je voudrais pouvoir faire payer les abus par ceux qui les commettent, mais que je préférais accorder la somme demandée de crainte que cela ne retombât sur les employés subalternes. Je voterai encore aujourd’hui le crédit demandé, non pas que je reconnaisse qu’il n’y a pas d’abus dans son emploi, mais pour ne pas rendre victimes de ces abus des employés qui n’en sont pas coupables.
Vous avez pu voir dans le travail que le ministre vous a soumis, que déjà on prélève par suite de ces abus un tantième de 5 ou 3 p. c. sur le traitement des employés, selon que ce traitement s’élève plus ou moins haut. Si vous refusez le crédit que vous demande le ministre, ce tantième s’élèvera à 8 ou 10 p. c.
Je ne veux pas être cause d’une pareille injustice, je ne veux pas qu’on puisse me reprocher d’avoir refusé un subside, alors que la conséquence de mon refus aurait été d’obérer les fonctionnaires subalternes. Il est temps cependant qu’on mette un terme à ces nombreux abus, et qu’on ne donne de pensions qu’aux fonctionnaires hors d’état, par leur âge ou leurs infirmités de remplir leurs fonctions.
Le simple examen du chiffre que fournit le ministre prouve que les abus sont nombreux. Car, messieurs, peut-on croire que depuis quatre ans ou quatre ans et demi, dans la seule administration des finances, 304 fonctionnaires aient pu se trouver hors d’état de remplir leurs fonctions ? C’est à 304 que s’élève le nombre des pensions conférées par le seul ministère des finances. Et, si on en agissait ainsi dans tous les ministères, nous verrions notre dette s’augmenter, et par suite notre budget s’élever à un taux beaucoup plus haut qu'il ne l’est aujourd’hui.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je dirai d’abord que je n’ai jamais eu connaissance des conversations que peuvent avoir eues ensemble M. de Brouckere et mon prédécesseur, relativement au maximum que les pensions ne devaient jamais dépasser. D’un autre côté, cette question ne s’est pas présentée à mon esprit ; c’est pour cela que je n’ai pas pris de mesure pour faire cesser les allocations abusives de pensions dépassant six mille francs. Je dis abusives car sous ce rapport je partage les opinions émises par l’honorable préopinant et par mon honorable prédécesseur.
Un article du projet de loi dont la chambre aura à s’occuper incessamment, pourra fixer un maximum de 6,000 fr. pour les pensions, qui ne devra jamais être dépassé.
Toutefois je dois faire observer qu’il ne peut pas s’étonner si dans le département des finances, le taux des pensions s’élève quelquefois au-delà de six mille fr. ; c’est que les pensions sont accordées à titre onéreux, tandis qu’il n’en est pas de même dans les autres départements.
Je dois ajouter que ce n’est pas en vertu de l’arrêté-loi de 1814 que les pensions sont accordées dans l’administration des finances, mais en vertu du règlement spécial qui est une espèce de convention passée entre le gouvernement comme tuteur des intérêts des employés et les employés eux-mêmes qui se sont soumis à une retenue pour les faire reverser sur leur veuve et leurs orphelins en cas de décès. Vous voyez que les employés du département des finances sont dans une position moins avantageuse que ceux des autres départements et si dans certains cas la pension se trouve être plus élevée, ils ont fait des sacrifices pour l’obtenir ainsi.
Je dois dire encore à l’assemblée qu’une seule pension qui dépasse six mille francs a été accordée depuis que je suis au département des finances, encore cette pension avait-elle été liquidée par le conseil de la caisse des retraites, le jour de mon entrée en fonctions.
L’honorable M. de Brouckere a pensé que j’avais fait une sorte de reproche à la commission chargée d’examiner les pensions, de ce qu’elle ne s’était pas réunie depuis mon entrée au ministère. Cela n’a pas été dans ma pensée. J’ai cru que cette commission se trouvant saisie du travail, elle pouvait se réunir, sans qu’il fût nécessaire que je la convoquasse. Je me suis trompé, mais je m’empresserai de profiter de l’avis de l’honorable préopinant, pour convoquer très prochainement cette commission, et j’attendrai du zèle et du dévouement qu’elle a déjà montrés, qu’elle veuille bien reprendre ce travail, qui je l’avoue, doit être fort long et fort désagréable.
On a admis, dit-on, à la pension des hommes encore très valides. Il est possible, messieurs, que des hommes qui étaient encore en état de rendre des services à l’administration aient été admis à la pension de retraite, mais c’est par suite de suppression d’emploi, et il en résulte une économie réelle. Au lieu de laisser en fonctions des employés dont on ne tirerait pas grande utilité, on a supprimé leur emploi, et au moyen de la pension qu’on leur a conférée, on a diminué la dépense de moitié.
Jusqu’à présent aucun orateur ne s’est élevé contre le chiffre de l’allocation que je sollicite en ce moment de la chambre ; ne voyant pas d’opposition, je crois inutile d’entrer dans la discussion de la question de chiffre, les explications que j’ai déposées paraissent satisfaire pour le moment les honorables membres de l’assemblée. S’il s’élève des objections contre l’allocation que je demande, je me réserve de prendre la parole.
M. Duvivier. - Messieurs, je viens repousser quelques-unes des observations faites par l’honorable préopinant. D’abord, pour ce qui concerne le point que les pensions se sont élevées au-delà du taux de six mille fr., lui et moi sommes d’accord. Cela provient de l’application du règlement en vigueur, qui pour nous, ainsi que le vient de le dire le ministre des finances, n’est pas l’arrêté-loi de 1814, mais bien un règlement de mai 1822, que j’ai ici sous la main.
C’est d’après ce règlement, en combinant le nombre d’années de service et de traitement dont a joui celui qui sollicite sa retraite, qu’on arrive à fixer une pension de telle ou telle hauteur. On n’en avait jamais dévié : lorsque je suis entré au ministère, je n’ai pas cru devoir prendre une mesure transitoire pour réformer ce règlement. Depuis lors une loi a été soumise à la chambre ; dès que cette loi aura été examinée et votée, elle recevra son application, et le maximum qui y est déterminé, sera désormais la règle invariable des pensions.
Je ne puis que désirer que la législature s’occupe de ce projet dans le plus bref délai possible.
L’honorable M. de Brouckere est revenu sur l’employé auquel il avait fait allusion dans ses premières observations. Mais, a-t-il dit, puisque cet employé était habituellement malade, comment se fait-il qu’on l’ait fait venir de la province pour faire partie de l’administration centrale, où il devait avoir plus de besogne qu’il n’en avait en province ?
Messieurs, je suis l’auteur de cette désignation, puisque j’ai signé la mesure ; mais il est un fait à remarquer, c’est que je n’ai signé cette mesure que sur une désignation toute spéciale, faite par des hommes compétents dans cette matière, parce que bien qu’il fût à ma connaissance que ce directeur était un homme capable, loyal, excellent employé. J’avoue que j’aurais été un fort mauvais juge pour décider si dans les matières d’enregistrement et des domaines, il avait toutes les notions requises pour travailler à l’administration centrale ; mais il a été jugé par ses pairs, par ceux qui avaient traité avec lui ces matières, et c’est sur leur avis que j’ai cru devoir faire porter mon choix sur ce directeur.
Quoi qu’il en soit, la nomination a eu lieu dans l’espoir que l’indisposition dont cet employé était atteint cesserait ou du moins diminuerait de manière à lui permettre de travailler avec l’assiduité qu’il devait apporter à l’administration centrale où des attributions importantes devaient lui être conférées. Mais il paraît que la santé de cet employé, au lieu de s’améliorer, est devenue plus mauvaise à ce point qu’il s’est vu forcé de demander son admission à la retraite et la liquidation de sa pension.
Dans le cours de ses dernières observations, l’honorable préopinant, citant le chiffre des pensions accordées à des employés du ministère des finances, a paru s’étonner du nombre des pensions accordées depuis la révolution par ce seul département et il a demandé ce qui adviendrait, s’il en était de même pour les autres départements. A cet égard il y a une seule chose à faire observer, c’est l’élévation du personnel du ministère des finances comparativement au personnel des autres ministères. Dès lors on n’a pas à craindre que dans les autres départements on accorde autant de pensions que dans le département des finances. Mais je suis persuadé que si on compare le nombre des pensions accordées à celui des employés de chaque ministère, on verra que les collations des pensions ont eu lieu dans la même proportion, dans tous les départements. Je ne pourrais pas citer exactement le chiffre du personnel dans l’administration des finances, car il est augmenté de temps à autre.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il est de 7,000 employés.
