(Moniteur belge n°255, du 12 septembre 1833)
(Présidence de M. Raikem)
M. le président occupe le fauteuil à midi et quart.
L’appel nominal constate la présence de 40 membres seulement à midi et quart.
A midi et demi, la chambre est en nombre, la séance est ouverte et le procès-verbal de la dernière séance adopté sans opposition.
Plusieurs pièces sont renvoyées à la commission des pétitions.
M. le président. - L’ordre du jour est la discussion du budget.
La chambre est arrivée au chapitre IV du budget du ministère des affaires étrangères.
« Article unique. - Frais de voyages des agents du service extérieur, frais de courriers, estafettes et courses diverses : fr. 90,000. »
La section centrale propose 70,000 fr.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Le gouvernement peut se rallier sans inconséquence au chiffre de la section centrale. En effet, à l’époque où le budget a été présenté, il pouvait supposer que nos relations politiques et commerciales s’étendraient d’une manière considérable pendant l’année courante. Ce cas ne s’est pas réalisé ; il est vrai que nos relations commerciales ont reçu quelque extension ; toutefois, je puis me rallier sans inconséquence, je le répète, pour ce chiffre, comme pour celui du chapitre suivant, à la proposition de la section centrale.
- Le chiffre de la section centrale est mis aux voix et adopté.
« Article unique. - Frais à rembourser aux agents du service extérieur : fr. 60,000. »
La section centrale propose 32,000 fr.
M. Hye-Hoys. - Je prie M. le commissaire du Roi de me dire si le gouvernement a l’intention de nommer un consul à Hull.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - J’ai la satisfaction d’annoncer à l’honorable préopinant que S. M. a signé avant-hier la nomination du consul à Hull.
- Après cette explication, le chiffre de la section centrale est mis aux voix et adopté.
« Article unique. - Missions extraordinaires et dépenses imprévues : fr. 100,000. »
La section centrale propose 50,000 fr.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Messieurs, il nous est impossible de nous rallier à la proposition de la section centrale : en effet, messieurs, elle ne semble pas avoir assez calculé toutes les éventualités qui peuvent exiger un crédit de 100,000 fr. Nous avons une mission extraordinaire composée de plusieurs personnes, dont plusieurs ont quitté Londres, mais momentanément ; elles doivent y retourner, et cette mission, qui nécessite des frais considérables, peut se prolonger.
Il est une autre mission qui a le caractère de mission extraordinaire ; il faudra nécessairement imputer sur ce dernier chapitre les frais pour le séjour de l’envoyé à Berlin auquel je fais allusion. Vous voyez donc que les 50,000 fr., sans éventualité nouvelle, sont déjà bien ébréchés.
Enfin, messieurs, aux termes des articles 3 et 12 du traité du 15 novembre, les commissions de démarcation et de liquidation devront être nommées dans les quinze jours de la conclusion des affaires.
Voilà donc encore une éventualité qui milite en notre faveur. Il en est encore une autre. Dans la séance d’hier, vous avez reconnu la nécessité d’un agent commercial en Espagne. Le gouvernement fera son possible pour envoyer un homme ayant toutes les lumières ; et s’il le trouve, il s’empressera de déférer au vœu de la chambre.
Il me semble donc que l’on doit maintenir le chiffre de 100,000 fr. La chambre, en le votant l’année dernière, avait eu égard à des éventualités qui peuvent se reproduire cette année.
Le gouvernement a prélevé une faible somme sur le chapitre VI. La réserve qu’il a mise l’année dernière, lorsque la chambre a eu assez de confiance en lui pour allouer 50,000 fl., justifie d’avance la confiance que vous mettrez aujourd’hui en lui.
M. Legrelle, rapporteur. - La section centrale a pensé que 50,000 fr. suffisaient au point où en sont arrivées nos relations extérieures ; mais, à l’époque à laquelle la section centrale s’est réunie, on ne soupçonnait pas que la mission de Londres dût se prolonger si longtemps. Depuis, vous avez reconnu que les frais de mission à Berlin devaient être imputés au besoin sur le chapitre VI. Cette décision, et les motifs qui ont été développés par le commissaire du Roi, m’avaient déterminé à proposer, comme membre de la chambre, de majorer la somme de 30,000 fr., et d’accorder 80,000 fr. Je pense que j’étais d’accord en cela avec M. le commissaire du Roi, qui m’avait dit qu’il fallait rigoureusement une somme de 80,000 fr.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - J’avais eu l’honneur de dire à M. Legrelle que j’étais certain qu’une somme de 80,000 fr. serait dépensée, mais alors je ne tenais aucun compte des éventualités dont j’ai parlé ; il est bien évident que si un arrangement définitif intervenait cette année, 80,000 fr. ne suffiraient pas.
Si la chambre veut ne pas prévoir cette éventualité, 80,0000 fr. peuvent suffire.
M. Legrelle, rapporteur. - Si nous avions le bonheur de pouvoir terminer cette année avec la Hollande, la chambre s’empresserait de voter un crédit supplémentaire.
M. de Theux. - Par le vote que vous avez émis hier, vous vous êtes donné l’assurance que le gouvernement ne multiplierait pas inutilement à l’avenir les frais de missions fixes. Quant aux missions extraordinaires, il faut laisser quelque latitude au gouvernement. On ne peut pas supposer qu’il en multiplie les frais à plaisir, et d’ailleurs il doit justifier de l’utilité de ces dépenses. Il me semble que le chiffre de 100,000 fr. n’est pas excessif eu égard aux éventualités qui peuvent se présenter.
M. Dubus. - Il me semble que ce n’est pas lorsque 9 mois sont déjà écoulés, et qu’il nous reste seulement 3 mois à courir, qu’il faut laisser une si grande latitude au gouvernement.
Au nombre des éventualités, on a voulu mettre la nécessité de nommer une commission de démarcation et de liquidation. Je ne pense pas, messieurs, que cette éventualité se présente pour 1833. Remarquez bien, messieurs, que si le gouvernement dépensait toute l’allocation, il faudrait bien voter la dépense, quelque utilité qu’elle eût été.
La mission de Berlin, que l’on regarde comme une mission extraordinaire, se prolonge inutilement selon moi, et il paraît qu’elle doit se prolonger longtemps encore. Il est temps qu’elle prenne fin, car est elle n’a plus aucun but (Aux voix ! aux voix !)
- Le chiffre de 80,000 fr. est adopté.
« Art. 1er. Administration de l’ordre, et matériel. »
La section centrale propose 5,000 fr.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Si le chiffre de 5,000 fr. représente l’allocation entière pour le personnel et le matériel de l’ordre, il nous est impossible de nous y rallier. Mais, en tenant compte des circonstances et eu égard à ce que l’ordre n’a été institué que dans le courant de cette année, nous pourrions nous rallier au chiffre de 5,000 fr. comme allocation provisoire et partielle.
Bien entendu que, lors de la discussion du budget, on ne pourrait pas trouver dans cette adhésion, un antécédent qui nous liât. (Aux voix ! aux voix !)
- Le chiffre de 5,000 fr. est adopté.
« Art. 2. Achat de décorations. »
La section centrale propose 40,000 fr.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - On a fait des achats de croix pour 39,675.fr. ; les croix distribuées ont épuisé à peu près toute la provision de décorations militaires. Il a fallu faire une nouvelle commande ; elle est devenue indispensable, depuis que le gouvernement se propose de récompenser les services rendus par l’armée nationale. Le travail relatif à ces récompenses est déjà avancé, et si le gouvernement persiste, il aura besoin d’une somme de 20,000 fr. pour les trois derniers mois de l’année.
