(Moniteur belge n°28, du 28 janvier 1833 et Moniteur belge n°29, du 29 janvier 1833)
(Présidence de M. Fallon.)
(Moniteur belge n°28, du 28 janvier 1833) M. Jacques fait l’appel nominal avant une heure.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
M. Jacques expose sommairement l’objet des pièces adressées à la chambre.
L’ordre du jour est la continuation de la discussion sur les opérations électorales de Liége.
M. Gendebien. - Messieurs, alors que plusieurs membres de cette assemblée considèrent comme du temps perdu celui que nous employons à vérifier scrupuleusement les opérations électorales, moi j’y vois un grand bénéfice pour la chose publique. L’importance que nous donnons aux élections fera réfléchir les électeurs sur cette même importance, et nous n’aurons pas la peine de ne voir dans beaucoup de collèges que le quart, le cinquième, et même moins, du nombre des électeurs, assister à l’une des opérations essentielles du gouvernement représentatif.
C’est surtout dans cette pensée que j’ai insisté hier pour qu’on ne procédât pas à la légère, et qu’on ne donnât aux hommes qui voulaient s’éclairer le temps d’examiner les questions avec maturité. Depuis hier, j’ai lu le rapport qui a été imprimé dans le Moniteur : je déclare que je ne l’avais pas lu auparavant, que je n’avais pas même examiné la question. J’ai eu à peine le temps, hier, d’examiner la partie qui concerne le premier scrutin ; je n’ai pas eu le temps d’examiner ce qui concerne le second ; je déclare que je n’ai pas encore ma conscience bien apaisée pour ce qui est relatif aux autres parties de l’élection. Il y a tant de choses graves dans le dossier, qu’il serait nécessaire que chacun de nous en prît connaissance. Quoiqu’il en soit, je vais exprimer mon opinion sur le premier tour de scrutin.
Messieurs, les membres de cette chambre, qui considèrent les dernières élections de Liége comme valables et non susceptibles de difficultés sérieuses, nous disaient la même chose des élections dont nous avons démontré toute l’irrégularité, et que la cour de cassation n’a pas hésité à condamner d’un avis unanime.
Cette première erreur, si évidente aujourd’hui pour tout le monde, et même pour la moitié de la chambre, qui n’avait rien négligé pour la faire consacrer en principe, doit nous mettre en garde et nous faire un devoir d’examiner avec prudence et maturité des difficultés sérieuses, mais dont l’issue n’est pas plus douteuse pour moi que la nullité des précédentes élections.
J’admets comme, certain que le nombre des votants était de 838 ; mais je ne puis admettre la réduction d’un bulletin, sous le prétexte qu’un des billets ne contient aucun nom, et qu’il n’est qu’un « état de dépenses, » ainsi que le qualifie le bureau central.
Il n’appartenait pas au bureau central d’annuler un des billets trouvés dans l’urne, alors même qu’il ne contenait aucun nom alors même qu’il serait en blanc. L’article 31 de la loi électorale ne consacre que deux chefs de nullité des bulletins ou votes ; c’est : 1° lorsque le votant se fait connaître ; 2° lorsque les bulletins ne sont pas écrits à la main. Ces bulletins n’entrent point en compte pour définir le nombre des votants, dit l’article 32.
Les articles 33 et 34 déclarent nuls, non point les bulletins, mais les suffrages qui ne portent pas une désignation suffisante.
C’est en confondant ces dispositions que le bureau principal a déclaré un bulletin nul, parce qu’il n’était, dit-il, qu’un état de dépenses ; il a évidemment fait une fausse application des articles 31 et 32 qu’il a violés.
Il est peu d’élections dans lesquelles on ne trouve des billets blancs ; ces billets représentent un votant, mais un votant sans suffrage utile pour personne. La loi a dû admettre ce mode d’exercer le droit électoral, par la raison toute simple qu’il offre aux votants le moyen d’échapper aux obsessions que les passions politiques peuvent faire surgir, et dont les élections de Liége nous fournissent un exemple frappant.
En donnant le droit de voter aux citoyens qui paient un cens déterminé, la loi ne leur a prescrit aucun mode d’exercer ce droit, elle ne l’a subordonné qu’à deux conditions prescrites par l’article 31. Dès lors qu’il s’est conformé à cet article, il doit nécessairement être compris au nombre des votants. Si son vote est sans résultat pour défaut de désignation suffisante ou pour toute autre cause, la loi n’y attache d’autre conséquence, si ce n’est que personne n’en profitera ; mais le bulletin n’en doit pas moins être compté parce qu’il est le représentatif du droit électoral qu’une loi accorde et que le bureau ne peut, sous aucun prétexte, écarter.
D’après ces considérations, qui seraient susceptibles de bien d’autres développements, je pense que le bureau central n’a pas pu retrancher du nombre des votants un bulletin sous prétexte qu’il n’était qu’un état de dépenses ; dès lors le nombre des votants est irrévocablement de 838 ; or, la majorité absolue de 838 est de 420.
M. Bex a, dit-on, obtenu 415 voix ; le bureau y a joint 3 voix, sous la dénomination de Laminne, rentier ; cette qualification de rentier pouvait s’appliquer à tout le monde, je ne pense pas qu’elle soit une désignation suffisante aux termes de l’article 34 ; il y a plus, c’est qu’on ne rencontre pas la particule nobiliaire qui est ici caractéristique de la position sociale distinctive de M. de Laminne. Il manquerait donc de ce chef trois voix à M. de Laminne.
Un quatrième vote lui a été compté sous le nom de de Laminne, rentier ; la particule peut ici faire disparaître le vague de la qualification de rentier ; mais dans cette supposition, et en admettant même que les trois suffrages dont nous parlons puissent lui être attribués, il lui manquerait toujours une voix qu’on lui a compté sous le nom de de Laminne, sans aucune autre qualification quelconque.
Toutes ces qualifications sont évidemment insuffisantes, aux termes de l’article 34 de la loi électorale ; et je ne puis me dispenser d’exprimer ici tout mon étonnement et même un sentiment plus pénible de l’extrême complaisance du bureau central à reconnaître cette qualification suffisante alors qu’aux précédentes élections il a annulé huit bulletins portant le nom de M. Tielemans, circonstance qui fit alors triompher M. Marcellis. Pour moi, il est évident que le bureau central a admis deux poids et deux mesures, ce que nous ne pouvons ratifier sans partager un reproche fondé de partialité.
Une pétition, du 10 de ce mois, signée par des hommes honorables, atteste que, dans toute la province de Liége, il n’y a personne qui porte le même nom de Tielemans ; cependant vous n’avez pas réformé la décision du bureau de Liége dans cette circonstance. En supposant tout gratuitement qu’on puisse repousser ces moyens de nullité, il en est un autre qui, à mes yeux, est décisif.
Le procès-verbal de la quatrième section porte : « Il a été procédé à la vérification du nombre des bulletins, qui a été trouvé se monter à 208, nombre supérieur à un à celui des électeurs inscrits. »
Il me semble que ce tour de scrutin devait être annulé et recommencé, car l’article 29 exige que le nombre des bulletins sera vérifié avant le dépouillement. A moins de considérer cette disposition comme frivole et tout à fait oiseuse, il faudra bien reconnaître qu’elle entraîne l’obligation de recommencer l’opération. S’il en était autrement, si l’on pouvait méconnaître cette nécessité, il n’y aurait pas de raison pour ne pas admettre complaisamment un double vote en faveur de tous les protégés, et l’on pourrait ainsi trouver 25 ou 30 bulletins en double emploi. Que ferait-on dans pareille circonstance ? On devrait nécessairement recommencer l’opération. Eh bien, ce qui est incontestable pour cette hypothèse doit l’être également lorsque le nombre est supérieur d’un seulement, car les principes sont les mêmes, et c’est le principe qu’il faut ici faire respecter, à péril d’arriver à des abus qui pervertiraient et la loi et le système électoral.
En supposant que vous puissiez admettre une complicité d’indulgence et considérer le scrutin comme valable, que ferez-vous du vote qui été trouvé supérieur au nombre des votants ? Vous devez nécessairement le retrancher du nombre de celui des candidats à qui il pourrait servir pour arriver à la chambre, puisqu’il n’est pas certain qu’il représente réellement un électeur, et que vous avez même la certitude, ou au moins, la présomption légale, ce qui est la même chose, qu’il ne représente un ayant-droit de voter. Or, d’après les calculs qui précèdent, il est évident qu’en ôtant une voix à M. de Laminne-Bex, il cesse d’avoir la majorité absolue ; il doit donc être repoussé.
Enfin le premier tour de scrutin est encore vicié par la participation de M. de Sauvage, qui, aux termes de l’article 107 du code civil, a perdu son domicile dans la province de Liége, en acceptant les fonctions de vice-président à la cour de cassation.
On invoquerait en vain la permanence des listes électorales, car si la loi a établi clairement cette permanence qu’on a contestée avec tant de persistance et même d’aigreur, elle a aussi admis des exceptions, et la cour de cassation elle-même l’a proclamé. Voyez à quelle absurdité conduirait le système de ceux qui prétendent établir aujourd’hui une permanence, une immobilité absolue. Un échappé des galères, ou si l’on veut un contumace, ou un négociant déclaré en état de faillite, devrait être admis à voter par la seule raison qu’il se trouve sur la liste imprimée. Il serait sans doute absurde de prétendre qu’ils ont pu voter. L’absurdité n’en est pas moins grande dans l’admission de M. de Sauvage, car si d’un côté il y a des dispositions judiciaires qui frappent l’électeur d’impuissance, quoique inscrit sur la liste permanente, il y a pour M. de Sauvage une disposition expresse de la loi (l’article 107 du code civil) qui le frappe de la même impuissance, par le seul fait de son acceptation des fonctions, qui transfère de plein droit son domicile dans la province du Brabant.
La main sur la conscience, je déclare que nous nous devons d’annuler les élections de Liége. Ne croyez pas qu’on dégoûte les électeurs de se rendre aux élections ; au contraire, plus nous mettrons de persistance à faire respecter la loi, plus les électeurs mettront, pourrais-je dire, d’acharnement à remplir leur devoir. Je désire qu’on mette de l’acharnement dans l’exercice du droit électoral ; c’est le thermomètre de la vie politique ; c’est là qu’on peut voir s’il existe encore du patriotisme. Si vous annulez les élections de Liége, vous aurez la troisième fois un nombre d’électeurs plus grand qu’à la seconde, car à la seconde élection il y avait davantage d’électeurs qu’à la premier.
Je terminerai ici et ne ferai pas valoir des observations relatives aux personnes. On sait, messieurs, que c’est l’administration elle-même qui, dans les élections de Liége conspire contre M. Tielemans. M. Tielemans, banni pour notre cause, qui n’est rentré dans ce pays que pour exposer sa tête à la brutalité du roi Guillaume, c’est lui qu’on veut sacrifier aux prétentions d’une coterie qui perdra le gouvernement en se perdant elle-même ! Oui, si je devais donner un vote d’affection, ce serait M. Tielemans qui le recevrait ; mais comme ce ne sont pas nos penchants que nous devons consulter, que c’est la loi qui doit nous servir de guide, je n’ai voulu dans la discussion faire usage d’aucune considération personnelle.
M. Dubus. - Messieurs, je ne suivrai pas le préopinant dans une partie des considérations qu’il a fait valoir, tout en déclarant qu’elles devaient être écartées, et que lui-même les écartait et ne s’attachait qu’à la loi pour déterminer son vote : c’est précisément parce que je m’attacherai à la loi et aux faits que je m’abstiens de répondre à ces considérations tout à fait étrangères à la question.
Un grand nombre de critiques ont été élevées contre la validité des dernières élections de Liège ; une partie de ces critiques, la commission en a déjà fait justice : elle a écarté à l’unanimité un moyen qui aurait été assurément le plus grave de tous, si la question avait été encore entière, mais qui tombe absolument, parce que cette question n’en est plus une maintenant, d’après les antécédents de la chambre et l’arrêt de la cour de cassation, qui ont suffisamment fixé le sens de la loi ; sur ce moyen, je m’en réfère à ce qu’a dit la commission dans son rapport.
