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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 6 février 1833

(Moniteur belge, n°39 du 8 février 1833)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Jacques fait l’appel nominal à une heure.

M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

Les pièces adressées à la chambre sont renvoyées à la commission des pétitions. Parmi ces pièces se trouve une pétition concernant les distilleries.

M. Gendebien. - Je prierai le bureau de faire faire promptement le rapport sur cette pétition puisqu’on va s’occuper de la loi sur les distilleries.

M. Poschet. - Si les rapports ne sont pas faits, ce n’est pas la faute de la commission des pétitions : depuis deux mois son travail est prêt.

M. Gendebien. - Je n’attaque ni la commission ni les rapporteurs de la commission des pétitions.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement d'Anvers

M. Hye-Hoys. - La commission de vérification des pouvoirs a terminé son travail sur les élections d’Anvers et de Tournay.

M. Jullien, rapporteur, de la commission de vérification des pouvoirs, monte à la tribune ; il s’exprime ainsi. - M. Gérard Legrelle, bourgmestre d’Anvers, ayant été nommé chevalier de l’ordre de Léopold, le collège électoral d’Anvers s’est trouvé dans l’obligation de procéder à son remplacement. Voici le résultat des opérations de ce collège. Il y avait six bureaux. Les opérations préalables ont été régulièrement faites.

M. Legrelle a obtenu, dans le premier bureau, 83 voix sur 98 électeurs ;

Dans le second ils obtenu 75 voix sur 90 électeurs ;

Dans le troisième, 9 sur 10 ;

Dans le quatrième, 13 sur 13 ;

Dans le cinquième, 32 sur 34 ;

Dans le sixième, 29 sur 30.

En tout il y avait 275 votants ; M. Gérard Legrelle a obtenu 241 suffrages, et comme la majorité absolue est seulement 138, c’est beaucoup plus de suffrages qu’il n’en faut, d’après la loi, pour être proclamé député. Le procès-verbal du bureau central constate qu’il ne s’est élevé qu’une seule réclamation, c’est celle de M. Carpentier, porté sur la liste permanente, et dont on n’a pas admis le vote, parce qu’il n’était pas porté sur la liste affichée, qui seule peut servir de base aux opérations. La commission ne s’est pas occupée de cette réclamation puisque, fondée ou non, elle ne déplace pas la majorité.

La commission propose l’admission de M. Gérard Legrelle.

- La proposition de la commission est adoptée.

Arrondissement de Tournay

M. Jullien. - M. le général Goblet ayant été nommé ministre des affaires étrangères, le collège de Tournay a procédé à son remplacement. Une première élection, faite en décembre, a été annulée pour violation de la loi électorale.

Le collège a procédé à une seconde élection, dont voici le résultat. Le collège était composé de cinq bureaux ; il y avait 399 électeurs. Quatre bulletins ont été déclarés nuls. Il restait 395 votants.

M. le général Goblet a obtenu 77 suffrages dans le premier bureau ; 69 dans le second ; 44 dans le troisième ; 105 dans le quatrième ; 69 dans le cinquième ; en tout ils obtenu 364 voix.

La totalité des électeurs était de 395. Ainsi le général Goblet a obtenu au-delà de la majorité voulue.

Il a été constaté dans le procès-verbal l’annulation d’un bulletin portant : Méphistophélés, homme de lettres, à Bruxelles et l’annulation de trois bulletins blancs. La commission n’a pas eu à statuer sur ces annulations, qui ne peuvent changer la majorité. En conséquence elle vous propose à l’unanimité l’admission de M. le général Goblet, ministre des affaires étrangères.

- M. le général Goblet est proclamé membre de la chambre, et il prête serment.

Ordre des travaux de la chambre

M. Jacques. - Dans la séance précédente, d’honorables membres ont demandé que l’on fît une liste des lois qui sont soumises à la discussion de la chambre. Voici cette liste :

1° Lois dont la discussion publique est à l’ordre du jour :

- Loi sur les distilleries,

- Loi sur les bons du trésor,

- Crédit supplémentaire pour le Moniteur belge.

2° Lois qui se trouvera soumises aux sections centrales :

- Organisation provinciale,

- Loi sur la naturalisation,

- Loi sur les sels,

- Budget des dépenses de 1833 autres que pour la guerre,

- Taxe des lettres,

- Budget de la guerre sur le pied de guerre pour 1833,

- Crédits supplémentaires pour la guerre pour les exercices 1830 et 1831,

- Répartition du crédit de 2,588,000 fi. alloué à la guerre le 5 juin 1832.

3° Lois qui sont soumises à des commissions.

- Loi sur les droits consulaires.

4° Lois à examiner en sections.

- Proposition de M. Dubus sur les biens des hospices et des fabriques en contestation avec le domaine,

- Pensions militaires,

- Classification des routes,

- Proposition par M. de Brouckere sur les avocats à la cour de cassation,

- Proposition portant modification du code pénal.

5° Propositions qui ne sont pas encore prises en considération.

- Proposition de M. C. Rodenbach sur la patente des avocats.

6° Lois annoncées et non présentées.

- Organisation municipale,

- Garde civique,

- Milice,

- Cour des comptes,

- Taxe des barrières,

- Comptes de 1830 et 1831,

- Contribution personnelle,

- Patentes,

- Enregistrement.

M. de Brouckere. - Il y a plusieurs propositions envoyées aux sections : il faudrait savoir quelles sont ces sections, car les sections se renouvellent tous les mois. Autant qu’il serait possible, il faudrait à l’avenir que les sections s’occupassent promptement des propositions qui leur sont renvoyées, et qu’elles terminassent leur travail avant le renouvellement.

Je regarde comme urgente la proposition que j’ai faite concernant les avocats à la cour de cassation ; je demanderai que les sections veuillent bien l’examiner ; je désirerais que M. le président fixât un jour pour procéder à ce travail.

M. Dubus. - L’année dernière, on avait fixé jour pour examiner en sections les divers projets dont la chambre était saisie ; je demande que l’ordre qui a été déterminé pour la discussion des lois soit suivi.

M. de Nef. - Je demande que la loi relative à la naturalisation soit mise promptement en discussion. Il y a plusieurs honorables personnes qui se sont compromises pour s’attacher à notre cause, et qui ne peuvent pas être plus longtemps considérées comme étrangères à la Belgique.

M. de Brouckere. - Je demande qu’on examine ma proposition avant le renouvellement des sections.

M. le comte de Robiano de Borsbeek. - Je fais une troisième proposition. Il me semble que nous avons des objets plus importants dont il faut nous occuper. Les ministres ont dit qu’ils présenteraient une loi sur la garde civique ; la loi sur l’organisation municipale le sera incessamment ; nous avons encore la loi sur les patentes et les finances ; voilà les lois sur lesquelles il faut statuer ; il serait fâcheux de s’occuper d’objets secondaires.

M. Jullien. - Le plus habile homme du monde ne peut jamais faire qu’une affaire à la fois ; il en est de nous comme de tout le monde. Une multitude de lois nous sont soumises, chacun demande la priorité pour la proposition qu’il affectionne le plus, il est impossible de satisfaire à toutes les demandes Je m’en tiens à la proposition de M. Gendebien, relative à l’ordre dans lequel les lois seront discutées.

M. Gendebien.- Il me semble que si l’on voulait exécuter la proposition simple que j’ai faite, on pourrait établir l’ordre du travail : il faut pour cela que le président de la chambre s’entende avec les présidents des sections.

