(Moniteur belge n°194, du 13 juillet 1833)
(Présidence de M. Raikem)
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal à midi et demi ; la rédaction en est adoptée
- Plusieurs pièces adressées à la chambre sont renvoyées à la commission des pétitions.
M. Liedts, rapporteur de la commission chargée de l’examen du projet de loi tendant à transférer des articles des budgets de 1830 et 1831 au budget de 1832, présente les conclusions motivées de cette commission.
M. Verdussen (pour une motion d’ordre). - Je demande la parole pour une motion d’ordre.
Messieurs, hier, à la fin de la séance, il vous a été communiqué un arrêté royal qui nomme M. Teichmann commissaire du gouvernement chargé de soutenir ses intérêts dans la discussion du projet de loi actuellement soumis à vos délibérations. Cette nomination change la position de la chambre, en ce qu’elle ne peut plus maintenant avoir le moindre doute que la proposition, que l’honorable M. Jullien s’est appropriée, ne soit réellement un fragment du budget du département de l’intérieur, fragment qui sera discuté par anticipation dans la vue d’accélérer l’exécution de travaux pour lesquels la bonne saison est indispensable.
Cette circonstance doit déjà vous faire entrevoir, messieurs, quelle sera la marche de la chambre lorsque, dans la discussion générale du budget de l’intérieur, nous en viendrons aux chapitres 7 et 8 dont les travaux publics qu’on vous demande de décréter urgents font partie. Vous vous direz alors indubitablement, et avec raison, qu’il n’y a plus lieu de s’occuper de ces articles, puisqu’une loi antérieure les aura déjà réglés.
Ceci posé, messieurs, nous devons tous sentir la nécessité de fixer en toutes lettres le montant des dépenses votées dans cette fraction du budget général, puisqu’à défaut d’une semblable fixation, nous ne saurions jamais arrêter le chiffre total des budgets de dépenses, dont cette fraction fait partie intégrante. Une telle omission, messieurs, s’il était possible que vous la fissiez jamais, serait non seulement insolite, unique dans son espèce ; elle serait même inconstitutionnelle en violant l’article 115 de notre loi fondamentale.
En fixant un moment votre attention sur ce que je viens d’avoir l’honneur de vous dire, vous reconnaîtrez avec moi qu’il est indispensable de revenir sur votre vote d’hier relatif au paragraphe B, dans lequel vont avez admis la reconstruction des digues de l’Escaut, sans fixer la somme accordée à cette dépense. Ma motion d’ordre tend donc à remplir cette lacune.
Lorsque, dans la séance d’hier, je vous engageai déjà à ne point voter de dépense sans fixation de somme, M. le commissaire royal s’est opposé à toute fixation de chiffre inférieur à celui de 970,000 fr., qui est le montant intégral de l’article 3, chapitre 8 du budget de l’intérieur. Il a sans doute été guidé dans son opposition par la conviction que la construction d’aqueducs pour écoulements à la mer, par le canal d’Ostende et l’écluse d’Hazegras n’est pas moins indispensable et urgente que la reconstruction des digues de l’Escaut ; je suis loin de vouloir contestée cette parité d’urgence, mais je me permettrai seulement de faire remarquer à M. Teichmann qu’en lui accordant ce point, l’intitulé de l’allocation devient incomplet et doit être amendé, puisque dans cet article il ne s’agit pas seulement des digues de l’Escaut, mais aussi du canal d’Ostende et de l’écluse d’Hazegras.
Par conséquent, et en me résumant, j’ai l’honneur, messieurs, de vous proposer de revenir sur le vote du paragraphe B, et de le rectifier dans les termes suivants :
« B. Reconstruction des digues de l’Escaut, et construction d’aqueducs pour écoulements à la mer, par le canal d’Ostende et l’écluse d’Hazegras, 970,000 fr. »
M. Jullien. - Messieurs, je ne sais pas si on peut appeler la motion que l’honorable membre vient de faire, une motion d’ordre, car je crois qu’elle est bien plutôt propre à jeter encore le désordre dans la discussion... (on rit). Vous savez combien nous avons eu de peine à nous fixer sur la nature de la proposition qui vous était faite : vous avez irrévocablement décrété que cette proposition était celle de M. Teichmann, et ensuite la mienne. Pourquoi serait-elle maintenant la proposition du gouvernement ?
C’est, dit-on, parce que la position de la chambre est changée, puisqu’un commissaire du gouvernement est nommé. Cette nomination, messieurs, ne change en rien la nature de la proposition, et notamment elle ne peut apporter aucun changement à ce qui a été dit et décidé. Que vient faire ici le commissaire du gouvernement ? Il vient, dans l’intérêt du gouvernement et dans l’intérêt de la chose publique, répondre aux interpellations qui lui seront adressées, et donner son avis sur les amendements qui lui seront proposés ; il vient enfin comme réponse même à une demande que vous avez faite au gouvernement, La motion de M. Verdussen aurait pour but de faire épouser au gouvernement un projet qui n’est pas le sien. Je ne veux pas que cet honorable membre me dépouille de mon projet, pour le donner au gouvernement.
M. Verdussen. - On demande ce que vient faire M. le commissaire royal : il vient soutenir un projet qui est extrait du budget du ministère de l’intérieur. Que pourra-t-on faire, en effet, quand on sera arrivé à la discussion des chapitres 7 et 8 du budget des dépenses ? Par son projet, M. Teichmann vous engage à voter par anticipation des fonds portés au budget, parce que les travaux qui exigent ces fonds sont urgents ; aussi, quand vous en serez aux chapitres 7 et 8, vous direz : Passons par-dessus ces chapitres, nous avons voté les sommes qui y sont contenues. Hier le projet de M. Teichmann ou de M. Jullien pouvait être discuté comme on a fait ; mais comme vous allez maintenant voter le fonds total du budget, il faut en fixer les parties. Vous avez dit que les digues de l’Escaut seraient reconstruites ; donc vous devez porter une somme pour ces travaux. Si vous ne saisissiez pas l’importance de cette idée-là, j’avoue que je n’ai plus aucune notion de comptabilité dans les finances.
M. Jullien. - Il n’est pas exact de dire que le projet de M. Teichmann n’est qu’un extrait du budget de l’intérieur ; M. Dubus vous a prouvé le contraire. Mais qu’il soit un extrait du budget ou qu’il ne le soit pas, c’est un projet de loi.
L’orateur demande ce que l’on fera quand on en sera au budget des dépenses ? Je n’ai pas la prévision de l’avenir : quand on en sera au budget des dépenses, on fera ce que l’on doit faire : si l’on a voté les fonds par anticipation, on ne les votera plus ; et s’il y quelque chose à modifier dans le projet, on modifiera. Ne nous occupons donc pas aujourd’hui de ce que nous ferons dans six semaines.
M. Dubus. - Messieurs, il me paraît qu’il est tout à fait indifférent d’apprécier la motion d’ordre qui a été soumise à la chambre : qu’importe que la proposition soit celle du gouvernement ou de M. Teichmann ? Vous avez voté une loi des crédits provisoires pour satisfaire aux besoins urgents des divers services publics ; le projet dont nous nous occupons a pour objet de déterminer quels seront les ouvrages publics urgents, dont la dépense doit être prélevée sur les crédits provisoires alloués ; voilà comment il faut le considérer. M. Verdussen voudrait qu’on indiquât la somme à dépenser pour chaque ouvrage : s’il y a convenance à indiquer cette somme, la convenance est la même pour une proposition du gouvernement ou pour une proposition faite par un membre. La motion tend à faire revenir sur une décision prise relativement au numéro 2 du projet de loi ; par cette décision vous avez rejeté un amendement de M. Dumortier qui portait le chiffre des reconstructions des digues de l’Escaut à 521,300 fr. Je ne pense pas que nous puissions remettre en discussion un amendement qui a été repoussé ; on ne pourra revenir sur le numéro 2 que lors du vote définitif. La demande de M. Verdussen en est donc prématurée ; je demande l’ajournement de cette demande.
M. Verdussen. - Je me rallie à l’opinion de M. Dubus, j’ajourne ma proposition.
M. le président. - La chambre en est restée au paragraphe C, ainsi conçu :
« Pour les travaux relatifs aux communications suivantes (dépenses imputables sur l’excédant du produit des barrières), savoir :
« 1° Route réunissant la communication de Bruxelles à Maestricht avec celle de Maestricht à Venloo, 100,000 fr. »
La section centrale propose de réduire l’allocation à 40,000 fr. Plusieurs amendements sont proposés sur les numéros de ce paragraphe ; l’amendement de M. Fleussu est imprimé ; il en est de même d’un amendement présenté par M. Eloy de Burdinne. En voici un autre qui vient d’être déposé sur le bureau. La chambre veut-elle entendre maintenant le développement de ces amendements ?
M. Fleussu. - Les développements que j’ai à présenter trouveront leur place quand nous arriverons au numéro 9.
M. Dumont. - Je ne sais pas si c’est actuellement le moment de s’occuper des amendements, mais je ferai remarquer que les communications de Charleroy à Beaumont ont été omises, et je demanderai qu’on répare cette omission.
M. Teichmann, commissaire du Roi. - La communication de Charleroy à Beaumont été en effet omise ; je demande que rectification soit faite dans la proposition de M. Jullien.
M. Dumortier. - Tous les amendements qui ont pour but d’affecter un crédit spécial à une route doivent être discutés actuellement. Je reconnais l’utilité des travaux énumérés dans les numéros depuis le premier jusqu’au 12ème ; mais il y a d’autres travaux qui peuvent être aussi utiles et peut-être plus urgents ; maintenant c’est la question d’urgence qu’il faut décider ; il faut donc entendre le développement des amendements déposés sur le bureau ; c’est le seul moyen d’arriver à la connaissance des faits.
M. de Brouckere. - La question d’urgence des divers travaux publics a fait l’objet de la discussion générale ; il faut que les amendements soient développés quand on sera arrivé aux numéros auxquels ils se rattachent. Je crois que M. Fleussu prend la somme nécessaire aux travaux qu’il demande sur les numéros 9, 10, 11 et 12 ; nous ne nous occuperons de l’amendement de M. Fleussu qu’après avoir discuté le numéro 8. Il faut agir de même pour les autres amendements. S’il y a amendement sur le numéro premier, c’est le moment de l’examiner.
M. Dumortier. - C’est parce que les allocations demandées par les amendements seront prélevées sur les chiffres de la proposition de M. Teichmann, qu’il faut avant tout discuter la question d’urgence. On nous fait une proposition, mais cette proposition renferme-t-elle des travaux également urgents, et n’y a-t-il pas d’autres travaux plus urgents ? Si vous posez les chiffres d’abord, à quoi servirait ensuite la discussion d’urgence, puisqu’on répondrait : Les fonds sont épuisés ? C’est de la différence qui existera entre le chiffre de la section centrale et le chiffre de la proposition de M. Jullien que dépendra l’établissement de nouvelles routes.
M. de Brouckere. - Je persiste dans mon opinion ; quand vous présentez un amendement il faut que vous indiquiez sur quelle somme vous voulez trouver le crédit nécessaire pour effectuer les travaux demandés. Voyez M. Fleussu, il a indiqué sur quel chiffre il prendrait les sommes nécessaires à la construction des communications qu’il réclame ; il faut que l’on fasse de même.
Si on votait une route sans s’occuper du chiffre, il faudrait ensuite diminuer forcément les chiffres des numéros du projet de loi. Discutons successivement tous les numéros avec les amendements qui s’y rapportent.
M. le président met aux voix la proposition de M. Dumortier, et d’après laquelle la question d’urgence serait d’abord discutée.
- Deux épreuves successives sont douteuses.
On demande l’appel nominal.
M. Dumortier. - Je ne veux pas faire perdre un temps précieux ; l’appel nominal aurait cet effet ; je retire ma proposition.
M. le président. - MM. Dumortier et Dellafaille demandent qu’après le n°4 on porte une route de Tournay à Renaix, avec le chiffre 60,000 fr. ; M. Zoude demande, pour une route de Marche à Bouillon par St.-Hubert, le chiffre 60,000 fr. ; M. de Nef demande, pour un commencement de route de Turnhout à Diest, le chiffre de 20,000 fr.
M. Doignon a la parole et s’exprime en ces termes. - Messieurs, dans la séance d’hier, un honorable collègue a développé les raisons pour lesquelles il y a lieu d’admettre la réduction de 60,000 fr., proposée par la section centrale, sur les 100,000 demandés pour la route de Maestricht. La section centrale a adopté elle-même cette réduction, d’après les explications de M. l’inspecteur-général Teichmann, qui a jugé qu’une somme de 40,000 fr. était suffisante pour exécuter les travaux qu’il était possible d’entreprendre dans le courant de cette année. Je viens, messieurs, appuyer cette réduction, parce que, en outre, je suis convaincu que ces 60,000 fr. d’excédant seront avantageusement employés à d’autres ouvrages, qui nous paraissent même plus nécessaires et plus urgents, et que ce serait frustrer très injustement quelques provinces que de ne point appliquer aussitôt cette somme à leurs besoins. Dans la province de Hainaut, quelques travaux du plus haut intérêt appellent depuis trop longtemps l’attention du gouvernement.
