(Moniteur belge n°350, du 16 décembre 1833 et Moniteur belge n°351, du 17 décembre 1833)
(Moniteur belge n°350, du 16 décembre 1833)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à une heure moins un quart.
Après l’appel nominal le procès-verbal est lu et adopté.
Quelques pétitions sont renvoyées, après analyse, à la commission des pétitions.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) demande la parole pour présenter à la chambre le projet de loi qui continue dans ses fonctions l’administration des monnaies. Il s’exprime ainsi. - Messieurs, la loi monétaire du 5 juin 1832 détermine à son article 28 que l’administration des monnaies sera organisée par une loi avant le 1er janvier 1834.
Dans le but de remplir cette obligation, plusieurs projets ont été élaborés mais, l’un d’eux renfermant une disposition qui aurait pour objet de réunir à l’administration des monnaies un service qui, sous plusieurs rapports, a beaucoup d’analogie avec les fonctions dont elle est chargée, j’ai cru devoir faire de cette proposition un examen approfondi et mûrir la question avant que de la résoudre.
D’un autre côté, les importants travaux qui vous occupent ne vous eussent sans doute pas permis de discuter assez rapidement la loi organique de l’administration des monnaies, qui renferme plusieurs points difficiles, pour que sa mise à exécution pût avoir lieu avant le 1er janvier.
Toutefois, l’action de cette branche de service d’un intérêt public ne pouvant être suspendue, je me suis vu dans la nécessité de vous proposer de continuer dans ses fonctions la commission des monnaies instituée par l’arrêté du 29 décembre 1831, jusqu’à ce qu’un projet qui vous sera présenté dans la session actuelle soit converti en loi.
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation du projet de loi. La chambre en ordonne l’impression et la distribution, et le renvoie à une commission qui sera nommée par le bureau.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Messieurs, conformément au vœu que vous avez exprimé à plusieurs reprises, j’ai l’honneur de déposer sur le bureau :
1° Le compte spécial des fonds de cautionnements versés par les fonctionnaires comptables, du 1er octobre 1830 au 31 décembre 1832 ;
2° L’état de situation au 31 décembre 1832 des consignations effectuées dans les caisses de l’Etat depuis le 1er octobre 1830.
Quant au compte des mêmes consignations, arrêté par la cour des comptes, il vous sera remis dès que ce corps auquel on va le transmettre aura porté son arrêt.
- La chambre donne acte à M. le ministre des finances de cette communication, et en ordonne l’impression et la distribution.
M. Quirini présente le rapport sur le projet de loi tendant à proroger le délai de la loi du 4 août 1832 pour la nomination des juges de paix.- Messieurs, dit l’honorable membre, la commission à laquelle vous avez renvoyé l’examen du projet de loi présenté par M. le ministre de la justice, à l’effet de proroger le délai fixé pour la nomination des juges de paix, m’a chargé de vous présenter son rapport sur ce projet.
L’article 54 de la loi du 4 août 1832, sur l’organisation judiciaire, a laissé au gouvernement le soin de nommer aux fonctions de juges de paix et de leurs suppléants, en prescrivant toutefois qu’il serait procédé à ces nominations avant le 1er janvier 1834.
Jusqu’ici la disposition précitée de la loi sur l’organisation judiciaire n’a point reçu son exécution, et comme le délai fixé à cet effet est sur le point d’expirer le gouvernement vous propose, messieurs, de le proroger jusqu’au 1er octobre 1834.
Les motifs qui ont fait apporter ce retard à l’exécution de l’article 54 de la loi du 4 août 1832 sont développés dans l’exposé du projet qui est soumis à vos discussions ; avant de procéder à la nomination définitive des juges de paix, le gouvernement a pensé avec raison qu’il importait de s’occuper d’abord des changements qui sont réclamés de toutes parts dans la circonscription actuelle des cantons.
Votre commission ne s’est point dissimulé, messieurs, que la préparation de ce travail, dont l’urgence et la difficulté sont généralement appréciées, a dû entraîner des lenteurs qu’il n’a pas été au pouvoir du gouvernement d’écarter. Avant de vous présenter une loi définitive sur un objet aussi important, et qui embrasse tant d’intérêts divers, le gouvernement a dû réunir une foule de documents et s’entourer de toutes les lumières.
D’après ces considérations, votre commission, tout en regrettant de devoir recourir à une mesure exceptionnelle à la loi sur l’organisation judiciaire, et de ne pouvoir assurer d’une manière définitive le sort des personnes qui ont continué de remplir les fonctions de juge de paix depuis le 4 août 1832, n’a pas hésité à vous proposer l’adoption du projet qui vous a été présenté par M. le ministre de la justice.
La commission a également émis le désir que le gouvernement s’occupât, dans le plus court délai possible, d’un projet de loi relatif à une nouvelle circonscription des tribunaux de première instant et de commerce.
- Sur la demande de M. le ministre de la justice (M. Lebeau), la chambre remet la discussion du projet de loi après le vote du budget des voies et moyens.
M. Coghen. - Plusieurs de mes honorables collègues ont déjà réclamé le rétablissement de la disposition de la loi du 22 frimaire an VII, qui frappait d’un droit de 2 p. c. les ventes publiques du bois sur pied, de récoltes pendantes par racines et de fruits non encore recueillis. Cette disposition est équitable mais il ne faut pas se le dissimuler, elle aggravera beaucoup la position des propriétaires de bois dans les localités où les bois servent uniquement aux forgeries, qui ont tant eu à souffrir depuis la révolution, et nuira aussi aux propriétaires dans le voisinage des forges, aujourd’hui remplacés par les hauts-fourneaux, où l’on fait usage du coak.
L’amendement de l’honorable député du Luxembourg tend à étendre la mesure aux marchandises vendues publiquement, qui paient maintenant 1/2 p. c. pour la quantité vendue et 1/4 p. c. pour la quantité exposée en vente, mais retirée faute d’offres suffisantes. Lorsqu’on a proposé cette modification à la loi du 22 frimaire an VII, on l’a fait uniquement dans l’intérêt du commerce afin de donner plus de développements aux grandes spéculations commerciales, parce que la plupart des marchandises vendues publiquement sont réexportées dans les pays voisins.
On parle sans cesse du besoin de nouveaux débouchés à l’industrie, de routes en fer et de protection pour l’industrie manufacturière. Or, si l’on adoptait l’amendement de notre honorable collègue, on n’atteindrait pas le but que notre gouvernement se propose dans l’intérêt bien entendu du pays. Les spéculateurs qui importent des masses de marchandises dans nos entrepôts, s’ils sont obligés de payer un droit de 2 p. c. ou de 26 centimes additionnels, fuiront notre pays pour aller dans ceux où ils ne seront pas tenus de payer ce tribut à l’Etat, lorsqu’ils voudront offrir leurs marchandises en vente publique. Ce serait une mesure qui tournerait tout à l’avantage de nos voisins ; elle tendrait à augmenter le droit de transit, dont le commerce réclame la réduction pour un grand nombre d’articles ; elle tendrait à anéantir notre commerce d’exportation, parce que l’étranger, obtenant 2 et 1/2 p. c. de moins des objets importés, cesserait de nous consigner ses marchandises.
Je crois donc, messieurs, que vous ne pouvez pas consentir à l’adoption de l’amendement de M. Jadot. Les observations que je viens d’exposer suffiront, j’en suis certain, pour vous en faire sentir tout le danger.
M. Verdussen. - La chambre, en ordonnant hier l’impression de l’amendement de M. Jadot, nous a donné le temps de réfléchir sur sa portée, ; et je viens, messieurs, vous soumettre quelques observations que j’ai faites.
Je me prononce positivement contre cet amendement. Je vous prie de remarquer en premier lieu que plusieurs orateurs ont paru croire que le ministre dans sa première proposition avait assimilé les marchandises aux bois sur pied, aux fruits non recueillis et aux récoltes pendantes par racines, et qu’en conséquence M. Jadot ne faisait que rétablir la disposition dans son intégration. C’est une grave erreur, car jeter les yeux sur la proposition dont il s’agit et vous verrez que l’article 3 dit clairement que « les ventes publiques de marchandises, faites par les courtiers, sont assujetties au droit proportionnel de 50 centimes par cent francs. »
Cependant, vous vous en souvenez, messieurs, MM. d’Huart, de Robaulx et autres orateurs ont semblé croire que M. le ministre des finances avait proposé de fixer le droit d’enregistrement à 2 p. c. sur ces marchandises, tandis que l’intention n’existait que de la part de M. Jadot. Les vices, depuis longtemps signalés dans cette enceinte contre la loi du 31 mai 1824, concernaient spécialement les bois sur pied, les recettes pendantes par racines, et les fruits non encore recueillis, parce que tous ces objets sont un intérêt dont profite celui qui exploite le sol, soit comme propriétaire, soit comme locataire. On conçoit bien qu’on frappe d’un droit de 2 p. c. des revenus annuels, tandis que si vous adoptez l’amendement de M. Jadot, vous ferez porter le droit sur un véritable capital.
Il s’agit en effet de marchandises importées dans le pays, et qui deviennent capital pour celui qui en a fait l’acquisition. Si on voulait parvenir au but qu’on se propose, c’est-à-dire à une juste assimilation, il ne faudrait imposer de 2 p. c. que l’intérêt de ces marchandises. Supposons que celui qui a acheté des marchandises à l’étranger les mette en vente dans le pays : il gagnera tout au plus 5 p. c ; d’où il résultera que si vous adoptez l’amendement, ce ne sera pas 2 p. c., mais 40 p. c. que vous imposerez sur son bénéfice autrement dit sur son revenu.
Je présenterai maintenant une autre conséquence de l’amendement, et je la tirerai du texte même du projet de la section centrale.
Dans les termes où il est conçu, c’est un projet de loi limitatif ; il n’atteint que les bois sur pied, les fruits non recueillis, et les récoltes pendantes par racines ; car, dès que les bois sont abattus, que les fruits sont recueillis, que les récoltes sont rentrées et passent dans une deuxième main, tous ces objets deviennent marchandises. Il ne s’agit plus là d’une vente d’intérêts, de revenus, mais d’une vente de capitaux. Cette distinction qu’a faite la section centrale me paraît être de la plus haute importante.