M. Dumont. - Il est impossible de renvoyer les lois aux sections de 1832, il faut les renvoyer aux sections actuelles.

M. Dubus. - Si on renvoyait les lois à des sections différentes, il en résulterait de nombreux inconvénients qui retarderaient le travail.

M. Dubois. - Je voudrais que l’on fixât la priorité de discussion relativement à la loi provinciale et communale.

- Plusieurs voix. - La loi communale n’est pas présentée.

- La chambre adopte la proposition de MM. Gendebien et Jullien, d’après laquelle M. le président de la chambre s’entendra avec les présidents des sections pour savoir ce qu’a a été fait et ce qui reste à faire.

Projet de loi accordant des crédits provisoires pour l'ensemble des ministères, hors celui de la guerre

Second vote des articles

L’ordre du jour est le vote sur l’ensemble du projet de loi relatif aux nouveaux crédits provisoires. Le paragraphe 4 de l’article 3, ayant été amendé, est remis en discussion.

M. Dubus. - Je propose de rédiger ainsi le paragraphe amendé de l’article 3 :

« 4° Les traitements et soldes des officiers et des troupes de marine.

« Tous les autres traitements non fixés par la loi, pour autant qu’ils ne dépassent pas 1,000 florins ; et quant aux traitements supérieurs à cette somme, seulement à titre d’avance et jusqu’à concurrence de deux francs par florin du taux auquel ils ont été payés en exécution du budget de 1832. »

Vous voyez, messieurs, que ce n’est qu’une nouvelle rédaction de l’amendement de M. Gendebien, adopté avant-hier. Je l’ai proposée pour le cas où la chambre persisterait dans sa première décision, afin d’éviter une difficulté qui pourrait s’élever à l’occasion de l’amendement tel qu’il a été adopté ; car il paraîtrait en résulter que les traitements de 1,000 florins et au-dessous ne seraient pas payés. J’ai voulu faire cesser toute ambiguïté.

M. le président. - Je ferai observer que l’amendement a été adopté sauf rédaction.

M. Gendebien. - C’est ce que je voulais dire aussi ; mais je désire ajouter quelques mots pour que l’on ne confonde pas mon amendement avec celui que M. Dubus y qualifié être le mien. Vous vous rappellerez, messieurs, que mon amendement ne contenait pas les mots « à titre d’avance, » que je regardais comme une superfétation propre à donner de l’inquiétude aux fonctionnaires. Il était donc différent de celui de M. Dubus.

M. Jullien. - La chambre n’a peut-être pas oublié que je me suis élevé contre l’amendement qui tendait à opérer une réduction de 6 p. c. sur les traitements des fonctionnaires. J’ai soutenu que c’était porter atteinte à un droit acquis, du moins pour les mois de janvier et de février, et l’on me permettra de rester dans mon opinion. Mais la majorité en a décidé autrement.

Maintenant il s’agit de savoir si l’on établira des catégories d’employés ; car l’article amendé ne comprend que les traitements fixes des employés ; mais la plupart ne sont pas fixes ; par exemple, les employés de l’administration des contributions n’ont pas d’appointements fixes ; ils ont un tantième sur les recettes qu’ils font. Or, de la manière dont l’amendement est rédigé, j’y trouve une exception, et l’économie que vous vous proposez pèsera précisément sur le plus petit nombre. Ainsi, si vous n’avez pas voulu établir des catégories, il faut revenir sur l’amendement adopté et laisser les choses dans l’ancien état pour tout le premier trimestre de janvier, ou bien si vous voulez une économie générale, il faut exprimer d’une manière claire et précise qu’elle pèsera aussi bien sur les employés qui ont des remises proportionnelles que sur ceux à traitements fixes.

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - L’observation de M. Jullien est de la dernière exactitude. Il est évident qu’il serait beaucoup plus prudent d’en revenir à la disposition du gouvernement, qui ne doit donner lieu à aucune difficulté, et de laisser suivre le trimestre de janvier pour tous les traitements des employés. Lors de la discussion du budget on pourra fixer définitivement ces traitements, si on le veut.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - J’ai déjà fait remarquer, dans l’une des séances précédentes, que l’économie qu’on espère de l’amendement de M. Gendebien ne serait pas tellement considérable qu’elle dût empêcher d’en revenir au projet du gouvernement. On vous a cité les inconvénients qui résulteraient de cet amendement. J’ai signalé moi-même la difficulté qu’il amènerait dans la comptabilité. J’ajouterai à ces considérations une observation que je soumets à l’impartialité de la chambre.

Il est certain qu’en adoptant l’amendement qui réduit les traitements des employés, il y a doute si la chambre n’envahit pas sur les attributions des ministres, en ce sens qu’elle leur pose une limite pour le traitement de leurs employés. Remarquez, messieurs que ce traitement n’est pas fixé par la loi, et que c’est le ministre qui le donne à l’employé en raison de sa capacité, de son zèle et de la durée de ses services. Eh bien ! un ministre pourrait échapper en quelque sorte, s’il le voulait, à votre injonction. En effet, n’aurait-il pas la faculté de porter le traitement d’un employé, qui serait par exemple de 1,100 fl., de le porter, dis-je, à 1,150 fl., pour le soustraire à la réduction ? Je vous demande quelle prise aurait la chambre sur un tel acte qu’un ministre croirait nécessaire pour ne pas décourager les employés et ne pas ralentir leur zèle. Je crois que le plus sage serait de retirer l’amendement, et de payer tout le premier trimestre sur le pied de l’année dernière. Si vous voulez ensuite faire des économies, vous les établirez pour les 9 derniers mois, J’insiste pour que l’amendement soit écarté.

M. Dubus. - M. le ministre demande la suppression de l’amendement. Je ne sais pas trop, d’après la manière dont il a motivé sa proposition, ce qu’il entend par l’amendement. Si c’est l’amendement qui a été introduit à la proposition de la section centrale qu’on veut retrancher pour en revenir à cette proposition, j’appuierai ce retranchement ; mais il me semble que M. le ministre de l’intérieur veut plus.

Un autre ministre, M. Duvivier, demande qu’on revienne au projet du gouvernement ; mais, messieurs, revenir au projet du gouvernement, ce serait renverser toute l’économie, non seulement du n°4, mais le projet en entier de la section centrale. Messieurs, cette année comme l’année dernière, on n’a pas cru devoir adopter la demande qui était faite par le gouvernement de telle somme pour tel service, en laissant à chaque ministre la liberté d’en disposer selon son gré, et je crois qu’on ne doit pas renouveler encore cette proposition. Le projet du gouvernement ne peut plus être mis en question, maintenant qu’on a adopté celui de la section centrale. Il ne s’agit que de savoir si l’on veut ou non maintenir l’amendement adopté avant-hier et l’article de la section centrale, au projet de laquelle le ministre des finances a adhéré lui-même.

Je vais maintenant répondre à quelques-unes des observations qui viennent de nous être soumises. D’abord, je ne considère pas comme une objection nouvelle ce qu’on vous a répété relativement au droit acquis. Je crois qu’il a été démontré jusqu’à satiété, dans la séance d’avant-hier, que les employés n’ont aucun droit acquis. Donc ce n’est pas là un nouveau motif.

Maintenant, je conviens avec M. le ministre de l’intérieur que l’amendement pourrait amener beaucoup de complications dans les comptes, et sous ce rapport il y a lieu de préférer la rédaction de la section centrale.

On a demandé si par sa proposition, la section centrale n’envahit pas les attributions du gouvernement. Je réponds que non. Elle accorde le crédit, mais elle pose des limites à l’emploi qui en serait fait. Les ministres doivent se tenir en-deçà de ces limites. S’ils trouvent que des employés sont trop payés, ils peuvent leur faire supporter une diminution ; mais ils ne peuvent les augmenter jusqu’au vote du budget. La section centrale n’a donc pas usurpé les attributions du gouvernement, mais elle a posé des limites à des crédits provisoires qu’elle était obligée d’accorder sans examen possible.