La route de Tournay à Renaix, dont les deux tiers au moins restent aujourd’hui à exécuter, offre sans contredit une des communications les plus importantes de la province de Hainaut, et, nous pouvons ajouter, du royaume de Belgique. A ce titre, il y a même lieu de la porter au rang des routes de deuxième classe, puisque d’ailleurs elle s’étend d’une province à une autre, et que son établissement est d’intérêt général. Or, les constructions, améliorations et réparations des chaussées de cette catégorie doivent être entièrement à la charge de l’Etat. C’est donc à tort que le projet de M. Teichmann l’a placée au nombre des dix routes auxquelles une allocation de 60,000 fr. seulement serait accordée par forme de subside ; car il est certain, au contraire, que son achèvement incombe à l’Etat lui-même, et que ce n’est point simplement à titre de secours, mais à titre d’obligation qu’il doit y subvenir.
Le projet de cette route, conçu par les anciens Etats de Tournay et Tournesis, reçut un commencement d’exécution il y a plus de cinquante ans, en vertu d’un octroi de Marie-Thérèse, du 10 janvier 1778. Il suffit de jeter les yeux sur la carte de l’arrondissement de Tournay, pour en apprécier aussitôt la nécessité et les avantages immenses qui doivent en résulter.
Son principal but est d’ouvrir une communication entre le ci-devant Tournesis et la province de Flandre orientale, entre un district considérable et une province qui, bien qu’ils soient très voisins, sont presque restés jusqu’à ce moment sans relations, et étrangers l’un à l’autre, à cause de l’inexécution de ce projet. Le district de Tournay et la Flandre orientale réunissent cependant tous les éléments propres à créer et établir entre eux les relations commerciales les plus multipliées. La Flandre orientale a surtout le plus grand besoin de la chaux si renommée de Tournay, pour réchauffer et fertiliser ses terres froides et humides. Ses habitants sont obligés, pour la venir chercher près Tournay, de faire un détour de trois à quatre lieues au moins.
Le Tournesis, de son côté, privé de cette communication, ne peut exporter dans cette province ses pierres, ses chaux et les autres produits de son sol. Le commerce très important de toiles, qui se fait à Renaix, peut être alimenté par les communes de ce district, où il n’est guère de chaumière qui n’ait son métier à toile. Le commerce de Lille trouvera aussi une voie directe, très facile et la plus courte qu’il soit possible, pour venir faire à Renaix ses achats de toile ; et vice versa, cette route offrira pour les commerçants et fabricants de Renaix un débouché aussi assuré que commode, et un trajet beaucoup moins long vers Lille, cette première ville du département du Nord.
Cette route, en traversant deux cantons riches et des plus populeux, est destinée à faciliter le développement de leurs ressources agricoles et industrielles, ou plutôt elle donnera la vie à ces deux cantons qui jusqu’à présent, par suite de l’impraticabilité des chemins, ne peuvent transporter leurs céréales que dans les moments de la bonne saison. Les administrations des communes de ces cantons en attendent aussi avec impatience l’entier achèvement, pour construire de petits pavés qui viendront y aboutir.
Cette nouvelle chaussée assurera donc à la ville de Tournay l’approvisionnement de ses marchés, en même temps qu’un commerce très étendu avec la Flandre orientale et la prospérité des cantons limitrophes.
La route de Tournay à Renaix présentera en outre la ligne la plus directe de communication de Paris sur Gand et toute la Flandre, par Péronne, Marchiennes, Orchies, Tournay et Renaix. La distance de Paris se trouvera par là diminuée de 4 à 5 lieues au moins ; ce qui est, certes, d’une grande importance pour une route qui conduit à la capitale de la France.
En temps de guerre, cette chaussée, défendue par l’Escaut, peut encore entrer dans notre ligne de défense du côté de la France, en favorisant les communications militaires entre Tournay, Audenarde et Gand.
On s’étonnera sans doute, en considérant les avantages attachés à l’établissement de la route de Renaix, qu’elle ne soit pas déjà exécutée depuis longtemps. Mais le manque de moyens en est la seule cause ; et, il faut le dire, l’autorité supérieure n’a jamais secondé, comme elle le devait, les démarches pressantes et sans nombre qui ont été faites depuis 30 ans par Tournay et les autres administrations du district, pour la réalisation de cette entreprise.
Les réclamations les plus énergiques qui ont été adressées aux anciens états de la province et aux députés actuels n’ont pu faire obtenir que de chétifs subsides sur les fonds provinciaux, au moyen desquels l’on n’a exécuté dans ces dernières années que quelques cents aunes de pavement ; tandis que dans les arrondissements de Mons et de Charleroy on ne se refusait rien, pour ainsi dire, afin d’ouvrir et d’achever de nouvelles communications utiles au transport de leurs charbons, la ville et le district de Tournay demeuraient dans l’oubli, et on les fit ainsi languir pendant 25 ans et plus pour obtenir l’achèvement d’une chaussée de quelques lieues, dont l’extrême nécessité est démontrée et reconnue par tout le monde. Le commissaire du district de Tournay en a constamment réclamé l’exécution dans ses rapports ; cependant aucun crédit n’est encore alloué pour cet ouvrage sur les fonds provinciaux de 1833.
Néanmoins l’on a compté de tout temps pour l’exécution d’une si grande entreprise, sur l’intervention du gouvernement. Aujourd’hui qu’il s’agit d’employer à des améliorations de route la somme de 602,000 fr. formant l’excédant du produit des barrières, somme à laquelle d’ailleurs la province du Hainaut a contribué seule pour 300,000 fr., la chambre n’hésitera pas, certainement, à lui allouer des fonds à suffisance pour exécuter cette année une grande partie de cette route et à réparer ainsi cette espèce de déni de justice dont la ville et le district de Tournay sont victimes depuis trop longtemps. Deux tiers de cette chaussée restant à construire, une somme de 200,000 fr. couvrirait probablement toute la dépense.
De tous les projets de route pour lesquels on demande des subsides, il n’en est aucun, assurément, qui réunît à un plus haut degré le titre de l’ancienneté à celui de la nécessité. La chambre fera donc acte de justice en lui donnant la priorité sur les autres projets qui n’ont encore reçu aucune exécution, et qu’on peut ajourner sans faire souffrir d’aussi graves intérêts que ceux qui se rattachent au projet de Renaix.
Veuillez, messieurs, considérer que depuis longues années les populations comptent sur l’entier achèvement de cette route. Ayant réglé d’après cela leurs intérêts, leurs spéculations futures et leurs projets d’établissement, elles ont, à cet égard, une sorte de droit acquis. Ce serait donc les tromper dans leur juste attente que de différer encore cette exécution au moment même où l’on en a les moyens sous la main.
D’un autre côté, le gouvernement a lui-même le plus grand intérêt à achever ce qui est commencé depuis si longtemps, afin de jouir, sans autre retard, du produit des capitaux que la province ou lui ont mis dans cette route. Il est d’une bonne administration de terminer une entreprise avant d’en commencer une autre. Ce système d’en commencer plusieurs à la fois, sans en mettre aucune à bonne fin, a le même résultat à peu près que si l’on n’avait rien fait, puisqu’en définitive, à défaut d’une entière exécution, le pays demeure privé des bienfaits qu’on était en droit d’en attendre.
Au résumé, messieurs, la nécessité indispensable d’une communication avec la Flandre orientale, les besoins urgents de deux provinces et spécialement de deux arrondissements très voisins, des avantages incalculables pour le commerce, pour l’agriculture, l’intérêt même du trésor, tout commande impérieusement le prompt achèvement de la route de Tournay à Renaix.
Au surplus, toutes choses égales, l’équité veut que la province qui a fourni la moitié, c'est-à-dire la plus grande partie du fonds commun à partager, ait droit à quelque préférence.
La section centrale s’est conduite prudemment en réclamant, avant tout, de M. le ministre de l'intérieur, des renseignements sur les intérêts divers des localités ; renseignements que s’est empressé de lui donne M. l’inspecteur Teichmann. Ayant ainsi prononcé entre eux tous avec une entière connaissance des faits et des lieux, son travail est de nature à inspirer toute confiance à la chambre qui, sans doute, hésitera d’autant moins à l’adopter, que les modifications apportées par la section centrale à la proposition de M. Teichmann ne sont elles-mêmes que le résultat des observations de celui-ci, consignées d’ailleurs dans l’exposé de M. le rapporteur. Les raisons qu’a fait valoir en section M. Teichmann, pour ajourner certains travaux ou réduire quelques subsides d’abord proposés par lui, étaient trop saillantes pour ne pas être accueillies par elle.
Je voterai donc pour toutes les propositions de la section centrale, et j’appuie spécialement l’allocation des 60,000 fr. destinés à la reprise des travaux de la route de Tournay à Renaix.
Si l’on veut éviter que cette somme de 602,000 fr. à répartir entre les besoins des provinces, devienne une pomme de discorde, il est à propos que la chambre, comme la section centrale, s’arrêté à quelques règles pour opérer ce partage : premièrement l’Etat doit remplir ses obligations à l’égard des routes qui sont de la première et deuxième classe, ou doivent être considérées comme telles.
La répartition doit se faire de manière à ne point attribuer à une ou deux provinces une trop grande part au préjudice des autres, et sur ce point cependant nous ferons remarquer que, d’après le projet de la section centrale, le Luxembourg seul absorbe déjà une somme de 205,000 fr. Enfin une préférence doit être accordée aux communications entreprises depuis longtemps, ainsi qu’aux plus utiles ou nécessaires, ou urgentes, eu égard aux circonstances ; or, toutes ces conditions militent en faveur de la route de Tournay à Renaix, comme l’a également démontré l’honorable M. Dellafaille.
Les ci-devant états de Tournay et Tournesis ont fait les premiers frais de cette route il y a plus de 50 ans. La province du Hainaut a fourni aussi quelques subsides. Mais l’Etat, en prenant à sa charge, comme il le doit, ce qui reste à faire pour son entier achèvement, pourra facilement s’entendre avec la province relativement à la propriété de cette chaussée et à la perception des barrières. Ou on le mettra lui-même en possession de toute la charge de l’entretien et des améliorations convenables, ou rien n’empêche certainement que le gouvernement perçoive son droit sur la partie faite à ses frais, et la province aussi sur celle faite à ses dépens.
Je voterai donc pour toutes les propositions de la section centrale, et j’appuie spécialement l’allocation des 60,000 fr pour la reprise des travaux de la route de Tournay à Renaix, allocation qu’il convient plutôt d’augmenter vu la dépense très considérable qu’il reste à effectuer.
Quant au mode de voter sur les propositions du paragraphe C, il est rationnel de ne voter sur aucun article avant d’avoir entendu tous les débats sur chacun d’eux. Il s’agit en effet de juger, de comparer le plus ou moins d’utilité ou de nécessité de tous ces travaux, pour décider ensuite quels sont ceux qui auront la préférence et le montant de l’allocation à accorder à chacun d’eux. Voter en pareil cas pour l’adoption d’un article avant d’avoir discuté tous les autres, ce serait s’exposer à allouer une dépense qu’on reconnaîtrait bientôt après, par la discussion, moins indispensable que certaines autres. La raison veut donc que les débats soient d’abord ouverts sur tous les articles de ce paragraphe, pour voter ensuite sur chacun d’eux séparément.
M. Schaetzen. - Messieurs, nous avions cru que la proposition de M. Teichmann, devenue aujourd’hui celle de l’honorable M. Jullien, n’aurait rencontré aucune opposition dans la chambre, surtout que l’honorable M. Teichmann paraissait avoir été ici plus ou moins l’organe du ministère, et que d’après notre manière de voir le gouvernement, en se conformant à l’article 3 du décret de 1831 du congrès sur les barrières, aurait pu se borner à demander l’allocation de la somme dont il s’agit pour l’appliquer ensuite aux travaux publics qu’il aurait jugés les plus utiles.
Nous comptions dès lors ne point prendre part à une discussion d’autant plus désagréable qu’il s’agit dans tout le projet d’intérêts locaux.
Mais puisque dans la séance d’hier un honorable membre a contesté à la province de Limbourg ses droits à la part lui assignée dans le projet dans la somme des 602,000 fr., nous croirions manquer à ce que nous devons à nos commettants, nous croirions manquer au premier de nos devoirs, celui d’aider la chambre de nos connaissances personnelles et locales si nous laissions sans réponse ce qu’a dit l’honorable M. Dumortier.
Il suffit de jeter un coup d’œil sur la carte de la province de Limbourg pour se convaincre tout de suite que le projet en question a pour but de mettre en relation et de réunir deux chaussées, dont l’une parcourt une distance de 18 lieues, et l’autre une distance de 14 lieues, et qu’en construisant une lieue de chemin de plus on aura une route nationale de 33 lieues sains interruption.
Cette route mettra toute la province de Limbourg en communication directe avec Bruxelles, Anvers et la mer.
Elle fera naître de nouvelles relations de la Belgique avec le pays entre Meuse et Rhin.