Il reste, en ce qui touche l’élection de M. de Laminne-Bex, plusieurs moyens qui se réduisent à un seul, celui de savoir si M. de Laminne a obtenu la majorité absolue ; car tout tend là en définitive.
Selon le procès-verbal du bureau principal, le recensement général des votes donne un total de 838 électeurs ; mais dans cette récapitulation on a porté à 207 le nombre des votants de la section quatrième, et le rapport de votre commission vous fait remarquer que, selon le procès-verbal de la quatrième section, le nombre des électeurs était à la vérité de 207, mais que le nombre des bulletins s’élevait à 208. De là il suit que si vous comptez d’après le nombre des bulletins, le total général des électeurs serait de 839 au lieu de 838.
Il résulte aussi des procès-verbaux qu’il se trouvait un bulletin qui n’a pas été compté ; c’était un morceau de papier sur lequel était écrite une note d’auberge, morceau de papier évidemment nul comme bulletin ; car on ne peut pas prétendre qu’un morceau de papier quelconque devient bulletin par cela seul, qu’il a été mis dans l’urne.
Il s’est trouvé aussi un billet sur lequel se trouve inscrit le nom dérisoire de Rococo. Voilà deux billets dont je fais abstraction, que je considère comme nuls à titre de bulletins ; cela réduit le chiffre total des électeurs à 837.
Remarquons bien, messieurs, que la question de chiffres n’a pas toute l’importance qu’on a voulu lui donner. Si vous prenez le chiffre le plus élevé, 839, la majorité absolue sera 420, nombre égal aux suffrages obtenus par M. de Laminine-Bex. Dans ce cas il n’y a à examiner que si toutes les voix obtenues par M. de Laminne sont bien au nombre de 420.
Si vous fixez le nombre des votants à 837 ou à 838, vous verrez que la question relative à la validité du vote de M. de Sauvage devient tout à fait oiseuse.
Du chiffre 839 il y a deux bulletins à retrancher ; à cela on objecte l’article 31 de la loi électorale, et l’on argumente de cet article comme s’il était limitatif. D’abord je demanderai ce que l’on fait des billets blancs ? On dit qu’il faut les compter comme bulletins ; cependant il n’y a aucune élection où les billets blancs n’aient été considérée comme nuls ; ce sont en effet des billets déposés par des personnes qui ne veulent pas voter, qui s’abstiennent de voter ; ce ne sont pas des votes. Eh bien, un billet tout à fait insignifiant, tout à fait étranger à l’élection, ne peut pas non plus être considéré comme un bulletin.
Il en est de même encore d’un billet sur lequel se trouverait une dénomination dérisoire et que l’on ne peut appliquer à personne. Celui qui a déposé uns pareil billet s’est abstenu de voter.
Annulant ces deux billets, le chiffre de 839 se réduit évidemment à 837, et la majorité absolue est 419 ; or, M. de Laminne-Bex a obtenu 420 voix.
Je suppose actuellement que vous considériez que M. de Sauvage ne pouvait pas prendre part à l’élection de Liége ; il y a, dans ce cas, lieu à annuler son vote ; ainsi, il faut déduire une voix de celles obtenues par M. de Laminne ; il lui en reste 419, or la majorité absolue est aussi 419. Elle pourrait même être moindre ; car si l’on déclare nul le suffrage de M. de Sauvage, il faut retrancher une voix sur le chiffre total, ce qui donne pour reste 836 votants.
Il me semble démontré que la question élevée sur la validité du vote de M. de Sauvage devient oiseuse.
Je ne partage pas l’opinion du préopinant et l’opinion de la commission relativement au droit de voter qu’on dénie à M. de Sauvage. C’est dans l’article 10 de la loi électorale que l’on trouve que M. de Sauvage ne devait pas voter ; mais cet article ne dit pas un mot de ce qu’on lui fait dire.
On a parlé aussi de l’article 5 de la loi, et on a demandé si un condamné à des peines afflictives ou infamantes par cela seul qu’il avait été porté sur la liste avant sa condamnation, conserverait le droit de voter. Je n’ai pas besoin de répondre à cette question ; il me suffit de faire remarquer la différence de rédaction des deux articles 5 et 19 de la loi. L’article 5 dit : « Ne peuvent être électeurs… » : il prononce une incapacité, il est substantiel. L’article 19, quoi qu’on dise, est purement réglementaire ; il ne prononce ni explicitement, ni virtuellement, aucune incapacité : mais, par l’extension et l’interprétation qu’on lui donne, on veut créer une incapacité qui ne se trouve pas dans la loi. Voilà ce que l’on veut faire.
La rédaction de l’article 19 s’explique facilement lorsqu’on le rapproche de l’article 18. De quoi est-il question dans l’article 18 ? De la réunion ordinaire des collèges électoraux ; et la révision des listes vient précisément d’avoir lieu quand on procède à cette réunion. Les listes sont rédigées en avril ; les publications, les réclamations, le jugement de ces réclamations prennent le mois de mai ; au mois de juin, les collèges sont convoqués.
On n’a pas pu supposer que, dans ce court intervalle de quelques jours entre la clôture de la liste et la réunion ordinaire des collèges électoraux, des électeurs auraient changé de domicile ; il est donc tout simple que le législateur n’ait pas prévu ce cas et se soit exprimé comme il l’a fait dans l’article 29.
Quant à ce qui concerne les élections extraordinaires, l’article 11 est extrêmement précis : il dit que les listes dressées serviront de base à ces élections. Ainsi, cet article dit que M. de Sauvage devait être convoqué pour les élections de Liége, puisqu’il est inscrit sur la liste ; de ce qu’il devait être convoqué, il devait voter.
Dans le système de la majorité de la commission, on n’aurait pas même dû soutenir que M. de Sauvage avait perdu son droit électoral ; on aurait dû dire que M. de Sauvage devait être rayé d’une liste et être inscrit sur une autre. Mais il ne pouvait être inscrit sur la liste de Bruxelles que l’année prochaine ; ainsi il ne devait être rayé de la liste de Liége que l’année prochaine.
Que dit la loi électorale ? « La liste des électeurs est permanente, sauf les radiations et les inscriptions qui peuvent avoir lieu lors de la révision annuelle. » Les radiations et les inscriptions ne peuvent donc avoir lieu dans l’intervalle d’une révision à l’autre. Il suffit de montrer la loi pour démontrer à la commission qu’elle est dans l’erreur.
Je ne dirai plus qu’un mot sur la question relative à M. de Sauvage. Jusqu’ici il ne s’était élevé aucun doute sur cette question, M. de Sauvage n’est pas le seul qui, par suite d’acceptation de fonctions inamovibles, ait changé de domicile dans le cours d’une année ; ailleurs, comme à Liége, on n’a pas fait de réclamations contre le vote de ces fonctionnaires ; à Liége ce n’est que quand le résultat des élections a été connu qu’a surgi cette réclamation. Je crois donc que par toutes sortes de motifs, il n’y a pas lieu à prendre en considération le moyen de nullité tiré du vote de M. de Sauvage.
Reste le moyen d’après lequel on prétend que 5 voix comptées à M. de Laminne ne contenaient pas désignation suffisante : c’est là toute la question.
Cette question, messieurs, est tout à fait une question de conscience ; c’est comme jury que vous avez à prononcer. Vous avez à apprécier les faits et à vous demander en votre âme et conscience si les 5 voix ont été données, oui ou non, à M. de Laminne. Personne jusqu’ici n’a indiqué qu’il existât ni à Liége, ni ailleurs, un M. de Laminne ; alors à quoi servait d’accoler à son nom celui de Bex, si la première désignation ne s’applique qu’à un seul individu ?
Mais, disent les auteurs de la pétition lesquels sont de Liège, il est possible qu’il y ait un autre Laminne, quelque part. Si l’on admet une pareille argumentation pour annuler une élection, je déclare, pour ma part, qu’on peut annuler toutes les élections ; car on pourrait toujours douter de la suffisance des désignations.
Les pétitions que nous avons vues signalent pourtant que d’autre individus (ici je m’empresse de rectifier une erreur qui m’était échappée) portent le nom de de Laminne ; mas ces individus sont des femmes, et sans doute qu’on n’a pas voulu les envoyer à la chambre des représentants. (On rit.)
Je suppose cependant qu’on a pu trouver un autre de Laminne dans quelque coin obscur du pays, et je n’en resterai pas moins persuadé que les voix données à Liége ont été données à M. de Laminne-de Bex, et point à un autre ; car si cet autre de Laminne a été difficile à trouver, qui donc a pu vouloir le nommer ?
J’opposerai encore aux partisans de l’annulation deux considérations : 1° Dans une ville où M. de Laminne est tellement connu que, selon l’opinion générale, il n’y a que lui de ce nom, croyez-vous que si on avait voulu en désigner un autre, on n’aurait pas mis une désignation qui fît reconnaître cet autre de Laminne.
2° S’il existe un électeur qui, par le nom de de Laminne, ait voulu désigner un autre candidat que M. de Laminne-Bex, pourquoi cet électeur n’a-t-il pas élevé la voix contre le résultat de l’élection ? Aucune réclamation de ce genre ne s’est fait entendre.
En voilà plus qu’il n’en faut pour déterminer votre vote. Je me prononcerai en conséquence, contre les conclusions de la commission et pour la validité de l’élection de M. de Laminne.
En terminant, je dois pourtant répondre à certaines observations présentées par le préopinant. Il a accusé de partialité les membres du bureau de Liége ; mais, comme je trouve dans les pièces la réfutation de cette attaque, je dois la faire remarquer.
On dit, messieurs, que dans les précédentes élections de Liége plusieurs bulletins portant le nom de Tielemans ont été annulés, et que si l’on avait compté ces voix-là, le résultat eût été différent, et que M. Tielemans aurait été élu. D’abord, je vous ferai remarquer une chose : c’est que ces voix, au nombre de 7 ou 8, n’auraient pas empêché de faire déclarer les élections nulles, lors même que M. Tielemans eût été élu. Quand on a prononcé l’annulation des élections de Liége, on n’a fait acception de personne ; on a annulé parce que 17 personnes avaient voté, quoique n’en ayant pas le droit.
En second lieu, si l’on avait déclaré valables les 7 ou 8 voix de M. Tielemans, on aurait également accordé 7 ou 8 voix de plus à M. Kaufman, et le ballottage aurait encore eu lieu entre ces deux candidats ; mais il y a une grande différence entre ce cas et celui qui nous occupe : il n y a qu’une seule personne du nom de Laminne, tandis que hors de Liège il y a plusieurs personnes portant le nom de Tielemans ; c’est ce qui a porté à annuler les bulletins sur lesquels il n’y avait que le nom de Tielemans, sans autre dénomination.
M. H. de Brouckere. - Messieurs, je vais à mon tour examiner quelques-unes des questions que présentent les élections de Liége. J’apporterai dans cet examen, j’en prends ici l’engagement, du calme et de l’impartialité. Ces questions sont de véritables questions de droit ; je les traiterai comme les traiterait un juge appelé à dévider un procès. Si je pouvais écouter une autre voix que celle de la justice et de ma conscience, si je pouvais me déterminer d’après mes sentiments, mon vote ne serait pas défavorable à M. de Laminne, avec qui j’ai eu l’honneur autrefois d’entretenir quelques relations, et en qui j’ai toujours trouvé un homme d’honneur et un homme instruit. Je le verrais donc avec plaisir se ranger au nombre de mes collègues ; mais aujourd’hui, comme à l’occasion des dernière élections, alors qu’il s’agissait d’un homme pour lequel je professe non seulement une profonde estime, mais une amitié véritable ; alors qu’il s’agissait de l’honorable M. Kaufamm que je regrette que les électeurs de Liége ne nous aient pas renvoyé ; aujourd’hui encore je ferai abstraction des personnes pour ne m’occupez que des choses, et je me prononcerai d’après la loi et ma conscience.
L’honorable préopinant a trouvé une manière de raisonner, à l’aide de laquelle il lui a été très facile de soutenir la validité de l’élection. Il a commencé d’abord par changer le chiffre total des voix, reconnu être le chiffre réel par le bureau principal de Liége et par la commission prise dans votre sein, pour après tirer de ses calculs à lui des conséquences qui sont devenues très claires et très simples. Et comment s’exprime l’honorable M. Dubus ?
