(Moniteur belge n°169, du 18 juin 1834)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à une heure.
M. de Renesse fait l’appel nominal.
M. H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal, dont la rédaction est adoptée.
M. de Renesse fait connaître les pièces qui ont été envoyées à la chambre.
« Plusieurs avoués de la cour d’appel de Bruxelles supplient la chambre de vouloir prendre en considération l’urgente nécessité de porter une loi qui crée une troisième chambre civile près ladite cour. »
- Cette pétition est renvoyée à la commission chargée de l’examen du projet de loi présenté par M. le ministre sur l’augmentation du personnel des cours et tribunaux.
« Les régences des communes de Kemsecke, Thulrode et St-Paul demandent qu’il soit établi un tribunal de première instance à St-Nicolas. »
- Cette pétition est renvoyée à la commission chargée de l’examen des propositions de MM. Dewitte et Desmet.
« La dame Marie-Catherine Hubin, veuve du sieur Denis Guillenguins à Jeneffe (province de Namur), demande la réversibilité d’un pension de 91 florins dont jouissait son mari à titre d’ancien militaire. »
« La régence d’Aerschot, dont la population n’est que de 3,500 habitants demande à conserver le rang de ville. »
- Ces deux pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.
M. de Theux demande et obtient un congé.
M. de Puydt présente un rapport au nom de la commission chargée d’examiner le projet de loi relatif aux péages.
M. le président. - Quel jour la chambre entend-elle s’occuper de la discussion de ce projet ?
- Plusieurs membres. - Aujourd’hui ! Aujourd’hui !
- Quelques membres. - Après les projets qui sont à l’ordre du jour.
- D’autres membres. - Immédiatement !
- La chambre décide que la discussion du rapport de M. de Puydt aura lieu après les deux projets qui sont à l’ordre du jour.
M. Gendebien. - Je prie M. le président de vouloir bien donner lecture de mon amendement.
M. le président. - Voici l’amendement de M. Gendebien :
« Les veuves pourront déléguer leurs contributions à celui de leurs fils qu’elles désigneront, s’il réunit, pour être électeur, les autres conditions exigées par la loi.
« La déclaration de la mère sera faite à l’autorité communale ; elle pourra toujours être révoquée. »
M. Verdussen. - Messieurs, mon intention n’est pas de m’opposer à la proposition de l’honorable M. Dubus. Au contraire, je l’appuierai. Mais je crois que cette proposition n’est pas complète. Lorsque la section centrale à laquelle vous avez renvoyé l’examen de la proposition de l’honorable député de Tournay a fait son rapport, elle a présenté le même projet, à quelques corrections près très peu importantes. Mais en faisant un projet de loi séparé, elle a senti que ce n’était pas un amendement à porter à la loi provinciale, mais une modification à introduire dans la loi électorale. Si nous touchons à cette loi, je ne sais pas pourquoi nous n’y introduirions pas les améliorations que nous avons cru devoir adopter dans la loi provinciale en ce qui touche les élections.
Ces améliorations portent principalement sur les opérations des collèges électoraux. Je me permettrai de citer pour exemple les articles 23, 26, 29 et 33 du projet de loi adopté.
Dans l’article 23, vous avez introduit cette disposition, qu’après le réappel terminé, le président demande à l’assemblée s’il n’y a pas d’électeurs présents qui n’aient pas voté, et que ceux qui se présentent immédiatement sont admis à voter. A l’article 26 vous avez introduit un changement assez notable, puisque vous avez déclaré que les bulletins ne contenant aucun suffrage valable seraient annulés. Cette disposition n’est pas dans la loi électorale.
A l’article 29, vous avez dit que le recours aurait lieu au conseil provincial, tandis que dans la loi électorale on s’était borné à dire sauf réclamation. Enfin à l’article 35 vous avez dit qu’après le dépouillement du scrutin, les bulletins qui n’auront pas donnée lieu à contestation seront brûlés, tandis que l’article 38 de la loi électorale porte que tous les bulletins seront brûlés.
Je ne fatiguerai pas la chambre par d’autres citations, mais il me semble qu’il serait utile de renvoyer à la section centrale le projet de loi qui nous est présenté avec prière d’y insérer toutes les dispositions qu’elle pourrait tirer de la loi provinciale et qui seraient de nature à améliorer la loi électorale : ce renvoi ne nous empêcherait pas de nous occuper aujourd’hui de la proposition de M. Dubus.
Je me permettrai encore de faire remarquer une chose. Si vous admettiez la proposition de M. Dubus sans parler des amendements, ce serait faire la critique des amendements introduits dans la loi provinciale en matière d’élection. Il y aurait une bigarrure assez étrange. Les collèges électoraux qui se réunissent au mois de mai auront une manière d’opérer différente de ceux qui s’assemblent au mois de juin. Les élections des conseillers provinciaux ont lieu au mois de mai, et celles des membres du sénat et de la chambre des représentants au mois de juin, Je pense qu’il faudrait que les opérations des collèges se fissent de la même manière pour l’une et l’autre élection.
Je demande en conséquence le renvoi à la section centrale.
M. Dubus. - Je dois une réponse à ce que vient de dire l’honorable préopinant. Selon lui la proposition est incomplète ; il y voit une modification à la loi électorale. Il s’étonne que, modifiant cette loi en un point, on ne l’ait pas soumise à une révision complète.
Je n’ai pas entendu modifier la loi électorale, et encore moins la soumettre à une révision complète. C’est là un travail qui demanderait à la chambre un temps qu’elle ne peut pas lui donner en ce moment. J’ai voulu simplement combler une lacune que présentait cette loi, en ce qui concerne la formation des listes électorales. On a reconnu cette lacune quand on s’est occupé de la formation des listes pour les élections des conseils provinciaux. C’est pour cela que j’avais présenté ma proposition comme amendement à l’article 5 de la loi provinciale.
Je pense encore que la chambre aurait pu admettre mon amendement comme disposition additionnelle à la loi provinciale. On a témoigné le désir que mon amendement fît l’objet d’une loi spéciale, non pour agrandir le cercle de la discussion, pour opérer une révision complète de la loi électorale, mais pour gagner du temps, afin d’éviter le danger qu’il y aurait eu à admettre sans examen préalable une proposition qui touchait à la loi électorale, et qui n’avait été faite que lors du second vote. Ainsi, mon amendement, pour être devenu une proposition spéciale, n’a pas moins pour objet de combler la lacune que présente la formation des listes électorales, lacune qu’il y a urgence de faire cesser. Pour le reste, nous avons le temps de nous en occuper ; on a bien pu exécuter la loi électorale telle quelle est depuis 1831, on pourra bien continuer à l’exécuter ainsi jusqu’à ce que nous ayons eu le temps de la réviser.
L’honorable préopinant a ajouté que si on ne comprenait pas dans la loi dont il s’agit les amendements relatifs aux opérations électorales, adoptés dans la loi provinciale, ce serait faire la critique de ces amendements. Je lui répondrai que nous ne les regardons pas comme inutiles, mais que nous remettons seulement à un autre temps pour nous en occuper.
L’honorable membre a indiqué quelques-uns des changements introduits dans la loi provinciale sur les opérations électorales : je vais les parcourir rapidement ; je ferai remarquer qu’il n’y a pas la moindre urgence à s’en occuper, et qu’ils ne sont pas de nature à nécessiter une loi spéciale.
L’article 23 de la loi provinciale, a-t-il dit, a prévu le cas où, lors du dépouillement général des votes, il y aurait un nombre de bulletins différent du nombre des autres. Pour ce cas-là, la loi décide que si la différence peut rendre la majorité douteuse, il y a un scrutin de ballottage. Cela est conforme à la jurisprudence de la chambre, et il n’y a pas longtemps qu’elle a consacré ce principe par un de ses votes. Ainsi je ne vois pas la nécessité de modifier en ce point la loi électorale.
L’article 26 dont il a parlé ensuite, porte que les bulletins qui ne contiendraient aucun suffrage valable seraient considérés comme nuls. C’est encore un principe qui est consacré par la chambre.
Le préopinant est passé à l’article 26, aux termes duquel doivent être considérés comme nuls les bulletins ne portant pas de désignation suffisante sur la décision du bureau, sauf recours au conseil provincial. Il lui semble nécessaire d’introduire cette modification dans la loi électorale. Je lui ferai observer que, dans ces cas, c’est la chambre qui prononce.
En dernier lieu, le préopinant s’est occupé de l’article 32 qui prescrit de brûler en présence de l’assemblée les bulletins, en ajoutant : « qui n’auront pas donné lieu à contestation. » Je ferai remarquer que cela résulte de la combinaison de deux articles de la loi électorale. L’un porte que les bulletins seront brûlés, et l’autre prescrit de conserver ceux qui donneraient lieu à contestation, et de les joindre au procès-verbal paraphés par le bureau.
Il est évident que toutes les dispositions dont a parlé le préopinant s’exécutent sans difficulté. En conséquence, je ne crois pas qu’il y ait lieu de renvoyer à la section centrale.
M. Pollénus. - Je crois que l’honorable M. Verdussen a donné à la proposition de l’honorable M. Dubus une portée qu’elle n’a pas. Cette proposition ne tend pas à opérer la révision de la loi électorale, mais simplement à compléter quelques lacunes qui ont été signalées dans cette loi. La proposition que fait M. Verdussen de renvoyer de nouveau à l’examen de la section centrale, pour la loi provinciale, les points sur lesquels il a appelé l’attention de la chambre, ne me paraît pas admissible, attendu qu’ils s’écartent au but pour lequel cette section centrale a été nommée.