Elle rendra inutile le passage par Maestricht et augmentera considérablement le produit des routes de Tongres à Maestricht et de Maestricht à Maeseyck et Venloo, qui sont maintenant presque totalement abandonnées.
Sous tous ces rapports la route projetée est de la plus grande utilité pour le royaume entier.
Mais elle est d’une utilité particulière pour les provinces de Liège et de Limbourg.
Les grains et le bois, qui sont les principaux produits de la partie inférieure du Limbourg sont envoyés et consommés à Liége, qui par contre lui envoie la houille, la chaux, la pierre et le fer.
Depuis trois ans cet échange a été complètement interrompu ; ce n’est qu’avec beaucoup de peine et avec des frais énormes qu’on a pu, durant trois hivers, conduire à travers les villages quelque chauffage dans l’arrondissement de Ruremonde et dans la majeure partie de l’arrondissement de Maestricht ; tandis que si le bout de chemin dont il s’agit eût existé, Liége aurait trouvé un vaste débouché pour ses houilles dans la chaussée de Tongres vers Maeseyck, Ruremonde et Venloo ; et tout ce pays aurait infiniment moins souffert de la fermeture de la Meuse.
La Meuse est maintenant libre, dira-t-on ! Oui, messieurs, elle l’est en partie, elle l’est pour le passage des marchandises ; mais Maestricht reste fermé aux personnes, aux voitures et à tout moyen quelconque de transport par terre. La Meuse est libre, mais elle est au pouvoir de la Hollande.
Voulez-vous, messieurs, conserver la liberté de vos fleuves, de vos rivières ? Faites en sorte que cette liberté ne soit point indispensable à votre existence, faites en sorte qu’au besoin vous puissiez vous en passer, du moins momentanément ; c’est la le seul moyen de vous en assurer la paisible jouissance. Moins la Hollande aura d’intérêt à vous contrarier dans ces voies de communications, moins elle sera tentée de le faire.
Jusqu’ici nous n’avons envisagé que l’avantage général qui doit résulter pour tout le royaume, et l’utilité particulière que doivent retirer de la construction demandée les provinces de Limbourg et de Liége, auxquelles on peut ajouter la province de Namur ; car les relations de cette dernière avec le Limbourg sont très importantes.
Nous allons maintenant démontrer la nécessité absolue de cette route pour les habitants des deux tiers de la province que je représente.
Nous avons déjà répondu à l’un des membres du dilemme qui a été posé par l’honorable M. Dumortier ; nous avons prouvé que si la province de Limbourg eût possédé la route en question elle aurait peu souffert de la fermeture de Maestricht et des obstacles mis à la navigation sur la Meuse.
Reste le cas de paix : je suppose la paix conclue avec la Hollande, et beaucoup de personnes ne la croient pas si prochaine. Eh bien ! alors même le passage des habitants du Limbourg belge par Maestricht sera moralement impossible.
D’abord la Hollande envisagera toujours Maestricht comme un point militaire en pays étranger ; et, en effet, un espace de 1200 toises le séparera de la Belgique, dont le territoire l’entourera presque de tous côtés.
Maestricht sera toujours la grand-garde de la Hollande contre sa rivale, et d’autre part Maestricht, comme forteresse isolée, éloignée de vingt lieues de la ligne de défense de la Hollande, sera toujours le point de mire de la puissance continentale qui attaquera la Hollande.
Il résultera nécessairement de cette situation compliquée que le gouvernement hollandais sera toujours méticuleux, sera toujours extrêmement circonspect et prudent dans Maestricht.
Des lors quelles entraves n’essuieront point les transports de marchandises belges qui auront lieu par Maestricht ! Indépendamment de quatre lignes de douane qu’il faudra passer sur un espace d’un quart de lieue, n’est-il pas à prévoir et à craindre que l’autorité militaire, sous prétexte de la sûreté de la forteresse, soumette les personnes et les moyens de transports à de nouvelle visites, à de nouveaux désagréments ?
Joignez à tout cela que la ville de Maestricht comme forteresse est toujours fermée la nuit, et qu’en hiver ses portes sont closes à cinq heures de l’après-dîner ; enfin que le passage par cette ville sera interdit ou impossible la majeure partie du temps.
Ainsi, pour le temps de paix comme pour le temps de guerre, l’utilité et la nécessité de la route dont il s’agit sont également prouvés.
Nous invoquerons à notre tour les principes d’équité qui doivent servir de base dans la répartition de la somme dont il s’agit.
Il n’y a pas deux ans que cette salle retentissait de promesse solennelles d’indemniser les malheureux habitants du Luxembourg ou du Limbourg.
Tous les trésors de la Belgique devaient s’ouvrir pour adoucir leur sort.
On accueillait avec enthousiasme le projet de bâtir un nouveau Venloo.
On était alors convaincu que la conférence avait maltraité le Limbourg, que le congrès l’avait abandonné, que la première législature l’avait mis en lambeaux.
Dix-huit mois seulement se sont écoulés, et tout est oublié.
Messieurs, le Limbourg ne vous demande point aujourd’hui d’indemnité ; il ne demande point le prix des sacrifices qu’il a faits, sacrifices dont vous recueillez cependant tous les fruits : car vous ne pouvez pas vous le dissimuler, c’est en indemnisant une partie du Limbourg que vous avez acquis vos libertés, que vous$ paisiblement de vos propriétés et des moyens de développer votre industrie.
C’est en grande partie aux dépens de habitants du Limbourg qu’il vous sera permis de construire vos canaux, vos chemins en fer. Sources inépuisables de prospérité dont la province de Limbourg, à cause de sa situation topographique, ne profitera point.
Et l’on n’a pas craint de lui disputer sa part, je dis sa part légitime, dans le produit des grandes routes !
Messieurs, refusez au Limbourg la somme dont il a besoin pour rétablir la seule communication qu’il a avec la capitale, le seul moyen de rester en rapport avec le gouvernement ; oubliez, si vous le pouvez, tout ce que vous avez promis, et la seconde législature n’aura rien à reprocher à la première ; elle se montrera aussi bien disposée envers le Limbourg que le congrès, aussi bienveillante que la conférence.
Je voterai contre l’amendement de la section centrale, et demande que la somme de 100,000 fr. destinée, dans la proposition de M. Teichmann, à la confection d’une jonction entre la route de Bruxelles à Maestricht et celle de Maestricht à Venloo, reçoive toute sa destination.
M. Olislagers. - Messieurs, j’ai demandé la parole pour me prononcer en faveur de l’allocation de 100,000 fr. demandée, par le projet de M. Teichmann, pour la route réunissant la communication de Bruxelles à Maestricht avec celle de Maestricht à Venloo, route qui est de la plus grande nécessité, et réclamée par tous les habitants du pays ; car, si M. Teichmann n’en avait pas fait la proposition, je l’eusse faite moi-même.
Je vous l’avoue, messieurs, j’ai été très étonné d’entendre hier mon honorable collègue, M. Dumortier, qui est toujours si disposé à appuyer les propositions tendantes à procurer un plus grand développement au commerce, s’opposer à accorder la somme demandée. Je suppose donc que l’honorable membre n’avait pas assez réfléchi à la chose, lorsqu’il a paru révoquer en doute la nécessité de cette route.
Il vous a dit : Cette route ne sert qu’aux habitants d’une couple de cantons. L’honorable membre oublie donc qu’aussi longtemps qu’il n’y a pas de traité définitif, cette route sert à toute la partie de la province située sur la rive gauche de la Meuse, et même à la ville de Ruremonde et de Venloo. N’est-il pas assez malheureux que nous soyons obligés d’abandonner ces pauvres pays, pour qu’en attendant ce moment nous nous occupions du moins à rendre leur position actuelle moins désagréable en leur facilitant les débouchés ? Si l’honorable M. Dumortier habitait la province du Limbourg il saurait, comme mes honorables collègues de cette province l’attesteront, que cette route est très fréquentée depuis la révolution, et qu’en hiver, lorsque les chemins sont gâtés par les pluies, le trajet à faire depuis la route de Venloo à celle de Maestricht à Tongres est impraticable.
L’honorable député vous disait encore : Nous serons en paix avec la Hollande ou nous serons en guerre. Dans la première supposition la route est inutile, puisqu’on passera par la ville de Maestricht ; dans la seconde supposition, l’ennemi enverra une compagnie de pionniers pour rompre la route. Je répondrai à l’honorable député que dans le premier cas la route ne sera nullement inutile, puisqu’elle abrégera la distance et qu’il est fort agréable de ne pas être forcé de passer par la ville de Maestricht, passage qui sera toujours sujet à des droits et des formalités désagréables. Dans le second cas, je répondrai que cette coupure faite à la route ne sera jamais que momentanée, et que d’ailleurs lorsqu’on est obligé d’en venir à cette extrémité, personne ne se souciera de passer si près de la forteresse.
L’honorable membre vous disait aussi, messieurs, qu’il désirait voir faire dans la suite une route de Hasselt vers Maeseyck, et il vous disait qu’elle coûterait 600,000 fr. ; je crois qu’en cela mon honorable collègue se trompe : le transport des pavés qui doivent venir par charroi de Liége augmenterait considérablement les frai de confection ; d’ailleurs, en attendant que cette route soit construite, il est urgent que cette partie de province ait un autre moyen de communication avec l’intérieur du royaume. D’après ces considérations je voterai donc pour la somme demandée par le projet, et je serai même prêt à en augmenter le chiffre si la nécessité m’en est démontrée.
M. Dubus. - La section centrale a entendu dans une de ses séances les observations que pouvaient lui présenter deux députés du Limbourg ; elle a apprécié les considérations qu’ils ont fait valoir. Ces considérations n’ont pas paru également fondées. La section centrale a été d’avis qu’il était politique et juste de donner aux provinces du Limbourg le moyen de communiquer entre elles sans emprunter le territoire étranger, le territoire ennemi. La section centrale a examiné si la dépense devait être faite incessamment : des renseignements qu’elle a obtenus il est résulté qu’elle a appris l’existence de deux projets de routes à établir ; l’un de ces projets fait passer la route entre les villages et le rayon stratégique, l’autre la fait passer en dehors des villages et trop éloignée du rayon stratégique ; c’était ce dernier projet que l’on avait en vue quand on a demandé 200,000 fr.
M. l’inspecteur général, dans les renseignements qu’il a fourni à la section centrale, a annoncé que ce serait un troisième projet qui serait suivi, et que l’on ferait passer la route dans les villages, en prenant un terme moyen entre l’un et l’autre des premiers projets. Il fallait encore savoir si les travaux préliminaires, si les nivellements, si le tracé de la route ne prendraient pas trop de temps pour permettre de commencer cette année les travaux de la route du Limbourg. M. l’inspecteur-général a déclaré que l’on pourrait travailler cette année, et il a insisté pour qu’une somme fût allouée cette année. Il faut, a-t-il dit, qu’un hiver passe sur les travaux de terrassement avant de faire les travaux d’empierrement.
La section centrale a du s’enquérir de la somme nécessaire à l’exécution des terrassements ; la réponse a été qu’une somme de 40,000 fr. serait suffisante, et c’est sur cette réponse qu’elle s’est fondée pour établir le chiffre porté dans ses conclusions.
M. Teichmann, commissaire du Roi. - L’exécution des terrassements, l’achat des terrains, les ouvrages d’art pourront coûter 60,000 fr. : cette somme peut suffire ; 40,000 fr. seraient insuffisants.
M. Legrelle. - Je désire être fixé sur la quantité de la somme à allouer ; car je ne pense pas, comme certains députés, que nous oublions les promesses du congrès. J’accorderai volontiers un crédit pour la route dont il s’agit, et si M. le commissaire du Roi pense que 60,000 fr, sont nécessaires, je voterai pour ce chiffre.
M. Jullien. - Messieurs, lorsque dans la dernière session, on agita la question de l’impôt ou plutôt de la taxe des barrières, on fut loin de s’entendre sur la nature et le principe de cet impôt. Mais ce sur quoi tout le monde a été généralement d’accord, c’était d’appliquer tout le produit qui excédait les dépenses d’entretien à des améliorations et à des constructions nouvelles. On en a fait une disposition spéciale dans la loi, et cette disposition n’était que la conséquence des principes développés et du maintien de la législation existante. Eh bien aujourd’hui on vient vous demander l’application de cette disposition, on vient vous dire : « Il y a 602,000 fr. d’excédant disponible, » et l’honorable M. Teichmann qui avait probablement la pensée du gouvernement, et qui d’après ses fonctions, appréciait mieux que personne l’emploi qu’il fallait faire de cet excédant, a présenté une proposition indiquant les spécialités de travaux à exécuter.
Il ne s’agit que d’employer ces 602,000 fr., et pas un sou de plus ; mais comment la distribution doit-elle en être faite ? Vous allez tous me répondre : Avec justice et discernement ; avec justice, c’est-à-dire de la manière la plus égale possible. Par un principe d’équité très naturel quand on partage un fonds commun, il faut que tous ceux qui ont droit à la communauté y participent, et si leurs droits sont égaux, qu’ils y participent dans une même proportion. Avec discernement, c’est-à-dire qu’on ne doit appliquer la somme dont il s’agit qu’aux travaux utiles et les plus urgents, sans s’arrêter à l’esprit étroit des localités.
