(Moniteur belge n°, du décembre 1832)
(Présidence de M. Fallon., vice-président.)
M. Liedts fait l’appel nominal à une heure.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Liedts expose l’objet des pétitions adressées à la chambre.
(Erratum, Moniteur belge n°346, du 14 décembre 1832) M. Desmanet de Biesme, écrit pour demander un congé. Le congé est accordé.
M. Liedts donne lecture de l’arrêté suivant :
« Léopold, etc.
« Sur la proposition de notre ministre des finances,
« Nous avons arrêté et arrêtons :
« Les sieurs Faider (Charles), administrateur de l’enregistrement des domaines ; Delfosse (Félix), administrateur des postes ; Thiry (Eugène), inspecteur-général du cadastre ; Delannoy, inspecteur-général ad interim, des fonctions d’administrateur des contributions directes, douanes, d’accises, sont nommés commissaires à l’effet de soutenir à la chambre des représentants et au sénat la discussion des budgets et des lois destinées à modifier le système financier.
« Notre ministre des finances est chargé de l’exécution du présent arrêté.
« Donné à Bruxelles, le 4 décembre 1832.
« Léopold. »
Un message du sénat annonce qu’il a adopté, dans sa dernière séance, le projet de loi relatif à la perception des deux tiers de la contribution de 1833, sur les rôles de 1832.
Il est arrivé au bureau le procès-verbal des élections de Tournay. Ce procès-verbal est renvoyé à la commission de vérification des pouvoirs des membres nouvellement élus.
M. le président. - La parole est à M. Zoude pour lire une proposition de loi qu’il a déposée sur le bureau et dont les sections ont autorisé la lecture.
M. Zoude donne lecture de son projet qui a pour but de protéger les usines belges en modifiant le tarif des douanes sur l’importation des fers étrangers.
- La chambre entendra vendredi le développement de cette proposition.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) prend la parole pour présenter un projet de loi réglant en francs et centimes la perception des taxes de l’administration de la poste aux lettres. - Messieurs, le projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter est destiné à fixer en francs les tarifs de la taxe des lettres et paquets dont le transport est attribué à l’administration des postes.
L’introduction du nouveau système monétaire rendant une pareille loi nécessaire, le gouvernement a cru devoir saisir cette occasion pour simplifier les bases de la fixation des taxes, et réunir les différentes dispositions qui doivent concourir à en fixer le taux dans toutes les circonstances qui peuvent se présentes.
Les tarifs actuellement en vigueur ont été établis d’après les lois françaises, modifiées par plusieurs ordonnances du gouvernement précédent, et ils sont, pour ainsi dire, consacrés par un long usage.
Le nouveau projet de loi, tout en le maintenant dans la plupart des cas, présente plusieurs avantages que je vais avoir l’honneur de vous signaler succinctement.
(La suite de ces développements, ainsi que le texte du projet de loi, intégrés dans le Moniteur, n’est pas reprise dans la présente version numérisée.)
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - J’ai encore deux projets de loi à déposer sur le bureau de la chambre :
1° Un projet de loi tendant à autoriser la ville de Gand à aliéner le pont domanial dit de la pêcherie, moyennant le prix de dix mille florins, payables en dix années.
2° Un projet de loi portant interprétation de la loi relative aux redevances sur les mines, cette loi étant directement appliquée dans les diverses provinces.
- La chambre donne acte de la présentation des lois à M. le ministre et ordonne qu’elles seront imprimées et distribuées.
M. Liedts. - Messieurs, le projet de loi qui vous a été soumis sous le titre de : « Projet de loi en exécution de la loi monétaire pour la perception en francs au lieu de florins, » et qui traite un peu de tout, sans oublier les journaux et les conservateurs des hypothèques, a donné lieu à plusieurs observations dans les sections, observations dont je vais avoir l’honneur de vous présenter l’analyse.
Quelques sections, les 1ère, 2ème, 4ème et 6ème, ont soulevé une question préjudicielle sur l’inopportunité du projet. Elles ont été d’avis que la loi n’était point nécessaire. La 6ème section a été plus loin ; elle a pensé que le projet était non seulement inutile, mais même nuisible : inutile, parce qu’il ne fallait pas recourir à une nouvelle loi pour assurer l’exécution de la loi monétaire du 5 juin 1832, un simple règlement d’administration générale, pris en vertu de l’article 67 de la constitution, devant suffire ; nuisible, parce qu’il ne tend qu’à compliquer nos lois financières déjà si compliquées, et ajouterait, sans aucun but raisonnable, une pièce de plus à cet amas confus de lois où la mémoire et la raison se perdent également.
La 6ème section ajoute, et cette opinion est partagée par toutes les autres sections, que pour remplir le vœu du n°3 de l’article 139 de la constitution, il faut admettre une révision complète de nos lois financières, et ne pas s’occuper de ces changements qu’on présente sous le titre de modifications, qu’on glisse dans notre dédale des lois financières, qui ne tendent souvent qu’à embrouiller le système, sans utilité pour les contribuables et sans grand profit pour le trésor.
La section centrale a cru devoir s’arrêter à ces considérations générales, qui lui ont paru mériter toute son attention.
Elle a d’abord posé en principe qu’on doit considérer toute loi particulière dans ses rapports avec le système général, et voir si elle entre nécessairement dans son plan, pour contribuer à la perfection de l’ordre que l’on veut établir.
Or, le projet, tel qu’il fut soumis à la chambre, loin de contribuer à la perfection de notre système financier, n’ajouterait que quelques difficultés nouvelles placées sans ordre ni méthode, aux difficultés déjà existantes.
La section, de toutes voix, s’est ralliée à l’opinion des sections et elle a cru devoir éloigner du projet tout ce qui n’est pas strictement nécessaire pour concourir à l’exécution de la loi monétaire.
