(Moniteur belge n°34, du 2 février 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à une heure et demie.
M. de Renesse procède à l’appel nominal.
M. Brixhe donne lecture du procès-verbal de la séance précédente. Il est adopté.
M. de Renesse donne communication des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Le sieur F. Degotte, géomètre, demande une interprétation des arrêtés du gouvernement provisoire des 8 et 10 octobre 1830, relativement aux professions dites libérales. »
« Le sieur Devilliers-au-Tertre, lieutenant-colonel de la garde civique du canton de Dalhem (province de Liége), demande la naturalisation. »
« Les sieurs Legrand et Bréda, vicaires à Stavelot, demandent que la chambre décide à qui incombent les traitements des vicaires. »
- Ces pétitions sont renvoyées à la commission chargée d’en faire le rapport.
Le bureau du sénat informe M. le président que cette assemblée a adopté, dans la séance du 31 janvier, le budget du ministère des affaires étrangères.
M. le ministre des finances (M. d'Huart) monte à la tribune. - Messieurs, dit-il, j’ai l’honneur de présenter à la chambre un projet de loi sur les los-renten. L’exposé des motifs à l’appui de ce projet est très long et absorberait sans utilité, s’il était lu, les moments de la chambre. Je me bornerai à le déposer sur le bureau et à en demander l’impression. (Nous publierons ce projet de loi dans un prochain numéro.)
M. le président. - La chambre donne acte à M. le ministre de la présentation du projet de loi. Je vais consulter la chambre sur la question de savoir si les sections ou une commission spéciale sera saisie de l’examen de ce projet.
- Plusieurs membres. - Le renvoi aux sections.
M. de Brouckere. - Les sections sont très occupées, elles sont surchargées de besogne. Si l’on renvoyait le projet dans les sections, il ne nous serait fait que très tard un rapport à cet égard. Cependant j’aurai l’honneur de rappeler à l’assemblée qu’à l’occasion du budget de la dette publique et des dotations, il a été décidé l’année dernière par la chambre que les los-renten feraient dans le courant de la session l’objet d’une décision législative. Cette promesse n’a pas été tenue. Il me semble que l’équité exige que les porteurs de los-renten n’attendent pas plus longtemps la décision de la législature. Je propose donc le renvoi du projet à une commission spéciale.
M. Meeus. - Messieurs, si ma mémoire est bonne, il doit y avoir une commission déjà saisie de la question des los-renten. C’est l’honorable M. Milcamps qui a été chargé par cette commission de nous présenter un rapport.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense que l’honorable M. Meeus confond la commission dont il parle avec la section centrale chargée l’année passée de l’examen du budget. Je ne crois pas que l’on puisse considérer cette section centrale comme ayant mission d’examiner le projet de loi que je viens de présenter. Au reste, je n’ai aucune observation à faire sur le choix des sections ou d’une commission pour procéder à cet examen. Je m’en remets à la décision que l’assemblée croira devoir prendre à cet égard.
M. de Brouckere. - J’ai demandé la parole pour faire remarquer à l’honorable M. Meeus qu’une commission est saisie de l’examen de la question des los-renten depuis plus d’une année. La chambre a déjà réclamé le rapport de cette commission. Il y aurait lieu, ou de renvoyer le projet de loi à cette commission, ou de nommer une commission spéciale.
M. Dumortier, qui vient d’entrer en séance. - Je suppose qu’il est question de la commission chargée d’examiner la question de la dette publique. J’ai l’honneur d’affirmer que cette commission s’est réunie il y a peu de jours. Son rapport est déjà commencé. Il sera soumis sous peu à la chambre.
M. Jadot. - Le renvoi en sections me paraît devoir être adopté par la chambre. C’est le seul moyen de mettre tous les membres de cette assemblée à même d’examiner la question des los-renten.
M. Verdussen. - Je ferai remarquer que l’objet en discussion est distinct de celui dont a parlé l’honorable M. Dumortier. Le projet de M. le ministre des finances tend à bonifier aux possesseurs des los-renten un intérêt de 5 p. c. au lieu de celui de 2 p. c. qu’ils touchent actuellement, tandis que la question dont la section centrale est saisie est de faire payer l’intérêt des los-renten en circulation refusées en Hollande et en Belgique. Les questions sont donc bien distinctes. J’appuie donc la demande de renvoi à une commission spéciale. C’est le seul moyen à prendre pour que des hommes spéciaux et connaissant la matière puissent examiner la loi qui vient de vous être présentée sans nuire aux intentions de la chambre.
M. Van Hoobrouck. - Je demande que la chambre renvoie le projet de loi à l’examen de la commission qu’elle a chargée l’année dernière de lui présenter un rapport sur la question des los-renten. Cette commission, ayant déjà abordé cette matière, est plus à même de nous présenter un rapport qui atteigne le but que se propose l’assemblée.
M. Gendebien. - Il me paraît extrêmement naturel de renvoyer le projet à une commission, qui s’occupe déjà de cette matière. Qu’on lui adjoigne quelques membres nouveaux, et nous aurons une commission complète. En agissant ainsi vous aurez prochainement un rapport. J’entends que cette commission compte six membres. Nommez-en quatre nouveaux. Je crois qu’elle sera en mesure d’examiner à fond la question de los-renten.
M. Meeus. - Messieurs, lorsque j’avais demandé que le projet de loi fût renvoyé à la commission déjà nommée, c’était dans le but d’accélérer le rapport, attendu que la commission que l’on nommerait ne serait pas nantie de toutes les pièces sur la matière que possède déjà l’ancienne. Celle-ci a déjà examiné la question des los-renten ; au fond, il ne lui reste plus qu’à donner son rapport. Si nous lui envoyons le projet de loi présenté par M. le ministre des finances, elle n’aura qu’à ajouter quelques réflexions nouvelles. Toute mon intention est que l’on donne enfin une solution à une question en suspens depuis quatre ans, à une question qui est toute d’équité et de justice.
M. Milcamps. - J’ai l’honneur de faire remarquer à la chambre que la section centrale chargée de l’examen des budgets de l’année précédente a été saisie de la question des los-renten. Voici comment elle s’explique à cet égard dans son rapport sur le budget de la dette publique : (L’honorable membre donne lecture d’un passage du rapport de la section centrale sur le budget de la dette publique pour l’année 1834.) Vous voyez donc que la section centrale de l’année passée s’est réservé l’examen de la question des los-renten.
Il me semble qu’il est convenable qu’elle en reste saisie. C’est pour ce motif que moi qui avais examiné la question des los-renten, j’ai cru ne pas en devoir saisir la nouvelle section centrale.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense que pour mettre fin à la discussion qui vient de s’engager sur le renvoi relatif à l’examen du projet de loi donc je viens de donner communication et pour concilier toutes les opinions, il conviendrait d’admettre la proposition de l’honorable M. Gendebien, laquelle consiste à adjoindre de nouveaux membres à la commission déjà nommée. Ainsi, aux personnes qui déjà l’année dernière se sont occupées des los-renten, vous pourriez réunir ceux des membres de la chambre qui connaissent plus particulièrement le matière.
M. Dumortier. - Je crois devoir informer la chambre que le retard apporté à la rédaction du rapport de section centrale des budgets doit être attribué à la maladie que j’ai faite pendant laquelle les documents relatifs à cette question me sont parvenus. Il m’a été impossible de m’en occuper à cette époque. Du reste, comme j’ai eu de le dire, la commission s’est réunie il y a peu de temps. Le rapport est déjà commencé : je désirerais que la chambre adjoignit quatre membres à cette section centrale, comme M. Gendebien en a fait la demande, si l’assemblée décidait qu’elle sera saisie du nouveau projet de loi.
- La chambre décide que le projet de loi présenté par M. le ministre des finances sera renvoyé à l’examen d’une commission.
La commission sera composée des 6 membres composant l’ancienne section centrale des budgets et de 4 membres nouveaux.
La nomination de ces 4 sera faite par le bureau.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Vous aurez pu remarquer, messieurs, que dans le rapport de la section centrale du budget de la dette publique, il est conclu à une réduction de 150,000 francs sur les fonds de la caisse de retraite. J’ai à présenter à la chambre des observations assez longues que je regarde comme devant éclaircir la question. J’y joindrai un tableau indiquant la situation de la caisse de retraite. Comme il n’est pas probable que la chambre entame cette discussion avant demain, je me bornerai à déposer ces observations sur le bureau, avec demande d’insertion au Moniteur, afin que chaque membre puisse en prendre connaissance.
M. de Robaulx. - Je demande l’impression séparée.
- L’impression des observations de M. le ministre des finances sur la situation de la caisse de retraite est ordonnée.
M. A. Rodenbach. - Il y a environ 3 ans que la maison Ober et compagnie a adressé une pétition à la chambre tendante à ce que les soies écrues payassent un droit moins élevé que les soies imprimées. En 1832 la commission de commerce et d’industrie a fait un rapport sur cet objet par l’organe de l’honorable M. Vilain XIIII. Aucune suite n’a été donnée à ce rapport. Vers la fin de 1833 la même maison a adressé une requête nouvelle à la chambre qui l’a également accueillie avec faveur. L’honorable M. Gendebien demanda le renvoi à la commission d’industrie et de commerce, renvoi qui fut adopté avec déclaration d’urgence.
(Erratum au Moniteur belge n°35, du 4 février 1835 :) Cependant voilà 14 mois que l’urgence a été admise, et aucun rapport ne nous a été présenté. Il me semble que ce système d’indécision, de tâtonnements, est fatale à notre industrie : Déjà M. Ober a transporté à St-Denis des planches gravées, et le salaire qu’auraient dû gagner les ouvriers belges est gagné par des ouvriers français. Il me semble qu’il est plus que temps de nous communiquer le rapport de la commission : si l’industrie venait à décroître en Belgique, on attribuerait son dépérissement à la lenteur de nos travaux et au peu d’activité de la commission que nous avons nommée.
(Erratum au Moniteur belge n°35, du 4 février 1835 :) M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’ai l’honneur d’informer la chambre que l’on s’occupe dans mon ministère d’un projet de loi sur l’objet qu’a rappelé l’honorable M. Rodenbach. La commission d’industrie m’en avait entretenu et m’avait pressé de présenter un projet. Je me suis rendu à sa demande. Les bases de la loi sont arrêtées, elle sera très courte. Cependant je ne puis la présenter immédiatement parce qu’il me faudra réclamer l’intervention de M. le ministre de l’intérieur que l’objet concerne également. J’espère pouvoir présenter le projet de loi dans une semaine. Il répondra aux vœux de M. Rodenbach et à ceux de l’assemblée.
(Erratum au Moniteur belge n°35, du 4 février 1835 :) M. Davignon. - M. le ministre des finances vient de rendre inutile l’explication que j’avais l’intention de donner à la chambre. Cependant, je ferai observer qu’il a été fait droit à la première demande de M. Ober, par le rapport de l’honorable M. Vilain XIIII. Quant à la seconde pétition, la commission d’industrie s’en est immédiatement occupée après qu’elle en eut été saisie. Mais voulant apporter une décision en connaissance de cause sur une requête qui intéressait une industrie encore naissante, mais qui paraît devoir prendre racine dans notre pays, elle a interrogé trois fabricants de soieries de Gand, Lierre et Anvers ; cette enquête eut lieu au mois de février de l’année passée.
