(Moniteur belge n°250, du 7 septembre 1833)
(Présidence de M. Raikem)
La séance est ouverte à midi moins un quart.
Après l’appel nominal, l’un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier. La rédaction en est adoptée.
Quelques pétitions sont renvoyées, après analyse, à la commission des pétitions.
L’un de MM. les secrétaires donne lecture d’une lettre ainsi conçue :
« Monsieur le président,
« J’ai l’honneur de vous transmettre ampliation d’un arrêté qui nomme M. Nothomb commissaire du Roi, chargé de défendre le budget des affaires étrangères et de la marine.
« Veuillez agréer, etc.
« Le ministre d’Etat, chargé par interim du portefeuille des affaires étrangères,
« Comte Félix de Mérode.
M. d’Huart, rapporteur. - Messieurs, sur la demande de notre honorable collègue M. de Brouckere, vous avez renvoyé à la commission des pétitions, pour vous présenter un rapport spécial, la requête de dix-huit négociants en vins et liqueurs à Bruxelles, par laquelle ils se plaignent du rétablissement aussi subit qu’inattendu des permis de transport requis par l’article 38 de la loi du 2 août 1822, dont l’exécution avait, disent-ils, été abandonnée depuis la révolution.
Les pétitionnaires demandent en outre à la législature de réviser les lois existantes en ce que concerne les entrepôts de liquides, de modifier certaines formalités et certains droits, et d’en supprimer d’autres.
Pour que la chambre puisse se rendre exactement compte de toute la portée de la demande qui lui est soumise, je lui demanderai la permission de lire la pétition en entier : (Suit le texte intégral de cette pétition, non repris dans la présente version numérisée.)
Relativement au premier point, la loi qui instituait les permis de transport dits gelei billetten, ayant continué d’être en vigueur, il est assez difficile de s’expliquer comment l’administration des finances aurait pu, de son chef, en suspendre l’exécution depuis le moment de la révolution jusque dans le courant du mois dernier ; il aurait, à la vérité, pu arriver que dans les premiers mois de notre émancipation politique, lorsque tous les citoyens étaient préoccupés du salut de la patrie, l’exécution des lois ordinaires d’administration étant par là nécessairement relâchée, l’on ait perdu momentanément de vue l’accomplissement des formalités dont se plaignent les pétitionnaires ; mais il n’est guère permis de croire qu’elles aient été entièrement perdues de vue jusqu’à présent. Toutefois comme il s’agit d’un point de fait, il est convenable d’entendre l’administration des finances à cet égard.
Quant à ce qui concerne les dispositions législatives dont on demande l’adoption, la commission des pétitions n’a pas cru avoir la mission de vous en proposer l’admission ou le rejet. La matière lui a paru des plus graves, puisqu’il s’agit de moduler un système d’impôts et qu’il ne serait possible de se prononcer en connaissance de cause qu’au moyen d’une enquête qui rentre dans les attributions de la commission de révision des lois d’impôts, créée par l’arrêté royal du 22 octobre 1831.
Comme les pétitionnaires prétendent qu’il se perçoit, au préjudice du commerce, un droit illégal d’ouverture et de fermeture des entrepôts particuliers, la commission a examiné ce point avec la plus minutieuse attention. Elle ne s’est pas arrêtée à l’autorité d’une décision prise précédemment dans cette chambre sur une réclamation analogue. Cette réclamation, messieurs, était présentée par 47 négociants d’Anvers contre les droits perçus pour l’ouverture et la fermeture des entrepôts particuliers, et sur le rapport de notre ancien et très honorable collègue M. Leclercq, la chambre l’a rejetée par l’ordre du jour, dans la séance du 26 septembre 1831.
La commission, dis-je, a examiné, la loi à la main jusqu’à quel point l’allégation dont s’agit était fondée, et elle a trouvé qu’elle ne reposait que sur une fausse interprétation donnée à l’article 99 de la loi générale de 1822, déjà cité, ainsi conçu : « Dans aucun cas on ne pourra exiger des frais de surveillance pour des marchandises et à l’égard des frais d’ouverture et de fermeture des entrepôts publics et journaliers, ainsi que des frais de loyer des premiers, on prendra les dispositions propres à évitée aux intéressés toute charge onéreuse. » En effet, les pétitionnaires concluent de ce que cet article porte qu’il sera pris des dispositions propres à éviter aux entrepositaires toute charge onéreuse pour l’ouverture et la fermeture des entrepôts, qu’ils ne sont plus tenus au paiement d’aucun droit ; mais il est évident que par ces mots « toute charge onéreuse, » il faut entendre la charge la moins onéreuse possible, et non la suppression de toute charge quelconque. S’il en eût été autrement, il n’eût pas été fait de distinctions entre les frais de surveillance formellement prescrits et ceux d’ouverture et de fermeture.
L’article 204 de la même loi stipule au surplus, quant au taux des frais, qu’en attendant la révision des tarifs, ceux existants sont maintenus.
Il est peut-être bon de faire remarquer, en passant, que cette révision n’a pas encore eu lieu jusqu’aujourd’hui, et que c’est en vertu d’un tarif de 1819 que l’on perçoit les droits. Cela n’est pas sans doute illégal, mais cela peut paraître plus ou moins fiscal.
La commission a pensé, à l’égard de l’assimilation que les pétitionnaires cherchent à établir entre les droits de fermeture et d’ouverture des entrepôts, et les leges abolis par le gouvernement provisoire, qu’il n’y avait aucune espèce d’analogie ; elle regarde donc ce moyen comme inadmissible et ne méritant aucune considération. D’après les considérations qui précèdent, et vu l’importance de la pétition, j’ai l’honneur de vous proposer, au nom de la commission :
1° Le renvoi de la pétition au ministre des finances avec demande d’explications ;
2° Le renvoi à la commission d’industrie, de commerce et d’agriculture.
M. le président. - Je vais mettre aux voix ces conclusions.
M. de Brouckere. - Si la chambre veut admettre la proposition de la commission, le me dispenserai d’entrer dans aucun développement pour le moment, et je crois par là rentrer dans l’intention de l’assemblée ; car elle désire sans doute ne pas interrompre la discussion à l’ordre du jour. Mais je me réserve de soutenir la réclamation des pétitionnaires, avant la délibération du budget des finances.
Je prie M. le ministre des finances d’avoir la bonté de nous transmettre ses explications avant cette époque. De reste, je m’abstiendrai de toute observation, même pour la partie du rapport sur laquelle je ne sois pas tout à fait d’accord avec la commission.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je pense que M. le rapporteur a proposé le véritable moyen de procurer à la chambre tous les documents possibles. Je ferai droit à cette demande le plus tôt possible.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
M. Zoude, rapporteur, présente un rapport de la commission d’industrie sur une pétition qui lui avait été renvoyée, pétition relative aux os. La commission propose, à cet égard un projet de loi ainsi conçu :
« Léopold, etc.
« Par modification au tarif des douanes du 26 août 1822, en ce qui concerne l’article "os", les droits d’importation, d’exportation et de transit, sont fixés par mille kilogrammes comme ci-après :
« Os d’animaux de toute espèce, à l’entrée dans le royaume, 1 fr.
« A la sortie, 5 fr.
« En transit, 5 fr.
« Mandons et ordonnons, etc. »
M. le président. - Ce rapport sera imprimé et distribué. A quelle époque veut-on fixer la discussion ?
M. de Brouckere. - Il n’y a pas lieu de fixer un jour pour la discussion car, bien que le rapport qui vient de nous être lu se termine par un projet de loi, ce projet de loi ne nous a pas été régulièrement présenté, et la chambre n en est pas saisie.
M. Zoude. - Le projet de loi émane de la commission d’industrie, et c’est en son nom que je l’ai présenté.
M. Dubus. - Je crois, messieurs, que, d’après l’article 59 du règlement, la chambre se trouve saisie des propositions qui lui sont faites par les commissions permanentes. Cet article porte entre autres choses : « Les commissions permanentes sont chargées de préparer des projets de résolution, s’il y a lieu, sur des pétitions assez importantes pour que la chambre juge à propos de les leur renvoyer. » Or, par cela seul que la chambre a renvoyé la pétition à la commission d’industrie, elle lui a donné le mandat de préparer à ce sujet un projet de loi, s’il y avait lieu. Ce projet nous a été présenté en exécution de ce mandat même, et nous en sommes saisis.
M. de Brouckere. - Messieurs, cette discussion n’est pas nouvelle. Elle s’est déjà établie à l’occasion d’un autre rapport. Je ne puis pas partager l’opinion de M. Dubus et cependant je ne tiens pas beaucoup à la mienne. Si la chambre trouve bonne la manière de procéder que soutient cet honorable membre, je m’y soumettrai ; mais je dois dire que je ne crois pas que cela soit dans l’esprit du règlement, car les mots « projets de résolution » ne veulent pas dire « projets de loi. » Il s’agit là des résolutions de l’assemblée consistant à passer à l’ordre du jour sur des pétitions ou à les renvoyer aux ministres. Je pense donc que, pour agir régulièrement, il faut suivre la filière ordinaire ; mais je ne m’oppose point à ce que la chambre en ordonne autrement.
M. Dubus. - Il me paraît que cet objet ne peut faire question ; car, s’il en était comme l’a dit le préopinant, l’honorable M. Zoude n’aurait pas pu même lire son rapport entier ; il aurait dû en supprimer les conclusions. Ainsi, quand une commission permanente sentirait qu’une pétition est assez importante pour donner lieu à un projet de loi, et que ce projet de loi serait préparé, son rapporteur lirait le rapport, mais il s’abstiendrait d’en faire connaître les conclusions qu’il déposerait secrètement sur le bureau, avec une demande de renvoi aux sections pour en autoriser la lecture. Evidemment on n’a pas pu entendre que cela fût réglé de cette manière. Il faut, si un projet de loi termine ce rapport, que ce projet de loi, qui en est la conclusion, soit lu en même temps. La disposition du règlement, relative aux propositions faites par des membres isolés, n’est pas applicable ici.
M. le président. - Je vais mettre aux voix la question de savoir s’il y a lieu à discuter les conclusions de la commission.
M. de Robaulx. - Il me semble que ce n’est pas ainsi que la question doit être posée.
M. le président. - Pardon ; si la chambre rend une décision affirmative, alors il sera inutile de renvoyer la proposition aux sections, pour savoir si elles en autorisent la lecture.
M. de Robaulx. - Si on l’entend ainsi, je le veux bien ; mais je crois que voilà comme la question doit être posée : Faut-il renvoyer la proposition aux sections, pour qu’elles en autorisent oui ou non la lecture ?