Le ministre de l’intérieur a demandé aussi si un ministre ne pourrait pas, pour soustraire à la réduction un employé qui aurait un traitement de 1,100 florins, porter ce traitement à 1,150 florins. Non, il ne le pourrait pas, car il est dit dans l’article en discussion que les traitements ne seront payés que jusqu’à concurrence de 2 francs par florin du taux auquel ils ont été payés en exécution du budget de 1832.

Enfin, un autre orateur a désiré savoir comment la loi s’appliquerait aux remises des employés. Messieurs, quant aux remises des employés, il n’y a rien d’urgent ; car ces remises s’établissent par une sorte de liquidation entre les employés qui y ont droit et le trésor, de sorte que nous n’avons rien à prescrire là-dessus pour le moment. Lorsque nous en serons venus à la délibération du budget, nous fixerons ces remises sans plus de difficultés que cela s’est fait l’année dernière.

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - J’avoue qu’étant présent à la section centrale lors de l’examen des différents projets de loi de finances, je m’y suis rallié ; mais je ne croyais pas que ce ralliement fût aussi étendu qu’on l’a fait entendre.

Je n’entendais pas, en me ralliant, aux projets de la section centrale, parce que les principes m’étaient concédés, que je contractais l’obligation de n’y pas pouvoir présenter de modifications ou d’appuyer celles d’honorables collègues, qui tendraient à rapprocher ces projets de loi de la pensée première du gouvernement. Instruit par ce qui s’est passé, j’y mettrai plus de circonspection pour l’avenir, car je ne veux pas me lier à ce point. Je n’ai pas cru qu’il ne me serait plus permis de revenir sur la proposition de la section centrale sur la matière que nous discutons. Il en est de même pour les bons du trésor qui seront discutés demain. Si l’on entend que je n’aurai pas la faculté d’y présenter des modifications, je passerai condamnation ; mais je déclare que je ne pensais pas m’être enchaîné de cette manière.

M. Gendebien. - Je ne répondrai pas à la théorie émise par M. le ministre de l'intérieur sur le libre arbitre des ministres pour la fixation des traitements des employés. Je demanderai pourtant, s’il en était ainsi, à quoi servirait que la chambre fixât les traitements article par article. Mais nous n’avons pas à traiter cette question ici ; lors de la discussion du budget, je me propose d’y revenir et de soutenir une théorie contraire à celle de M. le ministre.

On vous a dit, messieurs, qu’il fallait écarter mon amendement. Si l’on veut en revenir à des idées plus saines, je consens à le retirer. Je ne l’avais proposé que pour rassurer les petits employés sur leur sort à venir. Si l’on veut maintenant étendre la mesure à tous les employés, il y a un moyen bien simple de le faire, c’est de rédiger ainsi le paragraphe : « Quant aux autres traitements, ils seront payés au taux auquel ils ont été payés en exécution du budget de 1832. »

Je retirerai donc mon amendement si l’on adopté cette rédaction ; mais si l’on veut substituer à cet amendement celui de la section centrale, je déclare que je le maintiens. Dans l’incertitude et pour suivre le règlement, il faut d’abord mettre aux voix la rédaction que je propose.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) fait une autre proposition tendante à retrancher la dernière phrase du paragraphe 4.

M. le président. - La rédaction de M. Gendebien est-elle appuyée ? (Oui ! oui !) Elle va être mise en discussion.

M. Mary. - Je demande la parole pour un rappel au règlement. Je ne crois pas, messieurs, que nous puissions délibérer sur le nouvel amendement de M. Gendebien. En effet, je lis dans l’article 45 de notre règlement : « Lorsque des amendements auront été adoptés, ou des articles d’une proposition rejetés, le vote sur l’ensemble aura lieu dans une autre séance que celle où les derniers articles de la proposition auront été votés. »

Et plus loin :

« Dans la seconde (séance) seront soumis à une discussion et à un vote définitif les amendements adoptés et les articles rejetés. »

Or, dans le cas qui nous occupe, il n’y a pas eu d’articles rejetés, mais il y a eu un amendement adopté, tendant à ne pas faire payer intégralement les traitements au-dessous de 1,000 florins. C’est de cet amendement, adopté dans la première séance, que nous devons nous occuper dans celle-ci, et je demande qu’on y revienne.

M. Gendebien. - Je ne pense pas que le règlement mette obstacle à ce que nous discutions un nouvel amendement. L’amendement adopté dans la séance d’avant-hier est le mien, plus celui de M. Dubus. J’ai donc le droit de demander que mon amendement soit discuté de nouveau, puisque l’addition à titre d’avance, proposée par M. Dubus, l’a complétement dénaturé.

L’article 45 que l’on a cité porte : « Dans la seconde (séance) seront soumis à une discussion et à un vote définitif les amendements adoptés et les articles rejetés. »

Et il ajoute : « Il en sera de même des nouveaux amendements qui seraient motivés sur cette adoption ou ce rejet. Tous amendements à ces deux points sont interdits. »

Eh bien ! ma nouvelle rédaction est un amendement nouveau ; on peut donc l’admettre.

M. de Brouckere. - Messieurs, on a tronqué l’article 45 de notre règlement pour en tirer des conclusions contraires à l’esprit de cet article et aux intentions de ceux qui ont fait le règlement. Le règlement a voulu qu’on ne pût discuter, dans la seconde séance, que sur ce qui a rapport aux amendements adoptés ou aux articles rejetés dans la première ; mais sur cela il nous laisse liberté entière.

Sur ces amendements adoptés ou sur ces articles rejetés, on peut délibérer sur toutes les propositions qu’il plaira aux membres de reproduire.

Interpréter autrement cet article, c’est agir contrairement à l’intention de ses auteurs, et même au bon sens. M. Mary a eu soin de ne pas vous en citer le dernier paragraphe, qui dit que de nouveaux amendements, motivés sur l’adoption d’amendements ou le rejet d’articles dans la première, peuvent être soumis à une discussion dans la seconde.

- Quelques voix. - Mais l’amendement de M. Gendebien n’est pas un amendement nouveau.

M. de Brouckere. - Eh bien ! l’on ne veut discuter que sur de nouveaux amendements ; nous serons bientôt d’accord, car je vais en présenter un nouveau, fondé sur celui qui a été adopté dans la séance d’avant-hier.

J’avais demandé que les traitements des fonctionnaires fussent payés pour le 1er trimestre de 1833 comme pour 1832. On a rejeté cette proposition qui, je le crois comme M. Julien, était de toute équité. Je la reproduis maintenant, d’accord en cela avec M. Gendebien, mais modifiée de manière que le paragraphe soit ainsi conçu :

« 4° Les traitements et soldes des officiers, des troupes de marine, et ceux de tous les autres fonctionnaires. »

Je regarde cette proposition comme tellement juste, et la disposition opposée comme tellement contraire à la justice, que si l’on ne veut pas décider la question dans mon sens, je voterai contre les crédits provisoires.

