Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 9 septembre 1833

(Moniteur belge n°254, du 11 septembre 1833)

(Présidence de M. Raikem)

M. le président occupe le fauteuil à midi et quart.

Appel nominal

Un premier appel nominal constate que la chambre n’est pas encore en nombre.

A midi et demi la séance est ouverte.

Lecture du procès-verbal et pièces adressées à la chambre

Après l’adoption du procès-verbal, il est donné lecture de plusieurs pièces qui seront renvoyées à la commission des pétitions.


Il est fait hommage à la chambre de la 7ème livraison du Journal des Connaissances utiles.

Projet de loi accordant des crédits provisoires au budget du ministère de la guerre

Dépôt

M. le président. - La parole est à M. le ministre de la guerre.

M. le ministre de la guerre (M. Evain) donne lecture de l’exposé des motifs accompagnant le projet de loi tendant à mettre à sa disposition une somme de douze millions sept cent trente-trois mille cinq cents francs, à prendre sur celle à laquelle le budget de ce département a été fixé par la loi du 19 avril dernier.

Projets de loi accordant des crédits au budget du ministère de la guerre en faveur des volontaires et de certains propriétés lésés lors du siège de la citadelle d'Anvers

Dépôt

M. le ministre de la guerre (M. Evain) développe ensuite deux projets, dont l’un tend à allouer un supplément d’indemnité aux officiers des volontaires tirailleurs francs et aux volontaires de Luxembourg et de Maestricht, et dont l’autre est relatif aux indemnités à accorder aux propriétaires qui ont éprouvé des dégâts par suite du siège de la citadelle d’Anvers.

- Ces exposés des motifs et ces projets, que nous donnerons plus tard en entier, sont renvoyés à une commission qui se compose de MM. Brabant, Desmaisières, H. Vilain XIIII, d’Huart, Corbisier, de Puydt, Fallon.

Projet de loi portant le budget du ministère des affaires étrangères de l'exercice 1833

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Traitements des agents du service extérieur

M. le président. - L’ordre du jour est la discussion du budget.

La chambre est arrivée à l’artitre 4 du chapitre Il, relatif aux traitements des agents du service extérieur.

Article 4

« Art. 4. Autriche : fr. 30,000. »

La section centrale ne propose aucune réduction.

- Cet article est adopté.

Article 5

« Art. 5. Russie : fr. 40,000 fr. »

M. Nothomb, commissaire du Roi. - Le gouvernement réduisant cette allocation à la somme nécessaire pour le dernier trimestre de l’année ne vous demande que 10,000 fr.

M. Legrelle, rapporteur. - L’honorable commissaire du Roi a prévenu ma demande. J’allais, en effet, vous faire la même proposition pour me conformer au vœu de la section centrale. Je ne sais pas même si une allocation, pour le traitement d’un envoyé diplomatique en Russie, sera nécessaire cette année. Je le désire sans l’espérer beaucoup.

- Le chiffre de 10,000 fr. est adopté.

Article 6

« Art. 6. Etats-Unis : fr. 25,000. »

- Adopté.

Article 7

« Art. 7. Diète germanique : fr. 12,000. »

M. Nothomb, commissaire du Roi. - Pour être conséquent avec votre première décision, il faut réduire cette allocation au quart ; il ne s’agit donc que d’une somme de 3,150 fr.

M. Legrelle, rapporteur. - La section centrale adhère au chiffre de 3,150 fr.

- Ce chiffre est adopté.

Article 8

« Art. 8. Brésil : fr. 21,000. »

M. Legrelle, rapporteur. - Lorsque la section centrale a adopté le chiffre de 21,000 fr., elle n’avait pas encore reçu tous les renseignements qui lui sont parvenus après sa décision.

Le chargé d’affaires au Brésil est nommé depuis plus d’un an ; il n’est pas encore parti. Différentes circonstances indépendantes du gouvernement et de la personne qui a été nommée ont retardé son départ. Mais le gouvernement ne lui a alloué pour les sept premiers mois que la moitié de son traitement. Au 1er août, l’envoyé fut mis en non-activité ; et dès lors il a dû être payé sur les fonds accordés pour les traitements des agents en non-activité, en sorte que, sans examiner si le gouvernement a bien ou mal fait de lui accorder la moitié de son traitement pour les sept premiers mois, il en résulte qu’il n’y a point de traitement à payer pour l’époque qui s’est écoulée du 1er août au 20 octobre et nous ne devons payer l’intégralité du traitement que pour le dernier trimestre de l’année.

Le traitement intégral donne 1,750 fr. par mois ; sept mois payés à raison de la moitié de cette somme font 6,125 fr.

J’ajouterai à cette somme de 6,125 fr. les trois mois de traitement intégral pour le dernier trimestre de l’année, ce qui fait 5,250 fr. ; 5,250 fr. ajoutés à la moitié du traitement pour les 7 premiers mois de l’année forment une somme de 11,375 fr., que la section centrale vous propose d’allouer.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - Messieurs, il y aura quelque chose d’irrégulier dans la manière qu’on vous propose de voter ; car la loi des crédits sera de fait convertie en une loi de comptes : néanmoins le service ne sera pas entravé.

L’envoyé du Brésil partira le 1er octobre pour sa résidence ; il m’a donné l’autorisation d’annoncer publiquement son départ. Dès lors le quart de l’allocation suffira, mais à condition que les sommes déjà payées, à raison de la non-activité, soient imputées sur le chapitre IlI.

Dans l’intérêt du gouvernement, et pour ne rien cacher à la chambre, j’oserai presque dire pour notre instruction commune, je vais donner des explications précises sur tout ce qui s’est passé : vous me saurez gré, je l’espère, de ma franchise.

Je vous ferai connaître d’une manière complète la position où s’est trouvé le ministre, par suite d’actes antérieurs et publics, actes qu’il ne lui était pas donné de révoquer entièrement. La personne dont il s’agit a été nomme chargé d’affaires au Brésil par un arrêté du 27 juillet 1832. A cette époque nous étions sous l’empire de l’arrêté du 22 septembre 1831, qui a réglé tout ce qui concerne le traitement des agents diplomatiques. Cet arrêté a été inséré au Bulletin officiel, et c’est sous son empire qu’a été discuté le budget de 1832. L’article premier, paragraphe 2 de cet arrêté porte « que le traitement d’un agent diplomatique court du jour de sa nomination, sauf disposition contraire. »

A défaut de disposition contraire, l’envoyé au Brésil, nommé le 27 juillet, aurait pu prétendre à l’intégralité de son traitement ; mais le gouvernement a fait une espèce de transaction avec lui, et par cette mesure, prise en novembre 1831, il a été réduit à la moitié de son traitement. Il était jusque-là retenu en Belgique par la nécessité de se procurer des renseignements indispensables à sa mission, renseignements qui nous manquaient par suite de l’absence d’archives ; puis il est tombé malade.

Le gouvernement, qui l’avait déjà une première fois réduit à la moitié du traitement, résolut de faire une réduction plus forte encore ; à cet effet, le ministre des affaires étrangères par intérim, M. le comte de Mérode, soumit au Roi un arrêté qui fixe les traitements d’activité, non à raison de la moitié des traitements effectifs, mais à raison du grade des agents ; cet arrêté est du 21 juillet dernier.

Ainsi, il y a eu trois positions successives : aux termes de l’article premier 1, paragraphe 2 du 22 septembre, le chargé d’affaires au Brésil aurait eu droit à l’intégrité du traitement ; par suite de l’arrêté de novembre 1832, il a été payé à raison de la moitié du traitement ; par suite de l’arrêté du 21 juillet 1833, il n’est plus payé qu’à raison de 4,000 fr. par an.

Le gouvernement a donc successivement remédié aux fâcheuses conséquences de l’arrêté du 22 septembre, mais il a dû respecter les droits acquis pour le passé par cet arrêté.

Le principe de l’arrêté du 22 septembre, qui fait courir le traitement à partir de l’arrêté de nomination, me paraît contraire à une bonne administration des deniers publics ; selon moi, le traitement d’un agent diplomatique doit courir seulement du jour du départ pour sa destination. C’est le principe qu’il est bon d’admettre pour l’avenir. Mais nous n’avons été amenés à ce principe que par l’expérience du principe contraire, et s’il y a eu faute, c’est une faute commune ; la législature, en votant le budget de 1832, connaissait l’arrêté du 22 septembre 1832.

Comme M. le rapporteur vous l’a fait remarquer, ces changements successifs ont créé des positions essentiellement différentes. Aussi longtemps que l’agent a joui de la moitié de son traitement, la dépense a pu être faite sur les fonds de l’allocation du Brésil ; la dépense de l’époque intermédiaire, du 1er août au 1er octobre, pourra être prélevée sur le chapitre IlI. Mais il faut une allocation spéciale pour le dernier trimestre.

Moyennant ces explications, je puis consentir au chiffre proposé par M. le rapporteur.

M. Legrelle, rapporteur. - Je crois inutile de revenir longuement sur un abus que l’on avoue franchement. Toutefois, un abus grave a été commis ; soit qu’il y ait eu un vice dans l’arrêté du 22 septembre, soit que les conséquences qu’on en a tirées aient été erronées, toujours est-il qu’un agent a été nommé pour le Brésil, qu’il a touché son traitement pendant quinze mois, et qu’il ne s’est pas rendu à son poste. Je saisis cette occasion de faire ressortir les dangers qu’il y aurait à ce que le gouvernement se crût autorisé à accorder un traitement qui partirait du jour même de la nomination d’un agent. Voici ce qui pourrait arriver, par exemple : Un ministre (et ici, je ne veux faire allusion à personne), voulant favoriser une créature, nommerait à une ambassade qui ne peut être remplie cette année, à l’ambassade de Russie entre autres. Cet ambassadeur serait tout à fait incapable ; mais qu’importe ? Il toucherait le traitement jusqu’au jour où la place devrait être occupée réellement par un homme plus digne de le faire. Mais, puisque M. le commissaire du Roi a insisté sur la nécessité d’un changement à cet égard, j’espère que le gouvernement ne tardera pas à nous proposer des modifications, Il faut que le traitement commence du jour du départ seulement. Et c’est dans ce sens que je ferais tout le premier une proposition à la chambre, si le gouvernement hésitait à nous la présenter.

