(Moniteur belge n°66, du 7 mars 1833)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
Les pièces adressées à la chambre sont renvoyées à la commission des pétitions.
Les sections ont autorisé la lecture des propositions de MM. Seron et Tiecken de Terhove.
M. Seron. - Voici ma proposition :
« A dater du 1er mai prochain, les poids et mesures reprendront les noms qui leur ont été donnés par les lois françaises en vigueur dans la Belgique, avant la promulgation de la loi du 21 août 1816.
« Les dispositions de cette dernière loi sont abrogées en tout ce qu’elle renferme de contraire à la présente. »
M. le président. - La chambre autorise-t-elle M. Seron à présenter le développement de sa proposition ?
- De toutes parts. - Oui ! oui !
M. Seron. - Messieurs, dans les rapports faits à la convention nationale sur le nouveau système des poids et mesures, on trouve, entre autres observations, celles que voici :
« Les nouvelles mesures étant différentes de toutes les mesures connues, leurs noms doivent être différents des noms employés par les anciens et par les modernes. En effet, si l’on appliquait aux nouvelles mesures des noms usités, il faudrait, pour éviter l’équivoque, y ajouter une phrase explicative afin qu’on sût qu’ils appartiennent au nouveau système, ce qui causerait des longueurs fastidieuses.
De plus, pour soulager la mémoire, le nombre des noms nouveaux doit être le plus petit possible. C’est à quoi l’on parvient en ne donnant des noms indépendants qu’aux unités principales, et en désignant les multiples et les sous-multiples par des noms composés qui rappellent leur rapport décimal avec les unités. Enfin, en introduisant dans les arts et les sciences des mesures nouvelles, il convient aussi d’enrichir la langue de mots nouveaux et simples. »
Ces raisons déterminèrent la convention nationale à réduire les noms d’unités à cinq. Elle donna donc le nom de mètre à la mesure de longueur, le nom d’are à la mesure de superficie pour les terrains, le nom de litre à la mesure de capacité, tant pour les liquides que pour les matières sèches, le nom de stère à la mesure destinée particulièrement au bois de chauffage, et, enfin, le nom de gramme à l’unité de poids. Quant aux multiples et aux sous-multiples, ils furent désignés par des particules grecques et latines ajoutées à ces noms d’unités. Dès lors, pour entendre et mettre en pratique le nouveau système, il suffit de savoir ce que c’est qu’un mètre, un are, un litre, un stère et un gramme, et de mettre dans sa mémoire que myria signifie dix mille fois, milli la millième partie, etc., etc.
Telle était la nomenclature en usage ici quand les auteurs d’un code civil baroque et d’un code pénal barbare jugèrent à propos, de nous doter de la loi gothique du 2l août 1816. Alors, en haine des institutions françaises et par une sotte prédilection pour les vieux usages, et qui avait été rendu clair, on l’embrouilla, et ce qui avait été simplifié, on le compliqua.
Ainsi, et par exemple, pour les mesures de capacité, au lieu du litre et de ses multiples et divisions, on eut le litron, le baril, la mesurette, le verre, le dé, le boisseau, la rasière et le sac ; le bonnier remplaça l’hectare, l’aune servit à mesurer les terrains et les étoffes, et le pouce, mesure prise originairement de la largeur du pouce humain, fut miraculeusement substitué au centimètre, qui n’a pas le tiers de cette largeur. Ainsi, pour se servir du nouveau système, il fallut désormais entasser dans sa tête une nomenclature compliquée, un grand nombre de mots, d’autant plus difficiles à retenir et à comprendre qu’ils n’ont aucune analogie entre eux, et que, le plus souvent, ils n’offrent à l’esprit rien qui donne l’idée de leur valeur. Cette bizarre conception ne plut qu’à l’ignorance et aux petits préjugés, qui, malgré les progrès de la chimie, ne conçoivent pas combien une bonne nomenclature peut favoriser l’étude et la connaissance des sciences et des faits.
Une loi non moins rétrograde changea notre système monétaire. Bientôt parurent les pièces d’un, de 3, de 5, de 10 florins de Hollande et les divisions du florin, monnaies dont le poids n’avait aucun rapport avec le système décimal.
Vous avez, messieurs, abrogé ces dernières dispositions et rétabli le franc. Vous avez fait plus ; dans votre loi de mai 1832, vous avez désigné le poids de vos nouvelles espèces par les multiples et les sous-multiples du gramme, au lieu de vous servir de l’once, du gros et de l’esterlin ; et pour indiquer la dimension de ces mêmes espèces, vous avez substitué à la palme, au pouce, à la ligne, les sous-multiples du mètre. On peut conclure de là, me semble-t-il, que vous regardez la nomenclature française comme préférable à la nomenclature néerlandaise.
Quoi qu’il en soit, il faut en convenir, une première atteinte est portée à la loi du 21 août 1816. Maintenant toutes les dispositions n’en sont plus intactes et exécutoires. Un notaire qui dans ses actes aurait parlé de mètres et de grammes ne serait plus répréhensible ; il n’aurait fait que se servir d’expressions consacrées par le législateur lui-même. Quel juge pourrait y voir une contravention ou un délit ?
Mais, en même temps, défense à ce notaire d’employer, à peine d’amende, les mots are, litre, stère, ni leurs multiples ; car aucune loi ne les a jusqu’ici réhabilités.
Cette bigarrure dans notre législation, non moins que le désir de voir rétablir la nomenclature insérée dans la loi du 18 germinal an III, m’a suggéré la proposition que j’ai l’honneur de vous soumettre. Elle ne me semble pas devoir être la matière de longs débats, et c’est pourquoi je crois inutile d’y donner d’autres développements. La voici : (Voir plus haut.)
- La chambre, à la presque unanimité, prend la proposition en considération.
M. d’Huart. - Cette proposition ne peut présenter aucune difficulté ; on peut la renvoyer à une commission qui fera son travail promptement. (Appuyé ! appuyé !)
- La commission est composée de MM. Brabant, d’Elhoungne, de Theux, Fallon, Dumortier, et de l’auteur de la proposition.
M. Tiecken de Terhove est appelé à la tribune. - J’ai l’honneur, dit l’honorable membre, de soumettre la proposition de loi suivante :
« Considérant que la dépréciation des céréales va toujours croissant, et qu’il est urgent de venir au secours de l’industrie agricole, source de toute prospérité, nous avons décrété, etc.
« L’arrêté du gouvernement provisoire en date du 21 octobre 1830 est révoqué.
« A partir de la publication de la présente loi, la libre exportation des céréales est permise, tant par mer que par terre.
« Toute disposition contraire à la présente est révoquée. »
M. Tiecken de Terhove, autorisé à présenter les développements de sa proposition, s’exprime en ces termes. - Messieurs, une pétition, datée du mois de janvier, et signée par plusieurs propriétaires et cultivateurs, réclamant l’abrogation de l’arrêté du gouvernement provisoire, qui défend l’exportation des céréales, avait été renvoyée à M. le ministre de l'intérieur, avec demande d’explications ; lors du rapport de cette pétition, la chambre montra le désir qu’on fît droit à cette juste réclamation des pétitionnaires, j’avais donc espéré que le gouvernement nous eût présenté une loi sur la législation du commerce des grains ; mais plus d’un mois s’est écoulé depuis, et mon attente est restée vaine.
Cependant cette branche d’industrie si importante, et qui est la source principale de nos richesses, souffre de plus en plus ; la dépréciation des grains, dont nos marchés sont encombrés, va tous les jours croissant, et l’introduction d’une nouvelle loi sur les distilleries, qui doit abaisser les droits, a exercé sans doute une influence fatale sur les prix des céréales, par le ralentissement ou la cessation totale des travaux de plusieurs de ces usines, et a causé encore une diminution considérable dans la consommation intérieure.