M. Dumont. - Je ne pense pas que l’article 45 du règlement puisse s’entendre comme on vient de le dire. Cet article porte qu’il ne pourra être discuté dans la deuxième séance que des amendements nouveaux, motivés sur l’adoption d’amendements ou le rejet d’articles qui auront eu lieu dans la première. Or, de quelle adoption et de quel rejet s’agit-il ici ? Voilà la question qui nous divise : L’honorable préopinant rapporte ces mots à l’adoption ou au rejet de la pénultième séance ; moi je pense qu’ils se rapportent au second vote. Il faut voter d’abord, sur l’amendement déjà adopté, et ce n’est qu’ensuite qu’on peut proposer des amendements nouveaux. Sans cela vous ouvrez un vaste champ à la discussion, ce que n’ont point voulu ceux qui ont fait le règlement.

Il faut donc savoir avant tout si la chambre persiste dans sa première décision, et je demande que l’amendement déjà adopté soit mis aux voix. S’il est adopté définitivement, il n’y aura plus rien à faire ; si au contraire il est rejeté, c’est alors qu’il y aura lieu à le remplacer.

M. Mary. - L’honorable M. de Brouckere a singulièrement dénaturé mon opinion. Non, messieurs, je n’ai pas cherché à tronquer un article du règlement ; mais j’ai cité ce qui me semblait avoir rapport au cas actuel. Le dernier paragraphe de l’article 45 parle de nouveaux amendements ; mais est-ce d’un nouvel amendement qu’il s’agit ici ? Non, messieurs, c’est un amendement proposé par M. de Brouckere dans une séance précédente, et que l’on a discuté longtemps Je crois que tout le monde est d’accord sur ce point qu’on ne peut considérer comme amendement nouveau une proposition déjà discutée.

Maintenant je n’examine pas s’il est utile de payer intégralement tous les fonctionnaires au taux fixé par le budget de 1832 ; la chambre a décidé, et il ne s’agit plus que de passer au vote définitif. Je crois donc qu’on doit mettre aux voix l’amendement de M. Gendebien, déjà adopté, et qui du reste est très simple.

M. de Brouckere. - M. Mary veut absolument qu’on ne puisse discuter qu’un amendement nouveau. Mais l’expression du règlement ne signifie rien autre chose qu’un amendement nouveau, par rapport à celui adopte ou aux articles rejetés. On dit qu’il faut d’abord passer au vote définitif, mais ce serait faire passer la charrue avant les bœufs. Je répète que nous devons discuter aujourd’hui tous les amendements nouveaux, en ce sens qu’ils ne sont pas les mêmes que celui adopté, et en même temps discuter ce dernier. C’est à tort que M. le ministre des finances a voulu en revenir à son ancien projet ; nous ne devons discuter que sur le paragraphe 4 de l’article 3 de la section centrale.

M. Gendebien. - Il suffit de lire les deux derniers paragraphes de l’article 45 pour montrer que M. Dumont l’a mal interprété. Il s’agit dans ces deux paragraphes des amendements adoptés ou des articles rejetés dans l’avant-dernière séance. Il y a dans ces deux paragraphes une corrélation logique qui saute aux yeux. Ainsi donc, un article a été rejeté ou un amendement adopté dans la précédente séance : on les remet en discussion, et on les sous-amende. Cela est clair comme le jour, et je ne conçois pas qu’il s’élève de difficulté à ce sujet.

M. Dubus. - C’est parce que je n’ai pas été convaincu par les observations des préopinants que je demande encore la parole. Le texte de l’article 45 me paraît très clair. (L’orateur lit à son tour les deux derniers paragraphes de cet article.) Ainsi les amendements adoptés, ou les articles rejetés, voilà tout ce qui peut être soumis à un nouveau vote : donc vous ne pouvez plus mettre en discussion les amendements déjà rejetés ; ceux-là ne peuvent être reproduits.

Eh bien ! l’honorable M. de Brouckere a présenté dans la séance précédente un amendement, et M. Gendebien un autre. Une discussion commune s’est établie sur ces deux amendements. Celui de M. de Brouckere a été rejeté, et par conséquent ne peut plus être reproduit. Celui de M. Gendebien était divisé en deux parties. Il proposait un retranchement au paragraphe de la section centrale et une addition de quelques mots. Le retranchement n’a pas eu lieu et l’adjonction a été adoptée. Eh bien ! voilà ce qui peut être seul soumis à un nouveau vote. Quant à l’amendement présenté aujourd’hui par M. Gendebien, et qui n’est autre chose que l’ancien de M. de Brouckere, il ne pout être mis en discussion, puisqu’il a déjà été rejeté.

M. Gendebien. - Je répondrai à l’honorable membre que mon amendement n’est pas du tout le même que celui de M. de Brouckere, qui a été rejeté à la séance d’avant-hier. Il y a une différence notable, car M. de Brouckere voulait retrancher les mots « au taux auquel ils ont été payés en exécution du budget de 1832. » Moi, au contraire, je veux les maintenir, pour ne pas exposer les employés aux caprices des ministres ; car je pourrais citer des exemples d’employés à gros traitements qui ont été augmentés au détriment de ceux qui étaient beaucoup moins rétribués. Vous voyez donc que nos deux amendements ne sont pas de même nature.

M. Jullien. - Messieurs, la discussion qui vient d’avoir lieu prouve précisément la sagesse de votre règlement ; car votre règlement a voulu que lorsqu’un amendement était adopté dans une séance, on ne pût pas voter immédiatement sur son adoption définitive, de même que quand un article d’une proposition de loi était rejeté, on ne pût pas de suite voter définitivement sur ce rejet. Et c’est pour vous donner le temps de réfléchir sur ces objets qu’il vous a été accordé un délai de vingt-quatre heures.

Maintenant il était tout à fait logique de dire qu’après avoir réfléchi pendant ces vingt-quatre heures sur l’adoption d’un amendement ou sur le rejet des articles qui changeaient la proposition de loi, vous pouviez ouvrir une nouvelle discussion dans la séance suivante. Mais dans quel but ? Dans le but de décider si l’adoption et le rejet resteront définitifs. A cet égard, je ne puis pas partager l’opinion de MM. Gendebien et de Brouckere. Il faut absolument que sur l’amendement adopté à l’avant-dernière séance, il y ait un vote, et si cet amendement est rejeté, comme je le crois, alors on pourra en présenter de nouveaux.

L’avant-dernier paragraphe de l’article 45 du règlement porte : « Dans la seconde (séance) seront soumis à une discussion et à un vote définitif les amendements adoptés et les articles rejetés. » Vous le voyez, vous ne pouvez éluder un vote définitif sur l’amendement adopté. Il faut donc le mettre définitivement aux voix, et si, maintenant que vous êtes éclairés sur les difficultés et les graves inconvénients de cet amendement, vous le rejetez, comme je le crois, alors tous les autres amendements qui en sont la conséquence peuvent être discutés. Cette discussion aura toujours été profitable, car elle aura éclairé la chambre sur la valeur de l’amendement qu’elle avait adopté. Elle le rejettera probablement, et ensuite elle discutera les nouveaux.

M. de Theux. - L’amendement de M. Gendebien est contraire au texte du règlement. Il vous propose de fixer les traitements de tous les fonctionnaires sur le taux auquel ils ont été payés l’année dernière. Mais il est impossible d’admettre une disposition aussi nouvelle. Il n’y a que les amendements adoptés qui peuvent être remis en discussion. La section centrale avait proposé de réduire tous les traitements. Il a été fait un amendement tendant à ne faire porter la réduction que sur les traitements supérieurs à 1,000 florins. Malheureusement, il ne nous est pas permis de revenir sur ce vote, et nous devons nous y tenir aux termes du règlement.