M. Duvivier. - Eh bien, je vous demande si, dans un département dont le personnel comprend sept mille individus, il n’est pas naturel que le nombre des pensions accordées soit plus grand que dans telle autre administration dont le personnel est infiniment moindre ?
Veuillez ajouter à cela que la caisse de retraite du ministère des finances rémunère tous les services indistinctement, civils et militaires. Ainsi que j’ai déjà eu l’honneur de le dire, un militaire ayant 20 ou 25 ans de service militaire entre chez nous ; il peut, après trois ou quatre ans de service dans les finances obtenir sa retraite, et le temps de son service militaire lui compte pour la liquidation de sa pension, comme s’il l’avait passé dans l’administration.
Voilà donc un individu qui, bien que n’ayant travaillé que trois ou quatre ans dans l’administration des finances, est considéré comme ayant 30 ans de service et dont nous sommes obligés de liquider les droits à la pension sur ce pied.
Il en est de même de toute espèce de fonctions civiles ou militaires salariées par l’Etat.
Quant aux employés militaires, ils viennent dans l’administration des finances lorsqu’ils prévoient que leur âge ou leur infirmité va les mettre dans le cas de demander la pension.
Il ne faut pas perdre de vue qu’il résulte de ceci que le nombre des pensionnés par le département des finances, non seulement est beaucoup plus grand, parce que le personnel y est plus nombreux, mais encore qu’on y alloue des pensions pour uns plus grand nombre de services que dans les autres administrations.
Je bornerai là mes observations.
M. de Brouckere. - Je ne veux pas prolonger la discussion. Je ne répondrai pas à ce que vient de dire l’honorable préopinant, j’espère que sous peu une discussion spéciale s’ouvrira dans cette enceinte sur les pensions. Je m’expliquerai.
Je dois cependant répondre à une assertion émise par M. Duvivier et le ministre des finances. Ils ont prétendu que les pensions du ministre des finances étaient accordées en vertu d’un règlement spécial qui devait être exécuté jusqu’à révocation. Le ministre de finances a même été jusqu’à dire que c’était une espèce de contrat passé entre le gouvernement et les employés. Il n’en est rien. Ce règlement, on en sort quand on veut. Et si je voulais sortir de la réserve que je me suis imposée, je pourrais prouver qu’on a dérogé à ce règlement en faveur de certains employés. Dès lors, rien n’empêchait de le faire par une mesure générale qui eût été approuvée par tout le monde.
Le ministre des finances vient de dire qu’il partageait mon opinion relativement à une mesure à prendre, et il a dit qu’à l’avenir les pensions ne dépasseraient pas six mille francs. C’est reconnaître qu’on peut déroger au règlement quand la justice l’exige. Il peut le faire en toute tranquillité de conscience, car tous les reproches qui lui seraient adressés de ce chef viendraient échouer contre des raisonnements positifs.
M. le ministre des finances a dit que j’avais semblé lui adresser un reproche de ce qu’il n’avait pas convoqué la commission des pensions depuis qu’il était au ministère, et il a ajouté : Mais j’avais pensé que la commission pouvait se réunir sans être convoquée, J’ai fait connaître le fait à la chambre afin qu’elle sût comment il se faisait qu’une commission nommée en 1834 n’avait pas fait son rapport au commencement de 1835. Je ne fais pas un reproche au ministre. Il était libre de convoquer ou de ne pas convoquer la commission. Mais j’ai dû faire remarquer qu’elle ne pouvait pas se réussir sans convocation. Et en sa qualité de président, c’était à M. le ministre des finances à convoquer cette commission. Elle a été instituée par arrêté royal qui a nommé le ministre des finances président.
Il en est de cette commission comme de toutes les autres, elle ne peut se réunir que sur la convocation de son président. A la première convocation, je m’engage à m’y rendre avec tout l’empressement possible, et à continuer le travail dont je me suis occupé avec M. Donny. Les autres membres s’en rapporteront à nous pour les calculs à faire, sauf à soumettre notre travail à la commission.
Je puis assurer qu’à la prochaine convocation, M. Donny s’empressera comme moi, de se rendre à la commission.
M. Dumortier. - Je pense que le chiffre proposé par la section centrale est suffisant. D’abord, les abus des pensions à charge de la caisse des retraites ont été signalés tant de fois que réellement il n’est personne de nous qui ne sache à quoi s’en tenir à cet égard. L’honorable M. de Brouckere, qui mieux qu’aucun de nous a eu occasion d’examiner les faits, puisqu’il est membre de la commission des retraites, vous a dit qu’il avait remarqué que beaucoup de pensions avaient été accordées par faveur ou autrement,qui dépassaient le taux qu’elles devaient atteindre.
M. Duvivier. - Il n’a pas dit cela.
M. Dumortier. - Il a dit qu’il avait reconnu une foule d’abus.
M. Duvivier. - Il n’a pas dit que des pensions eussent été accordées à la faveur, et je vous défie d’en citer une accordée ainsi.
M. Dumortier. - Je le prouverais, si je voulais citer des noms.
M. de Brouckere. - Je demanderai à M. Dumortier la permission de répéter mes paroles. Ce sont les seules que j’ai écrites, parce que je prévoyais qu’on me prêterait autre chose que ce que j’ai dit.
J’ai dit que nous avions reconnu des abus dans la collation des pensions et que, dans mon opinion, il y avait eu fausse application du règlement. Mais je ne me sois pas servi de ces mots ; beaucoup d’abus, une foule d’abus.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Répétez ce que vous avez ajouté.
M. de Brouckere. - J’ai ajouté que je devais reconnaître que dans ma pensée il n’y avait pas eu mauvaise volonté.
M. Dumortier. - L’honorable préopinant vient de dire qu’il avait prévu qu’on allait lui attribuer autre chose que ce qu’il avait dit. Je le remercie si c’est à moi que ses paroles s’adressent.
Mais il a cité des faits qui prouvent qu’on a abusé des fonds de la caisse des retraites. Mauvaise volonté ou non, il y a eu abus et le fait est que l’honorable membre l’a reconnu lui-même. J’ai pu ne pas répéter ses propres expressions, car je ne les avais pas sténographiées. J’ai déjà eu occasion de signaler des faits, je m’abstiendrai de citer des personnes, quoi qu’on veuille m’y pousser, mais je dirai que je suis convaincu que la faveur est pour beaucoup dans la collation des pensions.
Quand j’ai vu déroger au règlement au profit de ceux auxquels on accorde les pensions, quand j’ai vu accorder des pensions de retraite de 5 ou 6 mille fr. à des personnes aussi valides qu’aucun de nous, pour se promener la canne à la main dans le parc de Bruxelles, j’ai pu croire que c’était la faveur qui présidait à de pareilles collations de pensions.
Maintenant, messieurs, je dis donc que l’honorable M. de Brouckere est venu redire ce qui avait été dit dans beaucoup de circonstances, et qu’il était d’autant plus à même d’émettre un jugement fondé que lui-même, en sa qualité de commissaire, avait eu occasion de voir les choses de plus près qu’aucun de nous. Dans les sections centrales précédentes nous nous étions fait fournir un tableau des titulaires des pensions et les abus nous avaient sauté aux yeux, sans que nous ayons examiné les titres de chacun des individus pourvus d’une pension. Je vous demande ce qu’on a dû voir en examinant ces titres !
Ceci prouve de plus eu plus la nécessité de la disposition insérée dans le projet de loi que j’ai eu l’honneur de vous présenter sur la cour des comptes, ceci prouve, dis-je qu’il faut qu’une autorité quelconque révise les brevets de pensions afin que la faveur ne puisse intervenir dans la collation des pensions qui doivent être une simple rémunération de services rendus à l’Etat et rien autre chose.