J’ai donc cru qu’il était temps enfin de venir au secours de cette industrie souffrante, et qu’il fallait, pour l’écoulement de ses produits surabondants, lui procurer des débouchés déjà trop longtemps fermés. Tel est l’objet de la loi que j’ai l’honneur de vous proposer. Je ne vous la présente, messieurs, que comme une loi transitoire, et propre à satisfaire aux besoins du moment.
La législation en vigueur en Angleterre, sur cette branche importante, établit une échelle de proportion pour la perception des droits d’entrée et de sortie, et un minimum et un maximum pour autoriser ou défendre l’importation ou l’exportation. Je pense messieurs, que des mesures pareilles, introduites dans ce pays, seraient le moyen le plus efficace de protection à accorder à cette industrie, qui lui donnerait tous les développements dont elle est susceptible, et assurerait toute sa prospérité. Mais comme tel n’est pas l’objet de ma proposition, et que la loi que j’ai l’honneur de vous proposer n’est qu’une loi transitoire et propre à satisfaire aux besoins du moment, j’abandonne ces considérations à la méditation de nos gouvernants, et je nourris l’espoir que le ministère nous présentera une loi complète sur cette législation, qui satisfera à tous les besoins, à tous les intérêts de cette branche d’industrie si féconde.
Je ne doute pas, messieurs, que ma proposition ne soit accueillie favorablement dans cette enceinte ; tous vous apprécierez la nécessité de cette mesure. Déjà les produits d’une récolte ordinaire dépassent de beaucoup les besoins de la consommation, et celle de 1832, qui a été si abondante, nous laissera un superflu considérable, auquel il faut, au plus tôt, procurer des moyens d’écoulement, si nous ne voulons porter un coup fatal et paralyser totalement cette industrie.
Elle mérite d’ailleurs, sous plus d’un rapport, toute votre sollicitude et celle du gouvernement. Quand l’Etat est dans le besoin, c’est à elle qu’il a recours. Une augmentation de 40 p. c. sur la contribution foncière en a fourni tout récemment la preuve. Ne nous souviendrions-nous d’elle que pour la pressurer, et quand il s’agit de venir à son secours par des mesures protectrices, pourrions-nous l’oublier ? Non, messieurs, ce serait méconnaître nos intérêts aussi bien que ceux de l’Etat, qui ne prospère que par la prospérité générale, dont l’industrie agricole est une des sources principales.
J’espère donc, messieurs, que vous prendrez ma proposition en considération, que vous la déclarerez urgente, et que vous fixerez la discussion à un terme très rapproché.
M. d’Elhoungne. - Je pense que la chambre doit savoir gré à l’honorable auteur de la proposition de sa sollicitude pour les intérêts du pays ; mais il nous semble que nous devrions ajourner la prise en considération. Si je suis bien informé, demain un projet sur la matière sera présenté au sénat.
M. A. Rodenbach. - Je veux aussi demander un ajournement, d’autant plus que la révocation de l’arrêté du régent ne résulterait pas le but de l’honorable membre. La révocation ne pourrait pas augmenter l’exportation des grains ; c’est une loi sur les céréales qu’il nous faut ; le ministère l’a promise.
Les grains étrangers entrent dans le pays ; s’ils continuent à entrer, à quoi servirait la révocation de l’arrêté ?
M. Tiecken de Terhove. - Si le ministère se propose de présenter une loi sur le commerce des grains, je consens volontiers à ce que l’on ajourne la prise en considération de ma proposition. Une loi complète satisfera bien mieux toutes les exigences.
- Des voix. - Lundi nous déciderons sur la prise en considération.
M. Osy. - Je demande qu’on ne statue pas aujourd’hui, et qu’on attende la proposition du gouvernement. Une loi générale sur le commerce des grains est extrêmement importante.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - La matière ne m’appartient pas ; elle doit être traitée à l’intérieur, et je sais qu’elle est l’objet de la sollicitude du ministre de ce département. Aujourd’hui ou demain une loi sera présentée au sénat. Je ne sais si la loi sera complète ; c’est une chose sur laquelle le ministre aura à donner des renseignements. Si l’on prenait la proposition de M. Tiecken en considération, elle croiserait la proposition du gouvernement.
M. de Muelenaere. - Je ne voulais prendre la parole que pour provoquer les explications que M. le ministre vient de donner. Les réflexions de M. A. Rodenbach sont parfaitement justes : les mesures proposées par M. Tiecken ne produiraient aucun résultat.
- La chambre renvoie la prise en considération le lundi.
L’ordre du jour est la suite de la discussion des amendements sur le projet de loi relatif aux distilleries.
M. Seron demande la parole pour présenter une nouvelle rédaction sur le paragraphe 11 de l’article 49, adopté dans la séance d’hier.
M. Jullien combat la proposition, parce que la rédaction ne change rien au fond du paragraphe, et parce qu’il ne faut pas revenir sur les décisions de la chambre.
- La chambre consultée déclare qu’il n’y a pas lieu à délibérer.
« Art. 50 (nouveau). - Les distillateurs sont responsables des contraventions commises dans leurs usines. Les propriétaires ou locataires le sont des contraventions découvertes dans les bâtiments qu’ils occupent. »
M. Jullien. - L’article 50 nouveau a été introduit dans la loi sur la proposition de M. le ministre des finances ; cet article est passé est quelque sorte inaperçu, et dans un moment où l’attention de la chambre était fatiguée. Cependant je pense que si vous adoptez cet article dans son entier, vous consacrerez une grande injustice. Je vais tâcher de le démontrer.
L’article détermine les cas de responsabilité civile. Pour savoir si cette responsabilité s’appliquera avec justice, avec discernement, il faut d’abord un peu examiner en quoi consistent, dans le droit, les principes de la responsabilité civile.
Messieurs, dans le droit commun, et d’après les dispositions portées au code civil, on est responsable du tort fait à autrui par son propre fait ; on est encore responsable du tort fait à autrui par le fait d’un autre, lorsque l’on a une surveillance directe sur cet autre : un père est responsable du tort commis par ses enfants ; un maître est responsable du tort commis par ses élèves ; un propriétaire est responsable du tort que fait l’animal qui lui appartient, lorsqu’il le laisse divaguer. Voilà les principes de la responsabilité civile ; vouloir les étendre plus loin, c’est consacrer une injustice choquante, et c’est ce que l’on veut faire.
La première partie de l’article est juste, quoiqu’elle puisse quelquefois s’appliquer rigoureusement ; car les contraventions peuvent se faire en l’absence des distillateurs, par l’ignorance ou la malice de leurs ouvriers ; mais il fallait bien que quelqu’un fût responsable. Sous ce rapport, il n’y a rien à objecter.
Messieurs, sous le second rapport, l’article n’est pas juste. Dans la seconde partie de l’article, la responsabilité s’applique à tout le monde. Dans les procès relatifs à la fraude, on a pu reconnaître que la méchanceté, la vengeance, avaient introduit dans les bâtiments des cultivateurs des objets fraudés. L’honorable M. Helias d’Huddeghem a signalé des faits faux dans un procès-verbal ; et j’ai été à même de voir, dans quelques procès, que les employés eux-mêmes avaient jeté des objets fraudés dans les bâtiments.
Par cela seul que vous êtes propriétaire ou locataire, vous ne pouvez être responsable. D’après la série de pénalités établies par l’article 49, vous avez désigné les cas de fraude : pourrez-vous imposer une amende à celui dans les bâtiments duquel on aura introduit un baril de genièvre enlevé d’un entrepôt public ou particulier ? Irez-vous accuser un individu tout à fait innocent du fait de fraude ? On est responsable de son propre fait, de ceux de ses enfants, des hommes qu’on a sous sa garde ; au-delà il n’y a qu’arbitraire, injustice.