Il annule, de sa propre autorité, deux bulletins ; le premier parce qu’il ne désigne aucun individu, et le second parce qu’il porte le nom de M. Rococo. (On rit.) Je pense moi que ces deux bulletins, celui qui ne désigne aucun nom et contient un compte d’auberge, aussi bien que celui qui porte M. Rococo, doivent être comptés dans le chiffre total des votants, et je voudrais bien que l’honorable M. Dubus se fût appuyé pour soutenir son opinion d’un texte de loi, comme je vais le faire pour appuyer la mienne.
Prenez à la main la loi électorale, et vous verrez qu’il n’y a que deux cas où les bulletins peuvent être déclarés nul. « Art. 31. Les bulletins dans lesquels le votant se ferait connaître sont nuls, ainsi que ceux qui ne sont pas écrits à la main. »
C’est là une véritable punition qu’on inflige aux personnes qui, contrairement au vœu, à l’esprit et même au texte de la loi, déposeraient dans l’urne un bulletin signé ou imprimé ; mais hors ces deux cas, je ne crois pas que l’on parvienne à m’indiquer une disposition de la loi électorale qui autorise à annuler un bulletin.
- Ici, M. Pirmez adresse quelques mots à l’orateur, que nous n’entendons pas.
M. H. de Brouckere. - Je vous prie de ne pas m’interrompre, comme je prie les membres qui sont derrière moi de ne pas murmurer. On accueille d’une manière vraiment étonnante les développements qui sont donnés dans un sens, tandis qu’on écoute avec la plus grande attention ceux qui sont donnés dans un sens contraire. Je demande qu’on veuille bien faire un peu de silence, car sans cela il m’est impossible de traiter des questions si compliquées et si difficiles.
(Après cet incident l’orateur continue en ces termes :) Je dis, messieurs, qu’il faut faire une différence entre un suffrage que l’on ne compte point et un bulletin nul. Je vous ai cité les deux cas où les bulletins sont nuls. Voici maintenant pour les suffrages. L’article 34 de la loi électorale dit : « Sont nuls tous les suffrages qui ne portent pas une désignation suffisante. Le bureau en décide comme dans tous les autres cas, sauf réclamation. »
Qu’est-ce à dire, messieurs ? C’est que, si l’on trouve dans l’urne un bulletin n’indiquant pas un individu d’une manière précise, ou portant le nom d’une personne que l’on ne connaît pas, ce bulletin ne doit profiter à aucun des candidats ; mais il doit être compté dans le chiffre total des votants. Ainsi les deux bulletins dont on a parlé, nous ne les compterons à l’avantage d’aucun des candidats, mais nous devons les comprendre dans la supputation totale, parce qu’ils ont été déposés dans l’urne par des électeurs et qu’il faut la majorité de tous les électeurs présents et ayant voté. Je vous avoue que ce raisonnement me paraît tellement clair, que je ne conçois pas qu’on puisse soutenir l’opinion contraire.
M. Dubus a prétendu qu’on ne devait cependant pas compter les billets blancs. Je ne partage point son opinion. Il a beau dire que s’abstenir ce n’est pas voter. Je dis, moi que déposer un billet, c’est voter et non pas s’abstenir. Voulez-vous que je vous en donne la preuve ? Je suppose qu’on eût trouvé un billet portant le nom de M. de Laminne, et au-dessous celui de Rococo. Eh bien ! on aurait compté ce billet pour deux voix, on aurait attribué M. de Laminne à M. de Laminne et Rococo à personne. En voulez-vous une autre ? Notre règlement permet aux membres de la chambre de s’abstenir. Mais ne compte-t-on point ceux qui s’abstiennent aux nombre des votants ? Par exemple, on va aux voix sur une question en présence de 54 membres. 51 se prononcent pour et 3 s’abstiennent. L’objet en délibération est adopté, quoique 51 membres ne suffisent pas pour prendre une décision. Or, les deux cas sont absolument identiques.
Qu’ont fait les deux électeurs ? Ils ont déposé dans l’urne deux bulletins qui ne doivent être comptés à personne, mais auxquels on doit avoir égard pour établir l’ensemble des voix.
Maintenant que j’ai répondu à l’honorable M. Dubus, je vais continuer et examiner quelques-uns des griefs qu’on a signalés. Je commence par celui relatif à M. de Sauvage.
L’article 107 du code civil s’exprime ainsi : « L’acceptation de fonctions conférées à vie emporte translation immédiate du domicile du fonctionnaire dans le lieu où il doit exercer ses fonctions ; » et l’article 19 de la loi électorale : « Les électeurs se réunissent au chef-lieu du district administratif dans lequel ils ont leur domicile réel. »
Comment faut-il raisonner en présence de ces deux dispositions si claires et si formelles ? Les fonctions de président à la cour de cassation sont certes des fonctions à vie : l’acceptation de semblables fonctions entraîne donc la translation immédiate du domicile le celui qui les accepte à Bruxelles. Le chef-lieu du district administratif de Bruxelles étant Bruxelles et non Liége, il s’ensuit qu’un président de la cour de cassation ne peut être admis à voter à Liége. Il me semble qu’il est impossible de faire un raisonnement plus juste, plus concluant, plus logique : vous avez beau venir avec des objections ; elles sont impuissantes devant les textes formels de deux lois.
Permettez-moi, messieurs, puisqu’il s’agit ici d’une question de droit, de vous citer deux axiomes de droit. Le premier dit qu’il n’y a pas de sagesse plus sotte que celle qui veut paraître plus sage que la loi. « Nulla est sapientia stultior quam quae lege vult sapientior videri. » C’est un principe fort juste et qui trouve fort bien son application ici.
Voici maintenant le second axiome : Il faut s’en tenir aux expressions quand elles ne présentent aucun doute. « Verbis standum ubi nulla ambiguitas. »
Eh bien, ici il n’y a aucun doute dans les expressions des textes que j’ai cités. Elles sont, au contraire, très expressives et très formelles. Qu’ai-je donc besoin d’interpréter la loi ? Elle est claire. Si son application présente des inconvénients, qu’on la change ; mais aussi longtemps que ses dispositions subsistent, il faut les respecter.
Mais quels sont donc, d’ailleurs, ces inconvénients ? C’est que dans certains cas, un individu réunissant les qualités exigées pour pouvoir être électeur, ne pourra voter à une élection extraordinaire ; et, dit-on, il est dépouillé d’une qualité qu’il exerce de plein droit.
Mais je nie qu’il exerce cette qualité de plein droit, et il n’en est même jamais ainsi. On ne l’exerce que lorsque l’on y est autorisé par la loi. Ainsi, par exemple, il ne suffit pas, quoi qu’en dise l’article premier de la loi électorale, d’être Belge, d’être âgé de 25 ans et de payer le cens pour être électeur ; il faut encore être inscrit sur la liste dans le temps voulu. Vous voyez que dans ce cas des personnes réunissant toutes les conditions exigées ne peuvent cependant exercer leurs droits électoraux. C’est le cas où se sont trouvés 17 électeurs aux élections précédentes de Liége, et où se trouvent 18 autres pour celles qui nous occupent. Il en est de même dans l’hypothèse que nous discutons. Bien qu’il réunisse les conditions requises pour être électeur, celui qui a changé de domicile n’en exerce pas les droits jusqu’au moment où il est inscrit sur la liste permanente de son nouveau domicile. L’inconvénient est d’autant moins grand que ce n’est qu’à une élection extraordinaire, ce qui ne se présente pas souvent, qu’il pourra être privé de prendre part, puisqu’il lui aura été loisible de se faire inscrire avant l’époque de l’élection ordinaire.
J’aborde maintenant la question des bulletins ne portant pas de désignation suffisante. Dans la première section, deux bulletins portaient M. de Laminne rentier, et un, M. de Laminne. A la troisième section un bulletin portait M. Laminne : car remarquez ceci, messieurs, bien que dans le rapport on ait fait entendre qu’il y avait doute sur la question de savoir si ce bulletin contenait le nom de de Laminne ou bien celui de Laminne, j’ai vérifié, moi-même, le procès-verbal de la troisième section, et je me suis assuré que le bulletin en question portait simplement Laminne.
La première section a admis les trois bulletins dont j’ai parlé, quoiqu’ils fussent douteux et cette décision est d’autant plus de nature à nous étonner que peu de temps auparavant le bureau avait annulé huit bulletins portant le nom de M. Tielemans ; on ne connaît pas cependant d’autre Tielemans à Liége que M. Tielemans, ex-gouverneur ; et ce qui est plus certain, c’est qu’il n’y avait pas d’autre Tielemans dont on eût parlé pour les élections. Il n’y avait donc aucun doute que ce bulletin se rapportait à M. Tielemans ex-gouverneur. Le bureau a dit : il y a doute, et dans le doute nous devons annuler les bulletins. Soit ; mais soyez au moins conséquents avec vous-mêmes. N’admettez pas que de Laminne rentier et Laminne soient la même chose que de Laminne-Bex, exploitant. Il y a encore une plus grande différence ici qu’entre M. Tielemans tout seul et M. Tielemans, ex-gouverneur.
Mais le troisième bureau, plus conséquent, plus sage que le premier, a trouvé que la désignation de M. Laminne devait se rapporter à un autre individu, et cela paraît bien naturel. Je dirai même que je mets dans la même catégorie les autres billets dont j’ai parlé et portant de Laminne rentier et de Laminne.
Vous le savez tout aussi bien que moi. D’ordinaire on n’ajoute à son nom celui de sa femme que pour autant qu’on veuille se distinguer d’autres personnes homonymes. Or, je vous demande à quoi servirait que M. de Laminne, qui pendant 25 ans a été connu sous ce nom, y eût ajouté celui de Bex, s’il n’avait pas su qu’il y avait d’autres de Laminne ? Il faut supposer que c’est là le motif qui l’a déterminé à faire cette addition. En second lieu on ne donne la qualification de rentier qu’à celui qui n’a aucun état connu. Comment donc être sûr (car il faut être certain) que celui qui a écrit M. Laminne tout court ou M. de Laminne rentier a voulu désigner M. de Laminne-Bex, exploitant ? Cependant l’article 34 de la loi électorale veut que les suffrages portent une désignation suffisante. Ne partagez-vous pas, messieurs, l’opinion du troisième bureau qui a trouvé que M. Laminne n’était pas une désignation suffisante ?
Mais une chose vraiment extraordinaire, une chose dont on n’avait pas jusqu’ici vu d’exemple, c’est la conduite du bureau principal à cet égard. La troisième section décide d’une manière formelle que M. Laminne n’est pas le même individu que M. de Laminne-Bex exploitant. C’était à ce bureau qu’il appartenait de décider la question. Or, pour vous montrer combien sa décision est formelle, lisez son procès-verbal et vous verrez qu’il entend expressément qu’il n’y a pas identité, puisqu’il porte que le dépouillement du scrutin donne pour résultat :
1° M. de Laminne-Bex, exploitant, a obtenu 119 voix ;
2°…
3°…
8° M. Laminne, rentier, 1 voix.
Selon le bureau, M. de Laminne-Bex, exploitant, et M. Laminne, rentier, sont donc deux individus distincts.
Cependant le bureau principal, de sa propre autorité, réforme cette décision et en porte une contraire. Il y a ici abus de pouvoir, et certes ce n’est pas nous qui devons tolérer de pareils actes ; nous devons plutôt, par le respect que nous montrons pour la loi, empêcher qu’ils ne se renouvellent à l’avenir.
Toutefois on cherche à arranger tout cela et on vous dit : Oui, le bureau principal a commis un abus de pouvoir, et il a eu tort ; il n’avait pas le droit de réformer la décision d’un bureau et d’en porter une autre. Mais vous, messieurs, vous êtes omnipotents, et si vous croyez que le bureau principal a bien agi, portez vous-mêmes la décision que ce bureau n’avait pas le droit de rendre. Si vous êtes convaincus que Laminne est bien le même que de Laminne, déclarez-le.
