(Moniteur belge n°161, du 10 juin 1833)
(Présidence de M. Pirson, doyen d’âge)
M. Liedts, l’un des secrétaires provisoires, fait l’appel nominal à midi et demi.
- La séance est ouverte.
M. Dubois, autre secrétaire provisoire, donne lecture du procès-verbal de la séance royale et de la séance tenue immédiatement après par la chambre, séances qui ont eu lieu hier.
- La rédaction du procès-verbal est adoptée.
MM. Lebeau, Rogier, Duvivier sont au banc des ministres.
M. Herwin, élu député à Bruges, écrit à la chambre pour donner sa démission.
L’ordre du jour étant l’examen des procès-verbaux des élections, MM. les rapporteurs des six commissions désignées pour procéder à ce travail sont successivement appelés à la tribune.
M. Corbisier, rapporteur de la première commission. - Messieurs, la commission désignée par le sort pour vérifier les pouvoirs des représentants du Brabant avait à examiner les opérations électorales des districts de Bruxelles, de Louvain et de Nivelles.
Le dossier relatif aux élections de Bruxelles lui a paru incomplet en ce que les procès-verbaux des sections ne se trouvent pas annexés au procès-verbal du bureau principal, et la majorité de la commission n’a pas cru devoir vous présenter des conclusions, avant de s’être assurée par l’examen de ces pièces que les opérations du collège électoral se sont faites régulièrement dans les dix bureaux entre lesquels étaient répartis les électeurs du district/
Elle a jugé cet examen d’autant plus nécessaire, qu’un incident qui s’était élevé dans le sein de la 7ème section et qui paraît avoir motivé une décision du bureau principal, ne se trouve pas relaté dans le procès-verbal de celui-ci. La commission n’en a eu connaissance que par un extrait fort incomplet du procès-verbal de la 7ème section, joint au dossier. Les pièces qui manquent ont été réclamées près du département de l’intérieur, qui s’empressera sans doute de les adresser à la chambre aujourd’hui même.
Je dois ajouter, messieurs, qu’aucune protestation n’a été faite contre les élections du district de Bruxelles.
M. Fleussu. - Je voudrais connaître les conclusions de la commission.
M. Gendebien. - La commission a ajourné son rapport.
M. Fleussu. - M. le ministre de l’intérieur pourrait communiquer les pièces.
M. Corbisier. - La commission a écrit au ministre de l’intérieur dans ce but.
- L’ajournement du rapport est admis.
M. Corbisier continue son rapport en ces termes. - Il résulte des procès-verbaux des quatre sections du collège électoral de Louvain que le nombre des électeurs qui ont pris part au vote montait à 727. Ce nombre fut réduit à 719 par l’annulation de 8 bulletins ; il fallait par conséquent recueillir 359 voix pour obtenir la majorité absolue. M. Vanderbelen, juge de paix , a eu 564 suffrages ; M. Henri Vandenhove 562 ; M. Werner de Mérode 554, et M. Ignace Quirini 544. Les autres candidats ont eu tous moins de 359 voix.
Les opérations électorales du district de Louvain ont été faites avec toute la régularité désirable et n’ont donné lieu à aucune réclamation.
La commission, messieurs, a l’honneur de vous proposer l’admission de MM. Vanderbelen, Vandenhove, W. de Mérode et Quirini.
- Les conclusions de la commission sont adoptées. MM. Vanderbelen, Vandenhove, W. de Mérode et Quirini sont proclamés membres de la chambre.
M. Corbisier. - La même régularité a régné dans les opérations du collège électoral de Nivelles. Là il y eu deux tours de scrutin. Les électeurs étaient divisés en 3 sections. 397 votèrent au premier tour. Le dépouillement des bulletins assigna à M. Milcamps, avocat à Nivelles, 227 suffrages, et à M. Cols père 207. Eux seuls ayant atteint la majorité absolue (199), furent proclamés députés. Un scrutin de ballotage fut alors ouvert entre MM. Félix de Mérode et Edouard Mercier, qui, après les deux candidats élus, avaient obtenu le plus grand nombre de voix.
328 électeurs prirent part au scrutin de ballottage ; deux suffrages furent déclarés nuls, 193 furent donnés à M. le comte Félix de Mérode et 135 à M. Édouard Mercier. M. le comte Félix de Mérode compléta la députation du district de Nivelles à la chambre des représentants.
La validité de ces élections n’a été contestée par personne et votre commission, messieurs, vous propose l’admission de MM. Milcamps, Cols et Félix de Mérode.
- Les conclusions de le commission sont adoptées, et MM. Milcamps, Cols et Félix de Mérode sont proclamés membres de la chambre.
M. Milcamps, rapporteur de la deuxième commission monte à la tribune.
Il entretient la chambre des élections qui ont eu lieu à Gand, à Alost et à Termonde. Les opérations ont été régulières , les députés élus ont obtenu beaucoup au-delà de la majorité absolue ; aucune protestation n’a été faite contre ces nominations ; en conséquence, la commission propose l’admission :
1° De MM. Helias, Vergauwen, Desmaisières, Hye-Hoys, d’Hane, Dellafaille , élus à Gand ; 2° de MM. Desmet, Dewitte, de Meer, élus à Alost ; 3° de MM. de Terbecq, Hip. Vilain XIIII, Hip. Dellafaille, élus à Termonde.
- Les conclusions de la commission sont admises, et les députés de Gand, d’Alost et de Termonde sont proclames membres de la chambre.
- Quelques-uns d’entre eux, présents à la séance, prêtent serment.
M. Fleussu, autre rapporteur de la deuxième commission, est chargé d’entretenir la chambre des élections de Saint-Nicolas, d’Audenarde et d’Eecloo.
Il résulte, dit-il, des procès-verbaux, tant du bureau principal que des sections, que toutes les formalités voulues par la loi ont été remplies dans les élections de Saint-Nicolas. Cependant nous devons vous signaler une petite particularité : c’est que nous n’avons trouvé aucune liste des votants. La loi ne requiert pas cette formalité à peine de nullité, et la commission propose l’admission de MM. C. Rodenbach, C. Vilain XIIII et Deman, qui ont obtenu beaucoup au-delà de la majorité absolue.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Fleussu. - A Audenarde, toutes les formalités voulues par la loi ont été observées. Huit électeurs, il est vrai, se sont présentés le jour des élections avec des décisions des autorités ; la commission ne s’est pas appesantie sur cette circonstance parce que la majorité était telle que ces huit électeurs ne peuvent la déplacer.