Au reste, si les principes de responsabilité doivent être posés quelque part, c’est dans la loi générale : là, sans doute, on n’aura pas ménagé la responsabilité. Si les cas de responsabilité prévus par la loi générale sont moins durs que ceux que l’on propose, il faut les y laisser ; s’ils ne sont pas dans la loi générale, c’est parce qu’on n’a pas pu les y introduire. Il faut donc supprimer la seconde partie de l’article. Je demande la division.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Il est cependant évident qu’il faut une disposition pour le cas où, dans une maison qui avoisine une usine en activité, ou pourrait trouver des matières en fermentation, des cuves ou autre chose qui servît à faire fraude. Dans l’usine même, qui pourra-t-on rendre responsable dans ce cas, si ce n’est le propriétaire ou le locataire de la maison ? Voilà une question que je pose à l’honorable M. Jullien.
Il faut, selon nous, que l’administration puisse constituer responsable de ces fraudes le propriétaire ou le locataire.
M. Jullien. - Dans le cas présenté par le ministre, je conçois que le voisin puisse être responsable ; mais ce ne peut être qu’autant qu’il aurait participé à la fraude. Il y a moyen de concilier ce que le trésor demande avec le principe de l’équité ; ce serait de dire : « les propriétaires ou locataires ne seront responsables des contraventions découvertes dans les bâtiments qu’ils occupent, qu’autant qu’ils auront favorisé la fraude. »
Si un malveillant a introduit dans ma maison des objets de fraude, il faut prouver que j’ai favorisé cet acte pour me rendre passible des peines portées par la loi.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Il est constant qu’il faut absolument une disposition qui atteigne les propriétaires ou les locataires des maisons où l’on saisira des objets en contravention à la loi. Rien d’arbitraire ne pourra résulter de cette disposition : d’après un arrêté que vous avez inséré dans cette loi, ce sont les tribunaux qui interviennent dans toutes les contraventions, et aucun arbitraire n’est à redouter des corps judiciaires. L’article doit être maintenu tel qu’il est.
M. d’Elhoungne. - L’article est inutile. Pour le proposer, M. le ministre s’est surtout appuyé sur la circonstance du bris des scellés qui pourrait avoir lieu, non seulement par les enfants ou les domestiques du distillateur, mais encore par des étrangers ; et comme le fait était commis dans l’usine, le distillateur était responsable.
Ce cas et d’autres sont prévus dans les articles 177 et 228 de la loi générale. La loi générale permet à celui dans les bâtiments duquel ont été trouvés des objets en contravention de se disculper. Dans l’article du ministre des finances, on ne parle de cette exception, introduite par des motifs d’équité, et l’on étend singulièrement les dispositions de la loi générale où il n’a pas été dérogé. Que l’on maintienne les articles de la loi générale dans leur intégrité je le conçois ; mais j’espère que ce que nous avons de plus sage à faire c’est de supprimer l’article 50.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Tout ce qu’a dit l’honorable préopinant se rattache aux douanes, et ici nous traitons d’accises. Cela est si vrai que, dans la précédente loi relative aux eaux-de-vie indigènes, une disposition pareille à celle que je propose s’y trouve. L’article 50 est extrait de la loi spéciale sur les distilleries ; d’après ces considérations je pense qu’il y a lieu à maintenir l’article ; je le pense d’autant plus qu’il faut donner de la force de répression à une loi généreuse, favorable aux distillateurs.
M. d’Elhoungne. - Je croyais avoir convaincu M. le ministre ; mais puisqu’il insiste, je dois répondre.
Tout doit se faire par l’ordre du propriétaire ou à son insu. On trouve, chez un particulier, un appareil de distillation ; on trouve, chez un autre, des cuves à macération ; ce sont ceux qui occupent les maisons qui sont responsable : on n’a pas besoin de dispositions spéciales pour poursuivre les délinquants. L’article du ministre est inutile.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je regrette que l’honorable préopinant n’ait fait aucune objection contre l’amendement quand je le soumis à la section centrale. Nous avons la preuve qu’il y a des cuves dans les maisons voisines des usines : que ferez-vous de ce genre de contravention si vous ne le prévoyez pas dans la loi, puisqu’elle ne l’est pas dans la loi générale ? La loi générale ne parle que d’un rayon de douanes ; hors de ce rayon, elle n’est plus applicable ; que ferez-vous donc à l’intérieur ? M. Jullien a reconnu que le premier paragraphe pouvait être conservé : il n y a pas danger à conserver le second.
M. Jullien. - Il ne s’agit pas seulement des contraventions qui pourraient se commettre dans le voisinage des usines ; il s’agit encore de toute espèce d’appareils anciennement ou nouvellement préparés pour les distilleries et qui se trouveraient déposés quelque part.
Dans la loi générale on admet une restriction ; il y aurait en effet iniquité à condamner un propriétaire ou un locataire étranger au fait de fraude. On ne peut créer une responsabilité, quand même les objets auraient été introduits par un malveillant, par la malice d’un domestique ou d’un employé ; est-ce que ce principe peut être admis ?
Le ministre dit qu’il a trouvé la disposition qu’il défend dans la loi spéciale sur les distilleries : si nous devons conserver tout ce qui est dans cette loi, cela ne valait pas la peine de changer la législation. Nous changeons, parce que la loi spéciale était révoltante. Pour nous engager à porter la loi en discussion, on nous répète sans cesse : Il faut sortir de l’ancien système ; il est détestable ; il n’y a qu’un cri contre ce système : eh bien, maintenant, quand nous voulons sortir de ce régime odieux, on nous y fait violemment rentrer, et par des dispositions plus dures que celles qui sont dans l’ancienne loi.
Les cas de responsabilité sont dans le droit commun. Je vote contre l’article.
M. de Muelenaere. - Dans la discussion générale sur le projet de loi qui nous occupe en ce moment, nous paraissions d’accord qu’en faisant une loi libérale, nous avions acquis de proscrire impitoyablement la fraude et de la rendre en quelque sorte impraticable. Dans la discussion des articles, on me semble avoir oublié cette idée, et l’on a fait successivement des amendements qui tendent à affaiblir l’action de l’administration.
M. Jullien convient que les distillateurs doivent être responsables des contraventions commises dans leurs usines soit par eux-mêmes, soit par leurs employés ou domestiques ; mais il ne veut pas rendre les propriétaires et les locataires passibles des contraventions découvertes dans les bâtiments qu’ils occupent. Cependant, messieurs, il est une foule de contraventions que vous ne pourrez pas atteindre, que vous ne pourrez pas punir, si vous ne rendez pas les propriétaires ou les locataires responsables.
Des individus qui n’offrent aucune garantie peuvent commettre des contraventions dans des maisons appartenant à d’autres personnes, et si les propriétaires de ces maisons ne sont pas responsables, on ne retirera rien. Il existera ainsi une foule de cas dans lesquels la fraude se fera impunément. M. Jullien propose d’ajouter à la fin de l’article : « qu’autant qu’ils auront aidé ou favorisé la fraude. » Mais il suffira que les propriétaires la tolèrent dans leurs maisons pour qu’elle puisse se faire impunément.
Toutefois, je conviens qu’il y aurait quelque chose de dur à les rendre responsables quand la fraude aurait été commise à leur insu. C’est là l’exception que vous devez établir et qui se trouve aussi dans la loi générale. C’est en tant que les propriétaires ou les locataires ont ignoré la fraude, qu’ils ne doivent pas être responsables. Pour concilier les besoins du trésor et ce qu’exige la protection qu’on doit naturellement à un propriétaire et à un locataire qui n’auront pas de connivence avec les fraudeurs, je propose d’ajouter à la fin de l’article : « à moins que ces contraventions n’aient été commises à leur insu. »
M. Fallon. - Je ne crois pas que ce sous-amendement puisse parer à la fraude qu’on veut atteindre ; car il arrivera que le propriétaire s’absentera pendant la fraude, pour être déchargé de la responsabilité.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Cela prouve la nécessité de maintenir l’article tel qu’il est.