C’est là, je pense, ce que veut l’honorable M. Teichmann et ce que voulait aussi le gouvernement, car on doit penser que le gouvernement sait mieux que nous quels sont les travaux les plus nécessaires. C’est dans ce but qu’a été faite la proposition qui après de longs débats est restée celle de M. Teichmann, et ensuite la mienne parce qu’il l’a abandonnée.
Maintenant, messieurs, quel est le mode de discussion à suivre ? Je suis encore obligé de rappeler le règlement dont on me paraît s’écarter. L’article 41 porte :
« La discussion des articles s’ouvrira successivement sur chaque article, suivant son ordre, et sur les amendements qui s’y rapportent. »
Ainsi, la proposition est divisée en articles ou en numéros ; ce sont ces numéros, ce sont les spécialités qui y ont indiquées qu’il faut discuter et non pas des objets qui en sont tout à fait en dehors. Vous n’avez à vous occuper que de la proposition qui a été examinée dans les sections, et qui par suite a été modifiée par la section centrale ; si l’on trouve des sommes qui y sont portées trop forte ou trop faibles, on pourra les diminuer ou les augmenter. Mais vous ne pouvez pas ajouter à cette proposition des amendements qui y sont tout à fait étrangers. Un honorable membre a demandé 187,000 fr. pour la province de Tournay ; un autre en demandera 100,000 pour la sienne. Si l’on continue ainsi, il en résultera que les 602,0000 fr. dont il s’agit seront épuisés avant qu’on aborde ma proposition. (On rit.) Evidemment en adoptant cette marche, vous vous mettriez en opposition avec le règlement et avec le simple bon sens, parce que vous feriez droit sur des propositions qui n’auraient pas été examinées dans les sections.
On me fera peut-être cette objection : Si dans ces 602,000 francs, il y a des économies, qu’allez-vous faire de ces économies ? L’honorable M. Dumortier demandera qu’on les applique à la route qu’il a désignée.
Sans doute, messieurs, il peut résulter de la discussion des économies ; mais si on diminue un article, on peut en augmenter un autre. Dans tous les cas, s’il y a des économies réelles, elles resteront pour être employées dans le budget. Agir autrement, ce serait intervertir l’ordre et s’exposer à voter sans connaissance de cause sur des demandes que nous n’aurions pas pu apprécier. Il n’y a donc aucune autre voie à suivre que celle du règlement, c’est-à-dire qu’il faut discuter successivement chaque article ou chaque numéro et les amendements qui s’y rapportent.
J’ai entendu un honorable député de Tournay dire : « Il est bien juste que nous qui entrons pour 300,000 fr. de droits de barrières dans la somme à distribuer, nous ayons ce que la section centrale nous alloue. » Je répondrai d’abord qu’il n’est pas exact de prétendre que ce soit la province du Hainaut qui rapporte en produit ; ce sont tous les voyageurs qui fréquentent les routes de cette province, c’est toute la nation. Ensuite, je lui dirai à mon tour : Puisque vous avez de si belles communications qui tentent et attirent tous les étrangers, permettez qu’avec le surplus de vos frais d’entretien, on donne des routes à ceux qui n’en ont pas. D’ailleurs, ce ne sera pas aux dépens de ceux qui ont beaucoup, mais plutôt aux dépens de tout de royaume.
Je le répète, il faut discuter simplement la proposition de M. Teichmann, les spécialités qu’elle contient, et non pas des dispositions sur lesquelles nous n’avons aucune notion.
L’honorable M. Dumortier a posé un dilemme relativement à la route de Maestricht. Ou nous aurons, dit-il, la paix avec la Hollande, ou nous aurons la guerre ; dans le cas de paix la route n’est pas nécessaire, en cas de guerre on ne pourrait s’en servir.
Messieurs, on peut répondre au dilemme de paix ou de guerre que nous n’aurons peut-être ni l’on ni l’autre d’ici à longtemps ; ainsi, sans nous embarrasser de l’avenir, c’est au besoin présent qu’il faut pourvoir.
Si l’honorable M. Teichmann pense que 60,000 fr. seront nécessaires pour la route dont il s’agit, j’adopterai volontiers ce chiffre.
M. Teichmann, commissaire du Roi. - Je ferai observer que ce n’est pas une économie de 40,000 fr. qu’on fait ici ; il ne s’agit que d’un ajournement de travaux à l’exercice 1834, parce qu’on craint de ne pouvoir les exécuter cette année.
M. de Brouckere. - Ce qu’a dit l’honorable M. Jullien relativement à l’ordre de discussion vient tout à fait à l’appui de l’opinion que j’ai eu l’honneur d’émettre devant l’assemblée ; c’est-à-dire qu’il est indispensable que tous les membres qui veulent proposer des amendements tendant à créer des routes dont il n’est pas fait mention dans le projet de loi dont nous nous occupons, doivent indiquer sur quelle partie des fonds à distribuer ils veulent prélever les sommes nécessaires à cet effet. Mais je ne partage pas l’avis de l’honorable membre, quand il pense que l’on n’a pas le droit de présenter des amendements relatifs à des objets non désignés dans ce projet. D’après le règlement qu’il a cité, tout membre est libre de présenter des amendements, comme la chambre est libre de les rejeter.
L’orateur a ajouté : « Il est question seulement de faire le partage de 602,000 fr., et ce partage doit être fait avec justice et discernement. » C’est aussi ce que je pense. Mais je suppose qu’il a entendu, comme moi, que, pour y parvenir, il ne fallait pas que nous eussions en vue des intérêts de provinces et de localités. Je suppose qu’il a entendu, comme moi, que l’intérêt général, l’intérêt de la masse, devait seul nous guider. Or, si l’intérêt général exige qu’il soit fait des travaux dans le Luxembourg pour une somme bien plus considérable que dans le Hainaut, les habitants de cette dernière province n’ont pas le droit de se plaindre.
J’ai vu avec plaisir que les honorables orateurs qui ont parlé dans cette discussion ont regardé la route réunissant la communication de Bruxelles à Maestricht, avec celle de Maestricht à Venloo, comme nécessaire. L’honorable membre qui s’était élevé hier contre cette allocation, a eu la bonne foi (et il en montre dans toutes les occasions), a eu la bonne foi de reconnaître la nécessité de cette route. Seulement il en contestait l’urgence. Eh bien ! plusieurs députés vous ont déclaré, messieurs, que vous ne trouveriez pas une seule dépense plus urgente que celle-là. Moi, qui connais aussi les localités, je dois joindre ma voix à celle de ces honorables collègues pour confirmer leur observation.
L’honorable M. Dumortier a dit que cette route n’aurait d’autre résultat que de mettre deux cantons en contact avec la ville de Liége. M. Schaetzen a déjà démontré l’inexactitude de cette assertion. J’ajouterai qu’il ne s’agit pas seulement ici de deux cantons, mais d’un arrondissement, celui de Ruremonde, et d’autres cantons de l’arrondissement de Maestricht qui maintenant sont entièrement séparés de la Belgique. L'hiver, il est presque impossible d’arriver dans l’arrondissement de Ruremonde et dans les cantons de Maestricht dont vous a parlé un honorable préopinant.
Quant à la Meuse, elle n’est d’aucune utilité pour les voyageurs. Je crois même que s’ils s’avisaient de prendre cette voie, on les empêcherait de passer sous le pont de Maestricht, attendu qu’on ne permet pas qu’un bâtiment porte plus de trois ou quatre hommes. Vous sentez messieurs, combien il serait imprudent et impolitique de nous mettre sous la dépendance de la Hollande, et si nous pouvons nous affranchir de cette dépendance avec une modique somme, il faut s’empresser de le faire car, si l’on passe aujourd’hui la Meuse avec facilité, le commandant de Maestricht pourra, s’il le juge à propos pour le besoin de la place, restreindre cette faculté. Quant à la somme à voter, il ne peut plus y avoir de difficulté, puisque M. Teichmann l’a réduite à 60,000 fr. Je crois que la chambre votera ce chiffre à la presque unanimité.
M. Pollénus. - Messieurs, après les discours de MM. de Brouckere et Schaetzen, il me reste peu de chose a dire, et je commencerai par vous rassurer que j’aurai soin de m’interdire toute répétition. J’approuve à tous égards les moyens invoqués par ces honorables membres ; il me reste à répondre à quelques-unes des objections faites à la séance d’hier par l’honorable M. Dumortier.
Il ne s’agit pas de mettre Liége en contact avec deux cantons du Limbourg ; il s’agit d’ouvrir une voie de communication pour tout l’arrondissement de Ruremonde et une partie notable de celui de Tongres, avec la capitale et avec les chefs-lieux administratifs et judiciaires de la province ; à défaut du chemin de jonction projeté, toute communication régulière avec les contrées situées au-delà de Maestricht est impossible, et la prétendue liberté de la Meuse, stipulée dans le traité du 21 mai, est bien loin d’assurer les relations que réclament les intérêts des habitants du trop malheureux Limbourg.
Mais je suppose que l’exécution du fatal traité de séparation du 15 novembre, que je crois éloignée encore, ait lieu, combien de concitoyens pensez-vous que nous conservons ? Eh bien, si mes renseignements sont exacts, nous y conservons encore 30,997 habitants. Je pense que l’intérêt de ces populations justifie bien l’allocation proposée, et j’ose penser qu’aucune voix ne s’élèvera dans cette enceinte pour combattre l’acte de justice que je viens appuyer de toutes mes forces.
On combat encore l’opportunité du chemin de jonction, en alléguant que le plan de cette route n’est encore que dans l’imagination de ceux qui la désirent ; je me permettrai de faire observer que je tiens de bonne source que le plan existe, que les nivellements sont achevés, et qu’une soumission est déjà faite depuis six semaines ; je pense donc que l’allocation projetée est basée sur quelque chose de réel ; si je suis mal informé, M. le commissaire du Roi pourra faire cesser mon erreur, si erreur il y a, ce que je ne puis croire, car les renseignements dont je parle m’ont été donnés par un fonctionnaire public que je puis nommer sans commettre d’indiscrétion, je parle de l’ingénieur en chef du Limbourg.
On vous a parlé d’une route à construire de Hasselt à Maeseyck ; je sus loin de contester l’utilité d’une pareille communication ; mais il ne s’agit pas encore de ce projet, celui-là est encore dans l’imagination ; mais ce qu’il importe, c’est d’ouvrir la voie dont l’opportunité et l’urgence ne peuvent être contestées que dans l’ignorance de l’état des lieux et des besoins des habitants du Limbourg.
Pour ce qui est du montant de l’allocation, je ne puis qu’approuver le chiffre qui se trouve dans la première proposition, parce qu’il me semble s’accorder avec la soumission dont j’ai parlé. D’ailleurs, messieurs il est prudent de remettre à un exercice prochain le supplément d’allocation qui deviendra nécessaire, tandis que dans ce moment nous avons des fonds disponibles ; serons-nous dans une situation aussi favorable l’année prochaine ? Hâtons-nous donc d’adhérer à l’acte de justice qui nous est proposé, et que le Limbourg attend avec impatience.
M. Dumortier. - Je ne comptais pas prendre la parole dans cette discussion ; mais, puisque j’ai été interpellé par trois préopinants, il est nécessaire que je leur réponde quelques mots.
Si je me suis prononcé comme je l’ai fait, ce n’est certes pas dans un esprit d’hostilité pour la province de Limbourg. Vous n’ignorez pas, messieurs, que, lors de la délibération des 24 articles, je me suis opposé à ce qu’on vendît ses habitants ; j’ai toujours désiré, comme je désire encore aujourd’hui, qu’ils restent dans la grande famille. A cet égard j’ai fait mes preuves, et il serait à souhaiter que ont le monde en pût dire autant.
Maintenant j’aborderai la question avec toute la franchise de mon caractère. J’ai déjà dit que je reconnaissais la nécessité de toutes les routes qui se trouvent indiquées dans le projet de loi, et même de beaucoup d’autres encore qui y sont omises. Je me servirai ici de l’argument de l’honorable préopinant. Il nous a déclaré que la route mettrait 30,997 habitants en contact avec la communication de Bruxelles à Liége. Eh bien moi je citerai des faits qui prouveront qu’il ne faut point aller aux bords de la Meuse pour employer l’excédant du produit des barrières. La ville que j’habite, Tournay, dont la population s’élève à 30,000 habitants, n’a pas de communication avec la ville de Valenciennes qui est à 7 lieues de distance, et qui compte 20,000 habitants ; et cependant entre les deux est une autre ville, celle de St.Amand, dont la population est de 10,000 habitants. Tournay n’a pas non plus de communication pavée avec Roubaix et Renaix. Ainsi il n’est pas ici question seulement de 30,997 habitants, mais de trois à quatre cent mille.