La section a pensé qu’il serait prudent de ne pas toucher aux lois sur l’enregistrement, greffe et hypothèques, timbres et successions, jusqu’à la révision complète de ces lois ; car, avec la prétention de vouloir remédier à des abus, on ne fait souvent qu’introduire des abus nouveaux, et à force d’étayer, de pallier, on parvient à former une espèce de labyrinthe inextricable, qui pourrait convenir aux agents du fisc, mais qui ferait le désespoir du contribuable.
Quant à la première question soulevée par quatre sections, c’est-à-dire, qu’un règlement d’administration générale pourrait suffire pour assurer l’exécution de la loi monétaire, la majorité de la section centrale n’a pas partagé cette opinion. Elle doit faire remarquer que, pour la perception des droits dans les douanes surtout, il y a souvent une grande quantité d’unités à multiplier. L’impôt, qui est fixé en cents et florins, devra être réduit car centimes et francs ce qui doit produire un nombre considérable de fractions.
On suppose un nombre d’aunes et de fractions d’aune, à autant de cents par aune ; il est évident que la réduction de l’impôt en centimes ou francs et centimes donnera des fractions pour chaque unité sujette à l’impôt. Le calcul de ces fractions prendrait un temps considérable a l’employé, multiplierait les opérations des vérificateurs et inspecteurs, et causerait des pertes aux contribuables. Dans cet état de choses, la section a pensé que, pour y remédier autant que possible, il fallait adopter une base uniforme pour la conversion des florins en francs ; or, comme cette base pour la perception des droits fixes, doit nécessairement s’écarter un peu de la proportion établie par la loi monétaire, dès lors une nouvelle loi devient indispensable pour opérer ce léger changement, qui, au reste, ne sera que provisoire en attendant la révision de nos lois financières.
D’après ces considérations, la section centrale propose, pour la perception de tous les droits fixes, de remplacer le demi-florin par le franc, avec une augmentation de six pour cent pour la différence monétaire, de manière que le florin, qui est maintenant calculé à raison de 2 fr. 11 c. 64/100 sera calculé à raison de deux francs douze centimes. C’est dans cette vue qu’elle a l’honneur de vous proposer, messieurs, de commun accord avec M. le ministre des finances, une nouvelle rédaction du projet qui vous a été soumis. Elle a l’espoir que, pour le moment, ce nouveau projet remplira le but que le gouvernement s’était proposé en vous présentant le premier, et que, tout en maintenant les droits du trésor, il procurera aux contribuables plus de facilité pour calculer et établir leurs impôts
Vous remarquerez, messieurs, que par le paragraphe 2 de l’article 8 de la loi du 3 janvier 1824, les salaires des conservateurs des hypothèques ont été augmentés de toute la différence du franc au demi-florin. L’article 4 du projet qui vous est soumis replace les conservateurs, quant à leurs salaires, sous les dispositions du décret du 21 septembre 1810. Ce retour aux anciennes dispositions ne peut que plaire aux contribuables.
« Léopold.
« Vu l’article 26 de la loi monétaire du 5 juin 1832 ;
« Art. 1er. Jusqu’à ce qu’il y ait été pourvu autrement, la quotité des droits et amendes fixes, établie en florins des Pays-Bas, sera réduite à raison de deux francs par florin ; le total en sera majoré de 6 p. c. pour différence monétaire.
Art. 2. Les droits et les amendes proportionnels seront liquidés à raison d’autant de francs pour cent francs qu’il est stipulé de florins pour cent florins, et pour les moindres sommes dans la même proportion.
« Art. 3. La perception des droits proportionnels d’enregistrement, de greffe et d’hypothèques, suivra les sommes et valeurs de 20 en 20 francs, inclusivement et sans fractions.
« Art. 4. Les salaires des conservateurs des hypothèques seront perçus conformément au décret du 21 septembre 1810.
« Art. 5. La conversion en francs du montant des pensions de toute nature payées par le trésor ou à charge de la caisse de retraite pour les employés du département des recettes, se fera en forçant les fractions du franc en faveur des pensionnés.
« Fait en section centrale, au palais de la Nation, le 8 décembre 1832. »
M. le président. - L’ordre du jour appelle à la tribune M. Corbisier pour présenter le développement de la proposition de loi qu’il a déposée sur le bureau.
M. Corbisier. - Messieurs, dans votre séance du 19 mars dernier, lors de la discussion du chapitre 4 du budget de la dette publique, j’eus l’honneur de présenter à la chambre un amendement ayant pour objet de faire payer, par le trésor public, les pensions dont les légionnaires belges jouissaient avant 1814.
Cet amendement, dont personne ne contesta la justice, ne fut combattu que parce qu’il parut intempestif à quelques membres de l’assemblée, qui pensèrent ne devoir point adopter incidemment une proposition dont on ne pouvait d’abord connaître toutes les conséquences. Cette considération fit demander que l’amendement, converti en projet de loi, fût soumis aux formalités prescrites par le règlement, et cette opinion ayant prévalu, la question préalable fut prononcée.
Aujourd’hui que je peux déterminer toute la portée de ma motion, je viens, messieurs, la renouveler sous une autre forme et réclamer, pour les légionnaires belges, non pas une faveur, mais un acte de rigoureuse équité.
