(Moniteur belge n°192, du 11 juillet 1833)
(Présidence de M. Raikem)
M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure et demie.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
Les pièces adressées à la chambre sont renvoyées à la commission des pétitions.
M. le président communique à la chambre les pièces suivantes :
« Monsieur le président,
« J’ai l’honneur de vous adresser ci-joint copie conforme d’un arrêté du Roi, qui nomme commissaires pour la défense du budget et des lois destinées à modifier le système financier, MM. Fayder, Delfosse, Thiry et Delannoy.
« Le ministre des finances par intérim,
« Duvivier. »
« Monsieur le président,
« J’ai l’honneur de vous informer que je viens de donner l’ordre aux ingénieurs Simons et de Ridder de déposer au secrétariat de la chambre des représentant les plans, nivellements et détails estimatifs, relatifs au chemin en fer d’Anvers à la frontière de la Prusse, conformément à la demande que vous m’avez adressée le 8 de ce mois. Je leur ai en outre réitéré l’ordre de se tenir constamment à la disposition de la chambre, pour fournir tous les renseignements qu’elle pourrait désirer.
« Agréez, etc.
« Pour le ministre de l’intérieur
« Le secrétaire-général, P. Doncker. »
La Société Encyclopédique Belge fait hommage à la représentation nationale de la première livraison de son recueil.
La Société Nationale pour l’instruction populaire fait également hommage d’un exemplaire du recueil de ses travaux.
M. de Robiano de Borsbeek demande un congé ; le congé est accordé.
M. Jullien, proclamé membre de la chambre dans l’une des précédentes séances, est admis à prêter serment.
M. Helias d’Huddeghem, rapporteur de la commission chargée d’examiner les pièces relatives à l’élection de M. de Robaulx et à l’élection de M. Dams, est appelé à la tribune. Il entretient d’abord la chambre des opérations électorales qui concernent M. de Robaulx ; ces opérations qui n’ont provoqué aucune réclamation ne présentent aucune irrégularité capable de les faire annuler, et la commission conclut à l’admission de M. de Robaulx.
- Les conclusions de la commission sont adoptées sans opposition, et M. le président proclame M. de Robaulx membre de la chambre.
M. le rapporteur dit ensuite quelques mots sur l’élection de M. Dams. Les procès-verbaux de cette élection prouvant que toutes les formalités requises par la loi ont été régulièrement observées, la commission conclut à l’admission.
- Ces conclusions sont également admises, et M. Dams est proclamé membre de la chambre.
M. Zoude. - Messieurs, on a vu avec surprise et peine dans ma province que des routes votées depuis longtemps par les états-provinciaux, ordonnées par le gouvernement déchu, et promises par celui qui l’a remplacé, n’avaient pas encore été portées au budget de l’Etat ; toutefois on était encore dans la confiance que ces projets auraient pu se réaliser au moins en partie avec l’excédant du produit des barrières, mais la proposition de M. Teichmann est venue détruire nos espérances.
Cependant, parmi ces routes, il en est une qui, réclamée depuis longtemps, était particulièrement sollicitée par le commerce de Liége, qui aurait établi par là une communication directe avec Paris.
Cette route qui liera entre elles les villes de Marche, Bastogne, St-Hubert, Neufchâteau et Bouillon, devait encore communiquer par Laroche avec le canal de Meuse et Moselle ; ce canal, qui aurait été une des créations les plus étonnantes de la Belgique, était dû aux conceptions hardies d’un membre distingué de cette assemblée ; il en dirigeait les travaux, qui seraient achevés sans les événements de la révolution. Plusieurs millions de florins y ont été dépensés, et peut-être que le gouvernement serait fondé à en réclamer l’achèvement de la part des concessionnaires.
Ce canal traverse une des parties les moins cultivées des Ardennes, où il ne manque que des bras et de l’engrais pour en faire une contrée qui pourrait devenir l’émule des Flandres.
Ce canal devait procurer un débouché à ces carrières où le plâtre se trouve en telle abondance, qu’il peut suffire aux besoins du monde pour des milliers de siècles. Ce plâtre l’emporte sur celui de Montmartre ; il orne le palais de Tervueren, et la magnifique rampe de l’escalier de l’hôtel des relations extérieures lui doit ses plus belles décorations.
Ce plâtre est encore un précieux amendement ; recherché par les cultivateurs des provinces de Namur et du Brabant, il y remplace avantageusement la cendre de Hollande ; mais la difficulté des chemins en élève tellement le prix que déjà la plupart de nos cultivateurs sont forcés d’y renoncer. Et pour le peu que nos relations se rétablissent avec la Hollande, cette richesse restera de nouveau enfouie et stérile pour nous.
Ce que je dis du plâtre s’applique à nos ardoises, qui, par leur beauté et leur bonté, surpassent tout ce que nous tirons de l’étranger. J’invoque à cet égard le témoignage de MM. les ingénieurs Cauchy et Teichmann, qui ont été chargés par le gouvernement d’en faire l’examen ; et il résulte de leurs rapports que la supériorité de ces ardoises est incontestable ; mais comme elles sont éloignées de grandes routes, la Belgique se trouve forcée de payer un tribut à l’étranger pour des marchandises de moindre qualité. Cependant on leur procurerait un écoulement facile, si on s’occupait d’une route, peut-être la plus importante du royaume, celle de Dinant à Bouillon, le seul point militaire que nous ayons dans cette province, mais qui semble plutôt appartenir à la France avec laquelle cette ville communique par une belle route, tandis qu’elle est presque inabordable du côté de la Belgique.
Cette route de Dinant par Bouillon aurait attiré le commerce qui se fait par Givet, et il s’y serait porté avec d’autant plus d’empressement, qu’elle abrège de plus de douze heures la distance que l’on doit parcourir en suivant les chemins actuels pour arriver à Paris.
La province de Namur a un intérêt tout particulier à cette construction.
Je vous parlerai de nos forêts qui sont maintenant sans valeur et dont l’Etat possède encore près de 20,000 hectares. Cependant plusieurs d’entre elles sont les plus belles du royaume ; riches en bois de chêne, elles peuvent fournir pour un grand nombre d’années, non seulement à la construction des bateaux destinés à la navigation de nos eaux intérieures, mais encore à celle de nos bâtiments de mer.
Eh bien ! messieurs, faute de communications, ces chênes magnifiques dépérissent sur pied, et s’ils sont quelquefois réduits en marchandises ordinaires, le transport en absorbe la valeur.
Je vous en dirai autant de nos établissements de forgerie, dont les constructions ont coûté à leurs propriétaires plus de 20 millions de florins ; nos fabrications surpassaient de beaucoup, en qualité celles des fourneaux au coak. Ces établissements sont presque tous fermés, et le silence le plus profond règne aujourd’hui dans nos vallées qui retentissaient naguère du bruit continuel des enclumes et des marteaux ; et la raison de cette stagnation est due particulièrement à l’état de nos routes qui ne nous permet plus de concourir avec les usines de l’intérieur, où le transport des matières premières est des neuf dixièmes moins élevé que chez nous.
Messieurs, accordez-nous des routes, et en peu d’années vous aurez fait de la province la plus pauvre l’une des plus importantes du royaume.
Le sol de notre pays n’est pas aussi ingrat qu’on le croit généralement ; des essais faits dans les terrains réputés les plus stériles ont été couronnés des succès les plus étonnants ; je connais une exploitation rurale dont les produits pouvaient à peine suffire, il y a quelques années à la nourriture d’un faible ménage, à l’entretien de deux vaches et de deux chevaux, et où l’on élève aujourd’hui soixante à quatre-vingts bêtes à cornes, vingt-cinq chevaux, quelques centaines de moutons, et qui fournit encore des denrées au commerce. Semblable essai peut se répéter avec un même succès dans des milliers de localités.
Messieurs, notre pays mérite toute votre sollicitude ; il est riche en productions métalliques, le plomb y abonde, le fer est estimé un des meilleurs pour beaucoup d’usages, nos ardoises sont supérieures à toutes celles connues, notre plâtre l’emporte sur celui de France, nos forêts sont peuplées de chênes magnifiques ; mais toutes ces richesses deviendront d’autant plus stériles que nos routes étant négligées, vous favoriserez davantage celles de l’intérieur parce que la disproportion dans nos frais de transport ira toujours en croissant à mesure que vous faciliterez la circulation ailleurs.