Du reste, il me semble que l’espèce d’insouciance que M. Jadot attache lui-même au sort de son amendement devrait ouvrir les yeux de l’assemblée. Si cet honorable membre avait bien médité sa proposition, il ne l’aurait pas jetée à l’improviste dans la discussion, où il l’aurait soutenue avec plus de fermeté. Il a d’abord commencé par croire qu’elle devait être combinée avec l’article premier de la section centrale$, et puis, sur une simple observation de M. de Robaulx, il la retire. Ensuite, lorsque la discussion est renvoyée au lendemain, il la maintient de nouveau. Je crois que pour une chose d’aussi grave importance, et qui, suivant moi, devait porter un coup mortel au commerce, il fallait avoir des idées moins arrêtées.
Si je voulais m’étendre davantage sur les conséquences de cet amendement, je pourrais ajouter qu’en général parmi les marchandises vendues publiquement se trouvent les marchandises avariées, et ces ventes ont surtout lieu pour faire constater la perte à réclamer par les propriétaires contre les assureurs ; et je pourrais de ce fait tirer un argument contre la proposition ; mais en tout cas, si la chambre juge à propos de s’arrêter sur cette proposition contraire à la demande du ministère, je pense qu’avant tout il faudrait consulter les chambres de commerce qui ont un grand intérêt dans la question, et qui pourraient jeter beaucoup de jour sur un point aussi important qui semble être peu familier à un grand nombre de mes honorables collègues.
M. Desmanet de Biesme. - Messieurs, je ne m’oppose pas à l’adoption du projet de loi ; mais je viens appuyer l’amendement de notre honorable collègue M. Jadot, qui me paraît juste.
En effet l’on nous a dit souvent que la loi de frimaire an VII, sur l’enregistrement, est un chef-d’œuvre. je suis peu compétent, sans doute, pour en juger ; mais il me semble que s’il en est ainsi, il est rationnel et juste de rétablir cette loi dans les dispositions auxquelles il a été dérogé par la loi du 31 mai 1824, et de présumer que les grands législateurs avaient dû avoir de fortes raisons pour assimiler les ventes publiques de marchandises aux fruits pendant par racines.
M. de Robaulx vous a dit les véritables motifs qui avaient dirigé le roi Guillaume dans les changements apportés à la loi de frimaire : principal actionnaire de la banque, il avait intérêt à faire diminuer les frais de vente.
Quant aux grands propriétaires de bois, que l’on a représentés comme si intéressés à cette diminution de droits, ils le sont beaucoup moins que l’on ne pourrait le croire d’abord, au moins quant à la raspe. Dans les cantons très boisés où l’on vend de grandes parties à la fois, ces ventes se font presque toujours à main ferme, et nullement en hausse publique.
Le principal avantage pour le trésor, en rétablissant les dispositions de la loi de frimaire, sera d’atteindre quelques sociétés, et les bois communaux qui, étant des biens de mainmorte, ne sont sujets ni aux droits de succession, ni aux droits de mutation.
Selon moi, les bois doivent être considérés comme de véritables objets de commerce : réduits en charbon, ils sont, avec les mines, la matière première nécessaire à l’alimentation de nos forges qui sont déjà très en souffrance, tant par les événements, suites de la révolution, que par de nouveaux procédés de fabrication.
Sous le gouvernement autrichien les bois ne payaient pas d’impôts ; mais il était défendu de les défricher, et cela était ainsi établi, non en vue de favoriser les propriétaires, mais le commerce de fer, si avantageux à la Belgique.
Sous le régime français les bois furent imposés, mais on laissa subsister la défense de défricher ; ce qui était sans doute injuste. Quoi qu’il en soit, personne ne s’en plaignait, parce que l’on avait un débit certain des bois ; et puissent les propriétaires se trouver encore dans la même position ! ils ne se plaindront pas.
La législation hollandaise rendait aux propriétaires la faculté de défricher ; les bois avaient alors beaucoup perdu de leur valeur, et déjà le roi Guillaume convoitait la spoliation de nos belles forêts, respectées sous tous les gouvernements, et qui nous seraient une si grande ressource dans les circonstances actuelles. Elles lui furent cédées à vil prix, et servirent à payer les dettes de la Hollande et à remplir les caisses particulières du roi.
La Belgique, depuis la révolution, a été gouvernée par des hommes singulièrement optimistes ; ils se plaisent à représenter le pays comme étant dans la situation industrielle la plus prospère. Cela me semble erroné. Certainement cette situation est meilleure que l’on ne pouvait le croire après une telle crise ; mais l’on ne doit pas se faire trop d’illusion à cet égard. Quand on se plaint à nos hommes d’Etat de la détresse où se trouvent les propriétaires de bois, ils vous disent : Défrichez.
C’est déjà cependant une grand malheur pour le pays que ces défrichements ; je les crois avantageux dans le voisinage de grandes populations ; mais, dans les cantons plus éloignés, le résultat est déplorable, et convertit de belles forêts en bruyères ; car, dans bien des localités, les bois sont plantés sur des fonds rocailleux ou schisteux. D’ailleurs, en économie politique, il est reconnu que les bois sont avantageux à l’Etat et doivent être protégés.
Messieurs, en résumant mon opinion, je déclare que je suis prêt à voter le rétablissement des dispositions de la loi de frimaire dans toute leur intégrité ; mais si on veut seulement ne la remettre en vigueur que dans quelques-unes de ses parties, et en exempter les marchandises, je m’y opposerai, ne croyant pas devoir adopter l’ingénieuse catégorie d’un des organes du gouvernement, en impôt aristocratiques et démocratiques : il ne peut avoir à cet égard deux poids et deux mesures.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, dans votre séance du 13 courant, lorsqu’il fut question de l’amendement présenté par M. le ministre des finances, tendant à abroger les dispositions de la loi du 31 mai 1824, relatives à la vente des bois et fruits pendant par racines, etc., quoique je n’ai pas pris la parole sur le fond, et quoique ne partageant pas l’opinion des honorables membres qui annonçaient que tous donneraient leur assentiment à la proposition de M. le ministre des finances ; peu familier avec les propositions de loi, et ne voulant jamais traiter des matières qui me sont peu familières avant de les avoir approfondies, j’ai cru devoir appuyer la motion d’un de nos honorables collègues tendant à ajourner la discussion.
Aujourd’hui que j’ai eu quelques moments pour éclairer mon vote, je crois devoir déclarer qu’il sera négatif selon tout probabilité, par le motif que je considère cette proposition comme un nouvel impôt sur la propriété, déjà, selon moi, par trop grevée ; et si le gouvernement précédent a cru devoir apporter quelques modifications à la loi du 22 frimaire an VII, c’est qu’il a reconnu que la propriété était déjà assez chargée d’impôts.
S’il ne s’agissait que d’atteindre les grands propriétaires, je serais peut-être moins difficile ; mais, je le déclare, on doit être juste à l’égard de tous, et je suis loin de partager l’opinion de mes honorables collègues, qui sont d’avis qu’on doit prendre l’argent où il se trouve.
D’après ce principe, il faudrait donc prendre chez les riches capitalistes, dont la fortune est en portefeuille ; et pour cela je voudrais bien qu’on m’enseignât quel en est le moyen.
En rétablissement les 2 p. c. sur les ventes des fruits pendants par racine, on est loin de prendre l’argent où il se trouve ; et en effet, messieurs, quels sont les individus qui vendent ordinairement des fruits pendants par racines ? en général, ce sont des agriculteurs qui cessent leurs exploitations et presque toujours en déconfiture, ou bien ce sont des petits propriétaires qui, pour satisfaire à leurs contributions, vendent leur blé en herbe dès le mois de juillet, et obtiennent de l’argent comptant du notaire qui a entrepris de vendre, bien entendant en payant un intérêt. Les ventes ne se font pas au comptant sans éprouver des pertes considérables, particulièrement quand il s’agit de vendre des fruits pendants par racines.
D’après ce que je viens d’avoir l’honneur de faire observer, le rétablissement des 2 p. c. est un impôt que les malheureux petits propriétaires, ainsi que sur bien d’autres.
Je vais chercher à me faire comprendre en vous soumettant des chiffres.
Un bonnier d’orge, par exemple, vendu encore pendant par racines, à raison de 300 fr., donnera à l’enregistrement, tant en principal qu’en cents additionnels, 7 fr. environ ;
Ce bonnier aura payé environ, en contribution foncière, 8 fr. ;
Cette orge, servant à fabriquer de la bière, donnera encore environ 30 fr. ;
Ce qui fait 45 fr., qu’un bonnier de terre aura fournis en impôt au gouvernement, tant directement qu’indirectement.
C’est par ces considérants, j’en suis bien persuadé, que le gouvernement a réduit le droit d’enregistrement des ventes des fruits pendants par racines à 50 cents par 100 fl., le droit de 2 p. c., aux termes de la loi de frimaire an VII.
M. Donny. - L’amendement de l’honorable M. Jadot a soulevé des questions qui me paraissent de la plus haute gravité, et cette gravité est même telle qu’il ne m’est pas possible dans ce moment de me former une opinion sur cette matière.
D’un côté, messieurs, il serait à désirer qu’on pût adopter cet amendement, non seulement pour procurer au trésor une nouvelle augmentation de revenu, mais encore pour entraver en quelque sorte ces petites ventes publiques, que des colporteurs étrangers viennent faire dans plusieurs villes, ventes ruineuses pour les boutiquiers établis, qui supportent les charges communales et paient à l’Etat des patentes très élevées.
D’un autre côté on doit craindre que la mesure dont il s’agit n’ait des conséquences nuisibles au commerce proprement dit. Si vous adoptez l’amendement, vous jetez une telle défaveur sur les ventes publiques que vous forcez pour ainsi dire les commerçants à s’en abstenir, et cependant tous ceux qui savent ce que c’est que le commerce, conviendront que le mobile de vente publique est utile à l’acheteur, parce que celui-ci trouve souvent dans ces ventes, à des prix plus modérés, un meilleur choix de marchandises dont il a besoin. Ce mode est d’ailleurs avantageux au vendeur, parce qu’il importe à ce dernier de vendre, non pas seulement à l’époque qui lui plaît, mais encore de la manière qui lui convient, et de ne pas être forcé de faire des ventes privées alors que son intérêt lui commande de faire des ventes publiques.