M. Milcamps. - Il me semble qu’on pourrait se servir des termes mêmes du code civil et dire :
« A moins qu’ils ne prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu à la responsabilité. »
De cette manière vous rejetteriez l’obligation de la preuve sur les propriétaires ou locataires.
M. d’Elhoungne. - Il me semble, messieurs, que tous ces amendements, au lieu d’atteindre la fraude, tendraient à la favoriser. Cependant l’article me paraît toujours inutile, parce que du moment où l’on trouve la fraude dans les bâtiments d’un propriétaire ou d’un locataire, ils sont responsables comme auteurs de la contravention d’après le droit commun. L’article, au lieu de raffermir cette disposition, ne ferait que l’affaiblir. Vous voyez donc que cet article est inutile.
M. Jullien. - Je ferai observer que le principe de la responsabilité pour les distillateurs rentre dans le droit commun. En effet, pourquoi sont-ils responsables des fraudes commises dans leurs usines ? Parce que ces fraudes ne peuvent venir que d’eux-mêmes ou de leurs ouvriers, et, d’après le droit commun, on est responsable des faits dont on est auteur par soi-même ou par des personnes sur lesquelles on a une surveillance directe ; cela se trouve prévu dans le code civil, et je ne vois pas la nécessité d’une nouvelle disposition.
Quant à la deuxième disposition de l’article, relative aux propriétaires et locataires, je prierai la chambre de faire attention qu’on peut apporter des objets de fraude dans des bâtiments, sans que ceux qui les occupent y soient pour rien. On en a vu des exemples. J’ai eu connaissance de procès où il a été prouvé que des employés avaient introduit des objets de fraude dans des maisons, pour avoir occasion de faire des procès-verbaux.
Je retirerai donc mon amendement, parce que je ne vois pas la nécessité de laisser subsister l’article.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) et M. de Muelenaere déclarent se rallier à l’amendement de M. Milcamps.
M. Jullien. - D’après sa proposition, M. Milcamps veut que les propriétaires et les locataires fassent une preuve négative ; mais cela est impossible. Comment en effet voulez-vous qu’ils prouvent qu’ils n’ont pu empêcher un individu de déposer des objets de fraude dans leurs maisons ? Le mieux serait de nous en tenir au droit commun.
M. de Brouckere. - L’honorable M. Jullien sait aussi bien que personne que les preuves négatives sont admises en droit, et cela est si vrai que l’amendement est tiré du code civil même, article 1384. Du reste, tout en faisant cette observation, je repousse, comme M. Jullien, cet amendement, mais par des motifs tout contraires ; c’est parce que je suis d’avis de conserver l’article tel qu’il est rédigé. De cette manière on évitera beaucoup d’inconvénients.
M. Milcamps. - Il me semble que l’article ne peut rester tel qu’il est, parce que le fait seul constituerait la contravention, et jamais les tribunaux ne pourraient admettre une preuve quelconque tendant à établir que les propriétaires ou les locataires y sont étrangers. (Aux voix ! aux voix !)
- L’amendement de M. Milcamps est adopté en ces termes :
« A moins qu’ils ne prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu à la responsabilité. »
L’article 50 est adopté avec cette addition.
« Art. 51. L’administration ne pourra transiger sur les peines encourues pour contraventions à la présente loi. »
- Adopté.
« Art. 52. La présente loi sera obligatoire au 1er juillet prochain.
M. de Theux propose un amendement tendant à fixer l’époque de l’obligation de la loi au 15 avril prochain.
- Plusieurs voix. - C’est un amendement qui a déjà été rejeté.
M. le président. - Je ferai remarquer que dans la séance de samedi, lorsqu’on a voté sur les amendements relatifs à l’introduction de la loi, j’ai d’abord mis aux voix ceux qui fixaient les époques les plus éloignées. Un de ces amendements qui fixait l’époque au 1er juillet ayant été admis, on n’a pas eu à s’occuper de celui portant l’époque du 15 avril, de sorte qu’il n’a pas été rejeté, car il n’a pas été mis aux voix.
M. Dumortier. - Je demande la parole pour une motion d’ordre. Messieurs, dans une précédente séance, vous avez adopté un amendement de M. Zoude qui accorde une remise aux distillateurs et aux négociants qui auraient des eaux-de-vie en magasin, et qui les mettraient en entrepôt avant l’introduction de la loi. Comme cet amendement pourrait être rejeté, et que de son adoption ou de son rejet doit dépendre la fixation de l’époque où la loi sera obligatoire, je demande qu’il soit le premier mis en discussion, et qu’on n’examine l’article 52 qu’après.
M. de Theux. - Les observations de M. Dumortier ont certainement de la gravité ; car de la résolution que vous prendrez sur l’amendement de M. Zoude peut dépendre celle que vous adopterez pour la mise à exécution de la loi. Mais on peut dire par raison inverse qu’il faut discuter l’article relatif à cette mise à exécution, d’abord, parce que de là peut dépendre le sort de la proposition de M. Zoude. Du, reste, je ne m’oppose point à ce qu’on suive l’ordre indiqué par l’honorable préopinant.
M. Mary. - Messieurs, c’est par un sentiment de stricte justice que vous avez fixé l’introduction de la loi au 1er juillet ; vous avez voulu, en laissant ce délai de quatre mois aux distillateurs et aux négociants, leur donner le temps d’écouler les marchandises qu’ils auraient en magasin. Mais il est évident que si vous leur accordez la facilite de mettre en entrepôt ces marchandises et de les remettre ensuite en circulation, moyennant un droit de 6 fr. par hectolitre, vous serez dégagés de toute obligation vis-à-vis d’eux et que vous pourriez maintenant adopter une époque beaucoup plus rapprochée pour l’introduction, si même elle ne peut avoir lieu immédiatement. J’approuve donc la motion de M. Dumortier.
M. d’Elhoungne. - Il me semble que les deux dispositions ne peuvent être séparées, et qu’il faut discuter ensemble la question de savoir si la facilité de l’entrepôt sera accordée, et la partie du projet qui fixe l’introduction de la loi, sauf à décider ensuite à quel droit les marchandises entreposées seront assujetties. Toujours est-il que la commission, pour améliorer le projet de loi, quant à la rédaction, avait en vue de faire du dernier paragraphe de l’article 53 un article à part, et qui devait venir après celui relatif à la mise à exécution de la loi.
M. Brabant. - Je proposerai de réunir le dernier paragraphe de l’article 53 à l’article 52, et d’en faire le deuxième paragraphe de ce dernier article qui serait ainsi conçu :
« La présente loi sera obligatoire à date du 1er juillet prochain.
« Néanmoins les eaux-de-vie qui seront déposées en entrepôt, etc. » (Appuyé.)
M. d’Elhoungne. - Je ferai remarquer que cette proposition de M. Brabant ne lève pas la véritable difficulté. Je crois qu’on a toujours l’intention de voter sur le paragraphe de M. Zoude, avant l’article relatif à l’introduction.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je partage l’opinion de M. Dumortier, et j’ai déjà parlé dans ce sens à la commission ce matin, car je suis aussi d’avis que si le paragraphe de M. Zoude était accueilli par la chambre, il y aurait lieu de rapprocher l’époque de la mise à exécution de la loi, comme il y aurait lieu à laisser celle du 1er juillet, si ce paragraphe était rejeté.
C’est de là que dépendra mon vote affirmatif ou improbatif sur l’ensemble de la loi, comme député. Si l’amendement de M. Zoude passe et qu’on ne veuille pas rapprocher l’introduction de la loi, je voterai contre. Je demande donc que la discussion s’établisse d’abord, tout au moins sur le principe de cet amendement. (Oui ! oui ! Appuyé !)