M. Dubus. - Nous ne devons pas adhérer, sans insister, à ces dépenses extraordinaires. Je crois que le ministre a compromis sar responsabilité, en portant ces dépenses au-delà des besoins, et il appartient à la chambre de contrôler ses opérations. Les lois sur les crédits provisoires n’avaient autorisé de dépense que pour les traitements et pour tout ce qui était frais déterminés ou d’urgence. Le ministre n’a pu dépenser une somme aussi considérable pour des décorations, sans s’exposer à un refus de sanction de notre part. Dans tous les cas, il me semble que 40,000 fr. doivent suffire.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - L’honorable préopinant n’a pas tenu compte de circonstances qui ne doivent plus se reproduire. L’ordre de Léopold a été institué le 11 juillet dernier. Pour être conséquents avec vous-mêmes, il aurait fallu ouvrir immédiatement un crédit au budget. Le gouvernement a obtenu le principe sans possibilité d’application. Pourtant, à la fin de l’année, des événements sont survenus qui nécessitaient l’application immédiate de la loi que vous avez votée. Il y avait une véritable urgence. Le préopinant ne disconviendra pas que le gouvernement ne pouvait pas remettre à un autre temps les récompenses à distribuer à l’armée française après le siège d’Anvers, il a donc trouvé un motif d’urgence qui l’autorisait à prélever une somme suffisante sur les crédits provisoires.
39,675 fr. ont été dépensés, et le gouvernement a besoin d’un nouveau crédit. Ce nouveau crédit est d’ailleurs destiné à l’armée belge. Si le gouvernement doit renoncer à récompenser l’armée nationale, il ne fera aucun usage de l’allocation.
Remarquez, messieurs, que la provision de croix restera toujours, et qu’il en sera fait déduction pour l’année prochaine.
M. Jullien. - Il me semble que la section centrale n’est pas d’accord avec M. le commissaire du Roi, car je vois dans ses observations : « Vu l’époque avancée de l’exercice et le petit nombre de décorations accordées jusqu’à ce jour, la section centrale n’a voté qu’un crédit de 40,000 fr. pour dépenses ordinaires et extraordinaires ; » et maintenant, d’après ce que nous dit M. le commissaire du Roi le crédit de 40,000 fr. serait déjà épuisé. Si l’on se rappelle qu’une décoration coûte 36 fr., ou à peu près, on verra qu’il faut qu’une distribution considérable en ait été faite pour qu’il ne reste plus rien de 40,000 fr.
Nous avons donc besoin d’une explication, d’autant plus que la section centrale diffère d’avis avec M. le commissaire du Roi. Je prie donc M. le commissaire du Roi, dans l’intérêt même de l’allocation qu’il demande, de nous donner quelques explications.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Rien ne m’empêche de donner les explications qu’on me demande. D’ailleurs, messieurs, les décorations n’ont pas été distribuées en secret : tous les arrêtés ont été insérés au Bulletin des Lois.
332 Français ont été décorés, 15 Belges et 3 Anglais.
M. d’Huart. - Je pense que nous devons allouer la somme qu’on nous demande puisqu’il s’agit de décorer l’armée belge ; nous devons nous prêter au désir du gouvernement de récompenser l’armée nationale. Il est bien de reconnaître les services de nos officiers, et je voterai pour l’allocation.
M. Dubus. - Il ne m’est pas démontré que toute la somme demandée soit nécessaire ; mais il est évident qu’on a été prodigue de récompense envers les étrangers et qu’aujourd’hui on veut un nouveau crédit pour récompenser quelques Belges.
M. A. Rodenbach. - M. le commissaire du Roi nous a dit qu’on avait dépensé 39,675 fr., maintenant on a le projet de récompenser 180 soldats de notre armée ; si nous refusions le crédit, on nous accuserait d’avoir empêché qu’on ne récompense l’armée belge.
Je voterai donc pour les 60,000 fr.
M. Dubus. - Je ne suis pas convaincu qu’on ait dépensé effectivement 39,675 fr. Car, d’après le nombre de décorations indiqué par M. le commissaire du Roi il n’y aurait eu que 27,000 fr. de dépensés.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - L’honorable préopinant a raison, en ce sens que les décorations de l’ordre civil ne sont pas encore épuisées. Aussi, ne demandons-nous de crédit que pour les décorations militaires. Il ne nous reste que six de ces décorations.
M. Dubus. - Je propose d’allouer 50,000 fr.
M. Legrelle, rapporteur ; - Le crédit de 60,000 francs est éventuel. Je dois ajouter que les explications de M. le commissaire du Roi m’ont convaincu que le gouvernement avait usé d’économie dans la confection des croix : Il a même été jusqu’à ne pas faire faire de brevet. (Aux voix ! aux voix !)
- Le chiffre de 60,000 fr. est adopté.
M. le président. - La somme demandée est de 20,000 fr.
Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !
M. Nothomb, commissaire du Roi. - J’ai quelques observations à soumettre à l’assemblée.
L’article 7 de la loi institutive de l’ordre porte : « tout militaire d’un grade inférieur à celui d’officier, et qui est membre de l’ordre, jouis d’une pension annuelle, inaliénable et insaisissable, de cent francs. » Il est vrai de dire que cet article n’établit aucune différence entre les militaires belges et étrangers. Ces derniers doivent-ils jouir de la pension ?
Il serait à désirer que la chambre fît cesser les doutes qui naissent de cette rédaction : toutefois le gouvernement continuera à s’abstenir, c’est-à-dire à n’allouer aucune pension à des étrangers. Il lui semble qu’il est entré dans les intentions de la législature de ne pas étendre aux étrangers le principe de la pension ; il a appliqué la loi d’après son esprit, plus que d’après son texte.
J’ai une deuxième observation à faire, relative au maintien même de l’allocation.
Je demanderai que l’on retranche du budget de l’ordre de Léopold le chiffre entier des 20,000 francs demandés, et que les pensions des membres de l’ordre soient inscrites au grand-livre de l’Etat et rentrent dans les attributions du département des finances ; sinon il faudrait, pour une comptabilité de cette nature, créer une administration spéciale.
Je retire donc la proposition du gouvernement sous la réserve que j’ai faite.
M. de Foere. - Je demande la parole.
- Un membre. - Mais l’article est retiré.
M. d’Huart. - Il me semble que nous devons entendre les observations de l’honorable membre en réponse à celles de M. le commissaire du Roi. (Ecoutons ! écoutons !)
M. de Foere. - Il me semble que la section centrale et M. le commissaire du Roi sont dans l’erreur, en ce qui regarde l’interprétation de l’article 7 de la loi institutive de l’ordre Léopold. Quand l’esprit d’une loi est connu, il n’est pas besoin de recourir à son texte pour en déduire les conséquences. Or, ici l’esprit de la législation a été que les pensions seraient accordées aux militaires belges et non pas aux étrangers.
M. Legrelle, rapporteur. - L’honorable préopinant fait dire à la section centrale le contraire de son opinion ; cette opinion est conforme à celle de M. le commissaire du Roi. Nous pensons que l’article 7 de la loi institutive de l’ordre Léopold ne s’applique qu’à l’armée belge. Son sens est clair et n’offre pas le moindre doute.
M. H. Vilain XIIII. - Je demande s’il y a des militaires étrangers qui aient reçu la pension. (Non ! non !)
M. Legrelle, rapporteur. - Il me semble qu’il y a une décision à prendre ; M. le commissaire du Roi l’a provoquée.
M. de Brouckere. - La loi existe, elle est précise. D’ailleurs la chambre n’a pas ici de décision à émettre à cet égard.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je pense, comme l’honorable préopinant, que la chambre n’a pas de décision à prendre. Toutefois, il résultera de la discussion cet avantage : que le gouvernement, déclarant ici qu’il ne croyait pas l’article 7 applicable aux étrangers et ne rencontrant pas d’opposition dans cette enceinte, trouvera dans votre assentiment tacite la sanction de sa doctrine, dans laquelle il persévérera plus que jamais. (Très bien ! très bien !)
M. le président. - Nous passons à la discussion du budget du ministère de la marine.
M. de Foere. - J’adresserai quelques questions à M. le commissaire du Roi sur le budget qui nous est présenté. Je remarque que les chapitres IV et V du budget de 1833, qui avait été d’abord soumis à la chambre, ont disparu dans celui que nous discutons maintenant. Le chapitre IV demandait une allocation pour constructions nouvelles. Je désire que M. le commissaire du Roi veuille bien nous communiquer les motifs pour lesquels cette suppression a été faite.
