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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 3 septembre 1833

(Moniteur belge n°248, du 5 septembre 1833)

(Présidence de M. Raikem)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

A midi et demi il est procédé à l’appel nominal. 43 membres seulement sont présents.

A 1 heure moins un quart la chambre se trouvant en nombre, la séance est ouverte.

M. H. Dellafaille, l’un les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier. La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

Quelques pétitions sont renvoyées, après analyse, à la commission des pétitions.

Proposition de loi interdisant d'octroyer de nouveaux traitements d'attente

Lecture et développements

M. le président. - La lecture de la proposition de M. d’Hoffschmidt ayant été autorisée, cet honorable membre a la parole.

M. d’Hoffschmidt donne lecture de cette proposition, dans les termes suivants :

« Léopold, Roi des Belges,

« A tous présents et à venir, salut :

« Nous avons, etc.

« Article unique. A partir du 1er janvier 1834, il ne sera plus payé aucun traitement d’attente connu sous les dénominations de wacht-geld, jaerlyksch onderstanden et toelagen, sauf aux personnes qui en ont joui jusqu’à présent à faire valoir les droits qu’elles pourraient avoir à la pension.

« Mandons et ordonnons. »

M. le président. - Quel jour M. d’Hoffschmidt désire-t-il présenter ses développements ?

M. d’Hoffschmidt. - Immédiatement, si la chambre le veut. (Oui ! oui ! parlez !)

Messieurs, après la longue discussion qui a eu lieu dans votre séance de vendredi dernier, à propos de l’allocation demandée pour traitements d’attente, il serait superflu de donner de longs développements à ma proposition qui se rattache au même objet ; je serai donc bref, pour ne pas faire perdre de temps à l’assemblée par des répétitions inutiles.

Depuis 1831, il s’est élevé chaque année, à l’occasion des demandes d’allocation pour traitements d’attente, des discussions que je crois devoir vous résumer en quelques mots. Quelques membres de la chambre ont soutenu que les personnes qui jouissent de ces traitements ont des droits acquis en vertu de l’article 17 de l’arrêté-loi du 14 septembre 1814, article qui a été abrogé par la loi du 4 août 1832, mais dont l’abrogation ne peut avoir aucun effet rétroactif.

Cependant, tout en soutenant cette opinion, les honorables membres de cette assemblée qui l’ont fait valoir dans toute sa force, pour faire respecter des droits acquis, se sont récriés constamment avec la majorité contre l’abus de ces traitements, et ont reconnu que nous pourrions, que nous devrions même porter une loi qui enlevât pour l’avenir le droit, qu’en attendant l’on ne peut, selon eux, contester aux titulaires.

Une forte majorité s’est toujours prononcée fortement dans la chambre contre ces traitements d’attente, et ne considérant le droit de ceux qui en jouissent que comme temporaire, il n’a été alloué aux budgets de 1831, 1832 et dans l’une de vos dernières séances pour 1833, que de faibles sommes, soit à titre de provision ou de bienfaisance, ayant déclaré, dès la première discussion, qu’il y avait lieu à suspendre provisoirement le paiement d’une partie de traitement jusqu’à la révision qui doit avoir lieu par la législature de toutes les pensions.

Tel est, messieurs, le résumé impartial de ce qui s’est passé jusqu’à présent relativement à ces traitements d’attente ; d’où vous conclurez que s’il y a eu dissidence d’opinion sur la question de savoir si les arriérés des traitements d’attente devaient être intégralement payés, il y a eu unanimité sur celle de leur abolition pour l’avenir.

C’est cette unanimité, messieurs, qui m’a paru résulter de nos débats, qui m’a décidé à faire la proposition dont je viens d’avoir l’honneur de vous donne lecture, et qui tend à couper court à un abus scandaleux que, selon moi, la législature a laissé subsister trop longtemps ; je vous ai, messieurs, fait connaître mon opinion à cet égard dans la séance de vendredi dernier, et aujourd’hui je me bornerai à vous répéter que je suis l’ennemi des prodigalités et des dilapidations des gouvernements ; et, comme mon honorable collègue, M. Ernst, je trouve qu’un gouvernement se déshonore lorsqu’il puise dans la caisse des malheureux pour donner des traitements à des gens qui n’y ont aucun titre, qui n’ont qu’à se promener. Et, messieurs, pour faire l’application de ces principes à propos de la proposition que j’ai l’honneur de faire à la chambre, je vais, sans vous citer aucun nom, vous faire connaître, d’après les listes que j’ai parcourues, à quelle classe de gens le roi Guillaume accordait des traitements d’attente.

L’on trouve portés sur l’une de ces listes : un membre des états-généraux, un membre d’une députation des états-provinciaux, un abbé, un professeur du collège philosophique, un ci-devant seigneur, un architecte des palais du roi, etc.

Les titres de ces titulaires suffisent, sans doute, messieurs, pour vous faire juger quels étaient ceux que le roi Guillaume dotait de ses prodigalités, sauf au peuple à les payer. Jugez aussi combien nous serions dupes, injustes, de continuer à faire pensionner par les Belges des anciennes créatures du roi de Hollande !

Je viens de qualifier de prodigalités les traitements d’attente dont je viens de vous entretenir, non parce que les motifs de collation de ces traitements me soient tous connus (les listes dont je vous ai parlé ne les contiennent pas), mais d’après des renseignements sur la véracité desquels je puis compter. Je puis vous assurer que le ci-devant seigneur, par exemple, a obtenu le traitement d’attente dont il jouit encore pour l’indemniser de la perte de ses droits féodaux, et l’abbé jouit du sien pour avoir fait un sermon qui a paru excellent à sa majesté néerlandaise. (On rit.)

Ces deux exemples suffiront sans doute pour vous faire juger du reste ; joignez à cela, messieurs, que ces traitements s’élèvent à 1,200, 1,500, 2,000 et même 3,000 fl. et vous déciderez alors si vous devez, ou non, perpétuer des abus aussi contraires à tous vos principes.

Mais ceux qui combattront ma proposition diront qu’un grand nombre de ces traitements d’attente ont été accordés, non à des favoris, mais à d’anciens receveurs-généraux, receveurs particuliers, et à quelques autres fonctionnaires qui ont perdu leur place lorsque la banque a été instituée caissier de l’Etat ; et ils ajouteront qu’il serait injuste de les avoir privés de leur place sans leur donner une indemnité.

C’est pour rencontrer cette objection, messieurs, que j’ai rédigé ma proposition de manière à ce que ceux d’entre ces ex-fonctionnaires qui auraient des titres à la pension, soient admis à les faire valoir, et je crois en cela avoir fait une large concession ; car, selon moi, il ne devrait être accordé ni traitements d’attente, ni pensions à charge du trésor public, à des hommes qui ne rendent plus aucun service à l’Etat. Ceux qui en ont rendu pendant qu’ils exerçaient des fonctions en ont été payés, et les receveurs-généraux et particuliers surtout étaient rétribués si bien et même si disproportionnément avec la nature de leur travail, que ces places étaient enviées par tout le monde ; et quant à moi, je ne me serais pas apitoyé du tout sur le sort de ceux qui, ayant joui de ces belles places, eu eussent été privés par suite de leur suppression, sans obtenir aucune autre indemnité que l’espoir d’être préférés, à mérite égal, à d’autres personnes pour l’obtention d’autres emplois. Que le gouvernement ne donne des places qu’avec la réserve qu’aucune pension ne sera accordée à l’avenir, et vous verrez, je vous assure, messieurs, toujours la même foule de postulants à chaque vacature d’emploi.

Je crois donc qu’il ne devrait être fait exception à ce principe, que l’Etat ne doit payer que les services effectifs, qu’en faveur des fonctionnaires qui ont blanchi dans l’exercice des fonctions au moyen desquelles ils ne pouvaient se faire une ressource pour leur vieillesse ; et, messieurs, les ex-receveurs dont je viens de vous entretenir ne peuvent, dans aucun cas, être rangés dans cette catégorie. Au reste, il y a des lois en vertu desquelles les ex-fonctionnaires que ma proposition tend à priver des traitements d’attente pourront obtenir les pensions auxquelles ils peuvent avoir des droits que je ne suis pas appelé à contester ici.

Il y a, messieurs, une autre classe de personnes qui jouissent de traitements d’attente sous le titre de jaerlijksche onderstanden ; ce qui veut dire, paraît-il, gratifications ou secours annuels, et qui réveilleront, je m’y attends, toute votre sollicitude,

Ces personnes sont presque toutes des veuves auxquelles il n’est accordé, comme secours annuels, que de faibles sommes de 100, 200 et 300 fl. ; la liste de ces secours ne s’élève annuellement qu’à 3,650 fl. Cependant, puisque, d’après ma proposition, ces personnes seraient aussi privées de ces gratifications qui sont comprises dans les traitements d’attente, je dois vous faire connaître les motifs qui m’ont porté à ne proposer aucune exception en leur faveur, malgré toute la sollicitude que moi-même j’ai pour des gens qui seraient d’autant plus à plaindre qu’ils ont compté jusqu’à présent sur ces secours.

La mission que nous avons reçue de nos commettants s’étend-t-elle jusqu’à pouvoir disposer de leurs deniers pour en faire des actes de bienfaisance ou des aumônes publiques, comme l’a dit notre honorable collègue M. Brabant ? Je ne le pense pas ; car, messieurs, où devrait s’arrêter cette mission de bienfaisance ? Ce ne serait certainement pas aux personnes désignées par le roi Guillaume. Nous ne devons, selon moi, disposer des fonds publics que pour la gloire et l’utilité de la nation. Je ne parle pas, messieurs, de l’économie qui résulterait de l’adoption de ma proposition, parce que ce sont les motifs seuls de justice et de légalité qui doivent nous diriger lorsqu’il s’agit de prendre des dispositions de ce genre.

Dans l’intérêt de la proposition que j’ai l’honneur de faire à la chambre, j’eusse mieux fait, sans doute, messieurs, de me borner à citer quelques passages des discours prononcés dans la séance de vendredi dernier par nos honorables collègues MM. Ernst, de Brouckere et autres, qui ont aussi manifesté le désir de voir abolir pour l’avenir les traitements d’attente ; mais j’ai pensé que cette discussion était si récente que vous aviez encore présents à la mémoire les passages dont je veux parler, et qui viennent fortement à l’appui de ma proposition ; ce qui suppléera à l’insuffisance des développements que je viens d’avoir l’honneur de vous donner.

Prise en considération

- La proposition est appuyée. Elle est prise en considération et renvoyée aux sections.

Projet de loi portant le budget du ministère de la justice de l'exercice 1833

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Ordre judiciaire

Article 2

« Art. 2. Cours d’appel. A. Personnel : fr. 474,400. »

La section propose de n’allouer que 472,890 fr.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je ne puis consentir à la diminution proposée par la section centrale ; je présenterai même une majoration, qui m’a été réclamée depuis la présentation du budget.

Je crois d’abord devoir signaler ici une erreur de chiffre. La section centrale diminue l’article 2 litt. A de 1,510 fr., car elle résume ainsi l’analyse des travaux des sections particulières et sa propre opinion : « En procédant ainsi, on arrive à une réduction de 1,510 fr. présentée par la quatrième section centrale. » Or, d’après le chiffre tel qu’il a été imprimé dans le tableau annexé au rapport, la réduction serait de 1,910 fr. Il y a donc erreur de 300 fr.