M. Jullien. - Les observations que vous trouvez dans le rapport de la section centrale sur les allocations portées au budget pour nos envoyés au Brésil et en Espagne méritent la plus sérieuse attention de la part de la chambre. Je vais avoir l’honneur de vous en donner lecture pour vous mettre à même d’apprécier si les explications de M. le rapporteur cadrent bien avec la manière dont ces observations sont rendues dans le rapport. Les voici :

« La section centrale, en admettant sans modification ces deux articles, ne peut pas laisser ignorer que le gouvernement alloue depuis plusieurs mois la moitié du traitement à deux agents nommés pour le Brésil et l’Espagne, et qui paraissent ne pas devoir se rendre très promptement encore aux lieux de leur destination.

Cet usage intempestif d’un crédit éventuel aurait été jugé avec plus de sévérité, si un arrêté récent du 20 juillet ne fût venu modifier les dispositions prises jusqu’à ce jour, et n’eût imputé la dépense sur le chapitre III, qui offre une allocation pour les agents en inactivité. La section centrale n’a point été appelée à faire l’examen de cet arrêté, ni à juger du mérite de son application ; elle ne reviendra pas non plus sur l’utilité des frais que les nominations inopportunes des chargés d’affaires du Brésil et de l’Espagne ont occasionnés ; mais elle émet le vœu que le ministère suive à l’avenir une autre marche puisque l’expérience a démontré qu’en accordant une partie du traitement pour des emplois qui ne peuvent être immédiatement remplis, l’on crée une nouvelle espèce de traitement d’attente, une véritable sinécure. »

Messieurs, si la section centrale n’a pas été appelée à faite l’examen de l’arrêté dont il est question, il ne s’ensuit pas que la chambre ne doive pas être appelée à le faire ; il ne s’ensuit pas que la chambre n’est pas appelée à s’enquérir si la dépense qu’on lui propose peut être consciencieusement votée, ou si elle doit être rejetée.

Il est un fait dominant dans cette discussion : c’est qu’on a nommé deux chargés d’affaires dans des circonstances où il était impossible de les envoyer à leur destination, et la preuve que cela n’était pas possible, c’est que, nommés depuis 15 mois, ils n’ont pas encore quitté la ville de Bruxelles.

On nous a dit que ces chargés d’affaires avaient à prendre ici certains renseignements ; mais il était plus rationnel, je pense, d’aller chercher ces renseignements au Brésil. (Rires d’approbation.) D’ailleurs, messieurs, lorsqu’on nomme un ambassadeur, on suppose toujours qu’il a les connaissances indispensables et premières. Ici donc rien de tout cela.

Deux chargés d’affaires out été nommés. Aucun d’eux n’est parti ; faut-il les payer ? Voilà toute la question.

La section centrale pense que l’arrêté royal du 20 juillet doit influer sur vos délibérations ; je ne le crois pas, car cet arrêté n’institue rien de nouveau quant à la question qui nous occupe ; il fixe seulement la base du traitement de non-activité en raison de la hauteur du grade. L’arrêté de 1831 a posé les bases de l’obligation du gouvernement vis-à-vis des agents diplomatiques. L’article 3 est ainsi conçu :

« Un agent diplomatique qui aura obtenu un congé, ou qui, par suite de son rappel, se trouvera en non-activité, recevra la moitié de son traitement, tant que durera son congé ou sa non-activité, sans toutefois que ce traitement de non-activité puisse, dans aucun cas, excéder la somme de 5,000 fr. par an.

« Si durant ce temps, il est appelé à d’autres fonctions, le paiement du traitement de non-activité cessera à partir du jour où le traitement affecté à son nouvel emploi commencera à courir. »

Maintenant, et pour être bien au courant de cette législation, il faut savoir quel est le but du nouvel arrêté royal. Cet arrêté a pour but, je l’ai déjà dit, de fixer la base du traitement de non-activité sur la hauteur du grade.

Sous l’empire de l’ancien arrêté, un agent en non-activité de service recevait la moitié du traitement dont il jouissait. Ainsi notre ambassadeur d’Angleterre, revenant à Bruxelles en non-activité, aurait dû recevoir la moitié des 80,000 fr. dont il jouit ; notre ambassadeur à Paris n’aurait touché que la moitié des 58,000 fr. qui lui sont alloués. Vous le voyez, de deux agents dont le grade est le même, l’un aurait reçu beaucoup plus que l’autre. Or, cette infériorité est injuste, car enfin la différence du traitement vient de la différence des frais que leur résidence leur impose, et vous savez que dernièrement encore on faisait valoir très bien, ou du moins très longuement la cherté des vivres en Angleterre ; mais il est bien évident qu’une fois de retour à Bruxelles, l’ambassadeur d’Angleterre et l’ambassadeur de France, l’un n’a pas plus à dépenser que l’autre. Sous ce rapport donc, le dernier arrêté est sage.

Mais cette disposition devant laquelle la section centrale s’est arrêtée tout court, ne saurait avoir aucune influence sur la question qui nous occupe. Voyons quel est le droit que peut invoquer notre agent au Brésil. M. le commissaire du Roi vous a dit qu’il résultait du paragraphe 2 de l’article premier de l’arrêté du 22 septembre que son traitement avait dû courir à partir du jour de sa nomination ; il est ainsi conçu :

« Tout agent diplomatique jouit d’un traitement fixe et reçoit, lors de son départ pour le lieu de sa destination, et lors de son retour par suite de rappel, une indemnité pour frais de voyage.

« Le traitement commence à courir à dater du jour de l’arrêté de nomination, saut disposition contraire. En cas de rappel le traitement cesse huit jours après l’époque fixée pour le retour dans le royaume. »

On a conclu de là que, dès l’instant qu’il y avait nomination, de suite le traitement était dû. Non, messieurs, il ne suffit pas de nommer en l’air un agent, pour lui donner droit à un traitement ; il fallait dans ce cas combiner le paragraphe 2 de l’article premier avec l’article 3, et l’on aurait eu une solution équitable de la question.

Messieurs, qu’est-ce que suppose la loi ? Elle suppose que le droit au traitement de non-activité n’a lieu que dans le cas où l’agent vient à cesser ses fonctions. S’il y a guerre, par exemple, il est bien juste de lui assurer un traitement ; si l’envoyé tombe malade, voilà encore un cas de non-activité ; mais la non-activité suppose toujours l’activité antérieure.

Il n’y a pas de non-activité possible avant qu’il y ait eu activité. Or, je vous le demande, quel est celui de nos chargés d’affaires pour l’Espagne et le Brésil qui a été en activité ? Aucun, à moins qu’on ne prenne pour de l’activité leur séjour à Bruxelles. La loi a déterminé les cas de non-activité : vous le savez, ce sont les circonstances de guerre, d’hostilité, de maladie.

J’admets encore qu’un agent nommé, quand même il n’a pas eu l’occasion de présenter ses lettres de créance, ou s’il est arrêté en route par des événements majeures ait droit à un traitement de non-activité. Mais, à moins qu’on ne me prouve que les agents du Brésil et d’Espagne se trouvent dans un des cas dont j’ai parlé, le traitement qu’ils ont reçu pendant les quinze mois qu’ils sont restés à Bruxelles est une véritable prodigalité, une dilapidation des deniers publics, et je n’accorderai pas un sou pour une pareille dépense. J’accorderai les fonds pour le dernier trimestre qui reste à courir, si l’agent du Brésil doit, comme on nous l’affirme, se rendre à son poste. Sans cette condition encore, je n’accorderai pas un sou.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - Messieurs, il y a deux parties bien distinctes dans les observations que l’honorable préopinant vous a présentées. La première est relative aux arrêtés qui ont été pris successivement par le gouvernement, arrêtés que j’ai eu l’honneur de vous faire connaître ; il a fait la critique de ces arrêtés, mais je vous avais déjà présenté moi-même quelques observations ayant la même portée. J’avais avoué, et le gouvernement l’avait reconnu par ses actes, que l’article premier de l’arrêté du 22 septembre 1831 créait un droit exorbitant.

Je suis d’accord avec le préopinant sur ce qu’il a dit de cet article ; mais je ne puis adopter la deuxième partie de ses observations relative à la manière dont le gouvernement avait à faire l’application de l’arrêté du 22 septembre à l’espèce qui nous occupe.

L’honorable préopinant s’est demandé d’abord si l’agent du Brésil se trouvait dans un des cas prévus par cet arrêté, de sorte que, si je parviens à lui démontrer que cet agent se trouvait réellement dans un de ces cas, il me fera probablement la concession que cet arrêté conférait des droits que l’administration a dû respecter jusqu’à révocation ultérieure.

Cet agent était-il dans un des cas prévus par l’arrêté du 22 septembre 1831 ?

Et d’abord il n’avait pas obtenu de congé ; ce cas de non-activité n’existait donc pas.

Il n’avait pas été rappelé non plus ; cet autre cas de non-activité n’existait donc pas non plus.

Ainsi vous ne pouvez pas le regarder comme placé de plein droit dans un des cas de l’article 3.