Messieurs, lors de la première discussion des crédits provisoires, j’ai eu l’honneur de développer devant vous les motifs d’une proposition qui tendait à vous faute comprendre l’indispensable nécessité de construire quelques bâtiments pour protéger notre commerce. J’ai vu avec plaisir la section centrale partager mon opinion. En effet, elle vous a dit : « La Belgique, dans son état de neutralité, doit éviter les frais énormes de construction et d’entretien d’une ruineuse marine militaire, et se borner à celle qui sera reconnue indispensable pour protéger le commerce, etc. »
Je pense, comme la section centrale, qu’il n’est pas besoin d’une marine militaire ruineuse. Mais, après avoir reconnu la nécessité d’une marine pour protéger notre commerce, la section centrale n’a tiré aucune conséquence de ce principe. Je ne reproduirai pas les raisons que j’ai déjà développées lors de la discussion des crédits provisoires, et qui, jusqu’à présent, n’ont pas rencontré de contradiction ; car je désirerais entendre l’opinion des membres qui ont examiné cette question importante.
Les dépenses indiquées au chapitre V du premier budget de 1833 ne se retrouvent plus dans le budget que nous discutons maintenant. Cependant les dépenses de ce chapitre doivent nécessairement être faites. Je ne les vois nulle part. Je demande que M. le commissaire du Roi veuille bien nous dire par qui ces dépenses seront supportées.
Je dois vous faire remarquer que la ville d’Ostende perçoit sur les navires un droit de pilotage, tandis que c’est l’Etat qui supporte les dépenses d’entretien et d’amélioration des ports, des fanaux, d’inspection et autres. Je prie M. le commissaire du Roi de nous dire à quel titre la ville d’Ostende encaisse ces droits de pilotage qui, nous assure-t-on, sont énormes.
D’après un arrêté du mois de juillet 1825, une prime assez forte pour construction navale a été accordée aux armateurs, sous condition de restituer ces primes si les navires, s’ils passaient à l’étranger, n’avaient pas été employés, pendant six ans, pour compte du commerce national.
On assure que des bâtiments marchands ont passé à l’étranger sans restituer la prime. Je demande à M. le commissaire du Roi si le gouvernement s’est mis en devoir de réclamer cette prime des armateurs qui n’avaient pas accompli les conditions requises.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Je vais essayer de répondre à celles des questions que l’honorable préopinant a bien voulu m'adresser, qui portent sur l’ordre même du budget.
Il est très vrai que dans le dernier projet deux chapitres entiers ont disparu : le premier était relatif aux nouvelles constructions. Nous avons pensé que dans les circonstances où nous sommes, forcés que nous sommes de soutenir des armements extraordinaires sur terre, nous pouvions ajourner la question des constructions maritimes, sans rien préjuger.
Le chapitre suivant était intitule : « Service des ports et des côtes. » Nous avons pensé qu’il était possible de le transférer au budget du ministre de l’intérieur, qui administre déjà en partie le pilotage ; nous avons agi avec un peu de précipitation en supposant ce transfert déjà effectué ; l’amendement que j’ai déposé hier sur le bureau a pour but de réintégrer le chapitre du service des ports et des côtes au budget de la marine. Quand le moment en sera venu, je vous expliquerai chaque partie de cet amendement, qui n’est qu’un retour à l’ancien budget ; le projet, tel qu’il vous a été soumis, serait une innovation.
Le chapitre des constructions est donc ajourné, et il ne faudra replacer au ministère de la marine que le service des ports et des côtes. En cela vous n’innoverez pas, vous ne ferez qu’adopter le plan du budget de l’année dernière.
Quant au pilotage il est très vrai que la régence d'Ostende l’administre. Une question s’est élevée entre la régence et le gouvernement, pour savoir de quelle manière on emploierait l’excédant des revenus de pilotage. La régence d’Ostende aurait voulu le considérer comme un revenu municipal, nous avons au contraire soutenu que ce n’était ni un revenu de l’Etat ni un revenu de la commune et qu’il fallait l’employer à l’amélioration de la navigation, aux termes des lois existantes.
La régence vient d’adopter cette dernière opinion et est sous ce rapport rentrée dans la légalité : dans sa séance du 6 août dernier, elle a décidé que l’excédant du droit de pilotage serait consacré à la restauration et à l’amélioration des bassins à flot et du port d’échouage. La régence d’Ostende est donc maintenant, quant au pilotage, sur la même ligne que celle d’Anvers ; le gouvernement n’a pas revendiqué l’administration directe du pilotage, il n’a contesté à la régence d’Ostende que le droit d’employer l’excédant du droit à son profit.
M. Donny. - Un des honorables préopinants vous a dit qu’il avait appris que la ville d’Ostende percevait un droit de pilotage, tandis que le gouvernement était chargé de l’entretien des phares et fanaux ainsi que de l’entretien du port. Il paraît croire que cet état de choses n’est pas compatible avec la justice
Le gouvernement est en effet chargé de l’entretien des phares et fanaux ; mais l’honorable membre omet une circonstance, qu’il ignore sans doute, c’est que le gouvernement reçoit pour cet entretien un droit spécial qui est perçu par la douane et qui lui apporte au moins le double de ce que lui coûte l’entretien des phares et fanaux.
Quant aux frais d’entretien des ports, ils sont, il est vrai, à la charge de l’Etat, mais le gouvernement perçoit, comme loyer du port, une somme assez majeure sous le titre de tonnage. Le droit de tonnage est une indemnité pour l’usage du port, et cette indemnité-là doit payer les frais d’entretien.
Quant au pilotage en lui-même il n’a rien de commun avec l’entretien des phares ou des ports. On comprend très bien, en effet, qu’il n’y a pas grande analogie entre l’assistance qu’un pilote prête à des navires et les feux qu’on allume pour les diriger.
Le pilotage est un salaire accordé pour l’assistance des pilotes qui aident à faire entrer le bâtiment dans le port. Ce n’est pas un impôt, c’est une indemnité ; cette indemnité, pour assistance corporelle, n’a rien de commun ni avec le port, ni avec les fanaux.
Le pilotage perçu par la ville d’Ostende est le produit d’une institution purement communale. Dans un moment où, par suite des circonstances, il n’existait plus aucun pilotage, la ville en a créé un à ses frais ; elle a établi à ses risques et péril un service de pilotage dont elle perçoit maintenant le produit.
Je ne m’étendrai pas davantage en ce moment sur une question qui demanderait de grands développements et je demande que l’on passe à l’ordre du jour, parce qu’il me semble qu’une question de cette nature, si jamais elle doit être soulevée, ne doit pas être discutée d’une manière incidente et à l’occasion d’un budget de dépenses.
Je pense qui si le préopinant croit devoir soulever cette question, il fera bien de présenter une proposition spéciale à cet effet, et alors je m’empresserai de lui fournir tous les renseignements propres à éclairer sa religion.
M. A. Rodenbach. - Je demanderai qu’on nous dise si ce sont les régences qui fixent le taux du pilotage. S’il en était ainsi, elles seraient libres de l’élever au point d’écarter les arrivages. Il me semble que l’on devrait baisser les droits afin d’attirer les navires dans le port. Il paraît que l’on encaisse de ce chef, à Ostende et à Anvers, des sommes considérables.
M. Donny. - Je remercie l’honorable préopinant de m’avoir fourni une occasion de lui donner les éclaircissements qu’il paraît désirer.
Le tarif des droits de pilotage, à Ostende, à été fixé par un arrêté royal du 21 novembre 1818…
M. A. Rodenbach. - Quel est son terme ?
M. Donny. - Il n’a pas de terme ; au surplus, je suis d’accord avec l’honorable préopinant qu’il conviendrait, dans l’intérêt du commerce, de baisser le tarif au moindre taux possible. Je crois, cependant, devoir faire remarquer que, dans cette diminution de droit, l’on ne peut prendre pour base les produits perçu jusqu’ici. Pendant tout le temps que la navigation de l’Escaut a été entravée, la ville d’Ostende a encaissé des produits assez considérables, et la raison en est simple. C’est que tout le commerce maritime de la Belgique s’était porté là. Mais cet état de choses était accidentel et temporaire, et ne peut être pris pour base d’un nouveau tarif.
Il faudrait attendre quelques mois encore avant de proposer une diminution et certainement le conseil de régence à Ostende sera toujours disposé à se prêter à une diminution équitable, aussitôt qu'elle deviendra moralement possible.