- Quelques voix. - Mais la lecture a déjà été faite.
M. Legrelle. - Il me semble que nous sommes ici dans la même position qu’après la prise en considération d’une proposition faite par un membre de cette chambre. Je demande donc qu’on mette aux voix la question de savoir si l’on renverra la proposition de la commission de l’industrie à l’examen des sections.
M. le président. - Je vais d’abord mettre aux voix la motion de M. de Robaulx.
M. Dumortier. - Messieurs, on ne peut pas mettre aux voix une question déjà résolue plusieurs fois par l’assemblée, et pour citer un fait qui n’est pas éloigné, je rappellerai ce qui s’est passé à l’occasion du rapport présenté par M. Angillis au nom de la commission permanente des finances sur la loi des comptes. Alors, vous n’avez pas demandé que la lecture de ce rapport fût autorisée par les sections, et cela se conçoit. En effet, à quoi serviraient, si l’on était obligé de s’astreindre à cette formalité, vos commissions permanentes ? elles seraient d’une complète inutilité.
D’ailleurs, l’article 59 du règlement est extrêmement clair. « Les commissions permanentes sont chargées de préparer à la chambre des projets de résolution. » Or, il est constant qu’il s’agit là de projets de loi aussi bien que d’autres propositions. J’ajouterai que procéder comme on le demande, serait retarder la marche des travaux de la chambre, et sans aucun profit pour elle. La commission d’industrie n’a fait qu’exécuter le mandat qui lui était déféré par la chambre ; si vous renvoyez ses propositions de loi à l’examen des sections pour en autoriser la lecture, autant vaudrait ne pas avoir de commission d’industrie.
M. de Brouckere. - Selon moi la question est celle-ci : La chambre est-elle saisie oui ou non d’un projet de loi ? Je n’ai jamais entendu qu’on renvoyât le rapport de la commission d’industrie aux sections pour voir si elles autorisent la lecture du projet de loi qui le termine, mais je prétends qu’il n’y a point de projet de loi de présenté.
La commission des finances n’a pas présenté de projet de loi, quoi qu’on en ait dit. Le rapport qui a été fait par M. Angillis venait à la suite d’un projet de loi soumis à la chambre par le ministre des finances.
Dans aucun cas, messieurs, les commissions permanentes ne présentent de projets de loi. Qu’on lise tout le règlement et l’on verra, que nulle part on ne leur donne cette attribution ; et la raison en est toute simple, c’est que plusieurs membres de ces commissions pourraient ne pas vouloir des projets de loi qu’elles prépareraient, et qu’il ne faut pas qu’un projet de loi soit proposé au nom de membres qui s’y opposent.
En suivant la marche en faveur desquelles on a parlé, vous dispenseriez les projets de loi d’une commission permanente de la formalité obligatoire d’une discussion sur la prise en considération, formalité à laquelle est assujettie toute proposition des membres de cette chambre, ses auteurs fussent-ils même au nombre de 50. Dans la circonstance dont il s’agit, il m’importe peu quelle décision on prendra ; mais il pourra s’offrir des cas où la chose serait fort grave et où nous pourrions désirer qu’un projet de loi présenté par une commission permanente fût soumis à une prise en considération.
Si cependant aujourd’hui vous posez un antécédent contraire, vous serez obligés de renvoyer aux sections l’examen du fonds de ce projet avant qu’il ait été pris en considération.
M. Dubus. - Tout ce qu’a dit l’honorable préopinant revient à ceci : qu’il faut supprimer les commissions permanentes, car d’après son système elles ne serviraient plus à rien. Si leurs projets de loi sont soumis aux mêmes formalités que ceux proposés par des membres isolés, il est fort inutile qu’elles préparent des projets de résolution. Je crois que l’honorable membre restreint mal à propos la portée de ces mots « projets de résolution » à des résolutions d’ordre du jour, de renvoi d’une pétition à tel ou tel ministre. C’est une expression générale qui comprend les projets de loi aussi bien que les autres objets.
Lorsque la chambre vote sur un projet de loi et qu’elle l’adopte ou qu’elle le refuse, elle prend une résolution. Je le répète, la commission d’industrie ayant reçu de vous mandat exprès à l’égard du projet qu’elle vient vous soumettre, vous ne pouvez pas refuser de l’admettre ; vous ne devez pas délibérer sur sa prise en considération, vous avez à l’adopter ou à le rejeter. Il en est du mandat d’une commission permanente comme de celui d’une commission spéciale, à qui l’on confie la préparation d’un projet de loi sur telle ou telle matière. Le projet de loi n’est pas astreint aux mêmes formalités que celui présenté par un simple membre. Je crois, messieurs, qu’il y a lieu à déclarer que la chambre est saisie de la proposition de la commission d’industrie. (Appuyé ! appuyé !)
- La chambre, consultée sur la question de savoir si elle est saisie, oui ou non, du projet de loi dont il s’agit, se prononce pour l’affirmative.
Ce projet est renvoyé à l’examen des sections.
M. le président. - Nous allons nous occuper de la discussion de l’article relatif à la caisse de retraite.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Il me semble qu’il vaudrait mieux ne pas scinder le budget de la justice.
M. le président. - Alors je vais remettre en discussion l’article 2 du chapitre VI, relatif au Moniteur, dont le vote a été ajourné.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - En suite de ce qui avait été concerté hier à la fin de la séance, nous nous sommes réunis aujourd’hui avec M. le rapporteur de la section centrale, M. le questeur de la chambre et M. le ministre de l’intérieur. Je viens, messieurs, vous présenter le travail auquel nous nous sommes livrés.
Avant d’aborder les détails de cette discussion, je rappellerai à la chambre ce que j’ai eu l’honneur de lui dire dans les séances précédentes, que lorsque j’ai pris l’administration du Moniteur, je me suis trouvé en présence de conventions déjà arrêtées et dont je devais subir la loi. Je crois, du reste, qu’eu égard aux circonstances, on avait bien fait de conclure cette convention.
Voici la lettre que l’éditeur du journal écrivait à M. le ministre de l’intérieur, le 3 janvier 1833 :
« M. le ministre,
« D’après la demande que vous nous en avez faite, et d’après ce qui a été convenu, nous continuerons l’impression du Moniteur belge depuis le 1er janvier jusqu’au 31 décembre 1833, au prix de 80 fr. par numéro. Chaque numéro sera composé de 12 colonnes. Les suppléments nous seront payés à raison de 20 fr. par page, et pour un tirage égal à celui du journal, qui est fixé au maximum de 500 exemplaires.
« M. le directeur aura le droit de faire faire tout le journal en petit-texte non interligné ; chaque colonne aura alors 130 lignes sauf le titre.
« Il est bien entendu que l’impression du Moniteur nous est garantie pour un an au moins, et qu’elle ne pourrait nous être retirée dans le courant de cette année, sans nous indemniser des frais et pertes que ce changement nous occasionnerait, etc.
« Veuillez agréer, etc.
« A monsieur le ministre de l’intérieur.
« Signé, Ode et Wodon. »
Par suite de cette lettre, le Moniteur a continué d’être imprimé par MM. Ode et Wodon.
Le prix de chaque numéro du journal est fixé à 80 fr., ce qui fait, à raison de 360 numéros par an, 28,800 francs. Nous avons supposé que les suppléments pourraient arriver à la moitié, c’est-à-dire à 14,400 fr., en tout 43,200 fr. Toutefois, je pense que nos prévisions sont portées un peu haut pour les suppléments, d’autant plus que nous voulons toujours, quand nous le pouvons, entrer dans des voies d’économie.
J’ai fait scinder le compte rendu des séances du samedi, qui se trouve dans deux numéros différents, celui du dimanche et celui du lundi, pour éviter un supplément ; d’où il résulte une économie assez considérable, A ces 43,200 fr. ajoutez les frais de timbre évalués à 10,000 fr., vous avez déjà 53,200 fr. Il est inutile de répéter que cette dernière dépense n’est qu’une avance, de sorte qu’elle ne retombe pas à la charge du trésor public. De plus, messieurs, il faut encore ajouter à ces 53,200 fr. les frais de papier, les frais de port par la poste qui ne sont également qu’une avance, et les frais de bureau, de chauffage, d’éclairage. Ainsi, au lieu de rester au-dessous des 50,000 fr. que je demandais pour le matériel, on va beaucoup au-delà de cette prévision.
Dans les vérifications auxquelles nous nous sommes livrés au ministère de l’intérieur, nous avons reconnu que ce département avait payé pour le premier trimestre 21,500 fr. Si on quadruplait cette somme, on arriverait à un total de 86,000 fr..Mais je dois faire observer qu’à partir du 1er avril, j’ai fait bénéficier au trésor une somme d’environ 7,000 fr. pour les derniers trimestres, par suite des suppressions dont j’ai parlé hier. Le ministère de l’intérieur a dû supporter ces dépenses pour le premier trimestre.
Quant à moi, je demanderai à mon budget, pour faire face aux dépenses que mon département a supportées, 46,430 fr.
A propos de l’article sténographie, nous avons reconnu, avec M. le questeur, que le gouvernement avait payé au-delà des six premiers mois ; il a acquitté cette dépense jusqu’à la fin de juillet de sorte que la chambre n’aura à faire la dépense que de cinq mois. Elle n’aura à porter à son budget que 6,750 fr. pour les appointements des sténographes, au lieu de 15,000 fr. que la section centrale déduisait du chiffre que je demandais, au lieu même de 7,500 fr. que M. Dumortier annonçait devoir être transférés au budget de la chambre, qu’il croyait chargée de payer la dépense des six derniers mois.
M. Dubus. - Il me paraît très difficile de saisir tous ces chiffres. En définitive je ne sais pas s’il y a augmentation ou diminution sur l’allocation dont on avait parlé hier.
M. Fleussu. - Je dois faire remarquer que la base de mon raisonnement tombe, s’il est vrai que l’on ne comprend pas le produit des abonnements et annonces.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je me suis déjà expliqué sur ce point. J’ai dit qu’on ne comprenait point ici le produit des abonnements et des annonces, qui est évalué à 7,300 fr. pour 1833. Il est facile de concevoir que cette somme doit concourir à payer la dépense. Il y a quelque chose d’irrégulier dans cette manière de procéder, j’en suis convenu ; mais quand l’administration du Moniteur m’a été confiée, les voies et moyens étaient votés. Du reste, il avait été procédé de même pour l’année 1832. Lors de l’examen du budget de 1834, je rendrai compte à la section centrale du produit et de l’emploi des abonnements et annonces pendant les exercices de 1831, 1832 et 1833. J’ai pris en outre l’engagement, pour régulariser la comptabilité de faire figurer au budget des recettes, à partir de 1834, le produit des abonnements et annonces.