Vous ferez, messieurs, ce que votre conscience vous dictera ; mais quant à moi je proteste que je ne l’ai nullement cette conviction. Je tiens de très bonne source qu’il y a à Tongres un M. Laminne. C’est un individu obscur, dit l’honorable M. Dubus. Je réponds : pas si obscur, car il est marguillier. (Rire général).
Je crois que M. de Laminne de Liége est aussi marguillier. (Nouvelle hilarité.) De sorte qu’il y aurait quelque chose de singulier à décider que Laminne signifie plutôt de Laminne, exploitant et marguillier à Liége, que Laminne, marguillier à Tongres.
Mais, a objecté M. Dubus ; si l’électeur avait voulu désigner cette dernière personne il aurait mis sur son bulletin M. Laminne de Tongres.
Je ne vois pas pourquoi, s’il avait voulu désigner M. de Laminne-Bex, exploitant, il n’aurait pas mis une désignation plus exacte. Je rétorque l’argument à l’honorable préopinant et je dis : Pourquoi l’électeur n’a-t-il pas déposé dans l’urne un bulletin plus clair, puisqu’il voulait nommer M. de Laminne-Bex, dont les journaux avaient parlé si souvent ?
Il y a donc doute pour ce bulletin, et quand il y a doute, il ne peut être donné plus à l’un des candidats qu’à l’autre.
On vous a dit encore que vous étiez omnipotents, et que vous étiez libres de déclarer la désignation suffisante. Voulez-vous voir où mènerait une pareille doctrine ? Admettez-la et tout à l’heure on viendra s’appuyer de pareils raisonnements pour d’autres points. Par exemple, il y a un bulletin sur lequel se trouve écrit Rococo. M. de Theux nous assure qu’il n’y a pas d’individu du nom de Rococo, et que c’est un mot dérisoire, un sobriquet. Je veux bien le croire ; mais je suppose que ce sobriquet s’applique à tel ou tel individu, et ne s’applique qu’à lui seul ; croyez-vous que le bureau pourrait-dire, se fondant là-dessus, qu’il y a désignation suffisante, et adjuger cette voix à l’individu en question ? M. de Theux a puisé hier dans un almanach que l’on donnait indistinctement à M. de Laminne-Bex les qualifications d’exploitant et de rentier ; tantôt on puisera dans quelque petit journal la preuve que M. Rococo veut évidemment désigner un autre candidat. N’y a-t-il pas, messieurs, dans ces deux raisonnements un même arbitraire, une égale absurdité ?
Les développements dans lesquels je viens d’entrer m’ont donné la conviction la plus entière, et je déclare que je regarde les dernières élections comme plus absolument nulles encore que celles qui les ont immédiatement précédées.
Mais il y a encore d’autres épisodes. Par exemple, il résulte du procès-verbal de la quatrième section qu’on a découvert, lors du dépouillement du scrutin, qu’il y avait un vote de plus que de votants. Dans une semblable hypothèse, quel est le devoir d’un bureau ? C’est de faire immédiatement procéder à de nouvelles élections. Je crois même pouvoir dire que le cas s’est déjà présenté à Liége et qu’on en a agi ainsi. L’honorable M. Raikem, qui était intéressé dans l’élection dont il s’agit, pourra nous donner des renseignements à cet égard. Toujours est-il qu’on m’a assuré qu’un cas identique s’était présenté à Liège et que le bureau, comprenant son devoir, avait fait annoncer publiquement que le scrutin était nul et qu’on allait procéder à un nouveau.
La quatrième section n’en a pas jugé ainsi. Elle s’est contentée et tout bonnement de dire que, par suite du dépouillement du scrutin, elle avait eu la preuve qu’il y avait un bulletin de plus que le nombre des votants. D’où il suit nécessairement qu’on a compté un vote de plus qu’on ne devait en compter ; car il n’appert nullement que le bureau principal ait fait la soustraction de ce vote, et il ne pouvait la faire, car il ne savait pas auquel des bulletins elle devait s’appliquer.
C’est donc une opération évidemment nulle. Mais, dit-on, ce bulletin de trop est peut-être celui qui portait un compte d’auberge. Je n’en ai pas la preuve et je suis même confirmé dans l’opinion contraire, parce que je vois que le bureau principal parle de ce compte d’auberge, tandis que les bulletins de la quatrième section n’existaient plus ayant été brûlés.
Messieurs, je m’arrête ici. Je ne veux point traiter la question très délicate abordée par M. Gendebien et ensuite par M. Dubus relativement à la conduite du bureau principal de Liége. Je ne veux pas examiner s’il y a eu dans cette conduite partialité ou impartialité, bonne ou mauvaise foi. Je ne dis qu’une chose, c’est que ce bureau a agi d’une manière tout à fait extraordinaire, et qu’il a excédé ses pouvoirs. Il est impossible de ne pas le blâmer. Voyez par exemple cette décision,, et dites-moi si c’est ainsi que vous agiriez, si vous étiez membres d’un bureau principal. Voici cette décision :
« Le bureau a déclaré à l’assemblée qu’il serait statué après le recensement général des votes, si le cas l’exigeait, sur la validité des suffrages portant les noms de Tielemans, Ernst, professeur à l’université, Ernst jeune, Erneste jeune, Eernt, de Laminne-Bex, exploitant, M. de Laminne, rentier, M. de Laminne, Marcellis, Marcellis avocat, Ch. Marcellis, avocat, C. Marcellis, et généralement sur tous autres suffrages qui seraient de la même catégorie. »
Messieurs, ce n’est pas après le recensement général des votes qu’on discute de pareilles questions, et la délicatesse prescrivait au bureau de les décider avant de savoir quelle influence elles pouvaient avoir sur l’élection du candidat favori ou d’un autre. Evidemment, cette manière d’agir a pu donner lieu à des soupçons de partialité. Si le bureau avait compris son devoir, s’il avait été délicat, il aurait agi comme les autres et décidé immédiatement les questions. Je crois, messieurs, que vous jugerez dans votre conscience les conséquences de cette conduite. Quant à moi, je suis convaincu que les élections de Liége sont nulles ; mais s’il me restait un doute, il me suffirait de cette considération pour les déclarer telles, puisqu’il n’y a plus d’impartialité.
M. Deleeuw. - Je ne prolongerai pas cette discussion. J’étais disposé à renoncer à la parole après le discours de l’honorable M. Dubus. Il me semble que là toutes les difficultés sont appréciées à leur juste valeur. Quelque talent qu’ait montré le préopinant, je ne vois pas qu’il y ait répondu d’une manière victorieuse.
Cependant l’honorable M. de Brouckere a touché un point sur lequel il me semble complétement errer ; c’est relativement à l’acte de voter. Il s’agit de constater le but du vote. L’honorable préopinant a dit que déposer dans l’urne un papier, quel qu’il fût, c’était voter. Je demande, à mon tour, ce que signifie l’acte de voter : c’est donner un suffrage à quelqu’un ; car, si je dépose un billet contenant un compte d’auberge ou d’apothicaire, je ne donne pas mon suffrage, et par conséquent je ne vote pas. Je défie qu’on me réponde logiquement sur ce fait.
Quant à M. de Sauvage, il est sans doute fort commode de priver un électeur pour quelque temps de l’exercice de ses droits ; mais je ne crois pas qu’on puisse lui ôter cette qualité, à moins qu’un texte formel de loi ne dise qu’en acceptant telles ou telles fonctions qui changent le domicile, on perd cette même qualité. Je pense donc que, d’après la jurisprudence établie par la chambre et par la cour de cassation, il pouvait voter à Liége.
Pour ne pas prolonger la discussion, je renonce à la parole.
M. Jullien. - Messieurs, d’après la manière tant soit peu brusque dont on a abordé la discussion, et la crainte que j’ai qu’une affaire aussi compliquée n’ait pas été bien comprise, j’éprouve le besoin de soumettre à la sagesse de la chambre les motifs qui ont déterminé l’opinion de la majorité dont j’ai fait partie.
Les pétitionnaires ont présenté six griefs ; je les examinerai successivement et tâcherai de porter dans la discussion toute la clarté qu’il me sera possible.
Le premier grief consiste à dire que les pétitionnaires, quoique électeurs et inscrits sur les listes supplémentaires, n’ont pas été convoqués.
Qu’on a violé à leur égard l’autorité de la chose jugée ;
Que, d’après l’article 23 de la loi électorale, le bureau était tenu de les admettre, puisqu’ils rapportaient une décision de la députation permanente ; décision qui n’avait pas été attaquée dans les délais de la loi.
Votre commission, après avoir mûrement examiné ce grief, n’a pu l’admettre.
Si les pétitionnaires n’ont pas été convoqués, ils ne devaient pas l’être, d’après l’article 11, puisqu’on ne doit convoquer que ceux qui sont portés sur la liste permanente.
Ils parlent de la chose jugée ; mais, pour qu’il y ait chose jugée, il faut d’abord un jugement, et pour qu’il y ait un jugement, il faut un litige ; or rien de tout cela n’existe.
Il y a bien une requête d’un administré à l’autorité provinciale, il y a bien une décision de cette autorité ; mais tous ces actes sont des actes isolés qui ne présentent ni le caractère d’une contestation, ni du jugement qui la suit.
Et quand même il y aurait eu plusieurs parties en cause, l’autorité de la chose jugée ne pourrait exister qu’entre elles, et ne pourrait jamais lier la chambre.
Le bureau était tenu, disent-ils, de les admettre, puisqu’ils représentaient une décision de l’autorité compétente ; mais c’est là mettre en fait ce qui est en question. La députation permanente n’est compétente qu’en degré d’appel, et ici vous savez ce qu'elle a décidé en première instance ; ainsi, malgré tous les moyens employés par les pétitionnaires pour développer ce grief, votre commission a pensé qu’ils n’étaient pas de nature à faire fléchir le principe de la permanence des listes, consacré par votre décision sur les élections de novembre, et par l’arrêt remarquable de la cour de cassation.
Cependant, messieurs, nous n’avons pu nous dissimuler que cette décision était très sévère ; elle a dû surtout paraître telle à ceux d’entre nous qui soutenaient il y a quelques semaines que les 17 décisions rendues la veille des élections de novembre, pour introduire cette fournée d’électeurs dans le collège électorat du lendemain, étaient valides, bien qu’elles fussent attaquées par un pourvoi en cassation régulier. Ils disaient alors que c’était une question de bonne foi, que les électeurs payaient le cens, et qu’il n’en fallait pas davantage pour la validité de l’élection.
Et aujourd’hui, messieurs, que ces 18 électeurs se présentent, non seulement munis de décisions non attaquées, mais encore après avoir déjà exercé leurs droits d’électeurs en vertu de ces décisions, on les repousse en invoquant toute la rigueur de la loi.
C’est avec une certaine satisfaction, messieurs, que je vois tant d’honorables conversions opérées en si peu de temps ; c’est là, j'aime à le croire du moins, le triomphe de la loi ; quand on est une fois rentré dans les voies légales, on n’en veut plus sortir ; la marche est franche, assurée, parce qu’on a devant soi un fanal qui ne s’éteint jamais ; mais quand on sort une fois de la légalité on ne peut que s’égarer chaque jour davantage, et ce n’est qu’à force d’abus, d’actes arbitraires, qu’on est enfin oblige d’y rentrer, et quelquefois violemment.
C’est une réflexion que je recommande à vos souvenirs pendant cette discussion même ; elle est le résultat de votre propre expérience, et vous n’oublierez pas qu’il y a quelques semaines la moitié d’entre nous, sur cette même question et dans une position beaucoup moins favorable, voulait précisément tout le contraire de ce qu’elle veut impérieusement aujourd’hui.
Je passe au second grief. Il est relatif à M. de Sauvage. Vous avez entendu sur ce point des choses tellement pertinentes que je serai très court en l’examinant. D’abord, en fait il est certain que M. de Sauvage a accepté les fonctions de président à la cour de cassation. En droit il est certain encore que l’acceptation de ces fonctions lui a fait transporter immédiatement son domicile à Bruxelles. Voilà le fait, voilà le droit. Or, messieurs, faites-vous cette réflexion : il y a des droits qui suivent le domicile. Lorsque vous transférez votre domicile d’un lieu dans un autre, vous acquérez aussitôt dans cet autre lieu les droits attachés au domicile ; mais par la même raison vous perdez ces droits dans le lieu que vous quittez, car il est impossible qu’on les conserve et qu’on les acquière en même temps, qu’on en jouisse à la fois dans deux lieux différents. Il y aurait cumul de droits.