Les renseignements que le ministère de l’intérieur a fournis à la chambre sur le nombre, sur les différents grades, sur les dates de nomination de ces légionnaires, m’ont permis de préciser à peu près la hauteur de l’allocation qui, pour cet objet, devrait être annuellement portée au budget de l’Etat. Il résulte des divers tableaux déposés au greffe qu’au mois d’avril de cette année on comptait 465 régnicoles décorés de la légion d’honneur, savoir 447 chevaliers, 17 officiers et un commandeur. Mais tous n’ont pas droit à la dotation affectée à cet ordre ; ceux dont le brevet est antérieur au 3 avril 1814 peuvent seuls y prétendre. Les décorations accordées postérieurement, sauf quelques-unes délivrées par l’empereur pendant les cent jours, sont purement honorifiques, tant pour les membres qui n’appartiennent pas à l’armée que pour les officiers de tous grades, jusqu’à celui de sous-lieutenant inclus.
Comme ceux de France, les légionnaires de Belgique se trouvent donc divisés en deux catégories, et l’on voit, en compulsant les tableaux dont je viens de parler, que 283 de ces derniers doivent jouir de la pension Ce sont 275 chevaliers et officiers. La pension des chevaliers montant à 250 fr., et celle des officiers à 1,000 fr. par an, une allocation annuelle de 76,000 fr. environ suffirait pour acquitter une dette que, sans doute, messieurs, vous considérerez comme étant essentiellement nationale.
Je ne me dissimule pas quelle prévention défavorable peut, dans les circonstances actuelles, accueillir une proposition qui tend à ajouter une charge nouvelle aux charges déjà si lourdes qui pèsent sur le pays ; mais cette prévention, j’espère la vaincre. Les besoins de certains légionnaires sont si pressants, leurs droits sont si bien fondés, leur longue résignation mérite tant d’égards, que je n’ai pas hésité un seul instant à plaider ici leur cause.
L’arrêté du régent, du 18 mars 1831, est un précédent que j’invoque avec d’autant plus de confiance à l’appui de cette cause, qu’il énonce implicitement ce principe que « l’Etat doit maintenir les pensions militaires acquises par d’anciens services rendus aux gouvernements qui ont précédé le gouvernement actuel. » Ce principe a été reconnu depuis par les ministres du Roi ; il a, je crois pouvoir le dire, été reconnu également par la chambre.
Certes, les Belges qui ont obtenu la décoration de la légion d’honneur avant le 3 avril 1814, peuvent en réclamer l’application avec bien plus de raison que les chevaliers de l’ordre militaire de Guillaume. Cet ordre, en effet, n’a jamais joui d’aucune dotation, n’a jamais eu de fonds spéciaux destinés à payer le traitement de ses membres.
L’ordre de la légion d’honneur, au contraire, fut doté d’abord de propriétés considérables, puis de rentes inscrites au grand-livre de la dette publique de France. La liquidation de ces rentes, pour ce qui concernait les légionnaires belges, rentrait dans la liquidation générale, qui eut lieu en vertu de la convention du 20 novembre 1815.
Si le chef du royaume des Pays-Bas s’est emparé, au profit du trésor, du produit de cette liquidation, s’il a cédé au syndicat d’amortissement les biens de la légion d’honneur situés en Belgique, qui n’avaient pas été vendus sous l’empire, l’Etat doit incontestablement aujourd’hui une restitution à ceux qui ont ainsi été si étrangement dépossédés. Cette restitution, messieurs, ne vous sera pas demandée en vain : vous ne voudriez pas vous rendre complices d’une spoliation si contraire aux termes de l’article 26 du traité de paix de 1815, et vous vous empresserez de réparer une des plus criantes injustices qui aient été commises sous le gouvernement précédent.
C’est dans ce but, messieurs, que j’ai rédigé la proposition dont vos sections ont autorisé la lecture.
L’article premier du projet de loi qui fait la matière de cette proposition pose le principe qu’à l’avenir les pensions des Belges membres de la légion d’honneur doivent être payées par l’Etat.
L’article 2 indique les conditions exigées des titulaires pour obtenir ce paiement.
L’article 3 ouvre un crédit supplémentaire au budget de la dette publique pour l’année courante, afin de pouvoir acquitter le montant de ces pensions pour les exercices de 1831 et 1832 et pour le dernier trimestre de 1830.
Je crois qu’il convient de faire remonter les effets de cette loi au moins à l’époque qui a vu notre régénération politique consommée.
Cette époque doit être signalée pour nos légionnaires par une restitution qu’ils rangeront avec raison parmi les bienfaits de la révolution,
C’est pourquoi, messieurs, je propose d’adopter à leur égard une disposition analogue à celle de l’article 2 de l’arrêté que j’ai déjà cité plus haut, et que le régent a rendu pour faire payer les traitements attachés à l’ordre militaire fondé par l’ancien gouvernement.
L’article 4 et dernier du projet ne préjuge rien sur la question des arriérés, et interdit toute réclamation de ce chef, jusqu’à ce que la liquidation du syndicat d’amortissement ait été terminée.
Je soumets avec confiance ce projet à votre équité, et j’ose espérer, messieurs, que vous voudrez bien le prendre en considération.
Je dépose sur le bureau une copie de l’arrêté du régent du 18 mars 1831, qui n’a pas été inséré au journal officiel, et un tableau résumant en quelques chiffres le relevé des listes qui reposent au greffe, et qui ont servi à établir mes calculs. Je crois ces calculs exacts.
- La chambre prend la proposition en considération sans débat et renvoie devant les sections.
La suite de l’ordre du jour est le rapport de la section centrale sur la loi monétaire.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Messieurs, il conviendrait que la loi sur les services des postes fût renvoyée promptement devant les sections ; et je supplie les sections de vouloir bien s’en occuper dans le plus bref délai possible, attendu que, comme la loi monétaire, il est utile qu’elle soit portée avant la fin du mois. (Oui ! oui !)
M. Liedts. - La section centrale avait nommé M. Angillis pour son rapporteur ; cet honorable membre est retenu chez lui par une indisposition.