M. de Foere. - M. le commissaire du Roi m’a répondu en disant que toutes les dépenses pour constructions nouvelles étaient ajournées sans rien préjuger. Ajourner sans rien préjuger est certes chose très commode. Mais j’ai demandé les motifs mêmes de cet ajournement ; mais il ne sera pas aussi commode de se créer une flottille lorsque le besoin s’en fera hautement sentir Car vous savez, messieurs, que les constructions de ce genre demandent de longues années.
Il me semble que nous devrions dès aujourd’hui faire les frais de deux bâtiments, ne fût-ce que pour donner dans les mers lointaines une certaine contenance à notre commerce.
Quant à la question du pilotage d’Ostende, je l’ai soulevée afin d’apprendre de M. le commissaire du Roi lui-même à quel point elle était arrivée. J’aurais répondu à l’invitation qui m’a été faite par l’honorable députe d’Ostende de présenter à cet égard une proposition formelle, si j’avais possédé tous les renseignements nécessaires. Je m’aperçois d’ailleurs que cette question n’a pas été mûrement examinée. J’espère qu’elle sera reproduite lorsque l’administration sera plus éclairée sur ce point, et pourra nous proposer ses propres vues à cet égard.
M. le commissaire du Roi ne m’a pas répondu sur la question de savoir si la prime accordée à certains armateurs pour frais de constructions, qui n’aurait pas rempli les conditions requises par l’arrêté du mois de juillet 1825, a été restituée.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Il est très vrai que je n’ai pas répondu à la dernière question de l’honorable préopinant, question qui ne s’attache pas directement au budget de la marine ; je pense qu’elle doit trouver sa place dans la discussion des budgets de l’intérieur et des finances.
M. Legrelle, rapporteur. - L’honorable M. de Foere se plaint de ce que la section centrale, après avoir reconnu le principe de la nécessité d’une marine pour protéger le commerce, n’avait pas posé de conclusions à cet égard. L’honorable membre n’a pas lu sans doute ce passage du rapport : « Il serait onéreux de faire de nouvelles constructions maritimes aussi longtemps que l’expérience ne viendra pas démontrer l’insuffisance de notre flottille actuelle pour la répression de la fraude. »
Voilà, ce me semble, une conclusion formelle. Or, messieurs, la flottille actuelle est suffisante, et la preuve, c’est qu’elle est maintenant inactive.
D’ailleurs, messieurs, nous sommes sous la protection de l’Angleterre et de la France, et nous n’avons rien à redouter.
M de Foere a dit que la prime d’assurance se payait plus cher pour notre pavillon. Eh bien ! messieurs, c’est un fait que notre pavillon ne paie pas un sou de plus que les pavillons étrangers.
Quant à la restitution de la prime pour constructions nouvelles, il y a eu à cet égard plusieurs arrêtés. L’un est de 1823, et il impose une obligation que celui de 1825 ne renferme plus. Il faudrait donc voir à quelle époque un bâtiment a été construit pour savoir quel arrêté lui est applicable.
M. de Foere. - L’honorable député d’Anvers a confondu, dans sa réponse deux points très distincts. Les constructions actuelles, dit-il, suffisent pour la répression de la fraude. Or je n’ai pas parlé de fraude. Je me suis seulement occupé de la protection nécessaire à notre commerce dans les contrées lointaines.
Messieurs, on vous a parlé de la protection des puissances, mais chaque nation fait ses propres affaires en mer, et ces puissances se dispensent de réprimer le pillage, alors que les attaques des pirates s’adressent à des bâtiments étrangers.
Il est de fait, d’ailleurs, que les nations ne prennent une puissance sous leur protection que lorsqu’il existe des conventions ; or, ces conventions sont toujours onéreuses, d’autant plus onéreuses que, n’ayant pas de flottille, nous devons passer par toutes les conditions qu’on nous impose.
L’honorable députe d’Anvers a comparé notre commerce maritime à celui des deux villes de Hambourg et de Brème. Cette assimilation, messieurs, n’est pas soutenable. D’abord les navires de Hambourg et de Brème ne fréquentent pas ou fréquentent rarement la Méditerranée. Ensuite le commerce de ces deux villes se borne presque entièrement à la consignation, à la commission et au transit. Ce sont les Anglais, les Américains et les Français qui exploitent ces ports pour leur compte et qui recueillent les bénéfices ; or, ce sont ces mêmes nations qui exploitent pour la plupart nos propres ports, et le pays doit désirer que ces avantages nous restent. Ce but ne pourra jamais être atteint s’il nous manque une marine pour protéger notre navigation lointaine.
J’avais avancé précédemment que les primes d’assurance étaient plus élevées pour les pavillons belges que pour les pavillons étrangers. J’ai pris, moi aussi, des renseignements à cet égard et il est vrai que les primes sont les mêmes. Mais je vous ferai remarquer que ces taxes sont éventuelles, et vous pouvez vous attendre qu’elles seront augmentées si les dangers maritimes viennent à s’accroître. Or, ces dangers se multiplieront et s’accroîtront sans aucun doute si notre marine marchande reste sans protection (Aux voix ! aux voix !)
« Art. 1er. Personnel. »
M. le président. - La section centrale propose 7,350 fr.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Le gouvernement vous demande 9,868 fr. Cette somme ne vous semblera pas une véritable majoration, si vous comparez le projet de budget de cette année avec celui de l’année dernière.
J’ai déjà parlé du transfert projeté du service des ports et des côtes. C’est dans cette prévision qui nous avions cru pouvoir opérer une réduction sur le personnel. Ce que l’on considérait alors comme un fait n’était encore qu’un projet. Nous ne vous dissimulons pas toutefois qu’un personnel si considérable n’est plus nécessaire depuis la disposition des mesures contre le choléra ; je prends l’engagement que l’augmentation que vous remarquez ne se reproduira plus à partir du 1er janvier 1834.
M. Legrelle, rapporteur. - Il a bien fallu que la section centrale adhérât au chiffre du gouvernement, et il faudra que la chambre y adhère à son tour, puisque c’est une dépense faite.
Mais toujours est-il vrai qu’on vous demande une allocation pour un employé qui n’a rien eu à faire. En effet, messieurs, le service des phares est mis en adjudication, et cela exige une correspondance. Mais cette circonstance ne se reproduit qu’une fois par année. Cependant le gouvernement emploie un commis de première classe pour cet objet.
M. le commissaire du Roi nous a dit qu’il avait été employé l’année dernière à un service de quarantaine, et qu’on ne pouvait pas le renvoyer tout à coup. On a voulu le faire passer au ministère de l’intérieur qui ne l’a pas accepté. D’après tout cela, nous avons pensé que force était d’allouer l’allocation, mais seulement jusqu’au 1er janvier prochain ; et le gouvernement s’est engagé formellement à ne plus reproduire cette dépense à l’avenir
« Art. 2. Matériel : fr. 4,400 fr. »
La section centrale propose 4,000 fr.
- Ce dernier chiffre, auquel se rallie le commissaire du Roi, est adopté.
« Art. 1er. Personnel : fr. 290,906 33 c. »
La section centrale propose 272,926 fr. 33 c.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - La section centrale vous a présenté sur cette partie du service quatre espèces d’observations que je vais parcourir succinctement.
Elle a paru croire que les traitements des officiers de la marine sont trop élevés, qu’ils sont plus élevés que dans d’autre pays ; en second lieu que le nombre des officiers de santé est trop considérable ; troisièmement, que le nombre des agents est également trop considérable ; en dernier lieu, que le service de la marine n’exige pas l’emploi de pilotes, du moins dans l’Escaut.
Les observations faites sur l’élévation des traitements des officiers de la marine me paraissent dénuées de fondement. La France et la Hollande donnent même aux officiers de leur marine des traitements supérieurs. Lorsqu’on s’occupera de la réduction, s’il y a lieu, des traitements de l’armée de terre, on verra jusqu’à quel point on pourra réduire les traitements des officiers de marine, ces traitements ayant été établis par analogie.