Messieurs, les faits que je vous expose sont avérés, et ce n’est pas par le seul intérêt de localité que je viens réclamer l’attention du gouvernement et la bienveillance de la chambre envers le Luxembourg, c’est dans l’intérêt de tout le royaume qui, borné à des limites assez restreintes, ne peut obtenir d’agrandissement qu’en augmentant sa population et multipliant ses produits.
Devrais-je ajouter que ce motif devient d’autant plus puissant que bientôt peut-être, et beaucoup trop tôt pour notre pays, nous verrons s’exécuter le traité du 15 novembre, qui doit arracher à nos affections une partie nombreuse de nos concitoyens, et que le seul moyen de compenser cette perte douloureuse est de procurer à la partie qui nous reste une valeur qui puisse remplacer celle que nous devons nous résigner à abandonner.
Cette valeur, messieurs, vous pouvez la créer en dotant notre pays de canaux et de routes qui, en moins de 25 ans, doubleront notre population et décupleront la valeur de nos terres.
Par les considérations je prierai la chambre d’accueillir l’amendement que j’aurai l’honneur de lui proposer, pour que les diverses sommes que la section centrale refuse d’allouer au projet de M. Teichmann soient appliquées aux travaux des deux routes de Marche et de Dinant vers Bouillon.
M. H. Dellafaille. - Messieurs, l’emploi des fonds provenant de l’excédant du produit des barrières sur les frais d’entretien, tel qu’il nous est proposé, me paraît en général sagement conçu et convenablement réparti entre les diverses provinces Aussi n’ai-je point demandé la parole pour combattre le projet, mais pour présenter à M. l’inspecteur-général des ponts et chaussées et au gouvernement, dont je le considère en ce moment comme l’organe, quelques observations sur l’urgence de certains travaux.
Par la nature même de la discussion, je serai forcé, messieurs, de vous entretenir un moment d’intérêts locaux. Je désirerais l’éviter, car je n’ignore pas l’espèce de défaveur qui s’attache ce qu’on appelle « patriotisme de paroisse » ; cependant je ne crois pas que l’on puisse dénier à aucun de nous le droit ni même le devoir de soutenir les intérêts particuliers du district qui l’a nommé.
J’ai vu avec une vive satisfaction le gouvernement se décider à continuer enfin la nouvelle route de Bruxelles sur Audenaerde. Commencée depuis quatorze à quinze ans, elle paraissait depuis longtemps abandonnée, et cependant peu d’entreprises sont destinées à offrir des résultats aussi utiles. Toute cette contrée connue autrefois sous le nom de pays d’Alost et réunie maintenant en grande partie au district d’Audenaerde, renferme des terres excellentes, les meilleures peut-être de la province ; mais, faute de routes pavées, elle est loin d’avoir atteint le degré de promptitude auquel elle peut prétendre. Une seule chaussée la traverse, celle de Gand à Grammont ; les routes de Gand à Bruxelles et d’Audenaerde à Grammont ne font que la border, sans y pénétrer. Les chemins de terre sont impraticables même en été, pour peu qu’il se succède quelques jours pluvieux ; les communications directes manquent avec Bruxelles, et ce n’est qu’avec peine que ce pays peut alimenter de ses denrées ses propres marchés ; encore cette faculté est-elle les trois quarts de l’année restreinte aux villages qui se trouvent à portée des rares bouts de chaussée qui conduisent aux villes de l’intérieur.
La route projetée, traversant ce pays dans une direction nouvelle, fera cesser l’état d’isolement auquel semblent condamnés les habitants, leur procurera le débouché important de Bruxelles et les mettra à même d’utiliser les richesses de leur sol.
Je ne puis m’expliquer comment le gouvernement précédent a été assez aveugle pour négliger l’exécution de ce projet ; car indépendamment de l’accroissement de revenu que vaudra nécessairement à l’Etat l’accroissement de la valeur territoriale et des ressourcer industrielles de ce pays, l’intérêt du commerce en général ne pouvait qu’appeler de tous ses vœux cette grande communication qui, devant se prolonger jusqu’à Courtray, avait pour but d’ouvrir une route directe et plus courte de Bruxelles sur Lille, la Flandre française et Calais. En donnant mon assentiment au crédit demandé pour cet objet, je recommande vivement au gouvernement de ne point s’en tenir là et de comprendre jusqu’à son achèvement complet cet important travail dans les budgets futurs.
Il est encore une route sur laquelle j’appellerai l’attention du gouvernement, celle de Grammont à Audenaerde, seule communication qu’aient les habitants de cette dernière ville avec une partie du pays d’Alost, Grammont, Ninove et même Bruxelles, s’ils ne veulent, en passant par Gand, faire un détour de cinq lieues. Pour parvenir à achever cette route, il resterait à paver tout au plus un quart de lieue de chemin, véritable bourbier en hiver et qui interrompt toute communication. Si cet objet n’est pas compris sous l’intitulé : « améliorations aux abords d’Audenaerde, » je prierai M. l’inspecteur-général de prendre des mesures pour faire comprendre au plus tôt dans son budget cette faible dépense, absolument nécessaire et qui terminerait une route dont, au moyen des barrières, les habitants ont déjà payé deux ou trois fois la valeur totale.
Quant aux amendements proposés par la section centrale, je ne puis encore me prononcer définitivement sur le rejet ou la modification des dépenses comprises sous les n°1 et 7 du projet primitif ; j’approuve entièrement la suppression du n°10 qui me paraît bien motivée, mais je vois avec peine le refus d’allocation pour la route projetée de Furnes sur Dunkerque, et à cet égard je me réserve mon vote jusqu’à ce que j’aie entendu la discussion qui sans doute aura lieu à ce sujet. Sauf la suppression du crédit demandé pour la route de Grammont à Enghien, route que je crois utile, je partage encore l’avis de la section centrale en ce qui concerne la répartition des sommes allouées dans le projet à titre de subsides, et je vous demanderai, messieurs, la permission d’ajouter quelques mots relativement au crédit demandé pour la route de Tournay à Renaix, route qui aura pour effet de vivifier tout le pays qu’elle traversera.
La ville de Renaix a une population de treize à quatorze mille habitants, un commerce et une industrie assez florissante, grâce à l’activité et à la patience des ses habitants, car jusqu’ici elle a été constamment oubliée dans la distribution des faveurs. Avantageusement située entre Tournay, Ath, Lessines, Grammont et Audenaerde, elle n’a de communication régulière qu’avec cette dernière ville seulement. Renaix entretient un commerce très actif avec le Hainaut, et si le soleil ou la gelée ne viennent durcir les chemins bourbeux qui l’en séparent, elle ne peut communiquer avec Tournay, qui n’en est pas à plus de quatre lieues, qu’en faisant par Leuze un détour égal à toute cette distance ; et s’il survient vingt-quatre heures de pluie, c’est à dos d’homme ou par des détours toujours coûteux, lors même qu’ils sont possibles, qu’il faut effectuer les moindres transports. Les terres entre les deux villes sont d’une bonne qualité mais manquent de bras parce que les cultivateurs sont comme bloqués chez eux et ne peuvent en tirer parti. Il ne faudrait qu’un débouché pour ranimer leur culture, et notamment pour changer des espèces de cloaques en prairies d’un excellent rapport.
L’utilité de cette route ne se borne pas à la ville de Renaix ; celle de Tournay y trouverait de très grands avantages ; elle y trouverait un débouché utile pour ses carrières, pour sa chaux que le pays d’Alost ne peut en ce moment se procurer qu’à très grands frais. Il en serait de même pour les houilles, dont les villages éloignés des rivières ne peuvent se fournir qu’avec peine.
Tournay faciliterait ses relations commerciales avec Gand au lieu de faire un détour pour aller chercher Courtray, elle aurait une route directe par Renaix et Audenaerde et gagnerait trois lieues. Elle aurait le même avantage pour ses communications avec Anvers, et si, dans la suite, la chaussée d’Audenaerde sur Alost s’achève, elle abrégera encore en se rendant par Alost et Termonde à Anvers, qui de son côté trouvera une route plus courte sur Paris.
Enfin, sous le rapport militaire, cette chaussée ne peut qu’être utile. Quoique notre système de défense ne soit plus celui du royaume des Pays-Bas, personne n’admettra qu’il ne faille conserver, autant que les traités nous le permettent, notre ceinture de forteresses. Deux de ces places, Tournay et Audenaerde, n’ont de communication entre elles que par la rive de l’Escaut la plus rapprochée de l’étranger, et aucune par l’intérieur du pays auquel cette rivière doit servir de défense.