Messieurs, la section centrale a fait ici la guerre à quelques employés infirmes dont je suis obligé, en conscience, de prendre la défense. C’est à des messagers, et même à des boutefeux, que la réduction vient s’appliquer. Je crois que vous ne trouverez pas mauvais que le ministre de la justice ne plaide pas seulement la cause des sommités de l’ordre judiciaire, mais qu’il porte aussi sa sollicitude sur les subalternes, sur ce qu’on peut appeler « le peuple judiciaire. »

M. de Robaulx et M. Seron. - A la bonne heure !

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je dois rendre hommage aux intentions d’économie de la section centrale ; mais si elle croit alléger les charges publiques en diminuant de modiques traitements d’employés inférieurs, elle sera trompée dans son attente.

Le traitement des messagers figure au budget pour le taux de 600 fr. La section centrale réduit ce taux à 530. J’observe que les messagers sont souvent des pères de famille ; ils sont constamment à la disposition des cours ; ils ne peuvent guère se créer d’autres moyens d’existence.

Sous l’ancien gouvernement, celui de Bruxelles recevait 300 fl. ou 634 fr. 92 c., plus une gratification annuelle de 100 fl. ; en lui accordant 600 fr., comme le propose le budget, il perd encore annuellement 34 fr. 92 c. Réduire ces gens au-dessous de cette rétribution, c’est les mettre dans l’impossibilité de vivre.

Quant aux portiers boutefeux dont la section centrale propose la suppression à Liège et à Gand, je demanderai, si cette proposition est adoptée, qui fera leur office ?

Voulez-vous que ce soit le concierge ? Mais le concierge d’une cour d’appel n’est pas pris dans les derniers rangs de la société. Il n’est pas précisément un domestique ; il doit jouir à un certain degré de la confiance des membres de la cour, qui le chargent de commissions diverses s’alliant peu aux détails tant soit peu grossiers confiés aux boutefeux.

Je demanderai en outre une majoration que je crois également fondée ; c’est pour les secrétaires des parquets des cours d’appel. J’ai déjà annoncé hier, tout en ne réclamant point que le traitement du secrétaire attaché au parquet de la cour de cassation fût augmenté, que je demanderais une majoration pour les secrétaires de parquet des cours d’appel. Je regrette de n’avoir pas prévu cela dans le budget ; mais ce n’est que depuis sa présentation que j’ai reçu des réclamations appuyées par des chefs de parquet, notamment par le procureur-général près la cour de Bruxelles.

Remarquez, messieurs, que les secrétaires de parquet sont rétribués dans une proportion inférieure aux commis-greffiers, qui touchent 2,500 fr. Leur droit pourtant ne peut être moindre ; ils doivent avoir autant de capacité, plus de connaissances même ; car ils ont plus de détails à embrasser et par conséquent plus de responsabilité envers leur chef.

Hier on a unanimement admis le traitement du secrétaire du parquet de la cour de cassation pour 2,500 fr. Je vous avais fait remarquer que la comparaison était tout à l’avantage des secrétaires des cours d’appel, car enfin le parquet de la cour suprême ne correspond guère qu’avec le ministère de la justice : si l’on excepte la surveillance que le parquet de la cour de cassation doit exercer sur les autres parquets, surveillance qui est déjà exercée par le ministère de la justice, le reste de son travail administratif se borne à quelques instructions.

Les secrétaires de parquet des cours d’appel, au contraire, ont une correspondance décuple peut-être avec les officiers du ministère public dans le ressort de la cour et avec le ministère.

Ainsi, non seulement je crois devoir m’opposer à la réduction, mais je réclamerai une majoration de 1,500 fr. pour répartir entre les secrétaires de parquet des trois cours d’appel.

M. Fleussu, rapporteur de la section centrale. - Messieurs, je pense aussi que ce n’est pas en atteignant le salaire des boutefeux et des messagers que nous trouverons des sources d’économies réelles dans nos finances. Cependant il m’importe de justifier les réductions proposées par la section centrale, et je crois même qu’elle en aurait pu faire de plus fortes.

Je commencerai par les boutefeux. On dit que nous demandons la suppression de ces employés à Liége et à Gand. Non, messieurs, nous nous opposons seulement à ce qu’on établisse de nouveaux emplois de ce genre à Liége et à Gand. Il est un fait certain, c’est qu’à Liége il n’y a jamais eu de boutefeux ; je ne sais pas s'il en est de même à Gand, mais à Liége le service s’est parfaitement fait sans cela.

Maintenant j’en viens aux messagers des cours d’appel. On vous les a représentés comme des pères de famille. Messieurs, si vous entrez dans de pareilles considérations, pourquoi discutons-nous le budget ? Nous atteindrons presque toujours des pères de famille. On a ajouté que leurs fonctions absorbaient tout leur temps. Eh bien, messieurs, je vais vous dire ce qu’ils ont à faire : les messagers sont chargés de la convocation de la cour deux ou trois fois par an, quand elle se réunit en assemblée générale.

Or, il me semble qu’ils peuvent bien se livrer à d’autres occupations ; je pense que si la chambre remplissait rigoureusement son devoir, elle réunirait les devoirs des messagers des cours à ceux des messagers de parquet, parce qu’en général ce sont ces derniers qui font la plupart du temps les fonctions de ces messagers des cours d’appel.

Au surplus, veuillez remarquer que ce ne sont pas des réductions que nous proposons. Les messagers de la cour de Liège, par exemple, avaient jusqu’ici un traitement de 529 fr. 10 c. M. le ministre de la justice a jugé à propos de l’élever à 600 fr. Qu’a fait la section centrale ? Elle a proposé de fixer ce traitement à 530, de sorte qu’il y a encore une augmentation sur ce qu’ont reçu ces employés jusqu’à présent. Il n’y a donc point là de parcimonie. On vous a parlé des messagers de la cour de Bruxelles : ils avaient peut-être un supplément de traitement, mais ceux de la cour de Liége ne jouissent que de 529 fr. 10 c.

Quant à la majoration réclamée pour les secrétaires des parquets, je ne suis pas encore d’accord en fait avec M. le ministre, car il y a déjà eu sur ce point augmentation dans le chiffre du budget qu’il vous a présenté. Jusqu’aujourd’hui (je parle toujours de la cour de Liége), le secrétaire du parquet recevait annuellement 1.693 fr. dans le budget on demande de ce chef 2,000 fr. La section centrale a admis cette augmentation, et aujourd’hui on vient encore vous en présenter une nouvelle de laquelle il résulterait que les secrétaires de parquet toucheraient 800 fr. de plus qu’auparavant. On a parlé de leurs nombreuses correspondances et de leur travail, mais ils ne sont pas seuls pour faire la besogne des parquets.

Ils ont à leurs ordres une foule d’employés dont ils dirigent le travail. Ces secrétaires ne sont, à vrai dire, que les hommes de confiance des procureurs-généraux qui leur confient le détail de leur parquet. Du reste, ils ne sont point fonctionnaires publics ; je les regarde, moi, comme des chefs de bureau, sans responsabilité et n’exigeant point une haute capacité ; au moyen de l’augmentation adoptée par la section centrale, ces employés sont assez largement salariés.

M. de Robaulx. - Ils sont beaucoup occupés par les élections. (On rit.)

M. Dubus. - M. le ministre de la justice a pensé que la section centrale ne devait pas faire une attention si scrupuleuse aux fonctions de détail. Cependant, messieurs, c’est au moyen des majorations dans les détails qu’on augmentera le chiffre du budget. Des dépenses se faisaient dans une proportion différente à Bruxelles et à Liége. Eh bien ! au lieu de réduire la dépense à Bruxelles, M. le ministre les augmente à Liége, et il appelle diminution au préjudice du petit peuple judiciaire la proposition de la section centrale qui tend à amener ces dépenses au taux établi et qui était suffisant.

Quant aux secrétaires de parquet, l’augmentation est beaucoup plus considérable encore. Savez-vous quels étaient d’abord les traitements des secrétaires des parquets de cour d’appel ? de 1,200 fr. ; et aujourd’hui on prétend qu’une somme de 2,000 fr. est insuffisante. C’est un décret du 30 janvier 1811 qui a fixé les traitements à 1,200 fr., et encore pour ce qui concernait les cours dont le ressort embrassait cinq départements A Bruxelles on les a élevés à plus du double, à 1,200 florins, et à Liége à 800 fl.

Dans le budget actuel on les avait portés à 2,000 fr., ce qui faisait déjà une augmentation de 800 fr., et cependant on vient encore demander une majoration. Calculez, messieurs, quelle sera alors la dépense. L’année dernière ces traitements s’élevaient ensemble à 2,000 fl. Si on les fixe maintenant à 2,500 fr. chaque, ils formeront un total de 10,000 fr. Si nous procédons de cette manière, nous augmenterons considérablement le chiffre du budget ; or je m’aperçois qu’on veut introduire des majorations dans tous les détails.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - S’il est un service public établi avec économie, c’est certainement celui de l’ordre judiciaire. Il serait facile de démontrer qu’en dotant la Belgique d’une cour de cassation et d’une troisième cour d’appel, on a, relativement parlant, fait subir au budget une augmentation bien modérée de dépenses. Dans une autre circonstance, j’ai déjà prouvé qu’il résulte de l’organisation judiciaire que les trois nouvelles cours d’appel ne coûtent pas même ce que coûtaient les anciennes cours de Liège et de Bruxelles.

Messieurs, vous avez fait, lors de la loi des traitements, sur ce qui constitue la partie la plus importante de l’ordre judiciaire, toutes les réductions compatibles avec la considération et l’indépendance personnelle dont doivent jouir les magistrats. Peut-être même avez-vous fait la part trop large aux circonstances, et avez-vous été au-delà des limites d’une économie bien entendue.

La question, en ce moment, n’est pas de savoir si le traitement de tel ou tel homme de service a été fixé de telle ou telle manière, mais si, eu égard à la nature de leur travail et à leurs besoins comme pères de famille, cette rétribution a été établie d’une manière équitable. Bien certainement, on conviendra qu’un messager de cour d’appel, qui a autre chose à faire, quoi qu’en ait dit l’honorable M. Fleussu, que de convoquer les assemblées générales ; on conviendra, dis-je, qu’un traitement de 600 fr. n’est pas trop élevé. J’ai déjà fait remarquer que pour le messager de la cour de Bruxelles, loin d’avoir une augmentation, il subit une diminution assez considérable.

Quant aux boutefeux, j’ignore comment la cour de Liége a pu s’en passer ; mais la cour de Bruxelles en réclame un, et je ne vois pas qu’on puisse lui refuser un pareil employé, car les feux ne s’allument pas d’eux-mêmes dans les foyers ; et à moins qu’on n’astreigne le concierge à faire cette besogne tous les matins, il faut nécessairement pour cela un domestique.

Maintenant les secrétaires de parquet sont-ils trop rétribués avec une somme de 2,500 fr. ? Si vous répondez affirmativement, alors vous faites la critique du traitement des commis-greffiers, car la comparaison est tout à l’avantage des premiers.