C’est d’après ces bases qu’on doit décider la question.
Mais, dit-on, cela va faire fléchir le principe de la permanence de listes. Messieurs, il faut bien observer que la permanence des listes ne profite qu’à ceux qui conservent leurs droits d’électeur.
Car s’il en était autrement, si l’on voulait que ces listes fussent éternellement permanentes, il s’ensuivrait que tous les individus inscrits resteraient éternellement électeurs.
Ainsi un individu condamné à des peines infamantes, et qui par cela même perdrait ses droits civils, serait laissé sur la liste permanente et pourrait exercer ses droits d’électeur. Ainsi encore pour un individu qui perdrait sa qualité de Belge, il demeurerait donc sur la liste permanente ?
On a objecté que celui qui transporte son domicile dans un autre lieu sera privé de voter dans une élection extraordinaire : mais le grand mal à cela ! Puisqu’on est venu invoquer ici des règles de droit, je vais vous citer, à mon tour, un axiome bien connu. C est celui-ci : « Volenti non fit injuria, » c’est-à-dire : On ne peut faire de mal, de tort, à celui qui veut bien ce tort. Or, en acceptant des fonctions qui transportaient son domicile à Bruxelles, M. de Sauvage a accepté aussi toutes les conséquences de ce fait, et il a consenti à la perte de son droit de voter dans le lieu qu’il quittait.
D’ailleurs, ouvrez le premier procès-verbal venu, celui du bureau principal par exemple ; vous y lirez : « Les électeurs ayant leur domicile réel dans le district administratif de Liége, dûment convoqués, se sont réunis dans le local de l’hôtel-de-ville, etc. »
Donc, ou le procès-verbal est faux ou les principes que j’invoque sont vrais ; car il est certain que M. de Sauvage n’avait plus son domicile dans le district de Liége.
Quand un individu change son domicile, le commissaire de district devra-t-il le convoquer, alors qu’il est éloigné de 40, de 50 peut-être de 100 lieues ? Non, messieurs ; vous sentez que cela serait absurde, car le droit électoral ne peut point s’exercer partout où l’on paie le cens.
Cette question a déjà été agitée lors de la discussion de la loi électorale. On savait que des personnes payaient le cens dans plusieurs endroits à la fois. Eh bien ! on s’est arrêté à cette idée fixe qu’il fallait que le droit électoral fût exercé au lieu du domicile réel. C’est d’après ce principe si clair que la commission s’est prononcée, et a décidé que M. de Sauvage n’avait pas pu voter dans le district de Liége ; d’où la conséquence que c’est encore une voix de moins à la majorité factice de M. de Laminne-Bex.
Maintenant j’aborde le troisième grief.
Les pétitionnaires prétendent qu’il y a eu double vote de la part de trois électeurs ; la commission s’est empressée, ainsi que son honorable rapporteur, de faire à cet égard sur les listes toutes les vérifications que l’on pouvait faire, et l’on s’est assuré qu’il n’y avait pas eu double vote. Ce troisième grief disparaît.
Je me presse d’arriver au quatrième et au cinquième griefs que je confonds en un seul, parce que dans mon opinion ils se rattachent à la même question.
Ici, vous l’aurez remarqué, est la principale difficulté. Il s’agit de savoir si M. de Laminne a réellement obtenu la majorité des suffrages, et s’il l’a obtenue d’une manière légale, car il est alors légalement élu ; s’il n’a pas la majorité légale, vous devez le repousser.
Eh bien ! je crois que je pourrai arriver à vous démontrer, jusqu’à l’évidence, que ce candidat n’a pas eu la majorité.
Fixons-nous sur le chiffre total des votants.
Le procès-verbal de la section centrale indique 838 votants, tandis qu’il est effectivement de 839 ; c’est un point incontestable. Vous pouvez en faire vous-mêmes l’addition d’après les pièces insérées au Moniteur.
839 votants donnent la même majorité que 838, c’est ce que je veux bien admettre. Il en résultera que la majorité absolue sera 420 ; M. de Laminne a-t-il obtenu 420 voix ? Voilà toute la question.
Une majorité absolue doit être certaine comme l’arithmétique elle-même, parce qu’il ne s’agit que de chiffres. Lisez le procès-verbal du bureau central : M. de Laminne-Bex, exploitant, a obtenu 415 voix, y est-il dit ; comment lui en donner 420 puisqu’il n’en a que 415 ?
Lorsque le dépouillement des scrutins a été effectué, ce résultat, 415 voix, a été proclamé par le président ; tout le monde s’est retiré dans la persuasion qu’il n’y avait pas d’élection puisque pour être élu il fallait avoir 420 voix ; cela était tellement la conviction de la ville de Liége que le Politique, journal de cette ville, disait que M. de Laminne n’avait réuni que 415 suffrages.
M. de Laminne n’ayant que 415 voix, il fallait, pour lui donner la majorité, ou abaisser le chiffre total des votants, ou élever le chiffre des suffrages obtenus, on bien faire ces deux choses à la fois. C’est ce que le bureau central a fait. Mais l’a-t-il fait légalement ? Voilà ce qu’il faut examiner.
Lisez le procès-verbal du bureau central. Il opère à huis-clos. Après un demi-quart d’heure de délibération, il déclare que M. de Laminne de Bex ayant obtenu 415 voix, plus quatre suffrages sous la désignation de M. de Lamine, rentier, plus un suffrage sous la désignation de Lamine, il a en tout 420 voix.
(Moniteur belge n°29, du 29 janvier 1833) Je prie de remarquer que, relativement au dernier suffrage, le bureau central est dans l’erreur, ou ne dit pas ce qui est.
Le bureau central fait une double violation de la loi. Il s’est rendu juge d’une question qu’il ne devait pas juger ; c’était au bureau où les voix avaient été données à décider de leur validité, le bureau central n’a pas de juridiction sur les autres. D’après le procès-verbal de la troisième section, cette section a classé ainsi les voix. Elle a dit : il appartient à M. de Laminne-Bex 119 voix, et à M. Lamine, rentier, une voix.
Quand le bureau a classé cette voix au nombre des voix perdues, c’est qu’il a jugé que M. de Laminne-Bex, exploitant, n’était pas le même individu que M. Lamine, rentier.
On a bien senti tout l’argument qu’on pourrait tirer de cette décision arbitraire du bureau central et on a cherché partout si on pouvait rencontrer dans la province des individus du nom de Laminne, et c’est un air triomphant que les contre-pétitionnaires annoncent qu’ils ont en effet trouvé quatre individus de ce nom mais que ce sont des femmes ; ainsi voilà quatre femmes isolées les unes des autres, qui n’ont aucune patenté masculine. Il serait pourtant bien étrange, messieurs, que ces quatre femmes n’eussent ni père, ni frères, ni oncles, ni cousins ; car enfin les femmes ne viennent pas sans hommes. (Eclats de rire.)
Malheureusement pour ces contre-pétitionnaires, la pluralité de noms est constatée ; il existe à Tongres un très honorable marguillier de l’église St-Jean qui s’appelle Lamine, et qui pouvait certainement prétendre aux honneurs de l’élection tout comme un autre.
Voilà donc encore un bulletin qu’il faut retrancher à M. de Laminne-Bex.
Il faut encore retrancher du nombre des voix accordées à M. de Laminne-Bex, celle de M. de Sauvage ; ainsi il lui en restera 418.
Ce n’est pas tout, dans la quatrième section, il est constaté qu’il y a eu un vote de plus que le nombre des votants. Faites bien attention à ce point que le procès-verbal rapporte. Ainsi, d’après ce procès-verbal il est incontestablement prouvé qu’il y avait 207 votants et qu’il y a eu 208 votes. Que doit-on faire dans un pareil cas ? Il faut agir comme l’ont dit MM. Gendebien et de Brouckere, il faut annuler le scrutin et le recommencer. Il y a évidemment présomption de fraude, parce que sans fraude on ne peut introduire dans l’urne plus de bulletins qu’il n’y a de votants. On devait annuler le scrutin et on ne l’a pas fait ; et bien, c’est à la chambre à annuler une opération vicée dans son principe.
Je suppose que vous jugiez qu’il ne faille pas annuler l’opération, il y aura du moins à retirer de celles que l’on attribue à M. de Laminne-Bex. C’est celui qui profite de la fraude qui doit en supporter la réduction. Faire autrement, je le dis ouvertement, ce serait opérer sans conscience.
On voulait avoir une majorité ; qu’a-t-on imaginé pour arriver à ce but ? Le procès-verbal de la section centrale le dit : selon ce procès-verbal que je tiens en original, le relevé des 4 sections étant terminé, on trouve 839 votants ; mais il faut en déduire, ajoute ce procès-verbal, le prétendu billet (ci-annexé), lequel a été déclaré nul comme ne contenant qu’un mémoire d’auberge, ou une série de dîners à un franc. Ce billet retranché, il reste 838 votants.
D’où vient ce billet ? Où a-t-il été trouvé ? Dans le procès-verbal d’aucune section il n’en est parlé. Appartient-il à la première section, à la deuxième, à la troisième, à la quatrième ? On ne trouve pas un mot sur ce billet dans les quatre sections ni dans le procès-verbal de la section centrale.
Ce billet a été déclaré nul : par qui ? Pour le savoir, j’ai été du procès-verbal de la section centrale aux procès-verbaux des sections particulières ; je vais du référé au référant pour avoir la vérité ; eh bien, les procès-verbaux des sections particulières sont muets sur ce point. Comment ! Ce bulletin aurait été annulé par l’une d’elles, et elles n’en parlent pas ! Cela est-il probable ! cela est-il possible ?
Je conçois que dans une opération électorale, lorsque l’on compte les bulletins, qu’une main les tire de l’urne, on ait pu retirer ce mémoire du restaurant s’il est plié de manière à ressembler à un bulletin, ou à un vote ; mais quand on l’a déplié, le bureau a dû voir que c’était une note d’auberge ; comment n’en a-t-on pas parlé dans le procès-verbal ? Il doit rester une trace de tout ce qui se passe dans le procès-verbal.
On a dit : Ah ! ce billet que vous avez là, c’est probablement le billet de la quatrième section où il s’est trouvé un vote de plus que le nombre des votants. Cela ne se peut pas, par la raison que le procès-verbal de cette quatrième section déclare que tous les bulletins ont été brûlés. S’ils ont été brûlé, par quel prodige celui-ci se trouve-t-il joint aux pièces ? (Le voilà.)
Le procès-verbal de la quatrième section dit qu’on a lu les bulletins à haute voix : si on avait lu ainsi ce bulletin ou ce mémoire de restaurant, tout le monde s’en serait aperçu. Après la lecture, ils ont été brûlés, dit le même procès-verbal, et brûlés en présence de l’assemblée ; comment donc existe-t-il ? A-t-il pu renaître de ses cendres ?
Ainsi, voilà trois voix qui s’en vont des 420 qui avaient été attribuées à M. de Laminne ; il ne lui en reste plus que 417 ; encore faut-il supposer valides les 4 bulletins où il est insuffisamment désigné et qu’on n’aurait pas dû lui compter ; car, comme on l’a fort bien dit avant moi, il paraît que le bureau principal change volontiers de jurisprudence. Quand il s’est agi de M. Tielemans, il a annulé 8 bulletins où il n’était désigné que par son nom, et aujourd’hui qu’il s’agit de M. de Laminne, il trouve que le nom seul est une désignation suffisante.
Le sixième grief résulte de la fermeture de la salle de spectacle.
Il a été constaté qu’au moment où le ballottage s’établissait entre MM. Tielemans et Marcellis, dans le foyer du théâtre, la porte principale du spectacle a été fermée et on en a ouvert une latérale. Mais, comme c’était le 3 janvier à 5 heures et demie du soir, l’obscurité a dû empêcher les électeurs qui se sont présentés de découvrir par où ils devaient pénétrer.