Maintenant comment se fait-il que la caisse des retraites ne couvre pas les dépenses ? La chose est bien facile à savoir. Il suffit de jeter les yeux sur le rapport que nous a remis hier M. le ministre des finances, et de le comparer à celui que j’ai eu l’honneur de présenter à la chambre dans la séance du 2 février 1834. Ce rapport prouvait qu’il n’existait de pensions accordées postérieurement à la révolution qu’un nombre montant au chiffre de 261,000 fr. qui ajoutés à la somme de 365,000 fr. environ pour pensions antérieurement accordées formaient un total de 626,000 et quelques cents fr. Sur ce chiffre il y avait à faire pour décès présumés une réduction de 20,000 fr., somme très minime il est vrai. En sorte que le chiffre de 606,000 fr., déduction faite des 20,000 fr. sus-cités, était le chiffre véritable en février 1834. Maintenant, messieurs, que dit le rapport de M. le ministre des finances ? Il dit que le nombre des pensions actuelles porte le chiffre de 810,000.
Vous voyez donc par là que depuis l’exercice 1834 il a été accordé des retraites pour une somme de plus de deux cent mille francs. Si l’honorable M. Duvivier avait des doutes à cet égard, je demanderais à la chambre la permission d’aller chercher chez moi des documents qu’il m’a remis lui-même, des renseignements signés de lui qui rendent mon assertion incontestable. L’an dernier, l’honorable M. Duvivier a dit qu’il y avait 626,000 fr. de pensions, déduisez 20,000 pour la cause expliquée plus haut et il restera 606,000 fr. Cela se trouve imprimé dans le rapport de la section centrale qui a été distribué aux membres de cette assemblée. Je viens d’entendre dire par l’honorable M. Duvivier qu’il y avait eu des réversions ; c’est un motif de diminution et non d’augmentation, car ces réversions sont affectées à des veuves et des orphelins. Et je porte ce défi formel à qui que de soit qu’à moins d’une collation de pensions exorbitante, on ait pu atteindre l’augmentation de 810,000 francs.
J’aurais l’honneur de rappeler à la chambre la décision qu’elle a prise dans la session antérieure. Vous le savez, messieurs, toujours les pensions de retraite ont soulevé dans cette assemblée des discussions irritantes. Jusqu’ici vous avez toujours adhéré au chiffre de la section centrale, parce que vous avez reconnu que les augmentations demandées pour la masse des pensions allaient toujours croissant et que vous avez voulu arrêter une progression aussi rapide. Aussi longtemps que M. le ministre ne demande pas de subside au trésor, qu’il prenne telle ou telle décision qu’il lui conviendra, cela le regarde et encore avons-nous à y voir clair par mesure d’ordre : mais le jour où le ministre demande un crédit à la charge du trésor, vous êtes en droit de demander si des abus ne se sont pas glissés dans la collation des pensions ; je pense comme les honorables préopinants que les pensions ne doivent jamais dépasser le chiffre de 6,000 francs, que ce doit être là le maximum de toutes les retraites.
Comme vous l’a dit l’honorable M. de Brouckere, un général de division eût-il 20 ans de service n’a droit qu’à 6,000 fr., un ministre, eût-il été ministre pendant le même nombre d’années, n’a également droit qu’à cette somme, ainsi qu’un président de la cour de cassation, la plus haute charge de la hiérarchie judiciaire.
Je ne vois donc pas pourquoi un fonctionnaire financier aurait des droits à une somme plus élevée. Toutes pensions qui dépassent le chiffre de 6,000 fr. sont abusivement accordées, et je propose comme l’honorable député de Bruxelles, qu’on limite à cette somme le maximum de toutes les retraites. Voici donc un premier motif de l’accroissement du déficit de la caisse des retraites, mais ce n’est pas le seul. M. de Brouckere vous en a signalé un autre : C’est que très souvent on met à la retraite des gens très valides et très capables de remplir leurs fonctions administratives.
L’honorable orateur que je viens de nommer a cité un fait reconnu par le ministre des finances.
Dans des occasions précédentes j’ai cité des faits pareils à celui-là, tant à Bruxelles qu’en province. Que résulte-t-il de là ? Un abus criant, puisque le règlement relatif à la collation des pensions de retraite stipule qu’en cas d’incapacité absolue de remplir des fonctions, il ne doit pas être accordé de pensions. Savez-vous ce qui a été fait ? Un employé des finances se dit : j’ai trente ans de service, je vais demander ma retraite, je me porte bien, il est vrai, mais je vais faire le malade, je me ferai donner un certificat de médecin et j’obtiendrai la liquidation de ma pension. Ce qui arrive en effet, parce que tout cela se passe entre camarades et que les ministres ont toujours du plaisir à placer des personnes de leur choix aux emplois devenus vacants. De cette manière vous payez deux titulaires, un pour travailler, un autre pour ne rien faire, Il arrive même quelquefois que vous en payez trois. C’est ainsi qu’il y a à Liége un directeur des postes très valide, qui a été mis à la retraite. On a nommé une autre personne pour le remplacer, mais plus tard, il s’est trouvé qu’un homme qui s’était bien montré dans la révolution, eût le malheur de déplaire au gouvernement, comme commissaire de district.
Qu’a fait le gouvernement qui ne voulait pas renvoyer ce fonctionnaire purement et simplement ? Il a jugé à propos de congédier le titulaire de la direction des postes de Liége en lui donnant sa retraite et de mettre l’ex-commissaire de district à sa place. Vous payez donc par là un directeur des postes à Liège pour travailler et deux pour ne rien faire.
Sur les drapeaux de la révolution, messieurs, on lisait : Liberté et économie. Je ne vois pas beaucoup de liberté, mais à coup sûr je vois beaucoup de dépenses. Ces faits sont antérieurs au ministère actuel, ils n’ont pas été accomplis sous l’administration de l’honorable M. d’Huart pour lequel je professe une profonde estime.
Voulez-vous que je vous signale d’autres faits ? On m’a montré plusieurs fois une personne que je n’ai pas l’honneur de connaître, mais qui, à coup sûr, est très valide, du moins en apparence ; cette personne avait une recette, elle a été malade un mois, puis elle s’est rétablie.
Pendant la maladie, elle a demandé un congé, puis sa retraite et elle jouit actuellement d’une pension de 2,400 francs. Je vous laisse à juger si ce n’est pas au moyen de pareils abus que les déficits s’accroissent. Si vous n’y mettez pas un terme, messieurs, il n’y a pas de raison pour que l’année prochaine il n’en soit présente un de 400,000 francs, l’année suivante de 600,000 francs, et ensuite d’un million.
Il y a, messieurs, encore une autre sorte d’abus et on aurait facilement pu y remédier. C’est qu’il n’existe pas ici comme en France un maximum de pensions pour chaque grade. En Belgique, on n’a jamais tenu note de cette importante considération. Il en résulte que des employés inférieurs reçoivent quelquefois des pensions plus élevées que des fonctionnaires d’un ordre supérieur. Et il en résulte aussi que parfois, des supérieurs ont demandé à descendre de grade, vers la fin de leur carrière, pour avoir de plus fortes pensions.
C’est ainsi que vous voyez souvent des pensions de receveurs plus élevées que celles des directeurs, d’inspecteurs, d’inspecteurs généraux même. Il faut que les pensions soient formulées dans la même proportion que les grades. L’honorable M. de Brouckere a cité un autre abus qui venait de ce qu’on ne défalquait pas les sommes allouées aux receveurs pour frais de bureau, lorsqu’on liquidait leurs pensions. L’honorable M. Duvivier en a encore cité un autre, relatif aux personnes qui avaient servi dans l’armée et qui, au bout de deux ou trois ans, demandaient leurs pensions qui étaient liquidées comme s’ils avaient toujours fait partie du ministère des finances. Ce dernier abus ne peut pas tirer à grande conséquence : la plupart de ces personnes sont des douaniers, des préposés de douanes : mais cependant je reconnais avec l’honorable membre que c’est encore un abus.