L’utilité de cette route a été appréciée depuis longtemps et ce n’est pas d’aujourd’hui que son ouverture a été arrêtée. Déjà, du côté de Tournay, une distance de deux lieues est pavée ; il ne reste donc plus que la moitié à faire pour achever cet ouvrage. Il avait été question de mettre à la charge de la province la partie de la route qui parcourt le territoire flamand ; mais dans ce plan Renaix devait contribuer pour un tiers, et, pour parfaire la somme nécessaire, il fallait que cette ville vendît jusqu’au dernier pouce de ses biens communaux et se grevât en outre d’un emprunt onéreux.
Cette dépense est absolument impossible à une ville qui sur une population de treize à quatorze mille habitants, compte six mille journaliers qui pendant l’hiver doivent être secourus ou même entretenus sur les fonds publics, et qui d’ailleurs n’a jamais joui d’aucune faveur et ne possède aucun établissement public qui puisse au moins lui tenir lieu de compensation. J’adopte donc à cet égard le projet de la section centrale, qui alloue une somme suffisante à l’achèvement de la route. S’il en était autrement, si l’on ne pouvait obtenir que l’insignifiant subside porté au projet primitif, je demande au moins que la ville de Renaix ne soit point oubliée dans la répartition, et je conjure instamment le gouvernement de lui accorder un secours qui la mette en état de subvenir, sans se ruiner à une dépense qui doit tourner encore moins à son intérêt propre qu’à celui de deux provinces.
Telles sont, messieurs, les observations que j’ai cru utile de vous présenter, relativement aux travaux dont je connais plus particulièrement la nécessité. En ce qui concerne les autres, je dois attendre, pour me déterminer d’une manière absolue, les lumières qui jailliront de la discussion. Toutefois, si cette discussion ne vient modifier l'idée que je m’en suis formée, je donnerai mon assentiment au projet amendé par la section centrale.
M. de Nef. - Messieurs, je suis fort étonné de ce que M. Teichmann n’a pas compris dans son projet de loi la route de Turnhout à Diest par Gheel. L’honorable membre doit savoir que cette route était déjà définitivement arrêtée et tracée sous le gouvernement précédent.
L’utilité, je dis même la nécessité, en est généralement reconnue. Or, la route actuelle est pratiquement impraticable dans l’hiver, tandis que les relations entre Turnhout, Diest et Louvain, ou pour mieux dire, entre les frontières et le pays de Liège et de Luxembourg sont très suivies, et seraient encore sensiblement augmentées si la grande difficulté des communications n’y mettait pas obstacle. Je demanderai donc à l’honorable M. Teichmann des explications sur ce fatal oubli.
M. Legrelle. - Je ne m’opposerai à aucun des travaux désignés dans le projet de loi ; je félicite au contraire le pays de ce que l’on s’occupe de semblables travaux ; quand il s’agit d’être utile au commerce, à l’agriculture, il faut être large dans les dépenses ; je ne les restreindrai pas ; la parcimonie ne convient pas à des améliorations aussi utiles.
Mais indépendamment des améliorations comprises dans le projet, il en est encore d’autres qu’il ne faut pas négliger. Près de Vilvorde il y a des réparations importantes à faire à une route ; peu de chose suffirait pour exécuter les travaux qu’exige cette route dangereuse sur un de ses points. Ne dussions-nous épargner la vie qu’à un seul de nos concitoyens, nous ne devons pas omettre des travaux qui peuvent amener un semblable résultat.
M. Teichmann. - Je suis ici représentant et non inspecteur-général des ponts et chaussées : les interpellations que l’on voudrait me faire, en me considérant comme inspecteur-général, doivent être adressées au gouvernement ou au ministère, qui me les transmettra ; alors je pourrai répondre régulièrement.
M. A. Rodenbach. - Nous ne pouvons pas entamer la discussion !
M. de Brouckere. - Nous ne pouvons pas discuter ! Il conviendrait qu’un des membres du cabinet fût présent…
- Plusieurs membres. - A demain ! à demain !
M. de Brouckere. - Nous ne savons pas si le gouvernement a donné son assentiment au projet ; la loi a été présentée par l’un de nous ; elle est le résultat de notre initiative.
- Plusieurs membres. - A demain ! à demain ! Il faut attendre la présence d’un ministre !
M. de Brouckere. - Il importe peu quel ministre soit présent, pourvu qu’il y en ait un ; il suffit que nous sachions quelle est la pensée du gouvernement sur le projet de la section centrale.
M. F. de Mérode. - Il me semble que la distinction faite par M. Teichmann entre sa qualité de représentant et celle d’inspecteur n’est pas capable de l’empêcher de répondre : personne ne peut le remplacer ni dans cette enceinte ni hors de la chambre.
M. de Brouckere. - M. Teichmann ne peut parler au nom du gouvernement sans autorisation. Qu’on le nomme commissaire, et alors il pourra prendre la parole au nom du ministère ; actuellement il n’est pas l’agent du gouvernement, il n’est pas inspecteur des ponts et chaussées ; il n’est que représentant.
M. F. de Mérode. - Je ne m’oppose pas à ce que les formalités soient remplies ; mais il n’en est pas moins vrai qu’on peut discuter aujourd’hui : le gouvernement a adopté le projet présenté par M. Teichmann ; M. Teichmann l’a défendu dans les sections ; il peut seul le soutenir.
M. Dumortier. - Il me semble que nous perdons de vue une observation bien importante, c’est qu’il ne s’agit pas ici de discuter sur un projet présenté par le gouvernement, mais sur une proposition faite par un membre de la chambre à l’occasion d’une loi du gouvernement. M. Teichmann est l’auteur de cette proposition ; je ne sais si c’est en qualité d’inspecteur-général des ponts et chaussées, ou en sa qualité de représentant qu’il l’a faite, mais peu importe pour le moment. Il est toujours vrai que c’est comme inspecteur-général que M. Teichmann est venu, sur une lettre de M. le ministre de l’intérieur, donner à la section centrale tous les détails, tous les renseignements nécessaires dans cette circonstance. Nous savons tous l’empêchement qui retient M. le ministre de l'intérieur, et nous connaissons aussi la lettre qui déclare que MM. Simons et de Ridder sont autorisés à nous fournir les documents dont nous aurons besoin. Puisque M. Teichmann est venu appuyer le projet, dans la section centrale, d’après une autorisation écrite, il me semble que nous pouvons le regarder comme ayant qualité pour le défendre encore une fois, et alors nous pourrons marcher.
M. Teichmann - La section centrale a proposé des dispositions différentes de celles du projet du gouvernement, et je ne me ferais aucun scrupule de soutenir ce projet ; mais je ne crois pas convenable de répondre aux objections qui seraient faites sur toutes les localités. Ainsi, par exemple, on m’a interpellé pour savoir par quels motifs on n’avait pas compris la communication de Turnhout à Diest dans le projet actuel. Vous comprenez qu’il est impossible de développer tous les motifs qui ont porté le gouvernement à ajourner telle ou telle communication parmi toutes celles qui lui paraissaient les plus nécessaires et les plus urgentes.
M. de Foere. - J’avais à présenter les mêmes observations que l’honorable M. Dumortier vient le faire. Il est sans intérêt pour la question que ce soit M. Rogier ou M. Teichmann qui réponde ; toujours est-il que M. Teichmann nous a présenté un projet de loi soit comme commissaire du gouvernement, soit comme membre de la chambre. Il a sans doute, dans les deux cas, par devers lui les motifs sur lesquels sa proposition est fondée, et la chambre pourra recueillir de l’honorable membre les éclaircissements dont elle a besoin ; car certainement M. Teichmann n’a pas travaillé en aveugle. Ainsi donc, soit comme membre de la chambre, soit comme inspecteur-général, il pourra prendre part à la discussion qui s’élèvera.
M. le président. - Je dois donner lecture de la lettre qui m’a été adressée il y a quelques jours à la chambre, en réponse à la demande de renseignements faite par la section centrale à M. le ministre de l'intérieur :
« M. le président,
« J’ai l’honneur de vous informer que je viens d’inviter M. Teichmann à se rendre sans délai à Bruxelles, afin de donner à la chambre des représentant tous les renseignements dont elle pourrait avoir besoin relativement à la proposition qu’il lui a faite pour les sommes à allouer à mon département pour l’exécution des travaux publics.
« M. Teichmann devant être à Bruxelles le 4 de ce mois, j’ai pensé que les explications qu’il pourra donner seront plus développées que celles que je pourrais vous adresser en réponse à la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire aujourd’hui.