Mais, messieurs, le paragraphe 2 de l’article premier est beaucoup plus général : le gouvernement y déclare qu’un agent, dès qu’il peut produire un arrêté de nomination, a droit au traitement à partir de la date de cet arrêté de nomination, sauf disposition contraire. Or, le gouvernement n’avait pas pris de disposition contraire ; et il est malheureusement vrai de dire que l’agent aurait eu le droit pendant quelque temps, de réclamer l’intégralité de son traitement.

Le gouvernement a senti que de grands abus pouvaient résulter de cette disposition ; il a senti qu’il fallait restreindre la portée de l’arrêté du 22 septembre, et il a pris une disposition contraire. C’est précisément dans ce sens qu’il n’a alloué d’abord que la moitié du traitement à l’envoyé du Brésil ; le gouvernement a reconnu que c’était encore trop, et il a voulu y remédier ; il a placé cet agent dans une situation plus défavorable encore, et c’est alors qu’il a été payé à raison de 4,000 fr. par an.

Comme l’envoyé du Brésil s’est trouvé d’abord dans la position de recevoir l’intégralité de son traitement, il aurait continué d’y avoir droit, si le gouvernement ne s’était pas hâté de prendre une disposition contraire ; le gouvernement a modifié sa position à deux reprises différentes.

Sans reconnaître précisément que la chambre soit liée par les actes que j’ai cités, toujours est-il vrai que le gouvernement était lié par l’arrêté du 22 septembre 1831 ; la chambre, statuant dans son équité, reconnaîtra que le gouvernement devait faire droit aux conséquences d’un acte public qu’il ne pouvait modifier que pour l’avenir et qui conférait des droits pour le passé.

M. Dubus. - Il y a plus d’un an que l’agent dont il s’agit est nommé. Ou il y avait nécessité de faire représenter notre pays dans le Brésil, d’y faire défendre nos droits commerciaux, ou il n’y avait pas nécessité de le faire. Dans le premier cas, pourquoi n’avoir pas forcé l’agent à se rendre à son poste ? dans le second, pourquoi l’avoir nommé ? M. le commissaire du Roi ne peut sortir de ce dilemme.

Cependant, on ne s’est pas borné à laisser l’agent tranquille à Bruxelles, on lui a encore payé son traitement. Je me trompe, on a transigé avec lui, et au moyen de cette transaction, on ne lui a donné que la moitié de son traitement. Je l’avoue, je n’ai pu entendre un pareil aveu qu’avec peine. Comment a-t-on pu ravaler le gouvernement au point de transiger avec un agent qui refusait de se rendre à son poste ! comment a-t-on osé le dire devant l’assemblée des représentants de la nation ?

Quel était donc l’arrêté qui mettait le gouvernement dans une position si fausse, qu’un agent eût le droit de rester à Bruxelles et d’exiger néanmoins l’intégralité de son traitement, s’il n’avait pas voulu consentir à une transaction ? Quelle est donc cette disposition absurde ?

L’arrêté de 1831 dit que le traitement commence à courir à dater du jour de la nomination, sauf disposition contraire ; mais il n y a pas d’article, que je sache, qui rende cette nomination irrévocable. Le gouvernement ne pouvait-il pas modifier l’arrêté de nomination et y mettre pour condition le départ pour la résidence ? Comment le gouvernement a-t-il pu en venir jusqu’à composer comme il l’a fait ? Mais on nous dit que l’agent s’est trouvé malade, et par suite dans l’impossibilité de partir.

Mais, messieurs, un agent qui est parti à son poste, et que l’on a rappelé alors même$ n’a pas droit à l’intégralité de son traitement : comment donc un agent qui ne se rend pas à son poste aurait-il plus droit que celui qui s’y est rendu ?

Il est évident que l’agent dont il s’agit pourrait réclamer tout au plus un traitement de non-activité. Le gouvernement pouvait encore lui prescrire un délai, et il n’en a rien fait. Ainsi vous le voyez, on a jeté les deniers du peuple, et c’est là un très grave abus.

Mais, a-t-on dit, le gouvernement lui-même a reconnu l’abus et il s est hâté d’y mettre un terme. Oui, il s’est hâté bien longtemps après (on rit), et seulement après avoir transigé. Je ne crois pas qu’on on puisse se glorifier de cette hâte.

On reconnaît bien la nécessité de rendre désormais cet abus impossible ; mais, messieurs, faites attention qu’on nous avait déjà promis formellement la même chose dans la discussion de 1832, et que cette promesse n’a pas été exécutée. Le ministre avait promis à cette époque de restreindre à 6 mois le temps du traitement de non-activité, de sorte qu’un agent diplomatique rappelé n’aurait plus rien à prétendre six mois après son rappel.

Je conteste tout ce qu’on a dit relativement à des prétendus droits acquis. D’ailleurs, s’il y a eu des droits acquis, c’est la faute du ministère qui les a laissé acquérir au préjudice du trésor.

En terminant, messieurs, il me semble que nous devons nous borner à voter 5,250 fr. Il y a un chapitre spécial pour les traitements de non-activité, c’est le chapitre III ; c’est là que viendra la discussion du traitement de non-activité accordé à l’agent du Brésil.

M. Jullien. - On prétend que celui qui a été nommé a acquis un droit au traitement du jour de sa nomination, et non du jour de son départ ; mais examinez les articles de la loi dans leur ensemble ; ils s’expliquent l’un par l’autre. Un agent diplomatique, pas plus que tout autre agent, ne peut être en non-activité s’il n’a pas été en activité. Lorsqu’on nomme un titulaire, c’est toujours à condition qu’il remplira les fonctions qui lui sont attribuées : la nomination d’un agent diplomatique est toujours faite sous la condition de son départ ; sans quoi, il est impossible qu’il reçoive un traitement pour un emploi qu’il ne peut remplir. Le gouvernement a été délié vis-à vis du fonctionnaire qui est resté quinze mois dans la capitale ; en ne partant pas, il a donné sa démission, et le gouvernement ne peut être tenu à rien faire envers un homme qui n’a rien voulu faire pour lui.

Un juge nommé pour un siège qu’il ne va pas occuper, ne peut exiger de traitement : la nomination est un engagement bilatéral.

La constitution défend de donner des pensions ; eh bien ! en admettant le système ministériel, on ne donnera pas de pensions, mais on donnera des traitements d’attente, on créera des sinécures ; on donnera la qualité d’ambassadeur au Brésil ; le titulaire ne quittera pas Bruxelles, et il jouira du traitement de non-activité. Il y a déjà assez d’abus dans l’emploi de nos finances sans en consacrer un nouveau. Il n’y aurait plus de frein si vous l’admettiez. En effet, c’est comme si vous disiez aux créatures ministérielles : Allons, les amis des hommes du pouvoir, le trésor est ouvert ; venez y puiser à loisir.

On fait toujours des vœux pour empêcher les abus ; il ne faut plus procéder ainsi ; il est temps de prendre des décisions.

M. Desmanet de Biesme. - Je veux rectifier quelques-uns des faits allégués relativement à l’envoyé du Brésil. On suppose que cet employé n’a pas voulu partir : cela est tout à fait inexact. Je suis charmé que M. de Muelenaere soit présent ; il pourra rendre témoignage de ce que je vais avancer.

L’envoyé au Brésil comptait si bien partir, qu’il avait fait les apprêts de son départ. Le ministre des affaires étrangères trouva qu’il était plus convenable d’ajourner le départ et de prendre des renseignements sur nos intérêts commerciaux avec le Brésil dans les diverses villes du royaume ; c’est ce que l’envoyé fit. Pendant qu’il recueillait des renseignements, est arrivé le siège d’Anvers, et il ne put partir quand son travail fut terminé. Depuis il a fait une maladie grave. On dit qu’il ne veut plus partir ; mais il n’en a pas reçu l’ordre. On parle d’arrangements avec ce fonctionnaire : ce n’est pas un homme à argent ; il n’est pas intéressé ; il prendra ce qu’on lui offrira.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - Je puis confirmer tout ce qui a été dit par le préopinant : il est vrai que l’agent dont il s’agit, dans les premiers mois après sa nomination, a été chargé de recueillir des renseignements sur notre commerce avec le Brésil, renseignements qui manquaient au ministère, dépourvu d’archives. Il est tombé malade après les affaires d’Anvers mais depuis sa maladie il a reçu l’ordre de partir, et il m’a fait avertir aujourd’hui qu’il partirait pour le 1er octobre.

Une question d’imputation a été soulevée par M. Dubus : « On pourrait, dit cet orateur, réduire au quart l’allocation en reportant le traitement de non-activité au chapitre IlI. » Je crois devoir prévenir l’assemblée que si elle adoptait cette manière de procéder, je pourrais me rallier à la proposition qui est faite.

L’honorable orateur a posé un dilemme : ou il y avait nécessité ou il n’y avait pas nécessité d’envoyer un agent au Brésil.

Le dilemme serait vrai, si réellement cet agent avait été en état de partir : c’est là une question et de fait, une question d’équité. Quand on nomme un agent, s’il refuse de se rendre à sa destination, le gouvernement n’est pas lié à son égard ; mais telle n’est pas la position de cet envoyé. L’envoyé avait une position lucrative ; on lui a offert la légation du Brésil ; il a quitté sa position pour accepter ; il prend des renseignements sur les intérêts de notre commerce avant de partir ; le siège d’Anvers l’empêche de partir ; il tombe malade : est-ce que le gouvernement aurait pu lui dire : Vous ne toucherez pas de traitement ? Cette conduite du gouvernement serait par trop rigoureuse. Le siège d’Anvers et la maladie sont des faits indépendants de la volonté de l’envoyé ; ces faits ne pourraient donc pas délier du contrat. Je me flatte que les considérations présentées par l’honorable M. Dubus n’exerceront pas d’influence sur votre esprit, en les mettant en présence des faits signalés par M. Desmanet de Biesme.