Dans la contre-pétition, on convient de la fermeture de la porte du théâtre, mais on insiste sur ce qu’une porte latérale a été ouverte en même temps. D’abord, je ne conçois guère qu’un directeur de spectacle, un jour de spectacle et à l’heure qu’il doit commencer, ferme la porte principale de son théâtre ; ce serait plutôt le cas de la tenir ouverte. (On rit.) D’après les renseignements que j’ai pris, la salle de spectacle de Liége est construite comme celle de Bruxelles, mais moins élégante. Il y a une grande porte au lieu de la façade, et deux portes latérales. Ainsi ; les électeurs de la campagne, trouvant la porte principale fermée, auraient été obligés de deviner qu’il en existait deux autres.
Qu’est-ce que cela signifie ? Je le demande : Y a-t-il bonne foi, conscience ? N’y a-t-il pas plutôt manœuvres hostiles contre ce que vous appellerez un parti si vous voulez, mais contre les hommes de telle ou telle opinions ? Mais, dit-on, dans la contre-pétition, il y avait des pompiers pour indiquer la porte latérale. Mais, où étaient-ils placés ces pompiers ? On n’en dit rien. Ainsi, il faudrait, sur des présomptions, décider que tout le monde a été bien et dûment averti. Mais ce n’est pas sur des présomptions que nous pourrions prendre une décision quand il s’agit d’un empêchement patent à l’exercice d’un droit.
Il reste encore une objection que je pourrais me dispenser de réfuter après ce qu’en on dit deux précédents orateurs. C’est celle relative au bulletin portant le nom de Rococo. Je dirai avec eux que c’est un nom comme un autre, et la preuve que ce billet pouvait être sérieux, c’est que le bureau l’a maintenu. Messieurs, nous n’étions que sept dans la commission, et un des membres nous a assuré qu’il existait aux environs de Liége un individu du nom de Cococo. (Hilarité générale.) De Cococo à Rococo la différence n’est pas grande. Vous voyez donc qu’il ne faut pas s’empresser d’annuler des bulletins sous prétexte de noms dérisoires ; car avec ce système on annulerait et on validerait tout ce qu’on voudrait.
On a fait une dernière observation : il est temps, a-t-on dit, que le district de Liège soit représenté. Oui, sans doute, il faut que le district de Liège soit représenté, mais il faut que la représentation nationale ne soit pas faussée ; il ne faut pas qu’on puisse s’introduire ici sans majorité ou avec une majorité factice. Eh bien, trois voix au moins manquent à M. de Laminne pour qu’il ait cette majorité ; il n’est donc pas le représentant du district de Liége, il ne l’a jamais été et vous ne pouvez, messieurs, l’admettre comme tel. Quant à moi, vous devinez bien, d’après ce que je viens de dire, que je voterai pour les conclusions de la commission.
M. Raikem. - Messieurs, dans cette discussion qui, sur une simple vérification de pouvoirs, nous tient longtemps, j’ai cru devoir prendre la parole, étant moi-même représentant du district de Liége. On l’a senti, messieurs, promener constamment les électeurs, en les appelant à des élections nouvelles, certes, malgré ce que l’on a semblé nous prédire, c’est en quelque sorte paralyser leurs droits et les fatiguer de manière qu’enfin on mettrait les élections à la merci de quelque voix, que donneront les électeurs le plus rapprochés du chef-lieu. Néanmoins, nous devons ne considérer que la loi, que la loi interprétée de manière à lui donner un sens raisonnable. C’est en m’attachant au texte de la loi que je suivrai les divers orateurs dans la discussion à laquelle ils se sont livrés.
Je ne dirai rien du premier moyen de nullité, énoncé dans la requête ; ce moyen est trop évidemment contradictoire avec les antécédents, pour que la chambre hésite à en faire justice, comme l’a fait la commission elle-même.
Quant aux autres moyens, vous avez à les examiner, et relativement à M. de Laminne et relativement à M. Marcellis ; en effet, contre l’élection de ce dernier il n’existe qu’un seul grief, celui de la fermeture de la salle du spectacle. Ce grief ne peut être invoqué contre M. de Laminne qui était élu avant l’heure du spectacle.
Voyons donc ce qu’on reproche à l’élection de M. de Laminne ; tout se réduit cette question : A-t-il ou non la majorité absolue ? M. de Laminne a obtenu 420 voix, et l’on convient que ce nombre est la majorité absolue. Pour lui enlever quelques suffrages, à quoi se réduit l’argumentation de nos adversaires ? A deux points, savoir : que les bulletins ne contenant rien devraient compter et faire nombre comme s’ils contenaient quelque chose, et en second lieu, que M. de Sauvage n’avait pas le droit de voter ; et par là on veut diminuer le nombre de voix acquis à M. de Laminne. Je vais examiner ces deux points.
Qu’un bulletin nul ne compte pas dans un vote, c’est ce que veut le bon sens et ce qui est écrit dans l’article 32 de la loi électorale. Je sais qu’il ne faut pas confondre la nullité d un bulletin avec la nullité d’un suffrage. Un bulletin peut être valable et porter un suffrage nul. Mais un bulletin qui ne contient aucun suffrage, peut-il être valable ? Non, sans doute, car un bulletin qui ne contient point de suffrage ne contient rien, et y a-t-il une plus grande nullité que le rien ? La loi déclare nuls, tous bulletins imprimés ou qui ne sont pas écrits à la main ; or, je le demande, un billet blanc est-il écrit à la main ? Un bulletin n’est rien, et de rien peut-on soutenir qu’il est possible de faire quelque chose ?
Un individu va prendre part à une élection ; il a dans sa poche un bulletin contenant les noms de celui qu’il veut élire, et un compte d’auberge ; au moment du vote, il dépose par erreur dans l’urne le compte d’auberge ; cet électeur a-t-il voté ? Personne ne l’oserait soutenir. Il est donc évident que ce compte d’auberge ne peut compter pour un bulletin.
On s’est étonné de ce que ce bulletin avait survécu au scrutin, après lequel tous les autres avaient été brûlés. Ce bulletin est demeuré annexé au procès-verbal de la première section, et il devait l’être, conformément à la loi. Ainsi, sous ce rapport on a fait ce qu’on devait faire.
Faut-il parler du bulletin portant un nom dérisoire ? Ne sait-on pas, si on vient ici parler en jurisconsulte, ce que prescrit la loi à l’égard d’une disposition dérisoire ? Si un testateur inscrit, dans le dernier acte de sa volonté un nom dérisoire ; s'il apparaît de cet acte qu’il a voulu insulter quelqu’un, la loi veut qu’une telle disposition soit annulée. Peut-on soutenir qu’il en doit être autrement en matière électorale ?
Ces observations suffisent pour établir que ni le compte d’auberge, ni le bulletin dérisoire ne peuvent compter.
J’en viens au second point, relatif au vote de M. de Sauvage. Sur cela on nous a opposé plusieurs axiomes de droit. On nous a dit : « Quand la loi est claire, il ne faut pas recourir à des interprétations. » « Il ne faut pas vouloir être plus sage que la loi. » A cela je répondrais par d’autres axiomes ; je dirai : « Il ne faut pas interpréter la loi par un article isolé, il faut combiner ses diverses dispositions. » Je dirai encore : « Il ne faut pas interpréter la loi de manière à rendre sa disposition absurde. » Ce sont là des axiomes tout aussi vrais et tout aussi incontestables.
Si je combine les divers articles de la loi électorale, je trouve dans l’article 19 la désignation du lieu où doivent se réunir les électeurs, et là il ne s’agit pas des qualités requises pour être électeur. Je vois aussi dans la loi une disposition qui veut que les listes soient permanentes
Que vois-je encore dans l’article 12 ? Que tout individu indûment inscrit, omis ou rayé, pourra s’adresser à certaines autorités pour se faire réintégrer dans son droit.
Et maintenant de quoi allez-vous juger ? De la permanence des listes ? Non, vous voulez juger que quelqu’un inscrit sur la liste permanente n’a pas le droit de voter. Ce serait d’un seul coup détruire toute l’économie de la loi et lui prêter un sens absurde.
Si je consulte la loi pour ce qui concerne les élections extraordinaires, je trouve l’article 11 qui dit : « Lorsqu’il y aura lieu à une élection extraordinaire, à cause d’option, de décès, de démission ou autrement, les listes dressées conformément aux articles précédents serviront de base pour la convocation des électeurs. » Ainsi, le commissaire de district, l’autorité communale, sont obligés de convoquer tous les électeurs inscrits sur la liste. M. de Sauvage y était inscrit ; il a dû être convoqué comme les autres, et si quelqu’un devait s’opposer à ce qu’il déposât son vote, il fallait qu’il commençât par demander sa radiation. Ce n’est pas quand une élection est consommée que vous devez porter atteinte à la permanence des listes.
Ainsi j’ai prouvé que le bulletin portant un compte d’auberge et que le bulletin contenant un nom dérisoire ne pouvaient être comptés, j’ai prouvé non moins évidemment que M. de Sauvage avait eu le droit de voter ; je passe aux objections.
J’examine maintenant les cinq votes que l’on veut enlever à M. de Laminne, et s’ils contiennent, comme on l’a dit, une désignation insuffisante. On a d’abord cherché à jeter de la défaveur sur l’énonciation des bulletins contestés, à cause de ce qui avait été fait à l’égard de M. Tielemans dans une précédente élection.
Si on n’avait pas retranché huit suffrages à M. Tielemans, a-t-on dit, il aurait été élu. C’est une erreur ; car si, lors des premières élections de Liége, on n’avait pas retranché huit bulletins où M. Tielemans n’était pas suffisamment désigné, on n’aurait pas dû non plus faire la même chose par M. Kaufman. Or, M. Tielemans avait obtenu 381 suffrages ; ajoutez-y les 8 retranchés, vous avez 389 suffrages. Mais M. Kaufman avait obtenu 387 voix ; ajoutez-y les 5 qu’on lui avait retranchées, il en aura 392, 3 de plus que M. Tielemans. D’un autre côté, M. Marcellis avait obtenu 289 voix, et comme, d’après ce qu’on m’a dit, il est plus âgé que M. Tielemans, ce dernier n’avait pas été élu.
Je crois inutile d’insister sur ce point ; je ne l’ai touché en passant que parce que quelques orateurs en avaient parlé, car nous devons nous occuper uniquement aujourd’hui de la dernière élection et non de la première.
Cinq votes sont contestés à M. de Laminne. Savoir ; trois au bureau principal où il est désigné sous le nom de Laminne, rentier ; un au même bureau sous le nom de Laminne seulement ; enfin un au bureau de Sainte-Ursule (troisième bureau) sous la désignation de M. Laminne, rentier. Pour ce dernier vote, ne perdons pas de vue que dans ce troisième bureau, quoique M. de Laminne y ait obtenu 119 voix, il n’est pas désigné une seule fois avec la particule de. Je reviendrai tout à l’heure sur cette observation, elle n’est pas sans importance.
Je soutiens, messieurs, que toutes ces désignations sont suffisantes, et comme on a toujours dit qu’on parlait en droit, je parlerai en droit aussi.
Pour faire un raisonnement exact, il faut partir d’axiomes, de propositions incontestables. On convient que chacun est désigné par son nom. C’est une chose triviale, mais de laquelle on peut tirer des conséquences. Ainsi, M. de Laminne, désigné par son nom de Laminne tout court, est bien désigné. M. de Laminne a épousé une demoiselle Bex. Mais dans le public, dans la société, on ne l’appelle jamais de Laminne-Bex, on l’appelle de Laminne ou Laminne tout court, et chacun, par ce nom, sait de qui on veut parler. Quelqu’un étant désigné et bien désigné par son nom, il est bien certain qu’il ne peut y avoir d’incertitude. Nous avons une règle en droit que, même avec plusieurs personnes du même nom, on doit juger selon les circonstances, et que ce n’est qu’en cas d’impossibilité absolue de juger d’après les circonstances, qu’on peut se décider à annuler une disposition. Je ne vois pas qu’il y ait une raison de décider autrement quand il s’agit d’un vote.