Je ne conteste pas messieurs, la nécessité de faire des dépenses dans le Limbourg ; j’ai déjà dit que ce n’était pas 100,000 fr. qu’il fallait consacrer à cette province, mais bien 600,000 fr. J’ai dit que la route la plus importante, la plus urgente à faire, c’est celle de Hasselt à Maeseyck. Mais quant à l’embranchement, il ne sera d’aucune utilité ; car, je le répète : ou vous aurez la paix, on vous aurez la guerre : si vous êtes en paix avec la Hollande, vous pourrez toujours passer par Maestricht. On vient de dire que les portes de la ville se ferment à 5 heures ; mais il en est de même pour toutes les villes fortes. Est-ce une raison pour cela d’établir des routes autour de ces villes ? Non certainement.
Si au contraire vous êtes en guerre avec la Hollande, la route ne pourra nous servir ; car, avec une compagnie de pionniers, ou la détruira, ou bien on empêchera d’y passer.
Cependant, puisque l’on désire l’exécution de cette route de jonction, je me bornerai à faire une seule observation ; c’est que M. le commissaire du Roi a déclaré dans la section centrale que 40,000 francs suffiront pour cet objet. En conséquence, nous ne devons accorder rien de plus ; car on pourra faire beaucoup de travaux avec cette somme, et peut-être même ne l’emploiera-t-on pas tout entière ; car le tracé n’est pas fait, et la route n’est encore que dans l’empire des idées. (On rit.)
M. Pollénus. - Je demande la parole pour un fait personnel. M. Dumortier ne m’a pas compris.
M. Dumortier. - Je ne vous ai rien dit de personnel. (Non ! non !)
M. Pollénus. - J’ai raisonné dans le système de l’exécution des 24 articles, et j’ai dit que, même dans ce cas, il resterait 30.997 habitants qui seraient privés de communication avec les chefs-lieux du pays administratifs et judiciaires.
L’orateur a prétendu qu’il n’existait pas de plan. Je crois avoir déjà répondu à cette objection. Il m’a été assuré par un ingénieur que le plan était fait, et qu’il y avait une soumission.
M. Teichmann, commissaire du Roi. - Je désire donner une explication sur l’espèce de tergiversation qu’on a mise dans les demandes de sommes qui ont été successivement faites au budget de l’intérieur, à la section centrale et dans cette enceinte. Cela vient de ce que, lors de la rédaction du budget, on avait l’intention de tenir la communication dont il s’agit très près de la citadelle de Maestricht. Postérieurement on a cru qu’il était plus prudent de l’éloigner de la forteresse, afin que non seulement les voyageurs fussent mis à l’abri des molestations, mais qu’ils fussent en parfaite sécurité. Aujourd’hui on pense que, de ces deux routes qui avaient été projetées, l’une serait trop près et l’autre trop loin de la citadelle, et c’est une moyenne qu’on exécutera. Je ne demande que 60,000 fr., parce que, vraisemblablement, 30,000 fr. seront nécessaires pour les expropriations ; je dis vraisemblablement, parce qu’il est impossible d’en déterminer le chiffre à l’avance.
Je crois qu’il est inutile d’entrer dans d’autres détails. (Aux voix ! aux voix !)
- L’amendement de la section centrale, tendant à réduire l’allocation à 40,000 fr., est mis aux voix et rejeté.
Le chiffre de 60,000 fr. est ensuite adopté.
M. le président. - MM. Zoude et de Nef ont déclaré que leurs amendements devaient venir après ce numéro. Il va en être donné une nouvelle lecture.
- Les deux amendements sont lus par un de MM. les secrétaires.
M. le président. - La parole est à M. Zoude, pour développer son amendement.
M. Zoude. - Messieurs, j’ai eu l’honneur de faire à la chambre l’exposé des ressources que présente la province de Luxembourg, l’avantage qu’il y aurait de les utiliser dans l’intérêt général du royaume ; j’ai à cet effet réclamé de la bienveillance de la chambre qu’elle voulût accorder aux deux routes de Bouillon les sommes qu’elle refusait d’allouer au projet de M. Teichmann ; mais ces fonds devant être insuffisants pour les deux chemins à la fois, je demande la priorité pour celui de Marche à Bouillon par Saint-Hubert, parce que c’est celui dont la construction a été ordonnée depuis longtemps ; que tous les travaux préparatoires, le tracé, le devis, etc. ont été achevés dès 1829 ; qu’il est momentanément le plus important pour la partie qui doit lier entre elles les deux grandes communications de la Belgique avec la ville de Luxembourg, par Namur et Dinant ; que l’embranchement qui liera les deux grandes routes, estimé 80.000 fr., sera confectionné au moyen d’un contingent de soixante mille fr. à fournir par l’Etat, les communes intéressées s’étant engagées à fournir le complément.
D’ailleurs, c’est la partie qui sera immédiatement la plus avantageuse au gouvernement, parce qu’elle traverse six mille hectares de bois qui lui appartenaient.
- La parole est ensuite accordée à M. de Nef.
M. de Nef. - Messieurs, dans une séance précédente j’ai exprimé mon étonnement sur ce que la route de Turnhout à Diest par Gheel n’a pas été comprise dans le projet.
En vous proposant aujourd’hui la demande de vingt mille francs pour un commencement d’exécution, c’est parce que je pense être fondé en droit en réclamant l’exécution d’une communication définitivement arrêtée et dont l’utilité et la nécessité même sont généralement reconnues.
Je ne vous demande pas de faveurs, je ne veux pas faire valoir à cette occasion tout ce que la Campine a souffert depuis près de trois ans par les prestations et logements militaires ; je ne demande qu’un faible partage sur le service de 1833, destiné aux travaux publics, et je le demande en toute justice.
- Les deux amendements sont appuyés.
M. Legrelle. - J’appuie plus particulièrement l’amendement de M. de Nef. La Campine est la partie de tout le royaume, qui a le plus besoin de communications, et qui souffre le plus de ne pas en avoir, car elle présente beaucoup d’éléments de prospérité. La route désignée par M. de Nef est de toute nécessité. J’en prends à témoins les honorables députés du district de Louvain, qui pourront confirmer cette déclaration. Il ne s’agit pas ici d’une route d’agrément, mais d’une route utile, nécessaire et qui multipliera les produits du pays. On ne vous demande qu’une faible somme pour cet objet, et sans doute vous la voterez, car je pense que vous ne voudrez pas que la Campine soit le paria de la Belgique.
M. Fallon. - La discussion de l’adresse a soulevé les plus cruelles inquiétudes sur l’exécution pleine et entière du traité du 15 novembre.
Je suis du nombre de ceux qui ont signalé dans la convention du 21 mai, si pas une dérogation formelle à ce traité, en ce qui regarde le Luxembourg, tout au moins une tendance apparente de remettre en question le sort du duché de Luxembourg en totalité.
A en croire ce que nous avons lu depuis lors dans les journaux étrangers, mes appréhensions ne paraissent que trop fondées.
Dans cet état de choses, et au moment où nous voyons que la conférence va remettre sur le métier le traité du 15 novembre, il y aurait imprudence à faire autre chose dans le duché de Luxembourg que ce qui est strictement nécessaire pour entretenir ce qui existe ou pour compléter ce qui a déjà reçu un commencement, et ne pourrait être ajourné sans inconvénient.
Or, ce n’est pas une dépense de simple entretien que l’on propose, c’est une construction nouvelle dont l’urgence n’est pas reconnue, et dont on pourra s’occuper plus à propos après la discussion de la question politique.
Sous ces considérations, je voterai contre l’amendement.
M. de Foere. - Je ne contesterai pas la nécessité des routes réclamées par MM. Zoude et de Nef ; mais je contesterai leurs amendements, parce que ce sont des dispositions toutes nouvelles. Un amendement a toujours pour but de modifier une proposition à l’ordre du jour. Or, ici il s’agit de nouvelles routes qui ne rentrent pas dans le projet de loi en délibération. Par ce motif, je demanderai sur ces amendements la question préalable.
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, je ne croyais pas prendre la parole à l’occasion du projet qui nous occupe ; mais je vois qu’à cette occasion chacun veut soutenir sa localité, ce que je ne puis approuver ; cependant, ne pouvant empêcher l’intérêt de paroisse qui paraît dominer une grande partie de mes collègues, je ne veux pas que mes commettants soient victimes d’une délicatesse qu’ils pourraient trouver déplacée dans cette occasion, et je veux vous entretenir de ma province à propos de routes. Ceux d’entre vous, messieurs, qui connaissent le Luxembourg, ne contesteront pas que le défaut de communications s’y fait sentir, sur presque tous ses points, et de là vient que le produit des barrières de cette province est loin de s’élever à 3 ou 400,000 fr., sur 600,000 fr., comme dans le Hainaut. Messieurs, la raison en est toute simple ; c’est que le Hainaut est traversé en tous sens de routes de première et de deuxième classe, tandis que dans le Luxembourg, qui est la province la plus étendue du royaume, il n’y a pour ainsi dire qu’une seule route.
Si vous admettiez les raisonnements des honorables députés de Tournay, qui argumentent de ce que leur province contribue beaucoup au produit des barrières pour avoir de nouvelles routes en proportion, vous décideriez en principe que les provinces qui ont beaucoup de routes doivent encore en avoir davantage, et que les provinces qui ne produisent rien n’ont pas les mêmes droits. Cette manière de voir, messieurs, empêcherait toujours qu’il y eût des routes où elles sont le plus indispensables, c’est-à-dire, où il n’y en a pas, et le Luxembourg, où l’industrie et le commerce n’ont pu, jusqu’à présent, se développer faute de communications, resterait encore longtemps dans la fâcheuse position où il se trouve.
Mais il n’en sera pas ainsi ; vous vous rallierez avec la section centrale aux propositions faites par M. Teichmann quant aux routes nécessaires à notre province ; et je dois vous faire remarquer à cette occasion, messieurs, que la somme qui sera allouée pour notre province est loin d’être aussi élevée que l’a énoncé M. Doignon ; car l’allocation de la route de Terwagne à Marche, qu’il a comprise dans son calcul, est toute sur la province de Liége, et celle de la route de Dinant à Neufchâteau concerne en grande partie celle de Namur ; ainsi, le seul subside de 15,000 fr. demandé pour l’ouverture de la route de Habay à la corne du bois des Pendus, concerne entièrement notre province.
Cependant messieurs, si j’appuie l’amendement de mon honorable collègue M. Zoude, c’est plutôt pour appuyer pour l’avenir la nécessité de communications qui se fait sentir chez nous, que pour obtenir les fonds qu’il demande maintenant que la somme à répartir est trop faible pour que nous puissions obtenir ce qu’il demande ; car il peut y avoir aussi dans d’autres provinces des routes nécessaires, et je crois qu’aucun de nous ne devrait être ici exclusif quand il s’agit de répartir les fonds de la nation.
Si je voulais signaler, à propos de cette discussion, les routes les plus nécessaires pour notre province, je vous entretiendrais de celle d’Éwaille à Bastogne par Houffalize, qui est certainement celle qui produirait les plus grands bienfaits, et entre autres celui de vivifier la plus mauvaise partie des Ardennes, qui ne reste dans un état de misère que parce qu’elle est pour ainsi dire entièrement abandonnée faute de communications ; je me réserve d’appeler l’attention du gouvernement à cet égard à propos du budget, et j’ai lieu d’espérer, messieurs, que vous m’appuierez à cet égard, car vous avez toujours montré de la sympathie pour vos concitoyens du Luxembourg.
Je demande d’ajouter un mot pour répondre au préopinant, qui a proposé d’ajourner la confection des routes du Luxembourg jusqu’à l’issue de la question politique ; j’observerai d’abord que je trouve cette observation tout à fait inopportune pour ne rien dire de plus, et en outre, je ferai remarquer à l’assemblée que les routes dont il s’agit maintenant ne se trouvent pas dans la partie cédée de notre province.
M. Zoude. - La confiance de la chambre n’a pas été ébranlée par le traité du 21 mai ; j’en appelle à la réponse de l’adresse au trône ; toute infraction au traité du 15 novembre sera toujours repoussée énergiquement par la chambre.
C’est par suite de l’argument de l’honorable M. Fallon que je persiste dans l’allocation de la somme demandée, qui est devenu d’autant plus nécessaire qu’il faut rassurer notre province sur l’avenir dont l’honorable M. Fallon l’a menacée.
M. d’Huart. - J’ignore dans quels documents politiques l’honorable M. Fallon a trouvé de quoi appuyer son assertion, et je ne sais pas s’il est bien prudent d’élever de semblables questions dans ce moment.
M. Fallon. - Le document politique dont je me suis autorisé, c’est l’article 5 de la convention du 21 mai. Vous avez entendu, messieurs, comment les différents orateurs qui ont parlé dans la discussion de l’adresse ont interprété cet article ; et c’est de là que me vient l’inquiétude que j’ai manifestée.
Quant à la seconde observation de l’honorable M. d’Huart, je ne vois pas qu’il y ait plus d’imprudence à traiter aujourd’hui la question dont il s’agit qu’il n’y en avait lors de la discussion de la réponse au discours du trône.