M. Dubus. - J’ai demandé si les chiffres présentés par M. le ministre formaient précisément la même somme que celle réclamée.
M. Legrelle. - La somme demandée était de 76.000 et quelques cents francs. Aujourd’hui, d’après les calculs du ministre dont j’ai tenu note, on ne demande plus que 74,680 fr., ce qui fait une diminution d’environ 2,000 fr.
M. Dumortier. - Messieurs, je ne laisserai pas terminer cette discussion sans vous faire encore une observation. Je viens d’établir le prix de chaque numéro du Moniteur, et j’ai trouvé un chiffre énorme ; vous voyez donc qu’il est nécessaire d’apporter à cet objet des améliorations.
On nous dit toujours qu’il faut avoir un journal officiel qui rende compte de nos séances ; que par là nous acquittons une dette vis-à-vis de nos commettants ; mais remplit-il ce but ? Le Moniteur a 120 abonnés. En admettant que la Belgique comprenne 3 millions 600,000 habitants, ce sera un abonné par 30,000 habitants. Ainsi donc il en résulte que, sur 30,000 citoyens, il y en a un qui lit nos séances. Le seul moyen de parvenir au but qu’on se propose, c’est de laisser le Moniteur à une entreprise particulière.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - J’ai déclaré hier que, dans le cours de l’année 1833, il m’avait été fait des propositions plus avantageuses que celles que j’ai trouvées passées en force de convention. J’ai promis d’examiner ces propositions quand il en serait temps, ainsi que la question de savoir si l’on ne pourrait pas, sans compromettre la régularité du service, mettre le Moniteur en adjudication. Mais je suis lié jusqu’en décembre.
Du reste, les calculs de M. Dumortier, sur le nombre des lecteurs, sont établis d’une manière fort superficielle. Tous les documents du journal officiel sont reproduits par tous les journaux ; aussi la publicité en est décuplée. Si l’on faisait le même, calcul pour le Moniteur français qui n’a que 3 à 4,000 abonnés sur 32 millions de population, on arriverait à peu près au même résultat.
Je propose cet amendement.
« Moniteur (pour les trois derniers trimestres) :
« Littera A, personnel : fr. 11,730
« Littera B, matériel : fr. 34,700. »
- Le chiffre proposé pour le personnel du Moniteur, dans l’amendement de M. le ministre de la justice, est mis aux voix et adopté.
Le chiffre proposé pour le matériel est ensuite adopté.
L’ensemble de l’article est également adopté.
M. le président - Nous passons maintenant à l’article 6 du chapitre VIII intitulé : « Achat des matières premières (pour les prisons).
Le ministre demande de ce chef 1,000,000 fr.
La section centrale n’a rien réduit.
M. Dubus. - J’ai une explication à demander à M. l’administrateur. Je voudrais savoir si cette dépense doit, d’après les circonstances, s’élever plus haut cette année que l’an dernier ; s’il y a des raisons pour acheter plus de matières premières en 1833 qu’en 1832.
M. Soudan de Niederwerth, commissaire du Roi. - L’achat des matières premières se règle d’après les demandes du département de la guerre. Nous ne pouvons pas calculer d’avance l’importance de ces demandes, et nous sommes obligés, dans certaines prévisions, de réclamer plus une année que l’autre. Je ferais remarquer, d’ailleurs, que tout ce qui n’est pas dépensé reste dans les caisses de l’Etat ; et si nous achetons plus qu’il n’est livré au ministère de la guerre, les objets restent en magasin.
Veuillez faire attention, messieurs, qu’il peut être avantageux de dépenser plus une année que l’autre. Nous pourrions. employer tout le million d’après le taux du marché, par exemple, si nous prévoyions que les fils de lin seront moins chers cette année que la suivante.
M. de Brouckere. - Pour ne pas retarder le vote des budgets, quand nous sommes déjà parvenus aux trois quarts de l’exercice, je me suis abstenu de renouveler les observations que j’ai présentées l’année dernière sur le chapitre des prisons. Je ne puis, cependant, m’empêcher d’en rappeler une. Je persiste à penser qu’on ferait très bien d’établir un nouveau mode de travail pour les maisons de détention, c’est-à-dire de louer les bras des prisonniers à des entreprises particulières. Il y aurait là tout à la fois avantage pour les prisonniers, simplification dans l’administration, et une économie considérable. Je ne suis pas le seul qui professe cette opinion. Je puis assurer, comme l’an passé, que la plupart des personnes qui se sont occupées de cette partie de l’administration partagent mon avis.
Aujourd’hui, c’est le gouvernement qui fait travailler les prisonniers à ses risques et périls, qui se charge de l’achat des matières premières, du débit des tissus fabriqués. Cela donne lieu à mille difficultés ; une année les commandes sont plus considérables que l’autre, et beaucoup d’autres inconvénients se présentent. Cette manière d’employer les prisonniers leur est préjudiciable. Il y a dans la maison de Vilvorde quelques ateliers où l’on s’est résolu à louer les bras des prisonniers. Eh bien ! j’en appelle au témoignage de M. l’administrateur lui-même, tous regardent comme une faveur d’être admis dans ces ateliers qui offrent beaucoup moins de difficultés que ceux du gouvernement.
Et voulez-vous voir, messieurs, la différence de ce que peut produire un prisonnier, selon qu’il est employé à tel ou tel de ces ateliers. Les ouvriers employés au tissage par le gouvernement ne produisent, terme moyen, par an qu’une somme de 228 fl., tandis qu’un chapelier, dans les ateliers des entrepreneurs, fait 678 fl. ; un buffletier, 1183, et un brossier, 524. Et cependant, malgré toutes les réclamations, le gouvernement s’abstient à ne pas vouloir admettre comme règle générale ce qui est adopté comme exception dans certains cas.
Pour cette année il ne faut pas y penser, mais j’engage M. l’administrateur à consulter les hommes qui, depuis longues années, se sont occupés de cette spécialité, et il acquerra la conviction que ce changement tournerait à l’avantage des prisonniers. Personne plus que moi ne rend justice au zèle, aux soins et à la probité de M. l’administrateur des prisons ; toutes ses vues, je le sais, sont utiles, et par exemple, on doit lui rendre hommage de toute sa sollicitude pour le moral des prisonniers ; mais il peut obtenir de nouveaux titres à notre reconnaissance en simplifiant l’administration. Rien n’a été fait à cet égard, et cette administration est aussi compliquée qu’autrefois.
M. Legrelle. - Je ne répéterai pas ce qu’a dit l’honorable M. de Brouckere ; mais je me réunirai à lui pour appeler l’attention de M. l’administrateur-général sur le point de savoir s’il ne conviendrait pas de louer à l’avenir les bras de prisonniers à des entreprises particulières. Je rends aussi hommage au zèle de M. l’administrateur, mais je désire qu’il introduise plus de simplicité dans cette spécialité. Ce sont les rouages compliqués de cette administration qui la rendent plus onéreuse pour l’Etat.
J’ajouterai que la question de la quotité de l’allocation n’est pas indifférente ici. Il importe que le chiffre du budget ne soit pas grossi et que celui des dépenses n’excède pas celui des recettes, afin que nos ennemis ne puissent pas dire que nous ne sommes pas en état de faire face à nos besoins.
Je crois que cette considération est de nature à faire impression sur la chambre, aujourd’hui surtout que l’armée est diminuée.
J’appuie la motion de M. Dubus de porter la somme à 900,000 fr.
M. Dubus. - J’ai proposé une réduction de 100,000 fr. En effet, messieurs, il importe de ne pas exagérer le chiffre du budget. Nous le discutons lorsque déjà les 3/4 des dépenses sont faites, et c’est ce qui nous met dans l’obligation de laisser subsister beaucoup d’allocations que nous aurions pu diminuer si nous avions été à même de nous occuper plus tôt de cette discussion.
Mais, d’un autre côté, cela présente un avantage : c’est que les besoins sont mieux appréciés, et que les éventualités se réduisent alors à leurs chiffres véritables. Nous devons donc nous abstenir d’adopter un chiffre élevé sous prétexte d’éventualités nouvelles ; nous voici au mois de septembre, et ce n’est pas en trois mois qu’il pourrait survenir des événements de nature à nous obliger à faire de grandes augmentations.
Pour ce qui concerne l’achat des matières premières, j’ai demande s’il y avait des raisons pour que le gouvernement y consacrât plus que l’année dernière. M. l’administrateur a répondu que la hauteur de ces frais dépend des demandes du ministre de la guerre, et il ne nous a pas donné d’autre explication. Mais les demandes de la guerre sont-elles plus fortes cette année que l’an passé ? L’année dernière on a augmenté l’armée, et on a dû se procurer un grand nombre d’effets et d’équipements. Cette année, au contraire, on a réduit l’armée, Par conséquent, nous serions fondés à croire que la dépense devrait être d’un chiffre moins élevé en 1833 qu’en 1832. Or, en 1832 elle n’était portée qu’à 868,000 fr., c’est-à-dire, à 32,000 fr. de moins que je ne propose d’allouer. Ma proposition va donc au-delà des besoins, et je pense qu’elle ne rencontrera pas d’opposition.
- La proposition de M. Dubus est appuyée.
M. Soudan de Niederwerth, commissaire du Roi. - Comment voulez-vous, messieurs, que l’administration travaille à l’amélioration des détenus, si l’entrepreneur des travaux devient le maître de l’établissement ? Car, messieurs, ne l’oubliez pas : l’entrepreneur à qui les bras seraient loués deviendrait bientôt l’homme le plus important : l’entrepreneur choisirait les contremaîtres, les inspecteurs, les surveillants, toute l’administration lui serait bientôt livrée. Je crois utile de citer encore le passage suivant d’un livre publié sur les prisons, tout récemment par deux commissaires envoyés aux Etats-Unis par le gouvernement français :
« Il résulte une grande simplicité dans la comptabilité à employer un entrepreneur, puisqu’on n’a affaire qu’à un seul homme. Mais il est évident que cet homme doit être d’une extrême exigence. Comme il fait tout, il veut gagner sur tout. On conçoit qu’il ne s’engage dans l’entreprise qu’avec des chances presque certaines d’un grand bénéfice au détriment du trésor public.