Le secrétaire de parquet de la cour d’appel de Bruxelles avait un traitement de 1,200 fl. Quant à celui de Gand, il n’y a aucun antécédent à invoquer. Celui du parquet de la cour d’appel de Liége n’avait, il est vrai, que 800 florins ; mais jamais il n’a cessé de réclamer contre le taux de son traitement, et quand on sait de quels détails un secrétaire de procureur général est chargé, on avouera que s’il y a justice à donner 2,500 fr. au commis-greffier, il y a aussi justice à accorder une pareille somme à ce secrétaire. La section centrale elle-même a reconnu que ces employés sont chargés de fonctions fort importantes. Il est dit dans son rapport : « Le service des parquets exige beaucoup d’écritures par les recours en grâce, les présentations aux places, les poursuites criminelles, la correspondance avec les procureurs du Roi, etc. »

Messieurs, on a parlé du décret de 1811 ; mais par quel privilège ne l’invoque-t-on que pour les agents inférieurs ? Si vous voulez retourner à ce décret, vous donnerez à certaines classes de conseillers de cour 2,000 à 2,500 fr., et à certains juges 1,000 à 1,200 fr. seulement. Voilà comment la législation impériale traitait le pouvoir judiciaire. La législation impériale semblait avoir spéculé sur une influence que vous avez toujours combattue avec raison, influence exercée par les privilégiés sur leurs collègues, par les premiers présidents et les procureurs-généraux qui avaient des traitements parfois quadruples de ceux des conseillers. Non, messieurs, ne retournons au décret de 1811 pour personne, ni pour les conseillers, ni pour les juges de première instance, ni pour les employés inférieurs.

M. de Brouckere. - Je ne puis partager l’opinion de l’honorable rapporteur de la section centrale en ce qui regarde les messagers et les boutefeux. Je crois que la somme réclamée de ce chef n’excède pas les besoins réels des services. Il me serait facile de prouver qu’à Bruxelles ce qu’on demande est strictement nécessaire ; mais je me dispenserai d’entrer dans l’analyse de ces fonctions subalternes.

Mais, quant à ce qui concerne l’augmentation pour les secrétaires de parquet des cours d’appel, je me permettrai de dire à M. le ministre de la justice que je suis étonné de voir encore figurer au budget un paragraphe séparé pour ces sortes de fonctionnaires qui ont été supprimés depuis 3 ans.

En effet, j’ai sous les yeux un arrêté du gouvernement provisoire, du 12 octobre 1830, ainsi conçu :

« Le gouvernement provisoire :

« Considérant que l’ancien gouvernement s’est attribué la nomination des secrétaires des parquets près les cours supérieures de justice, sans qu’aucun texte de loi lui ait confié cette attribution,

« Considérant que la responsabilité dont sont chargés les procureurs-généraux exige que le choix des employés des parquets leur soit entièrement abandonné,

« Arrête :

« Les fonctions de secrétaire des parquets près les cours supérieurs de justice sont supprimées.

« Les procureurs-généraux nous feront telles propositions que cette suppression rendra nécessaires, relativement aux frais de bureau du parquet. »

D’après cela, vous conviendrez, messieurs, qu’il est surprenant qu’on nous demande une somme spéciale pour payer des employés dont les fonctions ont été supprimées. Si l’on avait eu égard à cet arrêté, on aurait dû demander une somme pour frais de bureau, sauf aux procureurs-généraux à en faire la distribution. Je voterai pour cet objet une somme de 3,200 fr., et si les procureurs-généraux trouvent moyen de faire des économies, ils en profiteront pour augmenter leurs secrétaires que je regarde moi, dans l’état actuel des choses, comme leurs premiers employés.

M. Fleussu, rapporteur. - Messieurs, je répondrai d’abord à l’honorable préopinant que l’emploi de boutefeux n’a jamais existé à Liége ni à Gand, et que pour Bruxelles nous le laissons subsister.

Maintenant on a voulu me mettre en contradiction avec le rapport de la section centrale mais il a fallu pour cela scruter ce rapport. De quoi est-il question dans le passage qu’on vous a cité ? De l’analyse de l’opinion des sections. M. le ministre de la justice a semblé induire de la phrase qui contient la conclusion de la section centrale, que toute la besogne retombait sur le secrétaire-général, tandis qu’elle s’appliquait non seulement à ce secrétaire, mais aux employés du parquet.

Puisque j’en suis venu à parler de ces employés, je ferai remarquer qu’on nous demande encore pour eux une augmentation. Jusqu’à présent ils ne recevaient que 1,058 fr., et voici qu’on propose de les portera à 1,200 fr. Calculez ces petites majorations, et vous verrez à quelle somme vous arriverez.

Quant au secrétaire du parquet qu’on a représenté comme un père de famille, ayant besoin et ayant réclamé auprès du ministre de la justice...

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je n’ai parlé de pères de famille qu’à propos de messagers.

M. Fleussu, rapporteur. - Vous avez dit au moins que ce secrétaire demandait une augmentation de traitement. Eh bien ! messieurs, vous faites droit à sa demande puisque de 800 fl. vous portez ses appointement à 2,000 fr. Mais on ne veut pas se contenter de cela ; on veut les augmenter de 800 fr. Je ne pense pas qu’on puisse ainsi élever le traitement d’un employé qui n’a pas de responsabilité. Il me semble que 2,000 fr. sont bien suffisants quand dans certains tribunaux il y a de juges qui ne touchent que 1,700 fr.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je demande la parole.

- Quelques voix. - Assez ! assez !

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - J’entends dire : Assez ! Si c’est pour me donner gain de cause, je suis prêt à m’asseoir (Non ! non !)

Mais le côté d’où part l’invitation me fait sentir l’urgence d’insister. (On rit.)

Je ne méconnais pas l’arrêté cité par l’honorable M. de Brouckere, car je n’y suis pas étranger et je l’ai moi-même sollicité ; mais en voici le motif : on a trouvé qu’il y avait quelque chose d’humiliant pour un procureur-général à se voir imposer par le gouvernement un homme qui est appelé à jouir de sa confiance intime, et qui aurait pu être, non pas son homme de confiance, mais un espion du ministre.

Du reste, cette transformation change-t-elle rien à l’importance des fonctions de cet employé ? Non. Que vous l’appeliez chef de bureau ou secrétaire de parquet, j’y consens volontiers ; cela importe peu. J’ajouterai que la dénomination de secrétaire de parquet, qui n’est pas de moi et que j’ai trouvée dans le budget de 1832, ne figure pas dans la loi, mais tout simplement dans les développements du budget.

L’honorable M. de Brouckere a dit qu’au moyen de ce changement de dénomination il voterait 3,200 fr. pour cet objet ; mais il y a ici erreur de chiffre, car ce serait pour Gand 4,400 fr. et pour Bruxelles et Liége 5,600 fr.

M. le rapporteur de la section centrale a prétendu qu’on faisait droit à la demande du secrétaire de parquet d’une cour, puisqu’on avait élevé son traitement de 800 fl. à 2,000 fr. Mais je croyais m’être fait comprendre en disant que ce secrétaire pouvait demander la justice d’être placé sur la même ligne que les commis-greffiers, dont le travail est moindre et qui peuvent même jouir de quelques vacances à une certaine époque de l’année, tandis que les secrétaires doivent rester à leur poste.

M. de Brouckere. - J’ai, en effet, commis une erreur de chiffre. Mais quand je me suis récrié contre une allocation spéciale pour des fonctions supprimées, je n’ai pas entendu dire pour cela que, dans les relations avec son supérieur, le chef de bureau du parquet ne pourrait plus être appelé secrétaire de parquet. Seulement j’ai voulu éviter qu’on ne fît de cet employé un employé du gouvernement, et c’est là qu’on avait l’intention de revenir. (Signes de dénégation de M. le ministre de la justice.) C’est là qu’on voulait en revenir, je le répète ; car sans cela on n’aurait pas fait un paragraphe spécial pour cet objet

Du reste, je ne voterai pas la majoration que demande le ministre. J’ai déjà indiqué les moyens d’augmenter le chef de bureau du parquet, c’est.de diminuer les autres employés. (Aux voix ! aux voix !)

M. le président. - Je vais mettre d’abord aux voix le chiffre de la section centrale.

- L’allocation de 472,890 fr., proposée par la section centrale, est mise aux voix et adoptée.


« Art. 2. B. Matériel : fr. 16,000. »

La section centrale propose d’accorder seulement 15,000 fr.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je ne puis me rallier à la réduction proposée.

D’après le projet de budget, la somme pour menues dépenses de la cour de Bruxelles est fixée à 3,500 fr.

Pour Liége et Gand, 2,500.

Cette différence peut se justifier facilement par la différence existant entre les bibliothèques des cours de Liége et de Gand.

Liége a une belle bibliothèque, où se trouvent tous les ouvrages nouveaux indispensables pour le service de la cour.

Gand a eu des frais de premier établissement pour se former une bibliothèque. Bruxelles n’a pas même les collections de lois indispensables ; elle n’a ni Dallez, ni Sirey, ni Denevers, pas même le Répertoire, ni les Questions de droit de Merlin. Elle ne possède que de vieux livres latins et flamands dont elle a hérité du conseil de Brabant.

M. Fleussu, rapporteur. - Vous remarquerez messieurs, que les différentes sections ne s’étaient pas rendu compte de la nécessité de cette allocation. Mais maintenant je ne crois pas devoir insister sur la proposition de la section centrale. (Aux voix !)

- Le chiffre de 15,000 francs est écarté ; celui de 16,000 fr. demandé par le ministre est adopté.


« Art. 2. C. Mobilier : fr. 6,000. »

La section centrale n’accorde rien pour cet article

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Il a été demandé une somme de 2,000 fr. pour chaque cour.

La section centrale propose le rejet de cette somme, principalement parce que c’est un crédit nouveau.

De la manière dont la somme pour menues dépenses a été réduite, il est impossible que les cours pourvoient à l’achat et à l’entretien du mobilier qui leur est nécessaire au moyen de cette allocation.

A Bruxelles, l’installation de la cour de cassation dans le local de la cour d’appel a privé celle-ci d’une partie de son mobilier. Le nombre d’armoires et de vestiaires est devenu insuffisant.

La seule pendule qu’elle possédait est restée dans la salle d’audience de la cour de cassation ; un poêle à brûler du bois, qui se trouvait dans le cabinet du greffier de la cour d’appel, est passé dans celui du greffier de la cour de cassation.

Dans une cour qui doit commencer ses audiences, à heure fixe, il faudrait une grande pendule dans chaque chambre d’audience, et une de plus petite dimension dans chaque salle de délibération.

Une grande partie du mobilier réclame, à cause de son extrême vétusté, un renouvellement presque complet, et il n’y a en cela rien d’étonnant si l’on considère qu’il sert depuis 1811. (Voir l’état détaillé, fourni par MM. le premier président et le procureur-général, s’élevant à 3,287 fr).

Liége. - Depuis grand-nombre d’années le mobilier de la cour de Liége, qui siège dans le palais des anciens princes de Liége, a servi sans être renouvelé ; cet usage non interrompu l’a mis dans un état de détérioration qui ne permet guère qu’on tarde à lui rendre l’extérieur décent, principalement dans les deux chambres civiles.