M. de Muelenaere. - Je regrette de ne pouvoir confirmer qu’une partie des faits énoncés par l’honorable M. Desmanet de Biesme, car l’autre partie s’est passée lorsque je n’étais plus au ministère.

Quand M. Mary fut nommé comme chargé d’affaires au Brésil, il était dans ma pensée qu’il se rendît le plus tôt possible à sa destination, et de ne lui accorder pour délai que le temps nécessaire pour préparer son départ. Au bout de quelques jours, il me proposa de le laisser prendre des renseignements dans nos villes commerciales ; il me fit sentir la nécessité d’avoir des notices sur les intérêts commerciaux de la Belgique avec cette partie du globe ; j’avouerai que ce projet de M. Mary me plut, et je lui donnai ordre de se rendre dans nos cités commerçantes. Je l’ai vu dans les Flandres où il avait recueilli des renseignements précieux. Ce n’est qu’après plusieurs mois qu’il est parvenu à rassembler les documents qui lui étaient nécessaires. J’ai quitté le ministère au mois de septembre, et il paraît que depuis cette époque des circonstances indépendantes de la volonté de M. Mary ont empêché son départ ; mais je ne puis rien dire sur ces faits.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - Je ne puis me rallier à la proposition faite par M. Dubus, qu’autant qu’on augmentera en même temps le chapitre III. S’il entre dans l’intention de la chambre d’augmenter ce chapitre des sommes égales à celles qui ont été payées aux agents nommés, je n’ai pas d’objection à faire.

M. Dubus. - J’ai dit qu’il y aurait à prendre en considération le chiffre du chapitre III pour les traitements en non-activité. L’agent du Brésil n’est pas le seul qui soit dans le même cas.

- Le chiffre 5,250 fr., proposé par M. Dubus pour l’article 8 (Brésil), est mis aux voix et adopté.

Article 9

« Art. 9. Espagne : fr. 12,600 fr.

M. Legrelle, rapporteur. - L’analogie qui existe entre cet article et le précédent est frappante ; je crois que, pour être conséquent, nous ne devons que trois mois ou 3,150 fr., et cette somme ne sera même pas nécessaire, car je ne crois pas qu’on puisse envoyer un agent en Espagne avant le 1er janvier.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - L’honorable rapporteur de la section centrale paraît désirer savoir s’il y aura possibilité d’envoyer un agent en Espagne. Je dirai à cet égard qu’on pourrait, dans tous les cas, envoyer en Espagne un agent commercial qui serait reçu à titre officieux. Cet envoyé est réclamé par le commerce, et sa présence serait d’autant plus nécessaire que l’on pourrait par là régulariser en partie ce qui concerne nos consulats dans cette contrée.

M. Dumortier. - Je ne sais pas ce que c’est que des agents officieux : il est déshonorant pour une nation de ne pouvoir envoyer que des agents officieux là où il doit y avoir des agents officiels. L’Espagne, gouvernement absolu, n’est pas disposée à recevoir nos envoyés ; je demande la suppression de cet article, qui est un abus et un abus scandaleux au budget.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - Il n’y a rien de déshonorant à faire ce qui est utile au pays. Si l’Espagne ne peut nous reconnaître ouvertement, elle peut du moins consentir à recevoir un agent officieux, et alors nous devons envoyer un tel agent. Je comprends les questions de dignité, mais je ne discute ici qu’une question d’utilité, et je crois qu’elle doit l’emporter sur toutes les autres considérations.

M. d’Huart. - Il faudrait savoir si, dans le cas dont il s’agit, il se présente des motifs semblables à ceux que l’on a signalés dans la discussion de l’article précédent : l’envoyé a-t-il eu des renseignements à prendre, est-il tombé malade, etc. ? Puisqu’on demandera des fonds pour traitement de non-activité, il faut que la chambre sache ce qui a pu empêcher ce personnage de se rendre à sa destination.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je pense que la position de l’agent qui devait être envoyé en Espagne n’est un mystère pour personne. Il est connu que cet agent a quitté une position très favorable pour accepter des fonctions qui, vous ne pouvez en douter, auraient été remplies dans l’intérêt de la Belgique. Cet agent est tombé malade dans le mois même de sa nomination. Sa maladie ne le privait pas seulement de la faculté de voyager, mais elle l’avait presque privé de ses facultés intellectuelles : elle n’a pas cessé entièrement ; cependant la guérison a fait des progrès.

Nous vous le demandons, n’y aurait-il pas rigueur extrême, injustice à supprimer le traitement à cet agent qui a été retenu dans le pays par une circonstance de force majeure ? Le gouvernement avait fait une acquisition précieuse dans cet agent : il compte encore sur les services que cet homme pourra rendre au pays, soit à l’intérieur, soit à l’extérieur.

Quant à moi, s’il m’est permis de parler des intérêts commerciaux, je ne croirai pas la Belgique déshonorée parce qu’elle enverrait à Madrid un agent qui n’y serait reçu qu’officieusement et point officiellement.

Le gouvernement ne pousse pas la susceptibilité nationale aussi loin que l’honorable M. Dumortier.

Je regarde comme une chose juste de conserver le traitement à l’agent. Cependant je consentirai au retranchement des trois premiers trimestres du chapitre II, si on les porte au chapitre IlI relatif aux agents en non-activité.

M. de Brouckere. - Il faut remettre à la discussion du chapitre IlI la solution de la question, parce que le gouvernement ne s’oppose pas à la suppression des trois premiers trimestres.

M. Dumortier. - Je demande la suppression totale, parce qu’il n’y a pas possibilité d’envoyer un agent actuellement en Espagne ; je veux qu’on y envoie un agent officiellement et non officieusement. Au reste, si on ne l’avait nommé qu’à titre officieux, on ne demanderait pas de traitement officiel pour cet agent. Nous ne sommes reconnus par l’Espagne : est-il possible alors de nommer un ambassadeur qui ne serait pas reçu ? On invoque des considérations d’humanité : je ne connais pas la personne nommée, je compatis à la perte qu’elle a faite de sa santé ; mais nous ne pouvons donner des pensions de 10 à 12,000 fr. aux personnes qui éprouvent de fâcheux accidents.

Nos finances seraient bientôt dans un état déplorable si on grevait le trésor pour doter tous les malades de la Belgique, et vous feriez du royaume un grand hospice où tous les hommes privés de santé se rendraient avec empressement. (On rit.)

On dit que cet agent a perdu une belle position : eh bien que la liste civile lui fasse une pension ; nous, nous ne pouvons créer de sinécure. Vous avez dans les séances précédentes flétri le système des traitements d’attente ; pouvez-vous le consacrer aujourd’hui parce qu’il se présente sous une autre forme ? A l’exclusion de cinq ou six personnes, le gouvernement de la Hollande n’a pas donné de pensions à des personnes qui n’avaient jamais rendu des services au pays. Voulons-nous faire plus mal encore que ce gouvernement n’a fait ?

M. Jullien. - La diplomatie ne reconnaît pas les agents officieux, elle ne reconnaît que les agents officiels ; sans le caractère officiel vous ne pouvez être agent diplomatique. Si vous voulez envoyer un agent commercial en Espagne, donnez-lui qualité de consul ; mais ne portez pas au budget un ambassadeur qui ne peut être reçu par un gouvernement absolu. Je n’ai pas l’honneur de connaître l’individu qui a été nommé, mais je ne repousserai aucune des considérations qui pourraient être en sa faveur ; les considérations de justice, d’équité seront toujours bien accueillies dans cette chambre.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - Je ne puis demander à la chambre une inconséquence. Je me rallie au chiffre de M. Dubus, attendu la décision précédente qu’on vient de prendre.

M. Dubus. - On a demandé les 3,500 fr. pour un agent officieux ; mais je dois faire observer qu’il s'agit d’agents officiels dans l’article.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - Nous perdons de vue que la somme demandée par le gouvernement n’est qu’un crédit subordonné, dans son emploi, aux éventualités politiques. J’ai déjà fait connaître les motifs d’utilité qui peuvent exiger l’envoi d’un agent commercial en Espagne : de plus il n’est pas impossible que, d’ici au 1er janvier, un agent officiel puisse être reçu par l’Espagne, parce qu’un traité définitif avec la Hollande peut être conclu avant la fin de l’année.

M. A. Rodenbach. - Je ne puis admettre la suppression totale de l’allocation. Nous expédions des toiles pour des millions en Espagne ; nous y avons donc besoin d’agents commerciaux pour y défendre nos intérêts. Si nous ne pouvons y avoir un agent diplomatique, ayons-y au moins un consul. Avec les millions que le budget prélève sur notre industrie, on peut bien entretenir un agent qui la protège.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - Je ne suis pas le défenseur des gouvernements ; mais je dois dire que l’Espagne nous traite avec assez de bienveillance. Notre pavillon flotte quelquefois dans les ports d’Espagne ; on n’exige pas que nous hissions le pavillon blanc, et les autorités ont manifesté des regrets de ce qu’une nécessité politique empêchait de nous reconnaître.

M. de Brouckere. - Y a-t-il un consul en Espagne pour soutenir les intérêts de notre commerce ?

M. Nothomb, commissaire du Roi. - Il n’y a pas de consul en Espagne parce qu’un consul a besoin d’une reconnaissance que l’on nomme exequatur. Nous avons pris des renseignements à Paris sur les motifs qui empêchent que nous ayons des consuls reconnus dans les ports de l’Espagne, et on nous les a fait connaître.