L’absence de M. Ober dont nous avons attendu le retour, parce qu’il nous était nécessaire de l’entendre sur certains faits, a retardé l’examen que nous avions commencé. La semaine passée, M. Ober a été entendu. La commission d’industrie a pu dès lors terminer son travail. Vous venez d’entendre M. le ministre des finances : nous avons lieu d’espérer que dans peu de jours un projet de loi vous sera présenté. Il sera, comme je le désire, conçu de manière à retenir dans ce pays une industrie qui lui fait honneur.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’ai demandé la parole pour parler de l’ajournement de la discussion de la proposition relative au canal de Zelzaete. Je demande que cette discussion soit fixée après la discussion de la loi communale. D’ici à cette époque toutes les pièces justificatives seront imprimées et déposées au greffe. Chacun des membres de cette assemblée pourra en prendre connaissance.
M. Gendebien. - Est-il bien entendu que la question restera entière telle qu’elle a été laissée après la discussion de la séance de samedi ?
M. de Brouckere. - Je demande la parole pour exposer les choses telles quelles se sont passées, pour qu’il n’y ait pas de malentendu. Je n’ai pas exprimé mon opinion sur le projet du canal de Zelzaete. Différentes demandes d’ajournement de la proposition y relative avaient été faites par divers membres. M. le ministre des affaires étrangères demanda que la chambre ne s’occupât point de la question d’ajournement et remît la décision de cette question à aujourd’hui. Aujourd’hui donc nous avons à examiner la question d’ajournement.
Si la proposition de M. le ministre de l’intérieur passe, elle se trouvera tranchée. La question du fond est ajournée après le vote de la loi communale. (M. le ministre de l’intérieur fait un signe d’assentiment.) M. le ministre de l'intérieur reconnaît que j’ai bien exposé ses intentions. Je ne l’ai fait que pour qu’il n’y eût pas de surprise, parce que je m’apercevais que tout le monde ne comprenait pas de quoi il s’agissait.
M. Gendebien. - Je demande, afin d’économiser le temps, qu’on laisse les choses entières telles qu’elles le sont depuis la séance d’avant-hier. Quand les pièces auront été imprimées, nous pourrons nous prononcer sur toutes les questions. Nous discuterions aujourd’hui en pure perte. Il a été bien entendu que l’on ne voulait pas se surprendre mutuellement. De peur de surprise, laissons donc les choses telles qu’elles sont.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne tiens pas à ce que la question du canal de Zelzaete soit décidée aujourd’hui ou après la loi communale. Comme la chambre avait à prendre une résolution sur la fixation du jour de la discussion, j’ai cru devoir proposer l’époque qui me paraissait la plus convenable.
M. de Robaulx. - En m’élevant contre la proposition relative au canal de Zelzaete, je voulais empêcher qu’on ne se prononçât sur une question de principe à propos de budget. Maintenant que le budget du département de l’intérieur est voté, la proposition tombe d’elle-même ; il faut que le gouvernement présente un projet séparé. Il est impossible que la demande d’allocation qui a été faite pour le canal de Zelzaete puisse tenir lieu maintenant de projet. c’est au ministre à prendre maintenant à cet égard son droit d’initiative. La chambre n’est plus légalement saisie d’un projet. Si le gouvernement croit le canal nécessaire, qu’il nous demande l’autorisation de le construire et les fonds nécessaires pour cette construction. Mais nous ne pouvons plus discuter sur le rapport de la section centrale.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Quant à la responsabilité du projet je l’assume bien volontiers, c’est pour ce motif que nous avons soutenu la discussion dans la séance de samedi. Je n’admets pas la manière de voir du préopinant sur l’existence du projet. J’ai fait mes réserves à cet égard avant le vote définitif qui a eu lieu dans la séance d’avant-hier. J’ai rappelé un antécédent de la chambre et j’ai établi que le rapport de la section centrale pourrait servir de projet séparé. Quand le temps en sera venu, je tâcherai de démontrer que mon opinion est fondée.
M. Dumortier. - Je ne puis partager l’opinion absolue de l’honorable M. de Robaulx. Il prétend que le gouvernement doit nous présenter un projet de loi. Mon opinion est que la chambre est déjà saisie d’une proposition sur le canal de Zelzaete.
M. de Robaulx. - On ne peut voter un crédit si l’on n’a voté le principe de la dépense.
M. Dumortier. - Si la chambre veut voter la confection du canal, elle en fait l’objet d’un article du budget. Si elle veut voter le principe, elle en ajourne la discussion. C’est ce qu’elle a fait. Voilà toute la question. Il est d’autant plus nécessaire de placer la question sur ce terrain que si vous n’ajourniez pas la discussion à une certaine époque, elle pourrait se faire tel jour qu’il plairait au ministère de désigner. Au moyen d’une simple mise à l’ordre du jour cela pourrait se faire : il ne faut pas que l’on se surprenne mutuellement.
Je ne doute pas que M. le ministre de l’intérieur n’ait des intentions pures. Mais nous devons avoir toute garantie. La question est assez grave pour que M. le ministre de l’intérieur mette sous nos yeux toutes les pièces qui y sont relatives afin que nous puissions acquérir une conviction. Je demande qu’après que ce dépôt aura été fait, les pièces soient renvoyées aux sections ou à une commission spéciale que la chambre chargera de nous faire un rapport. Il est manifeste que la lecture de ces pièces doit changer la face de la question. C’est, comme l’a dit l’honorable M. Fleussu, le rapport actuel de la section centrale ne nous apprend rien que nous ne sachions déjà. Il ne faut pas que l’on puisse mettre à l’ordre du jour le projet de construction du canal de Zelzaete sous la forme d’un simple arrêté de crédit.
Je me résume et demande le dépôt de toutes les pièces relatives au canal de Zelzaete, le renvoi de ces pièces à une commission composée de deux membres par province, chargée de faire un rapport sur l’opportunité de la mise à exécution du projet, et la discussion, s’il y a lieu.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable M. Dumortier est d’accord avec moi que la chambre reste saisie d’un projet de loi, ou du moins d’un proposition. Il demande seulement le renvoi de toutes ces pièces à l’examen d’une commission. La section centrale en a déjà pris connaissance, et c’est sur l’examen de ces pièces et après une délibération nouvelle qu’elle a fait son rapport à la chambre.
Maintenant, la chambre désire avoir elle-même connaissance de toutes les pièces communiquées à la section centrale. J’ai déjà fait imprimer les principales pièces, et je pensais qu’elles seraient distribuées ce matin. Je ferai déposer au greffe les autres pièces, afin que chacun des membres puisse en prendre connaissance.
Quant à de la surprise, il ne peut en être question, puisque j’avais proposé de fixer la discussion de la proposition relative au canal de Zelzaete après la loi communale. Chacun aura tout le temps d’examiner le projet, les pièces imprimées et celles déposées au greffe. Ce ne sera qu’en pleine connaissance de cause qu’on abordera la discussion. C’est la marche la plus rationnelle qu’on puisse suivre, toute autre marche tendrait à retarder inutilement la discussion.
De deux choses l’une, ou le projet est utile ou il ne l’est pas ; s’il n’est pas utile, la chambre le rejettera, et s’il est utile, qu’on n’oppose pas des formes dilatoires, qu’on aborde franchement la discussion.
La chambre a procédé comme je propose de le faire ici, lorsqu il s’est agi des réparations à faire au Fourchu-Fossé.
M. H. Dellafaille, rapporteur. - Messieurs, je pense que la chambre est suffisamment saisie. Le ministre a proposé au budget une allocation pour la construction d’un canal ; il a convenu à la chambre de détacher cette proposition du budget, pour en faire l’objet d’un projet de loi séparé. C’est ce qu’elle a fait l’année dernière à propos du crédit demandé pour réparations au Fourchu-Fossé ; c’est ce qu’elle a fait encore en 1833 à l’occasion d’un crédit demandé pour réparations aux digues de la Meuse. Les propositions comme celle du canal de Zelzaete avaient été faites au budget, elles en ont été détachées par une décision de la chambre, pour former l’objet de projets de loi séparés. La chambre est donc suffisamment saisie du projet de canal. Il en est de même de la demande de crédit ; le tout a été examiné dans les sections, puis par la section centrale qui nous a fait son rapport.
Personne ne veut surprendre la religion de la chambre. Si la chambre croit que de nouvelles pièces sont nécessaires pour apprécier l’utilité du projet, elle les réclamera, le dépôt en sera fait.
Maintenant, veut-on une nouvelle instruction ? La chambre est toujours libre de l’ordonner. Veut-elle charger une commission de cette nouvelle instruction ? Les membres de la section centrale n’y feront pas d’objection. Mais je crois que toutes les formes requises par le règlement pour que la chambre soit légalement saisie ont été remplies, et que quand les pièces à l’appui auront été imprimées et distribuées, tous les membres seront en état de délibérer sur la question, à moins que la chambre n’ordonne une nouvelle instruction, et alors elle en chargera qui elle voudra.
M. Dumortier. - Ce que je vois de plus clair dans cette discussion, c’est qu’il y a dans la chambre une opinion qui ne veut pas de nouvelle instruction et qui prétend que celle qui a été faite suffit. C’est ce que je nie. Qu’avez-vous décidé dans là séance précédente ? Vous avez écarté la proposition d’ajournement indéfini faite par l’honorable M. de Robaulx, et vous avez adopté la proposition faite par M. le ministre des affaires étrangères de ne discuter la question d’ajournement que quand le rapport de la section centrale serait distribué. C’est à vous de voir si vous voulez ou non un nouvel examen.
Quant à moi, je ne cesserai de répéter que la chambre doit bien faire attention à cela, que si elle déclare que la question est suffisamment instruite pour qu’on puisse passer outre à la discussion, le ministre pourra, quand il lui plaira, faire discuter la question ; il suffira d’une simple mise à l’ordre du jour, car on dira : Le rapport est fait, nous n’avons plus qu’à discuter et à voter.
Voilà la chose telle qu’elle est.
Quant à moi, je déclare que je ne suis pas suffisamment éclairé. Il est impossible que la chambre mette en discussion une proposition aussi importante que celle dont il s’agit, sans que toutes les pièces aient été examinées soit dans les sections, soit dans une commission. La chambre n’a pas donné à la section centrale le mandat d’examiner une proposition de canal sous toutes ses faces, il faut qu’une section centrale ou une commission soit nommée ad hoc.
Je pense bien que la chambre est suffisamment saisie de la proposition par le gouvernement, mais je suis aussi convaincu qu’il faut un nouvel examen. Comme je le disais tout à l’heure, si vous n’ordonnez pas le nouvel examen, un beau jour, s’il plaît au gouvernement, on pourra ouvrir la discussion sans que la chambre y soit préparée.
Je demande qu’on nomme pour examiner le projet de canal une commission composée de deux membres de chaque province, qu’on imprime tous les documents, comme on l’a fait pour le chemin de fer, et qu’un nouveau rapport nous soumis.