« Si l’on voulait, dans nos prisons (en France), imprimer à la discipline une direction morale, l’entrepreneur y serait un obstacle. Il se trouve en possession de la partie la plus importante de la discipline. »
Messieurs, je dois faire remarquer que le système suivi depuis trois ans n’a pas donné des résultats défavorables. J’avoue qu’il offre quelques complications, mais cependant les produits de 1831 sont assez considérables. Et en effet, messieurs, quel est le but principal des travaux des détenus ? c’est de couvrir la dépense des ateliers ; eh bien, nous avons couvert entièrement en 1831, non seulement cette dépense, mais les frais d’entretien des détenus dans les quatre grandes prisons.
Je dois dire qu’on s’exposerait à de grands embarras en adoptant le système des entreprises. D’abord, on ne trouverait peut-être pas d’entrepreneurs ; ensuite vous seriez exposés à toutes les chances des entreprises particulières. Il faudra l’intervention de contrats à longs termes, et alors, comment réaliser une seule amélioration ? Le système de l’honorable M. de Brouckere est plus restreint, il est vrai ; mais il vous répugnerait, vous regarderiez peut-être comme une chose criante, de faire des bras des détenus en un objet d’exploitation, et puis vous céderiez toujours aux entrepreneurs une partie des bénéfices.
Nous avons cru devoir continuer, messieurs, le système suivi sous l’ancien gouvernement ; nous en avons fait disparaître tous les abus ; mais nous n’en sommes pas moins disposés à admettre toutes les améliorations dont l’expérience nous démontrera l’utilité.
M. A. Rodenbach. - Les publicistes français critiquent, et avec juste raison, le système actuel des prisons, parce que les entrepreneurs dont il s’agit ne se bornent pas à louer les bras des prisonniers, mais parce qu’ils se chargent encore de leur nourriture et qu’ils s’acquittent fort mal de cette dernière obligation. Les prisonniers ne sont pas très heureux de ces entreprises. Je l’ai appris moi-même de leur bouche.
Quant à nous, nous voulons seulement louer les bras des détenus. Ce mode ne ressemble en rien au système français. Nous demandons qu’on fasse pour les détenus ce qu’on a déjà fait pour 80 : je ne vois d’ailleurs pas comment les entrepreneurs pourraient influer sur la moralité des prisonniers. Je regarde le système de M. de Brouckere comme très praticable, et il nous donnerait une économie de plus d’un million par an.
M. de Brouckere. - L’honorable M. Rodenbach a très justement interprété mes intentions. C’est dans le sens que vous venez d’entendre que j’ai proposé de mettre les bras des détenus en adjudication. Il en résulterait une grande simplification dans tout ce qui se rattache à la comptabilité, et c’est là un avantage réel.
M. le commissaire du Roi a cherché à nous démontrer que le système que je propose aurait des inconvénients. Ces inconvénients, messieurs, n’existent pas en réalité.
Et d’abord, il vous a dit que ce serait une chose criante de faire des bras des détenus un objet d’exploitation. Il a fait là une phrase bien sonore ; malheureusement cette phrase ne signifie rien ; car, messieurs, tous les ouvriers qui offrent leur travail à celui qui leur donne un salaire plus élevé, mettent ainsi leurs bras en exploitation. D’ailleurs, M. le commissaire du Roi ne l’a-t-il pas déjà fait pour quatre-vingts prisonniers ? Pourquoi lui répugnerait-il de le faire pour tous les autres ?
On vous a dit : Comment voudriez-vous que l’administration surveillât la moralité des détenus, si l’entrepreneur dirige seul tout l’établissement ? je ne crois pas que la crainte de perdre sa place ait inspiré ces paroles à M. le commissaire du Roi. Je connais trop bien sa délicatesse pour avoir cette pensée ; mais je lui rappellerai que l’administration n’en surveille pas moins les 80 détenus dont elle a loué les bras ; l’entrepreneur n’a pas plus d’autorité dans la maison.
On pourrait faire un contrat d’après lequel les prisonniers seraient tenus de travailler pendant un certain nombre d’heures ; l’entrepreneur aurait à surveiller si les travaux se font bien et pendant le temps convenu ; du reste, son autorité serait nulle sur les détenus, et son influence nulle aussi sur leur moralité. L’administration aurait toujours à surveiller si les prisonniers se conduisent selon la règle, et s’ils remplissent leurs devoirs religieux.
Ne vous fiez pas trop, messieurs, à ce que disent les publicistes. Car ils se perdent d’ordinaire dans des théories que l’expérience réprouve. Le comité de Bruxelles, dont j’ai l’honneur de faire partie, appuie le système que je vous ai développé ; le comité de St-Bernard, dont l’honorable M. Legrelle est membre, se range du même côté que le comité de Bruxelles, et je ne doute pas que les comités des deux autres grandes prisons du pays n’expriment la même opinion. Car, messieurs, ce qui est bon à Bruxelles et à St-Bernard est bon ailleurs.
On vous parlé des difficultés qui pourraient survenir entre les entrepreneurs et l’administration ; je répondrai en peu de mots. En France, il est vrai, les conseils de préfecture jugent les difficultés de cette nature. Mais ici ces conseils n’ont aucune juridiction sur le contentieux, et si une difficulté s’élève, elle sera du ressort des tribunaux.
Enfin, messieurs, si on adopte le système dont j’ai parlé, vous obtiendrez des bénéfices plus considérables, sans empirer le moins du monde la condition des prisonniers.
M. Soudan de Niederwerth, commissaire du Roi. - L’honorable préopinant se trompe, lorsqu’il donne le titre d’entrepreneur à celui qui n’est en réalité qu’un sous-traitant auquel l’administration ne fait que céder une partie de ses bénéfices sur les prix de vente, mais qui ne vend pas lui-même. Si M. de Brouckere n’entend parler que des sous-traitants, l’administration est disposée à adopter son système, sans abandonner toutefois sa surveillance sur les ateliers.
Elle doit se réserver la haute main sur ces établissements dans l’intérêt même des commerçants ; car, messieurs, vous n’ignorez pas que la concurrence des prisons, qui produisent à bien meilleur marché, serait écrasante pour le commerce. En 1831, une foule de réclamations se sont élevées contre la concurrence des prisons. Aujourd’hui, l’industrie des prisons n’est, en quelque sorte, qu’une branche de l’administration.
On vous a dit que les détenus préféraient travailler dans les ateliers de passementerie, par exemple ; mais cette préférence est due à la nature de ce travail qui leur rapporte davantage. Si la fabrique de toiles leur rapportait autant, ils s’y livreraient aussi volontiers. Mais il ne peut en être ainsi.
La chambre n’a pas pensé que je repoussais le système qu’on lui propose, dans la crainte de voir supprimer ma place. L’administration supérieure ne demanderait pas mieux que d’être débarrassée d’une surveillance qui l’expose souvent à se compromettre et à combattre sans cesse les intrigues des entrepreneurs des matières premières.
M. de Brouckere dit : Faites de bons contrats. Mais, vous le savez, les contrats quelque bien rédigés qu’ils soient donnent souvent lieu à des altercations. Nous sommes encore à la veille de recourir aux tribunaux pour une fourniture considérable de fil. Enfin, messieurs, et voilà le motif le plus digne de considération, non serions obligés de céder une partie des bénéfices, qui nous reviennent en entier maintenant. Les entrepreneurs n’y gagneraient pas de leur côté ; car, pendant les 15 années que le système de M. de Brouckere a été en vigueur, deux entrepreneurs particulièrement favorisés du gouvernement ont fait fortune. Trois se sont ruinés.
M. Dubus. - J’ai proposé une réduction de 100,000 fr. sur cet article pour le$ combattre. M. le commissaire du Roi nous a dit qu’il pourrait y avoir des avantages à faire des approvisionnements considérables de matières premières si le prix de ces matières était favorable. Je ferai remarquer que la question qui vient d’être soulevée s’oppose à ce que les approvisionnements soient faits ; car, messieurs, si vous veniez à adopter le système qu’on vous propose, cette quantité de matières premières deviendrait fort embarrassante, et vous éprouveriez une perte considérable sur le prix de l’achat. Je persiste dans mon amendement.
M. de Brouckere. - J’ai seulement voulu faire connaître que je demanderais, pour 1834, les changements que j’avais déjà réclamés. (Aux voix ! aux voix !)
- Cet article est mis aux voix et adopté avec le chiffre de 900,000 fr.
« Art. 1er. Frais d’entretien et de transport de mendiants dont le domicile de secours est resté inconnu : fr. 11,630. »
- Adopté.
« Art 2. Secours accordes aux établissements de bienfaisance, en cas d’insuffisance de leurs ressources : fr. 31,746. »
La section centrale propose de n’allouer que 10,000 fr.
M. Soudan de Niederwerth, commissaire du Roi. - Je pense, messieurs, qu’il y a eu erreur de la part de la section centrale. Elle dit dans son rapport que, eu égard aux dépenses de cette nature qui ont eu lieu pendant l’année précédente, elle pense qu’un crédit de 10,000 fr. pourra suffire. Il est vrai qu’il a été porté au budget un chiffre de 11,736 fl. ; mais faites-y bien attention, ce sont des florins et non pas des francs. Et puis l’administration a accordé depuis 1,363 fl., en sorte qu’en définitive, la dépense s’est élevée à 27,000 fr. Evidemment il y a eu erreur de la part de la section centrale, car elle n’aurait pas proposé 10,000 fr. pour 3,000 établissements de bienfaisance que nous pouvons avoir à secourir. Autant aurait valu ne rien accorder du tout.
Le but du gouvernement, messieurs, est d’encourager l’établissement d’hospices qui manquent pour les aveugles, les aliénés, les sourds-muets, les rachitiques, et une foule d’autres établissements dont le besoin se fait sentir. Avec 10,000 fr. que pourrions-nous accorder aux administrations qui essaieraient de les créer, mais dont les ressources particulières ne suffiraient pas ?
Sur la somme que nous vous demandons, nous avons déjà fait un prêt de 6,500 fr. au dépôt de mendicité de Namur ; nous avons accordé ce secours accoutumé à l’institution des sourds et muets de Liége ; voilà déjà 8,432 fr. dépensés sur les 10,000 fr. que veut bien nous allouer la section centrale.
La ville de Lessines a manifesté les intentions louables d’élever un hospice pour les orphelins. Elle aurait besoin d’un subside de 5 à 6,000 fr. pour ne pas différer l’exécution de cette œuvre d’humanité.