- La proposition de M. Verdussen est mise aux voix. Elle n’est pas adoptée.
M. Gendebien. - La chambre doit bien se rappeler que, lors de la discussion de l’article 5 de la loi provinciale, j’eus l’honneur de vous proposer d’ajourner la partie de cet article qui concernait les listes électorales jusqu’à la discussion de l’amendement de M. Dubus.
Je disais que puisque l’article 5 se conformait à la loi électorale, il convenait de faire plutôt une adjonction à cette loi que de prendre une disposition spéciale. La chambre a adopté ma proposition, si j’ai bonne mémoire. L’on a fait la remarque que le premier paragraphe de l’article 5 ne pouvait faire partie de la loi électorale, attendu que cette loi, servant à la fois à la formation des deux chambres et des conseils provinciaux, ne pourrait contenir la disposition relative à la naturalisation qui est exclusive de la qualité d’électeur quand il s’agit de la nomination des membres de la chambre des représentants et du sénat. Il m’a semble cependant que, si la délégation dont parle le deuxième paragraphe de l’article 5 est juste pour les nominations du conseil provincial, elle doit être également juste pour les nominations aux deux chambres. L’amendement que j’ai proposé est destiné à remplir ce but ; j’attendrai les objections qui me seront faites.
M. Fleussu. - Je ne sais pas si la mémoire de l’honorable M. Gendebien lui est fidèle. Je ne pense pas que les choses se soient passées de la manière rapportée par mon honorable ami. J’avais présenté, lors de la discussion de l’article 5, l’amendement qu’il reproduit aujourd’hui. Il a été accueilli par la chambre saut rédaction et lors du second vote il a été adopté définitivement sans aucune espèce de discussion. L’honorable M. Gendebien dit que la partie de l’article 5, sur laquelle il présente son amendement, a été renvoyée jusqu’à la discussion de celui de M. Dubus.
La chambre n’a pu prendre une semblable décision. Je viens de m’assurer auprès de M. le greffier de la chambre que ma mémoire ne m’a pas trompé, et qu’en effet mon amendement à l’article 5 a pour ainsi dire force de loi actuellement, puisqu’il est compris dans la loi que nous avons votée dans la séance précédente.
Il y avait une raison pour ne pas renvoyer l’article 5 à la discussion de l’amendement de M. Dubus. Cet amendement forme une espèce de loi complémentaire, destinée à être également applicable en matière électorale aux nominations aux chambres et aux conseils provinciaux. La délégation qui fait l’objet de l’amendement de M. Gendebien ne peut s’appliquer qu’aux conseils provinciaux. Car, aux termes de l’article 47 de la constitution, qui pose en principe que les nominations aux fonctions de membre de la chambre des représentants ou du sénat seront faites directement, la délégation des droits électoraux n’est pas admissible. J’en appelle aux souvenirs des honorables membres de cette assemblée qui faisaient partie du congrès.
La loi électorale qui nous fut présentée contenait des dispositions analogues à celle qui fait l’objet de l’amendement de M. Gendebien. Le cercle des délégations était bien plus étendu. On en proposait en faveur des maris séparés de biens, des pères qui n’avaient pas l’usufruit des biens de leurs enfants. Toutes ces délégations ont été écartées en présence de l’article 47 de la constitution. Le même obstacle existe donc à l’égard de l’amendement de M. Gendebien. Celui que j’ai introduit dans la loi provinciale ayant accordé à l’égard de la délégation tout ce que notre pacte permettait d’accorder en matière fondamentale, il n’est pas possible, sans le violer, d’aller plus loin.
M. Gendebien. - Je n’étais pas présent à la chambre lors de la première discussion de l’article 5, mais j’ai assisté au second vote qui a eu lien sur cette disposition, et je me vois forcé d’être en contradiction avec mon honorable ami M. Fleussu. Je crois me souvenir qu’au renvoi de la proposition présentée par M. Dubus a été ajouté le renvoi de l’amendement que j’avais fait en faveur des mères veuves. Si l’on se rappelle que l’on a renvoyé un amendement que j’ai présente sur l’article 5, il serait difficile qu’il portât sur autre chose que sur le dernier paragraphe.
Je ne tiens à ma proposition que dans ce sens que je la regarde comme le complément de celle de M. Dubus, que je considère dans l’état où elle est comme incomplète.
Il ne me semble pas que l’argument tiré par l’honorable préopinant de l’article 47 de la constitution soit fondé.
Le mot directement, qui s’y trouve inséré, ne s’oppose pas aux délégations. Ce que la constitution a eu en vue, c’est d’éviter la double élection. Vous savez que les élections aux états-généraux se faisaient par deux degrés dans l’ordre des villes et l’ordre équestre, et même par trois degrés dans l’ordre des campagnes. Sous l’empire, les membres du sénat conservateur étaient choisis parmi les candidats présentés par les électeurs. C’est ce mode déterminé d’élection que notre pacte fondamental a eu en vue de prévenir par l’insertion du mot directement. Il me semble que ce serait interpréter la constitution d’une manière bien judaïque que de croire qu’elle n’a pas voulu que la veuve pût déléguer des droits électoraux à son fils. Est-ce que ce fils ne paiera pas le cens électoral, alors que sa mère aura fait cette délégation ? L’élection en sera-t-elle moins directe ?
Il faut entendre la constitution d’une manière saine, d’une manière large et libérale. C’est en comprendre véritablement le sens que d’étendre le nombre des électeurs. Dans le doute j’aime mieux mon interprétation que celle de mon honorable contradicteur.
M. Fleussu a dit que l’on avait discuté, au congrès, plusieurs catégories de délégations. J’ai dit que sous ce rapport le projet de loi électorale allait beaucoup plus loin. Je ne sais pas si le congrès n’a pas été frappé du grand nombre de délégations et si ce n’est par ce motif qu’il les a écartées toutes. J’ai fais une proposition que je regarde comme libérale. S’il se trouve que la constitution s’y oppose, j’en suis fâché pour notre pacte fondamental. Je me serai acquitté d’un devoir en tâchant d’augmenter le nombre des électeurs du pays.
M. Dubus. - La proposition de M. Gendebien se trouve déjà introduite dans la loi que vous venez de voter. Elle fait l’objet de la dernière disposition de l’article 5. Sans doute il serait utile qu’on pût l’étendre aux élections des membres de la chambre et du sénat, mais je partage, à l’égard de l’interprétation de l’article 47 de la constitution l’opinion de l’honorable M. Fleussu. Je me souviens très bien qu’une semblable disposition avait été formulée dans le projet de loi électorale soumis au congrès, et que l’on a fait remarquer qu’elle était inadmissible, attendu qu’elle se trouvait en désharmonie avec la constitution.
Cet article 47 de la constitution donne le droit électoral aux citoyens qui paient le cens, mais ne donne pas la faculté de déléguer ce droit : le fils qui sera délégué par sa mère ne paierait pas les contributions pour lesquelles sa mère est portée au rôle. Il y aurait réellement opposition entre le texte de l’article 47 et la loi si elle contenait la disposition que l’on réclame.
Je dirai à la chambre que le congrès, en s’arrêtant devant le texte de l’article 47, a paru regretter que l’on ait formulé la constitution sur ce point d’une manière aussi absolue, aussi précise ; mais il a pensé qu’il fallait respecter cet article et donner à son texte toute sa signification ; je crois que nous devons agir de même.
M. Gendebien. - Je retire mon amendement.
M. Verdussen. - Il y a quelque différence entre le projet présenté par M. Dubus et la rédaction proposée par la section centrale.
M. Dubus. - J’adhère à la rédaction de la section centrale.
« Art. 1er. Lorsqu’en exécution de l’article 7 de la loi du 3 mars 1831, les administrations communales, en procédant à la révision de la liste électorale, rayeront ou omettront les noms d’électeurs portés sur les listes de l’année précédente, elles seront tenues d’en avertir ces électeurs, par écrit et à domicile, au plus tard dans les 48 heures, à compter du jour où les listes auront été affichées, en les informant des motifs de cette radiation ou omission. »
- Adopté sans discussion.
« Art. 2. Le même avertissement sera donné, dans les 48 heures de la date de la clôture définitive de la liste, aux personnes portées sur la liste affichée et dont les noms seront rayés par les administrations communales lors de cette clôture définitive. »
- Adopté sans discussion.
« Art. 3. Ces notifications seront faites sans frais par un agent de la police communale. »
- Adopté sans discussion.
« Art. 4. Les noms des électeurs qui auront été admis par les administrations communales, lors de la clôture définitive de la liste, sans avoir été portés sur la liste affichée, seront publiés par nouvelles affiches, dans le même délai de 48 heures, à dater de cette clôture.
« L’affiche rappellera que les réclamations, s’il y a lieu, peuvent être formées auprès de la députation du conseil provincial, en se conformant à l’article 12 de la loi du 3 mars 1831. »
- Adopté sans discussion.
L’ensemble de la loi est soumis au vote par appel nominal ; il est adopté à l’unanimité par les 57 membres présents.