M. H. Dellafaille, rapporteur. - Je commencerai par répondre à l’honorable préopinant qu’on n’a pas à craindre que le ministre fasse discuter la proposition dont il s’agit le jour qu’il lui plaira, puisque la chambre est toujours maîtresse d’ajourner une discussion.
Je lui dirai ensuite que la section centrale du budget de l’intérieur avait reçu le mandat d’examiner tout ce qui était relatif à la construction du canal de Zelzaete, puisque cette construction était comprise dans le budget de l’intérieur. La section centrale a fait son rapport ; je crois que toutes les formes prescrites pour qu’une proposition puisse être mise en discussion ont été remplies. C’est ainsi que pour les réparations aux rives de la Meuse en 1833, et au Fourchu-Fossé l’année dernière, sans autre instruction que le rapport fait par la section centrale du budget de l’intérieur, la chambre a procédé à la discussion des propositions du ministre qu’elle avait distraites de son budget, et en a fait des projets de loi séparés.
Maintenant, le rapport de la section centrale est-il satisfaisant ? C’est une autre question. La chambre peut renvoyer la question à une nouvelle commission si elle le juge convenable ; je ne lui conteste pas le droit de dessaisir la section centrale du budget de l’intérieur, et de nommer une commission en qui elle ait plus de confiance ; les membres de la section centrale ne s’y opposeront pas, et quant au rapporteur, il le désire plus que personne.
M. Dumortier. - Il résulte du rapport que la section centrale au lieu d’adopter la proposition du ministre l’a rejetée. La constitution est formelle. Elle dit qu’en cas de partage sur une proposition, elle est rejetée. Il résulte du rapport qu’il y a eu partage. La moitié seulement des membres de la section centrale ont voté pour l’adoption de la proposition, donc la proposition est rejetée. On ne peut pas présenter comme proposition de la section centrale une proposition qui, aux termes de la constitution, est rejetée.
M. A. Rodenbach. - Je ferai observer qu’il y a eu deux rapports et que dans le second la proposition a été adoptée par la majorité.
M. Dumortier. - C’est dans ce second rapport que je prétends que la proposition a été rejetée. En effet, six membres ont été présents, trois ont voté pour l’adoption, deux se sont abstenus et un a voté contre. Il n’y a pas en majorité pour l’adoption, donc la proposition est rejetée.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je reconnais que toute discussion dans ce moment est inutile. Mais je ne peux pas laisser passer sans réplique l’assertion de l’honorable préopinant car elle est entièrement erronée. La section centrale était composée de six membres ; deux se sont abstenus, donc ils n’ont voté ni pour ni contre. Quatre membres ont pris part au vote : sur ces quatre membres trois ont voté pour l’adoption, un a voté contre, donc la proposition a été adoptée. Je ferai d’ailleurs observer qu’alors qu’il y aurait eu partage dans la section centrale, la proposition du gouvernement n’en subsisterait pas moins.
M. H. Dellafaille, rapporteur. - La question dont il s’agit a été soumise à la section centrale, et à l’unanimité, y compris les membres qui se sont abstenus et celui qui a voté contre, il a été décidé que la proposition était adopté. Cela au reste ne ferait rien, car la section centrale eût-elle conclu au rejet, l’assemblée devrait encore délibérer sur la proposition.
M. le président. - Je vais mettre aux voix la proposition de M. le ministre de l’intérieur de fixer la discussion relative au canal de Zelzaete après le vote de la loi d’organisation communale.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Pour éviter une discussion, j’ai consenti à ce qu’on ajournât la discussion même sur la question d’ajournement.
M. Gendebien. - C’est alors de passer à l’ordre du jour purement et simplement.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne puis consentir à ce qu’on passe à l’ordre du jour, parce que cela impliquerait un jugement défavorable de la part de la chambre. Je demande qu’on ajourne indéfiniment la question d’ajournement de ma proposition, sauf à la reproduire plus tard si on le juge à propos.
- L’ajournement proposé par M. le ministre est mis aux voix et adopté.
M. Dumortier. - Je demande que ma proposition concernant la nomination d’une commission reste déposée sur le bureau pour que la chambre l’examine quand il y aura lieu.
M. le président. - Si personne ne demande la parole sur la discussion générale, nous passerons immédiatement à la discussion des articles.
« Article unique. Liste civile : fr. 2,751,322 75 c. »
- Pour mémoire.
« Article unique. Sénat : fr. 20,000. »
M. Dumortier. - D’après une demande qui m’a été adressée par MM. les questeurs du sénat, je prie la chambre de porter ce chiffre à 22,000 fr.
- Le chiffre de 22 mille fr. est mis aux voix et adopté.
« Article unique. Chambre des représentants : fr. 412,855. »
- Adopté.
« Art. 1er. Membres de la cour : fr. 43,386 20 c. »
- Adopté.
« Art. 2. Personnel des bureaux : fr. 63,224. »
M. le président. - La section centrale propose de réduire le chiffre de cet article à 59,224 fr.
La réduction de 4,000 fr. est la conséquence d’une erreur d’addition.
M. de Brouckere. - L’augmentation de 500 fr. demandée sur le budget de l’année dernière avait pour but de nommer un commis-greffier. M. le rapporteur fait très bien observer que cette nomination ne peut avoir lieu qu’en vertu d’une loi. Toutefois ajoute-t-il, s’il ne s’agit que de suppléer le greffier dans les écritures, la section centrale propose l’adoption de la majoration de 500 fr.
Je désirerais que le ministre des finances voulût bien déclarer qu’en effet il n’est pas question de la nomination d’un commis-greffier qui pourrait suppléer le greffier dans ses fonctions et avoir la signature. Le rapport de la section centrale n’est pas une garantie à cet égard, je prie le ministre de vouloir bien s’expliquer.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Comme vient de le dire l’honorable préopinant et comme l’a fait observer l’honorable rapporteur, les 500 francs demandés sont destinés à un employé chargé de suppléer le greffier seulement dans les écritures, mais non de prendre des conclusions ni d’avoir la signature à la place du greffier. C’est pour avoir un travailleur de plus.
Quand nous nous occuperons de la loi présentée par M. Dumortier, on verra quel changement il peut être utile d’apporter dans le personnel de la cour des comptes. Il n’y a donc aucun inconvénient à accorder le commis-greffier demandé.
M. de Brouckere. - Les 500 fr. demandés sont destinés à un chef de division auquel on donnera le titre de commis-greffier. Le rapporteur dit : Nous ne nous refusons pas à donner 500 francs de plus à un chef de division qui doit avoir quelques attributions nouvelles, mais nous pensons que ni le gouvernement ni la cour des comptes ne peut nommer un commis-greffier. Nous ne refusons pas les 500 fr. que la cour des comptes demande pour un employé, mais nous pensons qu’elle ne peut pas donner le titre de commis-greffier à un de ses employés.
Messieurs, nous sommes sur le point de discuter une loi relative à la cour des comptes ; il ne faut pas qu’on puisse nous dire, quand nous discuterons cette loi : Outre les fonctionnaires désignés dans la loi d’organisation, il a été nommé un commis-greffier par suite du vote de la chambre. Lors de la discussion de cette loi, je ne m’opposerai pas à l’adjonction d’un commis-greffier, mais je demande qu’aujourd’hui le ministre déclare s’il pense, comme nous, que le gouvernement ni la cour des comptes ne peut pas nommer un commis-greffier.
M. Dumortier. - Je partage l’opinion du préopinant. Un projet a été déposé, il sera discuté incessamment ; nous ne devons rien préjuger. Je demande donc l’adoption du chiffre proposé. Les traitements des membres de la cour des comptes devront être augmentés ; dans la loi spéciale que nous ferons, il y aura lieu d’accorder un traitement pour le commis-greffier si dans l’organisation vous admettez cette fonction.
Je demande qu’on se borne à voter le crédit tel que la cour le demande.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - La loi actuelle sur l’organisation de la cour des comptes ne reconnaît pas la qualité de commis-greffier. Je demande qu’on maintienne l’augmentation ; elle est proposée afin d’obtenir plus de travail d’un employé qui devra aider le greffier dans ses nombreuses occupations. Voilà la considération qui me fait appuyer la majoration demandée par la cour des comptes en attendant la loi qui la concerne.
M. Milcamps, rapporteur. - La chambre aura remarqué que la cour dans son budget particulier avait demandé une augmentation de 500 francs destinée à majorer d’autant le traitement d’un chef de division qui, nommé par la cour, réunirait à ses fonctions celles de commis-greffier, pour suppléer le greffier en cas d’empêchement.
« A l’égard de cette nomination, il a été observé que la loi d’organisation de la cour des comptes ne prévoyant pas les fonctions d’un commis-greffier, un chef de division nommé commis-greffier par la cour ne pourrait avoir la signature publique, ni conséquemment rendre authentique aucun acte, aucune expédition, parce qu’il est de principe que personne n’a de caractère public qu’autant que la loi le lui conféré.
Vous voyez que la section centrale n’a pas admis que la cour des comptes pût nommer un commis-greffier ayant qualité pour donner par sa signature un caractère d’authenticité à des actes. Mais la section centrale a pensé qu’un employé pouvait être nécessaire pour suppléer le greffier dans ses écritures, et par cette considération elle a cru pouvoir proposer la majoration de 500 fr. De sorte que, dans la pensée de la section centrale, ces 500 fr. ne seraient pas destinés à payer un commis ayant un caractère public, mais un employé qui aiderait le greffier dans ses écritures.
- Le chiffre de 59,224 fr. est mis aux voix et adopté.
« Art. 3. Matériel : fr. 16,900. »
- Adopté.
M. le président. - Veut-on faire du budget des dotations une loi séparée ?
M. Dumortier. - On ne pourra pas terminer aujourd’hui le budget de la dette publique, attendu les observations déposées sur le bureau par M. le ministre des finances sur la caisse de retraite et d’autres articles dont la discussion pourra être assez longue. Je demande que la chambre veuille bien faire de la loi des dotations un projet de loi séparé, comme elle l’a fait pour l’année dernière.
M. le président. - S’il n’y a pas d’opposition le budget des dotations formera un projet de loi séparé.
La chambre entend-elle voter définitivement cette loi séance tenante, malgré l’augmentation de deux mille francs ? (Oui ! oui ! oui !)
Je vais mettre aux voix l’article premier :
« Le budget des dotations pour l’exercice 1835, est fixé à la somme de fr. 3,305,687 95 c., conformément à l’état ci-annexé. »
- Adopté.
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »
- Adopté.
M. le président. - D’après la décision de la chambre il va être procédé à l’appel nominal sur l’ensemble du projet.
- En voici le résultat : Le projet est adopté à l’unanimité des 58 membres qui ont répondu à l’appel. En conséquence le projet sera transmis au sénat.
« Art. 1er. Intérêt de la dette active inscrite au grand livre auxiliaire : fr. 611,894 17 c. »
M. de Terbecq. - Je profite de la discussion sur l’ensemble du budget de la dette publique pour rappeler qu’un grand nombre d’établissements publics ont des inscriptions sur le grand-livre de la dette active à Amsterdam, et que depuis les événements de 1830 le gouvernement hollandais a cessé d’en payer les intérêts.