Il m’a chargé de faire lecture de son travail, à moins que la chambre ne veuille m’en dispenser. (L’impression ! l’impression et la distribution !)
- L’impression est ordonnée.
M. le président. - L’ordre du jour est la discussion du budget des voies et moyens.
La discussion générale sur ce budget est ouverte.
M. de Nef. - Messieurs, je ne viens plus m’opposer au prélèvement des nouveaux centimes additionnels qui nous sont demandés par le projet de loi en discussion ; quelque grande que soit cette nouvelle charge, j’aime mieux voir employer nos propres ressources plutôt que de recourir à des emprunts, qui devraient tôt ou tard être remboursés, et qu’on ne pourrait peut-être contracter dans les circonstances actuelles qu’à des conditions très onéreuses pour le trésor.
Cependant, pour ce qui concerne l’augmentation sur la contribution foncière, je dois réclamer pour la province d’Anvers, non pas une faveur, mais un véritable acte de justice.
En attendant l’achèvement du cadastre, vous avez accordé pour 1832 aux deux Flandres une diminution de 5 p. c. sur la contribution foncière ; j’avais alors réclamé la même diminution pour la province d’Anvers, mais elle fut refusée par une très faible majorité contre mon attente et celle de mes commettants.
Convaincu, comme je le suis, de toute la justice de cette réclamation, j’ai cru qu’il était de mon devoir de la renouveler aujourd’hui à l’occasion du projet de loi qui vous est soumis.
En obtenant pour 1833 la même réduction que celle qui a été accordée pour 1832 aux deux Flandres, la province d’Anvers, en grande partie, loin d’obtenir une faveur, restera encore grevée plus que toutes les autres provinces du royaume, eu égard aux revenus.
C’est surtout pour les contrées formant le district de Turnhout que je puis, à raison de mes connaissances locales, garantir avec assurance l’exactitude des faits que j’avance.
Dans ce pays, le terrain est presque partout tellement ingrat que ce n’est qu’à force d’engrais qu’on peut parvenir à y avoir des récoltes possibles ; et, d’un autre côté, ce sont précisément ces engrais que le cultivateur ne peut se procurer qu’à grands frais, étant éloigné des villes populeuses, et privé de moyens faciles de communication.
Il résulte de là, ou bien que les produits sont presque nuls ou bien que leur valeur est en grande partie absorbée par les frais de culture.
Par une fatalité inconcevable, ces observations pourtant si simples et si décisives n’ont jamais été prises en considération, et la province est restée surtaxée au point que dans certaines communes la contribution foncière vient enlever au propriétaire 25 p. c. de son revenu annuel.
J’ajouterai encore un dernier fait, qui démontre combien l’inégalité est généralement sentie ; c’est que, plus d’une fois, des personnes habitant la province d’Anvers vers les frontières du Limbourg ont préféré aller faire des acquisitions dans cette dernière province, afin de ne pas devoir porter annuellement au trésor environ le quart de leurs revenus, ce qui leur arriverait en faisant des acquisitions au lieu de leur domicile.
Je pourrais encore ajouter à cela ce que j’ai déjà dit en d’autres occasions, et invoquer tout ce que la Campine a souffert depuis deux ans par les logements militaires et les sacrifices de toute espèce ; mais je pense que les faits que je viens de vous détailler parlent assez haut pour justifier complétement ma demande, sans qu’il soit besoin de recourir à aucun autre genre de considérations.
On m’objectera peut-être que le travail du cadastre touche à sa fin et fera disparaître les inégalités que je viens de signaler : je sais qu’à la session dernière, lors d’une discussion sur le même objet, M. le ministre des finances donna alors l’assurance que le cadastre serait achevé en 1834 ; mais, outre que l’expérience nous a souvent démontré que les promesses ne peuvent pas toujours recevoir leur exécution, faut-il donc attendre encore deux années entières ou davantage, lorsqu’il s’agit de la réparation de l’injustice la plus révoltante ?
Songez enfin, messieurs, que depuis plus de 30 ans cette iniquité pèse sur la Campine, et qu’à raison des sommes immenses qu’elle a payées de ce chef, elle pourrait à bon droit prétendre à un dégrèvement encore plus considérable, Eh bien, d’après le projet de loi que nous discutons en ce moment, et si vous différiez d’accueillir ma réclamation, non seulement l’injustice ne serait pas réparée, mais vous en créeriez une deuxième, puisque les nouveaux centimes additionnels, étant proportionnels, seront naturellement d’autant plus onéreux que le droit principal qui leur sert de base le sera davantage.
Ces considérations, messieurs, me paraissent plus que suffisantes pour m’autoriser à demander avec instance que la majoration des centimes additionnels soit réduite pour la province d’Anvers ou que du moins cette province soit mise sur la même ligne avec les deux Flandres, me réservant, d’après cela, de voter contre le projet, si ma demande venait à ne pas être admise.
M. Donny. - Messieurs, pour juger le projet de loi qui vous est soumis, il faut l’examiner sous un double rapport : il faut discuter d’abord le montant des ressources que ce projet tend à faire entrer dans les caisses de l’Etat ; il faut ensuite examiner si chaque branche des revenus publics est convenablement appelée à verser sa quote-part au trésor.
L’examen du premier point doit se faire plus spécialement dans l’intérêt de l’Etat ; l’examen du second, plus spécialement dans l’intérêt des contribuables, Je me bornerai pour aujourd’hui à l’examen du premier point. Le second trouvera naturellement sa place lorsqu’on discutera les divers articles de la loi.