Gand. - La cour de Gand, nouvellement créée, a reçu à la vérité une somme pour frais de premier établissement, mais elle n’a pu se procurer que les objets indispensables pour le moment ; le besoin d’un mobilier plus considérable ne peut manquer de se faire sentir.

Du reste, la chambre remarquera que la somme de 6,00 fr. demandée ne constitue pas la dépense ; ce n’est qu’un crédit dont on n’usera qu’avec réserve, et à charge d’en rendre compte.

M. Dumortier. - Je me bornerai à présenter une simple observation, C’est une chose vraiment déplorable que de voir proposer des majorations sur chaque article. Il me semble que nous pouvons bien remettre l’achat des pendules à une autre époque plus favorable. Nous n’en avons pas dans cette enceinte, et cependant nous tenons fort bien nos séances sans cela (on rit) ; on peut rendre aussi des jugements sans pendules.

Je suis étonné qu’on dise toujours, quand on nous demande une allocation, que ce n’est qu’un crédit dont il ne sera fait usage qu’en cas de nécessité : nous savons que les crédits une fois votés sont épuisés jusqu’au dernier centime. Si nous voulons que les recettes puissent combler les dépenses, il faut faire des économies. Dans le premier budget il n’a pas été question de pendules et autres objets ; et si on pouvait s’en passer alors, on peut encore s’en passer aujourd’hui.

M. Fleussu, rapporteur. - Les considérations présentées par l’honorable préopinant avaient fait aussi impression sur mon esprit, et je suis de ceux qui s’étaient opposés à l’allocation demandée ; mais je dois vous avouer, messieurs, que des observations m’ont été faites par mes honorables collègues de la cour de Liége. J’ai pris inspection du mobilier de la cour, et j’ai reconnu que des réparations étaient indispensables. C’est au point que le tapis du bureau des magistrats est tout en lambeaux. On ne demande pas de luxe, mais il faut au moins que la justice soit rendue avec convenance.

M. Legrelle. - Mais il ne faut pas 6,000 fr. pour cela, je propose de porter l’allocation à 3,000 fr.

M. Lardinois. - Je propose moi le chiffre de 4,000 fr. (On rit.)

M. F. de Mérode. - Il sera toujours nécessaire d’acheter ces meubles plus tard ; si la somme de 6,000 fr. est nécessaire ; pourquoi ne pas la voter tout entière aujourd’hui ?

M. d’Huart. - Il me semble inutile d’ouvrir un crédit pour ces petites dépenses car elles peuvent se prendre sur le matériel ; ou bien si l’on croit que le crédit de 6,000 fr. est nécessaire, il faut l’allouer.

M. de Brouckere. - Les 6,000 fr. pour le matériel ont été calculés comme indispensables, sans qu’on y ait compris ce qui était nécessaire pour l’ameublement. Il faudrait donc alors majorer l’article « Matériel », ce qui reviendrait toujours au même.

M. Fleussu. - J’ajouterai que, d’après l’article 22 du décret de 1811, les dépenses concernant les réparations locatives et l’entretien du mobilier n’étaient pas comprises dans l’article "matériel". (Aux voix ! aux voix !)

M. Dubus. - Je crois que si autrefois on n’allouait rien pour cet objet, c’est parce qu’il était porté au budget des provinces ; mais ce ne sont pas les provinces qui doivent en supporter les frais. (Aux voix ! aux voix !)

M. le président met d’abord aux voix le chiffre de 6,000 fr. proposé par M. Legrelle.

- Ce chiffre est rejeté.

M. le président. - Je vais mettre aux voix le chiffre de 4,000 fr.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je demande la parole sur la position de la question.

L’honorable M. de Robaulx me fait voir que c’est une manière vicieuse de voter, car il me semble disposer à voter pour les 6,000 fr.

M. de Robaulx. - Pas du tout.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Ou du moins à voter contre les 4,000 fr. pour arriver à zéro. Toujours est-il que cette manière de voter met beaucoup de membres dans l’embarras. Je crois que, pour procéder avec régularité, on aurait dû mettre d’abord le chiffre le plus élevé aux voix.

M. le président. - Je mets ordinairement les amendements aux voix avant les articles.

M. de Robaulx. - Je suis aussi de l’avis de mettre aux voix le chiffre le plus élevé.

M. Dumortier. - Il est certain que nous procédons d’après la marche la plus vicieuse. L’année dernière, nous commencions d’abord par le chiffre le plus élevé, et je demande qu’on suive encore le même mode ; alors chacun saura quelle est la somme qu’il doit appuyer.

M. Brabant. - Le gouvernement avait demandé une allocation de 6,000 fr. La section centrale en a proposé la suppression. Dès lors, c’est cet amendement qui s’éloignait le plus de l’article, qu’il fallait mettre le premier aux voix. (Appuyé !)

M. de Brouckere. - Il me semble que l’on doit mettre d’abord aux voix la suppression, et par une raison bien simple : un tiers de la chambre pourrait vouloir 3,000 fr, un tiers 4,000 fr., et un autre tiers 6,000 fr. ; chaque proposition serait donc refusée par les deux tiers de la chambre, et, en définitive, on n’aurait rien voté du tout, en voulant tous voter une certaine somme. Il faut donc commencer par la suppression, puis arriver au chiffre le plus fort (Appuyé ! appuyé !)

M. Dubus. - Une suppression ne se met jamais aux voix ; mais comme ici elle équivaut à une réduction de 6,000 fr., c’est une réduction de 6,000 fr, qu’il faut mettre aux voix.

- Cette réduction n’est pas adoptée.

M. Lardinois. - Il n’y a plus qu’à allouer la somme de 4,000 fr., puisque celle de 3,000 fr. a été refusée.

- Une voix. - Nous recommençons les épreuves.

M. Lardinois. - Si la chambre revient sur ses décisions, je n’ai plus rien à dire.

- Le chiffre de 4,000 francs est mis aux voix et adopté.

Article 3

« Art. 3. Tribunaux de première instance. A. Personnel : fr. 651,466 72 c. »

La section centrale ne propose aucune réduction sur ce chiffre.

Il est adopté.


« Matériel : fr. 18,000 »

La section centrale propose de n’allouer que 15,000 fr.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je crois que l’allocation que j’ai demandée n’est pas trop élevée. Il est nécessaire d’accorder des frais de bureau pour les procureurs du Roi près les tribunaux de première instance d’une certaine importance, et pour ceux qui remplissent les fonctions des anciens procureurs criminels, et dont les nombreuses affaires nécessitent une multitude d’écritures.

M. Brabant. - Il s’agirait donc d’élever des traitements de procureurs du Roi, lorsqu’un article spéciale de la loi statue au contraire que les réductions de traitements commenceront à courir du premier janvier. Dès lors comment se fait-il que l’on songe à des augmentations ? Vous remarquerez d’ailleurs que M. le ministre ne nous donne aucun détail.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - L’allocation demandée ne doit pas servir à augmenter des traitements, mais seulement à des frais de bureau. Il est certain que les procureurs du Roi près les tribunaux de première instance, siégeant au chef-lieu de province, ont beaucoup plus d’écritures qu’un procureur du Roi près d’un tribunal de 3ème ou de 4ème classe. Il s’agit tout simplement d’accorder des frais de bureau à des magistrats qui ont une masse d’affaires, et par conséquent beaucoup d’écritures. Cela vous explique pourquoi la majoration a été portée sur le matériel.

La section centrale vous propose de n’allouer que 15,000 fr., mais cette somme serait peut-être insuffisante. Remarquez, messieurs, qu’une partie des dépenses est déjà payée. Le ministre ne pouvait en refuser le paiement sans mettre les procureurs du Roi dans une position différente de celle que vous leur aviez précédemment votée.

M. Fleussu, rapporteur. - Si M. le ministre nous donnait tous les éléments de sa conviction, peut-être pourrions-nous la partager ; mais il se borne à dire que 15,000 fr. ne suffiront pas, et il nous semble à nous qu’il n’y a pas nécessité d’accorder davantage ; que M. le ministre nous donne donc quelques détails.

M. Dubus. - Une somme de 18,000 fr. nous est demandée par le ministre de la justice pour frais de bureau : cette somme, dit-il, sera uniquement consacrée à des frais de bureau. Cette assertion n’est pas exacte ; on lit dans les développements du budget : « pour indemnité et frais de bureau ; » et il est impossible, en effet, que l’augmentation demandé pour les frais de bureau seulement égale une somme de 1,000 fl. pour un procureur du Roi chargé des fonctions de procureur criminel ; mais on les indemnise aussi du surcroît de travail, ce qui est une véritable augmentation de traitement. Les 18,000 fr. serviront encore à augmenter le traitement de certains procureurs du Roi. Il y a donc une partie de la dépense qui devrait disparaître du présent article.

L’année dernière, messieurs, vous avez accordé à un certain nombre de procureurs du Roi, faisant fonctions de procureurs criminels, des indemnités dont le total s’élève à 4,800 fl. Pour arriver aux 13,500 fr. dont il est parlé par la section centrale, il faut que ce dernier chiffre contienne les indemnités accordées à quatre procureurs du Roi qui ne font pas les fonctions de procureurs criminels.

De pareilles dépenses ne devraient pas figurer dans le budget général, puisqu’elles sont déjà portées au budget des provinces. C’est là une sorte de confusion et de double emploi qu’il y a lieu à faire disparaître pour l’avenir.

M. le ministre nous propose, pour cette année, une augmentation de 5,500 fl. ; c’est apparemment pour accorder encore des indemnités semblables à plusieurs procureurs qui n’en ont pas obtenu jusqu’ici. Mais, messieurs, si l’allocation portée pour menues dépenses aux budgets des provinces n’est pas suffisante, il faut demander une augmentation si elle est suffisante, les indemnités dont il s’agit maintenant sont de véritables gratifications que M. le ministre veut se créer le moyen d’accorder à tel procureur du Roi qu’il lui plaira.

D’après tous ces motifs, messieurs, il me semble que la chambre doit se restreindre au chiffre qu’elle a voté l’année dernière, et, prenant en considération l’époque à laquelle nous sommes parvenus, voter un chiffre de 13,500 fr.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Il est si peu dans l’intention du gouvernement d’accorder des suppléments de traitement, que le ministre prend volontiers l’engagement de n’accorder aucune espèce d’allocation à aucun procureur du Roi, si ce n’est sur la justification de l’emploi de ces fonds. C’est du reste ce qui se fait rigoureusement aujourd’hui. Or, messieurs, l’emploi de l’allocation, c’est le salaire du commis attaché à certains parquets.

Il est vrai que l’augmentation que je demande résulte de réclamations qui m’ont été adressées par plusieurs procureurs du Roi. Ces fonctionnaires m’ont envoyé un aperçu de leurs travaux, et m’ont prouvé la nécessité où ils étaient de s’adjoindre un commis. Mais, je le répète, l’allocation ne sera jamais accordée que sur la justification de l’emploi que j’indique ici.

Vous le savez messieurs, le traitement de ces commis diffère selon les localités, Dans telle ville on trouvera un bon employé pour 800 fr., dans telle autre il faudra 12 ou 15 cents francs.