Après vient cette question très simple : Faut-il majorer le chiffre de l’an dernier ou le maintenir ? Je crois que cette question se résume en celle-ci : Faut-il perpétuer les abus de la caisse des retraites ? Si vous admettez la demande de M. le ministre des finances, il arrivera que la commission des retraites ira toujours avec ce crescendo dont j’ai parlé. Pour moi, qui pense qu’il est possible d’arrêter cette commission sur la pente où elle se trouve, je déclare que je ne voterai que le chiffre accordé par la section centrale cette année, comme l’an dernier. Si le gouvernement le trouve insuffisant, il emploiera tel moyen qu’il jugera convenable. Pour moi, je n’en connais que deux. Le premier c’est de réduire sans miséricorde ni merci les pensions qui dépassent le chiffre de 6,000 fr.
Le second c’est de reprendre immédiatement les personnes qui sont encore très valides. Si le ministre dit à ces personnes : vous allez être rétablis dans vos fonctions ou vous perdrez votre retraite, je crois qu’elles n’hésiteront pas dans cette alternative ; s’il en est parmi elles d’assez fortunées pour renoncer à leur retraite plutôt que de reprendre de l’activité, libre à ces personnes d’agir comme elles le voudront. Pour moi je pense que tous ceux qui ont des retraites et qui sont véritablement bien portants préféreront reprendre leur place dont le rapport excédera toujours le taux de leur pension.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable M. Dumortier a cru trouver dans les paroles de l’honorable M. de Brouckere, la preuve irréfragable des nombreux abus qui avaient été commis dans la collation des pensions. Eh bien, je trouve la preuve contraire dans le discours de l’honorable député de Bruxelles, car il vous a déclaré qu’à l’exception de quelques abus, de quelques erreurs, les pensions avaient été accordées conformément au règlement, et il a ajouté à ce qu’il avait dit précédemment qu’on n’avait vu aucune faveur, c’est-à-dire, aucune mauvaise volonté dans la collation des pensions. L’honorable député de Tournay s’est élevé contre le grand nombre des pensions. Mais lorsque ceux qui demandent leur retraite eut des droits à l’obtenir, on n’a pas celui de la leur refuser.
M. Dumortier. - On ne suit pas le règlement.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il faudrait étudier le règlement, voir l’état des services, de ceux qui ont obtenu des pensions, et alors vous pourriez dire s’il y a eu des abus, et moi je crois pouvoir assurer que l’on s’est trompé quelquefois en défaveur des personnes pensionnées.
L’honorable M. Dumortier reproche ensuite d’avoir mis à la retraite des hommes valides et conseille de leur donner de nouveau de l’activité ; mais à chaque budget la chambre réduit le nombre des emplois, et elle force, par mesure d’économie, le gouvernement à mettre de nouveaux fonctionnaires à la retraite. Je crois le conseil de l’honorable préopinant tout à fait impraticable.
Cet orateur a encore critiqué la mise à la retraite de deux ou trois directeurs des postes à Liége. Il est à remarquer que le premier de ceux dont il a été parlé, avait déjà été mis à la retraite avant la révolution, que conséquemment il y avait des droits. En effet on aurait pu l’y laisser.
L’honorable M. Dumortier vous propose de refuser l’allocation qui vous est demandée. Veuillez examiner les conséquences d’une pareille décision, dans le cas où vous la prendriez. Il en résulterait un déficit de 150,000 fr. pour la caisse de retraites.
De quelle manière la chambre entend-elle combler le déficit ? En augmentant les retenus sur les appointements des fonctionnaires ? Je ne crois pas qu’un ministre des finances puisse exiger une pareille augmentation de retenue ; et si la chambre repoussait la somme demandée, je la prierais de déterminer elle-même le taux de la retenue à exercer, car il serait trop rigoureux qu’un ministre des finances fût tenu à la fixer lui-même. Au surplus on ne demande cette somme qu’à titre d’avances et lors de la liquidation avec la Hollande, le trésor rentrera dans celles qu’il aura faites. Je ne puis dire au juste quelle est la somme qui se trouve en Hollande : en 1816, elle s’élevait à 8 millions de florins. Il est impossible que ce capital de 8 millions de florins ait été absorbé et au contraire il a dû s’augmenter jusqu’en 1825 ou 26. A la vérité le roi Guillaume a postérieurement à cette époque accordé beaucoup de pensions, mais l’on ne peut croire qu’elles aient anéanti cet énorme capital.
M. Duvivier. - Il était impossible que la discussion qui nous occupe en ce moment ne prît pas la tournure qu’elle a malheureusement prise, et cela fait naître en moi le douloureux regret que la commission n’ait pas pu fournir son rapport avant la discussion actuelle, vous eussiez vu si les abus signalés par l’honorable M. Dumortier sont aussi nombreux qu’il l’a dit et s’ils ont réellement existé.
Je le répète, sous l’empire de ce rapport, sous l’influence d’un examen aussi consciencieux que celui qui a été fait par l’honorable M. de Brouckere, la chambre aurait une toute autre opinion que celle qu’on voudrait lui faire avoir sur ces soi-disant abus. Vous l’aurez un jour ce rapport et je vous prédis avec toute confiance, qu’il sera plus favorable à la caisse des retraites qu’on ne veut le faire croire.
L’honorable M. de Brouckere vous l’a dit : l’administration de la caisse des pensions est tombée dans l’erreur par l’application du règlement. On a consulté le texte hollandais et le texte français. On les a rapprochés et tout en reconnaissant qu’il y avait eu erreur, les membres de la commission sont convenus qu’il avait été très facile que la caisse de retraite tombât dans cette erreur. Comme l’a dit l’honorable député de Bruxelles, cela n’en valait pas la peine, il faut passer l’éponge sur le passé, car tout a été fait de bonne foi.
Car au lieu de des expressions vagues, des abus, des désordres, du patronage, du népotisme, vous auriez vu tous ces reproches réduits à leur juste valeur, c’est-à-dire à pas grand chose, puisque rien de tout cela n’a eu lieu. C’est par l’examen des titres, consciencieusement fait par le conseil, que les pensions ont été accordées. Loin de pouvoir faire ressortir des abus de ce qui a été fait, on doit en faire ressortir cette vérité, c’est que toutes les précautions ont été prises pour donner les pensions telles qu’elles doivent être données d’après la législation en vigueur.
L’honorable M. Dumortier a parlé de la nécessité où se trouve la caisse de retraites de rémunérer tous les services ; il a dit que les services militaires faisaient exception ; que ces services n’ont pas produit grande élévation sur le chiffre des pensions, car les pensionnés sont dans les rangs inférieurs : ceci est erroné. Dans les administrations du département des finances, et surtout les douanes, nous comptons beaucoup d’anciens militaires. L’influence des services militaires n’est pas grande pour chaque individu, mais elle devient grande relativement à la masse des employés. Il y a peut-être cinq ou six mille ouvriers qui ont été militaires. Aux termes du règlement les services militaires doivent être comptés, et le conseil des pensions s’est trouvé heureux de pouvoir les comprendre. C’est une décharge pour le trésor ; il aurait été obligé de rémunérer ces services si la douane ne l’avait pas fait. Quelques militaires avaient des pensions de 60 à 90 fl. ; ils en ont fait le sacrifice pour entrer dans la douane, et ils ont vécu eux et leur familles avec les appointements de simples douaniers. Voilà ce qu’il faut considérer.
L’honorable M. Dumortier a cité le directeur des postes à Liége, admis à la retraite ; eh bien, ce directeur a été mis à la retraite par l’ancien gouvernement. Depuis la révolution il a repris de l’emploi ; il compte par conséquent quelques années de service de plus, et à plus forte raison, il est admissible à la pension. Il a été pensionné par l’ancien gouvernement comme directeur de Bruxelles, et a, par conséquent, obtenu sa retraite comme il devait la recevoir.
On prétend que les admissions à la retraite sont trop faciles, et on se plaint du chiffre élevé qui en résulterait : messieurs, les admissions à la retraite ne sont pas le résultat du bon vouloir du conseil : ce sont des réunions d’administrations séparées qui, ayant entraîné des suppressions d’emploi, ont occasionné des retraites. Voilà ce qui a grossi le chiffre au point où vous le voyez actuellement. Si ce chiffre a augmenté quelque peu par suite des réunions d’administrations en une seule, les économies que ces fusions ont opérées sont bien plus considérables ; le trésor a profité des traitements supprimés et n’a donné en place que de modiques pensions.