« Agréez,
« Pour le ministre de l’intérieur :
« Le secrétaire-général,
« P. Doncker. »
M. de Brouckere. - Il résulte de cette lettre une adhésion indirecte de M. le ministre de l’intérieur au projet de M. Teichmann. Si vous vous contentez d’une semblable adhésion, je n’ai plus rien à dire ; mais c’est une manière de procéder au moins fort irrégulière.
M. H. Vilain XIIII. - Toute la question est de savoir si M. Teichmann se rallie au projet de la section centrale.
M. le président. - Il y a lieu à discuter sur le projet de la section centrale. M. Teichmann garde toujours son droit de reproduire sa proposition comme amendement au projet de la section centrale.
M. Teichmann. - Si la chambre me considère comme chargé de défendre le projet du gouvernement, je ne puis me rallier au projet de la section centrale. Si je n’ai à parler que comme membre de la chambre, j’attendrai que des amendements soient présentés à l’un ou à l’autre projet pour faire mes observations.
M. Fleussu. - Je pense que nous procédons d’une manière fort irrégulière et que, pour entamer une discussion aussi importante que celle-ci, il faut nécessairement que le gouvernement soit représenté. Nous avons besoin de savoir si le gouvernement se rallie aux propositions qui lui sont soumises ; sans cela, nous l’exposerions à devoir faire usage de son veto.
Ce n’est pas seulement une proposition présentée par un membre, en sa qualité de représentant, que nous avons à examiner ; à côté de cette proposition se trouve un projet présenté par la section centrale, et je ne sais si nous pourrions l’adopter sans empiéter en quelque sorte sur le pouvoir exécutif. En effet, par le projet de la section centrale, nous ne mettons pas une certaine somme à la disposition du gouvernement pour confectionner ou réparer certaines routes ; mais nous lui disons qu’il devra donner telle ou telle somme pour tel ou tel projet. Voilà par conséquent le gouvernement obligé par nous ; il faut donc savoir si le gouvernement adhère à un pareil projet, et je pense que, d’une manière ou d’une autre, ses intérêts doivent être défendus devant nous, ou par un membre du ministère, ou par un commissaire royal.
M. Dumortier. - Je ne puis admettre le système du préopinant, je ne puis admettre que nous ferons du pouvoir exécutif en discutant les propositions qui nous sont faites et qui ne diffèrent que dans quelques articles. Certainement si nous discutions la proposition de M. Teichmann, on ne nous accuserait pas de faire du pouvoir exécutif ; une pareille accusation ne serait pas soutenable. Eh bien en ferons-nous davantage si nous émettons un vote motivé, comme à l’occasion des budgets par exemple ? Non, ou bien alors c’est faire toujours du pouvoir exécutif que de voter des crédits. Nous savons, tous, la nature d’empêchement qui retient M. le ministre de l’intérieur : sans doute, la discussion actuelle aurait pu être entamée d’une façon plus régulière ; mais c’est là un motif de regret et non pas d’accusation contre le gouvernement.
Messieurs, lorsqu’on vous a présenté le projet de loi actuel, on a fait valoir son urgence ; vous-mêmes, vous l’avez proclamée cette urgence, et vous avez reconnu que des retards empêcheraient qu’aucun travail pût être commencé cette année : un autre motif vous a décidés encore, c’est que le sénat est sur le point d’ajourner ses séances, et que par là, si nous ne menions bientôt à bonne fin le projet, tous les bons résultats que nous en attendons se trouveraient en même temps ajournés. Ainsi donc, si vous consentez à un nouveau retard, vous annulez la déclaration d’urgence que vous avez portée vous-mêmes.
M. Fleussu. - Il y a une très grande différence entre le projet de M. Teichmann et celui de la section centrale. Cette différence, la voici : M. Teichmann demande, pour l’exécution de quelques travaux de routes, une somme globale de 62,000 fr, et laisse au gouvernement la faculté de distribuer cette somme selon le besoin des localités, Nous faisons, nous, tout le contraire. Nous disons au gouvernement : Vous donnerez telle ou telle somme à telle ou telle localité. Il est donc évident que nous faisons du pouvoir exécutif.
On nous a parlé d’une lettre de M. le ministre de l'intérieur ; mais elle autorise seulement M. Teichmann à fournir des renseignements à la section centrale ; mais elle ne l’autorise pas à représenter ici le gouvernement. Pour cela, une lettre ministérielle ne suffit pas ; il faut un arrêté royal, qui délègue un commissaire royal. Si, au lieu de perdre du temps à une discussion sans résultat, on avait chargé le bureau d’écrire au ministre, à l’instant M. Teichmann eût été délégué par le gouvernement, et nous pourrions commencer à délibérer utilement sur le projet.
Il y a, je le répète, une formalité à remplir avant de commencer la discussion d’une manière régulière. Je sais que nous pouvons discuter un projet de loi, l’adopter en l’absence du ministère ; mais, dans une question de cette importante, des renseignements du gouvernement peuvent nous être utiles, et c’est dans notre intérêt autant que dans celui du gouvernement que je pense que l’Etat doit être représenté dans cette discussion.
M. Teichmann. - Je le ferai la même observation que M. Fleussu. En effet, messieurs, j’ai pu présenter un projet de loi extrait du budget du ministère de l’intérieur, mais je ne puis me rallier à une proposition qui le dénature. J’avais demandé soixante mille francs pour les appliquer, non pas à des routes de première ou de deuxième classe, mais à des routes provinciales, où à celles que des sociétés auraient pu exécuter : la section centrale désigne des routes auxquelles le gouvernement devra accorder telle ou telle somme. Mais il me semble qu’elle a agi sans pleine connaissance de cause ; car il serait possible que la confection de telle communication ne demandât pas toute la somme que la section a exigée. Peut-être des sociétés pourraient-elles s’en charger à moins de frais. Voila un des motifs pour lesquels il est impossible que je me rallie à son projet, soit comme commissaire du Roi, soit comme représentant.
M. F. de Mérode. - Toute la difficulté me semble venir de ce qu’il y a plusieurs routes à construire. Si on veut rechercher quel travail il convient de faire avant d’autre, nous discuterons pendant une année si nous procédons ainsi. Il faut donner plus de latitude au gouvernement dans ce genre de travaux que dans tout autre. M. Teichmann peut seul donner les renseignements qu’on demande ; voudrait-on qu’il fût plénipotentiaire du gouvernement ?
M. Fleussu. - Nous voulons qu’il soit commissaire royal !
M. F. de Mérode. - Les renseignements qu’il donnera comme représentant ou comme plénipotentiaire du gouvernement seront toujours les mêmes ; ainsi discutez.
M. de Theux. - La proposition de M. Teichmann est extraite du budget du département de l’intérieur ; je crois que pour procéder régulièrement, il faudrait qu’il eût été nommé commissaire royal afin de soutenir ce projet devant la chambre et de donner, au nom du gouvernement, les renseignements que nous avons droit de demander. Cependant on pourrait continuer la discussion puisque la chambre est saisie du projet : elle l’a pris en considération ; elle l’a discuté dans les sections ; il est devenu le projet de la chambre. La présence d’un ministre ou d’un commissaire serait sans doute très utile ; quoi qu’il en soit, il conviendrait de continuer la discussion aujourd’hui, tout en demandant au gouvernement qu’il délègue un commissaire ou qu’un ministre vienne dans cette enceinte.
M. Dumortier. - On perd toujours de vue la manière dont la loi a été présentée. C’est sur la demande de M. de Brouckere lui-même que le projet a été renvoyé devant les sections ; le ministre a approuvé la marche que l’on a suivie. Je regrette qu’aucun ministre ne soit présent ; mais il me semble que cette présence n’est pas indispensable. On nous dit que nous faisons du pouvoir exécutif. Nous ne faisons pas plus du pouvoir exécutif par cette loi que par beaucoup d’autres de même forme.
Nous ne devons pas suspendre la séance pour attendre la nomination d’un commissaire royal ; car cette nomination ne pourrait avoir lieu aujourd’hui ; le Roi n’est pas en ville, et nous perdrions une journée. M. Teichmann a déjà présenté quelques considérations à l’appui de sa proposition ; il peut continuer à en présenter d’autres, à éclairer la chambre.