Je le demande, pourrions-nous seconder son dessein, si vous ne nous accordiez que 10,000 fr. ? Enfin, messieurs, tous les jours nous sommes exposés à recevoir de nouvelles demandes de la part des bureaux de bienfaisance, et pour y satisfaire ainsi qu’à tous les besoins que je vous ai signalés, nous ne pouvons pas réduire notre crédit à moins de 25,000 fr.
M. Legrelle. - Messieurs, en thèse générale, c’est un devoir pour l’Etat de secourir les pauvres, lorsque les communes, à qui cette charge incombe, manquent de ressources suffisantes. Mais toujours est-il que l’entretien des pauvres incombe directement aux communes : voilà la règle, voilà la loi. Cette loi crée en même temps des ressources pour les communes. Les octrois de bienfaisance sont institués pour les mettre à même de satisfaire aux besoins de leurs pauvres respectifs. Ainsi donc, lorsque M. le commissaire du Roi nous parle de trois mille établissements de bienfaisance que l’Etat doit secourir, il se trompe. Si nous nous écartions du principe que j’ai posé, les administrations de tous les établissements de bienfaisance viendraient s’adresser directement à l’administrateur du trésor ; imaginez, messieurs, ce qui en résulterait.
Lorsque la section centrale a proposé d’allouer 10,000 fr., elle a pris en considération certaine dépense, comme celle qui résulte d’une indemnité accordée à l’hospice de Bruxelles pour le traitement des blessés de septembre. En effet, messieurs, c’est là une dette de l’Etat à laquelle tout le pays a dû contribuer. Elle a pris aussi en considération certaines dépenses ayant un caractère de dépense générale et qui pourrait devenir nécessaire.
On a parlé d’établissement de sourds-muets dans ma ville : messieurs, nous n’avons pas d’établissement particulier ; nous envoyons ces malheureux dans l’établissement de M. le chanoine Triest, de Gand. Ce véritable philanthrope, dont je ne saurais assez vanter les bienfaits et le dévouement, reçoit nos enfants pour une somme modique ; et quelques centaines de francs suffisent pour satisfaire aux besoins d’une ville de 72,000 âmes.
En terminant, messieurs, je dirai que M. le ministre de la justice peut faire une répétition sur le crédit accordé à M. le ministre de l’intérieur.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Les établissements qui ressortissent du département de l’intérieur ont des besoins auxquels le ministre doit satisfaire. Il ne peut donc consentir à aucune répétition sur un crédit que l’on a déjà réduit de beaucoup. Je m’oppose, quant à moi, à ce qu’on reporte sur le budget du ministère de l’intérieur des dépenses qui appartiennent au budget de la justice.
M. Fleussu, rapporteur. - M. le commissaire du Roi s’est étonné de la réduction que nous avons opérée sur cet article ; il semble croire qu’elle résulte d’une erreur de la part de la section centrale. Je lui en demande pardon, la section centrale ne s’est pas trompée ; elle a bien vu qu’il s’agissait de 11,000 fl. et non pas de 11,000 fr. Si nous avons réduit le chiffre à 10,000 fr., c’est par suite d’un raisonnement que nous allons vous faire connaître.
Nous avons vu que, dans ces 11,000 fl., il y avait 4,972 fl. 81 c. accordés à l’hospice de la ville de Bruxelles, à titre d’indemnité pour le traitement des blessés de septembre. Voilà, avons-nous dit, une dépense qui ne se reproduira plus.
Le gouvernement ne peut pas avoir l’intention d’accorder chaque année une indemnité pareille, et, d’un autre côte, il n’est pas probable que les événements de septembre se renouvellent. Ainsi donc, voilà une dépense qui ne se reproduira plus. Nous avons vu qu’on avait donné à titre de prêt, au dépôt de mendicité de Namur, une somme de 6,500 fr., parce que ce dépôt se refusait à payer l’entretien des mendiants. Mais maintenant, les dépôts ne peuvent plus se refuser à payer d’après une loi récente ; et le gouvernement trouvera, je crois, dans un article de cette loi même, un titre pour se faire restituer ce qu’il a avancé au dépôt de Namur à titre de prêt.
En déduisant les dépenses dont je viens de parler, comme ne devant plus se reproduire, il reste une somme de 4,263 fl., qui correspond aux 10,000 fr que nous vous proposons d’allouer.
On nous dit que le crédit est presque entièrement absorbé. Eh bien ! faites-vous restituer les sommes que vous avez données à titre de prêt. C’est un argent dont vous pourrez disposer. Certainement la dépense que vous avez faite pour la ville de Liége est très bien faite ; mais elle n’a pas épuisé votre crédit, et il est évident, d’après l’examen de vos dépenses de l’année dernière, qu’une somme de 10,000 fr. doit vous suffire cette année.
M. Soudan de Niederwerth, commissaire du Roi. - L’honorable préopinant ne se rappelle plus que lorsqu’une somme est sortie du département auquel elle a été avancée, elle ne peut plus y rentrer ; il faut qu’elle retourne au trésor.
Ainsi donc messieurs, d’après les calculs que j’ai posés, il reste sur le crédit de 10,000 fr. une somme de 1,500 fr. à dépenser.
Maintenant, messieurs, je le répète, une somme de 25,000 fr. est nécessaire pour faire face aux besoins qui nous sont signalés ; je sais bien que les régences viennent, dans leur bienveillance, au secours de l’administration des hospices ; mais leurs efforts ne suffisent pas. Je fais moi-même partie d’une administration de bienfaisance qui tomberait si l’on abandonnait l’établissement à ses propres ressources.
M. de Theux. - M. le rapporteur de la section centrale vous a donné des explications sur la nature des dépenses qui ont été faites l’année dernière ; il vous a fait observé, qu’une seule de ces dépenses s’est reproduite cette année, je veux parler de celle qui est relative à l’établissement des sourds-muets à Liége ; celle-là, messieurs, nous la trouverons tous avantageuse.
On vous a signalé un établissement d’orphelins projeté pour la ville de Lessines. Mais, à cet égard, je vous ferai remarquer que l’entretien des orphelins incombe à la ville à laquelle ils appartiennent ; il n’y a pas de raison pour que l’Etat s’en charge.
Récemment vous avez admis le principe que les frais des établissements de bienfaisance retombaient à la charge des communes et à la charge des provinces si les ressources des communes étaient insuffisantes ; il ne faut pas vous en départir.
Une seconde dépense vous a été signalée ; je veux parler de la dépense pour créer des ateliers de travail dans les dépôts de mendicité. Vous savez, messieurs, qu’un seul de ces dépôts avait demandé des secours ; c’est le dépôt de Namur. Mais, d’après la loi que vous avez adoptée, ce dépôt n’aura plus à souffrir ; son administration sera en mesure de faire rentrer ses créances. Le gouvernement n’a donc plus de dépenses à faire de ce chef ; il a d’ailleurs fait un nouveau prêt de 6,500 fr. à cet établissement.
Jusqu’ici on ne nous a communiqué aucun projet d’établissement pour les aveugles ; de ce chef encore, il n y a pas lieu à majorer le chiffre de la section centrale.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je crois que le préopinant n’expose pas l’opinion d’une partie de la chambre, telle qu’elle a été manifestée du moins à l’occasion de la loi sur l’entretien des indigents. Il est certain, dans tous les cas, qu’il n’a pas exprimé l’opinion manifestée alors par le gouvernement ; ce qui en fait foi, c’est le projet ministériel qui vous a été soumis, et dans lequel il était stipulé que chaque année il serait porté un subside au budget pour que l’Etat concoure à l’entretien des dépôts de mendicité. Si la section centrale a rayé cette disposition, toujours est-il qu’elle n’a pas voulu préjuger la question.
Cette intention résulte de plusieurs explications que j’ai eues avec les membres de la section centrale et avec M. de Theux lui-même.
Du reste, j’invoque dans cette circonstance l’opinion de ceux qui ont proclamé que le gouvernement seul devait faire les frais des dépôts de mendicité ; une belle occasion leur est offerte de faire prévaloir leur doctrine, et nous avons le droit de compter sur leur appui.
Messieurs, on parle souvent et beaucoup du peuple dans cette enceinte ; et l’on a raison d’être toujours préoccupé de ses intérêts ; mais il ne faudrait pas s’en tenir à des protestations, de peur d’en faire révoquer en doute la sincérité.
M. de Robaulx. - C’est cela ! c est cela !
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Nous venons plaider, nous, la cause du peuple, du peuple souffrant. Hier encore nous plaidions la cause des malheureux ; nous vous avions dit que si vous refusiez le crédit, vous nous forceriez peut-être à laisser croupir de pauvres prisonniers dans une boue infecte ; nous parlions de ce peuple auquel on fait si souvent allusion ; eh bien, nous avons échoué ! Cette fois encore nous parlons en faveur du peuple souffrant, nous vous demandons les moyens de concourir à l’entretien des établissements de bienfaisance pour une classe spéciale de malheureux ; j’espère que vous nous entendrez.
Je pense que toutes les classes de la société doivent concourir à l’extinction des abus qui la menacent. Sans doute les communes, qui souffrent le plus du mal, et les provinces après elles, doivent fournir le remède ; mais l’Etat, qui lui aussi a intérêt à la répression des abus, à l’amélioration du sort de toutes les classes de citoyens, l’Etat doit un subside.
Nous le déclarons, messieurs, en présence des réclamations qui nous assiègent, nous aimerions mieux que la chambre nous refusât tout crédit que de nous réduire à l’inutile allocation de 1,500 fr., la seule qui resterait disponible.
M. de Theux. - A l’occasion de l’allocation qu’on nous demande, M. le ministre de la justice est revenu sur un vote émis par la chambre dans la séance d’hier. Qu’il me soit permis de répondre en peu de mots à ses observations. Je me proposais de prendre la parole hier, la clôture m’a empêché de le faire.
En parcourant la série des dépenses qui sont portées au chapitre dont il s’agit, j’avais remarqué qu’une grande partie se rapportait à des changements, à des améliorations à faire dans l’intérieur des prisons, principalement pour les infirmeries. Est-ce au mois d’octobre qu’il convient de procéder à des travaux de cette nature ? Je ne l’ai pas pensé, et c’est là le motif qui m’a fait appuyer la réduction de la section centrale.
Je reviens aux établissements de bienfaisance : l’année dernière les chambres s’opposaient à un crédit de 15,000 fl. J’ai demandé d’avoir égard aux circonstances difficiles où l’on se trouvait encore ; j’ai promis d’ailleurs de n’user du crédit qu’avec la plus grande parcimonie, la plus grande réserve, pour ne pas dévier du principe général, et je crois n’avoir pas manqué à mes promesses. (C’est vrai ! c’est vrai !)