En conséquence, nous avons l’honneur de vous proposer l’admission de MM. Liedts, Thienpont, Hip. Dellafaille.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Fleussu. - A Eccloo tout s’est passé régulièrement, et nous vous proposons l’admission de M. Van Hoobrouck.
- M. Van Hoobrouck est proclamé membre de la chambre et prête serment.
M. Dubus, rapporteur de la troisième commission. - Cette commission, dit l’honorable rapporteur, avait à s’occuper des élections de la Flandre occidentale. Elle a remarqué que les formalités voulues par la loi ont été observées dans tous les districts. A Bruges trois députés étaient à élire ; au premier tour de scrutin, MM. Devaux et Coppieters ont obtenu beaucoup au-delà de la majorité absolue et la commission propose leur admission ; il a fallu un scrutin de ballotage pour la nomination du troisième ; c’est M. Herwyn qui l’a emporté ; mais puisqu’il vient de donner sa démission, la commission ne vous propose que de reconnaître la validité de l’opération.
M. Gendebien. - Nous ne pouvons pas adopter la démission de M. Herwyn, sans savoir s’il avait droit à être député.
M. Dubus. - C’est pourquoi j’ai conclu à ce que la chambre reconnût que les opérations électorales de Bruges étaient régulières.
- Les conclusions de la commission sont admises.
M. Devaux prête serment.
M. Dubus. - A Courtray, à Dixmude, à Furnes, à Ostende, à Roulers, à Thielt, à Ypres, les élections ont été parfaitement régulières, et les députés élus ont obtenu beaucoup plus que la majorité absolue ; en conséquence la commission propose l’admission des députés élus dans ces diverses localités.
- La chambre, adoptant les conclusions de la commission, proclame membres de la chambre :
1° MM. de Muelenaere, Angillis, Beckaert-Backland, nommés à Courtray ;
2° M. Morel-Danheel, élu à Dixmude ;
3° M. Dubois, nommé à Furnes ;
4° M. Donny, nommé à Ostende ;
5° MM. A. Rodenbach, Wallaert, nommés à Roulers ;
6° MM. de Roo, de Foere, nommés à Thielt ;
7° MM. Louis Robiano, Vuylsteke, nommés à Ypres.
- Ceux de ces députés qui sont présents à la séance prêtent serment.
M. Lardinois, premier rapporteur de la quatrième. - Nous avons été chargés d’examiner les élections de la province du Hainaut, mais les pièces ne nous ayant été remises que ce matin, je ne suis à même de vous rendre compte des opérations électorales que dans ce district seulement.
A Mons, l’examen de tous les procès-verbaux prouve que toutes les opérations ont été faites régulièrement, et, en conséquence, la commission vous propose, par mon organe, l’admission de MM. A Gendebien, Corbisier et de Puydt.
- Conformément aux conclusions de la commission, MM. A. Gendebien, Corbisier, députés sortants, et M. de Puydt, député nouveau, sont proclamés membres de la chambre, et prêtent serment.
M. Lardinois. - Les élections de Tournay nous sont également démontrées régulières, et j’ai l’honneur de vous proposer, au nom de la commission, de déclarer valable l’élection de MM. Dubus, Dumortier, Doignon et Trentesaux.
- La chambre déclare valable l’élection de MM. Dubus, Dumortier, députés sortants, Doignon et Trentesaux, députés nouveaux, et les admet à prêter serment.
M. de Laminne, deuxième rapporteur de la quatrième commission. - Nous avons examiné les procès-verbaux relatifs aux élections de Namur ; les opérations électorales de cette province nous ont paru régulières ; en conséquence, la commission vous propose par mon organe, de déclarer valide l’élection de MM. Fallon, Brabant et Desmanet de Biesme.
- MM. Fallon, Brabant et Desmanet de Biesme députés sortants prêtent serment.
M. de Laminne. - Aucune irrégularité n’a signalé les élections de Dinant ; en conséquence, j’ai l’honneur de vous proposer, au nom de la commission, de valider l’élection de M. Pirson.
- La conclusion de la commission est adoptée.
- M. Pirson, député sortant, prête serment.
M. de Laminne. - De l’examen de pièces, il résulte que les opérations électorales de Philippeville sont régulières, et en conséquence j’ai l’honneur de vous proposer l’admission de M. Seron.
- M. Seron, député sortant, est proclamé membre de la chambre. M. Seron est absent.
M. d’Huart, premier rapporteur de la cinquième commission. - Après un examen de toutes les pièces, la commission m’a chargé de vous proposer l’admission de MM. Legrelle, Ullens, Verdussen et Smits.
- La chambre adopte cette conclusion.
MM. Legrelle, Ullens et Verdussen, députés sortants, prêtent serment. M. Smits est absent pour cause de maladie.
M. d’Huart. - Malgré une légère irrégularité dans une des opérations, la commission vous propose l’admission de MM. Domis, Boucqueau et Polfvliet, élus dans le district de Malines.
- Cette conclusion est adoptée sans réclamation.
MM. Boucqueau et Polfvliet, députés sortants, prêtent serment. M. Domis est absent.
M. d’Huart. - L’examen des pièces et procès-verbaux des opérations électorales de Turnhout, ayant démontré que l’élection de MM. de Nef et Rogier a eu lieu à une majorité si considérable que l’absence des électeurs de Herenthout n’a pu avoir aucune influence sur le résultat de l’élection, la commission vous propose de la déclarer valide.
M. de Brouckere. - Je demande à savoir si l’on a vérifié si les électeurs de la commune de Herenthout ont été convoqués ou non. La chambre a pu être prévenue par les journaux, ou autrement, que les électeurs de Herenthout avaient adressé au commissaire de district une réclamation d’où il résultait qu’ils n’ont pas eu une connaissance officielle des élections qui ont eu lieu le 23 mai dernier. Il faudrait, ce me semble, que la chambre eût la certitude que cette réclamation n’est pas fondée, avant de se prononcer sur la validité des élections dont il s’agit.
M. d’Huart. - Quand bien même les électeurs de Herenthout ne se seraient pas présentés, ce fait ne pourrait pas infirmer les élections, car cette commune ne renferme que quinze ou vingt électeurs. Or, l’élection a eu lieu à une majorité considérable.
M. de Brouckere. - L’argument que vous venez d’entendre ne peut exercer ici aucune influence. Peu importe, en effet, le nombre des électeurs présents ; mais il suffit qu’on n’ait pas convoqué des électeurs pour que l’élection ne soit pas valable. Si l’on admettait un autre système, les agents du gouvernement pourraient se dispenser de convoquer ceux des électeurs qu’ils croiraient peu favorables au candidat du gouvernement.