On s’est élevé contre le chiffre de 6,000 fr. maximum des pensions ; je n’ai rien à dire à cet égard. La législature est saisie d’un projet de loi ; qu’elle l’examine, qu’elle en fasse un code pour les retraites, et vous verrez que les autorités qui, par la loi, seront chargées de l’appliquer, la suivront avec la même équité qu’elles ont suivi jusqu’à ce jour les règlements existants.
M. Dumortier. - L’honorable préopinant vient de dire que l’un des motifs de l’augmentation des déficits successifs de la caisse de retraite vient de la suppression d’emplois par suite de la réunion d’administrations auparavant séparées. Je ne connais pas de suppressions d’emplois ; depuis la révolution elles sont bien peu considérables. Au lieu de suppression d’emplois, presque toujours on en a créé de nouveaux. Il est vrai que l’année dernière on a diminué le nombre des employés du ministère des finances ; mais le petit nombre de ces employés mis à la retraite est très peu de chose. Depuis la révolution, je suis loin de voir des suppressions d’emplois ; avant la révolution il n’existait pas de directeurs provinciaux de l’enregistrement, il n’existait pas de directeurs provinciaux des contributions ; on a créé ces charges depuis. Il n’existait pas non plus d’administrateurs du trésor dans les différentes parties des provinces, et nous savons que bientôt on va créer des receveurs particuliers dans les arrondissements. Ainsi, vous voyez que si quelques réductions ont été opérées l’année dernière dans l’administration centrale, elles sont plus que compensées par d’autres augmentations.
Sous le gouvernement précédent, le plus grand nombre des employés du ministère des finances n’appartenaient pas à la partie méridionale du royaume ; on voyait à peine quelques Belges dans les provinces septentrionales ; il a fallu faire des nominations.
Depuis des promotions ont eu lieu dans tous les grades, excepté dans ceux qui sont les plus élevés ; car arrivé à un certain point on ne peut plus monter : en présence de ce fait, que deviennent les assertions du ministre des finances ? Il prétend que tous les ans on réduit les emplois par suite des économies de la chambre, et qu’il serait impossible de remettre en activité les employés mis à la retraite. Je soutiens que jamais aucune réduction n’a été faite au budget des finances ; qu’au contraire il y a eu chaque année, depuis le congrès, des augmentations. J’en excepterai le chiffre de l’administration centrale réduit l’année dernière. A cette exception près tous les ans la chambre a augmenté les traitements. Il s’agit de jeter les yeux sur le rapport que j’ai présenté l’année dernière pour être assuré qu’il en est ainsi. Les seules économies que la chambre ait pu faire, c’est d’empêcher les augmentations trop considérables. Malgré les efforts de quelques membres ce budget s’est accru d’une manière progressive, de sorte que dans quelques années nous aurons un budget impayable.
D’où vient le grand vice de la caisse de retraite ? C’est que l’on a admis à la retraite un grand nombre d’employés encore capables de remplir leurs fonctions : Le règlement prescrit dans les termes les plus formels de n’accorder de pensions qu’à ceux qui sont hors d’état de continuer leurs travaux : C’était là une garantie ; on l’a méconnue. Cependant vous n’avez pas le droit de mettre à la retraite un homme qui se porte bien. Mais la plupart des pensions ont été imposées aux titulaires afin de pouvoir les remplacer. Les chefs de l’administration ont tous eu le désir de donner des emplois à leurs amis ou pour se faire des créatures.
Tous les ministres qui se sont succédé ont voulu favoriser leurs amis et connaissances. On a trouvé plus simple de le faire aux dépens du trésor. C’était un excellent moyen que l’on trouvait pour se faire des amis, une clientèle à bon marché.
L’on a parlé des fonds dont le gouvernement hollandais est détenteur. L’on fait monter ces fonds à une somme de huit millions. Ce chiffre est exagéré. Je suis fâché de ne pas avoir les chiffres sous mes yeux. Mais je crois me rappeler que les fonds appartenant à la caisse de retraite, qui se trouvent en Hollande, ne doivent pas dépasser la somme de un million 600,000 francs, dont un tiers est placé en dette active et un tiers en dette différée. Aussi l’on pourrait prouver que depuis la révolution le thermomètre de la caisse de retraite est descendu depuis longtemps au-dessous de zéro.
Il est une vérité que vous ne devez pas perdre de vue, c’est que sous le gouvernement hollandais le syndicat d’amortissement ne devait fournir à la caisse de retraites qu’une somme de 30,000 florins, ce qui fait pour la Belgique une somme de 15,000 florins ou 30,000 francs. C’est la seule subvention légale qu’elle a eu à recevoir ; tout ce que l’on donne en outre est une pure gratification. Le conseil d’administration de la caisse de retraite aurait dû baser les pouvoirs qu’il accordait sur le montant de ses ressources.
Si vous accordez 250,000 fr. à cette caisse, c’est 100,000 fr, que vous accordez de trop. Si comme le propose le gouvernement vous allouez 400.000 fr,, ce serait 360.000 fr. en sus de ce qu’elle est autorisée légalement à recevoir.
Il est un deuxième fait qui doit fixer toute l’attention de la chambre, c’est que les pensions de la caisse de retraite se sont accrues l’an dernier d’une charge de 200,000 fr., c’est-à-dire de la moitié de ce qui a été accordé depuis la révolution ou du tiers de la somme totale des pensions qui existaient précédemment. Oui, messieurs, les nouvelles pensions conférées forment le tiers du chiffre total des pensions existant au 1er janvier 1834. Je vous demande si vous devez sanctionner une pareille collation de pensions, admettre un pareil abus.
Je sais que l’on a dit dans le public que le ministère a fait son testament politique. Tout cabinet qui se dissout prend le soin de déléguer à ses amis des marques d’affection à son dernier jour. Le dernier ministère a été fidèle à ces traditions. Il paraît que l’on a travaille dans les bureaux du département des finances pour que le chef de ce département pût avant son départ conférer des pensions à tous ses amis et connaissances. (Hilarité.)
Je crois qu’il serait bien difficile d’expliquer comment il se fait que le dernier ministère a accordé en 6 mois en pensions de retraité le tiers de ce qui était déjà conféré au 1er janvier 1834, à moins qu’on n’attribue cette augmentation à la cause que je signale.
L’honorable M. d’Huart vient de vous dire lui-même qu’à son entrée au ministère il a signé des arrêtés de pensions pour une somme de plus de 6,000 fr. J’ai appris avec beaucoup de plaisir que depuis sa nomination le conseil d’administration de la caisse de retraite ne s’était pas réuni.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - C’est la commission qui ne s’est plus réunie.
M. Dumortier. - J’avais mal entendu. Enfin est-il que le premier dossier que M. l’honorable M. d’Huart ait eu à examiner était relatif à des pensions sur la caisse de retraite. Je suis persuadé que le ministre sortant a voulu faire son testament politique. Mais ce n’est pas à la nation à payer ses legs.
M. Duvivier. - Je déclare sur l’honneur que pendant tout le temps que j’ai été ministre, je n’ai pas mis le pied dans l’administration de la caisse de retraite.
Le conseil de cette administration qui se compose des chefs des différents services examine les titres des employés à la retraite, admet ou rejette leurs demandes et soumet son travail au ministre qui y donne son approbation. Voilà à quoi se réduisent ces grands mots de testament politique, de pension que l’on confère à ses amis et connaissances. Tout cela sent l’exagération, et sous ce rapport, on connaît l’auteur. (Hilarité.)
M. Dumortier. - Prouvez que ce que j’ai avancé n’est pas vrai.
M. Duvivier. - Prouvez vous-même la vérité de vos allégations. Quant à moi je n’ai jamais, comme ministre, influencé en rien la moindre collation de pensions. Il me semble que cette déclaration est bien positive. Le conseil de la caisse de retraite est un corps délibérant, indépendant du ministre.
M. de Brouckere. - Et la responsabilité du ministre ?
M. Duvivier. - Je ne récuse pas la responsabilité ministérielle, mais je dis que le travail relatif à la collation des pensions ne part pas du cabinet du ministre, mais bien du conseil d’administration de la caisse de retraite. Ce travail est soumis à la sanction royale et voilà comment se confèrent les pensions de retraite.