Ces membres sont :
MM. Bekaert, Berger, Boucqueau de Villeraie, Brixhe, Coghen, Cols, Cornet de Grez, Dams, de Behr, de Foere, de Laminne, H. Dellafaille, de Longrée, de Puydt, de Renesse de Robaulx, de Roo, Deschamps, Desmaisières, Desmet, de Stembier, de Terbecq, d’Hane, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Dubois, Dubus, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Fleussu, Gendebien, Helias d’Huddeghem, Jadot, Jullien, Lebeau, Liedts, Olislagers, Pirson, Polfvliet, Pollénus, Poschet, Quirini, Raikem, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Simons, Thienpont, Trentesaux, Ullens, Vanderbelen, Vanderheyden, Verdussen, C. Vilain XIIII, C. Vuylsteke, Zoude.
M. le président. - Le projet présenté par la commission est renfermé dans l’article unique suivant :
« La loi du 19 juillet 1832, sur les concessions des péages, sera obligatoire jusqu’au premier janvier 1836. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - J’adhère à la proposition de la commission. Seulement je désirerais que l’on ajoutât un article pour la prompte exécution de la loi.
M. de Robaulx. - Cela est inutile ; vous avez le temps.
M. Gendebien. - Il n’y aurait pas d’inconvénient à faire l’addition demandée par le ministère.
M. le président. - L’addition proposée par le ministre, et qui formerait l’article 2 de la loi, serait ainsi conçue :
« La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »
M. de Robaulx. - Il est bien entendu que la chambre s’attend à ce que la commission lui présentera un travail sur les barrières dans la session prochaine.
- Plusieurs membres. - La commission le dit dans son rapport !
- L’article proposé par la commission est mis aux voix et adopté.
L’article 2 proposé par le ministre de l’intérieur est également mis aux voix.
M. de Robaulx. - S’il y avait urgence, j’adopterais l’article 2. Il ne faut pas changer sans nécessité les délais pour la promulgation des lois ; ce n’est pas légèrement qu’on doit changer ses habitudes. Il y a des délais salutaires pour l’exécution des lois ; pourquoi les changer ?
Je voterai contre la loi si le délai ordinaire n’est pas maintenu.
- L’article 2 est adopté.
On passe au vote sur l’ensemble de la loi.
57 membres ont répondu oui.
Un membre a répondu non.
La proposition est adoptée.
Ont répondu oui :
MM. Bekaert, Berger, Boucqueau de Villeraie, Brixhe, Coghen, Cols, Cornet de Grez, Dams, de Behr, de Foere, de Laminne, H. Dellafaille, de Longrée, de Puydt, de Renesse de Roo, Deschamps, Desmaisières, Desmet, de Stembier, de Terbecq, d’Hane, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Dubois, Dubus, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Fleussu, Gendebien, Helias d’Huddeghem, Jadot, Jullien, Lebeau, Liedts, Olislagers, Pirson, Polfvliet, Pollénus, Poschet, Quirini, Raikem, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Simons, Thienpont, Trentesaux, Ullens, Vanderbelen, Vanderheyden, Verdussen, C. Vilain XIIII, Zoude.
A répondu non :
M. de Robaulx.
M. le président. - La chambre passe à la discussion de la proposition de M. d’Hoffschmidt sur la sortie des bestiaux.
M. Desmet. - Je ne viens pas prendre la parole pour discuter longuement la proposition de l’honorable député de Bastogne ; l’importance de l’objet est tellement sentie par nous tous, qu’elle n’a besoin d’aucun développement ni d’aucune défense ; elle fait cesser un état de choses vraiment intolérable, mais qui était digne d’un gouvernement absurde et partial, en supprimant le droit de sortie qu’il avait établi sur le bétail que nous vendons aux étrangers.
Il ne faut pas être grand économiste ni avoir feuilleté tous les écrits des savants de cette science tant à la mode et dont l’étude paraît aujourd’hui indispensable pour comprendre que le gouvernement doit faciliter, autant qu’il est dans son pouvoir, l’exportation des produits trop abondants dans le pays, et particulièrement de ceux qui ne doivent plus être employés comme matière première dans le travail de la classe ouvrière.
Dans le système actuel de prohibition, système que je reconnais comme très vicieux et peu en harmonie avec les progrès de la civilisation, mais que nous serons obligés de maintenir, tant qu’on ne voudra le corriger dans d’autres pays, les agriculteurs qui élèvent et engraissent les bestiaux, auraient le droit de réclamer comme l’ont déjà fait d’autres industriels une prime d’exportation. Mais leurs vœux et leurs exigences ne vont pas jusque-là ; ils se bornent à demander qu’on n’ajoute pas au droit d’entrée qu’ils sont obligés de payer à la douane française la surcharge d’un droit de sortie qui est une véritable vexation légale
Mais, d’un autre côté, ils ne cessent, comme le fait toute la Belgique d’exprimer des vœux pour qu’un traité de commerce ne tarde à venir lever ou modifier les droits exorbitants que notre bétail paie pour entrer en France, traité qui est certainement dans l’intérêt des deux pays et que nos voisins amis demandent avec autant d’instances que nous, mais qu’on s’étonne de ne voir conclure, si toutefois il est vrai que notre gouvernement fait des démarches réelles pour l’obtenir, et que ceux-là ou celui qu’il a envoyé pour ouvrir les négociations, connaissent les véritables intérêts du pays, et que peut-être par défaut de connaissances nécessaires, ils ne sacrifieraient les premiers besoins de l’industrie nationale et de notre intéressante industrie pour quelques branches secondaires ou pour un projet mal entendu en faveur de ce commerce de transit, nommé le haut commerce.
Si, avec la mesure réparatrice présentée par l’honorable M. d’Hoffschmidt, on pouvait encore obtenir le tarif français, non seulement, on verrait une augmentation sensible dans le bien-être d’une province jusqu’ici par trop négligée, et qui cependant est digne de toute notre sollicitude, mais d’autres provinces et particulièrement les Flandres, y trouveraient aussi une large part pour leur commerce et leur prospérité, car tout le monde sait combien est important pour nos deux provinces le débit du bétail et combien il a besoin d’être favorisé par une libre exportation vers la France, surtout que l’engraissement des bestiaux est si considérablement augmenté depuis l’émancipation des distilleries.
Et c’est pourquoi je saisis encore cette occasion pour réitérer mes instances près de M. le ministre de l'intérieur, pour qu’il veuille ouvrir un œil de commisération sur les malheureux distillateurs de la ville de Gand, qui par le règlement d’octroi de cette ville sont privés des bienfaits de la loi nouvelle et rejetés dans l’esclavage de la loi hollandaise, et qu’il daigne rapporter son arrêté qui a sanctionné ce règlement.
En faisant droit à des réclamations aussi fondées que celles des distillateurs de la ville de Gand, il redressera un acte qu’on peut, sans y mettre de l’exagération, taxer d’arbitraire, car il est incontestable qu’il est évidemment en opposition avec les lois existantes sur la matière, qui stipulent dans des termes très exprès que les règlements d’octroi ne pourront contenir aucune disposition contraire à celles des lois et règlements relatifs aux différents droits imposés au profit du trésor.
Je viens aussi appuyer la mesure de prudence que la commission d’industrie a consignée dans l’article qu’elle a ajouté au projet de M. d’Hoffschmidt, et je pense, comme elle qu’il faut laisser l’application de cette mesure à la sagesse du gouvernement ; c’est lui qui doit être le meilleur appréciateur pour juger quand et à quelles parties de nos frontières il devra en faire usage. Car, si d’un côté il pourra trouver utile de laisser toute liberté à la sortie de notre bétail, d’un autre côté il trouvera nécessaire de se précautionner contre l’entrée en fraude d’une certaine espèce de bestiaux, dont on se plaint depuis quelque temps, que nos marchés sont encombrés, et particulièrement celui de Bruxelles. J'ai dit.
M. A. Rodenbach. - Je pense que personne ne s’opposera au principe de la loi qui vous est soumise. Il s’agit ici, encore une fois, de faire disparaître une de ces anomalies du gouvernement précédent, une de ces combinaisons hollandaises, que je ne sais comment qualifier.
Dans un pays agricole et où le commerce d’exportation doit être surtout protégé, on fait payer des droits de sortie sur le bétail ; cette disposition du tarif hollandais doit être supprimée.
Déjà plusieurs propositions ont été faites pour modifier le tarif hollandais. Puisque le ministère paraît peu disposé à s’occuper de ce tarif, je pense qu’il y a lieu de présenter des propositions à cet égard ; et moi j’ai l’intention d’en soumettre à la chambre. Si le tarif hollandais continuait trop longtemps à être en vigueur, notre industrie et notre agriculture pourraient beaucoup en souffrir.
Tout en appuyant la loi, je demande à M. le ministre des finances si la suppression de la déclaration sur la sortie des bestiaux peut avoir pour résultat d’augmenter la fraude des bestiaux de la Hollande, en Belgique ; déjà la fraude est considérable à cet égard.
Je désirerais savoir aussi si, par l’article 2, nous n’allons pas nous priver de tableaux statistiques qui sont très utiles pour les douanes.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je vais avoir l’honneur de répondre à l’interpellation qui m’est adressée par l’honorable préopinant.
Il est de principe en douanes que tout mouvement sur les frontières du royaume, soit pour l’exportation, soit pour l’importation ou le transit, doit être, dans ses opérations, précédé d’une déclaration quelconque ; lorsque cette déclaration n’existera plus, il est évident qu’il pourra en résulter beaucoup de désordres.