On parle souvent du peuple, nous a dit M. le ministre ; on parle de soulagement et d’améliorations pour le peuple, et lorsqu’il s’agit de voter, la chambre recule. Nous avons assez prouvé par nos votes sur le système financier et les projets d’amélioration que nous ne reculons point, dans l’occasion, devant les intérêts bien entendus du peuple ; mais je ne pense pas, messieurs, que ce soit servir réellement les intérêts du peuple que de s’engager dans le système que l’on voudrait faire prévaloir.
Vous l’avez entendu, déjà la ville de Lessines demande un secours de 5,000 fr., secours qui devra être continué pendant plusieurs années. Certainement il n’est pas dans les intentions de la chambre de favoriser ainsi tel ou tel établissement particulier de telle ou telle ville. Ce ne serait pas d’ailleurs agir dans l’avantage des indigents. L’expérience nous l’a prouvé messieurs ; on retarderait des établissements dont on pourrait faire les frais, dans l’espérance d’obtenir des subsides, et bientôt le gouvernement serait assailli de réclamations de la part de communes qui reculeraient devant des dépenses qu’elles seraient à même de faire,
M. Verdussen. - Messieurs, des 8 articles qui figurent à la page 65, il n’y en a que 2 ou 3 que j’approuve. C’était aux communes à faire la plupart des dépenses, et si les communes ne pouvaient pas en supporter toute la charge, on devait recourir aux provinces. En définitive, messieurs, il n’y a qu’une somme de 2,100 fl. environ de bien appliquée ; mais nous ne pouvons cependant pas oublier que nous touchons à la fin de l’année, que 8,500 fr. à peu près sont déjà dépensés : il ne reste donc plus que 1,500 fr. Or, la somme est évidemment insuffisante, et je vous propose d’allouer 12,000 fr.
M. le président. - M. Verdussen propose 12,000 fr.
M. Soudan de Niederwerth, commissaire du Roi. - L’honorable ministre d’Etat me fournit l’occasion de démontrer que les réductions ne tournent pas toujours au profit de l’Etat. Cette année, a-t-il dit, on ne peut pas entreprendre de constructions : sans doute ; mais on aurait pu faire cette année les adjudications avec un bénéfice de 10 p. c. Nous avons fait des avances à la ville de Lessines ; mais nous ne continuerons pas d’année en année : il en est de même pour Dinant. Il n’y a pas d’irrégularité, comme on le prétend, dans les fonds donnés à l’hospice de Namur : 280 reclus sont dans cet établissement ; on menaçait de les mettre à la porte et nous avons fait l’avance demandée. En n’accordant que 18,000 fr., c’est annuler le pouvoir du gouvernement pour faire le bien. Si on s’adressait directement aux contribuables, ils souscriraient tous aux propositions du gouvernement.
M. Legrelle. - Je ne refuserai jamais rien aux pauvres, mais je veux ôter aux ministres le privilège de donner à telle ou telle commune, à tel ou tel établissement. Les communes doivent secourir leurs établissements, voilà le principe ; si les communes ne peuvent suffire à leurs besoins, c’est alors au gouvernement à les secourir. Si la commune d’Anvers a reçu quelque chose, c’est qu’elle a été obligée à de très grandes dépenses dans des circonstances extraordinaires ; mais le gouvernement a fait ces subsides à la ville d’Anvers, et non aux établissements de la ville.
Cette question de subsides se rattache de loin, il est vrai, au principe de la franchise des communes. Les communes doivent faire les dépenses comme elles le jugent convenable ; elles ne peuvent être mises en curatelle par le gouvernement. Les franchises communales sont le palladium des libertés de la cité, et c’est parce que je veux soutenir ces franchises que je repousse les moyens par lesquels le ministère prétexterait devoir contrôler leurs opérations, leur gestion.
M. de Robaulx. - Ah ! voilà la question !
M. A. Rodenbach. - En Amérique, le gouvernement fournit des secours aux établissements et surtout aux établissements pour les aveugles et les sourds-muets ; en Belgique, il n’y a pas de tels établissements ; si le gouvernement veut aider à leur création, je majorerai le chiffre. J’appuierai l’amendement de 18,000 fr. ; je sais bien que le chiffre de 25,000 fr. ne serait pas trop élevé, mais attendu notre déficit de 20 ou 30 millions, je ne voterai que 18,000 fr.
M. Soudan de Niederwerth, commissaire du Roi. - Dans un pays voisin on donne des secours aux aveugles, 68.000 fr. ; aux sourds-muets, 138,000 fr. ; à la société de maternité, 100,000 fr… en tout, 970,000 fr. Ce que vous voulez donner ici est hors de proportion avec ce qui se passe chez nos voisins.
M. de Robaulx. - Je ne m’attendais pas à voir une atteinte portée aux franchises communales dans des secours accordés à des bureaux de bienfaisance, ainsi que l’a dit notre honorable collègue M. Legrelle.
Quoique je n’aie pas l’habitude d’être d’accord avec le ministre, je crois qu’on peut appuyer sa demande, quand il s’agit de secours à donner à des établissements utiles au peuple. Quant à la question de franchises communales qu’on a extraite de la question de secours, voici mon avis : nous l’examinerons quand nous délibérerons sur l’organisation communale et provinciale ; nous ne devons pas dans ce moment y toucher : alors nous soutiendrons les droits des communes tout aussi bien que l’honorable orateur auquel je réponds.
On prétend que tout ce qui regarde les communes doit être indépendant ; si l’on faisait une semblable déclaration, j’aimerais autant qu’on déclarât la Belgique république fédérative. Or, quoique je sois républicain, je ne voudrais pas vivre dans un tel Etat, parce qu’il serait impossible de mettre de l’ordre dans la hiérarchie administrative. (Adhésion générale.)
Il est des communes riches en propriétés, elles n’ont pas besoin de secours ; il en est d’autres qui doivent se cotiser pour payer un garde-champêtre, et il faut bien que le gouvernement vienne à leur aide quand elles ont des aveugles, des sourds-muets ou d’autres malheureux… et aussi pour l’instruction primaire, comme me le souffle M. Lardinois. (On rit.) Quand l’instruction primaire sera décrétée, ceux qui s’écrient maintenant au servilisme quand on demande des secours, seront peut-être les premiers à réclamer des subsides pour leurs écoles. Je voterai les fonds que l’on demande, parce qu’ils sont utiles au peuple. Quand on fera appel à ma philanthropie, on me trouvera.
M. Jullien. - Les communes sont chargées de secourir leurs indigents ; et lorsque les bureaux de bienfaisance n’ont pas de ressources suffisantes, c’est aux communes à donner des subsides : et quand celles-ci ne peuvent les fournir, les provinces et l’Etat doivent des secours.
Voilà les vrais principes que l’on a semblé méconnaître quand on a discuté la loi sur les dépôts de mendicité. Attente-t-on à l’indépendance des communes en venant à leur secours ? Quand le gouvernement fournit à des besoins d’intérêt général, les franchises des communes ne sont pas compromises et les craintes de M. Legrelle ne sont pas fondées. Je voterai pour le chiffre de 25,000 fr., et je regrette qu’on ne demande pas davantage ; car plus on donne aux dépôts de mendicité, moins les communes sont surchargées.
M. Legrelle. - Les orateurs sont d’accord avec moi : je veux bien que les communes reçoivent des secours, mais je ne veux pas qu’à propos de subsides, le gouvernement veuille diriger les hospices ; c’est aux communes qu’il faut donner les secours, et non aux établissements.
Ce n’est pas moi qui empêcherai qu’on ne vienne au secours des pauvres ; toute ma vie prouve combien je m’intéresse à leur sort. (Bien ! bien !)
M. Fleussu, rapporteur. - Il ne s’agit pas ici de dépôts de mendicité ; il s’agit de secours à des société, qui voudraient créer des établissements et qui manqueraient de fonds suffisants pour atteindre leur but.
A l’occasion des secours à accorder aux établissements de bienfaisance, on a semblé incriminer les intentions de la section centrale parce qu’elle n’accordait pas tout ce que l’on demandait. On a parlé de l’intérêt du peuple : mais je demanderai à ceux qui nous parlait tant des intérêts du peuple s’ils s’occupent des intérêts de la nation ? Ils font des phrases en faveur des détenus de Gand qui piétinent dans la boue ; mais ne se souvient-on pas que nous avons accordé 100,000 fr., somme sur laquelle on pourra prélever les dépenses du pavage des cours de la prison de Gand ?
On a parle en faveur des aveugle, des sourds-muets... Mais, en donnant 10,000 fr., la section centrale croit fournir aux besoins puisque l’année dernière on n’a pas dépensé cette somme.
Comme député j’appuierai l’amendement de M. Rodenbach. (La clôture ! la clôture !)
- La chambre clôt cette discussion.
Le chiffre 25,000 fr., mis aux voix, est rejeté.
Le chiffre 18,000 fr., proposé par M. Rodenbach, est adopté.
« Art. 3. Avances à faire au nom des communes à charge de remboursement de leur part aux dépôts de mendicité, à la société de bienfaisance, et subsides en faveur de la colonie des mendiants fondée par cette société : fr. 126,984 »
La section centrale propose 74 074 fr.
M. Soudan de Niederwerth, commissaire du Roi. - Au bout de 16 années la société de bienfaisance doit entretenir mille mendiants gratis, moyennant le subside de 50,000 fr. par an ; mais évidemment au bout de 16 ans elle ne pourra pas remplir ses engagements.
M. Fleussu, rapporteur. - Le gouvernement se rallie-t-il à la proposition de la section centrale ?
M. de Nef. - Messieurs, je voterai pour l’allocation portée au budget présenté par le gouvernement en faveur des colonies agricoles et, désirant voir améliorer le sort des colons, j’aurais même voté volontiers pour une allocation plus forte, s’il avait été possible de la trouver.
Je vois cependant que la section centrale propose dans un rapport de n’accorder qu’une partie du crédit demandé, savoir uniquement ce qui est nécessaire pour mettre le gouvernement à même de pouvoir faire honneur aux engagements synallagmatiques qu’il a contractés.
Mais, outre les engagements de cette nature le gouvernement a encore d’autres devoirs à remplir, parmi lesquels je classerai, comme l’un des premiers, celui de ne pas laisser en proie aux souffrances et aux privations de toute espèce les malheureux qu’il enlève à la mendicité. Dans cette matière, il n’y a pas de milieu : si l’on veut défendre la mendicité en Belgique, il faut accorder les moyens de nourrir ceux qui l’on veut y soustraire, et je pense, messieurs, qu’il me suffira de vous donner quelques détails sur l’état de la colonie des mendiants, dont s’agit, pour que vous n’hésitiez plus à donner votre consentement au crédit qui nous est demandé.