Le rétablissement d’un droit aboli depuis si longtemps équivaut à la création d’un nouvel impôt, et il me semble qu’on peut considérer cet impôt comme n’étant pas extrêmement juste. Du moins il me paraît, à moi, qu’il est injuste dans ses conséquences et dans sa répartition.
Il est injuste dans ses conséquences, parce qu’il doit se percevoir à chaque vente et revente des marchandises, et comme il est dans la nature de celles-ci d’être constamment vendues et revendues, le droit de 2 p. c. pourra être perçu si fréquemment sur la même marchandise, qu’elle se trouvera à la fin grevée jusqu’à concurrence de sa valeur et même au-delà. Ce n’est plus un impôt qu’elle supportera, mais elle passera en totalité dans les caisses de l’Etat.
J’ai dit que cet impôt était injuste dans sa répartition. En effet, vous frapperiez toutes les marchandises indistinctement, et cependant il y en a de différentes catégories. Il en est qui ont déjà payé des droits, ce sont celles qui viennent de l’étranger ; il en est d’autres qui n’ont rien payé. Les unes procurent de gros bénéfices, et les autres n’en donnent pas ; il en est qui ne peuvent même être vendues sans perte : telles sont les marchandises avariées par les naufrages, sur lesquelles les propriétaires ou les assureurs supportent déjà de grandes pertes. Irez-vous imposer encore ces débris du naufrage ? Il y aurait là quelque chose de fort dur, et même d’injuste.
Dans cet état de choses, il me paraît que la question n’est pas arrivée à un point de maturité suffisant pour qu’elle puisse être résolue en ce moment. Il faudrait qu’il eût le temps de réfléchir aux conséquences de l’amendement et aux moyens de remédier à ces conséquences. Je le répète, je ne suis pas assez éclairé pour me décider, et si la chambre croyait devoir passer au vote, je serais forcé de m’abstenir.
M. d’Hoffschmidt. - J’entends constamment dire que le nouvel impôt qu’on veut frapper atteindra les propriétaires ; mais je crois que cette allégation n’est pas fondée. Ce sont les notaires qui prendront à cela, car ils prennent toujours 10 p. c. pour les ventes de bois, et jamais ils n’ont diminué le taux de cette remise. C’est ainsi que cela se pratique dans le Luxembourg. Quant aux ventes de bois considérables, elles se font de la main à la main, par exemple, entre les propriétaires et les maîtres de forges.
J’appuie aussi l’amendement de M. Jadot, et je ne le regarde pas comme devant nuire au commerce. Je crois, au contraire, que ce sera une mesure protectrice pour les boutiquiers de nos villes.
M. Donny a déjà fait entendre quelle perte les colporteurs faisaient éprouver aux marchands patentés. Cet inconvénient se fait surtout sentir dans la province du Luxembourg. Une foule de juifs y viennent avec des ballots de très mauvaises marchandises que les paysans achètent à cause du bon marché, et cela nuit considérablement aux boutiquiers des villes qui paient de fortes contributions à l’Etat, et qui ont en général beaucoup de peine à vivre
Mais on trouve que cet amendement présenterait de difficultés pour ce qui concerne les ports où il se fait des ventes de cargaisons, et l’on prétend que la disposition dont il s’agit serait funeste au haut commerce. Eh bien ! qu’on exempte, si l’on veut, de la mesure les denrées coloniales et même les ports, mais qu’on fasse cesser un état de choses très préjudiciable aux marchands des petites villes, et au plat pays en général, de même qu’au trésor. Tels sont les motifs qui, quant à moi, me feront voter tant pour la proposition de la section centrale que pour l’amendement de M. Jadot.
M. Legrelle. - Je réserve mon vote sur la proposition de la section centrale, parce que mon opinion n’est pas encore fixée. Cependant je ferai remarquer que M. Desmanet de Biesme est tombé dans l’erreur quand il a dit que les bois étaient un objet de commerce. Ils font bien un objet de commerce, mais non pas dans le sens qu’il entend ; c’est-à-dire qu’ils ne peuvent être considérés comme tels qu’après qu’ils sont passés de la main du propriétaire dans une deuxième main.
Quant à l’amendement de M. Jadot, je dois m’y opposer de toutes mes forces. Cet honorable membre n’en sent pas lui-même toute la portée, qui est immense. Il propose de rétablir la disposition de la loi du 22 frimaire an VII, en ce qui concerne les ventes publiques de marchandises, disposition qui n’existe plus même en France.
La nation française a compris toute la difficulté de son exécution et combien elle était nuisible au commerce et à l’industrie. Un arrêté de 1812 a d’abord mitigé cette disposition. Plus tard la loi du 15 mai 1818 est venue lui donner plus d’extension encore en exceptant formellement du droit toutes les ventes faites par les courtiers de commerce en vertu de l’autorisation des tribunaux. Je vous demande, messieurs, si après de telles modifications, qui ont changé la loi du tout au tout, vous pourriez, messieurs, remettre de tels articles en vigueur.
Déjà, MM. Coghen, Verdussen et Donny vous ont démontré les inconvénients de la proposition de M. Jadot ; il ont présenté des arguments péremptoires que je ne pourrais qu’affaiblir. J’ajouterai cependant une considération à ce que vous a dit M. Verdussen. Cet honorable collègue a fait ressortir la différence qui existe entre les ventes publiques des bois sur pied, des récoltes pendantes par racines et des fruits non encore recueillis, et les ventes publiques des marchandises. Il a prouvé que les premiers objets étaient un revenu, et les marchandises un capital. Je vais plus loin, et je dis qu’elles forment non seulement un capital, mais des capitaux vingt fois répétés, de sorte que vous, qui ne voulez frapper qu’une seule fois les objets de l’impôt, vous atteindriez vingt fois une catégorie. C’est pour cela que je repousse l’amendement de M. Jadot.
M. Angillis. - En votant pour le projet de loi en discussion, j’ai plus en vue de rétablir l’harmonie dans le tarif de la loi du 22 frimaire an VII, que d’augmenter les recettes du trésor.
La loi de frimaire est basée sur la division des droits fixes et proportionnels. Le droit fixé n’est considéré par la loi que comme le prix de la formalité pour les actes qui ne contiennent ni libération ni obligation ; le droit proportionnel est une contribution assise sur les valeurs, tarifiée de manière à ce qu’elle soit en proportion avec la circulation des capitaux.
Cette loi soumet à un droit proportionnel de 2 p. c. les récoltes de l’année sur pied, coupes de bois taillis et de haute futaie, et autres objets mobiliers quelconques. Pourquoi, par quelle raison, les arbres, taillis et récoltes pendantes par racines, que la loi considère comme immeubles et qui ne deviennent meubles que par destination, ne doivent-ils payer qu’à raison d’un demi p. c., tandis que les objets que la loi reconnaît meubles en principe, demeurent assujettis à 2 p. c. ?
On a demandé quelle nécessité il y a pour augmenter les droits sur les ventes des bois sur pied et des récoltes pendantes ; à mon tour je demanderai que l’on m’indique les motifs qui ont fait naître la loi de 1824, et je dirai qu’il n’y a jamais eu ni nécessité ni motifs plausibles pour diminuer les droits de 3/4 ; et lorsque maintenant on propose de rétablir les choses dans leur ancien état, c’est pour rétablir l’égalité proportionnelle, c’est un retour vers la justice, c’est pour faire cesser un privilège que la loi de 1824 a introduit, et qui, sous une législation équitable, doit disparaître.
On argumente de la dépréciation des bois taillis et des charges extraordinaires que les propriétés foncières supportent. Je puis en dire autant, messieurs, des meubles ; la contribution dite personnelle est en partie basée sur les meubles à l’usage du contribuable ; donc les meubles paient une large part dans les impôts, et cependant, en cas de vente, ils sont assujettis à un droit proportionnel de 2 p. c. Les bestiaux, les instruments aratoires, les outils de l’ouvrier, le métier du tisserand, tous demeurent soumis, en cas de vente, à la taxe de 2 p. c. et, par une bizarrerie inexplicable, les arbres et récoltes pendantes sont diminués pour les droits de 3/4.
La loi du 31 mai 1824 a rompu toute la proportion et l’harmonie qui règne dans le tarif de la loi du 22 frimaire ; pour rétablir cette proportion, il faut faire descendre tous les objets énumérés au n°1 du paragraphe 5 de l’article 69 de la loi de frimaire, au tarif établi par l’article 13 de la loi de 1824 ; ou rétablir les choses dans leur état ancien, et c’est à cette dernière conclusions que je m’arrête.
A cette occasion, je dois faire observer, messieurs, que notre législation sur l’enregistrement mérite une révision : non que je veuille toucher à la loi du 22 frimaire ; mais cette belle loi, qui fera toujours honneur au législateur qui l’a décrétée et à ceux qui l’ont conçue, a été si horriblement défigurée par une foule de décisions, instructions et interprétations, si incohérentes et surtout si divergentes entre elles, que le véritable sens de la loi se perd pour ainsi dire dans un labyrinthe inextricable.
Cette multiplicité indigeste de dispositions engendre une confusion, un chaos où chaque citoyen, au lieu de garanties, d’une règle de conduite, ne rencontre souvent qu’un piège perfide. On doit porter la hache dans cette pernicieuse forêt, rendre à la loi sa simplicité primitive en la dégageant de cette multitude d’interprétations forcées qui ont fait, de la plus belle loi qui existe une complication monstrueuse où la raison et la mémoire s’y perdent également.
Quant à la proposition de l’honorable M. Jadot, je pense qu’on ne peut pas l’admettre quant à présent ; l’honorable membre a pu s’apercevoir, par la discussion qui est soulevée, combien d’intérêts elle tend à blesser, et combien elle est délicate. Je pense donc que cet amendement n’a pas encore été assez approfondi ; il pourrait être produit plus tard, c’est-à-dire à l’occasion d’une révision de la législation sur l’enregistrement. Je voterai donc contre l’amendement de M. Jadot, et pour le projet présenté par la section centrale.
M. Jadot. - Messieurs, j’aurai l’honneur de faire remarquer à l’honorable M. Verdussen que mon opinion est indépendante de celle du ministère ; je vote avec ma conscience et ne suis l’impulsion de personne.