M. de Brouckere. - Nous perdons notre temps, il est vrai ; mais nous pouvons empêcher qu’on ne le perde en priant le bureau de requérir la présence d’un ministre. On cite une route pour laquelle la section centrale propose 60,000 fr., et M. Teichmann dit que cette somme n’est pas nécessaire ; c’est là son opinion, mais ce n’est peut-être pas celle du gouvernement, et il nous faut l’opinion du gouvernement sur des détails semblables. Ce n’est pas la chambre qui peut savoir dans quel état sont les routes ; il nous faut des renseignements que l’administration seule peut donner, il nous faut les lumières de l’administration, M. Teichmann n’a pas actuellement qualité pour parler au nom de l’administration ; nous n’avons pas de questions à lui faire.
Il nous faut donc un plénipotentiaire, a dit M. de Mérode. Non, il ne nous faut pas un plénipotentiaire ; mais il nous faut quelqu’un auquel nous ayons droit d’adresser des interpellations, et pour qui ce soit un devoir de nous répondre ; or, M. Teichmann, comme député, n’est pas dans une position à devoir répondre à nos interpellations. M. de Mérode lui-même, quand il nous parle, ne parle que comme député et point comme ministre d’Etat. Si le gouvernement a consenti d’une manière indirecte à la proposition de M. Teichmann, il n’a pas consenti à la proposition de la section centrale. Cette dernière proposition n’a pas l’assentiment de M. Teichmann, en tant que député ; comment voulez-vous que M. Teichmann vous déclare actuellement qu’il l’accepte au nom de gouvernement ? J’insiste pour que l’on envoie un message au gouvernement à l’effet de demander la présence d’un ministre ou d’un délégué du pouvoir.
M. F. de Mérode. - Je demande la parole comme ministre d’Etat. Je dois vous faire observer que le gouvernement ne pourra pas choisir une autre personne, pour le représenter, que M. Teichmann.
M. A. Rodenbach. - Eh bien, qu’il soit nommé !
M. F. de Mérode. - Mais avant que l’arrêté royal soit rendu, l’heure de la séance s’écoulera, et nous aurons perdu notre temps. La lettre de M. le ministre de l’intérieur indique suffisamment que le gouvernement reconnaît M. Teichmann comme son interprète.
M. de Foere. - Les membres de la chambre qui soutiennent que nous faisons ici du pouvoir exécutif, sont évidemment dans l’erreur. Ils se sont fait une fausse idée du pouvoir exécutif. D’après tous les publicistes, ce pouvoir est toujours circonscrit dans le cercle de l’exécution des lois. Or, il ne s’agit pas ici de l’exécution, mais de la proposition et de la discussion d’une loi. Le gouvernement, comme la chambre, a l’initiative des lois. Il participe, comme tel au pouvoir législatif. C’est donc purement et simplement du pouvoir législatif que nous faisons ; et si dans des cas particuliers comme dans celui-ci, le gouvernement veut abandonner son droit d’initiative des lois, ou, en d’autres termes, ne pas s’opposer à des projets de loi qui n’émanent pas de lui, il est clair que nous pouvons discuter des lois sans que le ministère soit présent à la discussion.
M. A. Rodenbach. - Je suis de l’avis de M. de Brouckere. Je demanderai à M. Dumortier si un de nous fait un amendement, qui, au nom du gouvernement, donnera son approbation à la proposition ou la repoussera ? (La clôture ! la clôture sur la question incidente Assez ! assez discuté !)
M. de Theux. - Je demanderai la parole contre la clôture. Je voudrais que la chambre continuât la discussion générale, en même temps que par un message elle requerrait la présence d’un ministre.
M. Dumortier. - Je demande aussi la parole contre la clôture. La chambre a l’initiative des lois mais si nous déclarons que nous ne pouvons discuter sans la présence des ministres, il ne tiendra qu’à eux de rendre notre droit d’initiative illusoire en ne se présentant pas dans cette enceinte.
Messieurs, n’insistons pas pour demander la présence d’un ministre ; n’abdiquons pas, par un tel précédent, nos droits, et continuons la discussion.
- La chambre ferme la discussion incidente.
M. le président. - M. de Brouckere demande que le gouvernement se fasse représenter.
M. de Theux. - Il faut demander la présence d’un membre du gouvernement.
M. de Brouckere. - Je me rallie à cette proposition.
M. d’Huart. - Je m’oppose à ce que la demande soit faite. La chambre renoncerait à ses prérogatives, abdiquerait ses droits, compromettrait son initiative si elle déclarait qu’elle ne peut discuter sans la présence des ministres. Que M. Teichmann nous présente ses observations sur les articles de la loi, et discutons. Ne faisons pas en sorte que nos droits dépendent des caprices des ministres.
M. de Brouckere. - Nous demandons la présence d’un membre du gouvernement ; mais s’il ne s’en présentait pas, nous saurions bien user de nos droits. Nous ne pouvons pas discuter cette loi sans renseignements. Ce n’est pas dans l’intérêt du pouvoir, mais dans celui du pays, que nous réclamons ici la présence d’un membre du gouvernement.
M. le président. - La constitution dit que la chambre a le droit de demander la présence des ministres.
M. Lebeau. - Il faut demander la présence d’un membre du gouvernement on d’un commissaire royal. (Remarque du webmaster : Le Moniteur de ce jour indique bien "M. Lebeau", bien que toute la discussion porte sur l’absence d’un membre du gouvernement au cours de cette séance.)
M. Legrelle. - La chambre peut requérir la présence d’un ministre, mais elle aurait tort de faire usage de ce droit. (Bruit.)
M. Fleussu. - La discussion est terminée sur ce point.
M. A. Rodenbach. - La clôture est prononcée.
M. le président. - Il s’agit de la position de la question. Voici la proposition qui est faite : « La chambre requiert la présence d’un ministre ou d’un commissaire spécial. »
- La proposition, mise aux voix, est adoptée.
M. le président. - M. de Theux a demandé la continuation de la discussion générale.
M. de Brouckere. - Comment pourrions-nous continuer la discussion générale ? Il faudra donc que nous répétions au ministère ce qui aura été dit ; ainsi, nous ferons dire deux fois la même chose, et nous perdrons du temps.
M. de Theux. - Ce que je propose n’entraînera pas dans des répétitions ; dans la séance de demain, le ministre et le commissaire royal pourront nous répondre, ayant médité sur les discours prononcés.
Je crois que le mode de procéder que je propose est tout à fait rationnel.
M. Dumortier. - J’appuie la proposition de M. de Theux. Nous n’avons pas reconnu que pour toute discussion il fallait la présence d’un ministre ; nous pouvons donc discuter ; n’abandonnons pas nos droits. Nous n’avons fait qu’épiloguer, nous avons perdu notre temps par la discussion incidente, discutons la loi ; les convenances et la dignité de la chambre le veulent.
M. de Brouckere. - La chambre a décidé qu’il était nécessaire qu’un membre du gouvernement donnât des renseignements sur la question en discussion ; mais je n’ai pas dit que généralement il était impossible de discuter sans la présence des ministres.
M. Teichmann. - Je demande la priorité pour mon projet de loi.
M. le président. - Il s’agit de savoir si l’on continuera la discussion générale.
M. le comte F. de Mérode. - La proposition que vient de faire M. Teichmann doit être un motif pour continuer la discussion.
M. Dumont. - Ce sera donc le projet de M. Teichmann qui sera en discussion, si on continue l’examen général de la loi. (Non ! non ! non !) Dans tous les cas, nous pouvons discuter, car le gouvernement aura plusieurs jours avant le vote définitif pour savoir s’il doit adhérer à la proposition et aux amendements qui seraient adoptés.
- La chambre consultée décide que la discussion générale va être continuée.
M. Teichmann. - Je demande que la discussion s’ouvre sur le projet que j’ai présenté.
M. Dumont. - J’appuie la proposition de M. Teichmann. Un membre de la chambre qui présente un projet de loi, a les mêmes droits que le gouvernement qui présente une loi ; or, quand le gouvernement ne se rallie pas au projet de la section centrale, on discute celui des ministres ; puisque M. Teichmann ne se rallie pas au projet de la section centrale, c’est le sien qu’il faut discuter.
M. le chevalier de Theux. - La discussion générale doit avoir lieu sur les deux projets ; on doit en discuter les bases, le but.
M. Dubus. - Il me paraît qu’on a comparé mal à propos l’initiative exercée par un membre de la chambre à l’initiative de la chambre elle-même. La constitution déclare que l’initiative des lois appartient à l’un des trois grands pouvoirs de l’Etat, mais non pas aux membres des corps qui constituent ces pouvoirs. C’est la section centrale qui fait les propositions au nom de la chambre et non pas un membre ; c’est donc sur la proposition de la section centrale que l’on doit discuter.