Messieurs, il est un principe, je ne dirai pas seulement d’économie politique, mais encore de simple bon sens, principe que vous reconnaîtrez tous avec moi, c’est que les impôts doivent être en proportion des dépenses auxquelles ils sont destinés à faire face ; ou, pour revenir plus spécialement à l’objet qui nous occupe, il faut, d’après ce principe, qu’une loi de voies et moyens soit en proportion avec les besoins de l’Etat qu’elle est appelée à couvrir.
Pour juger si une loi de voies et moyens remplit cette condition, si elle est en proportion avec les besoins, il faut nécessairement avant tout connaître quels sont ces besoins ; il faut, en d’autres termes, discuter, arrêter le budget des dépenses. Et pour discuter le budget des dépenses, il convient d’avoir sous les yeux les données que l’expérience des exercices précédents a nécessairement dû fournir ; en d’autres termes, il faut avoir sous les yeux les comptes des exercices des années précédentes.
Ainsi, d’abord discussion des comptes des exercices précédents, ensuite discussion du budget des dépenses ; en troisième lieu, discussion de la loi des voies et moyens. Telle est, messieurs, la marche naturelle, la seule marche rationnelle que nous puissions suivre dans l’espèce de règlement financier qui doit annuellement se faire entre la nation d’un côté, et le gouvernement, considéré comme l’économie de la nation, d’autre part.
Messieurs, je pense que jusqu’ici ma manière de voir est partagée par l’universalité des membres de cette chambre ; mais quand je vais plus loin, quand je veux appliquer ces principes généraux, sur lesquels on est d’accord, à la loi que nous avons devant les yeux, une foule d’objections se présentent. Je vais en passer quelques-unes en revue.
D’abord on me dira : La marche dont vous parlez est certainement une marche régulière ; vous voulez commencer par une loi des comptes pour passer aux budgets des dépenses, et n’en venir au budget des voies et moyens, qu’après avoir arrêté le budget des dépenses ; mais les comptes, vous ne les avez pas. Il est vrai que vous avez le droit de compter sur la promesse contenue dans le discours du trône ; vous avez droit d’espérer qu’au premier jour, ces comptes vous seront remis ; mais, en attendant ce premier jour, vous arrivez au 31 décembre, et vous n’avez pas le temps d’examiner ces comptes. Ainsi, inutile de vous y arrêter.
Et quant à ce qui est du budget des dépenses, vous avez un projet de loi présentant un budget sommaire, justifié par quelques considérations générales. Quoiqu’il en soit, eussiez-vous tous les documents nécessaires ; eussiez-vous les renseignements que vous seriez dans le cas de prendre près du gouvernement, vous n’auriez pas encore le temps nécessaire pour discuter ce budget des dépenses avant la fin de l’année ; inutile donc de le demander ; ne demandez pas l’impossible. Vous allez être réduits à n’examiner que les voies et moyens. Si vous voulez en agir autrement, si vous voulez insister et rejeter cette loi jusqu’à ce qu’on vous ait donné les comptes, vous renverseriez l’Etat : au 31 décembre la perception des revenus publics va cesser ; les crédits alloués au gouvernement expirent ; ainsi, le premier janvier on ne recevra plus rien, et toute la machine va crouler.
Je pense n’avoir pas affaibli l’objection, je vais y répondre.
Si l’on veut mettre comme limite à vos discussions le 31 décembre ou le 1er janvier 1833 certainement vous n’avez pas le temps nécessaire pour suivre la marche régulière que la matière exige ; mais, messieurs, où est-il écrit que la fin de l’année doit être la fin de nos discussions ? Cette limite qu’on veut vous poser, ne vous appartient-il pas de la reculer plus loin ?
Le temps est-il le seul élément qui vous manque pour suivre la marche régulière ? Eh bien, cet élément n’est-il pas à votre disposition ? Si les 20 jours qui nous restent de cette année ne sont pas suffisants, qu’on prenne un mois, qu’on en prenne deux ; mais faisons un ouvrage dont nous n’ayons pas à rougir, et ne travaillons pas en aveugles.
Et quant aux entraves dont on a parlé, c’est une crainte chimérique : qu’est-ce qui nous empêche de commencer l’année 1833 comme nous avons commencé l’année 1832 ? Qu’est-ce qui nous empêche d’accorder pour les premiers mois de 1833 les mêmes crédits accordés pour les premiers mois de 1832 ?
En supposant cette allocation faite, le gouvernement marchera avec facilité ; il marchera au commencement de 1833 comme il a marché au commencement de 1832 ; il marchera avec plus d’aisance encore, car vous n’avez pas perdu le souvenir de ce que vous avez accordé il y a quelques jours, l’allocation de dix millions. Ainsi vous n’avez pas de raison de ne rien examiner.
Je passe à un second argument, et celui-là je le trouve développé dans le rapport de la section centrale. Avant de le peser, je vais, messieurs, me permettre de dire quelques mots sur notre situation financière, telle que je la conçois.
Nos dépenses ordinaires vont s’élever pour 1833 à 83 millions. Indépendamment de cette dépense-là, nous aurons, a-t-on dit, à pourvoir aux dépenses extraordinaires de l’armée, et pour lesquelles il sera demandé de nouvelles ressources.
A défaut de renseignements fournis par le gouvernement sur le montant des besoins extraordinaires de 1833, je m’en réfère à un rapport fait dans une séance précédente par une de vos commissions. Ce rapport porte que la dépense extraordinaire de l’armée peut être évaluée à six millions par mois. De ces six millions, il y en a deux qui sont déjà compris dans le budget des besoins ordinaires ; il en reste donc quatre à couvrir ; ces quatre millions par mois forment la somme de 48 millions par an. Et pour peu qu’il se joigne à cette dépense extraordinaire quelques autres besoins extraordinaires, nous aurons un budget de 50 millions à ajouter au budget ordinaire de 83 millions ; ce qui fait qu’en 1833 nous ferons face à une somme totale de 130 à 140 millions.