Abandonnant la question générale, je rentrerai dans la spécialité dont on a parlé, et je signalerai les inconvénients qui pourront se présenter.
Si le bétail est exempté de la déclaration à sa sortie, s’il peut s’engager sur le territoire réservé, soit en deçà des bureaux de l’extrême frontière, soit en deçà de la ligne intérieure, il est constant que des bestiaux pourront être introduits en fraude, et qu’ils ne pourront être distingués de ceux du pays que l’on présentera aux lignes de douanes, affranchis de tout droit. Voici l’inconvénient qui résulterait de l’article premier ; mais je dirai avec la même franchise que cet inconvénient est beaucoup tempéré par l’article 2. Cet article laisse au gouvernement la faculté de modifier avec discernement la mesure trop générale du premier article. Le gouvernement pourra faire usage de cette faculté, et on peut être certain qu’il le fera dans le sens que l’entend la chambre, et au plus grand bien-être du commerce.
Quant à ce qui est relatif aux tableaux statistiques, la proposition pourra y laisser quelque chose à désirer. L’administration verra si elle pourra se procurer des moyens d’y suppléer. Je ferai remarquer, bien qu’il ne soit pas besoin d’un luxe de statistique, comme le conçoit le rapport, que le gouvernement doit connaître le mouvement des marchandises soit qu’elles sortent soit qu’elles entrent ; si un pareil mouvement était affranchi de toute déclaration on ne pourrait savoir lorsqu’il y aurait lieu soit à augmenter les droits sur la sortie, soit pour tempérer cette sortie, soit pour l’empêcher tout à fait. Si on dit que l’on peut s’adresser aux chambres pour demander les modifications qui seraient nécessaires, je répondrai que, dans l’intervalle des sessions, le gouvernement serait sans pouvoir.
Je le répète, avec l’article 2, le gouvernement pourra faire un excellent emploi de la proposition qui vous est soumise.
M. Berger. - Si des préoccupations politiques et la discussion des lois organiques ont, depuis la révolution de septembre, absorbé presque toute notre attention, des circonstances, d’ailleurs favorables à grand nombre de productions du sol, faisaient moins sentir la nécessité d’une révision complète de nos lois de finances, et particulièrement de notre tarif des droits d’entrée et de sortie dans le royaume. Nous achèverons sous peu les lois organiques du pays, et la baisse générale de ces mêmes productions nous forcera bien d’entamer une législation si intimement liée au bien-être matériel des habitants. Déjà le ministre des finances est venu à plusieurs reprises déclarer dans cette enceinte qu’il regardait le système de douanes comme établi dans l’intérêt de nos industries, et non pas pour créer un revenu au trésor.
Nous devons même lui rendre la justice de dire qu’il s’est toujours empressé d’adhérer à toutes propositions de loi conçues et présentées d’après ces bases. Mais, messieurs, ne devions-nous pas nous attendre à mieux encore de la part du gouvernement ? N’étions-nous pas en droit de demander la présentation d’une loi complète à cet égard et plus en harmonie avec nos intérêts ? Ne sommes-nous pas encore aujourd’hui à savoir quel est son système, si ce n’est pas celui de n’en point avoir ? quelles sont ses pensées d’amélioration et pourquoi elles tardent si longtemps à se réaliser ?
Certes, le temps ne lui a pas manqué à cet effet ; et qui plus que lui était en mesure de puiser à toutes les sources, de réunir tous les documents, afin de nous présenter quelque chose de complet et de nature à satisfaire la juste impatience de la nation ? le défaut d’initiative de la part du gouvernement nous entraîne dans les plus graves embarras.
Chacun de nous prendra fait et cause pour telle industrie, telle production du sol dont il est le plus à même d’apprécier les besoins ; et de là naîtront une foule de propositions particulières, incohérentes et souvent contradictoires.
Eh ! messieurs, à n’en juger que par celles qui vous sont déjà soumises en ce moment, n’est-ce pas en même temps que l’un de nos collègues vous propose d’affranchir de tout droit de sortie un produit de notre agriculture (proposition sur le bétail), qu’un autre veut frapper d’un droit pareil une production du même sol (proposition sur les lins), qu’un honorable membre se contenterait d’un droit modéré sur les productions étrangères (proposition sur les toiles), tandis qu’un autre propose sur ces productions des droits équivalant à une prohibition (proposition sur les céréales) ; et dans quel moment encore ? Lorsque nous sommes en instance auprès d’un pays voisin et que nous faisons tous nos efforts pour ramener son gouvernement à des principes de modération que nous proclamons hautement, mais que nous sommes bien éloignés de vouloir suivre ! Chacune de ces dispositions particulières nous engagera dans une discussion de principes, éternisera nos débats, nous fera perdre un temps précieux et reculera à une époque qu’on ne saurait préciser la révision complète de nos tarifs.
Quoi qu’il en soit, et si cette révision générale que nous réclamons n’a pas lieu, des propositions spéciales bien plus nombreuses encore surgiront dans cette assemblée ; car il faudra bien alors défaire pièce à pièce le clinquant assemblage de principes hétérogènes qui nous régissent du matière de douane.
Quant à la proposition de mon honorable collègue, elle souffrira sans doute peu de contradictions. Si elle est conforme aux principes d’une saine économie et dans l’intérêt de tout le pays, elle est particulièrement urgente pour le bien-être de ces contrées, qui, dépourvues de commerce et d’industrie, n’ont pour toute richesse que la production agricole. D’autres modifications aux tarifs vous seront bientôt réclamées par ces mêmes contrées et avec non moins d’instance.
En effet, si, par exemple, le gouvernement n’est pas en mesure de procurer un écoulement aux produits de nos usines en fer, force nous sera bien de venir réclamer au moins l’exemption de tout droit de sortie sur nos bois et nos charbons, à moins que nous ne voulions rester les spectateurs muets de l’anéantissement complet de la fortune territoriale de ces provinces. Frapper, sous des prétextes futiles, de droits de sortie ; entourer de mille entraves les productions du sol qui paient des impôts si considérables à l’Etat ; détruire la production sous prétexte de la protéger ; imposer le travail et garrotter les travailleurs, sont de ces monstruosités fiscales que le gouvernement déchu nous a léguées. Puisse le nôtre avoir le bon esprit de ne pas vouloir les perpétuer !
Je voterai pour la proposition de l’honorable M. d’Hoffschmidt.
M. de Foere. - Je n’étais pas d’abord disposé à adopter la proposition qui vous est soumise, mais M. le ministre des finances vient de présenter des considérations qui m’ont pleinement satisfait ; les motifs allégués par le ministre sont des motifs d’ordre, et à l’appui de ce qu’il a dit, je voudrais que l’article 2 fût rédigé dans un sens précis, afin de ne rien laisser à l’arbitraire du gouvernement ; je désirerais que le gouvernement fût obligé de surveiller la sortie du bétail, et de soumettre cette sortie à la faculté exigée par l’article 143 de la loi sur la matière.
Il est une autre question que je soumets à la chambre, c’est celle qui regarde la sortie libre des chevaux. Les étalons sont enlevés par les Anglais : il est à craindre que l’espèce en soit presque détruite en Belgique, et que nous ne soyons obligés d’acheter des étalons en Angleterre à un prix exorbitant.
Je demanderai donc à la commission d’industrie si elle a bien examiné cette question, si elle connaît la statistique, le nombre des étalons de labour qui existent dans le pays.
M. Zoude. - La commission ne peut pas savoir combien il y a d’étalons de labour dans le pays. Quant à la crainte que l’honorable membre a exprimée de nous voir enlever tous nos étalons, je ne la comprends pas. Les observations qu’il a faites à cet égard porteraient plutôt sur les poulains.
M. A. Rodenbach. - Si on majorait le droit à la sortie des étalons de labour dans la crainte que cette espèce ne vînt à nous manquer, on nuirait à notre commerce de chevaux. Je ferai observer à l’honorable membre que ses craintes ne sont pas fondées. Les Anglais aussi avaient eu pour système de prohiber les étalons à la sortie, jaloux qu’ils étaient de conserver leurs races de chevaux ; mais ils ont changé de système. Cela n’est pas étonnant, en sait qu’un étalon vaut cinquante juments au moins. (On rit.)
Je suis fâché de devoir m’exprimer ainsi. (Nouvelle hilarité.) Mais puisque on a porté la discussion sur ce terrain, il faut bien que je réponde ; c’est au reste une question d’économie politique.
Tout récemment encore nous avons reçu des étalons d’Angleterre, pour propager les races anglaises dans notre pays.
M. de Foere. - Je ne puis voter l’article premier sans connaître le nombre des étalons de chevaux de labour qui existent dans le pays. Je suis fâché que M. le rapporteur ne puisse pas me satisfaire sur cette question.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Il me paraît évident que dans le système du préopinant ce n’est pas une élévation de droit, mais une prohibition qu’il faudrait adopter. Car si je guettais un étalon belge et que j’en eusse besoin, ce ne serait pas pour cent francs de plus que je le laisserais.
Ainsi, ce ne serait pas un droit de 6 florins qui en arrêterait l’exportation. Ce n’est donc pas, je le répète, d’un droit plus élevé, mais de prohibition qu’il faudrait frapper les étalons. La prohibition est une mesure à laquelle il est fâcheux d’être obligé d’avoir recours, et la chambre les accueille généralement assez mal.