Quant à la création d’emplois que l’on dit avoir pris naissance depuis la révolution, je dois déclarer que cette assertion est inexacte. On a attache à l’administration centrale des inspecteurs, mais ces fonctionnaires ont remplacé les inspecteurs provinciaux qui, sous le gouvernement précédent, dépendaient des gouverneurs.
L’on sait que le gouvernement hollandais, voulant établir les gouverneurs souverains des provinces, avaient concentré autour d’eux toute l’administration. Quand on a distrait les inspecteurs de la province, on a voulu non pas créer de nouveaux emplois, mais rendre à l’action de l’administration centrale, l’unité et le nerf qui lui manquaient.
L’on a révoqué en doute que des suppressions d’emplois aient eu lieu.
Depuis l’avènement du premier ministre des finances, l’on a constamment opéré des réductions dans les agents du service. C’est ainsi que les inspecteurs des lignes n’existent plus. Les plans de vérificateurs de comptabilité, emplois assez élevés, ont été supprimés à l’exception d’une seule dans la Flandre occidentale.
L’honorable préopinant a dit en outre que l’on a accordé des pensions à des employés qui, d’après l’article 57, n’y avaient pas de droits, puisque leur état de santé et leurs années de services n’établissaient pas encore de titres en leur faveur.
Je suis loin de révoquer ce fait en doute. Mais M. Dumortier a perdu de vue l’article 104 qui permet dans certains cas l’allocation de pensions.
Les employés qui viennent de perdre leur place, par suite de suppression ou de combinaison d’emploi dans l’administration, ont des titres à la retraite
Vous voyez donc que l’on ne peut accorder des pensions en vertu d’un article autre que l’article 57.
M. Dumortier. - Je ne répondrai pas au reproche d’exagération que m’adresse le préopinant. S’il y a de l’exagération, c’est dans le chiffre toujours croissant des pensions de retraite. J’ai demandé pourquoi l’on avait élevé en six mois de deux cent mille francs un chiffre qui n’était que de 600,000. J’attends encore une réponse. Voilà ma réplique au reproche d’exagération qu’on m’a adressé.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Les calculs de l’honorable M. Dumortier sont inexacts : ce n’est pas pour 200,000 francs de pensions que l’on a accordé depuis l’année 1833, mais seulement 110,000 fr.
C’est surtout dans le commencement de la révolution que des pensions de retraite ont été conférées. Vous savez que l’on fut obligé d’admettre à la retraite des fonctionnaires encore valides que leur peu d’attachement supposé à l’ordre nouveau de choses ne permettait pas de conserver ; mais qui cependant, par l’incertitude où l’on était sur leur véritable opinion ne pouvaient être définitivement éliminés. C’est la commotion politique et les événements extraordinaires indépendants de la volonté du gouvernement qui ont nécessité à cette époque la collation d’un grand nombre de pensions de retraite.
Je relèverai également une assertion de l’honorable M. Dumortier, parce qu’elle est de nature à exercer de l’influence sur l’assemblée. L’honorable orateur a parlé du grand nombre de pensions dépassant 6,000 fr. J’en ai le tableau sous les yeux ; il n’y en a pas six qui excèdent ce taux.
L’honorable M. Dumortier a également parlé de la création d’emplois nouveaux. Mon honorable prédécesseur a déjà répondu au reproche. Il y avait des inspecteurs provinciaux. Ces fonctionnaires ont été détachés de l’administration provinciale, pour que leurs travaux cadrassent mieux avec les travaux du ministère. C’est dans un but d’une unité d’action que ce changement a été fait. Il y avait des administrateurs du trésor dans les provinces, ils portent aujourd’hui le titre de directeurs du trésor.
Voilà tout le changement. Ils conservent les mêmes attributions et les mêmes appointements. L’honorable M. Dumortier, en parlant de réduction, a passé sous silence celle qu’il a fait adopter au dernier budget et qui est de 60,000 francs pour l’administration centrale seule.
M. Dumortier. - C’est une erreur, j’ai dit qu’une réduction avait été opérée.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Oui, mais vous n’avez pas dit le chiffre de cette réduction. Je tiens à ce que la chambre sache que la réduction a été de soixante mille francs. Si quelques augmentations ont eu lieu, c’est exclusivement pour le service des douanes. Quand on discutera le budget des dépenses de mon ministère, je pense que la chambre entendant bien les intérêts du trésor et de l’industrie, nous accordera les moyens de renforcer encore notre ligne de douanes qui n’a pas un personnel suffisant pour empêcher la fraude. C’est ce qui, avec raison, a excité des plaintes de la part du commerce et de la chambre.
L’honorable M. Dumortier a compris que j’avais annoncé à l’assemblée qu’un fonds de huit millions de florins appartenant à la caisse des retraites se trouvait en Hollande, Ce n’est pas ce que j’ai dit. J’ai dit qu’en 1816, il existait un fonds de huit millions, mais qu’il était à présumer que ce fonds avait subi une réduction par suite des collations de pensions faites vers la fin du règne de Guillaume, que je ne pensais pas cependant que ce fonds dût être absorbé, qu’il devait en rester quelque chose et quoique je n’eusse pas de renseignements positifs, je regardais comme certain que ce capital devait dépasser de beaucoup le montant des avances déjà faites et de celles qu’on vous propose de faire aujourd’hui.
L’honorable M. Dumortier a voulu vous effrayer par l’élévation des avances qu’on vous demandait. Je vous dirai qu’en accordant les deux cents mille francs que je réclame, ces avances feraient une somme toute 485 mille francs.
M. Dumortier. - Je demande la parole pour la rectification d’un fait. Sur le rapport de la section centrale de l’année dernière, présenté dans la séance du 25 février, il y a à peu près onze mois, d’après les renseignements fournis par le ministre les pensions antérieures à la révolution actuellement inscrites, s’élevaient à 364,734, celles inscrites postérieurement s’élèvent à 261,266, ce qui fait un total de 626,000 au 1er janvier 1834.
Remarquez qu’on avait fourni à la section centrale un état nominatif de tous les pensionnés avec le montant de leur traitement, par conséquent on ne pouvait pas révoquer en doute un état aussi soigné. Le montant de cet état nominatif était de 606 mille fr., somme égale à celle pétitionné par le ministre. Voilà qu’aujourd’hui le ministre des finances vient vous demander 810,729 fr. pour les pensions liquidées. Il en résulte qu’on a accordé pour 204 mille francs de pensions depuis l’année dernière.
Cette rectification de fait était nécessaire. Je ne conçois pas comment il se fait que dans une seule année on ait accordé tant de pensions dans une seule administration.
Je ne pense pas qu’on puisse ainsi faire voter par la chambre des cent et des cent mille fr. Il faut poser une limite, Je prie en conséquence la chambre de maintenir les votes précédents, le ministre trouvera moyen de faire face aux besoins du service, en faisant cesser les abus qu’on a signalés.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable préopinant vient de dire que le ministre des finances trouverait facilement les moyens de faire face au déficit. Je voudrais bien qu’il m’indiquât ces moyens.
L’état de situation présente un déficit de 400 mille fr. sur les années antérieures à 1833. Le moyen d’y pourvoir serait de faire une retenue de 8 ou 10 p. c. sur les employés des finances.
Mais, c’est là une mesure rigoureuse, injuste, inexécutable même, et je pense que la chambre ne voudra pas me forcer d’y avoir recours. On ne peut pas imposer les employés actuels des finances pour des pensions qui ne les concernent pas ; pour des pensions qui ont été accordées antérieurement à la révolution.
Il est à remarquer qu’il y a eu réversibilité de pensions sur des veuves et des orphelins. C’est de là sans doute que provient la différence des chiffres présentés par M. Dumortier, avec ceux indiqués dans mon rapport.