Nous avons en ce moment 12 bâtiments ; nous employons cinq officiers de santé, nous aurions désiré porter ce nombre à huit, et même le service l’exigerait. Il est incontestable que si les 500 hommes qui forment les équipages de la marine étaient réunis en un même local, il ne faudrait ni huit ni même 5 officiers de santé ; mais ces hommes sont dispersés sur douze bâtiments qui sont échelonnés sur une étendue de plus de 4 lieues. Il est très vrai que les marins qui tombent malades ne restent pas à bord, qu’ils sont transportés dans un hôpital voisin ; mais toujours est-il qu’ils reçoivent les premiers soins sur le bâtiment même.
Jusqu’à présent on a pu faire le service avec 5 officiers de santé détachés de l’armée de terre ; ils ne reçoivent pas un traitement différent, quoique leur position soit devenue moins agréable. Toutefois, comme le service a pu se faire avec 5 officiers de santé, le gouvernement continuera à n’en pas employer un plus grand nombre, et il fera la réduction de 2,940 fr., en se réservant de demander une augmentation si ces officiers ne suffisaient pas.
Le nombre des agents comptables n’est également pas trop considérable. On a attaché à chaque bâtiment un agent comptable. La section centrale semble croire qu’on aurait pu charger un seul agent de la comptabilité de deux canonnières aussi longtemps qu’elles ne seraient pas dispersées. L’agent comptable est une spécialité ; un agent comptable ne se forme pas du jour au lendemain. Il faut que ce soit un homme de chiffres ; aussi, partout, on attache aux bâtiments de guerre un agent comptable chargé de surveiller l’emploi des deniers.
Il en est résulté une grande économie. Si vous donniez plusieurs bâtiments à un seul agent comptable, le résultat ne serait pas le même ; le service ne serait plus fait avec la même ponctualité. D’un autre côté, il serait bien difficile de calculer le placement des bâtiments de manière à pouvoir charger une personne unique de la comptabilité de plusieurs bâtiments ; et que ferait-on s’il y avait lieu à disperser les bâtiments ?
La dernière observation de la section centrale porte sur le pilotage : un pilote est attaché à chaque bâtiment depuis que la flottille se trouve dans l’Escaut ; en cela le gouvernement s’est conformé à ce qui se fait partout ailleurs, à ce que faisait le gouvernement hollandais quand sa flottille stationnait devant Anvers. Si un pilote n’était pas attaché au bâtiment, le capitaine déclinerait toute responsabilité. Cette partie du service n’est pas une éventualité ; l’emploi de pilote sera nécessaire aussi longtemps que la flottille restera dans l’Escaut. On a dépensé jusqu’ici 5,620 fr. ; le gouvernement a calculé qu’il faudrait pour l’année 10,000 fr. au moins, surtout que la flottille s’est accrue.
En résumé, je ne puis consentir qu’à la réduction de 2,940 fr. ; elle est possible en s’abstenant de porter le nombre des officiers de santé de 5 à 8.
M. Legrelle, rapporteur. - Il semblerait que nous aurions un personnel nombreux à solder, d’après ce que vous venez d’entendre dire relativement aux agents comptables. Mais ce n’est pas le cas. Je conçois que M. le secrétaire-général ait fait grand étalage de cette petite flottille qui est sur l’Escaut devant Anvers ; quoi qu’il en soit, la section centrale n’a pas réclamé contre la hauteur des appointements des employés. C’est sur l’inopportunité de l’emploi de certains individus que ces observations ont porté. Il ne fallait pas placer des lieutenants de vaisseau sur de petites canonnières. Si, au lieu de créer des lieutenants de vaisseau, on avait placé des aspirants de 2ème classe, on aurait satisfait aux besoins.
Mais notre gouvernement a la manie de créer des emplois élevés, ou la faiblesse de céder à des prétentions de toute espèce qui, en définitive, grèvent le trésor sans ajouter aux services. Les ministres doivent se rappeler ces belles paroles d’un roi : « Les deniers de l’Etat dissipés en prodigalités sont toujours arrosés des larmes des malheureux. » Il est très facile d’accorder des appointements ; il est très agréable de donner des places ; mais il faut penser que, pour payer, il faut prélever les taxes sur le nécessaire des peuples.
La section centrale a deviné juste en disant que les 8 officiers de santé, portés en compte au budget, n’existaient pas. Le gouvernement fait une demande pour 8 ; il n’y en a que 5 en exercice. Nous croyons que 3 suffiraient. Nous avons 12 petits bâtiments de guerre, dont les équipages se composent de 500 individus. Que doit faire le médecin ? Aborder au bâtiment, examiner les malades et prescrire leur transport. S’il y a des pansements à faire, il les fait. Les officiers de santé sont là pour remplir les devoirs de leur état, et non pour se promener. La section centrale a cru qu’un officier de santé pour quatre bâtiments était plus que suffisant.
Quant à la troisième observation relative aux agents comptables, la section centrale n’a pas tranché la question ; elle n’a pas demandé de diminution à cet égard.
On a dit qu’on pourrait se passer de pilotes. En effet, les officiers de marine étant des lieutenants de vaisseau, doivent connaître leur profession ; ils doivent être instruits des passes de l’Escaut, de manière à n’avoir pas besoin de guides. Dans tous les cas, messieurs, les officiers de marine n’ont pas besoin de pilotes tant que la flottille ne quittera pas l’Escaut et sera stationnaire.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - J’ai parlé sans emphase, dans des termes très simples et très modestes, de la flottille belge : l’exagération n’entre pas dans mon caractère, et mon langage habituel en fait foi.
Quoi qu’on en ait dit, il n’est pas hors de propos de justifier le taux de la solde des officiers de la marine ; puisqu’on parle dans le rapport de la section centrale de l’élévation de cette solde. Il y a parmi les officiers de marine 6 lieutenants. Si le gouvernement avait pu ne pas donner des grades aussi élevés, il l’aurait fait. Ces 6 officiers sont revenus de Hollande avec le grade immédiatement inférieur ; et, les arrêtés du gouvernement provisoire à la main, ils ont demandé le grade qu’ils ont. Il est arrivé pour la marine ce qui est arrivé pour l’armée de terre : le gouvernement n’était plus libre d’agir autrement envers ceux qui répondaient à son appel.
Le ministère a demandé huit officiers de santé ; il déclare aujourd’hui qu’il pourra peut-être faire le service avec cinq, qu’il en fera l’essai. Le gouvernement demande d’ailleurs un crédit, et ce n’est pas une nécessité que ce crédit soit dépensé. Il n’y a aucune contradiction.
On persiste à croire que l’on pourrait se passer de l’intervention des pilotes dans l’Escaut. J’ai consulté sur ce point l’officier de marine qui fait les fonctions de chef de division au ministère et d’autres officiera appartenant à la flottille ; ils regardent l’intervention des pilotes comme indispensable. Les officiers de marine ne sont pas tenus de connaître le fleuve dans tous ses détails. Ce qu’on vous demande n’a rien d’étrange, puisque tous les bâtiments qui entrent dans l’Escaut se servent de pilotes.
Je dois donc repousser toute réduction plus forte que celle à laquelle j ai consenti.
M. Legrelle, rapporteur. - S’il s’agissait d’entrer ou de sortir de l’Escaut, je consentirai à l’emploi des pilotes ; mais nos bâtiments ne se meuvent pas, ils restent en place. Les grands navires ne demandent presque jamais de pilotes quand ils sont stationnaires ; quand ils sortent de la rivière ou qu’ils y entrent, alors ils en demandent. Nos petits bâtiments resteront probablement jusqu’à la fin de l’année dans leur station, et c’est ce qui a déterminé la section centrale à voter la réduction qu’elle propose.
M. Donny. - Lors du premier examen du budget, la section centrale a considéré le crédit relatif aux pilotes d’une manière tout autre qu’il ne devait l’être. Au reste ça n’est pas la faute de la section centrale, mais celle du ministre de la marine.