Je ferai remarquer à M. Gendebien que son amendement d’aujourd’hui est le même que celui présenté par M. de Brouckere à l’avant-dernière séance. Voici l’amendement de M. de Brouckere : « 4° Les traitements et soldes des officiers et troupes de marine, et ceux de tous les fonctionnaires, d’après le taux auquel ils ont été payés, soit en vertu d’une loi, soit en exécution du budget de 1832. » Or, la seule différence qu’il y a de cet amendement avec celui de M. Gendebien, c’est que M. de Brouckere appliquait sa disposition aux traitements payés en vertu d’une loi, ce qui était déjà prévu par un autre article.

Je ne partage pas l’opinion d’un honorable préopinant sur les deux derniers paragraphes de l’article 45 du règlement. Suivant lui il faut d’abord mettre aux voix l’amendement adopté, et s’il est rejeté, il pense qu’on pourrait discuter tous autres amendements qu’on voudrait. Mais ce n’est pas le sens de cet article 45. Il faut, pour qu’il soit sujet à une discussion, un nouvel amendement motivé sur l’adoption de celui qui a été introduit dans la proposition de la section centrale.

M. Fallon. - Il me semble que M. Gendebien a raison, et que M. Jullien n’a pas tort. (On rit.) C’est-à-dire que leurs opinions peuvent se concilier. Il est clair, messieurs, que dans la deuxième séance on peut proposer des sous-amendements. D’un autre côté, il paraît résulter pour moi qu’après la discussion sur ces sous-amendements, il y a lieu de mettre aux voix d’abord l’amendement adopté à la séance d’avant-hier, et de ne mettre les sous-amendements aux voix que pour autant que cet amendement, précédemment adopté, serait maintenant rejeté par la chambre. (Oui ! oui ! Aux voix ! aux voix !)

M. le président met aux voix l’amendement de M. Gendebien, adopté dans la séance d’avant-hier, avec l’addition des mots à titre d’avance, que M. Dubus avait proposé de rétablir.

- Cet amendement est rejeté.

Il est donné une deuxième lecture de la nouvelle rédaction de M. de Brouckere ainsi conçue : « 4° Les traitements et soldes des officiers et troupes de marine, et ceux de tous les autres fonctionnaires. »

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) et M. Gendebien déclarent se rallier à cette rédaction.

M. Jullien demande qu’on ajoute après les mots : « de tous les autres fonctionnaires, » ceux-ci : « et employés. »

M. de Brouckere y consent.

- L’amendement est mis aux voix et adopté avec cette addition.

Le paragraphe 4 de l’article 3 ainsi modifié est également adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

On procède ensuite au vote sur l’ensemble.

On procède à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi

Il y a 72 votants.

62 répondent oui.

9 répondent non.

1 membre s’est abstenu.

La loi est adoptée.

Ont répondu oui : MM. Boucqueau de Villeraie, Cols, Coppieters, Corbisier, Dams, Dautrebande, Davignon, de Bousies, de Brouckere, de Foere, Dellafaille, de Mérode, de Nef, de Renesse, de Robiano de Borsbeek, de Sécus, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, de Theux, Dewitte, d’Huart, Donny, Dubois, Dumont, Duvivier, Ernst, Fallon, Fleussu, Fortamps, Goblet, Hye-Hoys, Jacques, Jonet, Lebeau, Levae, Marcellis, Meeus, Milcamps, Morel-Danheel, Olislagers, Osy, Pirmez, Poschet, Raikem, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Rouppe, Speelman, Teichmann, Ullens, M. Vanderbelen, Van Hoobrouck, Vuylsteke, Watlet, Zoude.

Ont répondu non : MM. Angillis, Berger, (erratum inséré au Moniteur belge n°40, du 9 février 1833 : ) Domis, Dubus, Gendebien, Jullien, Liedts, Mary, Polfvliet, Vergauwen.

M. Verdussen s’est abstenu parce que, n’ayant pas assisté au débat, il ne peut apprécier la portée de l’amendement adopté.

Proposition de loi relative aux droits des légionnaires de l'Empire

Discussion générale

La chambre passe à la discussion du projet de loi concernant les légionnaires.

Deux amendements ont été proposés hier.

Amendement de M. de Brouckere, remplaçant les articles 1 et 2 :

« A partir du 1er janvier 1833, le gouvernement liquidera au profit des Belges membres de la légion d’honneur, qui justifieraient des conditions suivantes, la pension de 250 francs, dont ils jouissaient à ce titre sous le gouvernement français :

« 1° Qu’ils soient porteurs de brevets en due forme, constatant que leur nomination est antérieure au 11 avril 1814 ;

« 2° Qu’ils produisent la preuve que c’est pour services militaires que la croix de la légion d’honneur leur a été conférée ;

« 3° Qu’ils ne jouissent pas, à charge du trésor de l’Etat, d’un traitement supérieure à 1,200 francs. »

Amendement de M. le comte de Robiano de Borsbeek :

« Je propose de faire précéder la loi sur la légion d’honneur, modifiée par l’amendement de M. de Brouckere, du considérant suivant :

« Voulant venir au secours d’anciens militaires belges, membres de la légion d’honneur, dont les ressources pécuniaires sont restreintes, et sans rien préjuger sur la liquidation à intervenir sur l’espèce avec le gouvernement hollandais.

« Je propose en outre d’ajouter une quatrième condition à l’amendement de M. de Brouckere, laquelle serait ainsi conçue :

« 4° Qu’il soit déclaré par les autorités locales que les ressources pécuniaires de l’impétrant sont restreintes. »

M. le président. - M. Donny a proposé l’amendement suivant :

« Jusqu’à ce qu’il ait été statué définitivement sur les prétentions des Belges membres de la légion d’honneur, il sera payé à ceux de ces membres qui sont dans le besoin une pension alimentaire de 250 francs, qui courra à partir du 1er janvier 1833.

« Pour obtenir cette pension, il faudra remplir les conditions suivantes :

« 1° Etre porteur d’un brevet en due forme contenant une nomination antérieure au 11 avril 1814 ;

« 2° Produire la preuve que la croix d’honneur a été conférée pour services militaires ou par un acte de dévouement patriotique ;

« 3° Produire un certificat de l’autorité de son domicile, prouvant que le demandeur est dans le besoin. »

M. Donny. - Messieurs, dans la séance précédente plusieurs honorables orateurs ont cherché à établir que les membres de la légion d’honneur avaient des droits acquis à leur traitement, et que l’exercice de ces droits pouvait être à la charge de la Belgique ; conséquents avec eux-mêmes, ils ont soutenu de plus qu’on devait payer non seulement la pension future, mais encore tout l’arriéré du traitement.

D’autres orateurs ont soutenu un système tout contraire ; ils ont dit que les membres de la légion d’honneur n’avaient aucun droit acquis, et qu’ainsi il ne fallait leur payer ni traitement passé ni traitement futur.

Enfin, vous avez à examiner une troisième opinion : celle de la section centrale. Elle consiste à dire qu’il est douteux si, pour la Belgique, il y a obligation de payer un traitement aux membres de la légion d’honneur. Par suite de ce doute, la section centrale vous a proposé de refuser le paiement du traitement antérieur, et de vous charger du paiement du traitement futur. Cette opinion m’a paru bien moins conséquente que les deux autres.

Du développement de ces trois propositions, il est résulté un nouveau système. Plusieurs membres ont cru que la question n’avait pas encore atteint le degré de maturité nécessaire pour qu’on pût décider d’une manière définitive. Ces considérations ont fait naître ce système-ci : qu’il convenait d’accorder, à titre de secours, à ceux des légionnaires qui se trouvent dans le besoin un subside égal au traitement auquel ils prétendraient avoir droit.