La condition des colons a été souvent pire que celle des détenus qui subissent une condamnation criminelle ou correctionnelle ; il est à ma connaissance que dans l’hiver de 1831 à 1832, malgré que la ration de pain fût réduite même au-dessous d’une demi-livre, la qualité en était encore détestable ; c’est ainsi qu’après avoir donné du pain fait avec deux tiers de pommes de terre et un tiers de seigle, on a recouru ensuite à une espèce de pain de fèves, vulgairement dites fèves de cheval, et que finalement on a employé un mélange fait avec du seigle pourri et de la graine de genêts.
D’un autre côté, les colons, qui n’ont qu’une monnaie spéciale de plomb, se trouvent ainsi obligés d’acheter les autres denrées qui leur sont indispensables dans une boutique de l’établissement ; eh bien, pendant fort longtemps cette boutique a été dépourvue d’une quantité d’objets nécessaires à la subsistance des colons, et les choses qui s’y trouvaient y étaient vendues à un prix exorbitant ; c’est au point que, pendant quelques semaines, une livre de beurre y a coûté 12 à 13 cents de plus que dans les environs, et qu’au 1er mars de cette année, une livre de lard s’y vendait encore 46 cents, tandis qu’on ne la payait que 23 à 26 cents dans les communes voisines.
Je pourrais alléguer encore plusieurs autres faits, mais je pense que ce que je viens de dire est plus que suffisant pour convaincre un chacun que la plus grande misère a régné dans les colonies.
En vous présentant un tableau aussi affligeant sur la situation de cet établissement, mon intention n’est point d’en attribuer la cause aux membres de l’administration, et je me plais même à reconnaître que depuis quelques mois les abus qui j’ai signalés ont été beaucoup redressés ; la véritable cause se trouve dans le peu de ressources, qui ne permet pas de payer les fournisseurs autrement qu’à des termes éloignés, et qui a fait ainsi disparaître le crédit et la confiance.
Au 1er janvier dernier, la dette courante du service intérieur s’élevait encore à 49,800 fl., malgré l’économie sévère qui a été introduite dans l’administration et qui est telle qu’entre autres le traitement de l’administrateur, qui était précédemment de 3,000 fl., se trouve aujourd’hui réduit à 900 fl.
A l’occasion d’une pétition présentée à la chambre, j’ai déjà eu l’honneur de faire remarquer dans une précédente discussion combien est énorme la dette, successivement contractée par des emprunts depuis la fondation de cet établissement, et dont la cause doit être principalement attribuée à un mauvais choix de terrain pour la colonie libre et à la trop grande quantité de bruyères qu’on a voulu défricher à la fois, sans avoir les moyens de se procurer les engrais nécessaires.
Dans cet état de choses il n’y pas d’autre parti à prendre que de continuer à secourir les colonies, les maintenir au moins ainsi jusqu’à la paix, et conclure alors des arrangements avec les créanciers ; lorsque l’ordre aura ainsi été rétabli dans les finances de cet établissement, on verra bientôt renaître la confiance, et au moyen d’une bonne administration il deviendra possible d’améliorer le sort des colons et de rendre fertile une quantité de bruyères ; il faudra à cet effet une stricte économie, un bon choix de maîtres d’école pour instruire les enfants et leur inspirer avec de bons principes de morale l’amour du travail, une sage direction des travaux, et finalement tâcher par tous les moyens possible de se procurer à peu de frais des engrais. Ce dernier objet pourrait facilement être rempli sans aucune charge pour le trésor ; il suffirait pour cela d’y envoyer en cantonnement quelque cavalerie, pour loger ainsi un certain nombre de chevaux dans les écuries spacieuses qui existent déjà dans les fermes dépendantes de la colonie forcée.
J’ai pensé que ces explications pourraient être utiles pour encourager le gouvernement à veiller à la conservation des colonies agricoles et à ne pas laisser dépérir une institution dont le but, s’il est atteint, est réellement utile, et qu’on cherche même actuellement à imiter dans un pays voisin.
M. A. Rodenbach. - Je crois que par humanité nous devons accorder la somme de 74,000 fr. à titre d’avance, mais je crains bien que le gouvernement ne soit jamais remboursé, parce que l’institution marche de déficit en déficit, et dans ce moment elle est presque en faillite. Les mendiants, dans cette colonie, ils sont plus malheureux que les condamnés dans les prisons. Cet établissement est le résultat d’un charlatanisme philanthropique ; tout l’argent que donne le gouvernement est mis en poche par l’administration ; il faut que le gouvernement se tienne à son contrat. (La clôture ! la clôture !) (Au Moniteur n°280 du 7 octobre 1833, on peur lire ce qui suit : « Au directeur du Moniteur belge. Monsieur, à propos de la discussion sur la société de bienfaisance, vous me faites dire, dans la séance du 5 septembre, que tout l’argent que donne le gouvernement est mis en poche par l’administration : ce n’est pas ainsi que je me suis exprimé. Voici littéralement ce que j’ai avancé : « Cette institution marche depuis dix ans, de déficit en déficit, presque tout l’argent que donne le gouvernement sert aux frais d’administration, etc., etc. Agréez, etc. A. Rodenbach, représentant. »)
M. Dumortier. - Je ne sais si l’on a écouté avec l’attention qu’il méritait le discours de M. de Nef. Il faut que le gouvernement s’oppose aux abus que signale cet honorable membre, et que l’on prenne des mesures en conséquence.
M. Soudan de Niederwerth, commissaire du Roi. - Le gouvernement est tout à fait étranger à cette administration ; il ne peut que faire des observations ; il ne les épargne pas. 348 individus sont dans cet établissements, ils coûtent à l’Etat chacun 350 fl. ; si ces individus manquent de vêtements, d’aliments, c’est la faute de l’administration hollandaise.
M. A. Rodenbach. - J’ai omis de dire que cette société néerlandaise, soi-disant de bienfaisance, ne remplissait pas ses engagements ; et qu’elle avait chassé les mendiants de la Flandre.
M. Soudan de Niederwerth, commissaire du Roi. - La société ne doit entretenir que les mendiants valides. C’est d’après nos observations qu’elle a renvoyé les mendiants invalides qui sont entrés dans les dépôts.
M. Fleussu, rapporteur. - On a demandé la clôture, et on continue la discussion.
M. Dumortier. - La première condition du contrat, c’est de donner une nourriture saine aux malheureux qu’on doit entretenir ; dès qu’on ne la remplit pas, je demanderai la résiliation du contrat. (Appuyé ! appuyé !)
- La chambre ferme cette discussion.
Le chiffre 74,074 est adopté.
« Art. 4. Subsides pour les enfants trouvés et abandonnés, sans préjudice du recours aux communes et aux provinces : fr. 211,640. »
La section centrale propose 200,000 fr.
Le ministre déclare se rallier à la proposition de la section centrale.
M. de Theux. - Je désirerai que le ministre présentât le plus tôt possible le projet de loi qu’il a annoncé sur les enfants trouvés.
Je ne crois pas que ce soit l’Etat qui doive les entretenir. La loi du 3 mai 1802 met à la charge des départements cette dépense.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Messieurs, j’ai en effet rédigé un projet de loi sur l’entretien des enfants trouvés, et j’aurais désiré pouvoir le présenter à la chambre. Je me serais empressé de le faire, dans le désir qu’elle s’en occupât avant la fin de la session. Privé du secours d’un conseil de législation, j’ai dû recourir aux lumières des députations provinciales ; et c’est parce que j’ai dû attendre leur avis que l’époque à laquelle je voulais le soumettre aux chambres a été différée.
Je crois que la dépense principale des enfants trouvés doit incomber aux provinces ; ce n'est qu’exceptionnellement que l’Etat et les communes doivent y concourir. Je pense que les communes doivent concourir pour les enfants abandonnés dont les parents sont connus ; que les provinces doivent concourir pour les enfants abandonnés dont le domicile est inconnu et que l’Etat doit concourir pour une partie assez considérable à la dépense totale. La loi s’accorde avec le principe d’un subside au budget de l’Etat, et le subside demandé n’est pas trop élevé.
- Le chiffre 200,000 fr. est adopté.
« Art. unique. Frais de police : fr. 85,000. »
La section centrale propose 50,000 fr.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je sens avec quelle défaveur se présente l’allocation demandée par le ministère, lorsqu’on veut s’occuper des établissements de bienfaisance, questions sur lesquelles il peut y avoir divergence quant aux moyens, mais sur lesquelles il y a unanimité dans le but et dans les intentions. Ici ce n’est pas à votre cœur que j’en appelle, c’est à votre raison ; à votre raison d’hommes d’Etat et de gouvernement.
L’anathème lancé contre la police est ancien ; il s’est reproduit sous toutes les formes ; il en a revêtu d’éloquentes$ et de vices$, et cependant la police, considérée comme un mal nécessaire, a été absoute par les gouvernements, et par les gouvernements les plus éclairés.
En France, où l’on n’est pas en guerre, où l’étranger ne trouve presque plus d’auxiliaires pour planter$ en faveur d’un régime proscrit, on vote des sommes de trois à quatre millions chaque année pour les fonds de la police. La Belgique, entourée de dangers plus grands que ceux qui menacent la France, trouve dans la moralité et la sagesse de sa population, dans son attachement au nouveau régime, le moyen de réduire les besoins de sa police à une somme très modique. Pour les fonds secrets, nous demandons 35,000 fr. ; car il y a, dans l’allocation demandée, environ 40,000 destinés à une institution dont je puis révéler l’existence, car elle n’est un secret pour personne ; c’est la compagnie de sûreté.
Je ne l’ai pas créée ; elle n’est pas même l’œuvre de mon prédécesseur ; elle s’est établie d’elle-même aux premiers moments de notre révolution, et son existence a été sanctionnée par le témoignage d’hommes qui ne sont pas suspects en cette matière.
(Ici, M. le ministre lit un arrêté, signé de MM. Gendebien, Jolly et Vanderlinden, portant que la compagnie de sûreté est maintenue ; qu’elle sera payée par le département de la guerre, et que celui-ci remboursera à l’administration de la sûreté publique les avances qu’elle a faites de ce chef.)