D’après les notes qui sont au budget, la section a dû croire que le crédit demandé était destiné à payer des droits de pilotage aux institutions d’Anvers et d’Ostende et la section a rayé ce crédit, parce qu’il lui a paru très probable que nos forces maritimes ne seront pas mises en mouvement cette année-ci. Aujourd’hui M. le commissaire du Roi a donné à la section centrale des renseignements plus précis à cet égard. Il a dit qu’il ne s’agissait pas d’un crédit pour payer les droits de pilotage, mais d’un crédit pour traitement de personnes embarquées, et qui ont fait le service toute l’année en qualité de pilotes. Ceci change l’état des choses.
Sous ce point de vue je crois qu’il y a lieu de revenir de la première décision de la section centrale. Si les pilotes ont été embarqués toute l’année, il faut bien que leur traitement soit payé. Les explications données ont fait voir en même temps que ce qui doit être payé pour l’année entière surpassera probablement le chiffre posé dans le budget. Je voterai la somme demandée.
M. Dubus. - Je remarque au quatrième paragraphe de l’article en discussion qu’on se proposait de mettre des aspirants sur les bâtiments ; mais comme il n’en a été nommé que depuis le mois de juin, les sommes portées au budget sont trop fortes.
- Plusieurs membres. - C’est vrai !
M. Nothomb, commissaire du Roi. - J’avoue que je ne puis pas répondre sur-le-champ à la question. Je demande dix minutes.
M. le président. - Passons à l’article suivant. M. le commissaire du Roi aura le temps de prendre les renseignements nécessaires.
« Art. 2. Matériel : fr. 263,070 fr.
- Cet article est adopté sans discussion.
M. le président. - M. le commissaire du Roi propose par amendement un article 3, intitulé : « Entretien d’une corvette et traitement d’un gardien, 1,000 fr. pour neuf mois. »
M. Nothomb, commissaire du Roi. - L’allocation que l’on demande a été votée l’année dernière au budget. Deux corvettes étaient la charge de l’Etat ; l’une d’elles est passée au service de la douane, et est entretenue aux frais du ministère des finances. La plus petite vient d’être demandée par la régence d’Ostende ; il y a donc lieu de croire que le gouvernement pourra être libéré des frais d’entretien de cette deuxième corvette, à partir du 1er octobre.
L’entretien de l’une de ces corvettes aura donc été à la charge de l’Etat pendant 9 mois, : 400 fr. pour l’entretien, 600 fr. pour le gardien, en tout 1,000 fr. ; somme qui, je l’espère, est portée au budget pour la dernière fois.
- Le chiffre de 1,000 fr. mis aux voix est adopté.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Nous sommes encore au chapitre II ; avant d’en sortir, je désire donner les explications demandées par M. Dubus. Les aspirants n’ont pas été nommés ; on peut donc supprimer les trois quarts de l’allocation qui les concerne, et n’allouer que le dernier quart pour le trimestre restant. Ainsi, au lieu de 9,450 fr., on n’allouerait que 2,360 fr. ; je consens même à ce que la somme entière soit retranchée.
M. le président. - L’article premier du chapitre II se réduit alors à 278,516 fr. 33 c.
M. Legrelle, rapporteur. - Le chiffre de la section centrale est 263,516 fr. ; elle n’accorde que trois officiers de santé et elle supprime les pilotes.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - J’ai fait connaître les motifs impérieux qui empêchent de se passer de moins de cinq officiers de santé et des pilotes.
- Le chiffre 278,516 fr. 33 c., proposé par le commissaire du Roi, est mis aux voix et adopté.
M. le président. - il y a un nouveau chapitre proposé par le gouvernement. Il serait intitulé : « Service des ports et des côtes. »
« Personnel : fr. 4,305. »
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Ce nouveau chapitre n’est que la reproduction du chapitre II du budget de l’année dernière, où l’on voyait figurer le traitement du professeur de marine à Ostende et le traitement du garde des fanaux. Il n’y a pas d’école de navigation à Anvers ; mais il est probable que le gouvernement vous proposera au budget de 1834 d’en établir une dans cette ville.
- Le chiffre 4,305 fr. est adopté.
« Matériel : fr. 6,079. »
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Le matériel consiste dans l’entretien des fanaux, des frais d’éclairage, et dans l’entretien de l’habitation du garde-fanal. Le gouvernement, perçoit le droit de fanal, il doit en faire les frais. Ce droit a été à Ostende plus du double de la dépense cette année. Les autres années, la perception du droit balançait à peu près les frais.
- Le chiffre 6,079 est adopté.
« Article unique. Magasins de la marine : fr. 23,900. »
- Ce chapitre est adopté sans discussion.
M. le président. - Voici un nouveau chapitre proposé par M. de Foere :
« Constructions nouvelles, 300,000 fr. »
- De toutes parts. - Personne ne veut de constructions nouvelles.
M. le président. - Aux termes du règlement, l’auteur a le droit de développer sa proposition.
M. de Foere. - Je n’ajouterai que peu de mots aux considérations que j’ai déjà développées devant la chambre. il est clair qu’avec un bon système de douanes vous protégerez notre commerce maritime. On en voit un exemple par le commerce du sel que nous faisons maintenant presque exclusivement. Toutefois un bon système de douanes ne suffit pas ; il faut encore une flottille pour protéger nos bâtiments marchands. Il faut augmenter notre commerce maritime pour augmenter notre industrie, ou pour lui ouvrir des débouchés. Quiconque connaît l’histoire de la Hollande sera convaincu qu’elle emploiera tous les moyens pour empêcher l’extension de notre commerce maritime : il faut donc que vous preniez les moyens de le protéger ; or, comme on ne crée pas une marine sur-le-champ, je propose 300,000 fr. pour cette année, afin de ne pas surcharger le trésor. En faisant quelques sacrifices d’année en année, on parviendra à avoir une flottille capable d’imposer à ceux qui seraient tentés de nuire à notre commerce.
M. Donny. - Pour admettre au budget un crédit de 300,000 fr. pour construction de bâtiments de guerre, il faudrait d’abord admettre en principe qu’il y aura en Belgique une marine militaire. Jusqu’ici cette question n’a pas été discutée convenablement ; elle n’a surtout pas été résolue, de sorte qu’il est encore très douteux si la représentation nationale voudra d’une marine militaire. Je crois qu’il y aurait inopportunité de porter au budget un crédit qui semble préjuger la question, question de la plus grande importance, et sous le rapport des résultats que l’on pense devoir en attendre, et sous le rapport des dépenses qu’elle occasionnera. Par ces considérations, je suis porté à proposer le rejet de la proposition, laissant à son auteur à la reproduire dans une autre circonstance. (Appuyé ! appuyé !)
M. Legrelle, rapporteur. - Notre armée de terre épuise plus de la moitié de nos ressources financières ; il serait impossible d’ajouter aux charges de l’Etat celle d’une flottille qui, du reste, n’est pas nécessaire.
M. Smits. - Je ne partage pas l’avis du préopinant sur la mesure proposée ; mais comme il ne s’agit pas aujourd’hui de discuter le principe, je me rallie, à l’opinion de M. Donny qui en renvoie la discussion au budget de 1834.
M. de Foere. - Si la chambre veut ajourner la discussion afin de pouvoir considérer la question sous toutes ses faces, et de pouvoir demander l’avis des chambres de commerce, des armateurs, je consens à retirer ma proposition.
« Art. unique. Dépenses éventuelles : fr. 4,200 fr. »
- Ce chapitre est adopté sans discussion.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Messieurs, je suis obligé de faire part à la chambre d’un embarras que probablement elle n’a pas prévu lorsqu’elle a limité les derniers crédits provisoires au premier septembre de l’année courante, : cet embarras, qu’on ne devait pas prévoir parce qu’on croyait que le budget serait adopté, avant le 1er septembre, vient de ce que la cour des comptes pense ne pouvoir viser aucune dépense faite postérieurement à cette époque, attendu les termes dans lesquels le dernier crédit provisoire est accordé.
Il y a dans la rédaction de la première loi relative aux crédits provisoires, et dans la rédaction de la dernière, une différence qui cause la difficulté que nous éprouvons.