Le gouvernement français a bien voulu inviter ses consuls à accorder au besoin protection à notre commerce.

M. de Brouckere. - Je suis étonné, qu’il n’y ait pas de consuls en Espagne, puisque nous en avons un à Lisbonne, autre gouvernement absolu.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - Il n’y a pas de consul reconnu à Lisbonne, parce qu’il ne peut avoir d’exequatur.

M. de Brouckere. - Ainsi, nous ne devons rien voter sur l’article en discussion. Au reste, si on était obligé d’envoyer un agent en Espagne, comme ce serait pour une mission extraordinaire, il serait payé sur un autre chapitre. On ne pourrait pas appliquer les fonds qui seraient votés ici aux missions extraordinaires, car ce serait les détourner de leur véritable destination.

M. A. Rodenbach. - Je suis de l’avis de l’honorable préopinant, C’est dans le chapitre des missions extraordinaires que nous voterons une somme de 4,000 fr. pour un envoyé en Espagne. L’Espagne est le pays de l’Europe où nous faisons le plus d’affaires ; il serait extraordinaire que nous n’y eussions pas d’agent.

M. Jullien. - S’il y a impossibilité d’avoir un agent diplomatique, que pouvez-vous envoyer, à moins que ce ne soit un commis voyageur ? (On rit.) Il n’est pas possible de nous occuper dans le budget d’un pareil missionnaire.

Le gouvernement déterminera dans quel temps, dans quelles circonstances, il pourra envoyer un agent diplomatique ; alors il nous le fera connaître, et en attendant il le paiera sur les missions extraordinaires.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - J’ai dit qu’il pouvait y avoir possibilité de reconnaissance de la Belgique de la part de l’Espagne, parce qu’il y avait possibilité que nos affaires fussent terminées prochainement avec la Hollande.

Au reste, qui vous empêcherait de voter des fonds pour un agent en Espagne ? Vous en avez bien voté pour un agent près de la diète germanique qui ne vous a pas encore reconnus et qui vous reconnaîtra aussitôt que vous aurez traité avec les Hollandais. Si vous avez admis cette éventualité à l’égard de la diète germanique, pour être conséquents avec vous-mêmes, il faut admettre la même possibilité à l’égard de l’Espagne.

M. A. Rodenbach. - Je crois que nous devons voter pour l’envoi d’un agent commercial en Espagne. Je ferai observer à M. Jullien qu’avant que l’Amérique fût reconnue, elle avait des consuls partout ; ce fait et d’autres semblables prouvent qu’en attendant la reconnaissance de notre nationalité nous pouvons avoir des agents commerciaux en tous pays.

- Le chiffre 3,150 est mis aux voix et adopté ; il forme l’article 9.

Article 10

« Art. 10. Italie : fr. 10,500. »

- Adopté sans discussion.

Article 11

« Art. 11. Suède : fr. 12,600. »

La section centrale propose 6,300 fr.

M. Legrelle, rapporteur. - Il faut la moitié des 6,300 fr. pour trois mois ou 3,150 fr.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - Nous sommes reconnus par la Suède. Il n’y a pas d’éventualité.

Le chiffre 3,150 fr., mis aux voix, est adopté.

Article premier (projet du gouvernement)

M. Legrelle, rapporteur. - Je ne crois pas que ce soit sérieusement que M. le commissaire du Roi nous ait proposé de porter en masse les chiffres des onze articles dans le chapitre II, et comme un crédit ; car par ce moyen il serait loisible au ministère de majorer les traitements des agents auxquels il voudrait être favorable : nous n’aurions rien à dire, pourvu qu’il ne dépassât pas le crédit.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - C’est très sérieusement que je remplis le mandat que le gouvernement a bien voulu me confier. Dans le budget précédent la chambre avait partagé le même chapitre en trois articles dont chacun était subdivisé en paragraphes ; la section centrale a fait disparaître les paragraphes en proposant autant d’articles que de légations ; mais cette subdivision tranche une question de pouvoir.

En France et dans d’autres pays constitutionnels, on a entendu le système des spécialités dans ce sens : c’est que la chambre vote sur chaque division séparément, sauf à réunir tous les crédits du même service en une somme totale que le gouvernement ne peut pas dépasser : le vote législatif ne porte que sur la totalité des sommes allouées pour le même service. J’ai sous les yeux le budget français de l’année 1831 ; la chambre des députés s’est livrée à une longue discussion sur la manière de rétribuer le service extérieur, mais son vote législatif n’a porté que sur la somme totale du traitement des agents à l’extérieur, chiffre qui montait à 4,144,000 fr., de sorte que la seule obligation que la loi ait imposée au ministère, c’est de ne pas dépasser ce chiffre.

Mais il est loisible au ministre de faire des transferts d’une légation à l’autre ; il lui est libre d’augmenter une légation, s’il trouve, dans d’impérieuses circonstances, des motifs pour légitimer cette augmentation dans la discussion de la loi des comptes ; car, messieurs, il y un contrôle autre que celui que vous voudriez exercé par le budget ; la loi du budget n’est qu’un crédit ; le contrôle définitif s’exerce quand il s’agit de régler les comptes des exercices.

Je ne dis pas qu’il n’y a pas obligation morale pour le gouvernement de se conformer à la répartition faite par la chambre ; mais l’obligation n’est que morale. C’est dans ce sens que je dois demander, au nom du gouvernement, qu’il soit statué sur cette question de pouvoir. Le ministère se conformera à la décision que vous allez prendre. Le ministère a besoin que toute incertitude cesse à cet égard ; il demande que vous vous prononciez.

M. Dumortier. - Il faut convenir, messieurs, que la prérogative royale s’accommode de bien des manières, puisqu’on vient prétendre maintenant que le budget des affaires étrangères n’est qu’un crédit et que nous n’avons de contrôle que lors de l’examen des comptes. N’est-ce pas là une extension des plus larges, une extension de nature à réduire notre vote à zéro ? Vous avez pu voir comment on entend nous rendre des comptes. Après vous avoir présenté le chiffre des recettes, on vous a présenté toute la loi des comptes en un seul tableau de 8 à 10 lignes pour 1831. Mais est-ce là ce qu’a voulu la constitution ?

On vient nous citer l’exemple de la France. Nous ne devons imiter la France que pour les bonnes choses et non pas pour les abus.

M. le commissaire du Roi prétend que les ministres ne peuvent pas dépasser le chiffre total voté par la chambre, mais qu’ils peuvent opérer un transfert d’un article à un autre.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - Non, ce n’est pas cela.

M. Dumortier. - Vous l’avez dit, et mes honorables collègues l’ont pu entendre aussi bien que moi. Eh bien ! l’article 116 de la cour des comptes porte entre autres choses : « La cour des comptes veille à ce qu’aucun article des dépenses du budget ne soit dépassé et qu’aucun transfert n’ait lieu. » Comment peut-on prétendre, en présence d’une disposition aussi formelle, qu’on puisse faire un transfert d’un article à un autre ?

Un honorable membre de cette chambre nous a parlé, dans une précédente séance, et précisément au sujet de ce chapitre, d’abus très graves qui auraient été commis, et par suite desquels la dignité royale serait en quelque sorte compromise. Je regrette beaucoup qu’il ne soit pas présent en ce moment, car il aurait sans doute pris la parole. C’est pour empêcher de pareils abus que l’année dernière nous avons catégorisé les dépenses. Ne serait-ce pas une chose scandaleuse, après avoir voté des sommes considérables, de voir donner des 80 et des 100,000 fr. pour des ambassades qui n’existeraient pas ? Ce n’est pas ce qui se passe en France que nous devons prendre pour modèle, mais ce qui s’est passé en Belgique à la chambre des représentants, et je demande que, conformément à nos antécédents de l’an dernier, nous établissions les dépenses par catégories.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - Il m’importe d’abord de rectifier l’assertion que l’honorable M. Dumortier m’a attribuée. Je connais parfaitement l’article de la constitution qu’il a cité, et c’est précisément pour cela que j’ai cru devoir soulever la question de pouvoir que j’ai soumise à la chambre. Toutes les considérations présentées par lui sont à côté de cette question.

Dans d’autres Etats représentatifs on n’a jamais contesté au gouvernement le droit de fixer les traitements administratifs et diplomatiques. Si la législature entend ne pas accorder cette faculté au gouvernement belge, elle le dira ; mais il faut qu’il existe une décision formelle à cet égard.

Le chapitre du budget de l’année dernière, qui réglait l’objet dont nous nous occupons, ne présentait que trois articles subdivisés en paragraphes. Il ne s’agissait pas encore là du transfert d’un article à un autre, mais de la faculté légale d’aller d’un paragraphe à l’autre. Toutefois le gouvernement n’a pas opéré de transfert de ce genre. Il a cru que dans le doute il devait se considérer comme légalement lié, mais il est temps que ce doute cesse. Ainsi, messieurs, vous avez à examiner si, par suite des subdivisions que vous avez établies en discutant le budget, vous imposerez au gouvernement une simple obligation morale ou une obligation légale. C’est là qu’est toute la question.

Remarquez, messieurs, que j’admets une obligation morale dont on ne peut se départir que dans des circonstances impérieuses, propres à légitimer la mesure aux yeux de la législature lors de l’examen de la loi des comptes.

La doctrine que je soutiens n’a donc pas ce caractère d’absurdité, d’inconstitutionnalité, d’arbitraire, qu’on a voulu lui donner. Quant à moi, si j’étais ministre, je déclare que ce ne serait que pour les raisons les plus impérieuses que je m’affranchirais de l’obligation morale que je reconnais. Je vais maintenant vous citer quelques cas analogues.