Nous situation financière établie de cette manière, j’en viens à l’argument de la commission.
Elle dit : Puisqu’en 1833 vous aurez à payer une totalité de 130 à 140 millions, que risquez-vous d’allouer dès à présent au gouvernement, et même sans examen préalable, une somme de 83 millions ? Ce ne sera là qu’un à compte, qui est loin d’épuiser les sommes que vous aurez à allouer.
Voici ce que je réponds.
D’abord, il me semble extrêmement dangereux de contracter l’habitude de régler ainsi les besoins ordinaires avec les besoins extraordinaires ; si on suit cette marche, il n’y a plus besoin de distinction entre les deux espèces de besoins ; il n’y a plus de budget ordinaire.
Ensuite, l’argument ne prouve rien, parce qu’il prouve trop ; car si, parce que nous aurons à payer 130 à 140 millions en 1833, nous devrions admettre aveuglément un budget ordinaire de 83 millions, nous devrions par la même raison admettre aveuglément, et toujours aveuglément, un budget de 100, de 120 millions, s’il plaisait au gouvernement de nous en présenter un semblable : cependant, si l’on vous présentait un budget de 120 millions, comment, en votant des dépenses aussi élevées, parviendriez-vous à trouver les ressources nécessaires pour les couvrir ?
Il vous faudrait ajouter des centimes additionnels aux impôts, c’est-à-dire que vous devriez créer des impôts nouveaux, ou tripler, quadrupler quelques-uns de ceux qui existent,
Si un pareil projet vous était présenté, aucun de vous n’y donnerait sa voix ; vous reculeriez devant les conséquences de cette demande ; vous devez reculer également devant la conséquence de l’argument qui vous est fait.
Il est un autre argument qui m’a été communiqué par un des membres de l’assemblée ; il m’a dit : le gouvernement fait un usage utile des fonds qui sont laissés à sa disposition ; il y a des excédents des recettes sur les dépenses.
La fluctuation de notre dette publique lui permet de faire des bénéfices remarquables, et ces bénéfices tournent au profit du trésor ; ne craignez-vous donc pas de lui allouer une somme qu’un examen ultérieur prouvera peut-être trop forte ? Car l’excédent sera utilement employé.
Je ferai d’abord observer que cet argument suppose trois choses.
Il suppose qu’il y a un gouvernement, un ministère ; en second lieu, que ce ministère jouisse de la confiance absolue de la chambre ; en troisième lieu, que ce ministère restera au timon des affaires pendant toute l’année 1833. Mais, loin que ces conditions soient remplies, nous n’avons pas même la première de ces conditions ; nous n’avons pas de ministère ; nous n’avons pas de ministres ; ainsi l’argument pèche par la base.
Ce n’est pas tout. Ce bénéfice, que le gouvernement fait par des espèces d’opérations de bourse, tourne, il est vrai, au profit du trésor ; mais, messieurs, il me semble à moi, qu’il tourne bien plus au profit de la postérité de la génération actuelle : il diminue le montant de nos dettes, et cette diminution profitera à nos enfants, à nos petits-enfants et non à nous-mêmes. Il me semble que la génération présente a déjà assez fait de sacrifices depuis trois ans, en hommes, en argent, en prospérité, en repos, pour qu’elle puisse léguer à la postérité le soin de supporter les dettes que nous laisserons, puisqu’elle recueillera les fruits de ce que nous avons semés.
Ce n’est pas tout encore. Il est une troisième considération avec laquelle je veux combattre cet argument ; et cette considération me semble d’un poids plus grand que les précédentes. Si le gouvernement avait dans son trésor, on avait dans ses revenus ordinaires les ressources nécessaires pour se livrer à une opération de bourse, je pourrais regarder l’opération comme irrégulière, et au fond je n’y verrais pas grand mal ; mais on veut que vous vous imposiez de nouvelles charges ; on veut que vous alliez prendre dans la poche du malheureux un franc afin que le trésor s’en serve pour diminuer un peu nos dettes. Cette manière d’opérer vous semblera peu compatible avec la justice ; et vous verrez que l’argument ne mérite aucune attention.
Dans une des séances précédentes, un honorable membre a fait un argument que peut-être la discussion nous ramènera et que, sous ce rapport, je vais aborder. On nous a dit : il faut donner au gouvernement le plus d’appui possible, et il faut le lui donner en partie par cette considération qu’il est important pour nous de prouver à l’Europe que nous voulons soutenir notre gouvernement.
Messieurs, quant à ce qui est de donner à l’Europe les preuves de nos bonnes intentions, je répondrai à l’honorable membre que je ne partage pas sa manière de voir. Eu égard à la population de l’Europe, il me semble que ceux qui, dans les pays étrangers, veulent bien fixer leur attention sur nos débats parlementaires, doivent être en très petit nombre ; et dans ce petit nombre je fais encore une distinction. J’y vois des gens sensés, qui se donnent la peine d’examiner une question avant de la juger ; j’en vois d’autres qui jugent sans se donner cette peine ; et quant à ces dossiers, quelle que puisse être leur position sociale ou politique, vous trouverez sans doute que leur opinion doit nous être aussi indifférente que leurs personnes.
Quant à la partie éclairée de l’Europe dont l’estime peut nous être précieuse, nous serons certains de l’avoir, du moment que nous remplissons nos devoirs et que nous les remplissons avec dignité.
Si, à cet égard, je ne partage pas l’opinion de l’honorable membre, je partage son opinion quand il dit que nous devons appuyer le gouvernement.
Oui, nous devons l’appuyer, c’est pour nous un devoir. Nous devrons prêter appui aux ministres lorsque nous en aurons.