On vous dit : La commune de Herenthout ne donne que vingt électeurs tout au plus ; et quand même ils auraient voté contre les élus, le résultat de l’élection aurait toujours été le même. Mais pouvez-vous calculer l’influence de ces vingt électeurs présents au milieu des autres ? Non, vous ne le pouvez pas. D’ailleurs, la loi est positive ; elle veut que les électeurs soient convoqués huit jours à l’avance sous peine de nullité. La chambre a déjà admis, il est vrai, le système que le délai de huit jours n’était pas nécessaire, pourvu qu’il fût bien constaté que les électeurs avaient été convoqués à temps pour pouvoir se rendre à l’élection. Mais je demande qu’une élection ne soit pas déclarée valable alors que les électeurs d’une commune, quelque petit que soit leur nombre, n’ont pas été légalement convoqués ; en conséquence, je demande que la commission veuille bien se charger de prendre des renseignements à cet égard et que l’admission soit ajournée.
M. de Nef. - Le 11 du mois de mai j’ai fait adresser, en ma qualité de commissaire de district, et conformément à la loi, toutes les instructions à la commune de Herenthout, en même temps qu’à toutes les autres communes. Si le bourgmestre a négligé de les transmettre, il en est certainement blâmable ; mais je puis assurer que la commune n’a en tout qu’une quinzaine d’électeurs ; aussi, en supposant leurs votes opposés aux élus, ils ne pourraient aucunement infirmer les élections. D’ailleurs, il est vrai qu’une déclaration du fait dont il s’agit m’est parvenue de la part des électeurs mais lundi seulement, au moment où je montais en voiture.
M. Devaux. - Je ne connaissais pas la réclamation dont on a parlé ; il me semble que nous ne pouvons pas, d’après des journaux que nous lisons ou que nous ne lisons pas, admettre une réclamation pareille. Quant à moi, je n’en avais aucune connaissance. Quoi qu’il en soit, la jurisprudence de la chambre est constante sur cette matière ; lorsqu’une réclamation s’élève à propos d’électeurs dont le nombre ne peut exercer aucune influence sur le résultat des élections, elle passe outre. Cela s’est fait alors même qu’il était démontré que de faux électeurs avaient été introduits. Dans ce cas, la chambre a dit : Peu importe, car si ces électeurs s’étaient retirés, la majorité serait restée la même. Ça été là sa jurisprudence constante.
Quant à la crainte qu’on a exprimée à l’égard des agents du gouvernement, elle ne repose sur rien, car ce sont les bourgmestres, c’est-à-dire des fonctionnaires élus, qui remettent les bulletins ; et, conséquemment, il n’y a rien à craindre de la part des fonctionnaires du gouvernement.
M. d’Huart. - Aucun électeur de la commune ne s’est présenté, et il résulte de la liste générale qu’ils sont au nombre de 10 seulement.
M. Fleussu. - Mais il faudrait savoir combien il y a d’électeurs dans le district.
M. de Brouckere. - On dit que la chambre n’a pas à prendre connaissance des réclamations des journaux, mais je répondrai que M. le commissaire de district est convenu lui-même qu’une réclamation lui avait été adressée par les électeurs de Turnhout. Ainsi le fait est constant. On prétend que nous n’avons pas à craindre la non-convocation des électeurs, puisque cette convocation se fait par le bourgmestre ; je puis répondre par un argument tiré de l’article 10 de la loi électorale. Cet article dit :
« Les commissaires de district veilleront à ce que les chefs des administrations locales envoient, sous récépissé, au moins huit jours d’avance, des lettres de convocation aux électeurs avec indication du jour, de l’heure et du local où l’élection aura lieu. »
Vous voyez que si les chefs des administrations locales envoient les lettres de convocation, ce sont les agents du gouvernement qui sont chargés de veiller à ce que cet envoi se fasse régulièrement. Je le répète, si vous admettez dès à présent que les élections dont il s’agit sont valables, alors des électeurs pourront ne plus être appelés ; car les commissaires de district, d’après les instructions qui leur viendraient des autorités supérieures, pourraient très bien ne pas veiller à ce que les lettres de convocation fussent régulièrement adressées. Comme dans la circonstance qui nous occupe, c’est M. de Nef qui a été chargé de surveiller les convocations, je suis persuadé qu’elles ont été faites régulièrement. Jamais il ne m’arrivera de soupçonner la loyauté de notre honorable collègue. Mais il s’agit ici de ne pas poser un antécédent dangereux. Si vous déclarez l’élection valable, d’ici à quelque temps vous pourrez avoir des élections faites par les deux tiers des électeurs d’un district sans que l’autre tiers ait été appelé. On vous dira : L’élection a eu lieu à une majorité énorme, et d’ailleurs leur présence n’aurait pas pu faire changer la majorité. Voilà ce qu’un jour on viendra vous dire, si tant est que vous admettiez les conclusions de la commission.
Toutefois, je ne demande pas que vous déclariez l’élection non-valable ; je demande un simple ajournement, et que la commission soit chargée de prendre des renseignements à cet égard.
M. Dumortier. - M. de Nef était convenu lui-même qu’une réclamation lui était parvenue. Je l’ai cherchée au dossier des électeurs de Turnhout, mais je puis affirmer qu’on est venu la chercher de la part de M. le ministre de l'intérieur ; c’est à moi-même que l’on est venu demander si l’on pouvait la reprendre. Nous savons donc qu’une protestation a été déposée entre les mains de M. de Nef et qu’elle ne figure pas au dossier.
Lorsque les élus pourraient avoir quelqu’intérêt à écarter cette protestation, nous sommes bien fondés à demander l’ajournement de l’élection, jusqu’à ce que nous ayons connaissance de cette pièce. Il est vrai que la chambre a déjà décidé que lorsqu’une convocation tardive avait lieu, mais qu’elle n’avait pu changer en rien le résultat d’une élection, et qu’il n’y avait pas de réclamations, on devait adopter les conclusions du bureau principal ; mais ici les conclusions sont toutes différentes. Ici c’est un défaut de toute espèce de convocation que l’on signale. Vous le savez, messieurs, j’ai toujours déclaré que j’admettrais les principes les plus larges en matière d’élection, et que toutes les fois qu’il n’y avait pas eu fraude, il fallait valider l’élection. Loin de moi la pensée qu’il y ait eu fraude dans la circonstance actuelle ; mais lorsque des électeurs adressent une protestation et se plaignent de n’avoir pas été convoqués, lorsque cette pièce ne se retrouve pas, bien que la commission l’ait reçue, ces faits demandent une explication ultérieure, et nous proposons l’ajournement.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je ne veux en aucune manière m’opposer à l’ajournement. J’aurais été moi-même le premier à provoquer une discussion sur le fait dénoncé par les journaux, si j’avais cru pouvoir y ajouter foi. C’est au reste ce qui explique la demande, faite hier en mon nom, du procès-verbal des opérations électorales de Turnhout : ayant lu dans les journaux que des irrégularités très graves avaient été commises, et ayant parcouru assez rapidement, il est vrai, les procès-verbaux sans trouver ces irrégularités si graves, j’étais curieux de les voir encore une fois. Je ne sais si M. Dumortier entend tirer quelque conséquence de cette démarche faite en mon nom, ainsi que de l’absence de la réclamation au dossier ; j’aurais désiré qu’il s’expliquât sur ce point avec toute franchise.