Messieurs, j’ai eu l’intention de licencier la garde de sûreté ; j’ai été arrêté par les considérations qui ont retenu également mon prédécesseur. Je puis assurer qu’elle court avec efficacité au maintien de la tranquillité publique dans la capitale. Les hommes qui la composent sont la plupart d’anciens militaires, des pères de famille, dont les réclamations ne m’ont pas paru devoir être repoussées. Il est impossible de penser, à la fin de l’année, au licenciement de la garde de sûreté.
Elle a coûté 19,000 fl. l’année dernière, et elle coûtera un peu moins cette année. A mesure des décès et des démissions, j’ai décidé qu’on ne remplacerait pas. La dépense de 1833 s’élèvera probablement de 37,000 à 38,000 francs.
Vous voyez que ce qui reste pour les fonds secrets n’est pas la dixième partie de ce que l’on accorde au gouvernement de la France, qui pourtant est restée en paix avec toute l’Europe depuis la révolution.
M. Fleussu, rapporteur. - La police n’a pas obtenu bon accueil dans vos sections ; la première, la deuxième et la troisième avaient demandé la suppression des administrations de la police ; la sixième a exprimé le vœu que la direction générale de la police fût supprimée à la paix. Il est vrai que l’année dernière une somme plus forte a été votée pour la police, mais alors nous étions encore rapprochés de la révolution : dans un temps où les passions s’agitent, il faut les surveiller. Maintenant que le temps a quelque peu usé ces passions, on s’est demandé quelle pouvait être l’utilité de la police.
La section centrale a pensé que le chiffre présenté par le ministre dans son précédent budget était suffisant. Le ministre dira peut-être que nous ne sommes pas en paix, mais nous ne sommes pas en guerre non plus, et je crois qu’avec le chiffre proposé par la section centrale la police pourra faire son service.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Ce serait 45,000 fr. qui resteraient.
En parlant de 35,000 fr. tout à l’heure, je me suis trompé.
Lorsque j’ai eu connaissance des mesures arrêtées par la France et l’Angleterre, j’ai de moi-même réduit la somme de 100,000 fr. que je voulais demander à celle de 50,000 fr.
Je vous prie de remarquer qu’il est impossible de dire précisément ce que la police fait de bien ; mais il est facile de comprendre le mal qu’elle empêche. Par cela seul qu’elle existe, les fauteurs de l’étranger, les factieux savent qu’ils sont surveillés.
Sans adopter les craintes, les chimères qu’on cherche parfois à nous inspirer, je puis déclarer à la chambre qu’une police est nécessaire dans l’état où est la Belgique. Les partisans de la dynastie déchue se font toujours illusion, et leurs intrigues redoublent de vivacité à mesure que leur cause déchoit dans l’opinion ; de là l’obligation pour le gouvernement d’établir à la frontière une surveillance sévère pour empêcher l’espionnage et pour surveiller les voyageurs. L’action de la gendarmerie ne peut suffire que dans les temps ordinaires.
Je le répète, il est facile de comprendre le mal qu’empêche la police ; son action est en quelque sorte négative. Si vous abolissiez la police, je crois que vous donneriez un encouragement à l’audace et aux intrigues de certain parti.
Je demande, dans l’intérêt de la responsabilité du gouvernement, le maintien de la modique somme que nous réclamons. Je ferai disparaître le plus tôt possible la dépense de la compagnie de sûreté ; mais ce n’est pas à l’entrée de l’hiver qu’on peut mettre sur le pavé une centaine d’hommes dénués de ressources.
M. Dumortier. - Il y a quelque chose de remarquable relativement à la police : en janvier on demandait 50,000 fr. pour cet objet ; aujourd’hui on demande 85,000 fr. ; nous avons fait des progrès dans cette partie. Voulez-vous savoir ce qui a donné naissance à l’augmentation ? Depuis la dissolution de la chambre dernière, il a été nécessaire d’organiser une police suprême pour voir ce que l’on pourrait faire en matière électorale, et l’on a demandé 35,000 fr. pour la haute police. Je ne vois pas qu’il soit survenu d’autre événement qui ait nécessité cette majoration. Ce n’est par la convention du 21 mai (qui a mis la révolution bas, en mettant notre armée l’arme au bras) qui oblige une augmentation de la police.
Je conçois que dans un moment de révolution la police puisse être nécessaire ; mais ce motif n’existe plus aujourd’hui. On nous assure que les partisans du gouvernement déchu trament des complots dans l’ombre, et qu’alors il est nécessaire qu’un grand filet soit tendu sur le pays, afin qu’on mette les conspirateurs à jour. Mais je ne sais pas quelles conspirations la police a déjouées. La meilleure police, c’est la haine contre la Hollande, c’est l’amour du pays. Au reste, que demandez-vous ? N’avez-vous pas la police judiciaire, la police militaire ? En Angleterre, il n’existe pas de police ; les étrangers y sont libres ; pourquoi ? C’est que le gouvernement y est fort. Les temps sont passés où la police générale était nécessaire. Le ministre de la justice a plaidé contre elle quand il a dit qu’il était plus difficile de voir le bien qu’elle faisait que le mal qu’elle empêchait.
Quant à la compagnie de sûreté, elle a d’abord été à la charge de la ville de Bruxelles ; eh bien ! que la ville de Bruxelles la reprenne. Je propose 40,000 fr, parce que les dépenses sont faites ; mais pour l’année prochaine je ne voterai rien.
M. Legrelle. - Savez-vous pourquoi on a augmenté le chiffre de la police ? C’est parce que vous accordez trop facilement des crédits ; plus vous accorderez de crédits et plus vous exciterez les ministres à faire des dépenses et à enfler leurs budgets.
L’année dernière nous n’avons voulu rien refuser pour prévenir les machinations qui, disait-on, se tramaient sur nos frontières ; mais cette année les raisons ne sont plus les mêmes. Relativement à la compagnie de sûreté, je conçois l’embarras du ministre ; les dépenses sont faites ; il est donc impossible d’adopter l’amendement de M. Dumortier. Je propose 60,000 fr., parce qu’il est impossible de congédier immédiatement la compagnie de sûreté.
Cette année prenons patience, mais j’engage M. le ministre à ne plus représenter cette dépense. J’ai d’ailleurs entendu de la bouche même de M. François qu’il faisait beaucoup avec peu de dépense.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Il m’est extrêmement pénible d’avoir à défendre une allocation de ce genre. Je sais depuis longtemps de quelles déclamations la police est l’objet, ce qui pourtant n’a pas empêché tous les gouvernements de s’en servir, et le gouvernement français d’obtenir, chaque année, depuis la révolution de 1830, pour ce service, 3 ou 4 millions.
Il est très difficile de défendre une institution dont le mécanisme ne peut être mis à nu, ne peut être exposé devant vous ; la nature occulte de la dépense s’oppose à toute justification ; c’est un vote de confiance que l’on est contraint de demander.
On ne peut donner aucune justification précise ; la nature des choses y résiste.
En entrant au ministère vers la fin de 1832, j’ai fait quelques réductions sur la police ; j’ai opéré une réduction de 3,500 fr.
Je crois qu’on se trompe quand on dit que la compagnie de sûreté a été à charge de la ville de Bruxelles ; elle a été d’abord à charge du département de la guerre ; puis elle est entrée dans l’administration de la police. Son organisation, vous l’avez vu, a été sanctionnée par le gouvernement provisoire.
Je voudrais donner toute garantie relativement au crédit demandé : on peut, si l’on veut, faire deux articles ; mettre la police dans un, la compagnie de sûreté dans l’autre.
Si vous adoptiez la proposition de M. Dumortier, il faudrait congédier la compagnie de sûreté dès demain, et il resterait encore peut-être 12 ou 18 mille fr. à ma charge. Si l’on ne veut pas me donner plus tard la somme modique que je regarde comme nécessaire, j’aime mieux n’avoir pas de police du tout ; alors on ne pourra me rien reprocher, dans les cas de désordres, de n’avoir rien fait pour les prévenir.
En France le gouvernement a des représentants dans toutes les localités, il nomme les maires et les adjoints ; en Belgique il n’en est pas de même : l’autorité municipale est indépendante, l’autorité judiciaire n’a que l’action répressive, les officiers de police judiciaire ne peuvent provoquer l’action des agents inférieurs de l’ordre administratif. D’après ces considérations, je suis obligé de demander le maintien du chiffre. (La clôture ! la clôture !)
M. Dumortier. - Je voudrais citer un fait pour montrer ce que c’est que la police préventive.
M. le président. - Il s’agit de parler contre la clôture.
M. Dumortier. - La somme demandée est assez considérable pour savoir comment elle est employée.
- La clôture est mise aux voix : l’épreuve est douteuse et la discussion continue.
M. Dumortier. - Je ne connais pas de police préventive, je ne connais pas de police qui puisse empêcher les voies de fait dans les lieux publics ; du reste, pourquoi ce luxe de police ? N’a-t-on pas la police militaire, la police municipale, la police judiciaire ?
On dit que la compagnie de sûreté coûte 40,000 fr. eh bien ! je propose 40,000 fr., qu’on pourra partager ainsi : 30,000 fr. pour la compagnie et 10,000 fr. pour la police.
On cite la police de France ; est-ce qu’on veut établir chez nous cette police qui fait arrêter les gens par ordre télégraphique ?
Voyons à quoi sert la police préventive en Belgique. Dans une maison de typographie en Belgique, un jeune homme, qui y était venu apporter son industrie, a reçu l’ordre de quitter la Belgique dans les vingt-quatre heures, parce qu’il n’avait pas de passeport en règle. Voilà un fait récent.
Chassez les coquins, les condamnés, en vous conformant aux lois ; mais n’éloignez pas ceux qui apportent leur industrie chez nous.
Je vois le mal que fait la police ; je ne vois pas le bien qu’elle fait. Elle ne prévient rien ; a-t-elle prévenu la conspiration du mois de mars ?
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je demande la division de l’article. (Non ! non !)
- Le chiffre 85,000 fr. est adopté.
« Art. unique. Dépenses imprévues : fr. 20,000. »
La section centrale propose le même chiffre.
M. Dubus. - Je m’étonne de ce que ce chiffre est plus fort que celui de l’année dernière, de l’année où l’on a installé l’ordre judiciaire, où il n’y avait pas de fonds pour les pensions. Tout a été prévu dans le budget actuel ; pourquoi des dépenses imprévues ? Nous sommes arrivés à une partie de l’année qui permettra peu de cas imprévus. Je proposerai 15,000 fr.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je me rallie à la proposition de M. Dubus. La somme demandée est pour payer les frais de route qui sont bien prévus, mais dont il n’est pas possible de prévoir le montant.
- Le chiffre 15,000 fr. est adopté.
La séance est levée à quatre heures et demie.