M. Dumont. - L’initiative de la chambre ne peut s’exercer qu’en vertu de l’initiative d’un de ses membres ; l’initiative réside dans le corps, parce qu’elle réside dans chacune de ses parties.
M. Dubus. - Je trouve la preuve de ce que j’avance dans le mandat même que la chambre donne à une commission pour lui présenter des conclusions sur une proposition. La section centrale est déléguée par la chambre pour lui faire une proposition ; aussi la proposition de la section centrale est celle de la chambre. Un membre ne peut que provoquer l’initiative, mais il ne l’a pas.
M. d’Huart. - Il faut continuer la discussion générale, et ensuite on s’occupera de la question de priorité.
M. Boucqueau de Villeraie. - Avant l’occupation de la Belgique par les Français, plusieurs villes et particuliers y étaient propriétaires de chaussées parce qu’ils les avaient construites à leurs frais. De ce nombre était la ville de Malines, et la chaussée de cette ville aux Trois-Fontaines, de même que celle vers Louvain, sont des propriétés qui lui appartiennent.
Pour construire ces deux chaussées, la ville de Malines avait été obligée de contracter des emprunts considérables et onéreux, dont elle paie encore aujourd’hui les intérêts.
Le gouvernement français contre toutes les règles et le respect dû au droit de propriété, a enlevé à la ville de Malines les deux chaussées susdites, et il n’y eut aucun moyen pour elle de résister aux envahissements d’un gouvernement devant lequel toute la terre était muette.
Il est vrai que le gouvernement ayant supprimé la perception des barrières dans tout l’empire, en se chargeant des frais d’entretien des routes au moyen des revenus généraux de l’Etat, il en résultait que les chaussées ne rapportaient plus aucun revenu direct. Dès lors les réclamations des villes, anciennes propriétaires de quelques-unes de ces routes, avaient perdu une partie de leur importance, puisque, lors même que leurs griefs eussent été redressés, elles n’en eussent plus tiré de revenus pécuniaires.
Néanmoins l’injustice de la spoliation du droit de propriété des chaussées des villes n’en continuait pas moins à exister et le gouvernement, voulant supprimer la perception des barrières par mesure générale, à cause qu’il voulait adopter un autre système d’administration des routes, devait aussi indemniser les villes propriétaires du revenu qu’elles en tiraient, puisqu’elles n’avaient acquis dans l’origine ces revenus que par de forts capitaux dont elles continuaient à devoir les intérêts, malgré la suppression des barrières
Et cela était d’autant plus dans l’ordre qu’avant l’occupation française les administrations locales étaient légalement chargées de l’administration des chaussées ; elles établissaient les routes nouvelles, en percevant les revenus, et le gouvernement autrichien se bornait à exercer une surveillance générale sur la gestion des autorités locales, qui faisaient alors tourner leurs connaissances des localités et leur influence sur les populations au profit du bien-être général du pays.
Cette usurpation des chaussées appartenant à des villes et particuliers a continué d’exister sous le gouvernement peu réparateur du roi Guillaume.
Les villes réclamèrent, mais le gouvernement était peu disposé à accueillir les réclamations, même les plus justes, lorsqu’elles venaient de la Belgique.
On trouva moyen de s’en débarrasser en transmettant toutes les routes en masse à une administration redoutable, et l’on vit alors cette monstruosité en administration d’une caisse destinée à l’amortissement de la dette publique, chargée de tous les détails des travaux publics, de la confection et entretien des routes et de presque toute l’administration générale ; je veux parler du fameux syndicat d’amortissement qui ne rendit aucune justice aux villes dépossédées.
Cependant le gouvernement néerlandais ne put entièrement se refuser à l’évidence des titres de la ville de Malines ; il reconnut la légitimité de ses réclamations et avait annonce l’intention de l’indemniser, et dans une certaine occasion il donna la preuve qu’il admettait lui-même la légitimité du principe de l’indemnisation en faveur des villes : quand la route vers Lierre fut achevée, la ville de Malines prouva qu’elle était propriétaire d’une partie de cette route, et en conséquence le gouvernement néerlandais autorisa les états députés de la province d’Anvers à faire un accord avec Malines, d’après lequel cette ville reçut une indemnité annuelle en numéraire, proportionnée à la partie de la route qui lui appartenait. Sur quoi on demande pourquoi le gouvernement actuel serait moins équitable dans un cas identique, et pourquoi il ne suivrait pas le même mode de procéder, pour liquider les indemnités dues aux villes et particuliers dépossédés dont il tient la propriété ?
M. le ministre de l’intérieur actuel a en main tous les renseignements relatifs à ces justes réclamations et lors des discussions sur la loi des barrières actuellement en vigueur, M. Teichmann, qui en qualité de commissaire du Roi suppléait le ministre devant le sénat, y a solennellement reconnu la légitimité des droits des villes et particuliers propriétaires de chaussées qui en furent dépossédées lors de la prise de possession de la Belgique, usurpation évidente puisque ces chaussées n’étaient pas une propriété de gouvernement ni de l’Etat, mais une propriété communale, une propriété particulière desdites villes ou des familles, acquise par elles, au titre le plus incontestable, à titre onéreux.
M. le commissaire du Roi, a ajouté étant au sénat, que le gouvernement belge avait prouvé son respect pour le droit de propriété des villes sur certaines chaussées, et que s’il n’avait pas inséré une clause particulière à cet effet, c’est qu’elle eût été entièrement superflue.
Il a été bien entendu, a encore ajouté M. Teichmann, que les villes qui ont droit à des dédommagements pour des propriétés qui leur ont été enlevées, devront en être indemnisées par le gouvernement ; Namur, Bruxelles, Nivelles sont dans le même cas ; et soyez certains, a-t-il dit en finissant, que le gouvernement n’a d’autre intention que de rendre justice à chacun.
M. le ministre de l’intérieur, en confirmation de ce qui précède, a positivement déclaré que le gouvernement était d’accord sur le principe que les anciens propriétaires de chaussées devaient être indemnisés.
Ce n’est que rassuré par ces paroles de M. le commissaire du Roi et par les garanties qu’il donna, garanties qui ont été répétées par le ministre de l’intérieur, et dont il a été pris acte au sénat, garanties enfin qui portent sur le principe que le produit net des barrières placées sur les routes construites par des villes ou particuliers continuera à appartenir à ces villes ou particuliers, ce n’est que d’après ces garanties, dis-je, qu’on a adopté l’article 5 de la loi sur les barrières.
Et si l’intérêt général demande qu’il existe une seule administration, une direction unique pour les grandes routes et leur entretien, la justice exige aussi impérieusement que les propriétaires à titre onéreux d’une partie quelconque de ces routes, en étant privés par l’effet d’une telle centralisation des travaux, reçoivent le prorata des bénéfices ou produits de ces routes au-delà des frais d’entretien et d’administration.
Cependant M. Teichmann a proposé par son projet de loi de disposer de la totalité du produit de l’excédant des barrières, pour des constructions nouvelles, sans aucun égard aux justes droits des anciens propriétaires sur une partie de cet excédant, qui ne provient pas cependant uniquement des chaussées appartenant à l’Etat ; au contraire plusieurs chaussées qui ne sont pas sa propriété ont contribué à le produire.
L’excédant disponible des barrières ne doit être calculé qu’après déduction des dettes. Or y a-t-il une dette plus légitime, une réclamation mieux fondée que celle des propriétaires des chaussées ?
Vous ne pouvez songer à faire de nouveaux travaux, de nouvelles constructions au moyen du surplus des produits au-dessus de l’entretien, qu’après avoir alloué aux villes et particuliers propriétaires de chaussées la part de ce surplus qui provient des portions de chaussées qui leur appartiennent.
Cette portion de l’excédant n’appartient nullement à l’Etat ni au gouvernement ; il n’a pas le droit de l’employer à faire de nouvelles entreprises au profit de la généralité ou de quelques localités éloignées de ces villes ; ce serait faire des bienfaits avec le bien d’autrui.
Si, par le mode d’administration des travaux publics, le gouvernement entretient une administration unique, celle des ingénieurs des ponts et chaussées, pour soigner l’entretien des routes et que par là les villes ne peuvent plus sous ce rapport s’en mêler, il est évident que le gouvernement ne peut pas par là enlever aux villes propriétaires de chaussée, le droit qu’elles ont sur le surplus des produits de ces chaussées, au-delà des frais d’entretien dont le gouvernement se charge.