Messieurs, toutes les observations que je viens de passer en revue ne m’ont donc pas fait varier dans ma manière de voir ; et si le gouvernement s’était contenté des ressources dont il a joui cette année ; s’il avait dit : Laissez-nous la perception du même impôt, accordez-nous les mêmes crédits pour les services ordinaires, et pour ce qui est extraordinaire, nous le joindrons au crédit extraordinaire de l’armée ; nous aviserons aux moyens de satisfaire à des besoins aussi immenses… J’aurais pu lui donner l’appui de mon vote ; mais on veut que nous établissions de nouveaux impôts, une nouvelle charge ; or, je ne voterai jamais une nouvelle charge qu’à moins que je ne voie de mes yeux la nécessité de l’impôt.
Que le gouvernement me fasse voir par les comptes des exercices précédents, par l’examen du budget des dépenses, par tous les documents, que les impôts qu’il demande sont nécessaires, je céderai devant la nécessité ; si elle n’est pas justifiée, je refuserai. Je sais bien que mon examen sur la nécessité d’un impôt, que ma conviction, plus ou moins grande, de cette nécessité ne peut alléger le poids du fardeau que le contribuable aura à supporter ; je sais que le contribuable paierai également, soit que je suis convaincu, soit que je ne sois pas convaincu ; mais, quant à nous, l’impôt change de nature quand elle n’a à supporter que le poids de la nécessité.
M. Seron. - Messieurs, je ne prends pas la parole pour plaider les intérêts de ma province, ni de mon district, ni de mon village ; je ne veux m’occuper que de ceux de la nation.
Après quatre emprunts successifs, y compris l’appel, fait sans succès au patriotisme des riches, et qui produisit à peine 200,000 fl. au lieu de 5 millions qu’on en attendait, le ministère vient avouer un déficit et demander de nouveaux secours extraordinaires.
Mais, sans doute, il sait que les emprunts de 12 et de 10 millions, répartis sans discernement sur les contribuables de toutes les classes, ont eu le grave inconvénient d’atteindre les plus pauvres, de les mettre dans la nécessité de vendre à vil prix, à 40, à 50 p. c. de perte, les obligations du premier emprunt pour acquitter le second, et les obligations du second pour acheter du pain, et d’enrichir ainsi, à leurs dépens, des spéculateurs voraces dont le nombre augmente avec la misère publique.
Il sait à quelles conditions onéreuses pour le pays a été contracté l’emprunt dit de 48 millions, et il ne peut ignorer qu’en empruntant toujours à de pareils intérêts, les nations, comme les particuliers, se ruinent et finissent par faire banqueroute. Il sort donc de cette voie dangereuse ; il demande : 1° une addition de 40 p. c. à la contribution foncière ; 2° une autre addition de 13 p. c. à la contribution personnelle ; 3° le rétablissement du droit de patente au taux fixé par les lois des 21 mai 1819 et 6 avril 1833.
Du reste, bien qu’il promette des améliorations pour l’avenir, il ne propose, quant à ces deux dernières contributions, aucun changement au mode d’assiette imaginé par la fiscalité néerlandaise et demeuré en vigueur malgré la révolution et de nombreuses réclamations qu’on peut dire fondées sur la raison et la justice.
Si, en même temps, le gouvernement nous fournissait des documents et des détails propres à faire connaître, année par année, le produit des recettes et l’emploi qu’on en a fait, je me sentirais porté, je l’avoue, à adopter la première partie de sa proposition.
Car, il faut en convenir, et je l’ai dit plus d’une fois sans qu’on daignât m’entendre, la contribution foncière est, de tous les impôts, celui dont l’augmentation offre le moins de difficultés ; elle est proportionnelle aux revenus ; elle ôte peu à celui qui a peu.
Tant qu’elle n’excède pas le cinquième du revenu imposable, c’est-à-dire la portion du produit net que la dîme seule, sans la taille, enlevait aux terres et aux prairies, elle est supportable, elle prend l’argent où il est ; et, avec l’addition proposée, il est probable qu’en général, du moins, elle serait encore au-dessous de cette proportion.
Mais, ce ne sera jamais de mon consentement que sera maintenue cette contribution personnelle compliquée, à bases qui produisent de doubles, de triples, de quadruples emplois, inutilement vexatoires dans son mode d’assiette, chef-d’œuvre d’absurdité, comme je crois l’avoir prouvé suffisamment en différentes occasions, et qu’on va rendre plus odieuse encore au peuple par une augmentation de 13 p. c. En vérité, je ne puis comprendre pourquoi le gouvernement semble tenir à la conservation d’un pareil impôt. Est-ce à cause de ses produits ? Mais on peut en obtenir d’aussi considérables au moyen d’un mode de répartition plus conforme à la raison et à l’équité.
D’ailleurs, il est certain que si la contribution personnelle rapporte beaucoup dans les villes, les produits en sont presque nuls dans les campagnes. J’ai vérifié que, dans tel arrondissement, composé en presque totalité de communes rurales, elle n’a donné, en 1831, qu’une somme de 21,657 florins, tandis que l’ancienne contribution personnelle et mobilière et celle des portes et fenêtres réunies s’y élevaient, en 1822, à 39,282 florins, ce qui offre un excédant de plus de 17 trente-neuvièmes. Encore n’existait-il alors aucun impôt somptuaire, aucune taxe en raison des domestiques et des chevaux.
Et à qui profite la diminution ? Singulier privilège ! Elle profite à une foule de gens très capables de payer à l’Etat, à titre de cote personnelle, la valeur de trois journées de travail, outre la taxe des portes et fenêtrés, et qui, maintenant, sont quittes envers lui au moyen de quelques centimes de contribution foncière, parce que la valeur locative de leur habitation ne va pas à 20 florins ; comme si dans les villages, où les loyers sont à vil prix, la plupart de ceux qui jouissent de l’exemption n’étaient pas plus aisés et plus imposables qu’une foule d’habitants des villes payant pour la maison qu’ils habitent une location de 100 ou de 150 florins par année.