De l’explication de M. de Nef, il résulte qu’une réclamation des électeurs lui est parvenue, mais après les opérations électorales. La preuve de ce fait, c’est que le procès-verbal ne mentionne aucune protestation. Je désire qu’on demeure bien convaincu que ce n’était pas du fait des élus que provenait l’absence des électeurs de Herenthout ; qu’il n’y avait là qu’une négligence du bourgmestre. Si l’on insiste pour que de nouveaux renseignements soient demandés, je m’empresserai de fournir tous ceux qu’il sera en mon pouvoir de vous donner. (Aux voix ! aux voix !)
M. Dumortier. - Il est facile de répondre à l’interpellation de M. le ministre. J’ai cité des faits, chacun est libre d’en tirer les conséquences qui lui conviennent.
On nous dit que le procès-verbal ne mentionne aucune protestation ; mais comment les électeurs pouvaient-ils protester, puisqu’ils ne sont pas venus, faute de convocation ? S’ils avaient été convoqués d’ailleurs, ils n’auraient pas protesté, ils auraient voté.
M. de Theux. - Je m’oppose à ce que de plus amples renseignements soient demandés. Il est bien évident que dix électeurs ne pouvaient avoir aucune influence réelle. Si la chambre adoptait la doctrine que je combats, il dépendrait désormais de la négligence ou de la mauvaise volonté d’un bourgmestre d’empêcher toute élection.
Toutes les fois qu’il s’est présenté une irrégularité provenant d’un nombre d’électeurs qui ne pouvait produire aucune différence dans le résultat de l’élection, la chambre a passé outre.
M. Gendebien. - L’honorable préopinant vous a dit qu’en admettant notre système, il dépendrait de la négligence ou du mauvais vouloir d’un bourgmestre d’empêcher toute élection. Il aurait raison, en effet, s’il s’agissait de déclarer que l’élection est nulle ; mais il ne s’agit pas de cela. On reconnaît une irrégularité flagrante, contraire au texte de la loi et dès lors l’élection se trouve frappée non de nullité, mais de suspicion légitime. Je ne dis pas qu’il y ait eu malveillance dans cette occasion, mais je soutiens qu’il y a suspicion pour manque à l’article qui exige impérativement que la convocation soit faite. Il n’y a ici aucune analogie à tirer avec des cas tout différents.
On a dit, et je m’en étonne, car il avait déjà été répondu à cette objection, que la chambre avait précédemment passer outre sur des réclamations pour cause de convocation tardive, mais là encore y avait-il eu convocation ? Il a été prouvé que, vu la distance, les électeurs avaient eu assez de temps pour se considérer comme avertis, et même pour faire plusieurs fois le chemin. Mais ici la différence est grande, il s’agit d’une infraction à la loi, qui frappe de suspicion légitime une élection tout entière. Je suis persuadé que les renseignements ne prouveront pas qu’il y a eu fraude, mais enfin ils pourraient vous mener là. Ainsi donc, ne prenez pas à l’avance une résolution que de plus amples renseignements pourraient faire changer. M. le ministre a si bien senti lui-même la délicatesse de sa position, qu’il ne s’est pas opposé à ma demande. Il a compris que, pour l’honneur du commissaire du district et de l’élu, il fallait attendre qu’il fût prouvé que l’absence des électeurs ne pouvait pas leur être imputée.
M. Devaux. - Je comprends que, par délicatesse, M. le ministre ait accédé à la demande d’ajournement. Mais nous qui sommes ici pour faire autre chose que des vérifications de pouvoir, nous ne devons pas y mettre plus de temps qu’il ne convient.
Ces renseignements qu’on demande, que peuvent-ils nous apprendre ? Je mets toutes les choses au pire, et je veux bien qu’il soit prouvé que le bourgmestre n’a pas convoqué les électeurs, Eh bien l’élection n’en sera pas moins valide. Je pourrais citer plusieurs faits ; je me bornerai à un seul. Dans les élections de Luxembourg, de faux électeurs avaient été introduits. Le faux fut prouvé ; on fit le calcul, et, calcul fait, la majorité restait la même ; l’élu fut proclamé député.
Les renseignements sont donc inutiles ; ils ne peuvent que nous faire perdre du temps. Que peuvent 10 électeurs sur 400 voix de majorité ? Je comprendrais vos réclamations, si la majorité dépendait des électeurs qui n’ont pas paru ; mais ici, lorsque leur nombre se trouve sans influence, je ne pense pas qu’il y ait autre chose à faire qu’à valider l’élection.
M. Fallon. - J’appuie la proposition d’ajournement ; le point de fait n’est encore nullement établi ; il peut se faire que les électeurs aient été réellement convoqués. (Aux voix ! aux voix !)
M. Dumont. - Je pense que ces sortes de questions doivent se décider d’après les circonstances, selon les apparences de bonne foi ou de fraude qu’elles nous présentent ; mais elles ne sauraient être décidées abstractivement.
Ici, il est bien évident qu’il n’y a pas eu fraude. Pourquoi faire perdre du temps à la chambre par un ajournement ? Vous le voyez, il n’y a pas eu divergence parmi les électeurs ; ils ont été unanimes quant à l’un des candidats ; pour l’autre, il y a eu une majorité si considérable que, quels que soient les renseignements qui vous parviennent, le résultat de l’élection ne sera pas changé.
M. Quirini. - J’admets que lorsque ce n’est qu’un électeur qui n’a pas concouru à l’élection, cette circonstance ne doive pas influer beaucoup sur votre détermination ; mais ici, c’est une commune tout entière qui réclame. Le fait est trop grave pour que nous ne nous y arrêtions pas un peu. D’ailleurs, l’ajournement ne préjuge rien. (Aux voix ! aux voix !)