La première, qui est du 9 février 1833, est ainsi conçue : « En attendant le règlement définitif du budget de 1833 il est ouvert au gouvernement un crédit provisoire, etc. »
La seconde, qui est du 5 juillet, est conçue autrement. En voici les termes : « En attendant le règlement définitif du budget de 1833, il est ouvert au gouvernement un crédit de 18 millions de francs pour pourvoir jusqu’au 1er septembre prochain, etc. »
Il est évident, d’après la première loi, qu’aussi longtemps que les crédits n’étaient pas épuisés, on pouvait présenter à la cour des comptes des mandats, qu’elle devait viser tant que la somme n’était pas épuisée, et cela sans restriction d’époque.
Dans la loi du 5 juillet, nous lisons une limitation d’époque.
Qu’est-il arrivé de là ? C’est qu’ayant demandé à la cour des comptes de viser des mandats de dépenses pour les prisons, elle m’a fait remarquer que la loi lui liait les mains et l’empêchait d’autoriser aucune dépense après le 1er septembre ; de sorte que le service de mon département est paralysé.
Deux moyens se présentent pour sortir d’embarras.
Si la chambre voulait revenir sur sa résolution de voter les budgets en masse, elle pourrait voter actuellement le budget des dotations, celui de la dette publique, de la justice, des affaires étrangères et de la marine ; et de cette manière le gouvernement pourrait provoquer la convocation du sénat, qui discuterait également les mêmes budgets, et le service serait régularisé. Il y a des services dans mon département qui ne peuvent souffrir aucune espèce de retard ; j’ai déjà parlé des prisons ;
Un autre moyen se présente si la chambre persiste dans sa résolution première, ce sont les crédits provisoires et mon département serait dans l’obligation d’en demander de nouveau.
En faisant une dernière exception à la règle établie de voter réunis tous les budgets, peut-être serait-il utile, à partir de l’adoption des budgets déjà discutés, de vous présenter immédiatement après leur adoption les budgets semblables pour l’exercice 1834, de telle sorte qu’après les avoir renvoyés à la section centrale, il vous serait possible de voter, avant de vous séparer, le budget de la dette publique, des dotations, de la justice et même des affaires étrangères pour 1834.
M. Dumortier prononce ici quelques mots que nous n’entendons pas.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - J’entends dire… mais je ne veux pas répéter les expressions antiparlementaires dont on vient de se servir, et qui calomnient les intentions du gouvernement et le but des réflexions que je soumettais à la chambre.
On semble qualifier de piège cette pensée. (J’adoucis l’expression qui a frappé mon oreille...) Cependant, si on ne procède pas comme nous croyons qu’il serait prudent de le faire, quel que soit le bon vouloir du gouvernement, la marche de l’administration pourra être encore entravée par la nécessité de demander des crédits provisoires pour 1834. C’est un fait qu’il faut constater pour ne pas faire peser sur le gouvernement la responsabilité des retards que subiront, je le crains bien, les services de 1834, à moins qu’on n’en revienne encore au déplorable système des crédits provisoires.
M. de Theux. - Quant à la première partie de la proposition de M. le ministre de la justice, je ne puis que l’’appuyer. J’avais moi-même l’intention de faire une motion à cet égard, attendu qu’il est convenable qu’il y ait un intervalle, entre les deux sessions, et que si nous attendions que tous les budgets fussent votés pour les envoyer au sénat, nous devrions rester assemblés jusqu’à ce que le sénat les eût terminés. Mais je ne puis adopter la deuxième partie de la proposition...
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Ce que j’ai dit en dernier lieu ne faisait point partie de ma proposition, ce n’était qu’une simple réflexion.
M. Legrelle, rapporteur. - Je viens appuyer également la motion de M. le ministre de la justice. Les inconvénients qu’on a signalés lorsqu’il y a deux mois j’en avais fait une semblable, disparaissent aujourd’hui. La discussion préalable sur l’ensemble des budgets a eu lieu, et je crois qu’en adoptant le mode qu’on vient de proposer, nous agirons rationnellement, et tout à fait dans l’intérêt du service.
M. Dumortier. - Je ne sais pas si c’est à ce que je disais à un de mes voisins que M. le ministre de la justice a fait allusion mais mon expression était motivée par la seconde motion présentée par lui, et qui tendait à ce que le budget de 1834 fût voté immédiatement.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Non, pas de tout ; ce n’était qu’une observation.
M. Dumortier. - J’ai cru que c’était une motion, et plusieurs de mes honorables collègues l’ont entendu comme moi. M. le ministre a même ajouté, d’une manière fort claire, que dans huit jours nous pourrions voter ce budget. C’était là, selon moi, un piège, une duperie. Une chambre qui agit ainsi et qui procède si vite, s’épuise ; elle fonctionne trop. (On rit.) Après avoir adopté le budget de 1833, il sera bon que nous ayons le temps d’examiner les économies à faire à celui de 1834. Du reste, M. le ministre ayant déclaré ensuite qu’il n’avait pas présenté de motion à cet égard, cela me suffit, et je n’insisterai pas davantage.
Quant à la première proposition, je ne m’y oppose en aucune manière ; mais j’avais demandé la parole pour en soumettre une autre à la chambre, consistant à reporter au budget des dotations ce qui concerne l’ordre de Léopold. C’est ainsi que cela s’est toujours pratiqué en France et dans le royaume des Pays-Bas. Je sais fort bien que cet ordre national est très bien placé au ministère des affaires étrangères car, sur le nombre total de ceux qui ont reçu la décoration, il y a seulement 13 Belges. (On rit.) Ce n’est que par mesure de régularité financière que je désirerais qu’il fût reporté aux dotations. (Appuyé !)
- La proposition de M. le ministre de la justice, de voter séparément du reste du budget sur l’ensemble des crédits alloués pour la dette publique, les dotations, le département de la justice, le département des affaires étrangères, l’ordre de Léopold et la marine, est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Les amendements seront imprimés, et nous voterons sur cet objet après-demain. Je vais mettre maintenant aux voix la proposition de M. Dumortier, qui tend à transférer au budget des dotations l’ordre de Léopold.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Je pourrais sans grand inconvénient adhérer au transfert proposé en ce qui concerne la somme allouée pour rachat des décorations, bien que ce ne soit pas là une véritable dotation, mais j’ignore s’il n’entre pas dans les intentions de M. Dumortier de transporter au budget des dotations ce qui concerne le personnel de l’ordre de Léopold.
Quant au reproche que cet honorable membre adresse au gouvernement relativement à l’usage qu’il a fait de cet ordre, je ne puis le laisser passer sans réponse. J’ai déjà eu l’honneur de faire remarquer dans la discussion à laquelle M. Dumortier n’a pas assisté, que le gouvernement a dû tenu compte d’une circonstance tout à fait exceptionnelle : après l’événement d’Anvers il a dû récompenser les services de l’armée du Nord, et c’est sur le rapport même de l’illustre maréchal qui commandait cette armée par une déférence bien juste, que la distribution des décorations a été faite.
Le gouvernement a encore donné des décorations à quelques notabilités étrangères pour des raisons que tout le monde comprendra ; il les a de la sorte associées à la cause de l’indépendance belge, il s’est fait des amis à très bon marché. Je souhaite pour mon pays que le jour arrive où le gouvernement belge puisse faire porter les insignes de l’ordre national par les notabilités de tous les pays : je verrai dans leur acceptation une espèce d’hommage rendu à notre nationalité. Le gouvernement n’a pas profité de la création de cette institution pour se procurer de l’influence dans l’intérieur du pays ; il l’a employé comme un moyen d’influence politique à l’étranger et notamment en France, et en cela il a agi sagement.
M. Dumortier. - Je ne pense pas, messieurs, qu’on puisse reporter une partie des dépenses de l’ordre de Léopold aux dotations et laisser une autre partie de ces dépenses au budget des affaires étrangères. Si les promesses que nous a faites l’honorable M. de Muelenaere lorsqu’il était au ministère, avaient reçu leur exécution, on ne vous demanderait pas aujourd’hui de personnel pour cet objet ; car vous vous rappellerez que l’an dernier, à l’époque du vote du budget des affaires étrangères, le ministre de ce département vous a fait la déclaration formelle qu’il ne serait demandé aucun excédant de dépenses pour le personnel de cet ordre ; et cela se concevait puisqu’il n’y avait que fort peu d’écriture à faire et que d’ailleurs les employés du ministère des affaires étrangères, qui sont trop nombreux eu égard au travail de ce département, pouvaient très bien se charger de cette besogne. Il paraît que cet engagement n’a pas été tenu.