M. Dubus. - Je ne comprends pas comment M. le ministre de la justice pourrait s’assurer que les allocations seront réellement accordées pour dépenses justifiées. Messieurs, les procureurs du Roi font déjà face depuis longtemps aux frais dont il s’agit, et sans aucune allocation spéciale pour cela. Ils en font les frais sur les menues dépenses. Tel procureur du Roi a un commis, il est vrai ; mais il l’a depuis un an, depuis deux ans, et si vous accordez maintenant une allocation, ce sera une véritable augmentation de traitement.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Il faudrait supposer que les procureurs du Roi en imposent sciemment au chef de l’administration de la justice, et je ne sais pas si un argument qui repose sur l’immoralité de toute une classe de fonctionnaires peut faire beaucoup d’impression sur votre esprit.

Je le répète, messieurs, si la dépense n’est pas justifiée, le ministre n’ordonnancera pas un centime, Il n’est, du reste, pas permis de supposer qu’un procureur du Roi vienne à oublier son caractère et sa dignité à ce point, d’induire en erreur le chef du département de la justice.

A l’instant même, MM. Coppieters et Liedts, me font savoir qu’il est constant que les menues dépenses ne s’appliquent pas, dans leurs localités, à autre chose qu’au matériel ; que du moins elles ne sont point affectées au salaire des commis ou des employés du procureur du Roi.

M. Dubus. - M. le ministre a cru réfuter mon argument en le disant fondé sur la supposition de l’immoralité des fonctionnaires. Il y a quelque chose de calomnieux dans ces paroles ; le ministre dénature mes intentions en dénaturant mes paroles, et il me semble qu’on ne devrait jamais se permettre pareille chose dans une assemblée délibérante.

Je répète que les procureurs du Roi n’ont pas plus d’attributions cette année que les autres ; qu’ils n’ont pas plus de commis, et que, sauf quelques exceptions, le traitement du commis dont on a parlé a été payé sur les menues dépenses.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - J’ai le droit, comme tous les autres membres, de qualifier une argumentation, tout en respectant les intentions de l’orateur qui l’a émise. Ce respect, messieurs, on ne l’a pas toujours à l’égard des ministres. C’était mon droit de dire qu’une opinion repose sur la supposition de l’immoralité d’une classe de fonctionnaires ; mais est-ce à dire pour cela que j’ai attaqué les intentions du préopinant ? Non, messieurs ; la portée de ses paroles a bien pu ne pas frapper immédiatement la pensée de l’honorable préopinant. Mais certainement on ne peut pas supposer que des magistrats trompent la religion du gouvernement, et détournent une somme à leur profit, sans flétrir par cela même leur caractère. Or, ils tromperaient le gouvernement, s’ils appliquaient à leur profit des fonds uniquement destinés à subsidier un commis, ainsi qu’on a soin de le leur signaler.

- Le chiffre de 18,000 fr. est mis aux voix et rejeté.

Celui de 15,000 fr. est adopté.

Article 4

« Art. 4. Greffiers près des tribunaux de commerce : fr. 11,040. »

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - En exécution de la loi que vous avez votée récemment, et par laquelle les tribunaux de Bruges et de Courtray sont rétablis, je dois demander de ce chef une majoration de 480 fr. sur l’article en discussion. Cette majoration répond à un trimestre de paiement pour les greffiers de ces tribunaux

M. Legrelle. - Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de changer le chiffre primitif. Le crédit n’est pas épuisé ; il y a des greffiers qui ne reçoivent pas de paiement. M. le ministre trouvera dans la somme portée au budget de quoi satisfaire aux nouveaux besoins qu’il nous a signalés.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Ce que dit l’honorable M. Legrelle est exact ; je retire ma proposition que j’avais faite d après une note qui a été déposée sur mon bureau.

- Le chiffre de 14,040 fr. est adopté.

Article 5

« Art. 5. Justices de paix : fr. 321,750. »

- Adopté.

Chapitre III. Justice militaire. Haute cour

Article premier

« Art. 1er. Personnel : fr. 62,050. »

M. de Robaulx. - Je ne puis m’empêcher d’exprimer mes regrets de ce que l’institution de la haute cour militaire ne soit nullement constitutionnelle. Cette cour existe néanmoins, et tous les ans nous votons des sommes considérables pour une institution dont nous ne reconnaissons, dont nous ne saurions pas reconnaître la constitutionnalité. Tout ce qui coûte cher, on le maintient parce qu’on y trouve ses avantages soi et ses amis ; on économise ensuite sur les boutefeux. Voilà comme on fait le budget.

Pour moi, messieurs, je le déclare, je ne reconnais pas à la haute cour le droit de juger et de faire exécuter ses condamnations. Elle n’a pas le droit de prononcer sur la vie et sur la liberté des militaires, et je proteste à la fois contre son existence et contre l’allocation qu’on demande.

M. A. Rodenbach. - Je ne sais pas, messieurs, comment on pourrait rendre ici la justice aux militaires autrement que par la haute cour. Nous n’avons pas, comme en France, les conseils de guerre, les conseils de révision, le conseil d’Etat. Nous n’avons que la haute Cour, et je doute qu’il y ait économie à la supprimer pour la remplacer par des conseils comme ceux qui existent en France. Dans ma conviction il y a nécessité de conserver la haute cour militaire jusqu’à la paix, et à cette époque encore se présentera la question d’économie que j’ai posée. Vous le savez, messieurs, la haute cour est une sorte de tribunal inamovible composé de militaires et de jurisconsultes, elle offre donc des garanties désirables d’indépendance, de lumière et d’humanité. D’ailleurs, il ne suffit pas de proposer, de détruire, il faut avoir quelque chose de meilleur à mettre à la place de ce qu’on détruit.

M. de Robaulx. - A entendre le préopinant il semble que j’ai voulu attaquer les personnes ; non, messieurs, ce n’est pas moi qui ai jamais en vue les personnes ; je ne m’attache qu’aux institutions, et je voudrais qu’on en pût dire autant de l’honorable membre. Je reconnais volontiers que beaucoup d’arrêts de la haute cour militaire sont marqués au coin de l’indépendance. Je me plais à lui rendre cet hommage public, mais la haute cour militaire n’en est pas moins une institution en dehors de la constitution, et je voudrai qu’on se hâtât enfin d’exécuter cet article qui déclare urgente l’organisation de la justice militaire.

M. de Brouckere. - Les sommes réclamées sont pour un temps déjà expiré ; c’est pour l’année 1832, où c’est un fait que la haute cour militaire existait à cette époque.

La question soulevée par M. de Robaulx a été discutée, et après des débats vifs et prolongés, on a nommé une commission chargée de présenter un travail sur l’organisation de la justice militaire. On pourrait prier le bureau de rechercher quelles étaient les fonctions dont cette commission était chargée, pour les conférer à une autre.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Messieurs, ce n’est pas la première fois que l’on élève des doutes sur la constitutionnalité de la haute cour militaire ; il faut se rappeler qu’elle a été instituée par un arrêté du gouvernement provisoire ; puis on peut dire que son existence a été plusieurs fois, quoiqu’implicitement sanctionnée par la législature. D’abord, à l’occasion de la loi des traitements. Les traitements des membres qui la composent sont, en effet, fixés par une loi ; c’est par là d’abord que la chambre a reconnu implicitement la légalité de cette institution.

Indépendamment de ce vote spécial, il en est d’autres qui ont encore sanctionné l’existence de la haute cour : ce sont les votes des budgets précédents.

Si c’était le moment de se livrer à l’examen approfondi de la bonté de cette institution sous le rapport des garanties qu’elle nous offre, je crois qu’il serait possible d’alléguer beaucoup de raisons en sa faveur. Si je suis bien informé, messieurs, on est disposé en France à rapprocher l’organisation de la justice militaire du système qui comprend la haute cour. En France, messieurs, les conseils de révision sont de véritables commissions, tandis que la haute cour est un tribunal inamovible.

Je ne crois pas qu’il soit au pouvoir du gouvernement de toucher, sans une loi, à l’existence d’un seul de ses membres. Elle se compose de militaires supérieurs et de jurisconsultes ; elle offre donc, dans les questions de droit, des garanties de lumière et de science que l’on ne rencontre pas dans les conseils de révision. La haute cour établit en droit et en fait un second degré de juridiction. Les conseils de révision ne s’occupent pas de la question de fait. En certains cas, c’est le conseil d’Etat qui la décide.

Sous le rapport de l’économie, la haute cour offre encore des avantages. Les militaires qui la composent sont des vétérans qui jouissent d’une pension considérable, et ne reçoivent, comme juges, au-delà de cette pension, que 600 fl. Toujours le gouvernement choisira de préférence des militaires qui ne seront plus en activité de service ; en sorte qu’ils seront toujours vraisemblablement pensionnés, et que leur pension sera absorbée au profit de l’Etat.

Je ne crois pas que ce soit sur les tribunaux militaires ni sur la haute cour que nous devrons faire porter les réformes, mais bien sur le code pénal et sur le code d’instruction criminelle militaire. C’est à ces codes qu’il faudra spécialement s’attacher. Souvent la haute cour a dû tempérer ou rectifier par ses lumières et son humanité ce qu’il y avait de barbare on d’obscur dans les lois mêmes qu’elle applique.

M. A. Rodenbach. - Je n’ai pas dit que M. de Robaulx avait voulu attaquer les personnes. Je me suis borné à faire le parallèle de ce qui existe en France et de ce qui existe chez nous.

Messieurs, je crois que dans le temps il a été nommé une commission chargée de réviser l’organisation de la justice militaire et le rédiger un nouveau code de procédure criminelle ; je demande où en est le travail de cette commission et si elle le continue.

M. le ministre de la guerre (M. Evain) - L’organisation de la justice militaire doit nécessairement être coordonnée aux dispositions du nouveau code pénal militaire et du code d’instruction criminelle, qui sont préparés et qui doivent être soumis à la discussion des chambres, aussitôt qu’elles pourront s’en occuper.

Ainsi, messieurs, en attendant le moment où ces deux codes pourront être substitués à ceux qui existent aujourd’hui, il n’est pas possible de changer l’organisation de la justice militaire, telle qu’elle a été établie par les lois et règlements encore en vigueur.

Je suis loin de penser qu’il serait convenable d’y substituer l’organisation des conseils de guerre, tels qu’ils ont été institués en France par les lois de l’an V et de l’an VI ; on en a reconnu les inconvénients, et depuis quatre ans, le gouvernement français s’occupe de nouvelles dispositions législatives, qui se rapprochent, dans certains cas, de celles qui existent en Belgique.

Il a été unanimement reconnu qu’il fallait introduire dans les conseils de révision des magistrats civils connaissant le droit et les lois, pour en faire une juste application ; qu’il fallait près des conseils de guerre des jurisconsultes pour éclairer les juges militaires et c’est ce que présentent notre haute cour militaire et les auditeurs près les conseils de guerre permanents et temporaires.

L’indépendance des juges est mieux établie dans la composition mixte de la haute cour militaire, formée de généraux en dehors du cadre militaire et de magistrats.

La haute cour réunit ainsi la connaissance du service militaire et des règlements à celle du droit et des lois.