On a voulu trouver une différence entre Laminne rentier, Laminne, exploitant. Ces deux désignations sont fort exactes, M. de Laminne est l’un et l’autre. Si je consulte l’almanach de la province de Liége j’y vois au nombre des membres de la Société d’Encouragement, M. de Laminne, rentier ; à la Société d’Emulation, M. de Laminne, fabricant. Au nombre des conseillers de régence, je trouve encore un de Laminne, rentier. Sont-ce deux personnes différentes ? Non ! c’est que M. de Laminne est connu sous ces deux désignations et nulle part dans cet almanach vous ne trouvez le nom de Bex. Il est donc bien évident que l’électeur qui a inscrit sur son bulletin de Laminne, rentier, a voulu donner son suffrage à celui dont il est question dans ce débat.
Quant à l’expression de de Laminne sans qualification, contenue dans un bulletin au premier bureau, on n’a pu trouver personne à qui cette désignation pouvait s’appliquer. Mais, dit-on, il est possible qu’on ait voulu désigner un autre Laminne, et ce serait par des possibilités que vous décideriez de telles questions ? Messieurs, le cercle des possibilités n’a pas de bornes, et si l’on lance son imagination dans les possibles, on pourra trouver des nullités partout.
Je passe au bulletin contesté dans la troisième section, qui portait Laminne, rentier, sans la particule. J’ai déjà fait remarquer que, dans ce bureau, la particule ne se trouve nulle part au procès-verbal ; mais j’ai déjà démontré que de Laminne-Bex et de Laminne, rentier s’appliquaient à la même personne, d’où je suis autorisé à conclure que les expressions Laminne-Bex et Laminne, rentier, qui se trouvent dans le procès-verbal du troisième bureau, s’appliquent également à la même personne.
Je remarque ici une singularité ; c’est que, dans tous les autres bureaux, on a dit de Laminne-Bex, exploitant, et dans le troisième, on n’a pas mis la particule une seule fois ; partout on lit : Laminne-Bex, exploitant. Il est facile de s’expliquer cette circonstance. Cela vient de ce que celui qui a été chargé de rédiger le procès-verbal a omis la particule à tous les Laminne.
Je sais que d’anciens praticiens ont fait une règle de droit qui dit : « Qui manque à une syllabe manque à tout : qui cadit a sallabii, cadit a toto. » (On fait des citations latines, je puis en faire à mon tour.) Mais qu’a-t-on dit de cette règle ? Les jurisconsultes ont dit qu’elle était marqué au coin d’une sévérité ridicule. Ainsi l’on ne doit pas avoir égard à ce que la particule de a été omise dans le procès-verbal de la troisième section. Car, malgré l’omission de cette syllabe, il n’en reste pas moins clair que Laminne-Bex, exploitant, et Laminne, rentier, sont une seule et même personne, celle dont l’élection fait le sujet de la discussion actuelle. Au reste, pour preuve surabondante, je peux produire un certificat qui a été réuni à la commission qui prouve que la particule se trouvait inscrite sur tous les bulletins.
(Ici l’orateur lit un certificat, signé par M. Gilet, juge d’instruction, qui présidait la troisième section, et dans laquelle ce magistrat atteste que tous les bulletins portaient le nom de Laminne et que c’est par une erreur du secrétaire qu’au procès-verbal la particule a été omise.)
Pour qui connaît M. Gilet, reprend l’orateur, il ne peut y avoir de doute sur la vérité des faits qu’il atteste. Il n’y a chez lui ni esprit de parti, ni partialité.
Du reste, pour enlever ce suffrage à M. de Laminne-Bex, et le transporter au Laminne de Tongres, dont un orateur nous a parlé, il faudrait supposer que les électeurs auraient pu penser à ce Laminne. Or, il y a ici une circonstance bien remarquable, c’est que le Laminne de Tongres est inconnu aux réclamants eux-mêmes ; à plus forte raison a-t-il dû l’être aux électeurs de Liége.
Cette observation convaincra la chambre, comme j’en suis convaincu moi-même par la connaissance que j’ai des localités, que le suffrage dont il s’agit a été donné à M. de Laminne-Bex. Ainsi des cinq suffrages contestés aucun ne doit lui être enlevé. Ainsi tombent les calculs auxquels on s’était livré pour prouver qu’il n’avait pas obtenu la majorité.
On a dit qu’il y avait eu en tout 839 suffrages ou papiers et qu’il n’y avait eu que 838 votants. Adoptez le dernier système qui a été soutenu de déduire le bulletin donné de trop au spectacle du nombre total, et du nombre des suffrages donnés à M. de Laminne, vous aurez d’un côté le chiffre 839 réduit à 838 ; de l’autre, le nombre des suffrages obtenus par M. de Laminne, de 420 réduit à 419 ; mais du chiffre 838, il faut déduire un bulletin évidemment nul, celui qui ne contient qu’un compte de dépense, alors le nombre des bulletins est réduit à 837, et 419 voix forment encore la majorité absolue, et cela, en supposant même que le bulletin contenant un nom dérisoire devrait compter, ce que je suis loin de reconnaître. De quelque manière qu’on l’envisage, M. de Laminne a donc été légalement élu.
Faut-il maintenant que je réponde à quelques objections secondaires qui ont été faites et qui m’ont paru plus spécieuses que solides ? Je ne sais si je dois m’arrêter longuement, et surtout à celle qui consiste à dire que le premier bureau a décidé contrairement au troisième, celui-ci en comptant les votes ayant portée virtuelle. Messieurs, j’avoue que je ne sais pas ce que c’est qu’une décision virtuelle. Je ne connais que des décisions expresses ; or ici il n’y en a point.
Le bureau principal, dit-on, ne devait pas juger de la validité du vote ; le jugement ne pouvait avoir lieu qu’au moment où le vote était émis. Pour moi, je crois qu’on ne doit juger que quand il y a nécessité ; on ne doit jamais rendre une décision inutile. Au moment de l’émission du vote, le jugement était inutile, puisque, par le recensement général des votes, il aurait pu arriver que l’on n’aurait pas eu besoin de prendre des décisions à cet égard, si la majorité absolue avait existé sans les votes contestés. Le bureau principal, investi du pouvoir de recenser les votes, était investi du pouvoir de prononcer sur leur validité, et il avait assurément le droit de décider de la validité de celui émis au bureau de Sainte-Ursule.
Sous tous les aspects, vous le voyez, l’élection de M. de Laminne est irréprochable.
Je dirai maintenant un mot de celle de M. Marcellis. J’observerai d’abord qu’aucune nullité ne peut être reprochée à cette élection, sauf celle qui résulterait de la fermeture de la porte du théâtre. Dans la supposition purement gratuite que l’on annulerait l’élection de M. de Laminne, il resterait à savoir si celle de M. Marcellis serait par là même annulée ; c’est ce que je ne crois pas pour ma part, les nullités ne se communiquent point. Mais je crois inutile de m’arrêter sur cette question, parce que l’élection de M. de Laminne me paraît évidemment valable.
Que s’est-il passé quant à l’élection de M. Marcellis ? On a fermé, dit-on, la porte du lieu où se faisait l’élection. Messieurs, à Liége, les portes du spectacle s’ouvrent ordinairement à 5 heures, et le spectacle commence à 5 heures et demie. Ce jour-là, le directeur, au moment où le spectacle allait commencer, craignit, si la porte restait ouverte comme elle l’avait été jusque-là, que les électeurs, au lieu d’aller à la salle où se faisait le vote, ne prissent une autre direction. (On rit.) Cela eût pu arriver en effet, et c’est bien alors qu’on eût pu craindre que l’élection ne manquât faute d’électeurs. (Nouvelle hilarité.) Le directeur fit donc interdire la grande entrée aux électeurs, mais en même temps il fit ouvrir une porte latérale, et chacun put se rendre librement au lieu du vote. Or, la loi ne dit pas qu’il faille, pour aller voter, passer par une porte à deux battants. Il ne s’est donc passé là rien que de fort naturel.
On a dit que l’obscurité avait pu empêcher les électeurs de trouver la porte. Cet argument est mal trouvé ; car, au moment du spectacle, des réverbères sont allumés autour du théâtre, et la porte était aussi facile à trouver que dans le jour. Cependant, messieurs vous avez entendu un orateur vous dire qu’on avait agi dans un but d’hostilité contre certaine opinion. Ce reproche est injuste ; il n’y a dans cela rien d’hostile de la part de personne, si ce n’est de la part du directeur du spectacle, qui n’a pas voulu que quelques personnes pussent aller au spectacle gratis.
Je pense donc que ce moyen ne fera pas plus d’impression sur la chambre que les moyens invoqués contre M. de Laminne, et que les deux députés élus par le district de Liége seront admis. (Aux voix ! aux voix ! La clôture !)
- Plusieurs voix. - Il y a encore plus orateurs inscrits ; à lundi.
M. d’Hoffschmidt. - Je renonce à la parole. (La clôture ! la clôture ! Agitation.)
M. le président. - Je ferai observer que quatre orateurs ont été entendus contre les conclusions de la commission et que trois seulement ont parlé pour.
- Plusieurs voix. - La chambre est fixée. (La clôture !)
M. H. de Brouckere. - Je demande la parole contre la clôture.
M. le président. -Y a-t-il dix membres qui demandent la clôture ?
- Un grand nombre de membres se lèvent.
M. H. de Brouckere. - Je demande à parler contre la clôture. Messieurs, je demande formellement que la discussion ne soit pas close ; je rappellerai à la chambre que le premier orateur entendu hier et qui a parlé fort longuement est M. de Theux ; il a voté contre les conclusions de la commission, et M. Raikem qui vient de finir a parlé dans le même sens. Il y aurait injustice et partialité à ne pas permettre qu’un orateur de l’opinion contraire fût entendu. Quant à moi, je déclare que j’ai à réfuter plusieurs arguments de M. Raikem ; je demande donc qu’on entende les orateurs inscrits, et s’ils renoncent à la parole, qu’on l’accorde à ceux qui la demanderont.
M. Brabant, vivement. - Ce n’est pas la première fois, messieurs, que des orateurs de certaine opinion veulent avoir la parole les derniers, et demandent toujours à répondre aux arguments de leurs adversaires. Il faut cependant qu’une limite soit fixée…
M. de Brouckere. - Nous ne demandons que l’égalité. Nous ne sommes que trois contre quatre.
M. Brabant. - Il n’est pas nécessaire qu’il y ait égalité dans le nombre des orateurs entendus ; et, d’ailleurs, il n’est pas exact de dire que vous ne soyez que trois contre quatre. Le premier orateur entendu est le rapporteur de la commission, et il conclut à l’annulation ; ainsi, il y a parité, même dans votre sens, ce qui est injuste à la rigueur. Je le prouve par une analogie. Dans toute accusation, c’est l’accusé qui doit être entendu le dernier ; or, ici l’accusé c’est celui qui soutient la validité des élections, et je crois que personne n’a à se plaindre. Les questions ont été suffisamment débattues de part et d’autre ; j’appuie la demande de clôture. (Aux voix ! aux voix ! Agitation.)
- Plusieurs voix. - Laissez parler les orateurs inscrits.
M. Devaux. - L’assemblée prononce la clôture quand elle est assez éclairée et non pas quand tel ou tel orateur a parlé. C’est la majorité qui décide si la discussion s’est assez prolongée et non pas la minorité. Ce n’est pas la montre à la main qu’on doit régler l’étendue des discussions, et pût-on user de ce mode, je l’accepterais volontiers. Ceux qui parlent contre la clôture n’y gagneraient rien, car la chambre a dû s’apercevoir que les orateurs entendus contre les conclusions de la commission ont été fort courts ; M. Deleeuw notamment n’a pas parlé pendant trois minutes, tandis que les orateurs qui attaquent l’élection ont tous parlé plus d’un quart d’heure.
- Une voix. - Plus de trois quarts d’heure !