L’amendement de M. Zoude, qui forme le dernier paragraphe de l’article 53 obtient la priorité. Il est ainsi conçu :
« Les eaux-de-vie qui seront déposées en entrepôt par les distillateurs et les marchands avant l’introduction de la présente lui, pourront être livrées à la consommation au paiement du droit de 6 fr. par hectolitre pour les eaux-de-vie marquant 50 degrés de l’alcoholomètre de Gay-Lussac. »
M. Zoude propose une nouvelle rédaction de son amendement ; elle est conçue en ces termes :
« Les eaux-de-vie qui seront déposées en entrepôt avant l’introduction de la présente loi, pourront être livrées à la consommation après le 1er juillet, en payant le droit à raison de 9 fr. par hectolitre pour les eaux-de-vie marquant 50 degrés à l’alcoholomètre de Gay-Lussac. »
Le premier changement que je propose est la suite de l’observation qui m’a été faite par l’honorable M. Mary, que, d’après ma première rédaction, les eaux-de-vie pourraient être entreposées dès aujourd’hui et livrées de suite à la consommation. Voilà pourquoi j’ai cru devoir ajouter dans mon amendement que les eaux-de-vie entreposées ne pourraient être mises en consommation qu’après le 1er juillet.
Quant à l’augmentation du droit jusqu’à concurrence de 9 francs, je dirai à la chambre que j’ai eu des entretiens avec des distillateurs de Bruxelles et des environs, qui m’ont donné la conviction que le droit s’élèverait au moins à 9 francs, et c’est avec leur assentiment que je propose cette majoration.
- La rédaction de M. Zoude est appuyée.
M. Berger propose un amendement tendant à porter le droit à 7 francs, et il le développe en ces termes. - Messieurs, cette disposition a été adoptée à la fin de la séance de samedi passé, un peu à la hâte et sans discussion, Il ne sera donc pas mauvais de nous rendre compte de ce que nous avons fait et voulu faire.
La faculté d’entreposer étant générale, certes en droit la disposition s’applique à tous les distillateurs ; mais, dans le fait, tous les distillateurs seront-ils en mesure d’en profiter ? Non, messieurs : cette disposition deviendra illusoire dans la pratique, d’abord à tous les petits distillateurs par les raisons que leurs distilleries sont en général trop éloignées des entrepôts publics, et que l’entrepôt des petites quantités d’eau-de-vie entraînera pour le cultivateur bien trop d’embarras et de formalités. Il y a d’ailleurs des provinces entières où il n’existe pas un seul entrepôt. Cette disposition ne sera donc réellement profitable qu’à celles des grandes usines qui sont assez à proximité des entrepôts publics pour pouvoir en profiter avec facilité.
C’est donc, en fait, une espèce de privilège que cette disposition crée en faveur d’une certaine classe de distilleries. Cependant, messieurs, ce n’est pas là une raison pour moi de refuser mon assentiment à la disposition. Je préfère voir continuer leur travail à une partie de nos distilleries que de les voir chômer toutes. Or je suis convaincu que, sans une disposition analogue à celle en discussion, le travail s’arrêterait tout court.
Mais, messieurs, ce qui doit particulièrement attirer notre attention, c’est le taux de 6 fr. fixé par cette disposition pour paiement du droit à la sortie de l’entrepôt. Si je ne me trompe, une disposition transitoire, de cette nature, doit établir un taux moyen entre le taux élevé de la loi actuelle et le bas taux de la loi nouvelle. Or, ne pouvant connaître d’une manière précise le taux de la loi nouvelle, nous devons nécessairement nous trouver embarrassés pour établir le taux moyen. Dans cette position, nous devons nous déclarer pour le parti qui présente le moins d’inconvénients. Or ce parti, c’est de nous arrêter plutôt à une somme un peu élevée que de descendre trop bas.
En effet, supposons la somme de 6 fr. égale au droit de la loi nouvelle ; vous allez décréter de cette manière l’exécution pure et simple de la loi en faveur d’une certaine classe de distillateurs, tandis que pour le grand nombre elle ne sera exécutoire qu’au 1er juillet prochain. S’il arrivait que la somme de 6 fr. fût au-dessous du taux de la loi nouvelle, ce ne serait pas seulement un privilège pour quelques distillateurs, mais leur position serait plus favorable que celle de tous les distillateurs, après la mise à exécution de la loi nouvelle. Si au contraire vous adoptez un droit plus élevé, vous ne courrez pas ces chances ; les usines en mesure de profiter de la disposition de la loi ne travailleront pas moins, car ce ne sera pas 1 ou 2 centimes par litre qui arrêtera leur travail ; et le trésor y gagnera en proportion.
Je vous proposerais donc de porter au moins à 7 fr. le droit à payer à la sortie de l’entrepôt ; car, messieurs, quoi qu’on fasse et quoi qu’on dise, la grande partie de nos distillateurs ne seront pas quittes à moins d’un travail de deux jours pour la fermentation et la distillation des matières, et de cette manière le droit à payer leur reviendra au moins s à 6 fr. pour 100 litres d’alcool.
M. le président. - L’amendement de M. Berger est-il appuyé ?
M. Berger. - Je le retire, et je me rallie à celui de M. Zoude.
M. A. Rodenbach. - J’appuie la nouvelle rédaction proposée par notre honorable collègue M. Zoude, parce que le droit, étant élevé à 9 fr. par hectolitre, rapportera beaucoup au trésor ; mais alors il faut, dans l’intérêt des distillateurs, rapprocher l’époque de l’exécution de la loi.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je crois, messieurs, qu’il y a une première question à attaquer d’abord. Il est un point fort essentiel, sur lequel il convient d’être fixé ; c’est le point de savoir ce qu’on entend par entrepôt ; car, dans le moment où nous sommes, nous n’avons que deux entrepôts, celui d’Anvers et celui d’Ostende. Or, si l’on entend que les eaux-de-vie ne seront déposées que dans ces deux entrepôts, on conçoit combien la disposition serait désavantageuse pour ceux qui seraient à une grande distance d’Anvers ou d’Ostende. Il faut donc, avant tout, pour connaître la portée de l’amendement, savoir ce que l’on entend par le mot entrepôt. Quant à moi, je répète que, sous l’empire de la législation existante, je ne connais que ceux des deux villes que je viens de citer.
M. de Theux. - C’est avec plaisir que j’ai vu M. Zoude proposer d’élever le droit à 9 fr. Cela est conforme aux calculs présentés par les distillateurs eux-mêmes. C’est une disposition d’autant plus nécessaire, que si on laissait ce droit à 6 fr., il en résulterait des bénéfices considérables pour ceux qui auraient aujourd’hui de grandes quantités d’eaux-de-vie.
Je vois également avec plaisir qu’il se manifeste, dans la chambre, une opinion favorable à une prompte mise à exécution de la loi.
M. Osy. - Je ne m’oppose pas à ce que l’on porte le droit à 9 fr. pour les eaux-de-vie déposées à l’entrepôt avant l’introduction de la loi, et qu’on voudrait livrer ensuite à la circulation ; mais il faut également revenir sur l’article 29, et hausser le droit d’exportation ; car, sans cela, je crains qu’on ne puisse exporter les genièvres.
M. Jullien. - Messieurs, avant de vous occuper de la fixation du droit à payer par les marchandises qui seront entreposées, il me semble logique, comme nous l’a dit M. le ministre des finances, de discuter d’abord le point de savoir si l’on pourra mettre ces marchandises en entrepôt ; car, si cela ne se pouvait point, la fixation du droit serait inutile. Nous arriverons ensuite à l’examen de la question relative à l’époque de l’introduction de la loi, car cette question dépendra uniquement de la résolution prise sur la possibilité ou l’impossibilité des entrepôts.