Voici qui est très simple. La caisse de retraite fait une retenue de 5 p. c. sur les traitements au-dessus de 1,200 fr. et de 3 p. c. sur les traitements inférieurs à cette somme. Ses revenus s’élèvent à 40 mille francs en y comprenant 35 mille francs de recettes diverses provenant des amendes, de rachats d’anciens services, etc. Le montant des pensions s’élève à 810,729 francs. Donc déficit, 405,729 francs. La chambre a déjà voté 200,000 fr. de subside ordinaire, reste 200,000 fr. Si la chambre se refuse à me les accorder, je serai obligé ou de payer les pensions au prorata des ressources on de faire sur les employés une retenue de 8 ou 10 p. c. Je crois que ce n’est pas une mesure que la chambre soit disposée à adopter.
M. de Brouckere. - Je ferai observer à la chambre que c’est la dernière fois qu’elle aura à voter une somme aussi forte, car si le ministre le veut, avant l’année prochaine, vous saurez à combien s’élèvent les pensions, comment elles ont été conférées, en un mot : Vous serez mis à même d’émettre un vote en pleine connaissance de cause. C’est la dernière fois, je le répète qu’un subside aussi fort est demandé.
M. Dumortier. - Jamais la chambre ne pourra émettre un vote en plus grande connaissance de cause, qu’elle ne le fit l’an dernier, puisqu’elle avait eu sous les yeux l’état nominatif de tous les pensionnés. Chacun de nous a pu voir ce tableau. Vous avez donc vu que l’année dernière, il n’y avait que pour 600,000 fr. de pensions de retraite. Aussi longtemps que le ministre ne nous aura pas dit comment il se fait que ce chiffre ait pu s’accroître de plus de 200,000 fr. en une année...
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il y avait un déficit de 40 mille francs sur 1834.
M. Dumortier. - On veut, au moyen d’un crédit demandé pour 1835, couvrir un déficit de l’exercice précédent.
On vient de m’apporter le tableau qui nous a été remis l’an dernier par M. le ministre des finances et j’y vois les chiffres que je vous ai posés tout à l’heure.
Jamais on n’a accordé plus de pensions que cette année.
Le ministre a un moyen de combler le déficit dont il se plaint ; c’est de réviser les pensions, de replacer les personnes encore capables de remplir des fonctions, et il trouvera les 20,000 francs qui lui manquent.
Ce que propose la section centrale est tout ce que nous pouvons accorder.
M. Dujardin, commissaire du Roi. -Messieurs, je demande la parole pour rectifier une erreur de fait. Il résulte du tableau même invoqué par l’honorable préopinant, et qui a été fourni à la section centrale l’année dernière, qu’il y avait, au 25 juin 1833, pour 261,000 fr. de pensions liquidées depuis la révolution. Ce chiffre doit être majoré de 31,000 fr. pour pensions à des veuves et à des orphelins, qui ont été liquidées depuis cette époque, et qui appartenaient à des pensions originairement existantes avant la révolution. Il y avait donc en fait, au 25 juin 1833, pour 292,000 fr. de pensions liquidées. Il y en a aujourd’hui pour 402,911 fr., donc il n’y a en réalité de pensions accordées, depuis le 25 juin 1833 jusqu’au 31 décembre 1834, c’est-à-dire en 18 mois, que pour 100,000 fr. et non pour 200,000 francs en un an, comme le dit l’honorable M. Dumortier. Les chiffres sont là, c’est dans le tableau même qu’il a invoqué que je les ai pris.
M. Dumortier. - Il y a eu des pensions reversées sur des veuves, ces pensions loin d’opérer une augmentation devaient amener une diminution sur le chiffre intégral des pensions, car la pension réversible n’est pas équivalente à la pension totale de l’employé. Dès lors il doit y avoir une diminution.
Toutes les pensions accordées soit antérieurement, soit postérieurement se trouvent dans le tableau.
Je persiste donc à dire qu’il y a eu pour plus de 200,000 fr. de pensions conférées depuis l’année dernière. Nous savons à quoi cela tient. C’est aux nominations faites à une certaine époque.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il me paraît qu’en se servant du même chiffre que l’honorable M. Dumortier, on arrivera à une conclusion différente, Il y avait au 27 juin 1833, 261,266 fr., depuis lors il a été reversé pour 31,240 fr. de pensions qui provenaient de celles accordées avant la révolution, cela fait 292,506 fr. L’honorable député de Tournay dit que les réversions doivent diminuer le chiffre. Cela est vrai, mais cela ne diminue que le chiffre antérieur à la révolution, tandis que cela augmente au contraire celui des pensions allouées postérieurement à cette époque. En résumé, depuis le mois de juin 1833 jusqu’au 31 décembre, 110,000 fr. seulement de pensions ont été liquidées.
M. Duvivier. - Les réversions appartiennent à des pensions antérieures à la révolution ; donc elles sont venues grossir le chiffre. Ce sont des titres acquis avant la révolution et qui n’ont reçu leur effet qu’après la révolution. Je me borne à dire que nous ne sortirons de là que par un rapport de la commission saisie de l’examen des pensions. Il résulte d’après ce qu’a dit l’honorable M. de Brouckere, qu’elle s’est trouvée dans l’impossibilité d’arriver à temps ; il n’y a plus qu’une cinquantaine de pétitions à examiner, je crois pouvoir déclarer que sur la convocation si complaisamment demandée par l’honorable député de Bruxelles, il ne faudrait peut-être que 48 heures pour que ce rapport fût fait. Les pétitions qui restent n’offrent qu’un examen très facile.
M. Legrelle. - Si ce que l’honorable préopinant vient de nous dire est exact, il n’y a plus de difficulté. S’il ne faut que 48 heures quand il s’agit d’une augmentation de 150,000 francs, il me semble qu’on peut bien décider un sursis de quelques jours. Nous voterons alors avec connaissance de cause. Je suis étonné qu’après ce qui a eu lieu depuis trois ans, les partisans de l’augmentation de la caisse des retraites insistent avec tant de ténacité. Il est clair que l’on nous demande 150,000 fr. Le ministre vient de nous dire qu’il n’y avait que 102,000 de déficit. Or, c’est 48,000 de plus qu’il ne faut qui nous sont demandés.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Si l’honorable préopinant avait lu les explications déposées hier sur le bureau, il aurait vu que le déficit des années antérieures s’élève à 401,000 fr. Il s’étonne de l’insistance du gouvernement, je m’étonne davantage de l’insistante constante de quelques honorables membres, car il s’agit ici d’une question d’équité, de justice et même d’humanité.
En tous cas, nous vous demandons de quelle façon vous voulez que le déficit soit comblé, et vous ne pouvez nous le dire.
M. de Brouckere. - J’ai dit tout à l’heure que c’était la dernière année que la chambre devait voter une somme aussi considérable sans tous les éclaircissements possibles.
L’honorable M. Dumortier a répondu que nous avions tous les documents. Je dis qu’ils sont incomplets. Pour chaque individu il y a un dossier qui renferme tous les documents. La commission examine non seulement chaque dossier, mais encore chaque pièce du dossier. Un honorable membre a dit qu’en 48 heures la commission pourrait fournir son rapport, et après cela l’honorable M. Legrelle a demandé qu’en ajournât le vote à quelques jours. Je ne crains pas de le dire, si la commission consacrait tous les jours 3 heures à cet examen, elle n’aurait pas fini dans trois semaines. Quand nous aurons bien examiné les pensions à accorder, nous aurons à faire un rapport sur les 560 qui ont été accordées. Au reste, ce n’est pas la commission qui fournira un rapport, mais le gouvernement.
M. Dumortier. - Vous avez tous lu les tableaux fournis par le gouvernement. Le premier porte fr. 215,560 fr. ; le second fr. 261,266 ; total au 27 juillet 1834 : fr. 477,826.
D’où vient l’augmentation dont parle M. le ministre des finances ?
Ce chiffre forme une différence de 129,000 fr.
Je demande qu’on remette le vote à demain et j’arriverai avec tous les renseignements désirables. Je le répète, la chambre ne pourra voter que les 50,000 fr. alloués par la section centrale, à moins qu’elle ne veuille voir tous les ans se renouveler l’accroissement des demandes de la caisse des retraites.
M. Dujardin, commissaire du Roi. - Il suffit de lire l’intitulé du tableau dont parle l’honorable M. Dumortier, pour demeurer convaincu qu’il est complètement dans l’erreur, car ce tableau ne fait aucune mention des pensions antérieures à la révolution. La première partie de la liste comprend les pensions accordées depuis le 1er octobre 1830, jusqu’au 1er janvier 1833 et montant ensemble à 215.000 fr. C’est cette première partie que l’honorable préopinant confond avec ce qui concerne l’ancien gouvernement.