A l’article premier du budget de la dette publique on porte comme l’année dernière la somme de 611,894 francs 17 centimes ; à cette occasion, messieurs, je demanderai au ministère si par suite des réclamations adressées aux chambres par des administrations d’hospices et de bienfaisance pour qu’elles puissent obtenir les intérêts dus dont il s’agit, et dont le produit doit servir d’aliments journaliers pour le pauvre et l’orphelin ; je demanderai, dis-je, au ministre s’il n’a pas jusqu’ici obtenu des renseignements tels qu’il puisse actuellement apprécier le montant des intérêts de la dette active dus à ces établissements publics, pour pouvoir ainsi proposer une majoration à l’article premier de ce budget.
M. Verdussen. - Messieurs, quoique ce soit sur le même objet que celui dont vient de vous entretenir l’honorable M. de Terbecq que j’aie a vous parler, je crois pouvoir entrer, pour faire valoir sa proposition, dans de plus amples développements qu’il n’a jugé à propos de le faire.
J’entre en matière :
Par son arrêté du 11 janvier 1831, le gouvernement provisoire a décidé que le paiement des intérêts des sommes inscrites sur le grand-livre auxiliaire de la dette active des Pays-Bas serait avancé par la Belgique. Cet arrêté vraiment patriotique, qui fait le plus grand honneur au gouvernement provisoire, établit par son dispositif, et surtout par ses considérants remarquables, le principe que la nation viendra au secours des Belges dont les intérêts seront lésés par le refus que ferait la Hollande de leur payer les annuités dues par le royaume des Pays-Bas. Je me crois en conséquence fondé à réclamer le même avantage pour tous les créanciers belges, qui comme tels ont été frustrés de la jouissance des intérêts de la dette active, et auxquels l’arrêté du gouvernement provisoire, par sa spécialité n’est point applicable.
Indépendamment des inscriptions du livre auxiliaire de la dette active, la Hollande a encore refusé l’acquittement des intérêts de la même nature dus à des établissements situés en Belgique, dont les capitaux ont été nominativement inscrits sur le grand-livre resté dans les provinces septentrionales : il est évident que ce second refus repose sur les mêmes bases que le premier, et que c’est leur qualité commune de Belges qui prive ces deux espèces de créanciers de l’ancien royaume de la jouissance de leurs revenus. Cette vérité incontestable nous impose, suivant moi, le devoir de les placer sur la même ligne, et d’appliquer à ces établissements publics la même faveur que l’arrêté du 11 janvier 1831 a conférée aux créanciers du livre-auxiliaire, car il me semblerait absurde de traiter différemment deux individus dont la position est tout à fait semblable.
C’est avec la conviction intime de la justice d’une pareille mesure, que je viens m’adresser au ministère pour qu’il se fasse fournir les états exacts et détaillés de toutes les créances de l’espèce dont je parle. S’il m’eût été possible d’évaluer approximativement, même d’une manière très imparfaite, le montant de la somme nécessaire au paiement des intérêts réclamés en faveur de ces établissements publics, je me serais hâté de formuler un amendement propre à être introduit dans le budget actuel ; mais l’absence totale de données et de renseignements propres à nous guider en ce point m’a obligé de renoncer à cette envie, et de me borner à demander formellement à M. le ministre qu’il s’occupe assez activement de cet objet pour pouvoir présenter, à cet égard, un article nouveau dans le budget de la dette publique de l’exercice prochain de 1836. J’adresse cette demande avec d’autant plus de confiance au gouvernement que j’ai lieu de croire que déjà des réclamations lui ont été faites de ce chef par des administrations de charité et qu’il les a accueillies avec bienveillance, sans toutefois pouvoir répondre du succès auprès de la représentation nationale.
Si une demande aussi juste pouvait rencontrer de l’opposition dans cette assemblée, je prierais mes honorables collègues de remarquer que tôt ou tard l’Etat devra payer dans tous les cas ces intérêts aux établissements auxquels je m’intéresse dans ce moment : si un jour le traité des 24 articles est mis en exécution entre la Belgique et la Hollande, il est évident que, dans la capitalisation des intérêts qui tomberont à notre charge, les sommes dues nominalement à nos bureaux de bienfaisance et autres établissements publics seront comprises avant d’autres qui ne seraient inscrites qu’au porteur ; et si au contraire le traite du 15 novembre 1831 n’est jamais accepté par la Hollande, alors le pays ne pourrait pas sans injustice laisser constamment sans la jouissance de leurs intérêts des établissements qui pour la plupart sont obligés, pour combler ce déficit, d’exiger des subsides plus considérables des communes dont ils dépendent
M. Milcamps, rapporteur. - Messieurs, les questions qui viennent de vous être soumises par les honorables MM. de Terbecq et Verdussen n’ont pas échappé à mon examen, en qualité de rapporteur de la section centrale.
Il est à ma connaissance que des établissements publics ont des inscriptions sur le grand-livre d’Amsterdam et des obligations à la charge du syndicat. Les unes sont au porteur, les autres sont nominatives. A l’égard des inscriptions au porteur, la Hollande en paie les intérêts, soit que ces créances appartiennent à des Hollandais, soit qu’elles appartiennent à des Belges. Quant aux inscriptions nominatives, c’est-à-dire celles où des particuliers ou des établissements sont nominativement désignés, alors la Hollande cesse de payer les intérêts depuis le 1er octobre 1830.
Voici des exemples que je puis citer : Un établissement public avait une obligation au capital de 8,400 florins de change, à charge de l’Autriche. En vertu d’un arrêté du 22 février 1816, cet établissement, pour cette obligation, fut inscrit au grand-livre d’Amsterdam pour un capital de 5.600 florins, dans la dette active, à l’intérêt de deux et demi pour cent, et pour un capital différé de 11,000 florins, en onze obligations chacune de mille florins ; une de ces onze obligations est devenue par le sort, capital actif à deux et demi pour cent.
Par suite de la loi du 27 décembre 1822, d’un arrêté du 5 mai 1824, l’administration de l’établissement dont il s’agit a fait convertir les dix obligations de la dette différée, restantes, en obligations du syndicat d’amortissement.
Les dix obligations de mille florins chacune ont produit ensemble en quatre obligations de syndicat, à raison de 39 florins par mille, un capital actif de 400 florins à 4 1/2 p.c., de manière que pour son capital actif de 8,400 florins sur l’Autriche, le même établissement a 1° une inscription sur le grand-livre d’Amsterdam de 5,600 florins de capital actif à l’intérêt de 2 1/2 p. c.
2° Une inscription de 1,000 florins, qui est le billet de sort à l’intérêt de 2 1/2.
3° Quatre obligations de 100 florins chacune à charge du syndicat, à l’intérêt de 4/2. Les intérêts des inscriptions sur le grand livre d’Amsterdam ont été payés à l’établissement jusques y compris le premier semestre de 1830, et ceux des obligations du syndicat jusqu’à l’échéance du 1er octobre 1830 inclusivement.
Depuis ce temps les intérêts ne sont plus acquittés, et quelle en est la raison ? C’est que les inscriptions sont nominatives.
Deuxième exemple : Les établissements de charité de la Belgique possédaient des rentes à la charge des anciennes corporations religieuses. Ces établissements, en vertu d’une loi du 9 février 1818, ont demandé la liquidation de ces rentes, dont ils ont produit les titres. En échange ils ont obtenu des inscriptions dans la dette active et dans la dette différée.
Les intérêts des inscriptions de la dette active ont été payés constamment, et le sont encore aujourd’hui par la Hollande, et cela à cause de leur caractère d’obligations au porteur ; en 1832, les coupons d’intérêts étaient épuisés, les administrations des établissements dont je parle en ont réclamé de nouveaux par l’entremise d’agents solliciteurs, et ces nouveaux coupons leur ont été envoyés pour six années, et ainsi pour jusque 1839. On peut tenir pour certain que la Hollande paie l’intégrité de la dette commune aux deux parties du royaume, à l’exception des obligations nominatives, de celles qui sont inscrites au livre auxiliaire établi à Bruxelles, et des rentes remboursables, domein-los-renten, qui ont été dénoncées à la banque.
M. Coghen - Messieurs, les faits avancés par l’honorable M. Milcamps sont exacts. La Hollande se refuse à payer les intérêts en faveur d’établissements purement belges, et je crois que le gouvernement doit payer les intérêts refusés par la Hollande. J’insiste ainsi que l’honorable député de Termonde pour que M. le ministre des finances veuille bien s’occuper de cette proposition qui, selon moi, est de toute équité.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Le gouvernement n’a pas en sa possession les renseignements nécessaires pour proposer au budget une somme destinée au paiement des rentes appartenant aux établissements de bienfaisance. Mais il suffit que d’honorables préopinants aient appelé la sollicitude du gouvernement sur ces établissements, pour qu’il s’empresse de prendre les renseignements désirables à l’effet de savoir à quelle somme s’élèveront les intérêts des inscriptions dont il s’agit.
Il n’est pas inutile de faire remarquer que depuis 1822 ces établissements avaient eu la faculté de faire inscrire leurs créances au livre auxiliaire de Bruxelles ; ils ne l’ont pas fait parce que sans doute ils avaient pleine confiance dans la stabilité de l’ancien gouvernement ; sous ce rapport ils ne sont certes pas dans la même position que les personnes qui ont demandé le transfert de leurs rentes.
Il y a une distinction réelle à faire, et c’est une question qu’il faudrait examiner sérieusement avant de pouvoir dire s’il y aurait justice rigoureuse à payer les intérêts dus à ces établissements. On n’est pas certain d’ailleurs que la Hollande ne les paie pas. Au surplus, le gouvernement prendra toutes les informations nécessaires pour parvenir à la connaissance positive des faits, et il vous proposera, s’il y a lieu, d’allouer au budget de 1836 les sommes nécessaires aux paiements qui sont réclamés par les honorables préopinants auxquels je viens de répondre.
M. Dumortier. - Puisque l’on est occupé de la dette publique, je crois nécessaire d’obtenir des éclaircissements à l’égard de la proposition de l’honorable député de Termonde. Ces informations seront d’autant plus faciles à prendre, que ces établissements ont dû être autorisés pour acquérir des inscriptions et qu’il sera aisé de savoir quand ces autorisations ont en lieu. Le gouvernement acquerra par là la certitude que ces établissements ont encore des inscriptions.
Il est présumable qu’un jour, jour bien lointain sans doute encore, il faudra évaluer la dette respective de la Hollande et de la Belgique. Depuis quatre ans, depuis le traité des 24 articles, qui, à mon sens n’existe plus, le gouvernement n’a pris aucune mesure pour l’ancienne dette belge.
Je crois devoir appeler l’attention du gouvernement principalement sur les engagères, que je regarde comme une dette sacrée et qui n’est pas encore liquidée. Non seulement elles ne l’ont pas été sous Guillaume, mais elles ne le seront jamais, si le traité des 24 articles que je persiste à regarder comme n’existant plus, est là pour s’y opposer.