M. Fleussu. - Je ne pense pas, messieurs, qu’on puisse adopter la question préalable sur les amendements. De quoi s’agit-il ? De répartir l’excédant du produit des barrières pour des routes nouvelles. Or, il est évident que si M. Teichmann a oublié dans son projet de loi des travaux urgents, les députes peuvent présenter des amendements pour les y faire comprendre. Mais je soumettrai à cet égard à la chambre une motion d’ordre. J’ai crois d’abord qu’il faut discuter toutes les spécialités qui se trouvent désignées dans le projet de loi, et si ensuite il reste des économies, il y a d’autres routes à faire dans les provinces, et c’est alors que chacun pourra faire valoir leurs droits. (Appuyé ! appuyé !)
M. de Foere déclare retirer sa proposition tendante à faire prononcer la question préalable.
- Les amendements de MM. Zoude et de Nef sont ajournés.
M. le président. - On passe au n°2, intitulé « Achèvement de la route de Dinant à Neufchâteau, fr. 100,000. »
M. Dumortier. - Cette route a donné lieu à de très vives contestations. On a fait observer qu’il y avait un moyen beaucoup simple d’établir la communication de Dinant à Neufchâteau. Celle qui a été entreprise a coûté déjà plus d’un million de francs, tandis qu’avec cent mille francs on pouvait parvenir au même résultat.
Je désirerais savoir si la somme qu’on réclame sera suffisante pour l’achever ; car, dans le cas négatif, je demanderais qu’on en que revînt à l’autre moyen dont j’ai parlé.
M. Teichmann, commissaire du Roi. - Je déclare que la somme de 100,000 fr. sera suffisante pour achever la communication de Dinant à Neufchâteau.
Je ne réfuterai pas l’allégation du préopinant qui a prétendu qu’on pouvait la terminer avec 100,000 fr. Je ferai seulement observer que la route, dans tous les cas, devait avoir 3 lieues environ, et une telle route ne peut être confectionnée avec 100,000 fr.
- Le n° 2 est mis aux voix et adopté.
« Reconstruction de la route d’Anvers à Gand : fr. 30,000 »
- Adopté.
« Prolongement de la route neuve de Bruxelles à Ninove jusque la rencontre de la route d’Alost à Grammont, et améliorations aux abords d’Audenaerde : fr. 90,000 »
- Adopté.
« Route de Liége à Marche par Terwagne : fr. 80,000. »
- Adopté.
M. Dubus. - Messieurs, je prends la parole pour faire remarquer seulement que si les objections qu’on a élevées contre les autres demandes étaient fondées, elles devraient faire écarter également celle dont il s’agit maintenant. En effet, messieurs, on a fait remarquer que le projet de la section centrale renversait celui de M. Teichmann, en ce que M. Teichmann, dans sa proposition, allouait une somme globale pour les routes provinciales ; il ne voulait pas qu’il y eût d’allocation spéciale pour elles. Eh bien, d’après ce système, le paragraphe 4° aurait dû être compris dans les derniers paragraphes du projet et n’avoir d’autre allocation que celle qu’il aurait plu au gouvernement de lui donner ; car jusqu’ici la route dont il s’agit a été regardée comme route provinciale. Mais l’était-elle en effet ? non, messieurs, car c’est là une qualification qui ne doit pas être donnée arbitrairement et selon des caprices. Pour classer les routes il faut avoir égard à l’intérêt qu’elles présentent pour le pays. Une route provinciale c’est celle dont les deux points aboutissent dans la même province.
Mais, du moment qu’une route établit des communications entre plusieurs provinces, dès lors elle intéresse l’Etat, en devenant une route de deuxième classe elle en a essentiellement le caractère.
- Le paragraphe 4° est mis aux voix et adopté.
M. le président. - M. Dumortier et M. Dellafaille demandent par amendement une somme de 60 mille francs pour la route de Tournay à Renaix.
M. H. Dellafaille. - Messieurs, dans la séance d’avant-hier j’ai eu l’honneur de vous entretenir des motifs d’absolue nécessité qui militent en faveur de l’achèvement de la chaussée de Tournay à Renaix ; je n’y reviendrai plus aujourd’hui ; seulement j’ajouterai que cette route, quoique située en majeure partie sur le territoire du Hainaut, est moins utile encore à cette province qu’à celle de Flandre orientale, puisqu’elle doit ouvrir une voie directe pour faire pénétrer jusqu’au cœur du pays d’Alost les houilles, la chaux, les pierres que nous ne pouvons tirer que de Tournay et qu’en second lieu elle doit procurer le débouché de Lille et d’une partie du Hainaut et de la Flandre française à un des principaux marchés de toiles de notre province.
Si l’on ne conteste pas, et je crois qu’il serait difficile de le faire avec succès, la nécessité et l’urgence de cette nouvelle communication, si le gouvernement est en effet résolu d’en procurer l’achèvement, il faut, par une conséquence toute naturelle, qu’il adopte à cette fin des moyens efficaces. Dans le projet de M. Teichmann, je vois figurer pour huit routes à la fois un subside de 62,000 fr., ce qui fait pour chacune d’elles un taux moyen de sept à huit mille fr. Il est impossible qu’avec ce soi-disant subside, la chaussée dont je vous parle puisse jamais se terminer. Vainement le Hainaut a jusqu’ici cherché des concessionnaires ; le revenu productif des barrières, quoique certain, se montre dans un avenir encore trop éloigné, et quant à la partie de la dépense qu’on avait imaginé de mettre à la charge de Renaix, j’ai déjà eu l’honneur de vous le dire avant-hier et je vous le répète, il est impossible à cette ville de supporter un pareil fardeau ; et ce serait, il me semble, un assez mauvais moyen d’augmenter la prospérité générale que de commencer par grever de dettes une ville industrieuse.
Avec le subside demandé, je crois qu’il sera possible de terminer enfin, ou du moins, de pousser fort loin cet ouvrage si impatiemment attendu ; c’est ce qui m’a porté à vous présenter de concert avec mon honorable collègue et ami, M. Dumortier, l’amendement dont il vous a été donné lecture.
M. de Brouckere. - Il me semble que la chambre a pris tout à l’heure une décision qui s’applique parfaitement à la proposition de MM. Dumortier et Dellafaille. De quoi s’agit-il en effet ? D’une route dont il est fait mention plus loin dans le même projet. Il ne faut donc pas anticiper, mais se réserver de reproduire l’amendement quand nous en serons venus à la partie du projet à laquelle il s’applique. Alors s’il nous reste de l’argent, nous voterons l’amendement ; s’il ne nous reste rien, nous n’aurons évidemment rien à voter, mais il ne nous est pas permis d’anticiper. La décision de la chambre et le règlement s’y opposent.
M. Dumortier. - La chambre n’a pas pris la décision qu’on lui prête : elle a écarté deux propositions qui n’étaient pas comprises dans le projet, et M. Dubus a fait observer qu’il n’entendait pas préjudicier aux autres propositions. Il a été uniquement question des propositions additionnelles, on ne peut pas empêcher un membre de présenter un amendement.
L’urgence de la route de Tournay à Renaix a déjà été démontrée, et c’est pour cela que j’ai cru devoir présenter maintenant ma proposition. Evidemment il ne sera plus longtemps lorsque tous les fonds auront été affectés à des travaux moins nécessaires.
M. de Brouckere. - Je persiste dans l’opinion que j’ai émise, j’irai même encore plus loin ; je dirai que la décision précédente de la chambre est applicable ici a fortiori, et voici pourquoi : c’est que les amendements de MM. Zoude et de Nef portaient sur des routes nouvelles et que par conséquent ils pouvaient les placer là où bon leur semblait. Mais la place de l’amendement de MM. Dumortier et Dellafaille est marquée d’avance. Elle se trouve au paragraphe 9.
J’ajouterai de plus que je ne sais pas trop comment on pourrait voter cet amendement, car il n’y a que quarante mille francs d’économie, et on nous demande soixante mille francs. C’est aux auteurs de l’amendement à nous indiquer où les prendre. Je rappelle que la chambre a décidé qu’elle s’occuperait d’abord de toutes les routes indiquées dans le projet de M. Teichmann ; maintenant je ne conteste pas l’utilité de la nouvelle route qu’on nous propose, je ne suis pas à même de le faire.
M. Desmanet de Biesme. - Je ferai remarquer qu’il est prudent d’ajourner l’amendement pour savoir s’il nous restera les fonds qu’on nous demande. Je le crois utile, mais il faut en subordonner la discussion à celle des autres allocations portées au projet.
M. Dumortier. - Je consens à ajourner mon amendement jusqu’après les sommes fixées.
M. Dubus. - On peut l’ajourner jusqu’au rang marqué dans le projet de la section centrale.
M. de Brouckere. - Il est plus simple de prononcer simplement l’ajournement.
- L’ajournement est adopté.
« Ouverture de la route de Diest vers Hasselt : fr. 30,000. »
- Adopté.
« Améliorations de la traverse de Braine-le-Comte, 20,000 fr. »
M. Dubus. - La section centrale s’est déterminée à rejeter cette allocation d’après les observations qui lui ont été faites par plusieurs sections ; elles ont ouï dire que la traverse de Braine-le-Comte était suffisamment viable, qu’on pouvait en retirer tous les avantages qu’on doit attendre d’une route terminée. Il y a, ont-elles ajouté, des routes dont on ne peut attendre aucune utilité à cause de l’état où elles ont été laissées ; et ce sera faire un meilleur emploi des fonds que de les consacrer à les rendre productives d’insuffisantes et d’inutiles quelles sont.
M. Teichmann, commissaire du Roi. - Je me rallie à l’observation du préopinant, et je consens à ce que la proposition que j’ai faite soit ajournée.
M. Desmanet de Biesme. - Je dois dire que la route dont il s’agit est aussi mauvaise que possible ; il me semble qu’il est important d’entretenir les routes qui existent.
M. Dumortier. - Il est certain qu’il y périt un tiers d’homme tous les ans (on rit), c’est-à-dire 1 homme tous les 3 ans ; depuis longtemps on demande le redressement de la route dont il s’agit : je demande qu’au moins on ne perde pas cet objet de vue.
M. A. Rodenbach. - Il y a plus de 100 ans que la lacune que l’on a signalée existe, et la population du district est très nombreuse.
M. Dumont. - Aucun des membres appartenant au district de Soignies n’est présent : c’est pourquoi je prendrai la parole. Messieurs, la route dont nous nous occupons est une des plus productives du Hainaut. Naturellement il faut lui attribuer les fonds nécessaires à son entretien avant de les prendre pont les appliquer ailleurs. Cette dépense est considérée comme urgente depuis 15 ou 20 ans. On l’a toujours refusée, sans doute parce qu’il ne périt pas encore assez de monde.
M. Jullien. - Je prierai M. Teichmann de s’expliquer sur la nécessité de la dépense.
M. Teichmann, commissaire du Roi. - Messieurs, la lacune qui rend la route dangereuse existe depuis longtemps, et comme il est indispensable d’appliquer cette année 60,000 fr. à des travaux neufs de terrassement, je me suis rallié à la proposition de la section centrale. Il serait bon toutefois d’exécuter le travail de la traverse dans un an, dans 2 ans au plus tard, mais il n’y a aucun inconvénient à l’ajourner.
M. Dubus. - Messieurs, on a dit que la route était mauvaise, mais je ferai remarquer qu’il ne s’agit pas ici d’un crédit pour l’entretien de routes, ce qu’on nous demande c’est une allocation pour l’amélioration d’une traverse.
On a parlé de l’urgence, mais il y a 20 ans que cette urgence est reconnue ; or, je vous le demande, si elle était aussi réelle qu’on le prétend, aurait-on différé l’amélioration pendant 20 années ?
Enfin, messieurs, c’est la première année que l’excédant des produits des barrières est appliqué à l’entretien des routes ; autrefois, c’était la province qui faisait cette application ; or, elle n’a jamais rien refusé au Hainaut. Si donc il y avait un si grand danger sur cette route, elle n’aurait pas refusé les fonds.
M. de Brouckere. - Je ne connais pas les localités, mais d’après les renseignements qui me sont donnés, il me semble qu’on ne peut pas hésiter à voter l’amélioration qu’on nous demande.
En vérité, messieurs, je n’ai pas pu entendre sans surprise l’argument que vient de vous présenter le préopinant ; il a dit : la preuve qu’il n’y a pas nécessité d’accorder les fonds, c’est qu’il y a 20 ans qu’on les refuse. A suivre cet argument, cela conduirait à n’accorder jamais l’amélioration sollicitée. En effet, messieurs, l’année prochaine on sera encore mieux fondé à la refuser, et dans quelques années encore on aura des raisons péremptoires pour la rejeter ; cependant, messieurs, il me semble que c’est un argument tout contraire qu’il fallait vous présenter. Si la route était mauvaise il y a 20 ans, il est certain qu’elle doit être impraticable aujourd’hui.
M. Dubus. - Je ne crois pas, messieurs, avoir dit l’absurdité que me prête le préopinant, et j’ai besoin de rectifier ses assertions ; je n’ai pas avancé que, plus on avait attendu, plus il fallait attendre encore. Mais j’ai seulement dit : on nous signale le danger d’une traverse.