M. le président. - Je vais mettre l’ajournement aux voix.
- L’ajournement est en effet mis aux voix et rejeté à une grande majorité.
MM. de Nef et Rogier sont ensuite proclamés députés et prêtent serment.
M. Nothomb, autre rapporteur, a la parole, pour rendre compte des élections du district de Hasselt. - Messieurs, dit-il, toutes les formalités voulues par la loi ont été remplies ; il n’existe aucune réclamation. La seule irrégularité consiste dans l’absence des procès-verbaux des deux sections secondaires. Mais comme le procès-verbal du bureau principal donne en détail le relevé des votes tant de la première section que des deux autres, la commission passe outre et vous propose l’admission de MM. de Theux et de Stembier.
M. Fleussu. - Je remarque dans le rapport qu’il n’est question que du procès-verbal du bureau principal ; je voudrais savoir si les procès-verbaux des autres sections ont été présentés, et s’il en résulte que toutes les formalités voulues aient été observés dans ces autres sections.
M. Nothomb. - Après le relevé des opérations de sa propre section, le bureau principal s’exprime ainsi : « Après ces opérations sont arrivés successivement MM. les présidents et membres des 2ème et 3ème bureaux, qui ont porté au bureau principal le résultat du dépouillement de leurs scrutins respectifs, et les résultats ont donné, savoir, etc. »
M. Fleussu. - Je pense qu’il y a lieu à se faire produire les procès-verbaux des sections secondaires. La loi a établi des formalités que j’appellerai substantielles ; elle a voulu que les procès-verbaux des sections servissent à constater l’accomplissement de ces formalités. C’est ainsi que, dans chaque section, le secrétaire ou l’un des scrutateurs doit donner lecture de l’article 3 de la loi électorale ; que les articles 25, 26, 29, 31, 34 et 39 seront affichés à la porte de la salle en gros caractère. Voilà, avec bien d’autres encore, des formalités établies dans la défiance de la fraude, pour que la représentation nationale ne soit jamais faussée. C’est dans une sage défiance que la loi prévoit des formalités que je regarde comme substantielles ; de ce qu’aucun acte ne constate ici qu’elles ont été remplies, il faut en conclure qu’elles ne l’ont pas été, et que les élections ont été viciées par quelque défaut de forme.
Je sais bien que le bureau principal a dressé un procès-verbal général de l’élection ; mais remarquez qu’aux termes de la loi ce n’est que lorsque tous les résultats partiels sont constatés, qu’il faut dresser ce procès-verbal général de l’élection. Dans la circonstance actuelle, lorsque les procès-verbaux des sections manquent, qui oserait affirmer avec conscience que toutes les formalités ont été remplies ? Ne serait-ce pas jurer légèrement que d’affirmer que toutes les formalités voulues ont été exécutées ? Mais où donc en sont les preuves ? Elles ne pourraient se trouver que dans les procès-verbaux des différentes sections.
L’article 22 de la loi électorale dit : « Le bureau prononce provisoirement sur les opérations du collège ou de la section ; toutes les réclamations sont insérées au procès-verbal ainsi que la décision motivée du bureau. » Eh bien, je vous le demande, si des réclamations ont eu lieu en effet, où les trouver ? Il n’y a que le procès-verbal des sections qui puisse nous en révéler la nature. Prenez l’article 30 de la même loi, vous verrez qu’il est encore plus positif ; il est ainsi conçu : « Dans les collèges divisés en plusieurs sections, le dépouillement du scrutin se fait dans chaque section.
« Le résultat en est arrêté et signé par le bureau. »
Vous le voyez donc, la loi a été violée, car dans ses termes il faut que le résultat soit arrêté et signé par le bureau. Le procès-verbal principal nous dit simplement : « Les présidents sont venus et ont déclaré... » C’est donc un fait constant, on s’est écarté du texte de la loi ; il serait bien temps, messieurs, d’y revenir, et de tenir désormais une main sévère à son entière exécution. Je demande l’ajournement jusqu’à ce que les procès-verbaux des sections soient connus.
M. Raikem. - Vous remarquerez, messieurs, qu’aucune réclamation n’a été faite contre l’élection ; aucune demande à cet égard n’a été transmise à l’assemblée, et c’est une circonstance qui ne vous échappera pas ; c’est donc en quelque sorte d’office que l’on vous propose l’ajournement. Le procès-verbal principal donne des renseignements exacts. On y voit que les suffrages obtenus forment une très grande majorité. Mais y a-t-il lieu à ajournement ? Examinons cette question ; et tout d’abord il faut convenir qu’on ne doit pas exiger plus que la loi elle-même, et dès que le procès-verbal contient ce que prescrit la loi, il ne peut y avoir lieu à ajournement. Que porte la fin de l’art 30 ? « Le résultat est immédiatement porté, par les membres du bureau de chaque section, au bureau principal, qui fait, en présence de l’assemblée, le recensement général des votes. »
Eh bien, dans le cas dont il s’agit, le recensement général a eu lieu.
Que veut maintenant l’article 37 ? Le voici : « Les membres du bureau principal rédigeront un procès-verbal de l’élection, séance tenante, et l’adresseront directement au ministre de l’intérieur dans le délai de huitaine. »
Vous le voyez, tout ce que la loi exige c’est que le procès-verbal de l’élection soit transmis à l’assemblée. Maintenant quelle nécessité y a-t-il à l’examen des pièces ? Des réclamations peuvent avoir eu lieu, mais probablement les électeurs savent ce qui s’est passé, et s’ils avaient eu des protestations à faire contre le procès-verbal, ils les auraient faites.
On nous oppose qu’il faudrait présumer que toutes les formalités n’ont pas été remplies parce que toutes les pièces relatives aux opérations électorales ne sont pas produites. Je pense que l’on doit adopter la présomption contraire, car le principe qu’on nous oppose conduirait à la nullité de l’élection, et dans le doute, la présomption est en faveur de l’élu. Pour moi, de ce fait qu’aucune réclamation ne s’est élevée, je tire la conséquence que toutes les formalités ont été remplies, et, avec tous les membres de votre commission, je demande que l’élection soit validée.
M. Fleussu. - Il semblerait, d’après ce que nous venons d’entendre, que nous devons admettre tous les pouvoirs, à cette seule condition qu’il n’y ait pas de réclamations. Il y déjà longtemps que j’entends dire : « Pourquoi vous montrez-vous si difficiles ; il n’y pas eu de réclamations ! » Croyez-moi, si vous négligez de vous assurer que les élections sont régulières et pures, vous verrez bientôt d’autres abus bien plus grands.