Elle a rendu, depuis deux ans et demi, plus de 2,400 arrêts ; les emplois de cette cour ne sont doute pas des sinécures, et elle ne peut non plus être considérée comme un hors-d’œuvre dans l’organisation de la justice militaire.

C’est d’après ces considérations que je demande le maintien de la haute cour militaire jusqu’à la promulgation des nouveaux codes de justice militaire et qu’on puisse y coordonner une loi stable d’organisation des tribunaux militaires.

Je dois ajouter que le travail relatif au code pénal et au code d’instruction criminelle est entièrement terminé, et qu’il pourra être soumis prochainement à l’examen d’une commission nouvelle.

M. de Robaulx. - Je n’ai pas entendu demander que l’on introduisît chez nous l’organisation de la justice militaire française. Non, messieurs, ce ne sont pas les institutions défectueuses ou despotiques de ce pays que je demande qu’on importe chez nous, mais les améliorations réelles qu’on y pourrait trouver. Ce que je veux, c’est une justice militaire constitutionnelle et inamovible. Pour moi, je ne reconnais pas de constitutionnalité implicite. Je sais bien que nous avons toujours voté les fonds, mais il est temps qu’on nous présente un projet de loi. Il sera imprimé, et alors nous pourrons nous entourer de toutes les lumières de la presse et du public. (Aux voix ! aux voix !)

- L’article est mis aux voix et adopté.


« Art. 1er. B. Matériel : fr. 4,200. »

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Depuis que le budget a été présenté à la chambre, j’ai reçu une réclamation de la part de la haute cour. (Ah ! ah !) Il ne s’agit pas, messieurs, d’augmentation de traitement, (on rit) il s’agit de payer une dette dont l’existence s’est révélée tout récemment par une réclamation de la part du préposé au séquestre des biens de la maison d’Orange.

Depuis sa création, la haute cour militaire s’est installée dans une partie du palais séquestré du prince d’Orange, situé Place Royale, et s’est mise en possession du mobilier qui s’y trouvait sans que jusqu’à ce jour aucune convention réglant le loyer, qui revient de ce chef au séquestre, ait été passée.

M. le directeur de l’enregistrement et des domaines pense que le loyer annuel à payer de ce chef peut être porté à la somme de 2,200 fr. (pour les appartements et le mobilier) sans charges.

La contribution foncière, s’élevant annuellement de 1,000 à 1,200 fr., serait à la charge du séquestre.

Depuis le 1er février 1831, la haute cour militaire occupe ce local ; deux années sont donc déjà expirées, la troisième est depuis longtemps commencée ; il serait difficile, si même elle paraissait trop élevée, de contester cette évaluation pour le passé.

Du reste, les appartements dont la cour dispose constituent plus de la moitié de l’hôtel, puisque les parties réservées ne consistent que dans une aile sans étage, les caves, autres que celles abandonnées à la haute cour pour y déposer son chauffage, quelques petites chambres à un second étage sur le derrière, les greniers, l’écurie souterraine, le jardin et les demeures des concierge et portier.

Le mobilier est également assez considérable, l’inventaire en est joint aux pièces.

Cette dépense était restée ignorée jusqu’au moment où le ministre des finances a fait connaître que le séquestre des biens du prince d’Orange en réclamait le paiement.

Il reste quelques fonds sur 1831 qui permettraient de payer le loyer de cet exercice ; mais pour les années 1832 et 1833, emportant une somme de 4,400 fr., une allocation au présent budget serait indispensable : j’ai cru devoir la réclamer.

M. Dumortier. - Il me semble qu’on ne fait pas nos affaires aussi bien que celles des Hollandais. Nous allouons chaque année 80,0000 fr. pour le séquestre, et je ne sache pas qu’on nous donne en retour la moindre garantie. Mais voilà qu’on nous demande le loyer d’un bâtiment que nous occupons. Singulier cumul ! nous paierons 80,000 fr., et nous paierons encore un loyer. L’une ou l’autre dépense est superflue.

Puisque nous en sommes sur le séquestre, je vous rappellerai que d’après le traité des 24 articles, et si jamais ce traité nous procure la paix, ce dont je doute fort, nous ne toucherons pas un liard des arriérés ; nous aurons donc perdu d’ici là un demi-million peut-être pour le séquestre. N’est-ce pas assez, messieurs ? Je m’oppose à l’allocation qu’on vous demande, et lorsque le moment sera venu, je réclamerai de M. l’administrateur du séquestre qui est représenté je crois, par l’administrateur-général de l’enregistrement, toute espèce de garanties pour la Belgique.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Une réclamation m’a été adressée. Je vous en fais part. Maintenant si la chambre juge à propos de refuser l’allocation que je lui demande, le ministre exécutera votre décision, et il répondra à la notification qui lui a été faite par la notification du vote de la chambre.

M. Legrelle. - L’occupation du bâtiment empêche sa dégradation ; nous ne devons rien de ce chef.

M. de Robaulx. - Je conçois que l’administration fasse la réclamation, mais l’Etat doit-il payer cette somme au séquestre, surtout quand nous avons fait déjà l’avance de plusieurs fois 80,000 fr. pour ce séquestre ? Pourquoi nous mettrions-nous deux fois à découvert ? Si, en exécution des articles du traité qui sera définitif et irrévocable, l’administration qui succédera au séquestre réclame les loyers, nous liquiderons et nous paierons par compensation.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je n’ai soulevé la question que pour mettre ma responsabilité à couvert ; je n’insiste pas.

M. Dumortier. - Je trouve fort étrange que le gouvernement fasse une réclamation contre le gouvernement lui-même ; c’est dans les mains du gouvernement qu’est le séquestre : comment peut-on comprendre qu’il réclame pour le prince d’Orange ? Si la question eût été soumise à la section centrale, elle ne serait pas venue jusqu’ici. Dans les 24 articles il n’est pas dit que la Belgique sera indemnisée du séquestre. J’insiste pour que le gouvernement fasse les démarches nécessaires pour que la Belgique soit indemnisée des fonds qu’elle avance au séquestre.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je ne crois pas qu’il appartienne à une administration, pas plus qu’à un particulier, quand elle est chargée de régir des biens séquestrés, de s’enquérir de la qualité des personnes dont les biens sont ainsi frappés. Quand le séquestre est levé, il y a toujours lieu à liquider les frais du séquestre. Il suffit d’ouvrir le premier livre de droit pour le savoir, et j’aurais cru faire injure aux lumières de M. Dumortier en cherchant à l’avance, à le rassurer sur les craintes qu’il vient de manifester.

M. Dumortier. - Il ne s’agit pas ici de traités sur le droit ; il s’agit du traité des 24 articles qui ne porte aucune indemnité.

- Le paragraphe B de l’article premier, dont le chiffre est de 4,200 fr., mis aux voix, est adopté.

Tout l’article premier du chapitre III, montant à 66,250 fr., est adopté.

Article 2

« Art. 2. Auditeurs militaires et prévôts : fr. 74,310. »

La section centrale propose 61,800 fr.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Messieurs, je puis consentir une réduction de 10,000 fr. Ce n’est là qu’un crédit demandé dans la prévision que plusieurs auditeurs militaires en campagne seraient nécessaires. Dans les circonstances actuelles, on peut se contenter d’un chiffre inférieur à celui qui est porté au budget. Cependant, je ne puis consentir qu’à une diminution de 10,000 fr., et non à une diminution de 12,500 fr. Le nombre des auditeurs actuellement employés m’en fait une nécessité. On ne peut en effet retrancher à titre de double emploi la somme de 2,500 fr. demandée pour l’auditorat d’Anvers.

Il n’y a pas, comme paraît le croire la section centrale, deux auditeurs militaires à Anvers ; l’auditeur-adjoint est le seul qui y réside ; le titulaire est attaché au conseil de guerre permanent de la troisième division.

Aussi longtemps que l’auditeur provincial ne rentrera pas dans sa résidence, il est indispensable de conserver l’adjoint à Anvers. Il y a même économie à le faire, son traitement étant inférieur de moitié à celui d’un auditeur.

M. Legrelle. - L’année dernière, le chiffre demandé s’élevait à 51,111 fr. différence 23,198 fr. Elle résulte en partie des 10,000 fr. demandés pour les auditeurs dont la nomination pouvait devenir nécessaire. L’armée était alors sur le pied de guerre. Toutes les sections ont rejeté la demande d’augmentation pour cette année, parce qu’ils l’ont jugée inutile dans l’état des choses. Le nombre des auditeurs en campagne est trop élevé pour les circonstances actuelles ; je crois que la somme de 10,000 fr., demandée pour ces auditeurs, pourrait être réduite à 6,000 fr.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Les auditeurs militaires ont été organisés, et par province, et par division de l’armée. Il n’y a pas double emploi, et c’est ce qu’il est facile de voir en examinant les provinces et les divisions. Actuellement il y a six divisions, et on a employé des auditeurs des provinces pour les attacher aux divisions.

On demande s’il est possible de restreindre le nombre des conseils de guerre : je ne le pense pas. Quelle que soit la force des divisions militaires, faible ou forte, il faut conserver leur organisation afin qu’elles soient toujours prêtes à entrer en campagne. Il y a six divisions : conservez donc six auditeurs militaires.

M. Brabant. - Je persiste à voir un double emploi. Dans le détail porté au budget, nous avons huit auditeurs militaires ; je demande qu’on les réduise à six.

M. Pollénus. - J’appuie les observations présentées par M. Brabant ; le budget à la main, il est évident qu’il y a double emploi dans une province.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - C’est vrai !

M. Pollénus. - L’auditeur indiqué à Hasselt, où il n’y en a pas, doit disparaître du tableau.

M. de Brouckere. - D’après ce que vient de dire l’honorable M. Pollénus, il y aurait triple emploi d’auditeurs.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je crois qu’il y a erreur dans cette partie du budget, qui a été insérée d’après une note fournie par M. l’auditeur-général.

Nous ne demandons pour le service des six divisions que quatre auditeurs ; il en faut au moins deux autres pour les provinces.... Au reste, vous pouvez voter le chiffre de la section centrale ; lors du vote définitif, je fournirai les renseignements que je me serai procurés.

M. de Brouckere. - Je demande que l’article relatif aux auditeurs ne soit pas voté aujourd’hui ; nous ne pouvons voter sans connaître. Attendons les éclaircissements.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Il n’y a pas d’inconvénient à remettre le vote à demain.

M. Dumortier. - Je demande que l’on vote de suite.

L’année dernière 5,000 fr. ont suffi ; je propose de voter le même chiffre. L’année dernière nous avions une armée sur le grand pied de guerre, maintenant notre armée est sur le petit pied de guerre ; ainsi nous n’avons pas besoin d’une administration plus considérable.

M. le ministre de la guerre (M. Evain) - Au commencement de l’année on a organisé deux nouvelles divisions militaires ; ainsi on ne peut réduire le chiffre au taux de l’année dernière. Il est dans la politique, dans l’intérêt du gouvernement de laisser l’organisation militaire comme elle est. D’un moment à l’autre notre armée peut être portée au grand complet ; en six jours tous les hommes peuvent avoir rejoint leurs bataillons.

- Le chiffre de la section centrale est adopté.