Un jour nous aurons à établir une liquidation avec la Hollande, du chef des dettes contractées dans la communauté qui a existé entre cette nation et la nôtre. Une liquidation devra donc intervenir ; je crois que le gouvernement fera une chose utile d’examiner dès à présent les engagères, afin d’être en mesure plus tard dans la discussion qui pourra s’établir relativement à la part de dette de la Belgique et celle de la Hollande. Si le gouvernement ne le fait pas, je me réserve de faire une proposition à cet égard. Ces mesures sont véritablement essentielles et je ne saurais trop insister pour qu’il leur soit donné une prompte exécution.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il a été adressé plusieurs pétitions au gouvernement et à la chambre, relativement aux engagères dont vient de parler l’honorable M. Dumortier. Une pétition des magistrats de Bruges a de plus été renvoyée à mon département avec demande d’explications. La question est très grave, très délicate, et exige un long et mûr examen. L’administration des domaines s’en est déjà occupée activement.
J’espère être bientôt en situation de déposer sur le bureau de la chambre un rapport sur cet objet. L‘assemblée pourra juger alors si les renseignements qu’elle aura reçus sont suffisants ou si, pour s’éclairer davantage, elle trouvera utile de nommer une commission, ou enfin de prendre tel autre parti qui lui conviendra. Je pense que ceci satisfera pour le moment l’honorable M. Dumortier.
« Art. 2. Intérêts de l’emprunt belge de 100,800,000 fr., autorisés par la loi du 14 décembre 1831 : fr. 5,040,000.
« Dotation de l’amortissement de cet emprunt : fr. 1,008,000.
« Ensemble : fr. 6,048,000. »
M. Verdussen. - Je demande la parole non pour changer le chiffre de l’article en discussion, mais pour présenter à la chambre quelques observations sur les motifs de la section qui l’ont portée à diviser dans les développements du rapport le chiffre global de fr. 6,048,000, afin de faire connaître à la nation l’augmentation progressive de la somme affectée à l’amortissement de l’emprunt belge.
Quant à la division réclamée, je crois qu’elle doit être admise par le gouvernement pour les budgets futurs. Si je comprends bien le but de la section centrale, elle croit devoir maintenir pour toujours la division des fr. 6,048,000 telle qu’elle est consignée dans le budget de cette année ; c’est justement contre cet objet que je m’élève.
Il est bien juste de dire qu’au moment de la présentation du budget on ne peut prévoir la somme exacte à affecter à l’amortissement de la dette dans l’exercice suivant, car on ne peut évaluer à quel taux les rachats se feront dans le deuxième semestre de l’année courante ; mais il est fort essentiel que la nation sache quel a été le chiffre arrêté le 31 décembre de l’exercice précédent, puisque c’est au milieu de l’année que les budgets sont présentés à la chambre, et alors le gouvernement est déjà fixé sur le taux des rachats faits dans le second semestre de l’exercice écoulé.
Mon intention n’est pas de demander que le chiffre global soit divisé en deux articles séparés ; non, la somme globale doit ne former qu’un article dans le budget. Mais, comme renseignement, il est essentiel de mettre dans le budget quelle est la somme qui, suivant l’état de l’amortissement, au 31 décembre précédent, devait y être affectée, et celle affectée aux intérêts. L’article 2 est nécessairement fautif, tel qu’il est divisé par les renseignements actuels ; il dit : Intérêts de l’emprunt de fr. 100,800,000 autorisé par la loi, etc. : fr. 5,040,000 ; et dotation de l’amortissement de cet emprunt : fr. 1,008,000.
Cette division est erronée et n’existe pas effectivement ; car, au fur et à mesure que les rachats sont successivement faits, la somme de l’intérêt est diminuée et celle de la dotation de l’amortissement augmentée dans la même proportion. Ordinairement nous faisons des rachats au-dessous du pair, et cette circonstance rend nécessaire l’explication que je réclame pour les budgets futurs.
Si les obligations de notre emprunt étaient au pair ou au-dessus du pair, c’est-à-dire si l’amortissement n’avait lieu qu’à cent pour cent, chacun pourrait chez soi faire le calcul de la progression de l’amortissement, et connaître aussi dans quelle proportion la somme des intérêts vient annuellement à décroître, pour renforcer celle destinée à l’extinction de notre dette ; mais aussi longtemps que nous ferons nos rachats au-dessous du pair, le public, qui ne connaît pas le taux de ces rachats, ne peut apprécier jusqu’à quel point notre amortissement se trouve accéléré par suite des bénéfices obtenus, et c’est ce qu’il est important de consigner en année dans le budget, comme renseignement.
M. Milcamps, rapporteur. - Si j’ai bien compris l’honorable M. Verdussen, il demande qu’au lieu d’admettre la division telle que le présente le budget, c’est-à-dire au lieu de voter pour l’intérêt de l’emprunt. 5,040,000 fr., et pour la dotation de l’amortissement 1,008,000 fr.. il désire qu’on vote les chiffres qui se trouvent dans les développements du budget, c’est-à-dire :
Pour intérêts de l’emprunt, fr. 4,872,054 60 c.
Pour l’amortissement, fr. fr. 1,175,945 40 c.
Ensemble, fr. 6,048,000
A cet égard, je dois dire que la section centrale n’a eu d’autres motifs pour ne pas admettre cette dernière division, que parce que l’on ignore, quand le budget est présenté, à quels taux s’opéreront les rachats du dernier semestre de l’année qui précède.
Dans cet état de choses, il serait toujours impossible d’indiquer avec exactitude la somme destinée à l’acquittement des intérêts et celle destinée à l’amortissement.
Mais, comme le but de l’honorable M. Verdussen est de faire connaître à la nation quelle est l’augmentation progressive affectée à l’extinction de la dette, je puis donner des renseignements pour les années précédentes.
(Erratum au Moniteur belge n°35, du 4 février 1835 :) Le fonds d’amortissement pour les trois exercices 1832, 1833 et 1834, consiste en une somme de 3,040,896 fr. 80 c. qui a servi à racheter un capital nominal de 3.358,908 fr., de sorte que le capital de l’emprunt se trouve réduit actuellement à 97,441,092 fr.
M. Dujardin, commissaire du Roi. - Rien ne s’oppose à ce que les renseignements désirés par l’honorable M. Verdussen ne puissent lui être fournis, mais seulement à titre de notes, de développements. Il serait impossible d’indiquer dans le budget les achats à faire à la bourse de Paris, de Londres ou de Bruxelles.
L’intérêt de l’emprunt est et doit rester fixe au budget à 5 p. c., et la dotation d’amortissement à 1 p. c., car l’un et l’autre sont déterminés au contrat d’emprunt.
On pourra donc satisfaire l’honorable M. Verdussen pour les années précédentes, mais non pour l’année à laquelle le budget en discussion se rapporte, car il est impossible de prévoir d’une manière précise le taux auquel les rentes pourront être rachetées ; ce qui prouve d’ailleurs que ces renseignements peuvent être fournis, c’est qu’ils ont été remis à la section centrale. De ces renseignements il résulte que la somme affectée à l’amortissement, en y comprenant les accroissements successifs de cet amortissement s’élève, pour 1834 à 1,175,000 fr. Cette somme sera encore augmentée des intérêts des obligations qui seront rachetées pendant le premier semestre de 1835. Mais il est évident qu’on ne peut actuellement fixer le chiffre qui sera affecté au rachat de la dette en 1835 ; on pourra seulement renseigner la somme afférente à l’année qui vient de s’écouler.
- Le chiffre 6,048,000 fr. admis par la section centrale est mis aux voix et adopté.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il y a une erreur de citation dans le budget : pour la rédaction de la loi de finance il faut tenir note que c’est la loi du 16 décembre 1831 et non du 14 qui doit être indiquée.
« Art. 3. Frais relatifs au paiement des intérêts et de l’amortissement de cet emprunt : fr. 150,000. »
La section centrale admet ce chiffre et il est adopté sans discussion.
« Art. 4. Intérêts et frais présumés de la dette flottante : fr. 1,250,000 »
Le gouvernement et la section centrale ont admis une réduction de 250,000 fr. sur ce chiffre, ce qui la restreint à un million.
- Ce million est adopté.
« Art. 5. Intérêts de la dette viagère : fr. 8,500 fr. »
- Adopté sans discussion.
« Art. 1er. Pensions ecclésiastiques : fr. 940,000
« Pensions civiles : 540,000 fr.
« Pensions civiques : 210,000 fr.
« Pensions militaires : 1,427,000 fr.
« Pensions de l’ordre Léopold : 20,000 fr. »
La section centrale propose, pour les pensions ecclésiastiques 907,480 fr.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je me réunis à la proposition de la section centrale. Elle ne retranche de la somme demandée par le gouvernement que la pension de M. de Pradt. La question a été débattue et décidée les années précédentes ; il est inutile de renouveler la discussion sur cet objet.
M. Gendebien. - Je vois au budget un ensemble d’environ un million pour les pensions ecclésiastiques ; j’y vois ensuite à titre de pensions éteintes en 1834 le chiffre 516,181 fr. ; puis le chiffre 30,125 fr. pour les extinctions présumées en 1835 ; il y a une trop grande différence entre ces chiffres, pour que chacun représente les extinctions de deux années consécutives ; je demande qu’on s’explique sur cet objet, ou il y a erreur, ou l’on s’est mal expliqué.
M. Coghen - Le chiffre pour les pensions ecclésiastiques est le résultat d’une loi prise en 1818. On reconnut alors toutes les pensions ecclésiastiques et on déclarait en même temps que les pensions de ceux qui viendraient à décéder augmenteraient la quotité de la pension des survivants jusqu’à ce que cette quotité soit égale à la pension intégrale. On sait que les pensions des ecclésiastiques avaient été réduites au tiers. C’est en 1832 que la quotité intégrale a été atteinte. Les 516,182 fr. expriment le montant des pensions éteintes depuis 1818 ; tandis que le chiffre 30,125 fr. exprime approximativement les pensions qui s’éteindront en 1835. Il est probable qu’il sera dépassé parce que les ecclésiastiques sont d’un grand âge.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Comme on vient de l’exposer le chiffre 516,181 fr. est le résultat des extinctions qui ont eu lieu en 1834 et dans les années précédentes depuis l’époque ou l’on a déclaré que les extinctions s’appliqueraient aux survivants.
M. Dumortier. - Vous savez que par suite d’un décret de l’empire les pensions des ecclésiastiques ont été réduites au tiers.
M. Gendebien. - Nous savons cela, on a commis une injustice en réduisant au tiers les pensions, pour cause de guerre, disait-on. La paix est venue et les pensions ont été maintenues au tiers. En 1818, les choses ont changé ; il a été décidé que jusqu’au paiement complet de la pension, le gouvernement ne profiterait pas des extinctions. Tout cela est connu, et personne ne ignore, Mais je demande si les 516,681 francs représentent la totalité des pensions éteintes pendant l’année 1834 seulement, ou pendant les années qui se sont écoulées depuis que les pensions sont parvenues à leur taux intégral : si les extinctions ont été de 516,681 francs pour 1834, assurément le chiffre de 30,125 francs sera une évaluation trop faible pour 1835.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Le chiffre de 516,681 francs représente les extinctions arrivées depuis 1818.