Cette dernière opinion a paru réunir les suffrages de la chambre, et, dans la discussion d’hier, je pensais qu’elle avait été reproduire par un amendement déposé par l’honorable M. de Brouckere. A la lecture de cet amendement, si j’avais réellement retrouvé le système dont je viens de parler, je me serais dispensé de prendre la parole ; mais je trouve que cet amendement, ainsi que le sous-amendement qu’a fait M. de Robiano, s’écarte entièrement de ce système.

L’amendement de M. de Brouckere tend à faire du définitif ; il tend à liquider dès à présent le traitement des légionnaires qui se trouvent dans certains cas exceptionnels. Moi, comme d’autres membres, je voudrais éviter de faire du définitif quelconque ; je voudrais ne prendre qu’une mesure provisoire ; je voudrais accorder, non pas un traitement, mais seulement une pension alimentaire, simplement un secours. C’est le but de mon amendement.

Il y a dans cet amendement une autre différence de détail avec celui proposé par M. de Brouckere ; c’est celle-ci : le paragraphe 2 de son amendement est ainsi conçu :

« Qu’ils produisent la preuve que c’est pour services militaires que la croix de la légion d’honneur leur a été conférée. »

J’ai pensé, messieurs, que celui qui avait mérité la croix, non pas sur le champ de bataille, mais en exposant ses jours pour un acte de dévouement patriotique, devait être mis sur la même ligne que celui que l’avait reçue en combattant. J’ai dit.

- L’amendement de M. Donny est appuyé.

M. Zoude propose un sous-amendement et le développe en ces termes. - Messieurs, c’est aussi le prix du sang versé sur les champs de bataille pour l’honneur du nom belge que je viens revendiquer, au nom de quelques braves que le sort des armes a trahis, et qui, après avoir été désignés par les chefs comme ayant mérité l’insigne de l’honneur, n’ont pu le recueillir avant de tomber entre les mains de l’ennemi.

Oui, messieurs, il en est, et j’en connais qui ont gémi longtemps dans les déserts de la Russie, et à qui le trop grand éloignement ou des infirmités résultant de leurs blessures n’ont pas permis de regagner le sol de la patrie avant l’époque fatale fixée par le projet.

Ceux-là, pour avoir été aussi valeureux, mais moins heureux que leurs frères d’armes, doivent-ils être privés de cet acte de munificence nationale, que vous voulez exercer envers la bravoure ?

Ce n’est pas, messieurs, sous le rapport pécuniaire que cette barrière que l’on veut établir sera déchirante, c’est parce qu’elle semble tracer une limite entre la valeur et la faveur.

Vous craignez l’abus, mais il ne peut en exister, si je suis bien informé.

En effet, les écritures tenues à la chancellerie de la légion d’honneur désignent les actions d’éclat qui ont donné droit à la décoration et les noms des chefs de corps qui ont fait les présentations.

S’il en est ainsi, messieurs, il suffirait d’imposer aux légionnaires qui réclameront la faveur de la loi l’obligation de fournir les pièces justificatives nécessaires ; qu’il soit même établi un conseil de légionnaires chargé de l’examen de ces titres ; alors les braves seraient jugés par leurs pairs.

Messieurs la section à laquelle j’ai appartenu a admis l’amendement que j’ai l’honneur de vous présenter ; j’espère que la chambre en appréciera les motifs, et qu’elle sera, ce qu’elle est toujours, juste envers les braves.

M. de Brouckere. - Il m’est impossible de me rallier à la proposition de M. Donny. Mon intention n’est pas de faire du définitif : la preuve, c’est que la chambre, après avoir entendu ma proposition, a demandé qu’on nommât une commission pour examiner les droits des légionnaires.

Je trouve des expressions que je ne saurais admettre dans l’amendement de M. Donny : « Les légionnaires qui se trouvent dans le besoin … une pension alimentaire... » me paraissent devoir être très pénibles pour ceux qui demandent une pension. Pensez tout ce que vous voudrez, mais ne dites pas que vous donnez une pension alimentaire à ceux qui sont dans le besoin.

- L’amendement de M. de Brouckere est appuyé.

M. de Robiano de Borsbeek. - Je me suis proposé deux objets par mon sous-amendement : le premier, c’est qu’il ne faut rien préjuger sur les droits qu’auraient les légionnaires à une pension. Je crois cette question importante par la raison que la Hollande, attentive à nos débats, pourrait en tirer parti ; si elle nous croit disposés à liquider ces pensions, elle dira : je ne veux pas consentir à liquider. Je ne suis pas seul ayant ces idées ; on en trouve des traces dans le rapport de la section centrale, où il est dit : « Ces considérations ont porté la section centrale à écarter entièrement à jamais toutes réclamations à la charge du gouvernement actuel, pour les arriérés des années antérieures. Les légionnaires belges restent à cet égard entiers dans leurs droits vis-à-vis du roi de Hollande. »

Vu les besoins extrêmes de l’Etat, vu les réclamations multipliées qui peuvent être faites par d’autres créanciers, par des créanciers qui ont avancé des sommes considérables pour la confection des routes, il est impossible de satisfaire intégralement à la demande des légionnaires, et on a été d’accord sur un point, c’est-à-dire, à venir au secours de ceux qui avaient des besoins.

Il y a des légionnaires, comme l’a fait observer M. de Brouckere, qui ont 15 à 20 mille francs de revenu ; ils ne doivent pas grever le trésor.

Je sais qu’il est fâcheux de supposer un individu dans le besoin ; mais cela n’est cependant pas humiliant ; tout le monde sait qu’il se trouve des militaires sans fortune ; ce qui serait humiliant, déshonorant même, ce serait la demande de certificats constatant ce besoin faite par des légionnaires aisés.

- L’amendement de M. de Robiano de Borsbeek est appuyé.

M. Jullien. - Je ne suis pas plus que d’autres partisan du définitif. Il paraît que l’assemblée n’est pas encore fixée sur la nature des droits des légionnaires. Dans cette position, j’appuierai l’amendement de M. de Brouckere. Pour faire disparaître toute idée de définitif, il me semble qu’on pourrait rédiger ainsi l’amendement :

« A partir du 1er janvier 1833, et jusqu’à ce qu’il ait été statué définitivement sur les réclamations des légionnaires, le gouvernement liquidera au profit des Belges… »

De cette manière, vous ne faites rien de définitif, et vous aurez tout loisir de nommer une commission qui fera un rapport circonstancié sur la nature et l’étendue des droits des réclamants. Lorsque cette commission aura examiné attentivement la demande des légionnaires, elle viendra vous démontrer jusqu’à l’évidence que la pension qu’ils réclament est due intégralement.

- Le sous-amendement de M. Jullien est appuyé.

M. Marcellis. - Je me rallie à l’amendement proposé par M. Donny. Il me semble qu’il rend d’une manière plus précise l’intention que la chambre a manifestée dans la séance précédente. M. Donny, dans son amendement, a ajouté quelque chose ; mais c’est une amélioration, puisqu’il ne donne pas d’exclusion aux services civils.

Je crois que la distinction entre services militaires et civils était trop tranchante. Dans les services civils, il en est de telle nature qu’il serait contraire aux intentions de la chambre de les exclure de la mesure. Dans les services militaires, il en est quelques-uns qui ont été rendus dans les antichambres, et ma mémoire me rappelle un service civil dont tout le monde a reconnu le mérite. C’est un événement qui a été célébré dans tous les pays de l’Europe ; c’est un événement qui a eu lieu dans le district que j’ai l’honneur de représenter ; c’est l’événement de Beaujon. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’entrer dans des détails sur le service que Goffin a rendu à ses compagnons d’infortune, quelque plaisir que j’eusse à le faire. Dans la vie civile on peut montrer du courage, on peut montrer du dévouement, on peut montrer cette sagacité que les généraux ne montrent pas toujours sur les champs de bataille.