Le projet tel qu’il est présenté, avec l’article 2, remplira l’attente du gouvernement et du commerce ; je n’en fais pas de doute.
M. le président. - Nous passons à la discussion des articles.
« Art. 1er. Les droits imposés à la sortie par les taris de douanes sur les chevaux, les poulains, les taureaux, les bœufs, les vaches, les génisses, les veaux, les cochons, les moutons et les agneaux, sont supprimés. »
- L’article premier est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Le gouvernement est autorisé à accorder l’exemption des formalités exigées par l’article 143 de la loi générale sur tels points des frontières où il jugera que cette exemption peut être utile. »
M. de Foere propose à cet article l’amendement suivant :
« La sortie du bétail désigné à l’article premier est soumise aux formalités prescrites par l’art 143 de la loi générale. »
M. Eloy de Burdinne. - D’après le projet de loi le gouvernement appliquera cette disposition là où il croira devoir le faire. Personne n’est meilleur juge que lui pour en apprécier l’utilité. Je ne sais pas ce que gagnerait l’agriculture si on forçait les marchands de bestiaux à prendre des certificats ou passavants pour circuler avec leur bétail et aller le vendre. Cette formalité est pénible pour eux et ne donne aucun résultat.
On a dit qu’il pourrait arriver qu’on fût dans la nécessité de suspendre ou de restreindre la sortie des bestiaux. Quant à moi, je ne pense pas que nous soyons en position de concevoir de pareilles craintes ; il faudrait une grande calamité en Belgique pour que le manque de bestiaux pût s’y faire sentir.
M. de Robaulx. - C’est vrai ! c’est vrai !
M. Eloy de Burdinne. - La proposition est donc sans utilité. Si on croyait avoir besoin de renseignements pour des tableaux de statistique, le ministre pourrait avoir des bourgmestres des communes des renseignements sur le bétail vendu à l’extérieur. Je dirai en passant que les statistiques sont toujours loin d’être exactes et qu’on n’en obtiendrait aucun résultat.
M. de Foere. - Si vous affranchissez le bétail à la sortie des formalités prescrites par l’article 143 de la loi générale, il se soumettra une grande fraude sur le territoire belge. J’insiste d’autant plus pour que cette surveillance ait lieu, qu’elle ne peut entraver la sortie du bétail.
M. Zoude. - Je déclare que l’amendement de M. de Foere est complètement inutile. La déclaration est exigée en vertu de la loi générale chaque fois qu’il n’y est pas dérogé. Si vous rejetez l’article 2, comme cet article est une exception, la loi générale sera exécutée.
M. de Robaulx. - Sur le point par lequel vous exportez des bestiaux, vous n’en recevez pas et par conséquent vous n’avez pas de fraude à craindre. Là les formalités qu’on réclame sont inutiles et ne feraient que gêner le commerce. Nous ne devons les faire exécuter que sur les frontières des pays où les bestiaux sont moins chers que chez nous, parce que la fraude peut avoir lieu. (Aux voix ! aux voix !)
- L’article 2 est mis aux voix et adopté.
La chambre passe à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi. Elle est adoptée par l’unanimité des 61 membres présents.
M. de Robaulx. - Puisqu’il n’y a plus rien à l’ordre du jour, je demanderai à M. le ministre de la justice, qui a provoqué à plusieurs reprises l’examen du projet de loi qu’il a présenté sur l’augmentation du personnel de cours d’appel, s’il a examiné la requête adressée par la régence de Mons à l’effet d’obtenir une cour d’appel ou pour le moins une section de la cour d’appel, qui serait chargée de juger dans les causes relatives aux houillères.
Les principaux motifs sur lesquels s’appuie la régence de Mons sont le retard que l’éloignement des cours d’appel apporte à l’expédition des affaires et le manque de connaissances locales en matière de contestations relatives aux houillères. Je ne prétends pas entrer maintenant dans le fond de la question. Je demande simplement à M. le ministre s’il a examiné cette pétition, afin que lorsque nous aborderons la discussion du projet de loi, nous soyons entourés de tous les renseignements désirables.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - J’ai pris connaissance de la requête de la régence de Mons, requête que vient de citer M. de Robaulx. J’ai également eu l’honneur de recevoir sur le même objet une députation du barreau de cette ville. Si l’honorable préopinant avait jeté les yeux sur le rapport que j’ai eu l’honneur de soumettre à cette assemblée, il y aurait vu que je fais allusion à la pièce dont il a fait mention, dans l’exposé des motifs de ce rapport. Ma réponse doit le satisfaire puisque sa demande se borne actuellement à appeler l’attention du gouvernement sur un objet dont il voit que le ministère a pris connaissance. Je me réserve de donner plus tard des explications sur les raisons qui m’ont déterminé à ne pas accueillir la demande de la régence de Mons.
M. le président. - Plusieurs membres de cette chambre prient leurs collègues de vouloir bien fixer à demain la discussion du projet de loi relatif à la sortie des toiles et lins.
M. A. Rodenbach. - La chambre ne semble pas très disposée à aborder la question des lins. Cependant, si elle est effrayée des discussions que cette question pourra soulever, il serait possible de la diviser et de ne traiter actuellement que la question des toiles. Cette question est très simple. Il s’agit d’imposer sur les toiles étrangères le modique droit d’entrée de 7 p. c. Ainsi il n’y a pas là matière à de longs débats. Ce projet sera aussi simple que celui que nous venons de voter. Si on l’avait mis à l’ordre du jour, on aurait pu l’achever en ce moment.
Puisque j’ai la parole, j’en profiterai pour rappeler qu’il y a environ six mois la maison Aubert et compagnie a présenté à la chambre une pétition sur laquelle il n’y a pas encore eu de rapport. Cette pétition, relative à une industrie très importante, à la fabrication des foulards, a été appuyée par plusieurs membres de cette assemblée et entre autres par M. Gendebien. L’industrie qui en fait l’objet était florissante. C’était une industrie née de la révolution. Elle avait droit à toute notre sollicitude.
Je demande pourquoi on n’a pas encore rien statué à cet égard. Nous n’avançons guère, messieurs, et cependant la France a encouragé cette industrie dont les produits figurent actuellement à l’exposition qui vient de s’ouvrir à Paris. Nous marchons à pas de tortue, passez-moi cette expression. Je sais bien que la loi provinciale est une loi très utile. Mais il me semble que l’industrie et l’agriculture méritent bien aussi d’occuper un instant notre attention.
M. Dubus. - Vous avez porté au mois de décembre dernier une loi par laquelle vous avez fixé au 1er octobre prochain le terme dans lequel le gouvernement devra procéder à la réorganisation de l’institution des juges de paix. Vous avez cru que ce délai était nécessaire pour laisser à la chambre le temps de voter la loi sur les circonscriptions cantonales, loi sans laquelle cette réorganisation tant désirée ne peut avoir lieu.
Presque tous les rapports sur cette loi sont achevés. Un seul ne nous a pas été présenté, c’est celui qui est relatif à la circonscription cantonale de la Flandre occidentale. Encore viens-je d’apprendre qu’il sera déposé demain sur le bureau. Rien ne vous empêche donc de vous occuper immédiatement de la loi. L’objet est urgent. Trois rapports imprimés vous ont été distribués : l’un sur la province d’Anvers ; l’autre sur la province de Namur ; le troisième est relatif aux considérations générales.
Je demande que ces trois rapports soient mis à l’ordre du jour de demain. Je crois que rien ne s’oppose à ce que nous les discutions immédiatement. Il n’y a pas de loi dont l’urgence soit mieux démontrée que celle-là. En effet, un terme fatal a été fixé pour la réorganisation de l’institution des juges de paix. Nous devons éviter de placer le gouvernement dans la nécessité de nous demander une prorogation de ce délai. Souvenez-vous bien que les juges de paix actuels sont amovibles et révocables au gré du pouvoir.
Je demande, en outre, qu’après la loi sur laquelle je viens d’appeler l’attention de la chambre, soit mis immédiatement à l’ordre du jour le projet de loi que mon honorable ami M. Brabant et moi, nous avons présenté, il y a deux ans et demi, sur les revenus des fabriques et des bureaux de bienfaisance. Le travail, déjà commencé, a été interrompu par l’arrêté de dissolution qui est venu frapper la chambre. Cette loi est la plus ancienne en date. Je réclame pour elle la priorité après celle relative aux juges de paix.
Je ferai remarquer que la proposition de mon honorable ami et de moi est urgente ; elle trancherait un grand nombre de difficultés, un grand nombre de procès pendants entre les bureaux de bienfaisance, les fabriques et l’administration des domaines.
M. Desmet. - La proposition que fait l’honorable M. Dubus aurait pour résultat, si elle était adoptée, d’occuper la chambre beaucoup plus longtemps que la question sur les lins. Je partage l’opinion de M. A. Rodenbach : on peut diviser la question relative aux lins, s’occuper des toiles étrangères et y joindre la question sur les étoupes.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - A l’occasion des lois sur les circonscriptions cantonales, il a été fait une proposition que j’appellerai préjudicielle, sur laquelle il faudrait que la chambre se prononçât. On a émis le vœu que les projets de loi fussent ajournés, jusqu’à ce que les conseils provinciaux aient le temps de les examiner ; j’attends une décision de la chambre sur ce point : elle peut se prononcer implicitement ou explicitement
Je dois relever une erreur qui pourrait être mal interprétée au-dehors. Je considère, aux termes de la loi du mois d’août 1832, sur l’organisation judiciaire, les juges de paix nommés depuis la promulgation de cette loi, comme investis de l’inamovibilité.