Si j’ai paru ne pas tenir à ce que mon amendement fût admis, c’est parce que je voulais ne pas arrêter la discussion de l’article proposé par la section centrale ; mais je me réservais d’y revenir ultérieurement et lorsque le projet de loi portant des modifications aux lois sur l’enregistrement, qui est préparé depuis longtemps serait présenté.
L’honorable M. Legrelle vous a cité des dispositions de la législation française que je lui avait communiquées. En voici le texte :
« Le droit d’enregistrement des ventes d’objets mobiliers, fixé à 2 p. c. par l’article 69 de la loi du 22 frimaire an VII, est réduit à 50 centimes par cent francs pour les ventes publiques de marchandises qui, conformément au décret du 17 avril 1812, seront faites à la bourse et aux enchères par le ministère des courtier de commerce. »
Nonobstant cette disposition, j’avais proposé le rétablissement du droit sur toute espèce de marchandises, parce que je ne vois pas de motif pour que ces objets mobiliers jouissent d’un privilège que n’ont pas tous les autres.
Si cependant la chambre ne partage pas mon avis, je consens à rédiger mon amendement comme suit :
« Les ventes publiques de marchandises sont également soumises aux dispositions de la loi du 22 frimaire an VII, à l’exception toutefois de celles qui, conformément au décret du 17 avril 1812, seront faites à la bourse et aux enchères par le ministère des courtiers de commerce, d’après l’autorisation du tribunal de commerce. »
Les ventes publiques de marchandises, qui se font dans d’autres circonstances que celles désignées dans cet article, sont préjudiciables au commerce de détail, ainsi que l’on fort bien dit M. Donny et M. d’Hoffschmidt.
En disant que le droit de 2 p. c. éloignerait les navires marchands de nos ports, M. Coghen semble avoir supposé que toutes les ventes de marchandises importées se font publiquement et à l’enchère ; mais vous savez mieux que moi, messieurs, que ces marchandises se vendent plus souvent à l’amiable que publiquement.
Je persiste dans mon amendement amendé.
M. de Theux. - Messieurs, je voudrais que la chambre des représentants, dans la discussion des lois financières, ne s’écartât jamais de deux règles qui seules me paraissent propres à assurer la maturité des ses délibérations.
Il faudrait d’abord que les lois de finances fussent examinées en sections, et que l’on n’adoptât pas d’amendements présentés à l’improviste dans la séance. En suivant cette marche, on amènerait la publicité sur les projets de loi soumis à la chambre ; chacun pourrait les méditer et en saisir les avantages et les inconvénients. En second lieu la discussion des lois de finances ne devrait pas avoir lieu article par article, mais sur leur ensemble.
Vous vous rappellerez que le congrès national s’est laissé induire en erreur sur deux projets importants, l’un concernant les distilleries et l’autre les charbons étrangers. On a regretté plus tard de les avoir adoptés. Je voudrais aussi que la révision des lois de finances eût lieu d’ensemble.
Je ferai remarquer qu’en cette matière il est essentiel de maintenir l’harmonie des contributions. Il faut que toutes les classes de la société concourent en raison de leur fortune aux charges de l’Etat. Or, comment peut-on espérer d’arriver à un juste équilibre, lorsque l’on révise les lois de finances une à une ? On s’expose à d’immenses inconvénients : par exemple, après avoir réduit la taxe sur certains objets, on s’aperçoit plus tard que, pour suffire aux besoins du trésor, il aurait fallu l’augmenter. Et, messieurs, s’il en est ainsi dans le système général, à plus forte raison cela existe-t-il quand il s’agit de dispositions isolées. C’est alors qu’il y a un immense danger à réviser un article sans s’occuper des autres.
La loi du 22 frimaire an VII a été révisée en 1824, mais elle ne l’a été que partiellement. Aujourd’hui, que propose-t-on ? De réviser de nouveau la loi partielle de 1824. Bientôt on vous présentera encore une nouvelle disposition sur la même matière, et vous aurez ainsi une masse de lois.
Je dis d’abord qu’il n’y a pas de motifs particuliers pour rétablir la disposition de la loi de frimaire an VII. Quant aux ventes de bois sur pied et de récoltes pendantes par racines, ces ventes étaient frappées d’un droit de 2 p. c. par la loi de frimaire an VII, parce que les bois et les récoltes sur pied, lorsqu’ils étaient livrés au commerce, étaient considérés comme meubles, comme détachés du sol, et on les frappait de ce droit de 2 p. c. par le même motif que les autres objets mobiliers. Je ne vois aucun inconvénient au rétablissement de ce droit : mais je voudrais que la mesure fût générale, et qu’on ne fît pas deux catégories. Toutefois, j’admettrai le sous-amendement de M. Jadot, qui est le fruit des méditations du pouvoir législatif et France, et qui fut adopté en 1818, lors de la révision générale de la loi du 22 frimaire an VII.
Déjà plusieurs membres ont démontré qu’un droit sur les marchandises peut être quelquefois plus avantageux que nuisible pour le commerce, en ce qu’il empêche des marchands étrangers de jeter sur la place des masses de marchandises, et de faire des ventes publiques qui nuisent aux marchands domiciliés.
Un honorable député d’Anvers a dit que les marchandises formaient un capital qui pouvait être vendu plusieurs fois. Mais, comment n’a-t-il pas fait attention que si on peut regarder les marchandises comme un capital, rien n’est plus capital que les hautes futaies qui représentent deux et trois fois la valeur du sol, puisqu’elles sont généralement un capital accumulé de cent années ; que les bois taillis sont un capital équivalant souvent au sol ? Il n’a pas fait attention non plus que les arbres, une fois détachés du sol, sont convertis en planches qui sont un objet de commerce, et que ces planches, lorsqu’elles sont vendues, paient le droit de 2 p. c. Il y a plus : les meubles confectionnés avec ces planches paient de nouveau. Vous voyez donc que la différence qu’il a voulu établir n’existe pas réellement ; qu’elle n’est que factice.
Mais, a dit l’honorable député, l’abaissement du droit sur la vente des bois sur pied et des récoltes pendantes par racines a tourné exclusivement aux profit des notaires. Je n’admettrai cette assertion qu’autant qu’elle sera justifiée ; car les droits perçus par les notaires sont sujets à variation, comme toute espèce d’honoraires ; dès que le droit a été abaissé, les notaires ont également baissé le prix de vente. J’ajouterai qu’une grande quantité de ventes ne se font pas par le ministère des notaires, mais par le ministère des huissiers, et alors c’est le propriétaire qui profite de l’abaissement du droit. Cet argument qu’on faut valoir pour le rétablissement du droit, que les vendeurs n’y avaient pas d’intérêt, perd donc toute sa force.
On a dit aussi que l’abaissement du droit avait tourné au profit des grands propriétaires, et que c’était pour cela que Guillaume, qui était le plus grand propriétaire de bois, avait proposé le projet de loi. Je ne pense pas qu’on puisse attribuer à cette loi un motif aussi ignoble. Elle a eu deux objets : de décharger les propriétaires fonciers et le commerce. D’ailleurs, les états-généraux l’ont examinée. Nous ne pouvons donc pas l’attribuer à l’intérêt personnel du chef de l’Etat.
C’est à tort aussi qu’on prétend que l’abaissement du droit a profité aux grands propriétaires exclusivement, car je maintiens en fait que le droit d’enregistrement pèse plus particulièrement sur les classes malheureuses ; ce sont les petits propriétaires qui ont recours aux ventes publiques, qui, quand ils sont forcés de vendre sont obligés de recourir au ministère des notaires. Ainsi cet argument pèche encore par sa base.
En résumé, je voterai contre le projet de loi, à moins qu’on n’adopte l’amendement de M. Jadot. J’aurais préféré qu’on attendît que le ministre des finances présentât un projet de loi ayant pour but la révision complète de la loi du 22 frimaire an VII ; il eût été facile, en faisant cette révision, de maintenir l’harmonie des dispositions de cette loi, et nous ne nous exposerions pas au reproche de rompre l’égalité que la loi de 1824 avait conservée.
M. Trentesaux. - J’ai demandé la parole sur l’amendement de M. Jadot, parce qu’il me semble que toute la discussion actuelle repose sur une confusion d’idées.
Les premiers mots de la loi : « Les ventes publiques de marchandises » sont généraux ; cependant je crois que M. Jadot a voulu faire comme la section centrale, revenir à la loi de frimaire an VII, en changeant ce qui a été fait par la loi de 1824. Dans la loi de 1824, il n’est pas parlé de marchandises en général ; elle consacre une exception pour les marchandises réputées de commerce. M. Jadot, par son amendement, ne fait pas autre chose que de maintenir l’exception établie par la loi de 1824.
Je crois donc qu’il n’y a rien à changer, et que la discussion, comme je le disais en commençant, repose sur une confusion d’idées.
Je demanderai ce qu’on veut faire des marchandises exposées en vente publique et qui ne seraient pas vendues. Je sais que la loi existante les frappe d’un droit d’un quart p. c. ; maintiendra-t-on ce droit ? (Non ! non !)
Je me range alors du côté de l’opinion de M. Coghen, qui du reste me paraît partagée par l’auteur de l’amendement.
Puisque j’ai la parole je dirai un mot pour tranquilliser mon honorable collègue M. Eloy de Burdinne, qui me paraît affecté du sort des campagnards, des cultivateurs, réduits par la misère à vendre leurs récoltes sur pied, et hésiter pour cela à donner son adhésion au projet de la section centrale. Je lui ferai observer que la loi française qu’il réclame assujettit par le même article, le même paragraphe, les ventes de récoltes sur pied au droit de 2 p. c. comme tous objets mobiliers, et que s’il vend son cheval, sa vache, sa bourrique, il doit payer le même droit ; il y aurait même un argument a fortiori, car les récoltes pourraient être considérées comme immeubles.
J’adhère donc à la proposition de la section centrale, et je pense qu’il faut maintenir la disposition de la loi de 1824, pour les raisons données par M. Coghen et le député d’Anvers. Vous avez vu qu’une disposition analogue avait été adoptée en France.
M. Lardinois. - Messieurs, le commerce et l’industrie vous crient de tous côtés : Protection ! Et la chambre a toujours montré les meilleures dispositions pour ces branches de la fortune publique.