Vous aurez voté législativement le total pour l’administration centrale de chaque ministère, après avoir fixé quelques traitements en particulier.

Je suppose qu’un ministre, pour se procurer un employé supérieur, un secrétaire-général, par exemple, dont il ait un besoin indispensable, ne respecte pas la répartition que vous aurez faite : lors de l’examen des comptes, il viendra exposer à la législature les circonstances impérieuses, les motifs légitimes qui l’ont fait agir ainsi, et ces considérations, sans doute, décideront la législature à l’approuver.

En résumé, si vous réunissez en un seul chiffre, à l’exemple des chambres françaises, tous les crédits pour le service extérieur, vous n’imposez plus qu’une obligation morale au gouvernement, et sa seule obligation légale consistera à ne pas dépasser ce chiffre ; si, au contraire, vous faites vous-mêmes la répartition par articles, il sera légalement lié. Vous avez à opter ; mais il était de notre devoir de vous soumettre la question.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Messieurs, nous nous trouvons évidemment placés entre deux écueils et je crois que M. le commissaire du Roi a bien fait de ne point laisser trancher sans débats contradictoires une question aussi importante que celle qui vous est soumise. Ce n’est pas que son importance soit attachée à la spécialité que vous avez votée ; elle est dans le principe lui-même. Il peut survenir beaucoup de motifs pour étendre une allocation au-delà des bornes que vous lui avez assignées. Remarquez cependant que le gouvernement ne vient pas soutenir ce principe pour vous faire consacrer des abus déjà commis ; au contraire, il s’est religieusement renfermé dans des spécialités qui n’imposaient qu’une obligation morale. Cela fait voir qu’une obligation morale n’est pas toujours un mot dérisoire.

Nous sommes, je le répète, placés entre deux écueils : le danger de ne pas assez préciser la spécialité, et celui de la circonscrire de manière à ce que le gouvernement ne puisse pas faire ce qui serait le plus convenable dans l’intérêt du service.

Vous n’avez jamais converti en dispositions légales les développements du budget. Eh bien, si le principe qu’on a exposé était un principe absolu, vous devriez fixer non seulement le traitement du ministre, mais du secrétaire-général, de chaque chef de division, de chaque chef de bureau, et descendre jusqu’aux employés inférieurs. Mais il n’en peut être ainsi. Vous avez senti qu’il fallait laisser à l’administration son libre arbitre, parce que de cela seul pouvaient résulter une bonne division de détails et une bonne appréciation des services rendus par les employés. Aux termes de la constitution, les seuls traitements qui doivent être nécessairement fixés par la loi sont ceux de l’ordre judiciaire, et cette exception prouve que, dans l’esprit de la constitution, la fixation des appointements des autres fonctionnaires et employés est laissée au moins, comme règle générale, dans les attributions du pouvoir administratif.

Veuillez observer, messieurs, que cette thèse a déjà été admise par vous, quoique dans une limite plus resserrée. Par exemple, pour l’ambassade de la Grande-Bretagne, vous avez adopté une somme de 80,000 fr., savoir : 64.400 fr. pour le ministre plénipotentiaire, 12,600 fr. pour le secrétaire et 3,000 pour le commis. Eh bien, je pose en fait qu’il serait entièrement dans le droit du gouvernement de faire subir, soit au secrétaire, soit au commis, à la demande du plénipotentiaire, une réduction : ce serait peut-être un acte d’indélicatesse, de cupidité si vous le voulez ; mais ce ne serait pas un acte légal. Si un article peut se diviser en 3 paragraphes, il peut aussi se diviser en un plus grand nombre de paragraphes. Ainsi donc, la question de principe est plutôt favorable au gouvernement qu’à l’opinion de l’honorable député que je combats.

Messieurs, on vous a parlé de diverses éventualités ; en voici encore une. Je suppose que pour des raisons connues au gouvernement, et tellement impérieuses qu’il ne craigne pas de venir les soumettre à la chambre lors de l’examen de la loi des comptes, il soit obligé, pour faire remplir convenablement la mission de Russie, d’élever le chiffre à 45,000 fr., et que, pour faire face à cet excédant, il juge à propos de réduire à 20,000 celle des Etats-Unis ; si ce n’est pas par caprice et dans la vue unique de favoriser un agent au détriment de l’autre qu’il le fait, je dis que non seulement il est dans son droit, mais qu’il fait une chose que tout le monde approuverait. Il serait certainement blâmable s’il prenait sur les fonds d’une légation vacante pour ajouter au traitement d’un agent en activité ; mais dans le premier cas il ferait bien. Or, si vous admettez autant d’articles que d’allocations, le gouvernement ne pourrait plus agir de cette manière. La chambre jugera comment doit être décidée la question ; nous nous en rapportons à sa sagesse.

M. Legrelle, rapporteur. - Si le système de M. le ministre pouvait prévaloir, à quoi servirait de nous être arrêtés minutieusement pendant deux jours sur chacun des détails relatifs aux légations ? La chambre a déjà trop bien manifesté son opinion à cet égard pour qu’il soit nécessaire de s’y appuyer davantage. Je dirai seulement que la section centrale s’est conformée à l’avis unanime des sections. On nous dit que c’est une question que le gouvernement nous soumet en vertu d’une obligation que lui impose le soin de la prérogative royale ; eh bien, je crois que dans l’intérêt de la prérogative nationale la chambre la résoudra dans le sens où elle a été envisagée par la section centrale.

- Quelques voix. - Aux voix ! la clôture !

M. Dubus. - Je demande la parole contre la clôture. Messieurs il s’agit de principes qu’il est nécessaire d’apprécier. On vient de poser comme thèse générale que c’est au pouvoir exécutif qu’il appartient de fixer tous les traitements, sauf ceux de l’ordre judiciaire. On n’a rien répondu à cette assertion, et cependant c’est une question fort intéressante. (Oui ! oui ! parlez !)

- La chambre consultée décide que la discussion continue.

M. Dubus. - Les sections avaient attribué au gouvernement l’intention d’appliquer, selon ses convenances, aux dépenses d’une légation, les sommes qui auraient été allouées pour une autre légation. Toutes se sont élevées contre ce mode et ont demandé qu’il y eût autant d’allocations que de légations, afin qu’il ne pût être opéré aucun transfert d’un crédit à un autre. Mais s’il faut en croire M. le commissaire du Roi, ce n’est pas là l’intention du gouvernement. Il a vu là une question de pouvoir, et il a saisi cette occasion pour la traiter.

Si cela était vrai, il y aurait bien longtemps que cette occasion ce serait présentée, car au budget de 1831 le traitement du ministre se trouvait compris avec ceux de l’administration centrale, et la chambre a décidé qu’il ferait l’objet d’un article spécial, parce qu’il dépendait de la législature d’introduire autant de spécialités qu’elle le jugeait convenable dans le budget. Sur ce point, il y a une différence entre la loi fondamentale du royaume des Pays-Bas et la constitution que nous avons votée. Les changements que nous avons apportés dans notre constitution, nous les avons faits précisément pour que la législature, établissant des spécialités, pût porter remède aux anciens abus et limiter le gouvernement dans l’application de la loi du budget. L’article 127 de la loi fondamentale du royaume des Pays-Bas portait : « Les dépenses de chaque département d’administration générale font l’objet d’un chapitre séparé du budget.

« Les fonds alloués pour un département doivent être exclusivement employés pour des dépenses qui lui appartiennent, de sorte qu’aucune somme ne peut être transférée d’un chapitre d’administration générale à un autre sans le concours des états généraux. »

Il résultait de cette disposition qu’on ne pouvait pas opérer de transferts du budget de la justice au budget des affaires étrangères, mais la somme globale du budget de la justice ne formait qu’un crédit dont le gouvernement pouvait disposer comme il l’entendait. Voilà le système qu’on a voulu proscrire dans la nouvelle constitution.

Qu’a-t-on fait dans cette nouvelle constitution ? On a posé d’une manière absolue qu’il ne pourrait être fait aucun transfert.

Notez, messieurs, qu’on n’a pas dit transfert d’un chapitre à un autre, d’un article à un autre, mais aucun transfert. Or, le sens naturel de cette expression, c’est qu’on ne peut opérer de transfert d’une allocation à une autre. Or, ce serait un véritable transfert que d’appliquer à un objet du budget ce qui aurait été voté pour un autre objet. La constitution nous donne réellement le droit d’introduire dans les dépenses autant de spécialités que nous voulons. Seulement nous avons à examiner s’il convient de réunir en un seul chiffre un plus ou moins grand nombre d’allocations.

Cela emporterait peu d’inconvénients, selon les organes du gouvernement, parce que, disent-ils, il a une obligation morale quant aux spécialités, et il est toujours lié légalement quant à l’allocation globale qu’il ne peut dépasser.

Messieurs, si nous savons par expérience que cette obligation morale, on ne la respecte pas, cela doit nous engager à être plus circonspects. Or, si elle a été respectée, c’est parce que la cour des comptes s’est opposée à l’interprétation qu’on voulait donner à l’article 116 de la constitution. L’an dernier on a porté de 5,000 à 4,000 fl. le traitement du secrétaire-général des finances, et cependant on m’a assuré que le gouvernement, violant l’obligation morale qui lui était imposée, a continué à fournir le traitement sur le pied de 5,000 fl.

Au chapitre des affaires étrangères, on avait formé un chapitre pour les ministres plénipotentiaires, pour les ministres résidents et les chargés d’affaires ; chacun des paragraphes était distingué par une lettre. Eh bien ! après le changement du ministère, le gouvernement a demandé à la cour des comptes de porter sur l’une des grandes légations une partie de la somme restée disponible sur une autre légation. On voulait ainsi détourner des fonds de leur destination en dépit de la volonté de la législature, et c’est la résistance de la cour des comptes qui, seule, a pu empêcher le gouvernement de violer ses obligations morales.