Quant aux eaux-de-vie prises en charge, et qui continueront à être fabriquées, il me semble que, dans la dernière séance, tout le monde était d’accord. Un membre avait proposé de restituer les anciens droits : on a démontré que cela était impossible, et j’ai été l’un de ceux qui ont porté la parole pour engager la chambre à ne pas le faire ; j’ai dit que ce serait un véritable cadeau qu’on accorderait à un grand nombre de personnes, puisqu’on leur restituerait un droit qu’elles n’auraient pas payé, vu la fraude qui se faisait sur plusieurs points du territoire ; j’ai dit encore qu’on ne pouvait pas soutenir que ce serait enlever un droit acquis à ceux qui se seraient acquittés vis-à-vis de l’administration. On a reconnu que ce serait agir avec justice, que d’adopter la mesure pour les eaux-de-vie actuellement prises en charge, et dont les droits n’ont pas été acquittés, et on a décidé qu’il serait permis aux détenteurs de ces marchandises de les entreposer et de les mettre en circulation s’ils le voulaient, moyennant un droit de 6 fr. par hectolitre.
Maintenant, dit M. le ministre des finances, comment voulez-vous exécuter cette décision ? Il n’y a d’entrepôts qu’à Ostende et à Anvers, et, si vous la maintenez, il faudra donc porter les eaux-de-vie qu’on voudra entreposer d’un bout du pays à l’autre. Je crois, en effet, messieurs, que cela offrirait de très grandes difficultés. Mais avons-nous donc tant besoin de nous en tenir aux entrepôts ?
Il me semble qu’on peut laisser sous crédit permanent les eaux-de-vie actuellement prises en chargé et celles qui seront fabriquées jusqu’à la promulgation de la loi. Si M. le ministre des finances ne peut pas nous signaler d’inconvénient dans cette mesure, je l’adopterai, car elle équivaut à l’entrepôt et n’en offre pas les difficultés. De cette manière, on continuera à prendre en charge tous les produits nouveaux jusqu’à la publication de la loi. Les eaux-de-vie qui, dans l’intervalle, seront livrées à la consommation paieront le droit actuellement fixé ; mais, si les termes de crédit atteignent la loi nouvelle, les détenteurs ne seront astreints qu’au droit de cette loi nouvelle.
Quand vous aurez adopté l’un ou l’autre de ces moyens, messieurs, je crois que la fixation de l’époque où la loi sera mise à exécution ne souffrira plus de difficulté et qu’il faudra rapprocher cette époque.
Faites attention que toutes les fois qu’il s’agit de transition d’un système de finances à un autre, il y a toujours crise. Or, il faut rendre cette crise la moins longue possible ; car, plus elle sera courte et moins le commerce pâtira. Depuis qu’on parle de votre loi, le commerce des eaux-de-vie a été entièrement paralysé, et si quelques industriels continuent à distiller, ce sont ceux qui sont dans la nécessité de le faire pour nourrir leurs bestiaux. Si l’on adopte le système des crédits permanents que je propose, j’insisterai pour fixer l’introduction de la loi au 15 avril. Mais, je le déclare, si la chambre rejetait l’entrepôt possible et les crédits permanents, je demanderais qu’on reculât cette introduction jusqu’au 1er octobre, pour ne pas ruiner les détenteurs de grandes quantités d’eaux-de-vie.
M. Milcamps. - Messieurs, après les observations judicieuses du dernier orateur entendu, il me reste peu de choses à dire ; je ferai cependant l’observation que l’amendement de M. Zoude porterait un préjudice réel aux distillateurs qui ont dans leurs magasins des eaux-de-vie qui ont acquitté les droits sur le pied des lois actuelles ; car pour eux l’entrepôt est sans objet. Ce n’est qu’en fixant à une époque reculée, au 1er juillet, ainsi que l’a proposé la commission, qu’on se montrera favorable à ces distillateurs. Ils auront par là quelque temps pour l’écoulement de leurs marchandises.
Ici je dois relever une contradiction. D’un côté on dit qu’on ne peut accorder des restitutions de droit pour les eaux-de-vie actuellement en magasin, attendu que l’on s’exposerait à faire des restitutions pour des eaux-de-vie fabriquées en fraude ; et de l’autre, on dit qu’il n’y a plus de ces liquides dans les magasins. Mais, à cet égard, je puis attester que dans mon district, il existe encore de fortes quantités d’eaux-de-vie, et chez des distillateurs agricoles, qu’on n’a jamais soupçonnés de se livrer à la fraude. Ainsi, messieurs, tout concourt à maintenir la date du 1er juillet pour la mise à exécution de la loi. Rapprocher cette époque, c’est, je le répète, porter un préjudice notable aux distillateurs qui ont acquitté les droits des eaux-de-vie qu’ils ont en magasin.
M. Dumortier. - Messieurs, je ne partage pas l’opinion de M. Jullien, et je pense que le système qu’il nous présente est en opposition directe avec les principes qu’il a émis. Il a dit que la proposition que j’ai faite dans une séance précédente, tendait à accorder un cadeau aux distillateurs qui n’auraient pas payé le droit. Mais c’est lui maintenant qui propose de faire aux détenteurs d’eaux-de-vie le plus beau cadeau.
En effet, d’après la loi actuellement en vigueur, le droit est de 34 francs par hectolitre, J’ai proposé de faire une remise de 10 fr. sur les genièvres effectifs, pourvu que la quantité n’en dépassât pas celle prise en charge depuis le 1er janvier, de sorte qu’il restait encore 24 francs au trésor.
M. Jullien, de son côté, propose de réduire à 9 francs l’hectolitre sur le total des eaux-de-vie prises en charge. Vous voyez donc qu’il est beaucoup plus libéral que moi.
Quant à l’amendement de M. Zoude, il ne me satisfait pas entièrement, surtout d’après ce que nous a dit M. le ministre des finances, relativement aux entrepôts ; mais il y a un terme moyen qu’on pourrait adopter sans inconvénient, ce serait d’insérer dans cet amendement que les détenteurs des eaux-de-vie prises en charge pourront les déposer dans les entrepôts du royaume. Il n’y a pas de province où il n’y ait des entrepôts, et cela donnerait une grande facilité à l’exécution de la loi.
M. Osy. - D’après le taux fixé en dernier lieu par M. Zoude, il a proposé de hausser le droit d’exportation. Je ne pense pas qu’il faille adopter cette proposition, car je suis convaincu que l’impôt ne rapportera pas un produit égal au chiffre indiqué par M. Zoude, et si vous éleviez le taux du droit d’exportation, ce serait une véritable prime d’exportation que vous accorderiez.
Pour ce qui regarde la mise à exécution de la loi, si vous accordez une décharge aux détenteurs d’eaux-de-vie, vous ne pouvez pas admettre une époque trop rapprochée, et je proposerai de la fixer au 1er avril. Je me bornerai pour le moment à demander que les mots : « en entrepôt, » qui se trouvent dans l’amendement de M. Zoude, soient remplacés par ceux-ci : « dans les entrepôts du royaume. »
M. A. Rodenbach. - Si l’on admet l’amendement, il faut exécuter promptement la loi. Si l’on ajourne l’exécution de la loi, le gouvernement perdra une partie de ses revenus. Il faut décréter la loi exécutoire de suite, ou la proposition est inadmissible ; on ne pourrait pas même attendre au 15 avril.