Comme moyen de protection on demande parfois des prohibitions, des primes : je repousse ce système parce qu’il est nuisible à l’industrie et au commerce en général.
L’industriel désire marcher, activer ses établissements ; pour cela il avance et expose ses capitaux, il veille constamment sur ses intérêts, et se résigne en définitive à un mince bénéfice sur la vente de ses produits.
Pour qu’il atteigne ce but, il est indispensable qu’il puisse se procurer les matières premières à bon marché. Mais ce serait évidemment faire l’inverse si vous adoptiez la proposition de M. Jadot.
Irez-vous, par exemple, frapper de 2 p. c. les marchandises qui se vendront publiquement, telles que les cotons, les laines, les indigos, les cuirs, les drogues de teinture, etc. etc., lorsque le fabricant est forcé de se contenter d’un bénéfice éventuel de 5 p. c. ? Vous ne pouvez consacrer, messieurs, une pareille disposition, et je suis persuadé que l’amendement de notre honorable collègue succombera devant votre raison éclairée et votre désir de favoriser les travailleurs.
Les considérations qu’a fait valoir M. Desmanet de Biesme, relativement aux forgeries, sont justes, et si l’on propose un amendement en leur faveur, je l’appuierai.
On vous a parlé de colportage. Sans doute, les colporteurs nuisent essentiellement au commerce régulier ; mais ce n’est pas par des ventes publiques qu’ils opèrent d’ailleurs rarement, mais bien en courant de porte en porte pour faire des dupes, et en alléchant les acheteurs par le bon marché. Ainsi, cet amendement ne peut protéger le commerce de détail contre le colportage.
L’auteur de l’amendement vient de proposer une modification. Il réduit le droit à 50 centimes sur les marchandises qui se vendent en bourse par courtiers de commerce et sur l’autorisation du tribunal de commerce. Je ne puis admettre cette modification, qui serait à la vérité favorable aux villes d’Anvers, d’Ostende et de Bruxelles ; mais pourquoi ce privilège, qui serait préjudiciable aux villes qui ne possèdent ni bourse, ni courtier de commerce ? ce serait vraiment une injustice que vous ne consacrerez pas. Je voterai donc contre les diverses propositions du député de Marche.
M. Donny. - Je regrette, comme l’honorable M. de Theux, que la chambre ait été amenée à discuter avec précipitation une affaire aussi importante que celle dont il s’agit en ce moment. Cependant, comme les discussions qui ont déjà eu lieu me semblent en avoir assez éclairci la question pour que je puisse me faire une opinion définitive sur la matière, je voterai en faveur de la proposition de la section centrale, et contre l’amendement de M. Jadot.
Je n’entrerai pas dans de longs développements pour motiver mon vote, je me contenterai de faire quelques observations sur la proposition supplémentaire de M. Jadot.
Il me paraît que cette proposition a rendu son amendement plus mauvais encore qu’il ne l’était. Il vous propose de faire à l’impôt qu’il veut introduire une exception en faveur de certaines marchandises vendues dans certaines circonstances par certains fonctionnaires dans certaines localités.
N’est-ce pas là créer un privilège en faveur de certaines marchandises, de certaines personnes publiques, comme l’a fait observer judicieusement l’honorable député de Verviers, en faveur de certaines localités ?...
Mais ce n’est pas tout : la proposition, si on l’a faite comme correctif de l’amendement, est insuffisante ; car les avantages qu’on lui attribue ne s’appliqueraient pas à toutes les marchandises qui ne sont pas vendues par autorité de justice. Je répète donc que l’amendement, au lieu d’être amélioré, me paraît empiré, et j’en voterai le rejet.
Je dirai un mot encore sur l’observation présentée par M. de Theux. L’honorable membre a paru douter du fait allégué, que les notaires reçoivent encore aujourd’hui un salaire égal à ce qu’il était avant la diminution du droit. J’ignore comment les choses se passent dans d’autres localités ; mais, dans la province que j’habite, les ventes mobilières se font de la manière qu’on a indiquée. Je sais que là les notaires se font payer à raison de 12 sous de Brabant par franc, et qu’ils percevaient ce même taux avant la réduction introduite par la loi de 1824.
L’honorable M. de Theux vous a dit qu’il peut en être ainsi, lorsque la vente se fait par le ministère d’un notaire ; mais qu’il en est autrement, lorsqu’on a recours au ministère des huissiers ; et les parties, dit-il, s’adressent parfois à ces derniers. Il aurait pu ajouter que parfois aussi elles emploient les greffiers ; mais, notaires, huissiers, greffiers, perçoivent tous le même taux ; et, soit qu’on fasse vendre par les uns ou par les autres, on perd toujours au moins 10 p. c. de son capital, et cela depuis comme avant la loi de 1824.
Par ces divers motifs que je crois inutile de développer davantage, je pense que la chambre doit adopter la proposition de la section centrale, et repousser celle de M. Jadot.
M. Legrelle. - Je crois, comme le préopinant, qu’il vaudrait peut-être mieux ajourner le projet de loi, et attendre celui que M. le ministre doit nous présenter incessamment.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Le projet est prêt.
M. Legrelle. - Il n’y aurait aucun inconvénient à cet ajournement sous le rapport fiscal, car la somme que cette loi doit procurer au trésor est peu importante ; elle ne sera guère que de 50 à 60 mille francs.
L’amendement de M. Jadot a induit en erreur plusieurs membres, qui n’en ont pas apprécié l’importance.
Il crée un privilège en faveur de quelques places ; et ici mon opinion ne sera pas suspecte car ce privilège, que je combats, serait en faveur de la ville que j’habite. Mais ce n’est pas par privilège qu’il faut procéder ; la justice distributive doit être égale pour tout le monde, pour toutes les localités. Si vous adoptez l’amendement de M. Jadot, qui décide que les ventes aux enchères ne seront exemptes du droit que pour autant qu’elles seront faites à la bourse, par des courtiers de commerce et sur l’autorisation du tribunal de commerce, que deviendront toutes les localités qui n’ont ni bourse, ni courtiers de commerce, ni tribunal de commerce ? L’auteur de l’amendement n’a pas remarqué qu’il établit un privilège en faveur des marchandises qui se trouvent dans certains cas, et dont ne jouiraient pas les marchandises vendues par suite de décès ou de faillite. Adopter cet amendement serait établir deux poids et deux mesures. La chambre ne voudra pas consacrer une injustice.
M. Coghen. - Je demande la parole.
M. de Muelenaere. - La proposition de la section centrale paraît rencontrer peu d’opposition, mais il me semble que les motifs qu’on a fait valoir en sa faveur plaident avec une égale forte en faveur de la proposition de M. Jadot. Le projet actuel nous est présenté plutôt pour revenir à l’égalité proportionnelle de la loi de frimaire an VII, et détruire le privilège créé par la loi de 1824, que dans l’intention d’augmenter les revenus du trésor, puisqu’il n’en doit résulter qu’une faible augmentation de 60,000 fr. par an.
S il est vrai que l’harmonie de la loi de frimaire soit rompue par la loi de 1824 à l’égard des coupes de bois et des ventes de récoltes sur pied, il me semble incontestable qu’elle doit l’avoir été également à l’égard des ventes de marchandises, car les ventes de marchandises et les ventes de bois et de récoltes sur pied étaient comprises dans la même disposition.
Plusieurs préopinants, j’en conviens, ont signalé de graves inconvénients qui paraissent inhérents à la proposition additionnelle faite par M. Jadot. Si cette proposition pouvait gêner ou entraver le commerce ou le transit, je voterais contre ; mais si l’amendement de M. Jadot, tel qu’il a été sous-amendé, avait pour résultat de soumettre la vente publique des marchandises au droit primitivement établi par la loi de frimaire an VII, sans apporter d’entraves au commerce, il me semble qu’il devrait trouver place dans le projet de loi dont nous nous occupons, quoi qu’il a but de revenir à l’égalité proportionnelle rompue par la loi de 1824.
Je ne comprends pas bien la partie du sous-amendement de M. Jadot. Je voudrais qu’il non donnât quelques développements, afin que la chambre pût se prononcer sur sa proposition.
(Moniteur belge n°351, du 17 décembre 1833) M. Gendebien. - Messieurs, une partie des observations que je me proposais de soumettre à la chambre, ayant été présentées par le préopinant, il me reste peu de choses à dire. D’ailleurs, comme je prévois que la proposition de la section centrale sera admise sans difficulté, et que l’amendement et le sous-amendement seront rejetés, je ne prolongerai pas la discussion ; je me bornerai à exposer mon opinion, me réservant de la développer à une époque qui, j’espère, n’est pas trop éloignée, puisque le ministre a pris l’engagement formel de présenter une loi complète dans les premiers jours de janvier.
Ce qu’il y aurait à faire, selon moi, serait de rétablir la loi de frimaire an VII dans toute sa pureté, sauf quelques légères modifications. Comme je n’espère tirer aucun fruit de mon observation aujourd’hui, c’est plutôt pour protester de mon opinion que dans l’intention de la faire prévaloir, que j’ai pris la parole ; c’est pour ne pas laisser sans réponse des observations que je ne puis admettre.
Je suis convaincu que les marchandises doivent payer comme tous les autres objets mobiliers. Il est bien de parler en faveur du commerce et de l’industrie ; quand leurs prétentions seront justes et légitimes, je ne leur refuserai jamais mon appui ; mais je les repousserai toutes les fois qu’elles seront empreintes d’exigence ou d’exagération.
Je demanderai en quoi un droit de 2 p. c. sur les marchandises vendues aux enchères pourrait être nuisible à notre commerce et favorable au commerce étranger. Le commerce, proprement dit, consiste dans le transit. Les marchandises qui se trouvent dans ce cas ne paient rien ; les autres passent dans la consommation intérieure, et je ne vois pas pourquoi elles ne paieraient pas alors ce que vous faites payer les récoltes pendantes par racines, et les bois, qui déjà paient une contribution annuelle.