La constitution garantit à tous leurs droits de propriété ; nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique, en sorte que si l’on veut définitivement exproprier les propriétaires de chaussées, on leur en doit une juste indemnité.
Après des déclarations aussi positives que celles que le ministère a données devant le sénat, que les anciens propriétaires, villes ou particuliers, peu importe, doivent être indemnisés, comment se fait-il que le même commissaire du gouvernement propose d’absorber la totalité des excédants des produits des barrières en constructions nouvelles sans en réserver la moindre petite parcelle en faveur de ces propriétaires, sans faire d’eux la moindre mention, ni rappeler leurs justes droits ni leur accorder la moindre consolation ?
Si jamais il y eut une occasion où le ministère pouvait donner une preuve de la sincérité de ses déclarations, c’est sans doute lorsqu’il s’agit de disposer d’un fonds parfaitement libre, d’excédants du produit des routes sur lesquels personne n’a de droits acquis, excepté les seuls anciens propriétaires dont les titres sont incontestables.
C’est à présent qu’il faut montrer que ces assurances d’indemnités ne sont pas de vaines promesses, et, si on ne le fait pas lorsqu’on en a à la main, les moyens disponibles, quand le fera-t-on ? - Jamais !
Et la chose est d’autant plus aisée à faire que, par suite des réductions proposées par la section centrale, il se trouve réuni au n°12 cinq sommes considérables, ensemble 197 mille francs, montant de travaux refusés, et que l’on ne sait employer qu’en les donnant comme subsides pour commencer quatre routes nouvelles.
Ne serait-il pas bien plus équitable d’employer une partie de cette somme à commencer la réparation d’une grande injustice, de celle qui a spolié les villes et particuliers de leur propriété ? Du moins en les mettant à même en les faisant participer aux excédants des barrières de l’exercice 1833, de payer les intérêts des capitaux qu’ils ont levés pour faire les mêmes chaussées dont le gouvernement est en possession ?
Je propose donc d’ajouter au projet de loi les deux articles additionnels qui suivent :
« Le gouvernement fera liquider, au profit des villes et particuliers qui ont prouvé ou qui prouveraient qu’ils sont propriétaires de chaussées, la portion de l’excédant du produit des barrières de ces chaussées de l’exercice 1833 au-delà des frais d’entretien et d’administration, il est autorisé à faire payer auxdites villes et particuliers le résultat de cette liquidation.
« Le gouvernement est autorisé à liquider avec les villes et particuliers qui ont prouvé ou qui prouveraient avoir des droits de propriété sur des chaussées dont le gouvernement est en possession, les indemnités définitives auxquelles ces villes et particuliers peuvent avoir droit, pour en avoir été dépossédés
M. de Foere. - Messieurs, soit que nous discutions le projet de l’honorable M. Teichmann, soit celui de la section centrale, je m’opposerai à l’un ou à l’autre, à moins qu’il ne résulte de la discussion assez de lumières pour éclairer mon vote sur chaque dépense proposée. Cependant cette résolution n’est applicable qu’aux dépenses imputables sur l’excédant du produit des barrières.
Je ne conçois, messieurs, d’autre moyen d’éclairer la chambre sur de semblables constructions que par voie d’enquête. C’est la pratique suivie par tous les parlements ; je vous demanderai, messieurs, s’il est possible que, dans l’état actuel de la discussion, les membres de la chambre, qui représentent des provinces éloignées de ces localités, puissent se rendre compte de la nécessité ou de l’utilité de ces constructions ? La section centrale, sur la fin de son rapport, confirme mon opinion. Elle se plaint du défaut de renseignements. Elle a dû travailler dans l’ombre.
Ensuite, messieurs, je désirerais qu’à l’avenir ces sortes de dépenses soient faites par les provinces respectives. Elles seules sont les appréciateurs éclairés de l’utilité de ces constructions. Elles seules aussi sont en position de pouvoir mieux en soigner l’exécution soit sous le rapport des constructions mêmes, soit sous celui de l’économie.
M. Milcamps. - Je ne conteste pas l’utilité des travaux qui sont l’objet de la proposition ; mais je ne puis lui donner mon assentiment parce que je ne puis admettre qu’on applique l’excédant des recettes des barrières sur les dépenses de ces travaux lorsqu’on refuse de payer une dette hypothéquée sur ces routes. Si l’on remonte à l’origine de ces dettes, vous n’en trouverez guère dont la cause ait été plus légalement établie. Les octrois émanés du gouvernement autrichien ont autorisé plusieurs villes de la Belgique à construire des routes et à lever des capitaux ; les villes de Namur, de Malines, de Nivelles, ont fait construire des routes de cette manière, et elles ont emprunté des capitaux à cet effet.
Tant que les administrations des villes sont demeurées en possession des routes, elles ont religieusement acquitté les intérêts ; mais en 1795 le gouvernement français se mit en possession des routes et il ne prit pas la peine de liquider les créances. En 1814 le gouvernement des Pays-Bas a retenu la possession de ces routes et n’a pas non plus procédé à la liquidation des créances affectées sur ces routes. Il semblait que la révolution belge allait réparer cette grande injustice ; mais loin de là, le produit des routes offre un excédant, et au lieu de l’affecter à payer les créanciers, on vient nous proposer de l’affecter à des travaux d’utilité publique. Messieurs, s’il importe à la Belgique d’ouvrir de nouvelles communications, il importe bien davantage de donner l’exemple de la probité publique, d’où dépend la probité privée. D’après ces courtes considérations je voterai contre le projet de loi.
M. Dumont. - Il me paraît que cette question ne trouve pas bien sa place ici. Elle doit faire l’objet d’une délibération spéciale qui ne sera pas sans difficultés. Il s’agira de savoir si l’Etat doit indemnité ou s’il doit l’excédant des recettes. L’on peut, sans rien préjuger sur la question, disposer des fonds provenant d’une propriété de l’Etat et qui restera propriété de l’Etat.
M. le chevalier de Theux. - Il me semble que le projet n’est pas basé sur un principe légal : l’excédant des recettes doit être appliqué aux communications semblables à celles qui les ont produites. Tel a été le principe légal jusqu’ici. La loi ne dit pas non plus si les fonds alloués pour les travaux sont donnés à titre de prêt ou de subside ; j’attendrai des explications sur ces points.
M. Teichmann. - Lorsqu’on a demandé une somme de plusieurs mille florins pour l’établissement de certaines routes, il a été bien entendu qu’avant de donner les fonds aux provinces, elles devaient s’engager à terminer les travaux dans un temps déterminé. D’après la nature de ces engagements, le gouvernement peut faire de plus grandes avances aux unes qu’aux autres, et c’est pour ce motif que nous demandons une allocation en masse.
La somme affectée par la section centrale à une seule route pourrait être répartie entre plusieurs, car les sommes sont données a titre de subsides. Le gouvernement a pensé que les subsides pourraient engager les provinces et les individus à entreprendre des travaux.
M. le chevalier de Theux. - En 1831 et 1832 les excédants des routes devaient être appliqués à des entreprises de même nature ou à de grandes communications : maintenant, on les applique de toutes les manières ; mais est-ce à titre de prêt ou à titre de don ? J’attendrai à demain pour avoir une réponse. Quoi qu’il en soit, je crois qu’il faut toujours faire des avances pour de semblables travaux.
M. Dumortier. - On vient de soulever une question tout à fait remarquable. Elle tendrait à enlever aux provinces occidentales les produits des barrières pour les affecter aux provinces orientales. Ainsi, on constituerait les provinces occidentales en coupe réglée, au profit des provinces orientales ; s’il existe des communications à terminer dans les provinces orientales, c’est avec leur argent qu’elles feront ces travaux ; c’est à quoi pourtant se réduit l’observation faite par l’honorable membre.
L’article 225 de l’ancienne loi fondamentale disait : « Les droits payés aux barrières, aux écluses, sont affectés à l’entretien et à l’amélioration des chaussées, ponts, canaux, rivières navigables dans la même province pour des dépenses de même nature, à la seule exception des droits perçus sur les grandes communications qui seront employés là où le roi l’ordonnera. » Les routes de seconde classe furent laissées aux états provinciaux ; les états en percevaient les fruits et en appliquaient les excédants aux dépenses de même nature. Si vous voulez admettre cet article, il faut l’admettre dans son entier.