La seconde partie de l’état relate toutes les pensions allouées depuis le 1er janvier 1833 jusqu’au 27 juin de la même année. La récapitulation de ces deux parties donne pour résultat 261,000 frs. auxquels il faut, ainsi que je l’ai déjà dit, ajouter les reversions à des veuves et à des orphelins, d’anciennes pensions, jusqu’à concurrence de 31,000 fr. Ces sommes réunies forment celle de 292,000 fr, qui comparée au chiffre de 402,000 fr. des pensions nouvelles actuellement inscrites, fait ressortir une différence de 100,000 fr. C’est ce dernier chiffré qui est celui des pensions accordées, non seulement en 1834, mais depuis la fin de juin 1833 jusqu’au premier janvier 1835 ; c’est-à-dire en 18 mois. Ce calcul est évident.
- Le chiffre est mis aux voix ; deux épreuves par assis et levés sont douteuses.
On procède à l’appel nominal.
59 membres sont présents.
28 votent l’adoption.
31 votent le rejet.
En conséquence, le chiffre de 200,000 fr. demandé par le ministre est rejeté.
Ont voté l’adoption : MM. Berger, Brixhe, Cols, de Behr, de Brouckere, de Longrée, F. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Stembier, de Theux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubois, Duvivier, Ernst, Jadot, Lardinois, Meeus, Milcamps, Morel-Danheel, Olislagers, Pirson, Quirini, Vandenhove, Vanderbelen, Watlet, Zoude, Raikem.
Ont voté le rejet : MM. Bekaert, Cornet de Grez, Dautrebande, H. Dellafaille, de Meer de Moorsel, de Roo, Desmet, de Terbecq, Devaux, Doignon, Dumont, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon, Frison, Gendebien, Helias d’Huddeghem, Hye-Hoys, Legrelle, Troye, A. Rodenbach, Schaetzen, Trentesaux, Ullens, Vanderheyden, Verdussen, Vergauwen, L. Vuylsteke.
M. Fleussu s’est abstenu parce qu’il a été obligé de s’absenter pendant une partie du débat.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je demanderai à la chambre qu’elle dise, par un amendement, de quelle manière on pourvoira aux paiements que doit effectuer la caisse des retraites. Je ne peux pas faire qu’elle ait plus de revenus qu’elle n’en a ; je ne pourrai, par conséquent, payer les pensions qu’au prorata de ce qu’elles sont.
M. de Brouckere. - La chambre n’a pas de décision à prendre. La caisse de retraite doit se suffire à elle-même. Aucune réduction ne peut être faite aux pensions ; du moins, telle est mon opinion. C’est aux fonctionnaires à payer. Il faut augmenter le tantième des retenues. C’est un malheur.
M. Gendebien. - Il me semble que si M. le ministre avait eu le temps de réfléchir, il se serait aperçu que sa proposition est insolite. C’est à lui à savoir ce qui lui reste à faire, c’est à lui à prendre l’initiative pour proposer le mode de paiement des pensions de retraite. J’ai voté contre l’allocation demandée non pas que je veuille réduire les pensions légitimement acquises, non pas que je veuille que l’on augmente les retenues faites sur les traitements des employés des finances, les deux choses seraient injustes et intolérables. J’ai rejeté l’allocation parce que je suis convaincu qu’il y a eu des abus dans la collation des pensions et que M. le ministre des finances ne l’a pas suffisamment justifiée. Il me semble que l’intention de la chambre comme la mienne a été de montrer à M. le ministre qu’elle est décidée à arrêter les abus. (Assentiment).
Il n’y a rien de personnel dans le vote de la chambre. Que M. le ministre des finances y réfléchisse. Il verra qu’il y a un moyen d’arranger les choses, que l’on porte la sape dans toutes les pensions de retraite abusivement accordées ; que l’on mette en activité les hommes qui sont encore habiles aux emplois. Que l’on réduise les pensions exagérées d’une manière scandaleuse, et il trouvera moyen de payer les pensions légitimes. Quant à moi, voilà la signification de mon vote.
Je ne veux pas réduire les pensions légitimes. Je ne veux pas que l’on augmente les retenues que je considère comme trop fortes déjà pour ces petits traitements ; je ne veux pas voter des pensions de faveur au détriment des employés inférieurs. Je suis persuadé que ce que je viens de dire est l’expression de la chambre toute entière. (Assentiment.)
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il y a dit-on quelque chose d’insolite dans la proposition que je viens de faire à la chambre, je conviens franchement qu’en effet ma demande est insolite ; aussi ne l’ai-je faite que pour avoir occasion de démontrer l’étrange position où me place le vote qui vient d’avoir lieu.
D’un côté l’honorable M. de Brouckere me dit : il faut que vous payiez les pensions intégralement, et qu’en conséquence vous opériez des retenues plus fortes. D’un autre côté l’honorable M. Gendebien me dit : je ne veux pas que l’on réduise les pensions légitimement acquises, ni augmente les retenues déjà trop fortes sur les traitements. Je partage entièrement cette dernière opinion. Il serait injuste d’augmenter les retenues sur les traitements. Cependant les pensions doivent être payées. Car les quatre-vingt-dix-neuf centièmes des pensions sont bien et dûment accordées, j’en ai la conviction.
Il faut donc créer un déficit et comment l’accueilleriez-vous ? La position dans laquelle le vote de la chambre vient de me placer est sans issue ; le financier le plus habile ne saurait s’en tirer à moins, je le répète, d’ouvrir un déficit, ou d’augmenter les retenues, ou enfin de réduire les pensions et pourtant on ne veut pas de ces moyens !
M. A. Rodenbach. - On a dit dans le cours de la discussion qu’il y avait eu de grands abus commis, de fausses applications des règlements. J’espère que cette allégation est très forte. Si les faits sont exacts, il est à désirer que la commission de la caisse de retraite termine son travail et fasse au plus tôt disparaître ces abus et ces erreurs.
Lorsque la commission aura reconnu les erreurs, les abus, ou fausses applications du règlement, le ministre nous présentera le rapport, car la commission étant nommée en dehors de la chambre ne pourrait pas nous le présenter elle-même, et quand nous aurons vu disparaître les abus qu’on a signalés nous pourrons accorder le crédit nécessaire.
M. Trentesaux. - Je demande que le chiffre de la section centrale soit élevé de 75,000 francs, ce qui le portera à 125,000 francs. Par ce moyen j’augmente le chiffre de la section centrale et je réduis celui du gouvernement d’une somme égale. Vous voyez que c’est une mesuré qu’on peut appeler de juste-milieu. D’après ce que j’ai entendu dans la discussion, je crois qu’il est possible de faire une réduction sur le chiffre du gouvernement et d’un autre côté que celui que propose la section centrale ne serait pas suffisant. Je demande qu’on mette aux voix le chiffre de 125,000 francs au lieu de celui-ci.
M. de Brouckere. - Je déclare que je voterai pour l’amendement de M. Trentesaux. Mais il me semble qu’on ferait bien de renvoyer la discussion à demain.
Vous avez entendu ce qu’a dit le ministre, que la discussion de la chambre le mettait dans un grand embarras. Je suis convaincu qu’il a dit vrai. Il me semble qu’il ne faut pas précipiter le vote sur l’amendement de M. Trentesaux et de la section centrale. Peut-être que d’ici à demain de nouveaux renseignements pourront éclairer la question.
Je n’ajouterai qu’un mot dit que, selon moi, on ne pouvait pas faire de réduction avant que l’examen de toutes les pensions n’ait été fait. J’ai dit aussi que quelques abus, quelques fausses applications avaient eu lieu. Mais je suis faillible, je peux me tromper aussi bien que la commission qui a donné les pensions ; si on me démontrait que je me trompe, je reconnaîtrais mon erreur, et je serais fâché que la chambre, sur une simple assertion de ma part, émît un vote qui peut porter préjudice à ceux qui ont des pensions.
- La séance est levée à 4 heures et trois quarts.