Cette traverse appartient à un arrondissement auquel le Hainaut n’a jamais rien refusé, et s’il a refusé les fonds, c’est donc que le danger était imaginaire. Il n’y a pas là d’absurdité.
Le danger dont on parle consiste dans un coude que fait la route et qu’on voudrait supprimer en tirant une ligne droite.
M. F. de Mérode. - Je me rallie tout à fait à l’opinion de M. Teichmann. Il y a sans doute une montée pénible dans la route dont il s’agit, mais elle est praticable, et il n’y a pas de danger appréciable. Mais, messieurs, il est important de terminer des routes qui, étant incomplètes, ne peuvent rendre aucun service.
- L’allocation est mise aux voix et adoptée.
« Ouverture de la route du Bois-des-Pendus à Habey-la-Neuve : fr. 25,000 fr. »
M. d’Huart. - Messieurs, les fonds alloués pour les deux routes de Dinant vers Neufchâteau et de Terwagne vers Marche, seront dépensés à peu près en entier dans les provinces de Namur et de Liége, et pour ces deux cas le motif politique que j’ai invoqué tantôt, en répondant à M. Fallon, n’a pas trouvé la son application.
Mais ici il s’agit d’une route entièrement dans la partie du Luxembourg qui nous restera en vertu du traité du 15 novembre ; si vous rejetiez l’allocation après l’opinion affligeante qui vous a été présentée par M. Fallon, vous sembleriez la partager, et par suite on pourrait croire à l’étranger que vous seriez disposés à admettre la cession de tout le Luxembourg, si la conférence vous la demandait.
Je vous laisse juger, messieurs, ce qu’il y aurait de dangereux en rejetant l’allocation demandée après ce qui s’est dit tout à l’heure dans cette enceinte, et je crois prudent de protester dés aujourd’hui contre une telle supposant en votant le crédit.
Au surplus, messieurs, la somme de 25 mille francs qu’on vous demande ne ruinera certainement pas la Belgique, et quand même vous devriez abandonner tout le Luxembourg, vous ne regretteriez pas sans doute ce petit sacrifice infiniment utile à des habitants qui avaient autant de droit de rester Belges que les habitants des autres provinces, et qui auraient assez à souffrir pour s’être associés franchement à la révolution, s’ils devaient être replacés sous le joug hollandais.
M. de Brouckere. - Je commence par déclarer que je voterai pour la somme demandée, mais ce ne sera pas pour le motif qu’on vient de faire valoir. Ce n’est pas parce qu’un membre aura avancé une allégation que je réprouve que je voterai 25 mille fr. dans l’espérance détruire l’effet qu’elle aura pu produire ; d’ailleurs M. Fallon n’a rien dit dont il doive se repentir. Je ne prends la parole messieurs, que parce que cet honorable membre n’est pas présent…
- Plusieurs membres. - Le voici, il est à son banc. (On rit.)
M. de Brouckere. - Eh bien je lui abandonne le soin de répondre à ce qui lui est personnel, mais je ferai observer qu’il ne peut y avoir eu imprudence à exprimer une opinion qui lui est propre ; d’ailleurs il l’avait déjà émise lors de la discussion de l’adresse, et je ne vois pas qu’elle doive produise aujourd’hui un autre effet plus dangereux qu’a cette époque. C est là, je le soutiens, une opinion qu’on pouvait faire entendre. Mais certes, s’il agissait de voter sur le Luxembourg, M. Fallon, pas plus que M. d’Huart et moi, ne serait le dernier à protester en sa faveur.
M. d’Huart. - Lors de la discussion de l’adresse, c’est évidemment une opinion personnelle que M. Fallon a émise. Mais aujourd’hui il vient demander la sanction de la chambre pour cette opinion, et la chambre doit la refuser, parce qu’elle pourrait être funeste au Luxembourg.
M. Fallon. - Je n’ai pas dit qu’il fallût supprimer toute amélioration dans le Luxembourg. Je me suis borné à proposer de ne voter des fonds que pour les travaux commencés, et d’attendre, pour en entreprendre de nouveaux, que la question publique fût jugée.
- L’allocation est mise aux voix et adoptée.
« Achèvement de quelques lacunes de la route de Namur à Luxembourg. »
M. Teichmann, commissaire du Roi. - Je consens à retirer cette proposition.
M. le président. - M. Jullien y consent-il ?
M. Jullien. - J’attendrai pour voir s’il n’y a pas d’opposition.
M. le président. - Personne ne demande la parole.
M. Jullien. - Si personne ne s’y oppose, je retire la proposition. (On rit.)
- La proposition est retirée.
« Empierrement de la digue du canal de Furnes à Dunkerque. »
M. Dubois. - Messieurs, je me serais volontiers abstenu de prendre la parole si, en amendant la proposition de l’honorable M. Teichmann, la section centrale n’avait pas cru devoir rejeter l’allocation qui y est portée pour l’empierrement de la digue du canal de Furnes vers Dunkerque. Ce rejet m’impose le devoir d’éclairer la chambre à ce sujet, et de lui décliner les puissants motifs qui ont dû déterminer l’auteur de la proposition à proposer la construction d’une route dont l’utilité, je dirai déjà la nécessité, est si vivement ressentie par un arrondissement et par une province belge et par toute une population amie, chez qui elle aboutit au-delà de la frontière.
Il était naturel, messieurs, qu’aux diverses allocations portées dans le projet, les membres des sections demandassent un renseignement sur l’utilité qu’offrirait la route à construire ; personne d’entre nous n’est tellement au fait des diverses localités du pays, qu’il puisse sans information et sans l’absence de toute enquête décider sur l’utilité ou l’inutilité d’une telle route qui est située loin de chez lui ou hors de sa province.
On a donc fait la même question à l’égard de la route de Dunkerque, et spécialement on a voulu savoir si le gouvernement français achèverait de son côté la partie de la route qui parcourt son territoire, c’est-à-dire cette partie qui commence au-delà de la frontière belge et aboutit à la partie du gravier qui déjà est construit en deçà de la ville de Dunkerque. Voici ma réponse à l’une et l’autre de ces questions :
La ville et les environs de Furnes n’ont, du côté de Dunkerque et du nord de la France, d’autre communication qu’un canal avec digue impraticable et quelques chemins vicinaux presque en tout temps mauvais et argileux.
Pour arriver à Dunkerque, il faut suivre la côte qui n’est praticable que quand la marée est basse et qui offre de telles difficultés que chez nous tout service de poste est devenu impossible.
Cependant, messieurs, toute la route de Bruxelles à Calais par l’intérieur de nos provinces, par Gand et Bruges, n’est interrompue que de Furnes à Dunkerque c’est-à-dire, par une distance de quatre lieues. Distance immense ! Je sais qu’on a souvent payé 100 francs pour être traîné de l’une à l’autre de ces villes.
M. l’administrateur général des postes, qui depuis longtemps cherche un second point de communication avec l’Angleterre et qui désire vivement organiser un service régulier par Calais, a compris toute l’utilité qu’offrait la route par Furnes et Dunkerque, et dans un rapport dont il a bien voulu me donner une copie, il démontre la nécessité de combler cette lacune. J’aurai l’honneur d’en lire quelques extraits à l’assemblée.
Messieurs, ce que je dis du service de la poste s’applique également aux voyageurs. Personne de vous n’ignore que journellement il se débarque à Calais un grand nombre de voyageurs anglais, français, allemands, et ce nombre est d’autant plus considérable que le service des paquebots y est journalier ; eh bien, il est positif que la presque totalité de ces voyageurs qui visitent la Belgique, ou qui la traversent pour se rendre en Allemagne, entrerait dans le pays, non plus par Lille, mais par Dunkerque et Furnes, si on pouvait éviter la côte et longer facilement le canal, et quand Calais ne sera distante que de 20 à 22 lieues de la route en fer, d’Ostende vers le Rhin, cette voie que j’indique deviendra nécessairement celle que suivront les voyageurs. Il m’est permis, je crois, de parler ainsi, quand nous sommes à la veille de voter une loi qui doit rendre à notre commerce toute son activité et toute sa splendeur.
Messieurs, cette route sera notre seule communication avec la France ; elle sera le seul débouché d’un pays riche à un pays riche. Elle établira des relations sociales entre Calais et Ostende et entre Dunkerque et le nord de la France, et l’intérieur du pays. Car veuillez remarquer que beaucoup de navires arrivent à Dunkerque chargés de marchandises en destination des principales villes de la Belgique et pour Gand.
Mais, dit-on, vous avez un canal qui rend inutile le roulage et qui supplée à un pavé.
Il est vrai, messieurs, qu’il existe un canal de Furnes à Dunkerque, communiquant avec les canaux de Nieuport, d’Ostende, de Gand, et par lequel il se fait vers la France un transit considérable de houilles ; mais un canal exclut-il un pavé ? A-t-on jamais songé d’enlever le pavé de Bruxelles à Malines, parce qu’il longe le canal ? A Bruges qui a le plus beau canal du pays vers Ostende, a-t-on jamais trouvé qu’il y ait de l’inconvénient d’avoir en outre deux pavés qui mènent cers cette ville ?
Un canal, loin d’exclure l’existence d’un pavé, le nécessite souvent, quand, par exemple, il n’a pas un tirant d’eau assez considérable pour voiturer sans allèges les énormes bélandres que le Hainaut nous envoie ; quand ce canal destiné à protéger l’écoulement des eaux doit subir une baisse fréquente et prolongée ; quand enfin il est tenu par la gelée ; or, messieurs, toutes ces circonstances se réunissent chez nous pour diminuer l’utilité de notre canal et pour en neutraliser les avantages. Rarement un bélandre arrive chez nous sans être obligé d’alléger ou d’y stationner longtemps pour attendre la crue des eaux ; rarement le commerce n’a pas à se plaindre de ce que les marchandises soient retenues à Dunkerque pendant dix, douze et quinze jours. Voici, messieurs, à ce sujet l’extrait d’une lettre que je reçois de M. le maire de Dunkerque. Elle démontre quelle utilité le roulage et le commerce retireraient de cette route.
« Dunkerque, le 5 juillet 1833
« A. M. A. Delatre Echevin à Furnes.
« Monsieur,
« L’utilité qui offrira au roulage la route projetée est incontestable ; chaque semaine des rouliers chargent à Dunkerque pour la Belgique, et sont dans la nécessité de se diriger d’abord sur Lille ; ensuite l’hiver, lors des gelées, nous voyons ici chômer des marchandises qu’on est obligé de laisser en bélandre jusqu’à la réouverture des canaux, tandis qu’elles pourraient être rendues à destination en quelques heures si la route en question existait.
« L’été dernier, une partie considérable de café, qu’on attendait à Gand avec impatience, est restée à Dunkerque pendant plus de quinze jours faute d’eau, et assurément l’expéditeur aurait été enchanté de pouvoir les charger par terre, n’importe à quel prix. Les mêmes avantages devant nécessairement en résulter pour la Belgique, il en résultera que la nouvelle route sera extrêmement fréquentée par les rouliers. »
Il me reste à vous dire, messieurs, que je suis persuadé qu’aussitôt que le gouvernement français saura que le gouvernement belge a un crédit disponible pour l’achèvement du gravier qui reste à être construit depuis Furnes jusqu’à la frontière française, il s’empressera de venir à notre rencontre et travaillera de son côté pour nous atteindre. Ce qui me donne cette certitude, c’est qu’en France comme chez nous, on a vivement senti la nécessité de cette communication ; c’est que, dans l’arrondissement de Dunkerque, comme dans celui de Furnes et dans d’autres parties de la province de la Flandre occidentale, on a constamment formé des vœux pour l’achèvement de cette route ; et en voici la preuve :
Aussitôt que la municipalité de Dunkerque fut informée que notre gouvernement se disposait à demander aux chambres un crédit pour empierrer la digue du canal de Furnes à Dunkerque, elle a résolu, de concert avec le conseil, qu’une demande serait présentée par elle au gouvernement français à l’effet d’obtenir la confection du chemin du gravier de Dunkerque au territoire belge. Voici ses considérants :
« Le conseil municipal, après avoir délibéré,
« Considérant que l’achèvement de la route de Dunkerque a Furnes, le long du canal percé de l’une de ces villes à l’autre, est un des besoins les plus vivement sentis tant dans le nord de la France, que dans la partie de la Belgique qui l’avoisine ;
« Que le moyen de communication entre les deux royaumes, par le bord de la mer, est de la plus grande difficulté par la nature du sol qui n’est que du sable mouvant, dangereux par la force quelquefois inattendue des marées, et précaires par la variation constante de leurs époques ;
« Que celui par l’intérieur, qui longe le canal de Dunkerque à Furnes, serait préférable sous tous les rapports et serait sans doute toujours préféré s’il existait une route en cailloutés ou en pavé de l’une à l’autre ville ;
« Que cet état de choses nuit au plus haut degré aux rapports soit commerciaux, soit de toute autre nature, qui existent sur ce point entre les deux royaumes
« Décidé à l’unanimité, etc. »
En 1812, le pavé de Furnes à Dunkerque fut décrété. Les malheurs qui survinrent à cette époque s’opposèrent à ce que le décret fût mis à exécution. Plus tard, des précautions militaires empêchèrent le gouvernement hollandais d’ouvrir cette route. Mais, messieurs, les temps sont changés : nous n’avons plus d’ennemis au-delà de cette frontière aujourd’hui ; d’ailleurs les exigences de la guerre doivent céder quelque chose à ce que nécessitent l’industrie et le commerce.