Vous nous objectez qu’il y a ici grande majorité, mais moi je demande si la majorité a été établie de la manière voulue par la loi. Eh bien, je dis que non. C’est un principe ; la loi a voulu que l’accomplissement des formalités soit constaté par un acte officiel ; on ne pourrait pas y suppléer par des témoins. Il faut que l’accomplissement de toutes les formalités soit constaté d’une manière authentique.
On ne peut sans doute pas exiger plus que la loi ; mais on ne doit pas exiger moins. Je soutiens que jusqu’à ce que l’accomplissement de la loi nous ait été prouvé par des actes officiels, nous sommes autorisés à en douter. Or, dans le doute, jamais on ne doit admettre un député, car le vœu de la loi et du pays, c’est que les députés représentent vraiment, la nation, et qu’il n’y ait jamais de doute ni d’équivoque à cet égard. L’article 30 est formel, et le procès verbal n’établit pas que la loi ait été respectée. Voyez encore l’inconséquence : on vient d’ajourner pour les élections de Bruxelles ; et quand nous élevons des doutes, que nous demandons des renseignements, on veut passer outre, on nous refuse les documents que tout homme de conscience a le droit d’exiger.
Prenez-y garde, messieurs, les formalités ont été exigées dans l’intérêt général ; si vous vous en éloignez, elles ne sont plus qu’illusoires et la loi électorale n’est plus qu’un vain mot. Il dépendrait bientôt d’un bureau d’admettre de faux électeurs ; comme il n’en sera pas fait mention au procès-verbal des sections, le procès-verbal du bureau principal n’en dira rien, l’élection sera nulle, et vous vous la maintiendriez, vous la déclareriez valide !
M. de Brouckere. - Je ne partage pas l’avis de l’honorable préopinant, parce qu’il est évident que la chambre peut et doit annuler d’office une élection alors qu’elle a la certitude qu’une élection est irrégulière. Mais lorsque le même orateur dit qu’on ne peut pas exiger plus que la loi, je partage son opinion ; je vais examiner, la loi à la main, si le district de Hasselt a rempli les formalités.
Il faut d’abord distinguer le bureau principal et le bureau des sections : le bureau principal est tenu de rédiger un procès-verbal de l’élection, séance tenante, et de l’adresser au ministre ; les autres bureaux ne sont pas astreints à la même obligation, les autres bureaux sont tenus d’arrêter le résultat du dépouillement du scrutin et de signer. Ce résultat, arrêté et signé, ils doivent le porter au bureau principal ; voilà l’économie de la loi électorale, et vous ne verrez nulle part l’obligation pour les sections de porter leurs procès-verbaux au ministre.
Maintenant voici où est le doute ; le procès-verbal ne dit pas que les membres du bureau des sections aient arrêté et signé le résultat du dépouillement du scrutin ; il s’exprime de la manière suivante : « Les présidents et les membres des bureaux ont porté le résultat. » S’ensuit-il de là qu’ils aient arrêté et signé le résultat ? Voilà toute la difficulté Quant à moi, je pense qu’il ne faut pas annuler l’élection parce qu’il n’est pas dit formellement que le résultat ait été arrêté et signé ; je dis : Le résultat a été porté, et je pense que la présomption doit être qu’il a été arrêté et signé.
M. Devaux. - Le système développé par M. Fleussu serait incontestablement le meilleur, s’il s’agissait de faire une loi. Mais il s’agit ici d’appliquer une loi déjà existante ; si le bureau a erré, voyons si la loi l’en empêchait, et je ne le crois pas. Ce peut être une lacune dans la loi, mais elle ne fait pas une obligation particulière aux sections de dresser un procès-verbal. Nulle part, il n’est dit que les sections devront envoyer un procès-verbal au ministre. S’il y a faute, c’est à la loi que vous devez vous en prendre.
On vous a dit que l’ajournement avait été adopté pour les élections de Bruxelles ; c’est une erreur de fait. La commission nous a dit qu’elle attendait encore des pièces, que son rapport n’était pas prêt, et nous avons ajourné.
Messieurs, il n’en est pas en fait d’élection comme en fait de procédure.
Les questions d’élection doivent être posées largement et il faut les résoudre dans le sens de l’équité. En fait de procédure, les tribunaux mettent un ou deux jours à décider les questions. Si nous y mettions ce temps, l’esprit public, chaque jour plus éclairé, multiplierait les difficultés électorales, et il en résulterait que nous ne ferions plus que vérifier des pouvoirs. Nous arriverions à la fin de la session avec des pouvoirs bien et dûment constatés, mais nous n’aurions que cela de fait.
Alors qu’aucune réclamation ne s’est élevée au sujet de l’élection, vous devez, par un principe de bonne foi, déclarer l’élection valide.
M. Ernst. - Il s’agit dans cette circonstance de formalités essentielles ; il s’agit de savoir si les électeurs ont été avertis des obligations, qu’ils avaient à remplir ; si le président a rempli toutes les formalités dans l’intérêt de la loi. En matière électorale, les formalités sont des garanties en faveur de la société.
Quelles sont donc ici les preuves qu’elles aient été remplies ? Je n’en vois aucune. La plus importante n’a pas été remplie. La loi veut une déclaration écrite, et le procès-verbal dit seulement que les membres du bureau ont fait une déclaration.
Et en effet, si un conflit venait à s’élever, comment constater que le nombre voulu a été obtenu ?
Dans ce doute, la loi doit toujours être interprétée dans le meilleur sens. Eh bien, l’article 22, supposant qu’un collège est divisé en sections, dit que le bureau prononce provisoirement sur les opérations ; que toutes les réclamations sont insérées au procès-verbal. La loi suppose donc qu’il y a eu procès-verbal pour chaque section. La loi est là. Oh ! s’il ne s’agissait ici que de telle ou telle rédaction du procès-verbal, je n’insisterais pas si longtemps ; mais il s’agit de savoir si un acte existe ou non. La preuve que le gouvernement lui-même a pensé qu’il fallait un procès-verbal pour chaque section, c’est qu’il a adressé des imprimés dans le but d’en faciliter la confection. Je termine en faisant valoir une observation. Si vous n’exigez pas de procès-verbal, les opérations électorales se feront sans formalités, sans dignité ; on viendra dire : Les électeurs sont en tel nombre, et voici le résultat de l’élection.
Quant à moi, j’ai fait partie d’une commission ; on s’y est donné la peine d’examiner les procès-verbaux de toutes les sections, et l’on ne croit pas avoir perdu son temps.