En fait de restrictions, il faut ici nous borner à la seule restriction relative à notre état de pénurie. Il faut venir au secours de ceux qui ont des besoins.

L’amendement de M. de Brouckere, sous ce rapport, dit trop peu. En effet, il n’exclut que les pensionnaires de l’Etat ; mais il est des légionnaires aisés qui ne sont pas pensionnés par l’Etat. Il me semble que l’on pourrait donner plus de précision et plus de convenance à la rédaction de l’amendement. Je n’aime pas les certificats d’indigence : on pourrait s’attacher à un caractère palpable ; il faudrait admettre à la pension ceux des légionnaires qui ne paient pas une contribution arbitrée : 50 fr. ou 100 fr., par exemple.

M. Milcamps.- Messieurs, le but de l’institution de la légion d’honneur a été de décerner des récompenses aux militaires et aux fonctionnaires qui auraient rendu de grands services à la république ; de là, si la qualité de membre de cet ordre, dans le chef d’un Belge domicilié dans ce royaume, donne un droit acquis à la pension ou au traitement dont il jouissait en cette qualité, ce droit acquis existe aussi bien pour les employés civils que pour les militaires décorés de la croix d’honneur, puisqu’il résulterait du même titre. Mais l’on est convenu dans la séance d’hier d’ajourner la question des droits acquis, et je pense que l’on a très bien fait, car il n’est pas démontré jusqu’ici que cette question doive être résolue par les principes du droit civil, et c’est uniquement de ce droit que presque tous les orateurs qui ont traité la matière ont argumenté.

Cependant, si, comme l’insinue la section centrale, la question dépendait tout à la fois de l’entente ou de l’interprétation de la loi constitutive de la légion d’honneur, des traités de 1814 et 1815, des conventions des 28 novembre 1815 et 25 avril 1818, et si ces traités étaient douteux, il appartiendrait au gouvernement belge et à ceux des nations intervenues dans ces traités et conventions de résoudre les difficultés.

Je ne nie point que les tribunaux ne puissent être saisis par les parties intéressées de la difficulté. ; car, d’après les principes de droit public et du droit des gens, lorsqu’un gouvernement succède à en autre, « le gouvernement nouveau, acquérant tous les avantages attachés à la possession territoriale du nouvel Etat constitué est tenu des charges, à moins d’une dérogation expresse dans les traités ou dans toute autre convention de puissance à puissance. »

Mais l’on sent que l’examen de toutes ces questions nous conduirait fort loin, et nous pouvons nous diriger par d’autres considérations.

Nous sommes presque tous d’accord qu’on ne peut contester à la chambre ou plutôt au pouvoir législatif le droit, abstraction faite des droits acquis aux légionnaires, d’affecter un fonds destiné aux légionnaires ou à une partie d’entre eux. Ce sera un acte de régime intérieur émané de la nation non sur un objet commun à tous, mais sur un objet particulier ; cet acte n’aura pas moins le caractère d’une loi, mais il ne faut pas que cette loi préjuge la question de droits acquis.

Or, l’amendement de l’honorable M. de Brouckere, par ses termes, semble reconnaître les droits des légionnaires, moyennant certaines justifications, puisqu’il charge le gouvernement de liquider la pension dont ils jouissaient à ce titre sous le gouvernement français ; moins avec la modification proposée par M. Jullien, l’amendement de M. Donny est une proposition d’accorder de nouvelles pensions. Il me paraît que l’amendement doit être conçu en ce sens que ce qu’on paiera à certains légionnaires sera à titre d’avance si leurs droits sont reconnus légitimes plus tard, ou à titre gratuit dans le cas contraire.

Renvoi à une commission

M. Tiecken de Terhove. - Ou bien les légionnaires ont un droit acquis, ou bien ils n’en ont pas. S’ils ont un droit, il faut faire justice à tous ; s’ils n’en ont pas, il faut refuser ce qu’ils demandent. Plusieurs membres pensent qu’ils ont des droits, d’autres ne le pensent pas : comme la question n’est pas décidée, je proposerai de renvoyer l’examen du droit à une commission spéciale, et alors la chambre statuera. Pour le moment, on devrait écarter toutes les propositions ou tous les amendements qui ont été présentés.

Je propose donc formellement la nomination d’une commission qui sera chargée de l’examen des droits des légionnaires ; nous déciderons sur son rapport. (Appuyé ! appuyé !)

M. de Brouckere. - Je déclare consentir à l’amendement présenté par M. Jullien ; je consens même à l’amendement de M. de Robiano. Je crois que, moyennant cette correction, la plupart des objections faites contre ma proposition tombent. Je déclare cependant que je ne puis consentir à ce que les autorités locales délivrent des certificats sur les ressources pécuniaires des légionnaires ; il y aurait trop d’arbitraire dans cette mesure.

Un honorable orateur a trouvé que je disais trop ou trop peu, c’est-à-dire, que je ne suis pas parvenu à atteindre le juste-milieu tant ambitionné par beaucoup d’autres, et que je n’ambitionne pas du tout... (On rit.)

On dit que les services civils peuvent mériter des récompenses et on cite Goffin de Liége. Ce Goffin n’a pas à se plaindre, puisqu’au lieu de la pension de 250 fr., il a celle de 200 florins, que l’on accorde aux frères du Lion Belgique...

- Plusieurs membres. - Goffin est mort.

M. de Brouckere. - S’il est mort, je consens à ce qu’on lui donne la pension… (On rit.)

Le même orateur trouve un autre inconvénient dans ma proposition, c’est que tel individu, ayant la décoration et l’ayant obtenue pour services militaires, pourrait être dans l’opulence ; il voudrait qu’on fixât une quotité d’impôts, 50 fr., au-delà de laquelle on n’aurait pas la pension. Mais la contribution n’est pas signe d’aisance : un père de famille dans la gêne habitant une chétive maison, peut payer 100 francs d’impôts, et tel autre, dont la fortune est en portefeuille, peut jouir d’une très grande aisance.

M. le président. - Voici la proposition de M. Tiecken :

« J’ai l’honneur de proposer de renvoyer à une commission nommée spécialement l’examen des droits réclamés par les légionnaires, laquelle ferai son rapport à la chambre le plus tôt possible, afin qu’elle soit en état de statuer définitivement. »

M. Jullien. - Je prends la parole pour appuyer la proposition de M. Tiecken. Plus la discussion avance et plus elle s’égare. La divergence d’opinion provient de ce que, d’un côté, on est convaincu des droits des légionnaires, et que, de l’autre, on n’en est pas convaincu. Nous perdons véritablement notre temps dans cette discussion, par la raison que les amendements que l’on propose ne produiront aucun résultat.

On propose, à titre de secours, de liquider la pension des légionnaires à partir du 1er janvier 1833 ; c’est-à-dire, qu’au 31 décembre la pension sera due. Eh bien, dans un an, vous aurez le temps d’entendre le rapport de votre commission. Veut-on que la pension soit payée dans six mois, dans trois mois vous aurez encore le temps d’entendre votre commission et de décider. Si les légionnaires n’ont pas de droits, vous serez libres de faire un acte de munificence. J’appuie donc la proposition de M. Tiecken. (Appuyé ! appuyé !)

M. de Robiano de Borsbeek. - Je viens m’opposer à la nomination d’une commission spéciale ; nous ne pouvons décider qu’après la liquidation avec la Hollande. Venons maintenant au secours des légionnaires, nous aurons fait ce que nos finances permettent ; nous aurons de plus fait un acte de patriotisme.