Les habitants du Hainaut sur 600,000 francs en paient 400,000, et puisque les excédants doivent être appliqués aux dépenses de même nature nous pourrons demander leur application dans la province où ils sont perçus. Cependant nous ne serons pas si exigeants ; mais nous ne serons pas assez complaisants pour transporter toutes les dépenses à des routes qui ne produisent rien. Là où l’Etat a besoin de communication, il faut qu’elles soient exécutées, qu’importe que les routes soient d’une classe ou d’une autre.
Il faut faire des travaux où il est nécessaire ; c’est là le seul système qu’il faut admettre.
M. Teichmann. - Un arrêté du Roi a désigné les routes qui feraient partie de la première et de la seconde classe et a décidé que les excédants du produit des barrières de ces routes seraient portés au trésor ; il a décidé ensuite qu’un subside serait accordé pour leur entretien. En 1831 une innovation a été faite, et cette innovation a été détruite en 1833. Dans l’excédant de 602 mille francs se trouvent, sans doute, les produits des barrières des routes du Hainaut ; mais je ne pense pas qu’on puisse sérieusement soutenir que les habitants du Hainaut ont seuls payé les droits d’où provient l’excédant.
M. de Theux. - On a tiré une conséquence fausse de ce que j’ai dit. On a cru que je voulais retirer au Hainaut les allocations portées en sa faveur. Mais il n’y a aucune difficulté à ce que demande M. Dumortier, il y en aurait une peut-être si les frais de la moitié de la route qui existe déjà n’avaient pas été faits par le gouvernement. Mais si les dépenses ont été à la charge du gouvernement, rien ne s’oppose plus à ce qu’on considère la route dont il s’agit comme étant de la première classe.
Quant à la question des propriétés, elle a déjà été résolue dans un sens contraire à l’opinion de M. Dumortier. On a reproduit tout à l’heure l’article 225 ; il y est dit que les grandes communications appartiennent exclusivement à l’Etat ; or, quelles sont les grandes communications dont il s’agit dans cet article ? les routes de première et de deuxième classe. Il suffit de consulter toutes les lois sur cette matière pour s’en convaincre. Le gouvernement avait promis de fournir les fonds nécessaires à l’entretien des routes de deuxième classe, et il n’a jamais donné d’argent dans une proportion suffisante avec ces dépenses. Mais le total des produits n’a jamais été réclamé parce qu’on n’y avait aucun droit.
Il ne faut pas autoriser certaines provinces à faire valoir un avantage pour en obtenir un autre. Si les grandes communications ont été construites dans une localité plutôt que dans une autre, c’est évidemment parce qu’on y trouvait plus d’utilité. Voilà quel a été le motif de préférence. Mais une fois le résultat obtenu pourquoi ne transfèrerait-on pas les produits dans une autre localité pour lui faire obtenir tous les avantages que le secours de l’art peut lui promettre ?
M. Donny. - Deux des honorables préopinants ont dit qu’ils voteraient contre le projet, parce qu’il disposait faire de l’excédant du produit des barrières pour des constructions nouvelles, et non pas pour payer l’indemnité qui est due aux villes ou aux particuliers qui ont contribué à la confection des anciennes routes.
Tout autant que les honorables membres, je pense que ces villes et ces particuliers doivent être indemnisés, mais je crois que la liquidation de l’indemnité à accorder ne peut convenablement avoir lieu que par une loi spéciale, mesure dont le gouvernement ne paraît pas être éloigné s’il faut s’en rapporter aux citations de l’honorable M. Boucqueau de Villeraie.
Si l’on adoptait la marche proposée par les préopinants, il en résulterait beaucoup d’inconvénients. Je me bornerai à en faire remarquer un seul. La liquidation des droits des villes et des particuliers est une opération très compliquée qui demande un temps plus ou moins long, un an peut-être, peut-être même plusieurs années : si, au lieu d’une mesure spéciale, vous voulez opérer cette liquidation au moyen de l’excédant des produits des barrières, il faut tenir cet excédant au dépôt sans en faire aucun emploi jusqu’à la clôture de la liquidation. Ces fonds resteront jusqu’à cette époque inactifs, les villes intéressées n’en jouiront pas : il en résultera donc un préjudice pour l’Etat sans aucun avantage pour ceux qui auront fait des réclamations.
L’observation des préopinants ne m’empêchera pas de voter pour le projet, quoique je partage au surplus toute la sollicitude qu’on a montrée pour les particuliers et les villes qui ont contribué à la confection des routes.
M. Verdussen. - Je crois que l’on n’a pas bien saisi le sens de l’amendement de l’honorable M. Boucqueau. Il est éminemment juste, et s’il n’avait pas été présenté, il aurait fallu en rédiger un qui tendît à la même fin ; il n’a pas pour but de laisser oisifs les fonds du gouvernement. Mais il tend uniquement à dire que le gouvernement se chargera au besoin de liquider les réclamations légitimes qui pourraient être faites par les anciens possesseurs de routes. Mais, messieurs, il n’en faut pas trop restreindre le sens. Il y a des associations qui ont les mêmes droits que les villes. Il faudrait que les droits des établissements, des communes, des corporations et des villes fussent réservés ; sans cela on ne pourrait pas adopter l’amendement.
En 1815 un arrêté du gouvernement d’alors avait déjà statué que les villes, les communes, les établissements particuliers, apporteraient à l’autorité leurs réclamations ; par suite de cet arrêté, un grand nombre de réclamations ont été adressées, on en a fait un dossier et les choses en sont restées là.
M. Donny. - Je n’ai combattu l’opinion exprimée par MM. Boucqueau de Villeraie et Milcamps que pour autant qu’elle les avait déterminés à voter contre l’emploi de l’excédant du produit des barrières. L’honorable préopinant me paraît croire que l’amendement de M. Boucqueau n’aurait pas pour effet de rendre inactifs les fonds qui proviennent de cet excédant ; je ne m’oppose plus à tel amendement, dès qu’il n’a pas la portée que je lui supposais ; et je me rallierai à toute proposition qui aura pour but d’amener la liquidation la plus prompte. Mais ce à quoi je m’oppose, c’est à ce qu’on laisse inactifs dans la caisse du trésor des fonds qui pourraient être employés d’une manière utile pour le pays.
M. Boucqueau de Villeraie. - Je ne crois pas, comme le craint l’honorable M. Donny, que les amendements que j’ai proposés puissent occasionner des encaisses inutiles.
Je propose en premier lieu de liquider, au profit des villes et particuliers propriétaires de chaussées, l’excédant du produit de 1833 des barrières existantes sur ces chaussées, au-dessus des frais d’entretien ; ceci n’exigerait pas une très grande somme, et n’empêcherait nullement les travaux proposés d’avoir lieu. Il suffirait d’une partie même peu considérable de celle de 197 mille francs portée au n°12 du projet. La liquidation de cet excédant est une simple opération de chiffres ; les ingénieurs ont les moyens faciles d’évaluer le montant des frais d’entretien des chaussées dont s’agit ; et en les déduisant du montant des adjudications des barrières y existantes, le surplus est la somme demandée.
Ceci serait une première satisfaction en faveur des propriétaires des chaussées dépossédés et un secours, après leur long abandon, pour leur donner les moyens de payer les intérêts courants des capitaux qu’ils ont dû lever.
Viendra ensuite la liquidation de l’indemnité définitive qui leur sera allouée. Elle est de nature à être fixée de gré à gré et à l’amiable par l’intermédiaire des états députés ou gouverneurs, même de se résoudre en une rente annuelle sur le produit de la route.
Il est clair que de ces liquidations qui se feraient successivement, il ne pourrait jamais résulter aucune encaisse.
- Nombre de voix. - La clôture ! la clôture !
M. Trentesaux. - Je demande que la discussion générale ne soit pas close avant que le commissaire du gouvernement ne soit rendu au sein de cette assemblée. Il me semble qu’il doit avoir quelque chose à dire précisément dans la discussion générale. Je demande donc la suspension de la clôture jusqu’à ce que M. le commissaire ait été entendu. (Appuyé ! appuyé !)
M. Fallon. - Je demande l’impression de l’amendement de M. Boucqueau.
M. le président. - Tous les amendements seront imprimés.
M. Teichmann. - Les amendements à quel projet ?
M. Fallon. - L’amendement de M. Boucqueau se rapporte aux deux projets.
- Personne ne demandant plus la parole sur la discussion générale, la séance est levée à 4 heures.