Il est vrai qu’un grand nombre de juges de paix sont encore amovibles. Quoique l’honorable membre soit d’accord avec moi sur ce point, j’ai dû donner ces explications parce que je craindrais que ces paroles fussent mal entendues.
M. Zoude. - La commission d’industrie s’est occupée en très peu de temps de l’examen de quatre questions fort importantes ; de la question sur les lins, de la question sur les céréales, de la question sur le bétail, et enfin de la proposition faite par M. Aubert. Si la commission d’industrie ne vous a pas entretenus de cette dernière question, c’est que son rapporteur M. Doignon est tombé malade. Depuis, on a remis toutes les pièces à M. Corbisier qui a promis de faire un rapport sous huit jours.
Si l’on s’occupe de la proposition sur les lins, il faut y joindre la proposition sur les étoupes. Je voterai pour que ces propositions soient mises à l’ordre du jour de demain.
M. Desmaisières. - Depuis trois ans, messieurs, l’industrie vous a soumis une question sur les lins ; cette question mérite d’autant plus votre intérêt, qu’il s’agit d’une industrie qui occupe plus de six cent mille travailleurs, et qui occupe un grand nombre d’agriculteurs ; la question intéresse la prospérité du pays lui-même. Nous ne pouvons pas plus longtemps opposer une fin de non-recevoir, par des ajournements, à de justes réclamations : nous le pouvons d’autant moins que leur examen est assez avancé. J’espère que la chambre mettra à l’ordre du jour de demain les toiles et les étoupes.
M. Dubus. - J’ai demandé que l’on mît en premier lieu à l’ordre du jour le projet de loi relatif aux circonscriptions des cantons des justices de paix. On a fait une objection relativement aux provinces des Flandres ; on a dit que les circonscriptions de ces contrées donneraient lieu à beaucoup de difficultés ; je ne sais quelles difficultés naîtront sur ce point puisque le rapport sur les Flandres n’est pas fait. Quand nous aurons le rapport, nous verrons si de graves question sont soulevées et si nous devons ajourner la discussion et même renvoyer le projet aux conseils provinciaux.
Par les rapports faits sur la circonscription des justices de paix des provinces de Namur et d’Anvers, nous avons la preuve que la chambre peut s’en occuper sans les renvoyer aux conseils provinciaux. Je crois qu'il en sera de même relativement à plusieurs autres provinces.
Quant à l’observation faite par la ministre de la justice, je ne la conteste pas : les juges de paix nommés depuis la promulgation de la loi sur l’organisation judiciaire sont inamovibles ; mais c’est le petit nombre ; il y en a à peine un sur dix : il est urgent que les neuf autres dixièmes de ces fonctionnaires obtiennent l’inamovibilité qui est dans le vœu de la constitution.
Après la discussion de ces lois, je persiste à demander que la chambre discute la loi le plus anciennement proposée et dont vous avez le rapport le plus ancien, c’est la loi concernant les biens des établissements de bienfaisance et les fabriques. D’après le dépouillement des rapports des sections, elle donnera lieu à peu de difficultés, tandis que la loi sur l’industrie linière met en contact les intérêts des agriculteurs et ceux des artisans.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Dans l’énumération qui vient d’être faite, on oublie une loi qui a aussi son importance et son urgence, c’est la loi communale ; cependant il n’en est pas plus question que si elle n’existait pas. On a pourtant décidé qu’elle serait vidée après la loi provinciale.
M. Pirson. - Nous le voulons bien ; où est-elle ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je regrette l’absence de M. Dumortier ; je regrette surtout que cette absence soit causée par l’état de sa santé, et qu’il ne puisse nous présenter un rapport ; mais il serait temps que la chambre prît un parti à cet égard. On avait dit que si on n’avait pas de rapport, on prendrait le projet du gouvernement, sauf à chaque membre à présenter des amendements. J’avoue qu’il serait préférable de délibérer sur une proposition faite par la section centrale ; mais si la santé de M. Dumortier ne s’améliore pas promptement, nous serons bien forcés de prendre un parti.
Le gouvernement doit examiner s’il mettra la loi provinciale à exécution avant la loi communale ; dans mon opinion, je crois que la loi sur l’organisation des communes doit précéder la loi sur l’organisation des provinces ; je dois le déclarer à la chambre.
M. le président. - La section centrale se réunit tous les jours chez M. Dumortier, pour terminer son travail ; ainsi on y met toute la hâte possible.
M. de Robaulx. - Quand ce travail sera-t-il présenté ?
M. d’Huart. - Je rappellerai que la chambre avait décidé que la loi communale serait divisée en deux parties : d’abord le titre relatif au personnel des régences et des administrations, et ensuite le titre relatif aux attributions communales. Comme il paraît certain que le travail de la section centrale est sur le point d’être terminé, on doit supposer que le premier titre est examiné, et qu’il peut être soumis à la chambre ; si on nous présentait cette partie du travail de la section centrale, nous pourrions nous en occuper, et commencer à discuter la loi communale.
Je serai disposé à admettre la proposition des honorables députés des Flandres plutôt que la proposition de M. Dubus. La première proposition est plus simple ; il s’agit de mettre un droit d’entrée raisonnable sur les toiles étrangères, tandis que l’autre proposition est plus compliquée, et qu’elle va presque jusqu’à la prohibition. Je ne vois pas d’inconvénients à s’occuper de la proposition des honorables députés des Flandres, mais s’il était possible de commencer la discussion du premier titre de la loi communale, je crois que c’est ce dont il faudrait nous occuper avant tout, puisque la chambre a déjà décidé que la loi communale viendrait après la loi provinciale.
M. Gendebien. - Je ferai remarquer aussi que, dans le grand nombre de lois qu’on a citées, on a oublié la loi communale.
S’il est vrai que le rapporteur de la loi communale soit depuis deux jours en état de faire son rapport à la section centrale, on pourra bientôt livrer toutes les parties de ce rapport à l’impression et il pourra être distribué à chacun des membres dans trois ou quatre jours.
Quant à la question de diviser la loi, je ne suis pas de cet avis ; je crains, si on aborde la discussion sur un point seulement, qu’on ne finisse par ajourner indéfiniment le reste de la loi ; il faut discuter cette loi dans son ensemble, il pourrait être dangereux d’en agir autrement.
Je pense que nous pouvons espérer que la loi communale pourra être discutée lundi prochain, en faisant imprimer au fur et à mesure les diverses parties du rapport adoptées par la section centrale ; on peut, je crois, fixer à ce terme la discussion, et je désire qu’il en soit ainsi.
Quant à l’ordre du jour de demain, je ne m’oppose pas à ce que l’on s’occupe de la loi des douanes, des étoupes et même des lins. Je ne vois pas non plus qu’il y ait des objections à faire contre la discussion de la loi sur les toiles ; la discussion de cette loi prendra une seule séance et elle traite d’un objet fort important. Les toiles donnent du pain au grand nombre des Flandres, et on doit aussi s’occuper de la classe ouvrière.
Si les doléances des habitants des Flandres sont fondées, nous ne pouvons nous occuper trop tôt de la loi sur les toiles ; si les plaintes ne sont pas fondées, il faut aussi statuer sur la loi, afin de faire voir aux Flandres qu’en leur donnant leur apaisement on ne veut pas faire souffrir les autres provinces de la protection qu’on leur accorde.
Nous devons nous occuper des propositions relatives à l’industrie et à l’agriculture. Il faut, je pense, permettre autant que possible la sortie des produits, et laisser à l’industrie belge le soin d’être au niveau de l’industrie étrangère. Je ne crois pas que la Belgique reste au-dessous de l’industrie étrangère, alors qu’elle a tant de matières premières sur les lieux. Sur des questions d’industrie, on peut écrire des volumes, mais lorsqu’on discute une loi, on résume, et après quelques heures de débats, nous nous réunirons à une solution quelconque.
Il est cependant, messieurs, une loi que je regarde comme plus essentielle que celles dont il a été question ; c’est la loi relative aux indemnités à allouer aux citoyens qui ont perdu leur fortune ou une partie de leur fortune par suite de l’agression hollandaise.
Nous avons fait une révolution ; une partie de la nation jouit des effets de cette révolution ; la partie qui en a souffert ne peut être condamnée à souffrir toujours ; cependant quatre ans se sont déjà écoulés depuis cette époque.
Le gouvernement provisoire n’a pas indemnisé ceux qui avaient souffert de la révolution par un scrupule que l’on peut concevoir ; on nous demandait des indemnités raisonnables, mais nous n’avons pas osé fixer un terme pour payer ces indemnités, de crainte de ne pas pouvoir satisfaire à ce paiement dans le délai fixé ; nous n’avons pas voulu nous donner un vernis de charlatanisme.
Depuis quatre ans, les réclamations sur ce sujet sont considérées comme justes ; on s’est occupé de tout, et la seule chose à laquelle on n’ait pas pensé, c’est celle d’être juste.