Que reçoivent les propriétaires en échange de cette contribution ? Une protection spéciale accordée aux négociants est bien autrement dispendieuse, car on construit et on entretient à grands frais des ports, tels qu’Anvers, Ostende, et il est même question d’ouvrir un nouveau port à Nieuport. D’énormes sommes sont portées au budget pour cet entretien, et lorsqu’on demande en échange un modique droit de 2 p. c. sur les marchandises vendues aux enchères, on voit les négociants s’élever et crier à l’injustice ; et cependant tous sont convenus que c’était par exception que des ventes avaient lieu de cette manière. Ce droit ne serait donc perçu que sur une portion infiniment minime des marchandises qui abondent dans des ports entretenus aux frais de tous, et la majeure partie ne paierait pas, tandis que les propriétés boisées, se vendant presque toutes de cette manière, seraient soumises à l’impôt.
Mais, dit-on, en imposant les marchandises, c’est le capital que vous frappez, tandis que, pour les fruits pendants par racines, c’est le revenu que vous atteignez. Comment, messieurs, peut-on raisonnablement prétendre que des bois taillis de douze à dix-huit ans ne représentant pas un capital, que les hautes futaies, qui dans nos pays ont de 70 à 80 ans et dans le Luxembourg de cent à cent-dix ans, ne sont pas un capital ? Mais il y a plus ; ce revenu, comme vous l’appelez, paie tous les ans son impôt, et c’est un nouvel impôt dont vous voulez frapper le revenu capitalisé, de 12 à 18 ans sur les taillis et de 90 à 100 ans pour les hautes futaies ; et la contribution payée chaque année finit elle-même par former un nouveau capital.
Vous savez qu’il est des bois qui ne rapportent pas 20 p. c. en sus des contributions, et vous allez faire peser sur les propriétaires de bois un droit de 2 p. c., d’après le capital réel qu’ils retirent du bois, et le capital négatif, composé des contributions payées chaque année ; c’est-à-dire que vous prenez 2 p. c. sur le revenu accumulé, et de plus 2 p. c. sur le capital déboursé par les propriétaires de bois. Néanmoins nous trouvons cela très juste ; mais nous trouvons aussi de toute justice de charger du même droit les marchandises qui arrivent dans les ports que nous entretenons à si grands frais au profit du commerce.
On vous dit qu’il serait bien malheureux pour des négociants de voir frapper d’un droit de 2 p. c. les marchandises vendues pour cause de décès. Un négociant meurt, laissant trois à quatre millions, et vous craignez de frapper d’un droit de 2 p. c. 50, 100 ou 200,000 francs de marchandises qu’il aura dans ses magasins ; et si un particulier meurt, laissant pour toute succession à ses héritiers un mobilier de dix mille francs, vous trouvez juste de lui faire supporter cet impôt.
Ayez, tant que vous voudrez, de la tendresse pour le commerce, mais ne soyez pas injustes vis-à-vis des autres classes de la société.
Les mêmes observations s’appliquent aux meubles du failli. Pour être juste, il faut rétablir purement et simplement la loi de frimaire an VII. Je n’insiste pas davantage en ce moment ; je me réserve, quand le moment sera venu, de développer mon opinion ; mais j’ai voulu dès à présent protester contre celles que j’ai entendu émettre.
M. Jadot. - Je demanderai la permission de lire la loi de frimaire an VII.
- Plusieurs voix. - C’est inutile ! c’est inutile !
M. Coghen. - J’avais renoncé tantôt à la parole, mais je crois devoir la demander maintenant, pour répondre à l’honorable M. Gendebien.
- Plusieurs voix. - La parole est à M. Jadot.
M. de Robaulx. - Je demande la clôture.
M. Coghen. - Je voudrais dire un mot.
- Plusieurs voix. - Parlez sur la clôture.
M. Coghen. - Je n’ai rien à dire sur la clôture.
M. le président. - Si on ne persiste pas à demander la clôture, la parole est à M. Davignon.
- On demande de nouveau la clôture.
M. Verdussen. - Je m’oppose à la clôture ; les paroles de M. Gendebien ont produit trop d’impression sur l’assemblée pour qu’on ne conçoive pas des craintes sur le sort de l’amendement.
M. Gendebien. - L’honorable préopinant me fait trop d’honneur quand il dit que mes paroles ont exercé une grande influence sur l’assemblée ; j’ai commencé par déclarer que je n’en espérais aucun fruit et que je n’avais d’autre but que de protester et de conserver mon opinion entière sur cette question.
Maintenant, je crois qu’on doit admettre la proposition de la section centrale. Comme le ministre a promis une loi, nous devons, quant à présent, ne pas insister davantage. Le budget devant prendre cours le 1er janvier, on percevra d’après la loi antérieure modifiée par la proposition de la section centrale. Si plus tard on juge à propos le mettre un impôt sur les marchandises, on pourra le faire : comme je l’ai déjà dit, je remets à d’autres temps le développement de mon opinion.
M. de Brouckere. - La question est assez éclairée maintenant, il est inutile de pousser plus loin la discussion. Il est reconnu qu’on devrait rétablir la loi de frimaire an VII ; mais on convient que, dans la position où se trouve le commerce, il y aurait inopportunité, imprudence même, à rétablir le droit de 2 p. c. sur la vente des marchandises ; on est d’accord pour voter le projet de loi de la section centrale, et quant aux observations faites sur l’amendement de M. Jadot, elles n’ont pas eu pour but de le faire adopter ou rejeter, mais de faire voir que plus tard il faudra revenir à la loi de frimaire an VII. Je crois donc qu’il y a lieu de clore la discussion.
M. Desmanet de Biesme. - Je demande la parole. Je déclare que je suis prêt à voter le rétablissement du droit de 2 p. c. sur la vente des bois et récoltes sur pied si on veut le rétablir également sur les marchandises. Mais si les deux dispositions ne sont pas adoptées, je voterai contre le projet.
- Plusieurs membres demandant la clôture, elle est mise aux voix et prononcée.
M. le président. - Aux termes du règlement, les amendements ayant la priorité, je vais mettre l’amendement de M. Jadot aux voix.
M. Davignon. - J’ai demandé l’ajournement ; je persiste dans ma proposition.
M. Jadot. - Je retire mon amendement, me réservant de le reproduire plus tard.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je n’ai pas pris la parole dans la discussion, parce que le gouvernement se ralliait à la proposition de la section centrale. La disposition qui fait l’objet de l’amendement de M. Jadot, pourra trouver sa place dans la loi que j’aurai l’honneur de vous présenter.
M. Desmanet de Biesme. - Je demande qu’on statue sur le sort de l’amendement.
M. Dumortier. - Qu’on mette aux voix la question d’ajournement.
M. le président. - Je vais mettre l’ajournement aux voix.
M. de Brouckere. - Je voudrais qu’on m’expliquât ce que c’est que l’ajournement d’un amendement.
- Plusieurs voix. - L’amendement est retiré.
M. Schaetzen. - Je demande qu’on statue sur cet amendement, et si M. Desmanet de Biesme ne persiste pas dans sa proposition, je la fais mienne.
M. Dumont. - Il est essentiel de ne pas préjuger le mérite de l’amendement qu’on veut écarter pour le moment ; en conséquence, je propose la question préalable, c’est-à-dire qu’il n’y a pas lieu à délibérer quant à présent.
- Plusieurs voix. - Mais c’est encore pis que l’ajournement !
M. le président. - D’après le règlement, adopter la question préalable, c’est décider qu’il n’y a pas lieu à délibérer, et prononcer l’ajournement, c’est déclarer qu’il y a lieu de suspendre la délibération et le vote. Voilà la différence entre la question préalable et l’ajournement. Comme la question préalable à la priorité, si on persiste à la demander, je vais la mettre aux voix.
M. de Robaulx. - Messieurs, adopter la question préalable, c’est décider le contraire de ce que vous pensez. En effet votre intention n’est pas de déclarer qu’il n’y a pas lieu de délibérer sur cet amendement, mais bien de l’ajourner jusqu’à la présentation du projet de loi du ministre des finances, pour être l’objet d’un plus mûr examen. Vous devez donc prononcer l’ajournement de l’amendement, car nous ne devons pas ajourner le vote de la loi, parce que deux ou trois membres auraient des opinions divergentes ; que l’un dirait : Je ne veux de la loi qu’autant que les marchandises et les bois seront sur le même pied, tandis que l’autre déclarerait qu’il la rejette si on impose les marchandises. La chambre ne peut entrer dans ces petites considérations.
Il est arrivé souvent qu’ayant à délibérer sur des propositions complexes, on en adoptait une partie et on renvoyait l’autre pour être l’objet d’un nouvel examen. Vous pouvez donc adopter la proposition de la section centrale et ajourner l’amendement de M. Jadot ; cela est plus conforme à vos intentions que la question préalable.
M. le président donne une nouvelle explication de l’article du règlement relatif à la question préalable.
M. Dumont. - Je renonce à ma proposition.
M. de Brouckere. - Le plus grand service qu’on pourrait rendre à la chambre serait de retirer l’amendement ; on lui éviterait une discussion qui lui fait perdre son temps sans aucune utilité.
Il est impossible de mettre aux voix l’ajournement proposé, car, aux termes du règlement, l’ajournement doit être déterminé. Si cette proposition était adoptée, une fois la loi votée, je demande ce que deviendra l’amendement. On ne pourrait pas me citer d’exemple d’un amendement ajourné.
- Plusieurs voix. - C’est arrivé vingt fois.
M. de Brouckere. - Messieurs, ce que je dis n’est que pour régulariser la délibération car, de quelque manière que vous écartiez l’amendement dont il s’agit, il sera toujours loisible, soit au gouvernement, soit aux honorables membres de cette chambre, de le reproduire sous forme de loi.
M. Schaetzen. - Je ne retire pas l’amendement ; mais je propose l’ajournement. Il faut prendre de nouveaux renseignements. Vouloir démolir d’un côté pour reconstruire de l’autre, c’est s’exposer à faire de mauvaise besogne si l’on n’agit pas avec prudence. Je veux la loi tout entière ou rien.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Messieurs, je crois qu’il est contraire aux principes de la constitution, à tous les antécédents, de demander l’ajournement sur une proposition du gouvernement ; la chambre doit adopter ou rejeter cette proposition ; mais elle ne peut paralyser l’initiative royale par l’ajournement.