M. Verdussen. - Je demande la parole pour faire une motion d’ordre. M. le président met en délibération le chiffre des pensions ecclésiastiques, il mettrait par conséquent en délibération les pensions civiles, celui des pensions civiques, des pensions militaires, mais il ne doit pas en être ainsi ; il faut mettre aux voix seulement le chiffre total de toutes ces pensions ou 3,104,480 fr.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - La section centrale propose 3,104,480 fr. pour les pensions ecclésiastiques, civiques, civiles, militaires et de l’ordre Léopold ; on ne peut pas voter séparément sur les chiffres indicatifs du montant de chacune de ces pensions, parce que la cour des comptes n’accorderait son visa pour chacune que jusqu’à concurrence de son chiffre ; on ne vote qu’un seul chiffre, pour donner au gouvernement le moyen de tirer parti du crédit entier.
M. Milcamps, rapporteur. - Je me propose de demander quelques explications au ministre des finances ; mais je dois faire précéder ma demande de quelques observations.
Les pensions ecclésiastiques se divisent en deux catégories : Pensions dites tiercées, et pensions de retraite.
Lors de la création du royaume des Pays-Bas, il n’existait que les pensions tiercées accordées aux membres des anciennes corporations religieuses.
Ces pensions n’ont été payées qu’au tiers de leur taux primitif pendant toute la durée du gouvernement français, en vertu des lois générales des finances qui ont créé les 5 p. c. consolidés (9 vendémiaire et 8 nivôse, an VI.)
Elles furent inscrites au grand livre de la dette publique des Pays-Bas, en 1814, et réglées par les arrêtés du 4 juillet 1814, 12 janvier, 7 mars 1815, 8 septembre 1817 et 2 avril 1818.
Ce dernier arrêté statue que toutes les pensions éteintes par décès seront réversibles à partir du 1er janvier 1818 sur les survivants.
Ces pensions ne sont parvenues à leur taux primitif qu’en 1832. A cette époque les titulaires ont obtenu une nouvelle inscription.
Les pensions de retraite ont été crées par un arrêté du 21 août 1816.
Cet arrêté porte que la pension des ecclésiastiques qui à raison de leur vieillesse et de leurs infirmités ne pourraient continuer leurs fonctions, sera pour 50 années de service égale au traitement annuel, pour 40 années aux deux tiers, et pour 10 années à un sixième ; que la pension sera augmentée d’un 60ème de traitement pour chacune des années au-delà de dix, et au-dessus de quarante, d’un trentième pour toutes celles qui excéderaient ce dernier nombre.
Il importe cependant d'observer que le gouvernement hollandais ne s’est pas cru lié par cet arrêté et que différentes pensions de retraite s’écartaient des taux qu’il a établis.
Depuis notre révolution il n’a point été accordés de pensions ecclésiastiques, ainsi le chiffre proposé n’a pour objet que le paiement des pensions liquidées avant 1830.
Ce chiffre s’applique aux deux catégories de pensions qu’on vient d’indiquer.
Il serait à désirer que le ministre des finances fît, à l’avenir, une distinction entre ces deux espèces de pensions et portât au budget une somme séparément pour chacun d’elles.
En effet, les pensions sont entièrement distinctes de leur nature. Les pensions tiercées se rapportent à un ordre de choses qui n’existe plus, tandis que le législateur devra s’occuper un jour d’une loi sur les pensions de retraite. Il importe donc de connaître de combien le chiffre de ces dernières pensions décroît tous les ans et quelle est aujourd’hui la charge qui pèse de ce chef sur l’Etat.
Je fais ces observations pour mettre le ministre des finances à même, l’année prochaine, de distinguer dans son budget les pensions qui ont été conférées par le gouvernement français et réduites au tiers, des pensions qui ont été accordées par le gouvernement précédent.
M. de Brouckere. - Je vois que les pensions civiles se sont accrues de 47,000 et que les pensions militaires ont reçu un accroissement de 302,000 fr. Je désirerais obtenir des explications sur ces augmentations.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - A la fin de 1831, mon prédécesseur soumit à la chambre un projet de loi relatif à la fixation des droits des militaires à la pension de retraite. Pendant la session de 1833, j’ai moi-même présenté un projet sur le même objet, mais la législature n’a pu encore s’en occuper. Cependant un grand nombre de militaires avaient des droits à la pension, et les demandes étaient en nombre considérable : je fis connaître cet état de choses, et l’on reconnut que le gouvernement pouvait faire usage de l’arrêté-loi de 1814 sur la matière. En conséquence, il fut institué une commission de pensions pour examiner les demandes et émettre son avis sur chacune d’elles.
Il résulte du travail de cette commission que sur plus de 1,200 demandes qui ont été soumises successivement à son examen, 1,103 militaires ont été reconnus avoir droit à la pension, soit définitive, soit provisoire. J’ai soumis ce travail au Roi, et dans le courant de 1834, il y a eu 87 officiers admis à la retraite : le chiffre exprimant le montant de leurs pensions est 138,234 fr. ; il y a eu 647 sous-officiers et soldats définitivement retraités ; leurs pensions s’élèvent à 171,616 fr. Le chiffre total est 309,850 fr. ; mais dans l’intervalle, quelques militaires étant décédés, le chiffre total est réduit à 302,000 fr.
J’ai donc demandé au ministre des finances l’inscription de cette somme au grand livre de la dette publique, et c’est pour ce motif que cet article est majoré de ladite somme de 302.000 ; l’inscription ayant eu lieu, depuis la première rédaction du projet de budget, au mois de juin dernier.
Indépendamment de ces pensions de retraite définitives, il y a eu 369 pensions provisoires d’un an, accordées à des militaires frappés de cécité, mais dont l’état permettait encore de concevoir des espérances pour le rétablissement de l’organe malade : En effet, sur ces 369 ophtalmistes, 105 viennent de passer à la contre-visite et 10 seulement ont été reconnus avoir des droits à une pension définitive ; 62 ont obtenu la continuation de leur pension provisoire, et 29 ont été reconnus n’avoir droit qu’à une simple réforme, comme n’étant pas privés de moyens de travailler ou de gagner leur subsistance. 4 étaient décédés, il est à présumer que sur les 62 restants il n’y en aura qu’une partie à pensionner définitivement.
Parmi les 647 sous-officiers et soldats pensionnés il y en a 518 frappés de cécité complète ; 59 atteints de graves infirmités ; 56 par suite des fatigues du service et infirmes ; 11 qui ont obtenu la retraite pour ancienneté de services. Enfin trois pensions à des veuves figurent dans ce nombre.
Lé chiffre relatif au nombre des aveugles est considérable sans doute : mais je ferai remarquer qu’en 1831, 1832 et 1833 il n’a point été accordé de pensions aux militaires atteints de cécité ; ce n’est qu’en 1834 qu’on a procédé à ce travail des pensions, et le chiffre de 518 représente les victimes de ce fléau pendant les cinq dernières années.
Les 172 pensions de retraite accordées en 1831, 1832 et 1833 l’ont été presque exclusivement aux militaires mutilés des affaires du mois d’août 1831.
D’après ces explications, vous voyez comment M. le ministre des finances a été amené à augmenter la somme qu’il avait demandée au budget rédigé au mois de juin dernier, et avant qu’aucune de ces pensions, payées jusqu’alors par le département de la guerre, fussent inscrites au livre des pensions ; et je pense, messieurs, que les détails dans lesquels je viens d’entrer, justifieront de cette demande de majoration, en fixant son montant à la somme de 302,000 francs.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Les explications données par M. le ministre de la guerre doivent satisfaire l’honorable M. de Brouckere. Quant aux pensions civiles, je dirai que le budget ayant été présenté il y a six mois environ, il en est résulté que les extinctions se sont trouvées moins fortes qu’on ne l’avait présumé. Voilà d’où vient l’augmentation sur laquelle on a demande des explications.
Des pensions civiles ont été liquidées depuis peu, mais elles sont en très petit nombre.
M. Dumortier. - Il est incontestable que le chiffre des pensions militaires a éprouvé une forte augmentation ; mais il en éprouvera une bien plus grande encore, car le ministre ne pourra conserver tous les officiers. Je crois qu’il devrait faire deux classes d’officiers, ceux qui seraient en disponibilité et ceux qui seraient en activité. Nous devons émettre un voeu, c’est que les pensions soient accordées au taux le plus bas. La dette et l’armée sont les charges qui grèvent le plus le budget.
Cependant il est nécessaire que les titulaires dans l’armée aient les mêmes droits à la pension que les fonctionnaires publics ; le gouvernement ne peut les congédier selon son bon plaisir, en retirant le brevet. Dans quelques branches de l’administration de la guerre on a mis ce moyen en pratique : lorsqu’un officier, d’un grade élevé même, ne se soumet pas aux exigences d’un homme de bureau, on lui dit : on vous retirera votre commission.
Cette manière de procéder est contraire à la constitution. Il faut que les avantages accordés à l’armée, par la constitution, ressortent leur entier effet. Je puis citer plusieurs faits à l’appui de ce que j’avance ; je n’en citerai qu’un seul, il est relatif à l’administration du service de santé.
Il est très peu d’officiers de santé qui aient reçu de brevets. La personne qui dirige cette administration veut les tenir sous sa férule : aussi n’a-t-on délivré que des brevets provisoires ; de sorte qu’on peut les renvoyer. Je crois que justice doit être rendue à tout le monde. Je ne nommerai personne, car si je nommais, il n’y aurait plus de recours possible près du ministre. Cependant il ne faut pas que la tyrannie s’établisse dans aucune branche de l’administration, pas plus dans celle qui s’occupe de la santé que dans les autres.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Les agents du service de santé se composent de médecins principaux, de médecins de garnison, de médecins de régiment, de médecins de bataillon et de médecins adjoints. Leur nombre total s’élève à 318 repartis dans tous les corps de troupes de l’armée, dans les hôpitaux sédentaires et dans le service des ambulances.
Sur ce nombre 90 seulement ne sont pas brevetés : ce sont presque tous des médecins adjoints, des jeunes gens qui commencent la carrière. Mais parmi le nombre des officiers brevetés, la majeure partie est commissionnée dans un grade supérieur pour le service des ambulances et autres services spéciaux : le gouvernement n’a pas cru devoir breveter tous les officiers de santé actuellement pour pouvoir réformer à la paix une partie des officiers de santé, dont le service ne sera plus utile à l’armée. Mais, je le répète, à l’exception des médecins adjoints à des pharmacies de troisième classe, il en est très peu dans les classes supérieures qui ne soient brevetés, et assimilés par là aux officiers militaires ; mais un assez grand nombre d’entre eux exerce en vertu de simples commissions temporaires, des emplois supérieurs à ceux dont ils ont le brevet, et le gouvernement a cru encore devoir en agir ainsi, pour ne pas augmenter le nombre d’emplois brevetés que l’on ne pourrait conserver à la paix.
Ainsi vous voyez que le gouvernement n’a pas voulu donner de brevets définitifs pour tous les grades d’officiers de santé, parce qu’à la paix il devra en réduire le nombre. Tel officier de santé qui a maintenant une commission de médecin de garnison, reprendra son brevet de médecin de bataillon. Les jeunes officiers de santé simplement commissionnés ne seront pas conservés.