L’honorable député d’Anvers fait une objection contre le chiffre de 4 fr. relatif à l’exportation des eaux-de-vie ; il la fonde sur ce que l’on a assuré que le droit serait de 9 fr. ; je lui ferai observer que ceux qui feront vite des marchandises médiocres, pourront ne payer que 4 fr. de droits, tandis que ceux qui feront de bonnes marchandises seront obligés d’aller plus lentement, et paieront 9 fr.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je veux appeler votre attention sur une difficulté qu’il faut lever avant tout. L’honorable M. Dumortier prétend qu’on peut mettre promptement à exécution la loi si les eaux-de-vie sont mises dans les entrepôts. Je ferai observer à la chambre que vous consignerez, si vous voulez, cette disposition dans votre loi, mais qu’elle ne pourra agir avant l’époque de la mise à exécution. Cette difficulté n’est pas résolue, et il faut la résoudre d’abord.
Si vous mettez dans votre loi des dispositions qui doivent agir avant l’exécution de la loi elle-même, comment les mettrez-vous en action ? On ne peut pas scinder une loi dans son exécution. C’est la première fois que semblable difficulté se présente ; résolvez-la. Je la signale à la chambre ; elle mérite d’être examinée avec gravité par l’assemblée.
M. Jullien. - L’observation que fait M. le ministre des finances est très sérieuse, et elle ne pourrait être levée que par une loi transitoire ; or, nous sommes familiers avec les lois transitoires ; nous pouvons donc porter remède au mal.
Je reviens cependant sur la proposition de prendre les marchandises en crédit permanent. Je n’ai proposé les crédits permanents qu’à défaut des entrepôts. Si nous avions des entrepôts suffisants, je préférerais le moyen qu’ils offrent ; mais, si ce moyen n’est pas praticable, je demande pourquoi on n’admettrait pas le crédit permanent ? Les eaux-de-vie prises en charge ne sont prises que sous le crédit permanent ; ainsi ce n’est pas une nouvelle disposition que l’on introduira. Si ce système peut être adopté, il faut s’y attacher, puisqu’il n’est que la continuation de ce qui se pratique déjà.
Quant au droit, il peut être de 8 francs. Ceux qui peuvent hâter la macération distilleront en moins de temps et paieront moins ; mais ils auront moins de produits et en moins bonne qualité. Il faut 36 heures pour tirer l’alcool des matières en fermentation, et alors le droit s’élève à 8 ou 9 fr.
Relativement à la restitution du droit d’exportation fixé à 4 fr., à cause de l’incertitude qui existe dans le produit de l’impôt, cette restitution ne fera pas tort d’ailleurs à l’exportation, puisque vous pourrez fabriquer à plus bas prix que l’étranger, et soutenir la concurrence.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Les lois qui régissent actuellement les distilleries sont un décret du congrès en date du 4 mars 1831 et une loi de juillet 1832. L’honorable préopinant croit que le crédit permanent existe encore ; il est dans l’erreur. Le crédit qui existait sous la précédente législation était facultatif ; on pouvait mettre en crédit permanent ou en crédit à terme les comptes que l’on avait à régler avec l’administration. Depuis le décret du congrès, il n’a plus subsisté que le crédit à terme.
Quant à ce qu’a dit le préopinant de remettre le crédit permanent en vigueur pour passer d’une loi à l’autre, je crois qu’il entraînerait trop d’inconvénients en ce qu’il faudrait aller partout à la recherche des genièvres qui sont encore en crédit à terme pour les remettre en crédit permanent, afin de les soumettre aux droits quand ils seraient vendus pour la consommation. La loi de juillet portait que par dérogation à la loi du régent, et en attendant qu’une nouvelle loi ait été rendue, les eaux-de-vie indigènes prises en crédit à termes non échus seraient admises dans les entrepôts d’exportation à Anvers et à Ostende, à la décharge.
M. Marcellis. - Il y a une objection à faire aux raisonnements présentés par MM. Rodenbach et Dumortier. Ils l’auront sans doute perdue de vue. C’est que si l’on met immédiatement en vigueur la loi sur les distilleries, ceux qui ont acquitté les droits sont et demeurent lésés. Leur perte est assez grave pour que la chambre y réfléchisse, puisque les droits qu’ils ont acquittés s’élèvent à 23 fr., et que, même en adoptant le deuxième amendement de M. Zoude, les nouveaux droits ne s’élèveraient qu’à 9 francs ; différence, 14 francs.
Ce qu’il y a de mieux à faire, c’est de nous rallier à l’amendement de M. Zoude. Quelques personnes éclairées, entre autres M. Mary, ont craint que cet amendement ne fît une sorte de double emploi avec le délai du 1er juillet accordé par l’article 51. Mais, en y réfléchissant, on verra qu’il y a moyen de faire concorder ces amendements qui se rapportent à des temps différents. En effet, cet amendement, depuis la mise en vigueur de la loi jusqu’au 1er juillet, détenteurs et fabricants paieront l’ancien droit, Je dis fabricants, car ceux qui ont des bestiaux seront obligés de continuer leurs opérations de distillerie. Maintenant, depuis le 1er juillet, détenteurs et fabricants d’eau-de-vie paieront 9 florins.
Je vote donc pour l’amendement de M. Zoude ; mais j’ajoute que je voterai aussi pour le délai du 1er juillet quand il s’en agira. Ma raison est que je ne vois que ce moyen d’être juste à l’égard de ceux qui ont acquitté les droits, lorsqu’on croit la restitution du surplus impraticable.
M. Dumortier. - Les craintes que l’on a conçues relativement à ceux qui ont payé les droits, ne sont pas fondées : ils ne seront pas lésés ; ils ont vendu leurs genièvres. L’armée française en Belgique a augmenté la consommation des liquides. Il n’y avait plus de genièvres au 1er janvier dernier.
Quant aux objections qui ont été présentées par le ministre, elles sont plus graves. Puisqu’on craint que les distillateurs ne puissent mettre leurs marchandises en entrepôt avant l’exécution de la loi, on pourrait, pour lever la difficulté, stipuler que : « à dater de la promulgation de la présente loi, les distillateurs pourront déposer, dans les entrepôts du royaume, les eaux-de-vie chez eux prises en charge. » Je pense que le temps qui s’écoulera entre la promulgation de la loi et sa mise à exécution sera plus que suffisant pour que le dépôt puisse s’effectuer. La loi sera promulguée avant le 15 de ce mois ; ils auront au moins 15 jours pour mettre leurs eaux-de-vie en entrepôt, si l’on prend avril pour terme de la mise à exécution.
M. d’Elhoungne. - Il me semble que, dans cette discussion, on a perdu de vue le véritable objet. Samedi dernier, l’assemblée paraissait convaincue de la justice de soustraire les détenteurs des eaux-de-vie à l’inconvénient d’avoir à payer les droits pour les liquides qui ne seront livrés à la consommation que sous la loi nouvelle. La chambre ne peut changer d’opinion à cet égard. Après avoir adopté la proposition de M. Zoude qui avait pour but de consacrer cet acte de justice, on a encore fixé le terme de l’exécution de la loi et il a été maintenu au 1er juillet. Il me semble que cet amendement atteignait l’objet qu’on pouvait se proposer.
Messieurs, en donnant aujourd’hui la faculté d’entreposer les eaux-de-vie fabriquées, il n’y aura plus rien à craindre pour les petites usines ; elles pourront prolonger leurs travaux jusqu’en avril.
Il faut faire un acte de justice et un acte dans l’intérêt public, soit que l’on considère les distilleries sous leur rapport industriel, soit qu’on les considère sous le rapport agricole. En maintenant l’exécution au 1er juillet, on favorisera plusieurs détenteurs d’eaux-de-vie. Il en est qui ont payé les droits ; ils ne peuvent mettre leurs spiritueux au dépôt. Si vous ne leur accordez pas un espace de temps suffisant pour qu’ils puissent vendre, vous leur faites subir toute la perte qui résulte pour eux de la différence entre la taxe du droit ancien au nouveau.