M. Corbisier. - Je m’oppose à la proposition de M. Tiecken. Il n’est malheureusement que trop reconnu que beaucoup de légionnaires sont dans le besoin ; le travail de la commission peut durer longtemps, et nous manquerions le but que nous nous proposons tous d’atteindre.

M. F. de Mérode. - J’appuie la proposition de M. Corbisier : il est important de venir au secours des légionnaires qui ont des besoins ; les autres peuvent attendre.

M. Corbisier. - L’adoption de la proposition de M. Tiecken n’entraîne pas le rejet de l’amendement de M. de Brouckere.

M. Gendebien. - Vous devez vous convaincre que nous marchons de difficultés en difficultés ; de là des amendements de toute espèce. Dès que vous n’êtes pas encore sûrs d’un principe, vous ne pouvez procéder par des conséquences logiques ; nous ne pouvons nous entendre.

Quant aux craintes de M. de Robiano, je ne les comprends pas ; le syndicat d’amortissement a vendu des biens, il en a reçu le prix ; il doit liquider. Il est encore certain que le roi Guillaume a reçu 25 millions du gouvernement français ; ce fait sera toujours positif ; le roi Guillaume doit toujours compte de ce qu’il a reçu. Il n’y a aucune espèce de crainte à avoir pour la liquidation avec la Hollande.

La proposition de M. Tiecken est pleinement justifiée par la discussion qui a eu lieu depuis deux jours ; il n’y a que des hommes spéciaux qui puissent traiter la question de droit, tandis que dans les sections on divaguera comme on a divagué ici.

J’appuie la proposition de M. Tiecken.

M. Marcellis. - Soit qu’on accorde immédiatement un subside, soit qu’on l’ajourne, nous sommes tous d’accord qu’il faut renvoyer la question de droit à une commission. Il me semblait d’ailleurs que cela avait été décidé hier… (Non ! non ! Aux voix ! aux voix !)

- La proposition de M. Tiecken est mise aux voix par assis et levé, mais l’épreuve est douteuse.

M. de Brouckere. - La proposition de M. Tiecken adoptée, en résulte-t-il le rejet de ma proposition ?

M. le président. - C’est ce que l’assemblée décidera après avoir voté sur la proposition de M. de Tiecken.

M. Gendebien. - La commission pourra s’emparer de la proposition de M. de Brouckere.

M. de Brouckere. - Nous ne nous comprenons pas. Dans le cas où la commission serait nommée, les uns pensent qu’on ne votera pas sur ma proposition, les autres pensent qu’on pourrait l’admettre ; il faut que nous soyons d’accord sur ce point.

M. Jullien. - Nous ne nous comprenons pas, mais nous allons commencer par nous comprendre. Le renvoi à la commission est fondé sur ce que nous n’arrivions à aucun résultat satisfaisant. Je crois que nous devons ajourner toute décision, même provisoire, jusqu’à ce que la commission ait fait son rapport.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - Messieurs, l’année dernière, la chambre a manifesté, à l’égard d’une certaine catégorie de légionnaires, tout en se tenant sur la réserve relativement aux questions de droit, les mêmes sentiments qu’elle manifeste aujourd’hui ; et cependant, par la crainte que l’on a eue de préjuger la question de droit, on l’a renvoyée à une commission : qu’en est-il arrivé ? Que les demandes des légionnaires qui avaient des besoins ont été ajournées indéfiniment. Eh bien ! je ne crains pas de le dire, quels que soient les engagements que vous preniez aujourd’hui, par la force des choses vous verrez se renouveler ce qui s’est passé dans la session précédente.

. Quand il y a unanimité sur la convenance, sur l’urgence d’accorder des secours à une certaine catégorie de légionnaires, et qu’il n’y a que des doutes sur la question de droit, devons-nous hésiter devant la nécessité d’accorder une provision dont l’étendue n’est pas de nature à effrayer qui que ce soit ?

L’honorable M. Jullien vous dit que si l’on payait ces provisions par anticipation, on pourrait adopter la proposition de M. de Brouckere ; je dirai que l’on paie régulièrement par trimestre. Or, un homme qui est assuré de recevoir à la fin d’un trimestre est dans une position bien autre que celui qui n’a que son titre. Celui qui serait assuré de toucher au 1er avril aurait quelque crédit, trouverait des ressources, et pourrait procurer des secours à sa famille.

Vous dites que l’on peut attendre pendant trois mois ; mais la décision ne dépend pas de vous seuls ; vous ne pouvez pas enchaîner l’autre chambre par votre vote ; vous ne savez même pas si les débats financiers, auxquels vous allez vous livrer, vous permettront d’entrer dans la discussion de la question de droit.

Quand la question de droit serait décidée uniformément par les trois branches du pouvoir législatif, il faudra savoir encore si la liquidation des pensions sera subordonnée à la liquidation avec la Hollande ; le renvoi à la commission de la question de droit n’est pas en même temps le renvoi des questions subsidiaires qui s’y rattachent ; vous renvoyez donc les légionnaires aux calendes grecques. L’année dernière, vous étiez unanimes pour accorder des secours, et cependant votre sollicitude a été stérile j’ai grand-peur que nous fassions cette année ce que nous avons fait dans la précédente session. (Aux voix ! aux voix !)

M. Dumont. - C’est dans l’intérêt des légionnaires qu’il ne faut pas statuer actuellement, Je crois qu’en nommant une commission, et en l’invitant à faire son rapport dans quinze jours, nous serons à même de savoir quelle mesure proviaoire il conviendra de prendre. En décidant aujourd’hui, je craindrais que la reconnaissance des droits fût ajournée indéfiniment, et que les légionnaires restassent dans le provisoire.

M. de Robiano de Borsbeek. - Je demande que l’on vienne au secours des malheureux. (Aux voix ! aux voix !)

M. Tiecken de Terhove. - J’appuie la demande faite par M. Dumont, que la commission fasse son rapport dans quinze jours.

M. le président. - Il y a dans votre proposition que la commission fera son rapport le plus tôt possible.

- On met de nouveau aux voix la proposition de M. Tiecken.

L’épreuve par assis et levé est encore douteuse.

On procède à l’appel nominal.

59 membres sont présents.

30 votent l’adoption de la proposition.

29 votent le rejet.

La proposition de M. Tiecken est adoptée.

En conséquence, une commission sera nommée pour examiner les droits des légionnaires, et le bureau est chargé de la désigner.

Ont voté l’adoption : MM. Boucqueau de Villeraie, Coppieters, Corbisier, Dams, Dautrebande, de Renesse, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tiecken de Terhove, d’Hoffschmidt, Donny, Dumont, Ernst, Fallon, Fleussu, Gendebien, Jonet, Jullien, Liedts, Marcellis, Meeus, Milcamps, Raikem, C. Rodenbach, Teichmann, Vandenhove, Vanderbelen, Zoude.

Ont voté contre : MM. Berger, Cols, Davignon, de Brouckere, de Foere, Dellafaille, de Mérode, de Nef, de Robiano, Desmaisières, Dewitte, Dubus, Fortamps, Hye-Hoys, Jacques, Lardinois, Lebeau, Levae, Mary, Morel-Danheel, Pirmez, Polfvliet, Poschet, Raymaeckers, A. Rodenbach, Rogier, Ullens, Vuylsteke.

- La chambre, consultée, décide ensuite qu’elle ajourne toute décision relative à des provisions, jusqu’à ce que la commission ait fait son rapport

La séance est levée à 4 heures et demie.