M. H. Vilain XIIII. - La question du personnel a été décidée.
M. Dumortier. - Je dis qu’on n’a pas tenu cet engagement. Si M. Vilain XIIII veut prouver le contraire, il prendra la parole pour me répondre. Je le prie de ne pas m’interrompre.
Quoi qu’il en soit, je pense qu’il est nécessaire de transférer au budget des dotations, non seulement le matériel mais encore le personnel de l’ordre de Léopold. C’est ce qui se pratique en France, et ce qui se pratiquait dans le royaume des Pays-Bas, où, pour le dire en passant, l’ordre du Lion belgique ne coûtait que 7.000 fl. par an.
M. le commissaire du Roi a paru vouloir justifier la distribution singulièrement impopulaire des décorations de l’ordre de Léopold ; je dis singulièrement impopulaire, parce qu’elle ne l’a pas été moins que celle de l’ordre du Lion belgique qui eut lieu en 1828. J’ai en main un volume imprimé par ordre du ministère des affaires étrangères, intitulé : Ordre national de Belgique.
J’y vois 301 nominations, et dans ces 301 nominations ne se trouve pas le nom d’un seul Belge. C’est là une chose par trop scandaleuse, et le ministre, qui a présenté de pareilles nominations a commis une faute grave.
On a fait observer qu’il fallait tenir compte des événements d’Anvers. Je conviens que les blessés de l’armée française et d’autres militaires de cette armée ont été bien et dûment récompensés du service qu’ils nous ont rendus ; mais est-ce à dire pour cela qu’il fallait ajouter une nouvelle humiliation à celle qu’avait subie notre armée à nous, où il y a aussi des braves ? L’ordre de Léopold a été créé pour récompenser les services rendus à la patrie. On nous avait déclaré que ce serait un ordre national. Eh bien ! quand nous voyons chaque jour des décorations accordées au médecin Sa Majesté, prodiguées à des étrangers, n’est-il pas scandaleux qu’on n’en juge pas dignes les braves du mois d'août et les braves de notre armée ?
On ne compte parmi toutes les personnes qui ont reçu l’ordre de Léopold que neuf indigènes et quelques Anglais. Il n’y en a que quatorze qui ne soient pas françaises. Alors autant vaudrait-il dire : L’ordre français de Léopold. C’est un abus qui doit cesser,
M. H. Vilain XIIII. - Je ne répondrai pas à toutes les observations de l’honorable préopinant ; je ferai seulement remarquer que la question à décider, c’est de savoir quelle place occupera dans le budget l’ordre de Léopold, s’il sera joint aux dotations ou au budget des affaires étrangères.
M. de Theux. - M. Dumortier a en quelque sorte adressé un reproche à M. de Muelenaere, au sujet de l’engagement qu’il avait pris.
M. Dumortier. - Non, je n’en ai pas fait de reproche à M. de Muelenaere.
M. de Theux. - Quoi qu’il en soit, je crois devoir dire que la déclaration de M. de Muelenaere a reçu sa pleine et entière exécution. Il a déclaré qu’il ne serait pas établi de chancellerie pour l’ordre de Léopold. Et en effet, qu’on veuille prendre connaissance de l’arrêté constitutif et l’on verra qu’il n’a pas été créé d’administration spéciale. Mais cela ne voulait pas dire qu’il n’y aurait pas d’employés pour faire le travail. Je crois pourtant que le ministre a commis une erreur en demandant un crédit spécial à cet égard. Du moment que cet ordre était réuni au budget des affaires étrangères, c’était à ce département à se charger des écritures, et cet objet devait faire partie de l’administration centrale.
M. Dumortier propose de le reporter au budget des dotations ; je dois m’y opposer.
Je conçois que dans les pays où il existe une chancellerie pour les ordres royaux, et où des dotations sont affectées à ces ordres, on suive ce mode. Mais il n’y a pas de dotations attachées à l’ordre de Léopold, et il n’y a point de chancellerie. Il n’est donc pas nécessaire d’opérer le transfert proposé ; il serait même tout à fait déplacé. Je crois que le personnel doit être porté au chapitre de l’administration centrale du département des affaires étrangères, et que le matériel doit faire l’objet d’un article spécial. Quand des pensions seront accordées, une telle proposition viendra utilement ; mais maintenant elle est inopportune.
M. Verdussen. - Je crois que le but de M. Dumortier, en demandant le transfert, était d’obtenir des économies, et ce serait précisément le contraire qui arriverait si l’on adoptait sa proposition. En laissant les choses dans l’état actuel, un simple commis me paraît suffire, tandis qu’autrement il faudrait une administration permanente.
M. Dumortier. - C’est une grave erreur que de croire qu’une administration en permanence serait nécessaire pour l’ordre de Léopold, s’il était transféré au budget des dotations. On peut le placer aux dotations, et cependant en laisser le travail aux employés du département des affaires étrangères. Si j’ai fait ma proposition, c’est pour établir de la régularité dans le budget, et pour que cet ordre ne formât pas à lui seul un petit budget ; car, sans cela, il en faudrait un pour toute les spécialités.
M. Jullien. - Je crois, messieurs, que nous devons nous féliciter de ce que le gouvernement n’ait pas créé de grande chancellerie pour l’ordre de Léopold, comme cela existe en France pour l’ordre de la légion d’honneur.
Quant à la proposition de M. Dumortier, je ne vois pas la nécessite de l’admettre et de changer le mode qu’on a suivi, si ce n’est pour imiter ce qui a lieu en France ; mais là l’ordre de la légion d’honneur a été richement doté par l’empereur et il l’est encore ; il était donc tout naturel de le placer au chapitre des dotations. Ici, au contraire, où aucune dotation n’est attachée à l’ordre de Léopold, où tout se borne à l’achat des matières premières et à un simple bureau, je crois qu’on peut laisser cet ordre où il est, c’est-à-dire au ministère des affaires étrangères, et que la motion de l’honorable M. Dumortier ne peut être prise en considération, à moins qu’il ne la fonde sur d’autres motifs.
M. de Theux. - Je crois que M. le commissaire du Roi partage l’avis que j’ai émis de réunir le personnel de l’ordre de Léopold à l’administration centrale du ministère des affaires étrangères.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Messieurs, le ministre a pensé, lorsqu’il a rédigé son budget, qu’il serait plus fidèle au système des spécialités en vous proposant trois administrations séparées, savoir les affaires étrangères proprement dites, ensuite l’ordre de Léopold, et enfin la marine.
Mais ces deux derniers objets ne sont que des annexes du budget des affaires étrangères. Dans tous les cas, je prierai l’assemblée d’ajourner cette question jusqu’au budget de 1834. Si le gouvernement juge à propos de prendre la motion qui a été faite en considération, il fera les changements nécessaires. Sinon, il fera part des raisons qui l’auront fait persister dans le maintien de la distribution actuelle. (Aux voix ! aux voix !)
- La proposition de M. Dumortier est mise aux voix et écartée.
M. le président. - Nous allons passer maintenant au budget de l’intérieur.
- Plusieurs voix. - A demain ! à demain !
M. Dubus. - J’invite M. le ministre de l’intérieur, qui nous a annoncé des amendements assez nombreux, à vouloir bien les déposer sur le bureau, afin qu’ils soient imprimés et distribués.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Ces amendements ne me paraissent pas mériter les honneurs de l’impression ; ils ont trait à certaines économies que je proposerai au fur et à mesure de la discussion des articles.
M. Dubus. - J’avais fait cette motion parce que je croyais qu’il s’agissait de majorations ; mais si c’est d’économies, je n’insiste pas.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Il se présentera aussi quelques majorations peu considérables ; mais je demande à pouvoir suivre à cet égard la même marche que pour les diminutions.
M. le président. - La chambre ne me paraît pas disposée à commencer aujourd’hui le budget de l’intérieur. (Non ! non !) Je vais lever la séance ; mais je prierai MM. les membres d’être ici demain à midi et quart.
- La séance est levée à trois heures et demie.