M. de Theux. - Nous discutons sur un projet de loi qui n’est pas le résultat de l’initiative royale, c’est sur un projet présenté par la section centrale.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Le gouvernement a fait sienne l’œuvre de la section centrale ; c’est alors véritablement sur une proposition du gouvernement que l’on délibère.
M. de Theux. - Il est important de s’entendre sur la question de prérogative : on ne peut pas ajourner indéfiniment un projet du gouvernement, puisque l’ajournement est dans ce cas considéré comme un rejet.
M. Dumortier. - La chambre est omnipotente dans ses délibérations. Si elle voulait ajourner sa délibération sur un projet du gouvernement, il n’aurait rien à dire. Le gouvernement peut, quand il le veut, s’abstenir de donner sa sanction à une loi en ne la promulguant pas ; ce refus de promulgation est un ajournement. Nous avons le droit de faire, dans le cercle de nos attributions, ce que fait le pouvoir dans le cercle de ses attributions.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je n’insiste pas, parce que la chambre est disposée à voter sur la loi ; mais je déclare que je proteste contre les principes professés par M. Dumortier.
M. Dumortier. - Je demande à mon tour à protester contre la doctrine du ministre ; elle tendrait à imposer à la législature un temps déterminé pour ses délibérations.
- L’ajournement est mis aux voix est rejeté.
« Art 1er. Les ventes publiques et les enchères de bois sur pied, de récoltes pendantes par racines et de fruits non encore recueillis, sont soumises aux dispositions de la loi du 22 frimaire de l’an VII sur l’enregistrement, Les dispositions contraires de la loi du 31 mai 1824 sont abrogées. »
- Cet article est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire au 1er janvier 1834. »
- Adopté.
L’ensemble de la loi est soumis au vote par appel nominal.
70 membres sont présents.
53 votent l’adoption ;
17 votent le rejet.
Le projet de loi est adopté et sera transmis au sénat.
Ont voté pour :
MM. Angillis, Bekaert, Brabant, Brixhe, Coghen, Dams, Davignon, de Behr, de Brouckere, de Longrée, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Robaulx, Desmet, de Terbecq, Dewitte, d’Hoffschmidt, Donny, Dubus, Dumont, Dumortier, Duvivier, Gendebien, Ernst, Hélias d’Huddeghem, Hye-Hoys, Jadot, Lardinois, Lebeau, Legrelle, Liedts, Meeus, Morel-Danheel, Olislagers, Pirson, Pollénus, Quirini, A. Rodenbach, Rogier, Seron, Trentesaux, Vandenhove, Verdussen, Vergauwen, H. Vilain XIIII, Vuylsteke, Wallaert, Raikem.
Ont voté contre :
MM. A. Dellafaille, H. Dellafaille, de Man d’Attenrode, de Roo, Desmanet de Biesme, de Stembier, de Theux, d’Hane, Domis, Dubois, Eloy de Burdinne, Schaetzen, Simons, Ullens, Vanderbelen, Zoude.
(Remarque du webmaster : On peut lire dans le livre de Vandepeerenboom ce qui suit (tome 1er, pp. 189-190) (lien): « Dans sa séance du 14 décembre 1833, la Chambre avait rétabli le droit de 2 p. c. pour la vente des bois sur pied et des récoltes pendant par racines. Ce droit, fixé par la loi de frimaire an VII, avait été réduit à 1/2 p. c. par la loi du 31 mai 1824. La réforme de cette dernière loi n'était pas complète, puisqu'elle avait réduit aussi les droits sur la vente des fonds publics, et que la loi votée par la Chambre ne parlait pas de ces valeurs. La propriété foncière était donc seule atteinte. Admise à la Chambre par 53 voix contre 17, cette loi fut rejetée à l'unanimité par le Sénat (Moniteur de 1834, n°1-4) Ce fut la première, mais pas la seule fois que cette assemblée donna à ses décisions une apparence intéressée. Le rejet de la loi de succession devait mettre encore plus en relief ce sentiment de préoccupation personnelle, peu digne des mandataires de la nation ; cet oubli momentané des exemples nombreux donnés par les lords anglais, plus prompts à faire le sacrifice de leurs intérêts matériels que de leurs préjugés aristocratiques. »)
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - La chambre a bien voulu considérer comme urgente la proposition que je lui ai soumise relativement aux juges de paix ; d’après les délais nécessaires avant de la mettre à exécution, je pense qu’il faudrait ajouter dans sa rédaction qu’elle sera obligatoire le jour de sa promulgation, car je crains que le sénat ne l’ait pas adoptée au 1er janvier. Je demande que la commission à laquelle elle a été renvoyée, insère cette clause finale : « La présente loi sera obligatoire le jour de sa promulgation. » (Appuyé ! appuyé !)
M. le président. - La suite de l’ordre du jour est la délibération sur le projet de loi relatif aux budgets provinciaux ; si personne ne demande la parole sur l’ensemble, je vais en mettre l’article unique aux voix.
« Article unique. Les députations des états provinciaux et le comité de conservation qui remplace la députation des états dans la province de la Flandre orientale, sont chargés de dresser les budgets des voies et moyens et des dépenses des provinces pour l’exercice 1834.
« Ces budgets seront rendus publics par leur insertion au Mémorial administratif quinze jours avant d’être soumis à l’approbation du Roi. »
- Cet article est adopté sans discussion. Il en est de même du considérant suivant :
« Vu la loi du 9 décembre 1832, n°1012 (Bulletin officiel, n°LXXXII) ;
« Considérant que les conseils provinciaux ne peuvent être établis assez à temps pour voter les budgets des provinces pour l’exercice 1834... »
- La loi est ensuite soumise au vote par appel nominal, et adoptée à l’unanimité des 63 membres présents.
M. de Brouckere (pour une motion d’ordre). - Messieurs, les pétitions ont été plusieurs fois à l’ordre du jour et on ne s’en est pas encore occupé. Cependant parmi les réclamations qui nous sont adressées, il en est qui sont extrêmement urgentes et de ce nombre est la pétition la première inscrite sur le feuilleton. Je ne sais si l’assemblée consentira à rester un quart d’heure de plus pour prononcer sur cette pétition et sur d’untres qui seraient aussi urgentes. (Oui ! oui !)
M. le président. - La parole est à M. Pollénus, rapporteur de la commission des pétitions.
M. Pollénus. - Par pétition en date du 5 octobre 1833, six habitants de Liége signale comme une infraction à la constitution l’autorisation accordée à MM. Dubois et Cie, de Liége, propriétaires d’un moulin situé à Maestricht, d’introduire en Belgique des farines et ses sons sans être soumis à aucun droit.
Organe de la commission des pétitions, je propose à la chambre le renvoi du mémoire au ministre des finances avec demande d’explications.
M. de Brouckere. - Cette pétition mérite de la part de l’assemblée une attention toute particulière. J’établirai tout à l’heure qu’elle est urgente.
Il existe à Maestricht une usine qui, par son étendue et par le bien qu’elle fait au pays, peut être regardée comme étant spéciale dans son espèce ; je veux parler d’un moulin construit sur la Meuse. Ce moulin a coûté aux propriétaires des sommes énormes ; on y peut moudre une quantité considérable de grains.
Jusqu’en 1830, il a été en pleine activité. Cette usine a été l’objet d’un arrêté spécial de la part du gouvernement hollandais, par lequel il la dispensait des dispositions de la loi de mouture.
Au moment de la révolution, le moulin devint inactif ; il en résulta pour les propriétaires des pertes considérables ; ils avaient des grains dans leur usine ; ils n’en ont pu tirer parti et ils se sont avariés.
Quand le traité du 21 mai a été exécuté, le commandant de Maestricht ne mit pas de difficulté à ce que les grains belges entrassent dans le moulin et en sortissent en farine ; mais les propriétaires rencontrèrent de l’opposition de la part des douanes belges. Ils s’adressèrent au ministre des finances, lequel, après s’être entouré de tous les renseignements nécessaires, autorisa les propriétaires à introduire à Maestricht les grains de Belgique, et à faire réintroduire en Belgique les farines provenant de ces grains. La décision que j’ai sous les yeux m’a paru conforme à la justice. Des mesures, d’après cette décision, sont combinées de façon à rendre la fraude impossible. (Ici l’honorable membre donne lecture de cette décision rendue par le ministre des finances actuel).
Cependant, les propriétaires d’un moulin situé à Liége qui, par la cessation d’activité du moulin de Maestricht, avait eut beaucoup à faire depuis que l’autre n’avait plus rien, craignant de ne plus avoir d’aussi grands bénéfices, se plaignirent à la chambre à l’effet de faire cesser cette autorisation. Tant que la chambre n’aura pas pris de décision sur la pétition des meuniers de Liége, le ministre des finances n’osera pas renouveler son autorisation qui expire le 1er janvier.
Dans l’autorisation donnée aux propriétaires de l’usine de Maestricht, il n’y a aucune violation à la loi.
La loi sur les douanes n’a pour but que d’empêcher l’introduction en Belgique de grains étrangers
Or, il n’y a pas ici d’introduction de grains étrangers, puisque ce sont des grains belges que l’on exploite dans l’usine.
Le ministre, par sa décision, n’a pas seulement rendu justice aux propriétaires du moulin, mais encore aux habitants de Limbourg. J’ai à la main une pétition des habitants aisés des environs de Maestricht, et par laquelle ils demandent que l’autorisation soit renouvelée malgré les prétentions des propriétaires du moulin de Liége. (Ici l’orateur fait lecture de la pétition qu’il cite.)
Elle est signée par une foule de personnes parmi lesquelles on remarque des bourgmestres, des assesseurs, d’autres fonctionnaires, des propriétaires, des distillateurs, des personnes enfin de toutes les classes.
Si la chambre voulait encore d’autres explications, M. le ministre des finances, qui sait combien la cause que je soutiens est juste, consentira sans doute à vous les donner. Si le moulin dont il s’agit ne recevait pas une nouvelle autorisation, il serait obligé de chômer à partir du 1er janvier.
Par ces motifs, je demande que la pétition des Liégeois soit écartée par l’ordre du jour.