Je l’ai dit dans le mois de novembre et la fin de décembre 1830 : dans une catastrophe comme celle d’une révolution, les citoyens qui ont souffert doivent être indemnisés. Si la moitié de la nation eût souffert, il faudrait que l’autre vînt à son secours, afin que l’égalité fût rétablie entre ceux qui ont tout conservé et ceux qui ont tout perdu.
Je parle, messieurs, d’un acte de justice ; je pense que vous ne vous montrerez pas récalcitrants pour prononcer à cet égard, surtout quand cet acte de justice a pour cause première notre révolution.
Je demande qu’on insiste auprès de la section pour qu’elle s’occupe de la loi dont je viens de parler.
M. de Robaulx. - Vous ne parlez pas des indemnités pour les pillages ?
M. Gendebien. - Non, nous n’avons pas à nous occuper des pillages ; c’est une affaire qui regarde les tribunaux.
M. de Foere. - J’appuie la proposition relative aux étoupes parce qu’elle intéresse un grand nombre de familles pauvres des Flandres.
Dans les premiers temps du congrès, nous avons accordé à des provinces la discussion de leur intérêt d’industrie ; ainsi nous avons admis la loi sur les fers. Les Flandres ne se refusent pas à soutenir l’industrie de notre province, et maintenant elles sont obligées de consommer les fers que lui fournissent les autres provinces à un prix fort élevé. Ces dernières provinces sont satisfaites ; on ne doit pas, non plus, refuser aux Flandres ce qui intéresse à un haut degré leur industrie.
M. A. Rodenbach. - D’après les observations faites par les honorables préopinants, il me reste peu de chose à ajouter. Je dirai seulement que le rapport des pétitions ne peut pas se faire, car M. Dewitte n’est pas présent.
Je persiste à demander qu’on s’occupe demain de la question des toiles et des étoupes ; cette discussion n’exigera pas plus de temps que la loi sur les bestiaux que vous venez de voter. Personne ne peut contester l’importance de la question des toiles. Le ministre des finances doit savoir qu’il entre en Belgique pour 100 mille francs de toiles étrangères mensuellement. Je ne voudrais pas retarder la loi communale, ni la loi des circonscriptions judiciaires ; mais je suis convaincu que vous ne pourriez pas vous en occuper avant le vote de la loi que je vous propose de mettre à l’ordre du jour. Il a plus : si vous n’admettez pas ma proposition, vous n’aurez rien à l’ordre du jour de demain.
M. Dubus. - Je ne vois pas pourquoi on ne veut pas mettre à l’ordre du jour le projet de loi de circonscriptions judiciaires. J’ai prouvé que cette loi était la plus urgente. Vous savez qu’il y a un terme fatal, et nous n’avons rien d’autre à l’ordre du jour de demain. Tous les rapports sur ce projet de loi ont été faits, et trois de ces rapports sont distribués depuis dix à douze jours.
J’insiste pour qu’on en fixe la discussion à demain.
On s’est opposé aussi à la mise à l’ordre du jour de la proposition que j’ai faite avec mon honorable ami M. Brabant, sur les biens des bureaux de bienfaisance et des fabriques. On a dit qu’il n’y avait pas nécessité de s’en occuper. Quand il en sera temps je prouverai cette nécessité. Je demande maintenant qu’on la mette à l’ordre au jour pour que la chambre décide si elle entend ou non s’en occuper.
Si on veut l’écarter, qu’on le dise, qu’on adopte la question préalable. Mais je ne crains pas qu’elle subisse ce sort, quand toutes les sections lui ont été favorables et ont voté pour son adoption. D’après cela, il ne devrait même pas y avoir d’opposition à ce qu’elle fût discutée.
On dit que la loi communale pourrait être mise en discussion lundi prochain. Cela me paraît impossible. Il faut d’abord que nous ayons le rapport, et pour mon compte je ne pense pas qu’on puisse s’occuper de cette loi par fragments : il est nécessaire que nous l’envisagions dans son ensemble, et il nous faudra au moins quatre ou cinq jours pour méditer le rapport.
Je pense donc comme M. Gendebien, qu’il importe que nous ayons le rapport entier, et que nous puissions établir une discussion générale avant d’entrer dons l’examen d’un article quelconque de la loi. C'est en effet le seul moyen de pouvoir en coordonner toutes les dispositions.
M. d’Hoffschmidt. - Je m’oppose à ce qu’on mette en discussion le projet de loi sur les circonscriptions judiciaires avant que les conseils provinciaux aient émis leur opinion. Ces conseils sont plus à même d’apprécier ce qu’il convient de faire chacun pour leur province respective. Nous pourrons alors prononcer en connaissance de cause, tandis que maintenant nous ne pouvons pas savoir ce qui peut être utile pour les provinces auxquelles nous sommes étrangers. J’écouterai sans doute avec beaucoup d’attention les membres de la chambre qui font partie de ces provinces, mais je préfère entendre les rapports des conseils provinciaux qui seront moins exposés à consacrer des injustices qui peuvent quelquefois être très préjudiciables à des cantons.
Quant à la loi sur les toiles que les Flandres réclament, je pense que nous pouvons nous en occuper en attendant la loi communale. Au reste si cette loi pouvait être mise en discussion avant que celle sur les lins fût terminée, nous pourrions la suspendre, comme nous avons interrompu la discussion de la loi sur les enfants trouvés, pour nous occuper du chemin de fer.
Je demanderai donc qu’on mette à l’ordre du jour la proposition relative aux toiles sauf à interrompre cette discussion si elle n’était pas terminée quand M. Dumortier serait en état de venir soutenir son rapport sur la loi communale.
M. Helias d’Huddeghem. - Messieurs, on vous a distribué deux rapports sur les circonscriptions judiciaires, celle de la province de Namur et celle de la province d’Anvers. Ces deux-là ne donneront lieu à aucune discussion. Plusieurs autres rapports ont été faits, mais qui n’ont pas encore été imprimés, celui du Brabant, du Hainaut.
Vous ne pouvez discuter la loi sur les circonscriptions des justices de paix, avant d’avoir sous les yeux tous les rapports. Celui qui est relatif à la Flandre occidentale ne vous a pas été présenté. Je serais d’avis que ce qui a rapport aux deux Flandres fût renvoyé à l’examen des conseils provinciaux. La question sera très épineuse et la discussion qu’elle soulèvera très longue, tandis que le projet de loi sur les toiles et les étoupes ne peut donner lieu à de longs débats. L’intérêt qui y est attaché, d’ailleurs, lui mériterait la priorité.
M. Dubus. - Il est étonnant que l’on cherche à écarter la discussion d’une loi aussi urgente que l’est la loi sur la circonscription des justices de paix. j’ai entendu demander que l’on prît l’avis des nouveaux conseils provinciaux sur les projets qui nous ont été soumis. Si la chambre avait jugé cet examen préalable nécessaire, elle n’aurait pas chargé une commission spéciale d’un travail aussi long pour venir en prononcer l’inutilité plus tard.
Maintenant que les rapports sont prêts, que la loi est à la veille d’être discutée, l’honorable préopinant auquel je réponds n’en veut plus, je ne crois pas que l’assemblée partage une pareille manière de voir. Je ferai remarquer que pour s’entourer de toutes les lumières désirables non seulement l’on a nommé une commission spéciale chargée de l’examen de la loi sur les circonscriptions cantonales ; mais il a été résolu que les membres de chaque province seraient appelés dans le sein de la commission, pour qu’ils donnassent spécialement leur avis sur les localités qu’ils sont à même de mieux connaître. Je doute qu’il soit possible que les conseils provinciaux nous fournissent un corps de renseignements plus complet.
Je rappellerai en outre à la chambre que la commission a demandé au ministre de l’intérieur communication de toutes les pièces qui ont servi de bases à son travail, et que par conséquent dans ces pièces se trouvent compris les avis des états provinciaux. Il me semble donc qu’il serait au moins convenable d’examiner le travail consciencieusement élaboré de la commission ; nous prendrons ensuite telle résolution dont la discussion nous démontrera la nécessité.
Un honorable préopinant a dit que deux rapports seulement sont imprimés ; il est dans l’erreur, il y en a trois : le premier relatif aux considérations générales, le second relatif à la province d’Anvers, et le troisième à la province de Namur. Tous les autres rapports sont à l’impression. Ce soir on en distribuera plusieurs à MM. les membres.
Pour faciliter l’examen du travail volumineux que la loi sur la circonscription cantonale a occasionné, la commission a été d’avis de faire autant de lois séparées qu’il y a de provinces. Le projet se compose de sept lois, attendu que les provinces du Limbourg et du Luxembourg conservent leurs divisions cantonales actuelles.
M. Bekaert. - Je demande que l’on mette à l’ordre du jour non seulement le projet de loi sur les toiles et les étoupes, mais aussi celui qui est relatif aux lins. La question est infiniment simple : ce n’est qu’une question de douanes. il n’y a que la partie de la loi relative aux lins qui soulèvera quelques discussions.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il me semble que, divisée comme elle l’est sur la fixation de l’ordre du jour, la chambre ferait mieux de ne rien décider à cet égard, et de se réunir demain en sections pour examiner différents projets. Les travaux de la chambre peuvent être aussi utiles à huis clos qu’en séance publique.