Chapitre IV. Frais de poursuite et d’exécution

Article unique

« Article unique. Frais de poursuite et d’exécution : fr. 670,000. »

La section centrale propose de faire une réduction de 30,000 fr.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - La section centrale propose de réduire de 30,000 fr. l’allocation de 50,000 demandée pour frais de poursuite et d’exécution de la garde civique.

Je crois que la somme proposée au budget est nécessaire ; il est impossible d’évaluer d’avance une dépense aussi incertaine et qui a lieu pour la première année. D’après les renseignements des gouverneurs transmis par le ministre de l’intérieur, voici par province le détail présumé de ces frais :

Anvers, 500 fl.

Flandre orientale, 200 fl. (en note de bas de page du Moniteur : « Les états pour cet objet, déjà envoyés le 29 août de la Flandre, s’élèvent à fr. 7,253 50. Il y avait donc eu erreur grave dans l’évaluation du gouverneur. »)

Brabant, -

Flandre occidentale, 12,000 fl.

Hainaut, 10,500 fl.

Liége, 1,700 fl.

Limbourg, -

Luxembourg, 200 fl.

Namur, 1,600 fl.

Ensemble, 26,700 fl. (56,507 fr. 94 c.)

Ainsi cette évaluation, sans comprendre les provinces du Limbourg et du Brabant, qui n’ont pas cru pouvoir, faute de base pour les apprécier même approximativement, transmettre des renseignements à cet égard, se monte déjà presqu’à la somme demandée.

Du reste la somme demandée n’est qu’un crédit dont on ne peut abuser.

M. Fleussu, rapporteur. - Presque toute la garde civique est mobilisée, ainsi il y a bien moins lieu aux frais de poursuite. Au reste c’est un crédit éventuel, et il n’y a aucun danger à en restreindre le chiffre.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - C’est à ce chapitre que je me suis réservé de demander une majoration en faveur du greffier en chef de la cour de cassation.

L’arrêté du 19 ventôse an XI alloue au greffier du tribunal de cassation en matière civile, 50 centimes par rôle d’expédition, à acquitter par les parties.

En partant de cette base pour établir le taux des expéditions qui doivent être délivrées au procureur-général, on se convaincra aisément qu’une somme de 1,000 fr., à titre d’abonnement annuel, ne fera que représenter le produit de ces expéditions, calculé au taux de l’arrêté précité.

En effet, de janvier au 30 août, la cour de cassation a rendu 143 arrêts en matière criminelle et 66 en matière civile.

D’après ce relevé pour les huit premiers mois des travaux de la cour, on peut évaluer à 300 au moins le nombre d’arrêts qui seront rendus annuellement par cette cour.

Lorsqu’il y a cassation en matière criminelle, il doit être délivré deux expéditions : l’une, pour la transcription de l’arrêt sur les registres de la cour ou du tribunal dont la décision est annulée ; l’autre, pour l’autorisé judiciaire à laquelle l’affaire est renvoyée, outre un extrait pour le receveur de l’enregistrement.

Quand il y a rejet, il doit être délivré deux extraits pour le procureur-général et le receveur de l’enregistrement ; mais il est à remarquer que les extraits délivrés au procureur-général doivent contenir, non seulement le dispositif, mais aussi les motifs de l’arrêt. Ce sont de véritables expéditions, moins la formule exécutoire. Des extraits de cette nature peuvent comporter jusqu’à dix rôles, quand il y a réquisitoire écrit motivé.

On peut donc aisément se convaincre, d’après ces simples données, que le nombre de rôles d’expéditions à délivrer au procureur général ne peut être en dessous de 1,500 à 2,000 chaque année. On peut encore mieux l’évaluer d’après le nombre qui en a été délivré, en matière criminelle seulement, pendant le premier trimestre des travaux de la cour ; il s’élève à 386.

Il est encore à remarquer qu’on ne compte pas dans cet aperçu les expéditions des procès-verbaux des assemblées générales de la cour, qui sont souvent demandées par le procureur-général ou ordonnées par la cour elle-même pour être transmises à qui de droit et toutes les autres écritures pour le service de la cour.

Enfin, une dernière observation : c’est que le travail auquel donnent lieu toutes ces écritures non rétribuées, quoique faites pour un service public, nécessite un employé spécial et une écriture soignée, et que la modique indemnité qu’on réclame n’est que le salaire d’un commis ordinaire.

Le tarif du 18 juin 1811 ne peut être appliqué, même avec modification, quant au taux des salaires, puisqu’il y a certains actes qui ne sont pas prévus par ce tarif, notamment les expéditions en matière civile : ces expéditions doivent être transcrites en marge des jugements ou arrêts réformés : elles ne se délivrent que depuis la loi sur l’organisation de 1832. Cette formalité était tombée en désuétude depuis 1815.

Il faut considérer en outre que le greffier de la cour de cassation n’a que 5,000 fr. d’appointements, 1,000 de plus que ceux des cours d’appel, et les émoluments de ces derniers sont bien autrement élevés que ceux de cassation.

A la cour de cassation il n’est presque jamais délivré d’expédition en cas de rejet, et les arrêts de rejet sont les plus nombreux.

Les remises sur les expéditions ne s’élèvent que de 30 à 40 fr. par mois à la cour de cassation, tandis que le greffe de première instance et d’appel de Bruxelles rapporte de ce chef environ 200 fr. par mois.

Indépendamment de ces droits, on sait que les greffiers d’instance et d’appel ont une foule d’autres émoluments.

D’après ces considérations et vu l’impossibilité d’appliquer le décret de 1811 au greffier de la cour de cassation, puisqu’il est tenu à donner expédition des pièces qui ne sont pas libellées dans le décret, je crois qu’on ne peut refuser l’allocation qui est loin d’être excessive.

M. de Theux. - Les frais de poursuite et d’exécution sont divisés en deux classes dans le budget du ministère ; dans la proposition de la section centrale ils ne font qu’un article ; je crois qu’on doit admettre la division. Quant aux frais d’exécution et de poursuite pour la garde civique, il me semble que la somme de 30,000 fr., proposée par la section centrale, est plus que suffisante.

M. le président. - Je crois devoir faire observer que dans le budget il n’y a pas la division qu’on signale.

M. Brabant. - Je m’oppose à la division, qui n’est fondée sur aucun motif bien puissant.

M. Van Hoobrouck. - Je m’oppose à la réduction de 20,000 fr. Les poursuites envers les gardes civiques entraînent des frais très élevés. Quand un garde civique est condamné à l’emprisonnement, les geôliers ne veulent le recevoir qu’autant qu’on paie les frais de geôle. Comme chef de la garde civique, ce cas m’est arrivé. (On rit.)

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je m’oppose à une division qui n’est pas dans le budget et qu’on ne trouve dans les détails qui accompagnent ce budget que pour renseignements. On ne pourrait convertir cette division en loi sans inconvénients. D’après les notes fournies par les gouverneurs, les frais de poursuite monteraient à plus de 50,000 fr. Il ne faut pas diviser, parce que si l’une des parties de l’allocation est évaluée trop haut, l’autre pouvant l’être trop bas, elles se compenseront.

Quant aux faits signalés par le préopinant, je n’en ai jamais entendu parler. Peut-être le délinquant a voulu être placé dans une chambre particulière ; alors on a exigé de lui une rétribution : c’est là ce qui arrive chaque jour ; par exemple, pour la pistole. (On rit.)

M. de Theux. - Je persiste à croire que 30,000 fr. suffisent.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je me rallie à l’opinion de la section centrale, mais je prie qu’on ne perde pas de vue les 1,000 fr. d’abonnement et frais divers pour le greffier de la cour de cassation.

Le chiffre de 651,000 fr. proposé par la section centrale est adopté.

Chapitre V. Constructions et réparations

Article unique

« Art. unique. Constructions et réparations : fr. 35,000. »

La section centrale propose 25,000 fr.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je dois persister dans la demande du gouvernement relativement aux constructions et réparations. Voici quelques notes que j’ai fait recueillir pour justifier l’allocation demandée.

J’ai porté au budget 35,000 fr.

Proposition de la section centrale 25,000 fr.

La somme demandée est loin d’être trop élevée pour pourvoir aux besoins.

Les provinces n’étant chargées que des réparations locatives et d’entretien des tribunaux de première instance, l’Etat doit supporter les grosses réparations des locaux de tous les tribunaux de première instance du royaume, au nombre de 29.

Il doit pourvoir aux réparations de toute espèce, soit grosses, soit d’entretien des locaux occupés par les cours d’appel et la haute cour militaire. Les provinces ne veulent pas y contribuer, attendu, disent-elles, que ces établissements ne sont pas uniquement dans leur intérêt particulier, mais sont établis pour l’utilité de tout le ressort.

On sait combien de réparations exige le palais de justice de Bruxelles, dont la construction est si vicieuse ; déjà le ministère a dû autoriser cette année une dépense de 6,300 fr. pour réparations urgentes à faire aux toits et galeries de ce palais.

La cour de Liége, qui siège dans un des plus beaux monuments du royaume, l’ancien palais des princes de Liége, vient encore récemment de signaler l’état de délabrement dans lequel se trouve son local. Parfois, dit-elle, l’eau passe à travers les toits, et pénètre jusque dans les salles ; les croisées ne reçoivent pas de couleur à l’extérieur : si ce défaut de réparations continue, des dépenses énormes deviendront bientôt nécessaires.

L’an dernier, une dépense d’environ 2,600 fr. a été autorisée pour réparations de la dernière urgence.

D’un autre côté, les locaux occupés par les tribunaux de première instance ont aussi souvent besoin d’entretien ; quelquefois même des changements à l’intérieur sont nécessaires. Le tribunal de Bruges, entre autres, a transmis un devis de travaux à exécuter au palais, dont le montant est de 8,066 fr. 45 c.

Le tribunal de Tongres demande un autre local que celui qu’il n’occupe que provisoirement et qui est la propriété de la régence.

La régence s’est réservé la faculté de disposer de ce local quand elle le jugerait à propos, et souvent elle a usé de cette faculté pour y donner des bals et concerts, pour y faire le tirage de la milice et autres opérations administratives.

Tout le monde sait d’ailleurs très bien que la promesse d’une nouvelle organisation judiciaire, faite depuis longtemps, a été la cause que déjà depuis plusieurs années on différait de faire les réparations même urgentes, que les locaux des tribunaux réclamaient.

On voulait attendre l’organisation pour approprier les bâtiments à la destination qu’ils devaient recevoir définitivement.

Les allocations sont demandées à la suite des renseignements les plus précis transmis par les tribunaux et les cours ; ces renseignements sont la plupart appuyés de devis estimatifs.

On dit que ce n’est pas le moment de faire des dépenses ; mais c’est une mauvaise économie que de différer des réparations de cette nature : en ajournant les réparations, les bâtiments tombent en ruines. On ne peut pas choisir le temps pour faire ces réparations. Négligées aujourd’hui, elles se représenteront l’année prochaine à un degré peut-être beaucoup plus important. Quelques dépenses faites à propos empêcheront des détériorations plus graves, peut-être même l’écroulement de certaines parties de bâtiments ; alors la dépense sera triple ou quadruple.

M. Legrelle. - Le ministre a amalgamé les constructions avec les réparations : ce qu’il dit pour les réparations est vrai ; mais il n’y a pas nécessité de faire des constructions nouvelles.