M. de Brouckere. - L’honorable M. Dumortier est mal informé lorsqu’il avance que le chef de l’administration tient ses subordonnés sous sa férule, pour me servir de son expression. Je suis certain qu’il n’en est pas ainsi. S’il y a eu des médecins militaires démissionnés, c’étaient des médecins qui n’avaient reçu qu’une commission, et qui avaient été prévenus en la recevant, que l’administration de la guerre aurait le droit de les remercier de leurs services quand bon lui semblerait. Les médecins de cette catégorie, qui sont venus chez moi, en ont convenu eux-mêmes. Il n’y a donc pas eu d’injustice commise. Quant aux médecins brevetés, le chef du service de santé n’a pas le droit de les démissionner, et d’ailleurs les démissions ne partent pas de son administration, mais bien du ministère de la guerre.
- L’augmentation de 302,000 fr. est mise aux voix et adoptée.
Le chiffre total de 1,427,000 fr. est également adopté.
« Traitements d’attente : fr. 137,500. »
La section centrale propose 50,000 francs.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne puis me rallier au chiffre de la section centrale. Le gouvernement a demande la somme qui lui est nécessaire pour payer la totalité des traitements d’attente. Il acceptera le chiffre que la chambre voudra adopter conformément aux résolutions qu’elle a déjà prises.
M. de Brouckere. - D’après ce qui passé dans les années précédentes, je m’attends à ce que la chambre refuse l’allocation de 137,500 francs et vote les 50,000 francs proposés par la section centrale. Trois années de suite j’ai fait de vains efforts pour lui faire admettre l’intégralité de la somme nécessaire au paiement des traitements d’attente. Chaque année j’ai échoué. Je ne reproduirai pas les arguments que j’ai mis en avant à chaque époque. Je déclare seulement que je voterai pour les 137,500 fr. demandés par le gouvernement, parce que je croirais agir contre ma conscience, si je votais autrement.
M. d'Hoffschmidt. - J’ai soumis en 1833, une proposition consistant en un article et tendant à libérer le trésor du paiement des traitements d’attente.
On pouvait selon moi d’autant plus se dispenser de payer ces traitements qu’ils avaient été accordés à des créatures du roi Guillaume, à des hommes qui étaient dans une position à n’en avoir pas besoin et qui sont aujourd’hui en grande partie ce qu’on appelle des orangistes. Cependant nous ne pouvons nous dispenser de payer ces traitements tant que la loi qui les accorde existe. Il est vrai qu’une loi du 4 août 1832 a abrogé l’article 17 de l’arrêté de 1814. Mais cette disposition n’a pu avoir un effet rétroactif. Les traitements accordés l’ont été également. Il faut une loi pour les abolir. C’était la section centrale de l’année 1833 qui était chargée de l’examen de ma proposition. L’honorable M. Dumortier m’a dit qu’elle devait faire l’objet d’un rapport spécial, voilà deux ans que ce rapport a été prononcé et qu’il n’a pas paru.
M. Dumortier. - L’honorable préopinant qui fait partie de la section centrale doit savoir à quel point en sont les discussions, elle n’a pas examiné sa proposition.
Par conséquent le rapport n’a pu être fait.
M. d'Hoffschmidt. - Je n’adresse pas de reproche à M. Dumortier puisqu’il n’est pas rapporteur de la section centrale pour cet objet ; je ne demande que l’examen de ma proposition.
M. Milcamps, rapporteur. - Si la section centrale a proposé 50,000 fr. au lieu de 137,500 fr. demandés par le gouvernement, c’est qu’elle a suivi les précédents de la chambre. Elle n’a pas examiné le fond de la question. Il me semble au surplus que cette question ne doit pas être difficile à résoudre, si l’on envisage qu’il n’y a à consulter que l’article 17 de la loi du 14 septembre 1814, la loi du 20 juin 1824, et l’article 23 du traité du 15 novembre 1831. Ce n’est, en effet, que sur ces documents que les fonctionnaires qui jouissent d’un traitement d’attente peuvent s’appuyer.
Voici la position de l’un de ces fonctionnaires : un receveur particulier recevait 4,000 florins de traitement. Nommé en 1823 agent de la banque, il a reçu en cette qualité 2,000 florins de traitement et un traitement d’attente de 350 florins qui lui a été payé jusqu’à la révolution. Est-il fondé à réclamer la continuation de ce traitement d’attente ? Voilà toute la question. Ce n’est pas là une question bien difficile à examiner.
Ce qui serait le plus désirable, ce serait un état des personnes à qui des traitements d’attente ont été accordés, état qui serait accompagné des motifs qui auront déterminé l’obtention. Munis de ce document, nous pourrons mettre fin à l’incertitude qui règne à l’égard des traitements d’attente.
M. H. Dellafaille. - Il y a trois catégories de traitements d’attente.
1° Ceux que le gouvernement hollandais accordait pour faire semblant de faire des économies. C’est ainsi que pour céder aux instances des états-généraux l’on réduisit à un taux évidemment trop bas le traitement des agents du trésor, en même temps qu’on leur transformait la somme défalquée en traitement d’attente.
2° Les traitements d’attente proprement dits que l’on accordait aux fonctionnaires que l’on révoquait.
3° Les traitements d’attente, nom sous lequel on déguisait les actes de munificence royale. Je ne crois pas qu’ils soient conservés lorsque la chambre révisera ces traitements. Les fonctionnaires qui y ont réellement des droits obtiendront des pensions qui seront réglées comme les autres.
Tout traitement accordé par faveur devra être impitoyablement réformé. Je me joins à l’honorable M. d’Hoffschmidt pour demander que la chambre discute promptement le projet de loi qu’il a présenté. Ce que je dis est tout aussi bien faveur des intéressés qui ne savent pas si leurs traitements sont entièrement perdus, ou s’ils y ont encore des droits comme étant considérés en non-activité. Il résulterait aussi de la liquidation de ces traitements une grande économie pour le trésor. En effet, je me rappelle que quand nous avons examiné la question des traitements en sections, nous avons considéré l’arrêté de 1814 comme s’il n’avait été appliqué qu’aux employés révoqués. Nous avons calculé que le chiffre de la rente annuelle qu’on leur accorderait à titre de pension, était inférieur à celui que le trésor leur payait à titre de traitement d’attente, pour ne rien faire. Il y a donc un avantage et pour le trésor et pour les intéressés, à prendre un parti quelconque.
M. Duvivier. - Si je me rappelle bien ce qui a été fait précédemment à l’occasion des traitements, le gouvernement nomma une commission, composée en grande partie sinon en totalité, de membres de cette assemblée. C’est d’après son travail que l’on a distribué les fonds d’attente.
Je crois que la répartition de ces fonds s’est faite de la manière la plus équitable, et qu’il ne s’est élevé aucune réclamation contre leur emploi. Depuis, les fonds ont été votés d’après cette répartition. Aucune injustice n’a été commise. Les personnes dont l’opinion a été signalée par l’honorable M. d’Hoffschmidt ne sont intervenues en rien dans la répartition.
Il me semble qu’il a été dit que des orangistes avaient été proposés.
L’état des fonctionnaires qui avaient des prétentions de cette espèce, a été arrêté par cette commission. Il a dû être imprimé et communiqué aux sections centrales qui depuis plusieurs années se sont occupées du budget de la dette publique.
Pour peu qu’ils veuillent se le rappeler, ceux qui étaient membres de la commission savent à quel titre ces individus ont eu des secours quelconques sur le fond voté au budget sous le nom de traitement d’attente. Je ferai remarquer que les fonctionnaires révoqués n’y ont eu aucune part, car le seul fait de leur révocation leur ôtait tout droit à la retraite, au traitement d’attente, et tout titre à la faveur du gouvernement.
Je bornerai là mes observations. Elles n’ont eu d’autre but que de repousser tout soupçon de mauvaise distribution de ce fonds sous mon ministère.
M. de Brouckere. - Il est très vrai qu’en 1832, le gouvernement avait demandé pour payer les traitements d’attente une somme de 65 mille florins. Une discussion s’éleva dans la chambre et plusieurs orateurs soutinrent que ces traitements d’attente étaient illégaux, et qu’il ne fallait pas les continuer. D’autres soutinrent au contraire que ces pensions désignées sous le nom de traitement d’attente, étaient dues à ceux auxquels ils avaient été accordés, parce qu’ils avaient été conférés en vertu de l’article 17 de la loi de 1814 et qu’on ne pourrait les retirer aux titulaires qu’en vertu d’une disposition contraire qui révoquerait les dispositions prises en leur faveur.
Quelqu’un proposa un terme moyen qui consistait à accorder au gouvernement, au lieu de 65 mille florins, 30 mille florins pour les distribuer aux personnes dont les titres seraient incontestables et dont la position réclamerait des égards. L’honorable M. Coghen, alors ministre des finances, nomma une commission chargée d’examiner la liste des personnes qui figuraient comme ayant un traitement d’attente et de donner son avis sur la question de savoir quelles étaient entre ces personnes celles auxquelles il fallait continuer le paiement de la pension. J’avais l’honneur de faire partie de cette commission, ainsi que mon honorable collègue M. Gendebien.
Nous nous occupâmes de ce travail, bien entendu comme commission consultative, et j’ai eu soin de le faire constater au procès-verbal. Le ministre était chargé de la distribution.
Je puis attester que la commission qui a fait ce travail a pensé que son travail n’était que pour l’année. Jamais elle n’a eu l’intention de priver du traitement d’attente ceux qui figuraient sur la liste générale et qu’elle a jugé à propos de ne pas porter sur celle des personnes entre lesquelles les 30,000 florins devaient être répartis.
Je suis persuadé que l’honorable M. Gendebien confirmera ce que je viens d’avoir l’honneur de vous dire.
Depuis lors chaque année le ministre a renouvelé sa demande, afin d’être en état de payer tous les traitements d’attente. J’ai été plus loin, j’ai demandé qu’on portât au budget une somme nécessaire pour payer les personnes qui n’avaient point eu part à la somme allouée l’année précédente. Chaque année, la chambre refuse de trancher la question. Elle a donné ou 30,000 florins ou 50,000 fr., dont le ministre faisait tel usage qu’il voulait. Je le dis franchement, messieurs, à mes yeux, cette décision de la chambre a toujours été un déni de justice.
On s’est toujours refusée à examiner la question de savoir si les traitements d’attente étaient dus oui ou non, et au lieu d’examiner cette question on a pris un terme moyen, on a dit au ministre : voilà la moitié de la somme que vous demandez, arrangez-vous. C’est à mes yeux, je le répète, un déni de justice. Ou ces traitements sont dus ou ils ne le sont pas. S’ils sont dus, payez-les. S’ils ne sont pas dus, ne donnez rien.
Vous avez entendu M. Milcamps vous dire que la question n’était pas difficile à décider. Je l’ai dit chaque année, elle est extrêmement simple, nous n’avons pas besoin de nous occuper de la loi d’avril ou de juin 1824, nous n’avons à examiner qu’une chose : les traitements d’attente ont-ils été conférés en vertu d’une loi, celui qui les a conférés avait-il le droit de le faire, oui ou non ? Rappelez-vous l’article 17 de l’arrêté-loi de 1814, cette disposition est conçue dans les termes les plus larges.