M. de Theux. - A l’ouverture de la première session, la chambre a passé outre sur une difficulté semblable à celle-ci au sujet des élections de Bruxelles. Il y avait un seul procès-verbal de la section principale ; il en a été fait part à la chambre, et il n’a été élevé aucune réclamation.
On nous dit qu’il ne résulte pas du procès-verbal que le résultat ait été arrêté et signé. Mais où est l’article qui oblige à cette formalité chacune des sections ? Ce fait n’est jamais mentionné dans le procès-verbal, du moins je ne l’ai jamais vu, et certes bien des rapports ont passé sous mes yeux. S’il y a des irrégularités dans les opérations, les électeurs réclament, et leurs réclamations se trouvent dans le procès-verbal de la section principale. Ici ne se trouve aucune espèce de réclamations, il n’y a donc pas suspicion de fraude.
M. Dumortier. - Toute la question est dans un fait que j’ai entendu poser en des termes différents. M. de Brouckere a dit que les membres du bureau des sections étaient venus apporter le résultat ; il est certain qu’on n’apporte pas des paroles, et alors la présomption est qu’il y a eu procès-verbal. Si, comme M. Ernst le dit, les membres du bureau sont venus annoncer le résultat, c’est la présomption inverse et il y a lieu à examiner la réclamation qui s’élève.
M. Nothomb. - Le procès-verbal dit : « Après ces opérations, sont arrivés successivement MM. les présidents et membres des 2ème et 3ème bureaux, qui ont apporté au bureau principal le résultat du dépouillement de leurs scrutins respectifs. »
- De toutes les parties de la salle. - Aux voix ! aux voix !
M. Coghen. - Le procès-verbal constate que l’on a satisfait aux formalités voulues par la loi, puisqu’il est dit que l’on a porté le résultat ; la présomption est qu’on ne l’a admis que sur le vu des pièces qui le constataient.
M. le président. - Je mets l’ajournement aux voix.
- L’ajournement est rejeté à la presqu’unanimité.
M. Nothomb. - La commission n’a pas reçu les pièces relatives aux élections de Maestricht, dont les opérations ont été effectuées à Tongres.
En ce qui concerne les élections de Ruremonde, je dois appeler votre attention sur un incident particulier dont il est fait mention dans le procès-verbal du bureau principal, et qui a paru suffisant pour porter à conclure à l’ajournement des élections de ce district.
Le procès-verbal signale deux étrangers, un Prussien entre autres, comme ayant pris part aux élections. D’autres irrégularités sont annoncées sans être signalées. La protestation, conséquence de ces irrégularités, n’est pas encore parvenue à la chambre. La commission a pensé qu’il était convenable de laisser s’écouler un temps suffisant pour permettre l’arrivée de ces pièces ; en conséquence, elle vous propose d’ajourner son rapport définitif à lundi ou mardi.
Les votants à Ruremonde étaient de 466 ; la majorité absolue était par conséquent de 234. M. de Longrée a obtenu 327 suffrages ; M. Olislagers en a obtenu 257 ; M. Vanderheyden en a obtenu 255. Pour invalider de telles majorités, il faudrait beaucoup plus que les deux électeurs signalés dans le procès-verbal. La commission a cependant cru que la délicatesse, que les convenances exigeaient que l’on accordât un temps moral, après lequel on pût présumer que les réclamants s’étaient désistés de leurs demandes dans le cas où leurs réclamations ne seraient pas parvenues à la chambre. C’est pourquoi elle a conclu à l’ajournement du rapport définitif.
M. Raikem. - L’ajournement est fondé non pas sur des nullités alléguées, mais sur la possibilité que des nullités seront alléguées : et sur un motif semblable nous enlèverions aux députés de ce district le droit de prendre part à la vérification des pouvoirs. Considérez donc que les élections dont il s’agit ont été faites il y a plus de quinze jours ; que ce temps était suffisant pour permettre de signaler les infractions à la loi électorale si cette loi n’avait pas été observée. Nous ne pouvons ajourner la reconnaissance d’un droit sur des allégations semblables.
M. Gendebien. - Je crois devoir justifier la commission que j’ai l’honneur de présider de l’espèce de légèreté dont on l’accuse.
La commission, voulant réserver aux électeurs tous leurs droits, a cru qu’il y avait convenance d’ajourner jusqu’à lundi prochain le rapport définitif. On signale deux irrégularités et l’on annonce que l’on en signalera d’autres ; donnons aux pièces le temps d’arriver. Ce ne serait pas gagner du temps que de s’opposer à l’ajournement ; c’est le débat qu’occasionnerait la proposition de la commission qui serait une perte de temps pour la chambre.
M. Raikem. - Je n’ai pas voulu accuser les intentions de la commission ; si on avait pu croire le contraire d’après mes paroles, c’est qu’elles auraient été en désaccord avec mes sentiments.
Mais je dis que les électeurs ont eu le temps de signaler les irrégularités qui auraient eu lieu dans les élections de Ruremonde. Tous les journaux ont annoncé l’époque à laquelle les représentants se réuniraient ; si donc les électeurs n’ont pas présenté de réclamations, c’est qu’ils n’ont pas de griefs à faire valoir. Ce n’est pas sans possibilité que des réclamations pourront avoir lieu qu’on peut ajourner l’admission de plusieurs députés.
M. Nothomb. - La commission ne vous propose pas de statuer sur la proposition principale ; elle vous propose seulement de prendre une décision sur une question préjudicielle qui se présente.
M. Fleussu. - Elle propose l’ajournement du rapport.
M. Dumortier. - Cela revient au même que d’ajourner l’admission.
- La chambre adopte l’avis de la commission.
M. Brabant monte à la tribune. - Votre sixième commission, dit-il, m’a chargé de vous entretenir des élections de divers districts.
A Virton les électeurs ont tous été convoqués en temps utile. Un bulletin portant : Le prince d’Orange, a été annulé. M. d’Huart, commissaire du district de Grevenmacher, a été proclamé député. La commission, considérant la régularité des opérations, vous propose son admission.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Brabant. - A Neufchâteau, les élections ont été faites régulièrement. On remarque cependant que les électeurs d’une seule commune ont été avertis tardivement, qu’ils n’ont été avertis que le 15. Cette commune compte 5 électeurs, mais la commission s’est assurée que trois de ces électeurs ont pris part aux opérations électorales. Au reste, M. Zoude ayant obtenu beaucoup au-delà de la majorité absolue, la commission pense qu’il y a lieu de l’admettre comme membre de la chambre.