Cet exemple doit nous déterminer à être plus sévères et à introduire une spécialité telle qu’on ne puisse plus équivoquer. Pour arriver à ce but, au lieu de distinguer par lettres les allocations diverses, la section centrale a proposé de les voter par articles séparés, et le gouvernement reconnaît qu’ainsi il n’y aura plus moyen d’opérer de transfert,

Mais, dit M. le commissaire du Roi, le gouvernement a le droit de fixer les allocations diplomatiques, et la législature ne peut s’arroger la faculté de fixer les traitements. Est-il vrai qu’il appartienne au pouvoir administratif de fixer les traitements ? Je cherche en vain une disposition à cet égard dans la constitution ; il n’y en a pas. L’article 61 de l’ancienne loi fondamentale en contenait une. Voici comment il était conçu :

« Le roi a la direction suprême des finances ; il règle et fixe les traitements des collèges et des fonctionnaires, qui sont acquittés par le trésor public ; il les porte sur le budget des dépenses de l’Etat.

« Les traitements des fonctionnaires de l’ordre judiciaire sont fixés par la loi. »

De tout cela nous n’avons admis que la dernière partie qui est devenue l’article 102 de la constitution. Mais le reste nous l’avons rejeté principalement parce que nous n’avons point voulu qu’il appartînt exclusivement à la prérogative royale de fixer les traitements dans tous les cas. Il résulte de là qu’il appartient à la législature de fixer les traitements qu’il lui convient et d’abandonner les autres au pouvoir exécutif.

Du reste, nous avons déjà fixé quelques-uns de ces traitements ; et l’opinion généralement reçue dans cette chambre et partagée par les membres mêmes du gouvernement, c’est que la législature ne fixe pas seulement ceux de l’ordre judiciaire. Le, projet de loi sur l’organisation provinciale contient des dispositions à cet égard, et la section centrale a proposé d’en ajouter d’autres. Personne ne s’est imaginé que c’était porter atteinte à la prérogative royale. Tout cela est dans l’intérêt de l’Etat.

Lorsqu’il s’agit de traitements considérables et que nous avons à craindre qu’ils ne soient portés à un taux exagéré, nous remplissons notre mandat en établissant une limite. Ainsi, quand nous avons fixé l’allocation de l’ambassade de Londres, nous avons opposé une barrière à une prodigalité nuisible au pays. En agissant ainsi, nous n’avons pas seulement exercé un droit, mais nous avons fait notre devoir. Je pense donc que la chambre sera fidèle à ses antécédents et à son mandat. (Aux voix ! aux voix !)

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je suis étonné qu’on demande à aller aux voix, quand la chambre n’a pas voulu adopter la clôture précisément en raison de la gravité de la question. Elle est aussi importante pour le gouvernement que pour la chambre elle-même, et je demande la permission de dire encore quelques mots. (Parlez !)

Selon le préopinant, la chambre peut diviser le budget en autant de spécialités qu’elle le juge convenable. Certes, elle le peut matériellement, car elle peut mettre à son vote même les conditions les plus attentatoires aux prérogatives des autres pouvoirs. Elle est investie d’un pouvoir absolu dont la limite ne se trouve que dans le bon sens et la conscience de chacun de ses membres.

Mais est-ce à dire que parce qu’elle le peut matériellement, elle le peut aussi moralement ? Si, par exemple, il lui plaisait non seulement de fixer certaines allocations, mais les traitements de chaque grade de l’administration centrale depuis les agents supérieurs jusqu’aux employés les plus infimes, pense-t-on qu’elle resterait dans l’esprit de la constitution, et qu’elle ne porterait pas atteinte à l’indépendance d’un autre grand pouvoir de l’Etat ? Pense-t-on que parce qu’elle n’a qu’une responsabilité morale, la chambre a un pouvoir absolu. Non, dans les gouvernements constitutionnels il n’y a aucun pouvoir absolu. Eh bien la conséquence nécessaire du système qu’on a mis en avant, ce serait que la chambre peut fixer tous les traitements, depuis celui du ministre jusqu’à ceux des derniers employés.

- Quelques membres. - Oui, si cela était utile.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - C’est précisément de la question d’utilité qu’il s’agit ici. Eh bien, cette question d’utilité à été résolue par des législateurs qui, je le dirai sans faire injure à la chambre, étaient au moins aussi éclairés qu’elle, par les législatures de France qui, avant et depuis la révolution, ont constamment entendu la spécialité dans le sens où je viens de parler.

Sans doute le transfert est interdit et l’honorable préopinant pourrait se rappeler que lorsque j’ai assisté avec lui à la délibération du projet de la nouvelle constitution, je n’ai pas été des derniers à proposer que ce principe y fût introduit. Mais, dit-il, on ne peut opérer le transfert d’une allocation à une autre ; et par allocation il entend, non pas seulement chaque article, mais les développements du budget...

M. Dubus. - Ceux qui sont portés dans la loi.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je soutiens, moi, que les subdivisions contenues dans les développements, et que servent à faciliter la discussion du budget, peuvent bien engager jusqu’à un certain point l’obligation morale du ministère, mais qu’elles ne peuvent le lier légalement qu’autant qu’elles entrent dans la loi votée comme articles législatifs. Voulez-vous un exemple de ce qui résulterait du système contraire ?

J’ai sous les yeux le budget des finances. et je vois au poste de secrétariat-général 28,000 fr., savoir : un chef de division, 5,250 fr. ; 12 employés, 22,750. Total, 28,000 fr.

Eh bien ! si dans le cours de l’année il plaît au ministre, par suite de considérations d’utilité publique, de supprimer un chef de division comme inutile, et de répartir son travail et son traitement entre trois ou quatre commis de plus, je crois qu’il fera très bien ; et cependant il ne se sera pas conformé aux développements du budget. Vous voyez donc qu’il ne faut pas pousser trop loin les conséquences de la spécialité, sous peine de faire passer l’administration dans la chambre même. Voilà où nous conduirait le principe exposé par les préopinants s’il était entendu d’une manière absolue ; votre sagesse, votre modération seule, j’en conviens, peut y poser des limites.

Quand j’ai cité l’exception relative aux traitements de l’ordre judiciaire, je n’ai pas entendu faire un argument a contrario ; mais j’ai voulu dire que, hors ce cas constitutionnel, l’exercice des prérogatives de la chambre doit être restreint aux raisons d’utilité.

L’honorable préopinant a prétendu que la chambre pouvait fixer certains traitements. Je prétends, moi, que, sauf l’exception rappelée, elle ne peut en général fixer qu’un maximum ; car si le ministre ne juge pas à propos d’employer toute l’allocation votée, soit parce que le titulaire de l’emploi auquel elle s’applique n’a pas droit à l’intégralité en raison de sa capacité, soit que l’estimation de son travail ait été mal fixée, il doit pouvoir le réduire.

Il n’est donc pas vrai que la chambre fixe ici les traitements mêmes ; car, s’il en était ainsi, le titulaire pourrait réclamer l’intégralité de l’allocation comme un droit acquis. La chambre, ainsi que les autres branches du gouvernement, n’a qu’un pouvoir relatif. Si l’on enlevait à l’administration l’entière faculté de fixer, dans aucun cas, les traitements de ses agents, l’administration passerait dans les chambres qui, manquant des éléments d’appréciation et des renseignements nécessaires sur les choses et les hommes, agiraient en aveugle.

Du reste, nous n’attachons pas beaucoup d’importance à cette question ; nous nous en rapportons à la sagesse de la chambre ; mais nous n’avons pas cru devoir laisser passer sous silence l’exposé de principes qui, poussés à l’extrême, conduiraient à l’annulation du pouvoir exécutif. (La clôture ! la clôture !)

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

M. le président met aux voix la question posée par M. le commissaire du Roi et consistant à savoir si on réunira en un seul chiffre les 11 articles relatifs aux légations.

- Personne ne se lève pour. (On rit.)

Chapitre III. Traitements des agents en non-activité

Article unique

M. le président. - On passe au chapitre III, intitulé : « Traitements des agents en non-activité. » Le gouverneraient avait proposé 8,400 fr. ; la section centrale n’a rien diminué sur cette allocation.

M. Legrelle, rapporteur. - J’ai fait le calcul des éventualités qui ont été renvoyées à ce chapitre, et j’ai trouvé en tout une somme de 11,133 fr. Je propose d’accorder 12,000 fr.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - J’ai cru devoir vous rendre compte des réserves que je désirais voir mettre au vote des articles 8 et 9 ; je ne rentrerai pas dans la discussion très étendue qui a eu lieu à ce sujet. Les actes administratifs vous sont connus, les faits particuliers vous le sont également. La somme de 8,400 fr. ne suffit plus ; il faut une augmentation, pour ne pas forcer les agents dont on a parlé à une restitution pour continuer les traitements de non-activité sur le pied de l’arrêté du 20 juillet de cette année. Je me rallie au nouveau chiffre proposé par M. le rapporteur de la section centrale.