Attendre que la France prenne l’initiative dans l’achèvement de cette route, c’est, messieurs, remettre indéfiniment le projet. Que diriez-vous si je prétendais qu’il faut suspendre l’exécution de la route en fer jusqu’à ce que la Prusse commence sur son territoire ? Vous me désapprouveriez, je pense, parce que la Prusse aura le plus grand intérêt de prolonger notre ligne jusqu’à Cologne. Eh bien, la France a également intérêt à achever l’empierrement de notre digue.
Mieux que cela, la France a déjà construit l’étendue d’une lieue en deçà de Dunkerque, et il résulte du rapport fait à M. l’administrateur des postes que le conseil du département du Nord a alloué quelques crédits pour le même objet. Si ensuite vous considérez que c’est nous qui retirerons la plus grande utilité de cette route, que c’est encore nous qui avons la moindre partie à achever, et qu’ainsi il y a de notre côté moins de frais et plus d’avantages, et du côté de la France moins d’avantages et doubles frais, vous serez convaincus, messieurs, que ce serait être pas trop exigeants que de demander à la France qu’elle achève sans nous cet important ouvrage. Il est juste que la France attende de nous un commencement d’exécution. A son tour elle peut demander une garantie pour être assurée qu’elle ne travaillera pas en vain ; et cette garantie elle la trouvera dans le crédit proposé par l’auteur de la proposition. Toutes autres protestations sont non-officielles, elles sont insuffisantes.
Messieurs, j’ai évité de comparer le montant des subsides accordés à la Flandre occidentale avec celui dévolu à d’autres provinces ; je me suis abstenu de faire des rapprochements entre la route de Dunkerque et celles contenues soit dans le projet, soit dans la proposition de la section centrale. J’aurais cependant pu dire bien des choses, mais je me contente de soumettre à la décision de la chambre s’il est tellement inopportun, comme le pense la section centrale, d’allouer une faible somme de 30,000 francs pour ouvrir une communication aussi intéressante avec un pays voisin ; une communication qui offrira au gouvernement et au pays une route nouvelle et plus directe vers Calais ; qui, nécessaire pour les localités que j’ai l’honneur de représenter, sera d’une utilité incontestable pour la province de la Flandre occidentale dont le chef-lieu et les autres villes trouveront ainsi une direction prompte et facile vers la France ; qui enfin, et je vous prie de remarquer ceci, messieurs, restituera au trésor un gros intérêt de ce qu’elle aura coûté. Car cette lacune remplie, vous vivifierez et vous rendez, dans la Flandre occidentale au commerce et au roulage une étendue de plus de 12 lieues de pavé qui actuellement est à peu près désert.
Je voterai donc pour le maintien de l’allocation proposée par M. Teichmann.
M. Legrelle. - Je ne conteste pas la nécessité du travail, mais je crois que nous ne devrions le commencer que d’accord avec le gouvernement français, afin que l’empierrement se fasse à la fois des deux côtés. J’ai bien vu que le conseil municipal de Dunkerque sentait la nécessité de la communication et se proposait de présenter à ce sujet une requête au gouvernement, mais ce n’est la qu’une espérance et ici il nous faut des réalités.
M. Jullien. - J’ai peu d’observations à ajouter à celles qui vous ont été présentées par M. Dubois avec une parfaite connaissance des localités.
Il y a une somme de 602 mille francs à partager ; elle provient de l’excédant du produit des barrières. D’après le principe reconnu, la distribution doit se faire de la manière la plus égale possible parce que c’est le partage d’un fonds commun. Or, je vous prierai de remarquer que la Flandre occidentale est la sixième partie du royaume : elle donc pourrait prétendre à 100 mille francs dans la répartition : vous remarquerez que le projet ne lui alloue que la minime somme de 30 mille francs ; ce n’est pas seulement le tiers de l’allocation à laquelle elle pourrait prétendre à titre égal.
Contestera-t-on maintenant l’utilité du travail qu’on vous propose ? Mais, depuis 1812, le gouvernement français en a reconnu la nécessité ! La digue du canal est en effet la seule communication possible avec Dunkerque. Mais elle est si dangereuse que les maîtres de poste y perdent 25 à 30 chevaux par an. Le prix exigé des voyageurs est de 100 fr., à cause du péril où l’on est de perdre des chevaux. Comme je l’ai dit, la nécessité de l’empierrement de cette route est reconnu depuis 1812 ; les événements ont seuls empêché l’exécution de ce projet. En 1821, la proposition a été renouvelée par le gouvernement hollandais. Mais la construction de la route militaire de Nieuport, exécutée dans des vues hostiles contre la France, n’a pas permis qu’il y fût donné suite. Maintenant elle est de nouveau reprise, et certes aucune des personnes qui connaissent la localité n’en contestera l’urgence.
Ce serait commettre une injustice criante envers la Flandre occidentale que de lui refuser l’allocation dont il s’agit ; alors que vous accordez à pleines mains à d’autres provinces.
La proposition d’ailleurs ne vient pas de moi, c’est le gouvernement lui-même qui a senti la nécessité de vous demander 30 mille francs. D’après le principe de justice distributive, vous ne sauriez les refuser sans faire un acte de partialité dont la Flandre occidentale aurait à se plaindre ; remarquez, messieurs, que déjà tous les établissements publics sont situés dans la Flandre orientale. Quant à la Flandre occidentale, sous le gouvernement français elle n’a rien obtenu ; sous le gouvernement hollandais elle n’a pas obtenu davantage, et aujourd’hui vous repousseriez la proposition qui vous est faite en sa faveur !
Mais, nous dit-on, ce n’est pas à notre gouvernement de prendre l’initiative. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’attendre que le gouvernement français se décide ; d’ailleurs, d’après les renseignements que nous pouvons avoir sur les intentions, il nous est permis d’espérer une décision favorable. Déjà le conseil municipal de Dunkerque doit adresser ses réclamations sur la nécessité de l’empierrement de la digue sur le territoire français ; c’est à l’unanimité que le conseil a pris cette résolution. Il n’y a du côté de la France que 2 lieues 1/2 à faire et 5/4 de lieue de notre côté ; nous savons plus, c’est que la province du nord a alloué les fonds nécessaires pour la construction de la lacune. Resterons-nous en arrière, lorsque le gouvernement français nous fait des avances ?
Enfin, messieurs, je vous rappellerai que c’est notre gouvernement qui a fait la proposition et qu’il devait connaître les intentions du gouvernement français.
M. Teichmann, commissaire du Roi. - Je ferai observer au préopinant que la demande de 30 mille francs n’a pas été faite au budget de l’intérieur, qu’elle a été demandée par moi. Nous ne pouvons pas garantir les intentions du gouvernement français, mais je puis déclarer qu’ayant été quelque temps à Dunkerque, les ingénieurs, le génie militaire et le maire de la ville m’ont demandé notamment de faire au gouvernement belge une proposition tendant à exécuter les ouvrages d’empierrement de la route du canal de Furnes, se faisant fort de leur côté d’obtenir les fonds nécessaires pour la partie du travail qui les concerne. Je ne puis donner d’autres garanties.
M. Verdussen. - Je partage l’avis de celui des préopinants qui pense que nous devons nous assurer des intentions du gouvernement français ; mais je ne pense pas qu’il faille refuser le crédit, je pense au contraire qu’il est nécessaire de l’allouer afin de mettre le gouvernement belge à même de dire au gouvernement français : Si vous commencez la partie du travail qui vous regarde, nous commencerons celle qui nous appartient. Mais le gouvernement belge ne pourrait rien promettre sans cette condition.
M. Dubus. - Dans la section centrale on n’a pas contesté l’utilité du crédit ; la majorité était même d’avis de l’allouer, en ajoutant cette condition que le gouvernement belge ne pourrait disposer du crédit qu’après s’être assuré que le gouvernement français ferait procéder immédiatement à la partie des travaux qui doivent se faire sur son territoire. Nous avons voulu savoir si l’on pourrait avoir la certitude que le gouvernement français exécutât effectivement une partie de l’empierrement. M. Teichmann n’a pu nous donner sur ce sujet d’autres renseignements que ceux qu’il vous a donnés à vous-mêmes.
Il nous a semblé que c’était là une éventualité fort incertaine et même improbable, et alors accorder le crédit, c’eût été dans notre opinion mettre 30 mille fr. inutilement dans les mains du gouvernement, et nous n’avons pas cru devoir laisser une pareille somme sans emploi lorsqu’elle est réclamée de tous côtés.
Je ferai remarquer en terminant qu’il s’agit d’une grande communication du royaume, et que si, d’ici au vote définitif du budget, on obtenait une certitude de la part du gouvernement français, rien n’empêcherait d’accorder un crédit spécial.
M. Dubois. - D’abord la majorité avait reconnu l’utilité des travaux qu’on nous propose, et le crédit devait être accordé. Ce n’est que dans la seconde séance que quelques membres s’y sont opposés dans la crainte que l’allocation ne fût perdue. Je crois avoir démontré combien il est impossible que le gouvernement français lui-même n’achève la communication. C’est en allouant les 30 mille francs que nous devons l’engager à continuer la route ; il a déjà commencé à en exécuter l’espace d’une lieue, il a le droit d’attendre de nous que nous fassions maintenant une avance.
M. de Theux. - Il s’agit d’une route de première classe dont l’utilité est suffisamment démontrée. La totalité de la dépense ne s’élèvera qu’à 60,000 fr. ; on en demande la moitié, et il restera encore une somme de plus de cent mille fr. disponible.
M. Dumont. - Je conçois que la route puisse être d’une grande utilité pour les voyageurs, mais elle ne sera d’aucune utilité pour le transport des marchandises, étant à côté d’un canal. Je voudrais que cette route fût rangée dans la classe des routes dont l’Etat ne se charge qu’en partie et auxquelles les localités prennent part.
M. Teichmann, commissaire du Roi. - La route d’Ostende, Nieuport, Furnes, par le Luxembourg est route de première classe, et elle doit rester route de première classe comme route frontière. La partie de cette route dont il s’agit maintenant, est un embranchement qu’il convient aussi de laisser au nombre des routes de première classe ; alors je ne vois pas pourquoi les dépenses ne seraient pas faites par l’Etat.
- Plusieurs membres. - La clôture ! la clôture !
M. Dumortier. - Il me semble que l’on pourra attendre à se décider relativement à cette route quand on discutera le budget général… Mais j’ai pris la parole pour présenter l’amendement suivant : « Ce crédit ne sera dépensé qu’autant que le gouvernement français fera de son côté procéder immédiatement à la continuation de la route sur son territoire. »
M. Dubois. - L’amendement étant l’expression de ce que je demande, je m’y rallie.
M. de Theux. - Il serait assez singulier d’insérer dans une loi une disposition semblable ; il serait plus convenable que le commissaire royal déclarât que la somme ne sera employée qu’autant que le gouvernement français continuera la route sur son territoire. (Bien ! bien !)
M. Teichmann, commissaire du Roi. - Si la chambre croit que ma déclaration est suffisante, je la ferai volontiers. Je m’engage, au nom du gouvernement, à ne faire exécuter l’empierrement de la digue du canal de Furnes à Dunkerque, qu’autant que le gouvernement français fera la même chose sur son territoire.
M. de Brouckere. - La déclaration suffit, et nous n’avons pas besoin d’autres garanties ; mais je voudrais qu’il en fût fait mention au procès-verbal.
M. d’Huart. - Et moi je préférerais que la condition fût insérée dans la loi ; on la montrerait au gouvernement français, ce qui pourrait l’engager à commencer son travail.
M. de Brouckere. - La déclaration est suffisante ; il serait singulier de mettre une disposition semblable dans la loi.
M. Dumortier. - Je ne pense pas qu’il y ait singularité à mettre l’amendement dans la loi ; l’année dernière vous avez bien inséré des clauses conservatrices dans les lois, vous pouvez en faire autant cette année. Au reste, je retire mon amendement.
- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !
M. Dubus. - Il résultera peut-être du vote de la chambre que 30,000 fr. sur 600,000 fr. ne seront pas employés cette année, tandis qu’il y a des travaux très urgents à exécuter. L’observation que je fais n’a pas pour but d’ajourner l’empierrement de la digue de Furnes à Dunkerque ; mais je crois qu’on pourrait attendre, pour voter l’allocation relative à ce travail, que nous en soyons au vote définitif du budget des dépenses. (Aux voix ! aux voix !)
- Le numéro 2 mis aux voix est adopté.
- La proposition de M. de Brouckere, ou la demande relative à l’insertion de la déclaration faite par M. Teichmann, au nom du gouvernement, dans le procès-verbal, est mise aux voix et adoptée.
La séance est levée à 4 heures et demie.