Le gouvernement a soumis différents projets sur lesquels il n’a pas encore été présenté de rapports et dont l’urgence est cependant bien démontrée. M. Gendebien a rappelé la loi sur les indemnités. Je rappellerai de mon côté à la chambre le projet de loi que j’ai présenté sur l’interprétation de l’arrêté du 16 novembre au sujet des pensions civiques. Le retard qu’éprouve cette loi prive les intéressés de droits, que le gouvernement ne peut pas prendre sur lui de leur assurer, tant que l’interprétation de la loi que je viens de citer n’aura pas été faite par la législature. Je rappellerai enfin le projet de loi que j’ai présenté sur le transfert de certaines dépenses du budget de 1831 au budget de 1834.
J’ai présenté aussi un projet de loi relatif à des transferts à opérer dans les budgets de divers exercices. Ce projet pourrait être examiné dans les sections. On pourrait aussi s’occuper dans les sections de la loi concernant l’organisation de la garde civique. Il y a deux projets sur cet objet ; l’un que j’ai présenté, l’autre que M. de Puydt vous a soumis.
Je demande que l’on pose la question de savoir s’il y aura séance demain.
On demande de mettre à l’ordre du jour les toiles et les étoupes ; mais c’est la première fois qu’on en parle ; cependant ces objets donnent naissance à des questions importantes ; il faut apprécier la portée, les conséquences de semblables lois. Le projet de loi sur les toiles peut avoir une grande influence sur nos relations avec nos voisins : faut-il que nous entrions dans un système de prohibitions à l’égard de l’Allemagne ? D’ici à demain je ne pourrai pas me former une opinion à cet égard.
M. le président. - M. A. Rodenbach dépose sur le bureau la proposition formelle de mettre à l’ordre du jour de demain les toiles et les étoupes.
M. d’Hoffschmidt. - L’honorable M. Dubus vient de dire que la chambre avait nommé une commission pour la charger de l’examen de la loi sur les circonscriptions cantonales, en l’invitant à hâter son travail : cela est vrai ; mais alors la chambre croyait que ce travail serait terminé avant le vote sur la loi provinciale et servirait de base aux élections des conseils ; mais on a décidé que les circonscriptions, telles qu’elles existent serviraient pour ces élections.
L’honorable M. Dubus prétend que je viens de dire que je n’avais pas lu les rapports sur les circonscriptions des cantons de justice de paix : je n’ai point dit cela ; j’ai lu les rapports : je ne les ai sans doute pas lus avec la pénétration d’esprit qui distingue l’honorable membre ; mais enfin je les ai lus avec toute l’attention dont je suis capable. Il me semble que nous devrions avoir sur ce sujet l’opinion des justiciables. Les conseils provinciaux pourront nous la faire connaître. Ainsi ajournons les lois de circonscription et mettons à l’ordre du jour de demain la question sur les toiles et sur les étoupes ; le ministre a eu le temps de s’y préparer ; ce n’est pas d’hier que les Flandres réclament.
M. Fallon. - Je demande la parole.
- Plusieurs membres. - La clôture ! la clôture ! la clôture !
M. Jullien. - Quelle clôture ? Est-ce la clôture sur les lins ? est-ce la clôture sur la circonscription des cantons ?
M. le président. - Toutes ces questions ont été débattues ; dès qu’on demande la clôture je dois consulter la chambre.
- La clôture n’est pas ordonnée.
M. Fallon. - Je demande la priorité pour la loi communale. Notre premier devoir est d’organiser le pays et de porter les lois que la constitution elle-même exige que nous fassions. L’honorable M. d’Hoffschmidt fait une proposition qui, selon moi serait bizarre : à quoi servirait le renvoi de la loi sur les circonscriptions aux conseils provinciaux ? N’a-t-on pas eu l’avis de la députation des états dans chaque province ? N’a-t-on pas eu l’avis des gouverneurs ? En interrogeant encore les administrations locales, vous donneriez une nouvelle occasion aux intérêts locaux de s’agiter, de vous adresser des pétitions. Il est utile de ne pas différer à s’occuper de ces lois. Les provinces de Namur, d’Anvers, du Hainaut, de Liége, ne présentent pas de grandes difficultés.
Quant aux provinces des deux Flandres, je ne dois pas dissimuler que les difficultés qu’elles présentent sont nombreuses.
Mais on pourra, pour ces provinces, suspendre la discussion, prendre l’avis des conseils s’il est nécessaire, et s’occuper de la loi communale. Je demande que l’on mette à l’ordre du jour les circonscriptions des justices de paix.
M. A. Rodenbach. - On peut s’occuper d’abord des toiles et des étoupes : dans deux ou trois jours on s’occupera des lois sur les cantons.
M. Jullien. - Je ne m’oppose pas à ce que l’on accorde la priorité à la loi sur les toiles, mais je ne voudrais pas qu’on s’occupât en même temps de la question des lins ; cette question a été vivement controversée et envisagée de différentes manières ; elle a aussi donné lieu à la publication d’un nombre considérable de mémoires ; si ces mémoires devaient revenir dans la discussion, nous n’en finirons pas. Je demande la division de la proposition sur les toiles et de celle sur les lins.
Je crois qu’il faudrait avant tout s’occuper de la loi communale si elle était prête à être discutée : il faut que le pays soit organisé ; il faut qu’il jouisse des loi communale, surtout après ce qu’a dit M. le ministre, que la loi provinciale ne devait pas être mise à exécution avant la loi communale. Le pays, comme vous le voyez, en l’absence de cette loi, resterait complètement désorganisé.
Il est une autre loi sur laquelle je rappelle toute l’attention de la chambre, c’est la loi présentée par M. le ministre de la justice sur l’augmentation du personnel des cours d’appel ; j’ai connaissance qu’à la cour de Bruxelles, l’administration de la justice ne se rend pas et qu’elle se fait attendre, et que des causes urgentes, des causes sommaires sont en souffrance. Je citerai à cet égard un exemple : Il y a eu une saisie opérée sur des ustensiles d’une brasserie ; il s’agit de plaider sur la validité de cette saisie ; c’est là ce que l’on appelle une cause urgente, une cause sommaire. Eh bien, depuis deux ans l’affaire est pendante devant la cour d’appel de Bruxelles ; on a présenté plusieurs requêtes d’urgence et on n’a pu plaider encore ; pendant ce temps, on conçoit que l’intérêt des diverses parties peut périr.
La loi dont je parle a été renvoyée à une commission, elle est urgente ; je demande que la chambre s’en occupe le plus promptement possible ; je désirerais que M. le ministre de la justice pût nous dire en quel état se trouve cette loi.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je n’en sais pas plus que l’honorable préopinant sur les travaux de la commission ; j’ai demandé moi-même que l’on s’occupât le plus promptement possible de la loi qui en effet est très urgente ; je crois même qu’il a été déposé aujourd’hui sur le bureau une pétition des avoués de la cour, qui certifie tous les faits que j’ai avancés pour établir l’urgence de la loi.
M. Jullien. - Quand je dis que l’administration de la justice se fait attendre, je n’ai pas eu l’intention d’inculper les magistrats ; je sais qu’ils ne peuvent pas suffire pour prononcer sur le grand nombre de causes dont ils auraient à s’occuper.
La chambre passe au vote sur les diverses propositions qui ont été faites.
La proposition de M. le ministre de l’intérieur, tendant à ce qu’il n’y ait pas de séance publique demain, est d’abord mise aux voix et non adoptée.
La proposition de M. A. Rodenbach de mettre à l’ordre du jour de demain le projet de loi en ce qui concerne les toiles et les étoupes est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - La chambre entend-elle mettre d’autres projets à l’ordre du jour ?
M. d’Huart. - Demain, quand on aura voté sur ce qu’on vient de mettre à l’ordre du jour, on verra s’il y a lieu d’avoir séance le lendemain. Ensuite il est possible que demain on fasse des rapports sur des projets dont l’urgence vient d’être démontrée, et que la chambre juge à propos de les mettre à l’ordre du jour du lendemain. Il ne faut donc pas que la chambre se lie dès aujourd’hui. Laissez-la libre de décider demain ce qu’elle voudra faire après-demain.
M. Dubus. - Si la chambre ne se décide pas aujourd’hui, la discussion qui vient d’avoir lieu recommencera demain. Je crois d’ailleurs qu’il n’y a aucun des projets auxquels on a fait allusion dont le rapport puisse être fait demain.
M. Gendebien. - Je ne vois aucune objection à ce qu’on mette à l’ordre du jour la loi sur les circonscriptions judiciaires ; la nécessité et l’urgence de cette loi ont été démontrées. Nous gagnerons ainsi la fin de la semaine, et la semaine prochaine nous nous occuperons de la loi communale.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je demanderai la permission d’adresser une question à M. le président. Je demanderai si, après le vote du projet mis à l’ordre du jour et le dépôt du rapport sur la loi communale, il n’y aurait pas lieu de suspendre les séances publiques pendant deux ou trois jours pour prendre le temps d’examiner le rapport. Je ferai remarquer que ce procédé a été indiqué à l’occasion de la discussion des budgets et a produit les plus heureux résultats.
On a suspendu les séances publiques pendant quinze jours, et le travail qu’on a fait dans les sections a abrégé de beaucoup la discussion. Si deux jours de suspension devaient ainsi avancer d’une dizaine de jours le vote d’une loi dont tout le monde reconnaît l’urgence, je suis persuadé que l’honorable M. Dubus lui-même serait le premier à demander qu’on suspendît les séances publiques si le rapport de la loi communale était fait.
- La chambre n’étant plus en nombre, la séance est levée à 4 heures.