M. de Brouckere. - Puisque, sur les cinq électeurs de la commune qui a reçu l’avis trop tard, trois ont pris part aux élections, je partage l’avis de M. le rapporteur.
- M. Zoude est proclamé membre de la chambre et prête serment.
M. Brabant. - A Bastogne, M. d’Hoffschmidt, commissaire du district, a obtenu beaucoup plus que la majorité absolue, et la commission propose son admission.
- Les conclusions de la commission sont adoptées, et M. d’Hoffschmidt prête serment.
M. Brabant. - A Arlon, il y a eu peut-être un, deux ou huit électeurs d’avertis tardivement. Je vois qu’il y en a eu de convoqués le 15 mai ; mais la majorité obtenue par M. Nothomb est telle qu’en supposant que huit électeurs de plus aient voté, il est impossible de voir qu’ils lui eussent enlevé la majorité. M. Nothomb a obtenu en effet 282 suffrages sur 322 votants. La commission conclut à son admission.
- M. Nothomb est proclamé membre de la chambre, et prête serment.
M. Brabant. - A Grevenmacher, le nombre des votants était de 229 ; la majorité de 115 ; M. d’Huart a obtenu 118 voix. Deux bulletins ont été annulés sans qu’il eu soit fait mention au procès-verbal ; mais ils sont joints au dossier. L’un porte : « Le commissaire du district de Grevenmacher » ; c’est M. d’Huart, comme on sait ; l’autre porte : « Je vote pour le baron d’Huart. » L’annulation de ces bulletins ne pouvait changer la majorité ; en conséquence, la commission propose l’admission de M. d’Huart.
- L’admission est adoptée, et M. d’Huart prête serment.
M. Brabant. - A Diekirch, quelques convocations ont été tardives ; il y en a eu de faites le 15 et le 16 mai. Il a été impossible à la commission de voir si les électeurs avertis trop tard se sont présentés au collège électoral. Il y avait 162 votants ; M. Watlet a obtenu 147 voix. Un bulletin a été annulé, parce qu’il avait été remis par un fils votant pour son père ; mais ce bulletin portait le nom Watlet. Le nombre des suffrages obtenus équivalait à l’unanimité, la commission propose l’admission de M. Watlet.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Dumortier, rapporteur de la sixième commission, prend la parole. - Cette commission, dit-il, n’a pas terminé son travail sur les élections de Marche, et je ne puis en entretenir la chambre.
Je viens faire le rapport sur les élections de Liége.
Il y avait 1,295 votants dans le collège. Cependant le bureau principal ayant regardé comme valable l’annulation de 4 bulletins faite par le bureau d’une section, il resterait 1,291 votants, et la majorité absolue tombe à 646, au lieu d’être à 648, d’après le nombre 1,295.
Les suffrages ont été ainsi répartis : M. Raikem a eu 696 voix ; M. Fleussu, 679 ; M. de Laminne, 669 ; M. Ernst, jeune, 661 ; M. Behr. 646 ; M. Marcellis, 600, plus quelques voix, et d’autres ont obtenu des suffrages en nombres moindres.
Il s’est élevé de graves difficultés pour savoir si les 4 bulletins devaient être annulés.
Ces bulletins, annulés ou comptés, n’ont aucune influence sur l’élection de MM. Raikem , Fleussu , de Laminne, Ernst jeune, parce qu’ils ont obtenu beaucoup plus que la majorité absolue.
La commission propose en conséquence leur admission.
Quant à la cinquième nomination, celle de M. Behr, les pièces sont tellement volumineuses, que la commission n’a pas eu le temps de les examiner. Elle ne peut prendre de conclusions aujourd’hui. On comprend que la validité, ou l’annulation des quatre bulletins, change la majorité à l’égard de M. Behr.
La commission propose l’ajournement
M. Fleussu. - Je voudrais que l’ajournement fût fixé à mardi.
M. Dumortier. - La commission aura terminé son travail pour mardi.
MM. Raikem, Fleussu, de Laminne, et Ernst, sont proclamés membres de la chambre, et prêtent serment.
M. Frison, autre rapporteur de la sixième commission, entretient la chambre des élections de Verviers, de Huy et de Waremme. - Pour le district de Verviers, qui avait deux députés à nommer, la commission a remarqué une légère irrégularité dans le procès-verbal du bureau principal.
Dans le recensement des bulletins, il en est mentionné 8 qui ne portaient chacun qu’un nom, et le candidat ou les candidats auxquels ces suffrages étaient dévolus ne sont point nommés.
Au surplus voici, messieurs, le résumé des opérations électorales du district de Verviers.
Les électeurs étaient au nombre de 452.
Deux bulletins ont été trouvés, en blanc, trois autres annulés, faute de désignation suffisante ; le nombre des électeurs se trouve réduit à 447, majorité absolue 224.
M. Gilles-François Davignon, de Francomont, ex-député, a réuni 399 suffrages ;
M François-Joseph Lardinois, de Verviers, aussi ex-député 303 suffrages.
La commission propose l’admission de ces deux messieurs.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Frison. - Les procès-verbaux d’élection du district de Huy nous ont paru réguliers ; il y avait un représentant à nommer ; les votants étaient partagés en deux bureaux : au premier, il s’en trouvait 215 ; au second, 82 ; majorité absolue, 149. Au premier bureau M. Dautrebande, bourgmestre de Huy, a obtenu 117 suffrages ; M. Lebeau, ministre de la justice, 91 ; sept bulletins ont été déclarés nuls pour défaut d’indication suffisante. Au second bureau M. Lebeau a obtenu 45 suffrages (136) ; M. Dautrebande 37 (154).
La commission vous propose, messieurs, l’admission de M. François Dautrebande, bourgmestre de Huy.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Frison. - Au district de Waremme il y avait 2 bureaux ; un seul procès-verbal a été rédigé : le 2ème bureau a apporté au bureau central le résultat du scrutin arrêté et signé par ses membres ; au premier bureau il y avait 169 votants ; au second, 199 ; total, 368 ; majorité absolue, 185. Au premier bureau, M. Fleussu, conseiller à la cour d’appel de Liége, a recueilli 126 voix ; M. Eloy de Burdinne, 43 voix. Le procès-verbal du bureau central constate qu’au second bureau M. Eloy de Burdinne a obtenu 189 voix ; M. Fleussu, 10 voix. M. Eloy de Burdinne a donc obtenus 232 voix. et M. Fleussu, conseiller à la cour d’appel de Liége, 136 voix.
La commission propose l’admission de M. Eloy de Burdinne.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
La séance est levée à quatre heures.