Je pense, cependant, qu’on peut rapprocher l’époque de l’exécution de la loi ; mais je ne pense pas qu’on puisse la rapprocher autant qu’on le soutient. En fixant le premier$ pour ce terme, je crois qu’il en résultera une diminution assez grande sur le marché, et que la consommation pourra absorber les eaux-de-vie.
Mais, objecte M. le ministre des finances, il n’y a que deux entrepôts où l’on puisse déposer les eaux-de-vie. Messieurs, le gouvernement peut établir des entrepôts partout où le besoin l’exige. La législation contient cette disposition formelle que le gouvernement établira des entrepôts dans toutes les villes et tous les endroits où les besoins du commerce l’exigeront.
Par le sous-amendement de M. Dumortier la difficulté, si elle existait, viendrait encore à disparaître. L’auteur de la proposition vous a proposé une nouvelle rédaction, d’après laquelle on mettrait les eaux-de-vie dans les entrepôts. Dès lors, vous n’auriez plus à craindre que l’on opposât aux détenteurs des eaux-de-vie la loi portée sur l’amendement de M. Serruys pour l’exportation.
Le droit de 9 fr. est exagéré ; tout au plus il ira à 7 et demi ; il ne passera pas 8. C’est à 8 fr. que je proposerai de fixer le taux pour les eaux-de-vie qui seront mises en entrepôt.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Messieurs, je pose toujours comme un fait certain que si vous adoptez le régime des entrepôts pour les eaux-de-vie qui sont encore en termes de crédit, vous aurez atteint le but qu’on se propose ; mais alors, je le répète, en admettant le régime des entrepôts, il faut aussi admettre immédiatement la mise à exécution de la loi. Je crois que, dans l’intérêt de tous, c’est le meilleur parti à prendre ; il ne s’agirait plus que de déterminer ce qu’on entend par entrepôts, et de les mettre à la disposition du commerce, avant que votre loi soit exécutoire.
M. de Theux. - Je déclare me rallier à l’amendement de mon honorable collègue M. d'Elhoungne, qui propose de fixer l’introduction de la loi au 1er mai ; mais j’insiste pour que celui de M. Zoude, qui porte le droit à 9 francs, soit maintenus. A cette occasion, je dirai que, d’après des informations particulières que j’ai reçues, il existerait encore une très grande quantité d’eaux-de-vie, et notamment à Liége il y en aurait encore pour 40,000 hectolitres environ. Vous ne pouvez, sous aucun rapport, baisser le droit proposé par M. Zoude sans léser beaucoup d’intérêts. Du reste, je répéterai encore que le droit des détenteurs ne peut pas être considéré comme un droit acquis, parce qu’ils ont été avertis depuis longtemps d’un changement de système.
Par ces motifs, je me rallierai aux propositions de MM. Zoude et d’Elhoungne. (La clôture ! la clôture !)
- La clôture est mise aux voix et adoptée.
Le sous-amendement de M. Dumortier est mis aux voix et adopté en ces termes :
« A dater du jour de la promulgation de la présente loi, les distillateurs et marchands pourront déposer dans les entrepôts du royaume les eaux-de-vie chez eux prises en charge. Ces eaux-de-vie pourront être livrées à la consommation, etc. »
L’amendement de M. Zoude, ainsi modifié est aussi adopté.
On passe ensuite à l’article 52 ainsi conçu :
« La présente loi sera obligatoire avant le 1er juillet prochain. »
M. A. Rodenbach. - Je demanderai à M. le ministre des finances s’il désire que la chambre laisse à sa disposition le soin de fixer la mise à exécution de cette loi, ou, s’il veut que la chambre la fixe elle-même, quelle époque il préfère.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je désire que ce soit la chambre, et je préfère le 1er avril.
M. le président met d’abord aux voix l’époque la plus rapprochée qui est celle du 1er avril.
- L’amendement tendant à fixer l’obligation de la loi au 1er avril est adopté.
La chambre décide que l’amendement de M. Zoude, sous-amendé par M. Dumortier, et qui était le dernier paragraphe de l’article 53, formera la deuxième disposition de l’article 52.
Les paragraphes restants de l’article 53 sont ensuite mis aux voix et adoptés en ces termes :
« A partir de la même époque, la loi spéciale du 19 août 1822 (Journal officiel, n°37), l’arrêté du gouvernement provisoire du 17 octobre 1830, le décret du congrès national du 4 mars 1831, et la loi du 19 juillet 1832, et toutes les autres dispositions légales antérieures, relatives à l’accise sur la fabrication des eaux-de-vie, sont abrogés.
« La loi générale du 26 août 1822 (Journal officiel, n. 38) est maintenue dans toutes les dispositions auxquelles il n’est pas dérogé par la présente loi.
« Les droits liquidés sur les genièvres, fabriqués avant la mise à exécution de la présente loi, seront apurés au taux et sur le pied établis par les lois préexistantes. »
Enfin on procède à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi.
Nombre des votants, 76.
Ont voté pour 59.
Contre 13.
Se sont abstenus 4.
En conséquence la loi est adoptée.
Ont voté pour : MM. Berger, Brabant, Cols, Coppens, Coppieters, Dams, de Bousies, de Haerne, de Laminne, d’Elhoungne, Dellafaille, W. de Mérode, de Muelenaere, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tiecken de Terhove, Dewitte, d’Hoffschmidt, Domis, Donny, Dubois, Dubos, Duvivier, Ernst, Fortamps, Helias d’Huddeghem, Hye-Hoys, Jonet, Jullien, Lebeau, Levae, Marcellis, Mary, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Pirson, Polfvliet, Raikem, Raymaeckers, A. Rodenbach, Ch. Rodenbach, Rogier, Speelman, Thienpont, M. Vanderbelen, Vergauwen, Verhagen, Ch. Vilain XIIII, Vuylsteke, Watlet, Zoude.
Ont voté contre : MM. de Brouckere, de Robiano de Borsbeek, d’Huart, Dumortier, Fallon, Fleussu, Lardinois, Liedts, Osy, Pirmez, Seron, Ullens, Vandenhove.
M. le président invite MM. de Foere, de Meer de Moorsel, Gendebien et Félix de Mérode à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. de Foere. - Je m’abstiens de voter, parce que je ne comprends pas toute la portée de l’article 28 de la loi. Cet article, tel qu’il est rédigé, est contraire à la loi générale qui régit actuellement le pays ; et, en tant qu’il lui est contraire j’ignore quelles seront pour le commerce les conséquences vexatoires qui résulteront de l’exécution de cet article 28, vexations que je considère comme inutiles et même comme injustes. Malgré toutes les promesses que le ministre nous a faites à l’égard de l’application de cet article, je ne puis lui donner mon assentiment, sans avoir apprécié les conséquences de sa mise à exécution.
M. F. de Mérode. - J’ai été absent pendant les premiers jours de la discussion et n’ai pas été à même de m’instruire suffisamment pour voter en faveur d’une loi qui pourrait amener une diminution considérable des revenus publics ; d’autre part, je ne suis pas assez éclairé pour voter contre des améliorations généralement réclamées.
M. de Meer de Moorsel s’est abstenu de voter par le motif qu’il n’avait pas assisté à la discussion.
M. Gendebien. - Tant d’idées contradictoires se sont heurtées dans tout le cours de la discussion, sans amener un résultat positif ni satisfaisant pour moi, que cela me suffirait pour m’abstenir ; mais j’y ai été engagé par un autre motif, qui est le principal. Je n’ai pas voulu, en émettant un vote négatif, maintenir l’ancienne loi, contre laquelle tout le monde réclame. Mais, comme d’une autre part je suis convaincu que vous avez donné le coup de mort aux petites distilleries en voulant faire leur prospérité, j’ai cru que je devais m’abstenir. Je désire m’être trompé.
- La séance est levée à quatre heures et demie.