Il est hors de tout doute, que par suite de cette disposition, abrogée aujourd’hui, il est vrai, qu’en vertu de l’article 17 le chef du gouvernement avait le droit de conférer des traitements d’attente et des bylaag et des toelaag, ces sortes de subventions comprises ici sous le nom de traitements d’attente, jusqu’à ce qu’une autre disposition soit renfermée dans une loi, ou portée en vertu d’une loi qui révoque les traitements d’attente ; jusque-là, dis-je, ceux à qui ce traitement a été accordé ont droit de le recevoir. C’est la doctrine la plus simple et en même temps la plus juste ; je l’ai soutenue chaque année, en conséquence je voterai les 137,500 fr. demandés.
A mes yeux, ce serait un déni de justice nouveau que de refuser cette allocation.
On me fait l’observation que cette somme ne suffira pas pour payer l’arriéré. Je le sais, et si cela dépendait de moi, on insérerait au budget un article qui mettrait le gouvernement à même de payer tous ceux auxquels il est dû ; mais je sais qu’il est inutile de déposer une proposition, je m’en épargnerai la peine.
Je voterai pour les 137,500 fr., et si un jour le gouvernement réclamait une somme pour payer, je déclare que je l’accorderais.
M. Gendebien. - Messieurs, je serai très court. J’ai demandé la parole pour affirmer ce que vient de dire l’honorable préopinant, que la commission dont nous avions l’honneur de faire partie n’était que consultative, et nous avons eu la précaution de faire consigner au procès-verbal que nous ne voulions pas qu’on pût tirer de notre travail d’inductions relativement aux droits des citoyens auxquels un traitement d’attente était dévolu sous l’ancien gouvernement. Nous avons seulement été chargés de distribuer la somme allouée au marc le franc aux personnes dont les prétentions étaient les plus légitimes. Nous avons pris de préférence les personnes dont les besoins étaient les plus évidents, et nous nous sommes montrés plus sévères vis-à-vis de ceux qui par leur position sociale n’avaient pas ou auraient moins besoin de ce traitement. C’est là la seule chose que nous avons faite.
Je conçois qu’à cette époque la chambre ait été sévère à l’égard des citoyens pourvus d’un traitement d’attente. On avait été scandalisé des abus de l’ancien gouvernement, mais aujourd’hui les abus disparaissent au milieu des abus aussi grands et même plus grands du gouvernement actuel. Nous avons été scandalisés sous l’ancien gouvernement des nombreux cumuls qui existaient et nous avons porté une disposition contre le cumul. Eh bien, jamais on n’a vu plus de cumulards qu’aujourd’hui. Puisque le gouvernement ne se fait aucun scrupule d’employer les hommes qui nous ont trahis à toutes les époques, qu’il accorde les grades, les dignités, les traitements complets, les faveurs de toute espèce aux personnes qui ont trahi la révolution, je ne vois pas qu’on doive se montrer plus sévère à l’égard d’hommes contre lesquels on ne peut pas invoquer telle conduite qu’on pourrait reprocher à certains hommes employés de préférence à ceux qui n’ont donné que des preuves de dévouement à la révolution et à leur pays.
Le moment est venu de revenir de ce principe très louable au moment, mais un peu sévère dans son application. D’ailleurs, on a déjà tant dévié sans motif, qu’on peut y déroger dans l’espèce, d’autant qu’il y a au moins une espèce de droit acquis.
Après y avoir mûrement réfléchi, je crois que les titulaires des traitements d’attente ont des droits aussi sacrés que tels autres à qui on donne de gros traitements. Si le ministre ne croit pas devoir prendre sur lui de faire une proposition de loi, qu’il nomme une commission à l’effet d’examiner la question, et de présenter s’il y a lieu, un projet de loi, afin d’en finir une bonne fois.
J’ai souvent entendu parler de nécessité de conciliation, j’ai entendu les hommes du gouvernement invoquer ce motif pour justifier des démarches inconvenantes auprès de hauts fonctionnaires, je ne dirais pas orangistes, mais en hostilité avec la révolution. Je ne sais si quand on fait des choses aussi inconvenantes pour arriver à une fusion, on doit se refuser à faire une chose juste. Si ce dont il s’agit n’est pas un acte de justice, c’est au moins une mesure qui ôte à des hommes des motifs et des prétextes d’hostilité. Ce n’est pas en aigrissant quelques-uns de nos concitoyens que nous les ramènerons. Il faut être juste envers tout le monde, et pour ma part, je désire qu’on le soit à l’égard des personnes qui étaient pourvues de traitement d’attente.
Il y en a sans doute qui en ont obtenu d’une manière qui ne mérite pas nos éloges, qui même, je dirai plus, est digne de notre blâme. Mais ne soyons pas injustes à l’égard de tous ; je connaît tel citoyen qui a subi une forte réduction dans son traitement, et qui doit soutenir une nombreuse famille ; jamais il ne fut hostile à la révolution, et son traitement est réduit au tiers, ou tout au plus à la moitié de ce qu’il était. Il y a eu des abus, mais ce n’est pas une raison pour qu’il y en ait encore de plus grands à prétexte de les réformer.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’ai dit en commençant qu’en principe le gouvernement demandait le maintien de la somme de 137,500 fr., et j’ai déclaré que si je n’insistais pas d’une manière formelle pour l’adoption de cette somme entière, c’est que déjà la chambre avait tranché deux ou trois fois la question précédemment et qu’ainsi il serait sans doute superflu d’essayer de faire changer sa résolution. Je me trouve donc d’accord avec M. Gendebien.
D’honorables orateurs ont parlé du mode de répartition de la somme mise à la disposition du gouvernement, et ont paru le critiquer. Je crois aussi qu’il ne faut pas s’en tenir exactement aux listes de répartition précédemment admises parce qu’il a pu arriver depuis trois ans des modifications dans la position des intéressés et il serait possible que des extinctions permissent de donner quelque chose à ceux qui jusqu’à présent n’ont rien eu ou qui ont reçu trop peu.
L’honorable préopinant a demandé une loi sur la matière, mais ce qu’on peut demander de mieux, c’est une allocation au budget et c’est ce que je fais en ce moment, Il existe au surplus un projet de loi à ce sujet présenté par l’honorable M. d’Hoffschmidt ; il est opposé à l’opinion du préopinant, il est vrai, mais son examen soulèvera nécessairement toutes les questions dont la matière est susceptible, et il arrivera peut-être qu’au lieu de rejeter toute allocation, comme le demande l’auteur de ce projet, on stipule le paiement intégral.
L’honorable M. Gendebien nous a parlé des abus de nombreux cumuls qu’il prétend exister. Pour moi, je n’en ai aucune connaissance, il est possible toutefois qu’il existe des cumuls de fonctions, mais quant à des cumuls de gros traitements, je crois qu’il y a erreur. Dans le département des finances, je dois le dire, il y a quelques commis ayant cinq ou six cents francs d’appointement et qui jouissent en même temps de petites pensions de deux ou trois cents francs qu’ils ont obtenues comme anciens militaires ; je ne crois pas que personne y trouve à redire et je suis persuadé que l’honorable M. Gendebien ne le trouve pas mauvais non plus.
M. Gendebien. - Au contraire, je l’approuve.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Du reste, je puis affirmer à l’assemblée qu’aucun gros traitement n’est cumulé. L’honorable député de Mons a adressé au gouvernement le reproche de placer des hommes hostiles à la révolution.
Ces faits me sont inconnus. Dans le département que j’administre j’accueille toujours de préférence ceux qui ont rendu des services à notre révolution. Homme de la révolution moi-même, moi qui serais obligé de quitter ma patrie si l’ancien maître revenait, comment supposer que je puisse répudier les hommes dévoués à l’état de choses sorti de cette révolution ? Les autres membres du cabinet, n’en doutez pas, partagent ma façon de penser ; le reproche de l’honorable M. Gendebien ne leur est pas plus applicable qu’à moi. S’il était vrai que quelques mauvais choix eussent été faits, ce n’aurait pu être que par erreur et non avec connaissance de cause.
M. Dumortier. - Je crois pouvoir donner à la chambre les éclaircissements et les apaisements qu’elle désire, ayant été chargé en 1831 de la question des traitements d’attente.
Le gouvernement demanda alors 65,000 florins pour faire face à ces traitements. Une discussion très vive s’éleva, les uns prétendaient que les droits étaient fondés, les autres au contraire qu’il n’y avait aucun droit, et que c’était une simple faveur : cette opinion fut partagée par la majorité de la chambre, et je crois que c’était la seule admissible. L’opinion qu’émit l’honorable M. de Brouckere n’était pas fondée le moins du monde, elle fut rejetée, et il est inutile d’en reparler ici.
La chambre a pris un mezzo-termine, parce qu’il y avait parmi tant de personnes un grand nombre d’individus qui étaient dans le besoin ; la chambre accorda 30,000 florins pour faire face aux paiements. Cette somme représente 1832 et 1833.
Quand nous en sommes arrivés au budget de 1834, nous avons eu à examiner la question des traitements d’attente. Je prie la chambre de me prêter attention, car je crois pouvoir prouver par ce que je vais dire, qu’il faut écarter la proposition du ministre, et adopter celle de la section centrale.
Il est résulté de l’examen que nous avons fait un rapport que j’ai déposé sur le bureau. Nous nous fîmes représenter la liste, voici comment elle était coordonnée. Il y avait trois catégories distinctes ; la première, les toelagen ou supplément de traitements. 2° La wachgeld. 3° Une liste dont je ne puis pas prononcer le nom mais qui signifie gratification.
Lorsque le roi Guillaume créa la banque comme caissière de l’Etat, il supprima les administrateurs du trésor dans les provinces ; le gouvernement accorda des toelagen à ces administrateurs ; ces allocations formaient plus que moitié des traitements. Nous avons demandé l’abrogation de tous ces toelagen qui ne devaient pas être payes par l’Etat, mais par la banque. Nous avons proposé une augmentation pour les traitements des administrateurs du trésor, mais vous concevez que si vous admettiez la proposition ministérielle, il y aurait double emploi ; vous augmenterez d’une part les traitements et vous augmentez les toelagen de l’autre. Dès lors vous n’avez plus à faire face qu’à deux catégories, aux wachgeld et aux gratifications. Si le ministre n’accorde aucun traitement d’attente, s’élevant à 3,000 fr. il est certain que la somme accordée par la section centrale, sera plus que suffisante. Ce qu’il y a de malheureux, c’est que, parmi les personnes qui ont droit à des traitements d’attente, il en est qui sont privilégiées, tandis que d’autres sont dans le besoin.
M. d'Hoffschmidt. - L’honorable M. Duvivier m’a mal compris quand il a cru que j’avais dit que le gouvernement avait accordé des préférences à des orangistes ; j’ai dit que le roi Guillaume avait favorisé de préférence les orangistes. (Aux voix, aux voix !)
- Le chiffre du gouvernement montant à 137,500 francs pour traitements d’attente est rejeté.
Celui de la section centrale montant à 50,000 fr. est adopté.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je demande que la discussion soit remise à demain.
- La séance est levée à quatre heures un quart.