M. Schaetzen. - Je parle ici dans l’intérêt des habitants du Limbourg. Depuis plusieurs années, ces habitants n’ont pu se défaire de leur récoltes ; le moulin de Maestricht n’étant pas en activité, ils n’avaient plus de débouchés pour leurs céréales. Il s’agit de l’intérêt non de quelques particuliers, mais de plusieurs cantons. Ce sont des grains belges que l’on exploite ; la farine que donne l’usine est d’une qualité supérieure et est recherchés.
J’appuie l’ordre du jour.
M. A. Rodenbach. - Je renoncerai volontiers à parler si aucun orateur ne se fait entendre contre l’ordre du jour.
M. d’Huart. - Le discours de M. de Brouckere prouve que la question n’est pas aussi simple qu’on le dit. Que devons-nous craindre du renvoi au ministre des finances proposé par la commission des pétitions ? Rien ; ce renvoi servira à nous éclairer. La commission des pétitions me semble avoir agi prudemment.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je n’ai rien de plus à présenter à la chambre que ce qui vous a été communiqué par l’honorable M. de Brouckere. Je n’ai pas d’autres pièces que celles qui vous ont été lues, et je partage son opinion.
- Plusieurs membres. - Nous ne sommes plus en nombre suffisant pour délibérer.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Ce sont des considérations de justice et d’humanité qui m’ont déterminé à prendre la mesure dont on vous a fait lecture. Je considère les renseignements et les explications données par les précédents orateurs come étant miens, et n’ai rien à y ajouter.
M. Pollénus, rapporteur. - La commission des pétitions avait seulement sous les yeux le mémoire des Liégeois ; il y était allégué qu’il y avait violation de la constitution et que les intérêts de l’industrie indigène étaient compromis. D’après cette allégation et sans documents pour la vérifier, il ne restait à la commission autre chose à faire que de provoquer des explications de la part du ministre des finances.
Comme membre de la chambre, j’admets les explications données par le ministre des finances et je vote l’ordre du jour.
M. Gendebien. - Le seul scrupule qui se soit élevé ici, part d’une source très honorable : l’un des honorables membres de la commission des pétitions vous a manifesté la crainte de voir rejaillir quelque chose de défavorable sur cette commission passant à l’ordre du jour ; mais, d’après les explications données par le ministre, je crois que l’ordre du jour est suffisamment motivé. Comme nous paraissons tous d’accord, je crois que l’on peut mettre aux voix l’ordre du jour.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je dois dire à l’assemblée que j’ai une note rédigée sur le même objet, et qu’elle est en tout conforme à ce que viennent de dire les honorables préopinants. En un mot, toutes les explications que j’ai à donner ne sont que la répétition de ce que l’on a dit.
M. Dubus. - Je trouve de l’inconvénient à voter l’ordre du jour. Les raisons données m’ont semblé tendre à établir que le ministre des finances, ayant le droit de donner une autorisation semblable à celle qui a été accordée, a bien fait de l’accorder ; mais il faudrait savoir si le gouvernement a le droit de donner de telles autorisations. C’est là la question principale, et c’est sur ce point que j’ai des scrupules.
Il s’agit d’une usine en dehors de notre ligne de douanes ; le ministre des finances peut-il accorder à son gré l’autorisation à toute usine, dans une telle situation, d’introduire, avec dispense de droits, les produits de l’usine, sous la condition que l’on n’exploitera que des matières premières belges ?
Par exemple, si une usine existait à Lille, le ministre aurait-il ce droit, parce que les grains ou les matière premières employées viendraient de Tournay ? Je suis persuadé que le ministre des finances n’a pas ce droit. Je m’opposerai à l’ordre du jour. S’il y avait une exception à faire à la loi, il fallait s’adresser à la législature.
M. de Brouckere. - L’honorable M. d’Huart croit que les renseignements donnés n’éclairent pas suffisamment la question ; mais le ministre déclarer qu’on ne peut en procurer d’autres.
M. Dubus reproche de n’avoir pas agité la question qu’il fallait poser ; mais les faits démontrent que M. le ministre n’a pas pu dépassé ses attributions. La loi du 18 mars 1833 n’a été évidemment faite que contre les grains étrangers, et non contre les grains belges qui quittent un moment le sol pour y rentrer, et de manière à ne pas permettre la fraude. On demande si, en admettant le principe, on pourrait faire de même pour un moulin situé à Lille, et qui n’emploieraient que des grains de Tournay ; mais le cas cité par M. Dubus et celui de Maestricht ne sont pas identiques. Maestricht n’est pas une ville étrangère, n’est pas une ville hollandaise. Si vous traitez Maestricht comme le font les Hollandais, il arrivera que cette malheureuse ville, repoussée par les deux pays, ne pourra se livrer au plus petit commerce.
Sous le rapport de la convenance qu’il y a à proroger l’autorisation, on convient que, pourvu que la loi ne soit pas violée, il y a lieu à accorder cette prorogation ; que c’est dans l’intérêt d’une province. Votons donc l’ordre du jour, car le ministre a pris évidemment une résolution sans dépasser ses attributions.
M. Trentesaux. - J’appuie les conclusions de la commission. On parle de l’équité de la mesure, je n’en disconvient pas ; mais il faut que le ministre nous prouve aussi la constitutionnalité de la mesure.
M. Dubus. - La difficulté reste toujours la même. On a donné des raisons de différence entre le cas que j’ai cité et la ville de Maestricht. Cette ville est sans doute dans une positon particulière ; elle mérite une exception ; je suis loin de dire le contraire ; mais la question est de savoir s’il appartient au gouvernement ou à la législature seule d’accorder des exemptions de ce genre.
Les lois, en matière de douanes, n’ont établi aucune distinction ; elles ne disent pas que les farines peuvent entrer en Belgique, lorsqu’étant faites avec des blés belges, il y a encore en considération les circonstances les plus graves et l’urgence la plus évidente. Les farines doivent payer dès qu’elles viennent de l’étranger. S’il y avait eu un motif pour faire une exception, il fallait s’adresser à la législature pour l’établir. « Aucune exemption d’impôts, dit explicitement la constitution, ne peut être consentie sans l’agrément des chambres. »
Je combats les prétentions qu’a le gouvernement de donner de semblables exemptions, et je vote contre l’ordre du jour.
M. A. Rodenbach. - Je ne crois pas qu’il y ait là violation de la loi fondamentale. Il y a seulement faveur spéciale. Le ministre a sans doute pris des mesures pour que cette faveur ne contribuât pas à la fraude : il doit savoir que 100 kil. de froment donnent 72 kil. de farine, 20 kil. de son, et qu’il y a 20 kil. de déchet. Quoi que le ministre des finances ne soit pas meunier, il aura pris des renseignements sur ce point. (On rit.)
Le ministre a dû s’informer scrupuleusement s’il y avait possibilité de fraude, quoique les grains couverts d’un acquit à caution ne puissent rentrer sans décharger l’acquit. Le ministre doit nous dire s’il accorderait la même faveur à d’autres personnes qui la demanderaient, car la justice doit être égale pour tous.
On a parlé de la question constitutionnelle : je n’ai pas d’opinion arrêtée sur ce point ; mais je dirai que si la mesure est inconstitutionnelle, il en existe une semblable pour Verviers. Les fabricants de cette ville envoient filer leurs laines en Prusse, et elles reviennent sans droits en Belgique.
M. F. de Mérode. - J’appuie particulièrement la distinction faite par M. de Brouckere, entre la ville de Maestricht et la ville de Lille. La première, jusqu’à l’exécution du traité des 24 articles, est une ville de la Belgique. Elle est assez malheureuse pour que nous lui accordions la faveur demandée, si c’en est une. Il n’y a qu’une question selon moi, c’est de savoir si les grains exploités dans l’usine sont de provenance belge.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - J’ai toujours exigé de temps à autre des rapports des autorités financières du Limbourg, afin de savoir si la mesure donnait lieu à des abus. On m’a constamment déclaré que tout se passait régulièrement, et que la fraude était même impossible. Quant aux farines qui rentrent, elles sont aux grains dans la proportion exprimée par la loi de mouture.
M. Gendebien. - Je ferai remarquer qu’en droit Maestricht est ville de la Belgique ; dès que Maestricht est ville belge, pourquoi voulez-vous, parce qu’elle est accidentellement occupée par des troupes étrangères, la soumettre à la rigueur des lois de douanes ?
Il n’y a pas moyen de douter que la disposition du ministre soit légale. Un fermier situé sur la frontière, et qui possède des terres en Hollande et en Belgique, porte des semences en Hollande ; pouvez-vous lui dire : Vous n’entrerez pas vos grains chez vous ? Il faudrait pour cela porter la rigueur jusqu’à l’absurde.
Au reste, la demande qui est faite étant bien plus dans l’intérêt des Limbourgeois que dans l’intérêt de ceux qui la font et auxquelles elle profitera cependant, je crois qu’il ne faut y opposer aucune entrave. Je rends justice aux scrupules de l’honorable M. Dubus ; mais il n’y a point ici d’inconstitutionnalité, attendu que Maestricht est, actuellement du moins, une ville belge.
M. d’Huart. - Je ne cède pas à l’avis de M. Gendebien, qui dit qu’on doit considérer Maestricht comme ville de la Belgique. Le gouvernement n’a-t-il pas établi une ligne de douane autour de Maestricht ?
M. Gendebien. - Le roi Guillaume a établi aussi une ligne de douanes autour de cette ville.
M. de Brouckere. - Ce n’est pas contre Maestricht que notre ligne de douanes est établie, c’est contre les productions hollandaises et prussiennes.
M. Pollénus. - La population de Maestricht est comptée dans la loi sur la milice. Les citoyens de Maestricht sont inscrits sur nos listes électorales ; refuserait-on leur vote s’ils venaient le déposer ?
- Plusieurs membres parlent à la fois un grand nombre ont quitté leurs places et sont debout dans l’enceinte semi-circulaire qui est devant la tribune.
M. Schaetzen. - Les habitants de Maestricht figurent sur nos listes électorales ; ils sont Belges ; il n’y a pas d’inconstitutionnalité.
- La chambre ferme la discussion.
L’ordre du jour, mis aux voix, est adopté une grande majorité. Ainsi la pétition des Liégeois est écartée.
- La séance est levée à 4 heures et demie.
Lundi, la chambre assistera en corps au Te deum qui sera chanté pour l’anniversaire de la naissance de S. M. le Roi des Belges.