M. Dumortier. - Je ne puis m’empêcher de prendre la parole lorsque j’entends citer un pareil arrêté, arrêté inconstitutionnel si l’en fût jamais. Comme il n’est peut-être pas à la connaissance de tous les membres de l’assemblée, je vais en donner lecture. Il se trouve dans le numéro du Moniteur du 4 août dernier. En voici les termes :

« Revu l’article 3 de notre arrêté du 22 septembre 1831, qui règle les traitements d’inactivité des agents diplomatiques ;

« Considérant que les circonstances qui, outre le grade, influent sur la fixation du traitement des agents des étrangers, n’existent pas lorsque ces agents se trouvent temporairement en Belgique sans emploi, et qu’ainsi il est plus équitable de fixer le traitement d’activité d’après le grade que de prendre pour base le traitement d’activité ;

« Voulant d’ailleurs concilier dans une juste mesure les intérêts des agents diplomatiques avec l’économie qui doit présider à toutes les parties des dépenses publiques ;

« Sur la proposition de notre ministre d’Etat chargé par intérim du portefeuille des affaires étrangères,

« Nous avons arrêté et arrêtons :

« Art. 1er. Les agents diplomatiques auront droit à un traitement d’inactivité lorsqu’ils cesseront d’être employés :

« 1° Par suite de la suppression de leur emploi ;

« 2° Par suite de la suppression temporaire de la mission à laquelle ils sont attachés.

« Art. 2. Auront droit au même traitement les agents diplomatiques qui, pour cause étrangère au mérite de leurs services, se trouveraient hors d’activité ; une décision royale les admettra à la jouissance de ce traitement.

« Art. 3. Le traitement d’inactivité est fixé ainsi qu’il suit :

« Pour les ministres plénipotentiaires, fr. 6,000 ;

« Pour les ministres résidents, fr. 5,000 ;

« Pour les chargés d’affaires, fr. 4,000 ;

« Pour les premiers secrétaires de légation, fr. 3,000 ;

« Pour les autres secrétaires de légation, fr. 2,000.

« Art. 4. Le traitement d’inactivité ne pourra se cumuler, ni avec un traitement quelconque payé par le trésor public, ni avec une pension payée sur les fonds du trésor, si ce n’est avec une pension de retraite pour services militaires.

« Art. 5. Le présent arrêté sera applicable, à partir du 1er août 1833, aux agents diplomatiques qui jouissent actuellement d’un traitement d’inactivité.

« Les dispositions de l’article 3 de notre arrêté du 22 septembre 1831, mentionné ci-dessus, sont abrogées. »

Je pense que le ministre qui a présenté cet arrêté ne l’avait pas lu, car sans cela je doute fort qu’il se fût permis de violer d’une manière aussi manifeste deux articles de la constitution. Comment est-il possible que M. le commissaire du Roi puisse invoquer une pareille disposition en présence des termes formels de l’article 114 et de l’article 139 de la constitution ? Je demande que le chiffre primitif de la section centrale soit adopté, et pas un sou avec.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - L’honorable préopinant a conclu en nous proposant de voter le chiffre primitif de la section centrale. Il m’est difficile de concilier cette conclusion avec l’idée dominante de son discours. Il a trouvé le principe même des traitements de non-activité contraire à l’article 114 de la constitution. Or, en votant un chiffre quelconque, il admet le principe. Un mot suffit pour démontrer que l’article 114 n’est pas violé. Il ne s’agit ni de pensions ni de gratifications ; il s’agit de traitements de non-activité ; il s’agit de prévoir les cas où par suite de circonstances particulières, indépendantes de sa volonté, un agent est dans l’impossibilité de rester ou même d’entrer en fonctions.

Il y a chose jugée. La question de constitutionnalité a été soulevée à l’époque de la discussion du budget de 1832. L’arrêté du 20 juillet 1831 était connu. Malgré quelques réclamations, la législature a voté le chapitre des traitements de non-activité. Le principe de l’arrêté du 22 septembre a donc reçu de la sorte une espèce de sanction législative. Qu’a fait le ministre d’Etat dont je regrette l’absence et qui signe l’arrêté du 20 juillet ? Il a corrigé l’arrêté du 22 septembre, mais il n’a pas créé le principe. Attaquer l’arrêté du 20 juillet, c’est reprocher, à celui qui en est l’auteur d’avoir fait une amélioration ; si l’on veut contester le principe, c’est au signataire de l’arrêté du 22 septembre 1831, qu’il faut s’en prendre ainsi qu’à la législature qui, par le vote du budget de 1832, a rendu l’application de ce principe possible.

Je crois qu’il est inutile que j’en dise davantage. La question de principe est écartée d’après la conclusion même de l’honorable préopinant. Il ne s’agit en réalité que d’une majoration que je demande avec le rapporteur de la section centrale, en me fondant sur des circonstances qui vous sont connues.

M. Dumortier. - Messieurs, ce qui s’est passé dans cette séance est pour nous une grande leçon. Nous savons aujourd’hui que lorsque nous votons une somme par complaisance, on vient plus tard s’en prévaloir pour prétendre que la législature a admis les principes les plus contraires à la constitution. Il me sera très facile de prouver que la chambre, par son vote de l’année dernière, n’a, en aucune façon, adopté de pareils principes. Mais je vous prie de prendre acte des paroles de M. le commissaire du Roi et d’agir avec la plus grande circonspection à l’avenir.

M. le commissaire du Roi prétend que l’arrêté du 20 juillet ne viole pas l’article 114 de la constitution, parce qu’il ne s’agit pas ici de pensions à la charge du trésor, mais de traitements de non-activité. Peu importe la dénomination qu’on leur donne. Le fait est que ce sont des rémunérations qui pèsent sur le trésor public et qui ne sont motivées par aucun service.

Or, l’article 114 de la constitution défend expressément d’accorder aucune gratification à la charge du trésor public, si ce n’est par une loi. Il y a donc là violation flagrante de la constitution. Nous avons tort, a-t-il ajouté, de reprocher à un ministre d’avoir signé l’arrêté du 20 juillet, parce que cet arrêté améliore celui du 22 septembre 1831. Je ne puis pas admettre ce système : lorsqu’il y a violation de la loi fondamentale, il ne peut y avoir amélioration. A la vérité, le dernier arrêté diminue la dépense ; mais souvenez-vous des paroles du ministre des affaires étrangères, M. de Muelenaere, lorsqu’il vous a demandé un crédit pour cet objet.

(L’orateur lit un passage d’un rapport fait le 21 mars 1832, et par lequel M. de Muelenaere prend l’engagement de proposer l’arrêté destiné à limiter à six mois les traitements de non-activité.)

Voici maintenant ce qui a été dit sur cette question dans la séance du ...

M. Nothomb, commissaire du Roi. - Du 22 mars 1832.

M. Dumortier. - Oui, du 22 mars. Il paraît qu’on avait relu cela d’avance. (On rit.)

Le Moniteur en rend compte ainsi :

« M. Leclercq soutient qu’il faut assimiler les traitements portés en cet article comme des traitements d’attente ou des espèces de pensions, et, sous ce rapport, il pense que ce devrait être l’objet d’une loi. Il votera pour l’allocation demandée ; mais il veut qu’il soit bien entendu que la chambre n’a pas voulu par là poser ou précédent dont on puisse se prévaloir par la suite.

« MM. Nothomb et de Muelenaere donnent sur cet article des explications, desquelles il résulte que cette allocation n’est destinée qu’à accorder une indemnité temporaire aux agents diplomatiques que des circonstances indépendantes de leur volonté forceraient à quitter leur poste, comme, par exemple, si un ministre résident recevait ses passeports de la cour auprès de laquelle il serait accrédité, parce qu’il aurait défendu avec trop de zèle les intérêts de la Belgique, ou que, par tout autre motif semblable, sa présence ne fût plus possible à cette cour. Tous les ans, au reste, cette allocation sera portée au budget ; il sera loisible aux chambres de l’accorder ou de la refuser.

« Après quelques observations de M. d'Elhoungne, et une réplique de M. Leclercq, l’allocation est mise aux voix et adoptée. »

Après cela, comment pouvez-vous prétendre que nous avons admis le principe ? Je le répète, l’arrêté viole non seulement un article de la constitution, mais il en viole deux ; l’article 114 et l’article 139. Puisque, de ce que j’ai dit tout à l’heure que je voterais pour le chiffre de la section centrale, on veut conclure que j’adopte le principe, je déclare que je voterai contre toute allocation, jusqu’à ce qu’une loi vienne établir que les agents diplomatiques en non-activité aient droit à un traitement. Personne ne conteste que cela peut être juste dans certains cas, mais il faut une loi.

M. de Muelenaere. - Je ne vois rien d’inconstitutionnel dans l’arrêté du 22 septembre. Cette question a déjà été longuement débattue dans cette enceinte. La chambre, en votant une somme pour les traitements de non-activité, a reconnu qu’il n’y avait là aucune inconstitutionnalité. D’un autre côté, je me rappelle qu’à cette époque même elle a reconnu la nécessité d’accorder des traitements de non-activité à des agents rappelés pour des motifs honorables.

Mais je suis d’accord avec l’honorable membre que ces traitements ne doivent être que temporaires, c’est-à-dire qu’ils doivent cesser après un délai au-delà duquel les agents rappelés doivent faire valoir leurs droits à la pension. Je crois donc que la chambre sentira encore le besoin d’accorder les moyens de donner des traitements de non-activité à des agents qui peuvent être rappelés pour des causes qui ne sont qu’honorables. (Aux voix !)

- Le chiffre de 12,000 fr. proposé par M. Legrelle est mis aux voix et adopté.

M. le président. - Nous passons au chapitre IV.

- Plusieurs voix. - A demain !

- D’autres voix. - Non, continuons !

M. le président. - Nous ne sommes plus en nombre, mais je rappellerai que l’appel nominal sera fait demain à midi et quart précis.

M. Nothomb, commissaire du Roi, annonce qu’il dépose sur le bureau un amendement pour compléter le budget de la marine, et il en demande le renvoi à la section centrale.

- La séance est levée à 4 heures 20 minutes.