M. Gendebien. - Si la majorité veut nous imposer la loi (agitation), et je suis étonné qu’on parle de majorité ; car pour ma part je ne vois de majorité que quand une décision est prise ; mais enfin si la majorité veut nous imposer la loi, qu’elle se prononce. Hier, alors que plusieurs membres déclaraient qu’ils n’étaient pas prêts à discuter, sans même avoir vu les pièces, il serait bien extraordinaire qu’on voulût aujourd’hui nous imposer silence. Hier on craignait que nous ne parlassions, et aujourd’hui que nous sommes préparés, on veut nous fermer la bouche. Ce n’est pas ainsi qu’on agit quand on sent que l’on défend une bonne cause. Vous voulez qu’aucun doute n’existe sur les élections de Liége ; faites que le public sache ce qui s’y est passé, et qu’il n’ait rien à dire sur ce qui se passe ici. C’est par la discussion libre que les élections de Liége seront éclaircies.
M. de Robiano prononce quelques mots qui ne viennent pas jusqu’à nous.
M. Gendebien. - Je prie M. de Robiano de ne pas m’interrompre. Ce n’est pas une heure de plus ou de moins qui importe dans une discussion de cette importance. Il s’agit aujourd’hui de fixer la jurisprudence de la chambre, de manière à ce qu’il ne puisse y avoir de doute à l’avenir sur des questions semblables. Si aujourd’hui vous étrangler la discussion, on reviendra plus tard sur les mêmes objections, et vous serez bien enfin forcés de les résoudre. Je ferai une dernière observation, c’est qu’on vient de faire usage d’une pièce que nous ne connaissions pas, un certificat qui contredit un procès-verbal, et sur lequel je me propose de demander la parole. D’après ces considérations j’espère que l’on n’insistera pas, et que la discussion sera continuée.
- Une partie de l’assemblée persiste à demander la clôture.
- Opposition dans une autre partie. (La clôture ! la clôture ! non ! non ! Agitation tumultueuse.)
M. Jullien. - Je demande la parole. (La clôture ! la clôture !) ; vous ne pouvez m’empêcher de parler contre la clôture. Il me paraît qu’on est aussi pressé de clore la discussion qu’on l’était hier de la commencer. Que signifie cet empressement ? Hier on est passé par-dessus le règlement, qui voulait qu’on entendît un rapport de pétition, et aujourd’hui que la discussion est entamée, on ne veut pas nous permettre de répondre aux arguments qu’on nous oppose.
Messieurs, il y a une raison déterminante contre la clôture de la discussion. M. Raikem vient de lire un certificat d’un M. Gilet que je n’ai pas l’honneur de connaître, et qui atteste pour la plus grande édification de la chambre que les bulletins du troisième bureau portaient tous le nom de Laminne avec la particule, quand le contraire résulte du procès-verbal. C’est à l’instant qu’on vient de me remettre ce certificat, et je m’aperçois qu’il n’est pas isolé ; il est accompagné de deux ou trois autres, et je déclare que j’ai à parler sur ces pièces, car vous sentez qu’il faudra voir jusqu’à quel point une assemblée nationale doit avoir égard à un certificat qui contredit un procès-verbal ; et à la prochaine séance je demanderai la parole sur ce point. (La clôture ! la clôture ! Non ! non !)
M. le président. - Dix membres ayant demandé la clôture, je suis obligé de la mettre aux voix.
M. Fleussu. - J’avais demandé la parole contre la clôture. (Violents murmures.)
- Plusieurs voix. - C’est assez ! Aux voix ! aux voix !
- D’autres. - Parlez ! parlez ! (Tumulte.)
M. Fleussu. - Je ne parlerai que si le silence se rétablit. (Parlez ! parlez !)
Messieurs, il est de la dignité de la chambre de laisser continuer cette discussion, qui présente des questions du plus haut intérêt. Nous avons à fixer le sens de la loi électorale ; nous avons à prononcer la validité des élections. Il ne faut pas que la représentation nationale soit faussée, et les plus grandes lumières doivent être portées sur les opérations qui ont eu lieu à Liége. C’est de la discussion qu’il faut les attendre. Déjà plusieurs orateurs pour et contre ont été entendus ; je demande que tout au moins la liste de ceux qui sont inscrits soit épuisée. Je le répète, il est de la dignité de la chambre de laisser poursuivre la discussion. Rappelez-vous qu’hier, quand on ne voulait pas entendre la lecture du rapport de la commission...
M. de Robiano. - Il était imprimé.
M. Fleussu. - Ce n’était pas assez. Le règlement veut que les rapports soient lus à la tribune …
M. F. de Mérode. - On l’a fait !
M. Fleussu. - Oui, quand nous vous y avons obligés le règlement à la main. Et aujourd’hui que nous sommes prêts à la lutte, vous voudriez nous empêcher de parler ! Mais, quelle impression cela ferait-il sur le public (légers murmures) ? Cette hâte que vous montrez de commencer et de finir la discussion, ferait, n’en doutez pas, le plus mauvais effet. J’insiste donc pour que la discussion soit ajournée à lundi. (Aux voix ! La clôture !)
- La clôture est mise aux voix ; l’épreuve et la contre-épreuve ont lieu successivement.
M. Gendebien, M. Jullien et autres. - L’appel nominal ! l’appel nominal !
M. Dumortier, vivement. - On ne peut pas demander l’appel nominal après les deux épreuves, à moins que le bureau ne décide qu’il y a doute. Que le bureau décide d’abord s’il y a majorité pour la clôture. Il serait inutile de procéder à l’appel nominal, quand les trois quarts de l’assemblée se sont levés pour la clôture. (Extrême agitation.)
M. Devaux et M. Nothomb, en s’adressant au bureau. - Y a-t-il doute ?
M. le président. - Le bureau est d’avis qu’il y a lieu de faire l’appel nominal.
M. Devaux et M. Nothomb. - Y avait-il doute ?
- Plusieurs voix. - Le bureau a décidé.
- On procède à l’appel nominal sur la question de savoir si la discussion sera close ; en voici le résultat : votants 73 ; pour la clôture, 37 ; contre, 36.
Ont voté pour : MM. Boucqueau de Villeraie, Brabant, Deleeuw, Dellafaille, F. de Mérode, W. de Mérode, de Nef, de Robiano de Borsbeek, de Sécus, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dewitte, Domis, Dubus, Dugniolle, Dumortier, Duvivier Fortamps, Jacques, Lebeau, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Pirmez, Polfvliet, Poschet, Raikem, Rogier, Thienpont, Ullens, Vanderbelen, Verdussen, Verhagen, Vuylsteke.
Ont voté contre : MM. Berger, Coghen, Dams, Dautrebande, Davignon, de Bousies, de Brouckere, de Meer de Moorsel, de Renesse, de Smet, de Tiecken de Terhove, d’Hoffschmidt, Donny, Ernst, Fallon, Fleussu, Gendebien, Helias d’Huddeghem, Hye-Hoys, Jaminé, Jonet, Jullien, Lardinois Levae, Meeus, Osy, Pirson, Raymaeckers A. Rodenbach, Speelman, Teichmann, Vandenhove, Vergauwen, H. Vilain XIIII, Zoude.
M. le président. - La clôture de la discussion est prononcée.
- En ce moment un grand nombre de membres quittent leurs places et se dirigent vers les couloirs.
M. Ullens. - L’appel nominal sur l’admission ! (L’appel nominal ! l’appel nominal !)
- Les membres qui se sont levés sortent de la salle.
- Plusieurs membres. - Il faut aller aux voix ! (Appuyé ! appuyé !)
M. Devaux. - Je demande la parole sur la position de la question. On va mettre aux voix les conclusions de la commission ; il est bien entendu que si ces conclusions sont rejetées, la chambre aura par là prononcé l’admission de MM. de Laminne et Marcellis. (Oui ! oui !)
M. Deleeuw. - Il y a un précédent à cet égard.
M. Coghen. - Nous ne sommes plus en nombre. (Agitation. L’appel nominal !)
M. Brabant. - Le moyen de constater si nous sommes en nombre, oui ou non, c’est de procéder à l’appel nominal sur les conclusions de la commission.
M. Nothomb. - Et l’on saura par ce moyen les noms de ceux qui se sont retirés. (Oui ! oui ! L’appel nominal ! l’appel nominal !)
M. le président. - Sur quoi ?
M. Raikem. - Sur les conclusions de la commission. (Oui ! oui !)
M. le président. - Nous ne sommes plus en nombre. (Violents murmures.)
- Plusieurs voix. - Vous n’en savez rien, c’est l’appel nominal qui le constatera.
M. de Robiano. - Plusieurs membres peuvent d’ailleurs entrer pendant l’appel nominal.
M. le président. - On va faire l’appel nominal pour savoir si nous sommes en nombre.
- Voix nombreuses. - Ce n’est pas cela ! sur l’admission ! (Violente agitation.)
M. F. de Mérode. - On ne peut pas faire des appels nominaux à tout moment pour voir si l’on est en nombre ; faites l’appel nominal sur les conclusions de la commission, cet appel constatera si nous sommes en nombre, et dans le cas de la négative le scrutin sera nul.
- Plusieurs voix. - Appuyé ! appuyé !
- D’autres voix. - On ne peut faire un appel nominal à chaque membre qui sort de la salle. (Aux voix !)
M. le président. - Le bureau prévient l’assemblée qu’elle n’est pas en nombre ; si nonobstant cette observation on veut aller aux voix. (Oui ! oui !)
La chambre veut-elle qu’on procède à l’appel nominal ?
- Presque tous les membres se lèvent pour l’affirmative. (L’agitation continue.)
M. Levae. - Quelle est la question ?
M. le président. - La question est de savoir si on peut procéder à l’appel nominal, quoique nous ne soyons pas en nombre.
- Voix nombreuses. - Ce n’est pas cela !
M. Dumortier., vivement. - Ce n’est pas cela !
M. le président. - La chambre ne peut prendre aucune décision quand elle n’est pas en nombre. (Violente interruption.)
M. Dumortier. - Ce n’est pas au président à informer ainsi les décisions de l’assemblée. La question a été décidée.
M. Devaux. - C’est manquer à la chambre ! (L’agitation redouble.)
M. Dubus, parlant au milieu du bruit. - la chambre vient de décider qu’elle passerait au vote sur les élections de Liége. M. le président doit se conformer à cette décision et la faire exécuter, sans s’enquérir si nous sommes en nombre oui ou non ; et si par le résultat de l’appel nominal nous voyons qu’en effet la chambre n’est pas en nombre, le scrutin sera nul. (C’est cela ! Aux voix ! L’appel nominal !)
M. le président. - On va procéder à l’appel nominal. Ceux qui voteront pour les conclusions de la commission répondront oui, ceux qui voteront contre, répondront non.
M. Coghen. - Mais nous ne sommes pas en nombre…
M. Nothomb. - C’est ce que va prouver l’appel nominal.
M. Jacques fait l’appel nominal ; en voici le résultat : 48 membres répondent non ; 2 membres répondent oui.
- Le nombre des votants étant inférieur à la majorité légale, le scrutin est déclaré nul, et le second scrutin renvoyé à lundi.
Voici les noms des votants.
Ont voté contre les conclusions de la commission : MM. Boucqueau de Villeraie, Brabant, Coghen, Deleeuw, Dellafaille, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, de Nef, de Robiano de Borsbeek, de Sécus, Desmanet de Biesme, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dewitte, Domis, Donny, Dubois, Dubus, Dugniolle, Dumortier, Duvivier, Fortamps, Helias d’Huddeghem, Hye-Hoys, Jacques, Lebeau, Levae, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Pirmez, Polfvliet, Poschet, Raikem, A. Rodenbach, Rogier, Thienpont, Ullens, Vandenhove, M. Vanderbelen, Verdussen, Verhagen, H. Vilain XIIII, Vuylsteke.
Ont voté pour : MM. Berger et Fallon.
Voici les noms des membres qui se sont retirés avant le vote. Ce sont MM. Dams, Dautrebande, Davignon, H. de Brouckere, de Renesse, de Smet, de Tiecken de Terhove, d’Hoffschmidt, Ernst, Fleussu, Gendebien, Jaminé, Jonet, Jullien, Lardinois, Meeus, Osy, Pirson, Raymaeckers, Speelman, Teichmann, Vergauwen et Zoude.
- La séance est levée à 4 heures et demie.