L’année dernière, le crédit demandé ne s’élevait qu’à 21,000 fr. ; il y a cette année augmentation de 13,000 fr. La section centrale a cru que 25,000 fr. suffisaient pour les réparations. S’il y avait à faire des réparations extraordinaires, il faudrait accorder les fonds qu’elles exigeraient ; mais rien d’extraordinaire ne se présente. Je persiste à maintenir le chiffre de la section centrale.

M. Fleussu, rapporteur. - Au budget de l’année passée il y avait 21,164 fr., et cette somme a été jugée nécessaire pour les réparations. Au budget présenté au commencement de cette année, et que devait examiner la chambre dissoute, il y avait 25,000 fr. Trois mois après cette dissolution, on demande 35,000 fr. ; c’est-à-dire que la somme primitivement demandée a été augmentée de 14,000 fr. On a vu tant d’incertitude dans la position de ce chiffre, que la section centrale a cru que le ministre manquait de bases pour l’établir ; et on a cru que celui qui avait d’abord été demandé au commencement de l’année était suffisant.

Il n’y a plus que trois mois pour achever l’année ; on ne pourra faire de grandes réparations pendant ce temps. D’après ces considérations il y a lieu de maintenir le chiffre de 25,000 fr.

M. Dumortier. - En 1831, on demande 10,000 florins, en 1832 on demande encore 10,000 florins, on demande maintenant 14,000 fr. de plus ; mais ce qui a suffi en 1831 et 1832 doit suffire cette année. S’il est survenu quelque accident qui nécessite une augmentation, que le ministre le dise. Nous devons d’abord écarter toutes les constructions nouvelles : tant que nous ne pourrons pas couvrir nos dépenses par nos recettes, il faut nous borner au nécessaire ; ici on ne fait pas de diminution de traitement, on ne fait aucun tort aux pères de famille.

M. Coppieters. - Messieurs, je dois appuyer la proposition de M. le ministre de la justice, parce qu’elle doit servir en partie aux réparations urgentes du palais de justice de Bruges, et que je suis à même d’affirmer à la chambre la réalité des dégradations de cet édifice, et la nécessité de prendre promptement des mesures conservatoires.

Messieurs, le palais de justice de Bruges se trouve dans ce moment dans un état de délabrement déplorable. Le tribunal civil a fait constater les dégradations de ce beau bâtiment par l’architecte provincial ; son rapport d’expertise indique les différents locaux qui sont dans un état progressif de dégradations auquel il est urgent de porter remède.

Le devis estimatif des réparations et restaurations à faire, que je tiens ici, et que je déposerai sur le bureau à l’inspection des membres, si la chambre le désire, s’élève à 8,066 fr. 15 c.

Messieurs, depuis un laps considérable de temps, aucune réparation importante, et telle que les dégâts le comportaient, n’a été faite au palais de justice à Bruges : le tribunal, à maintes reprises, a appelé l’attention de l’autorité sur ce délabrement ; mais ses réclamations, toutes fondées qu’elles fussent, sont restées sans effet.

L’indifférence pour le sort de ce monument s’est même étendue sur les décors de l’intérieur des locaux, et sur le mobilier qui les garnit ; car depuis l’an VI de la république, et ainsi dans le cours d’une période de 34 ans, rien n’a été accordé, soit pour la restauration les salles, sort pour réparation des meubles, soit enfin pour remplacer ceux qui par vétusté sont devenus hors d’usage.

Passé un an, le tribunal et le barreau, voulant faire cesser en partie cet état de délabrement incompatible avec la décence, et bien davantage encore avec le respect qui doit environner la justice, se sont entendus pour faire cesser cet aspect de misère, et ont opéré à leurs propres frais la restauration partielle de la salle d’audience et de la chambre du conseil.

D’après ces considérations, je voterai pour la proposition de M. le ministre de la justice.

M. Legrelle. - Je ne suis pas étonné que le président du tribunal de Bruges demande des fonds pour réparer le palais de justice où il siège, je ne m’oppose pas à sa demande ; ce qui m’étonne, c’est que le devis estimatif ne montant qu’à 8,000 fr., on demande une augmentation de 14,000 fr. Tout en maintenant l’allocation de 25,000 fr., on peut faire les réparations nécessaires au beau palais de Bruges. Quand on n’accordait que 20,000 fr. dans les années précédentes, le palais de Bruges était compris ; on répare chaque palais de justice à son tour.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Il ne peut être ici question de constructions nouvelles dans le sens véritable du mot ; s’il fallait construire, par exemple, l’aile d’un vaste bâtiment, on ne pourrait le faire avec 35,000 fr. : par le mot de construction, on entend quelques dépenses d’appropriation.

L’augmentation de crédit demandée est motivée par l’établissement de la cour de Gand, et par les besoins de quelques autres localités. L’ingénieur provincial de Bruxelles m’a remis un devis estimatif qui monte à 12,000 fr., pour réparer et approprier le palais de justice de cette ville.

Si vous ajoutez ce qui est demandé pour Bruges, vous avez déjà 20,000 fr. Il resterait donc 5,000 fr. pour réparations de tous les locaux judiciaires du royaume. Des réparations sont nécessaires à Liége. La cour de Gand fait encore des demandes de fonds pour compléter l’appropriation de son local. Le gouvernement n’a pas intérêt à majorer de ce chef les chiffres du budget. Il est ici dans la position d’un père de famille qui répare cette année, afin de n’être pas obligé à faire de plus grandes dépenses l’année qui suivra, en laissant s’accumuler dégradations sur dégradations.

M. Verdussen. - On dit que le beau palais de Liége est dans un mauvais état ; qu’est-ce que cela prouve ? Que l’on n’a pas trouvé dans les crédits antérieurs de quoi suffire aux réparations. Il faut donc majorer le chiffre. Je vote pour la demande faite par le gouvernement.

M. Jullien. - Tout esprit de localité à part, je dois appuyer les considérations présentées par M. Coppieters. Le palais de Bruges est dans l’état qu’il vous a dépeint. Les dégradations les plus considérables sont au toit ; sous ce rapport, si on ne répare pas cette année, on aura de plus grandes réparations à faire l’année prochaine. Les observations faites sur le mobilier sont également exactes.

M. Dubus. - Nous ne pouvons pas augmenter des dépenses qui ne sont pas justifiées. Il fallait que le ministre soumît à la section centrale les notes sur les besoins des palais de justice. Quand on demande une augmentation, on fournit les éléments qui en prouvent la nécessité. La section centrale a formé son opinion sur les documents qu’elle a pu se procurer ; or, ces documents viennent du ministère de l’intérieur. Dans le budget de ce ministère on trouve que les dépenses à la charge du ministère de la justice s’élèvent à 175,000 fr. Réunissez à cette allocation celle de 25,000 fr. que la section centrale accorde au chap. V, et vous aurez une allocation de 200,000 fr., ce qui suffit aux besoins du ministère de la justice. Ainsi les pièces produites par les ingénieurs viennent à l’appui de l’opinion de la section centrale.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Il y a ici une erreur. Le ministre de l’intérieur n’a pas fait réimprimer son budget depuis la dissolution. Mais le mien a été réimprimé. Les majorations ont été demandées d’après les réclamations et les documents arrivés depuis la présentation du budget de l’intérieur et du premier budget de la justice pour l’année courante.

Quant aux reproches qu’on nous adresse de n’avoir pas donné à la section centrale les renseignements nécessaires, on sait que jamais je n’ai refusé aucune explication, soit verbale, soit par écrit.

Je ne peux pas donner des renseignements quand je ne suis pas appelé ; or, je n’ai pas été appelé une seule fois au sein de la section centrale. Dans la section centrale précédente où j’ai été plusieurs fois invité à me rendre, j’avais justifié les allocations demandées par toutes les explications qu’on avait cru devoir provoquer.

M. Jullien. - Il ne s’agit pas de savoir si le ministre a fourni les renseignements nécessaires à la section centrale ; il s’agit de savoir si, d’après les renseignements qui ont été fournis au ministre, il y a lieu à accorder l’augmentation. Messieurs, il n’y a pas économie à retarder les réparations ; il y a prodigalité à ne pas les faire.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - On ne peut tirer aucun argument dans le prétendu défaut de concordance entre le budget de la justice et celui de l’intérieur. Le budget de l’intérieur a précédé de deux mois celui de la justice, et aucune rectification n’a été faite au premier, déjà imprimé quand le second a été présenté.

Des besoins ont été signalés au ministère de la justice pendant les deux mois d’intervalle, et c’est pour cela que l’un des budgets porte des chiffres pour faire face aux réclamations, et que l’autre fait des évaluations trop faibles.

M. Dumortier. - Le ministre n’a justifié aucune augmentation. Il a parlé du palais de Liége, du palais de Bruges… Eh bien ! c’est parce qu’il y a des réparations à faire que nous accordons 25,000 fr. Voulez-vous savoir pourquoi il demande une somme plus forte ? C’est que le palais de Bruxelles laisse quelque chose à désirer ; on veut y faire des changements notables ; on n’ose pas nous le dire ; et on a imaginé de demander chaque année 10,00, 12,000, 15,000 fr. pour subvenir aux frais qu’occasionneront les changements qu’on médite. Je ne veux pas accorder cette majoration. Les provinces interviennent dans les réparations des édifices judiciaires pour une somme de 50,000 fr., ce qui, avec les 175,000 fr. donnés au ministère de la justice, forme une somme assez forte. A l’époque de l’année où nous sommes, on n’a pas besoin d’allocations aussi considérables.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - S’il y a des changements à faire au palais de Bruxelles, il est inutile d’aller chercher des renseignements sur cet objet dans des confidences ou des bruits de ville. On peut interroger le ministre, qui répondra. Des changements à ce palais sont indispensables, depuis l’installation de la cour de cassation. Ainsi, calculez les dépenses nécessaires pour les réparations à faire à Bruxelles pour approprier le palais à sa destination ; calculez la dépense à faire à Bruges, à Liége, où les toits sont dégradés, où la plupart des fenêtres sont en mauvais état et manquent même de couleur ; et ajoutez à tout cela les besoins des 29 autres locaux, où siègent les tribunaux de première instance, et vous verrez ce qui restera de l’allocation demandée. Si la section centrale m’avait appelé dans son sein, je lui aurais présenté les devis pour Bruxelles, Bruges, etc.

- De toutes parts. - La clôture ! la clôture !

M. Dumortier. - Il y a quelque chose à répondre au ministre, qui vient de convenir qu’on veut faire des constructions au palais de Bruxelles.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Des dépenses pour l’appropriation.

M. Lardinois. - La clôture est demandée ; on ne peut parler que sur la clôture.

- La clôture est prononcée.

Le chiffre 35,000 fr., mis aux voix, est adopté.

Des voix. - A demain ! à demain !

Pièces adressées à la chambre

M. de Brouckere. - Deux pétitions ont été reçues sur le bureau : les commerçants de Bruxelles se plaignent que depuis peu, par des abus introduits dans les accises, on leur porte préjudice. Je demande que la commission des pétitions soit réunie, qu’on lui soumette les pétitions et qu’elle nous fasse un rapport avant la discussion du budget des finances. (Appuyé ! appuyé !)

- La séance est levée à quatre heures et demie.