Je n’adopterai pas non plus la proposition relative aux patentes, impôt non moins odieux que la contribution personnelle et dont j’ai également signalé les vices, en détail, dans plusieurs occasions. Comment tolérer un système qui, entre autres abus, frappe chaque profession d’une taxe particulière, et laisse à l’arbitraire des agents du fisc (car dans la réalité les répartiteurs ne sont rien) le soin d’arranger comme il leur plaît la classe dans laquelle les patentables doivent être rangés.
Je sais bien qu’on nous fit observer à l’égard des patentables que ceux dont les opérations ont diminué d’importance, ont pu se faire ranger dans les classes inférieures à celles qu’ils occupaient, comme on nous a dit, en parlant de ceux qui paient la contribution personnelle, « qu’un espace de deux années permettrait à chacun de se placer en raison de ses revenus actuels » : d’où la conclusion qu’il n’y a nul inconvénient à laisser subsister en 1833 ces deux impôts tels qu’ils existent aujourd’hui. Comme je ne trouve ni dans la loi du 21 mai 1819, ni dans celle du 28 juin 1822, aucune disposition d’après laquelle il soit loisible au commerçant ou au contribuable de s’imposer en raison de ses bénéfices ou de ses facultés, j’avoue ingénument que je ne comprends rien à ces paroles de M. le ministre.
On me demandera ce que je substituerais aux deux impôts contre lesquels je m’élève. Messieurs, je l’ai déjà dit dans cette enceinte, « je ne voudrais pas courir les chances toujours incertaines de l’application d’une théorie nouvelle, » qui effraie si fort M. le ministre. Je m’emparerais d’un système tout fait et dont l’expérience a démontré la bonté. Je remettrais en vigueur, quant aux patentes, la loi du 1er brumaire an VII, sauf à augmenter les droits comme on l’a fait en France, si les besoins de l’Etat l’exigeaient. Alors, du moins, les taxes ne seraient plus livrées à l’arbitraire, le patentable verrait clairement dans le tarif ce qu’il doit payer ; il ne serait imposé que pour sa principale profession. Les rôles se formeraient du dépouillement dressé par le bourgmestre de chaque commune, et ne seraient pas l’ouvrage des employés du fisc.
Je remplacerais l’impôt de quotité connu sous le nom de contribution personnelle, et qu’a établi la loi du 28 juin 1822, par une contribution personnelle et mobilière, conformément à la loi du 5 nivôse an VII, en y ajoutant, s’il était nécessaire, une taxe à raison des voitures suspendues et des domestiques attachés à la personne. Enfin je percevrais, à raison des portes et fenêtres, une contribution graduée suivant la population des communes, et de laquelle je trouverais les bases dans la loi du 4 frimaire an VII et autres subséquentes.
En un mot, je ferais ce que le ministère lui-même aurait dû proposer il y a deux ans. N’avons-nous pas fait revivre le jury et le système monétaire de la France ? Ne sommes-nous pas à la veille de rendre aux poids et mesures les noms qu’elle leur a donnés et auxquels l’ancien gouvernement avait substitué des dénominations ridicules et absurdes ? Pourquoi ne pas ressaisir également comme notre bien, si elle est bonne, si du moins elle est préférable à ce que nous avons, une législation financière qui fut longtemps la nôtre, et dont, l’abolition a excité et excite encore les regrets de ceux qui ne voyaient pas avec indifférence fouler la classe moyenne des contribuables, la plus nombreuse, et, sans contredit, la plus saine partie de la société ?
Qu’on ne m’objecte pas les délais qu’entraîneraient l’assiette et la répartition de la contribution personnelle et mobilière : car, au moyen des mémoriaux administratifs qui se trouvent dans tous les communes, il serait facile d’avoir incontinent des renseignements précis sur le contingent que chacune d’elles supportait en 1822 et de fixer, sur ce contingent, celui de 1833. Cela fait, les répartiteurs procéderaient à la répartition entre les contribuables et à la formation de la matière sommaire. Immédiatement après, les rôles seraient confectionnés dans les bureaux du directeur des contributions, rendus exécutoires par la députation des états provinciaux et mis en recouvrement. Pour peu que le gouvernement y tînt la main, toutes ces opérations pourraient être achevées dans l’espace de trois mois. Celles de la formation d’un rôle des patentes et d’un rôle des portes et fenêtres, beaucoup plus simples, le seraient en bien moins de temps.
Mais comme, en attendant, il faut que l’Etat vive, je lèverai, à partir du 1er février prochain, 3 douzièmes du montant des rôles des patentes et de la contribution personnelle de 1832, sauf à précompter aux contribuables, lors de la perception des cotes définitives, le montant des cotes provisoires par eux acquittées.
Enfin je conseillerai de nouveau à MM. les ministres, qui prennent ordinairement l’initiative en matière d’impôts, de proposer à la chambre le rétablissement du droit de 2 p. c., conformément à la loi du 22 frimaire an VII, sur le prix des ventes de bois et de récoltes sur pied, réduit à un demi p. c. par une loi de mai 1824. L’Etat y gagnera des produits assez considérables. Ce sera d’ailleurs un acte de justice. N’est-il pas révoltant de voir les ventes de récoltes et de coupes de bois qui appartiennent presque toujours à des riches ne supporter que le quart du droit d’enregistrement qui se perçoit sur les guenilles d’un pauvre diable exécuté dans ses meubles ?
Voilà, messieurs, ce que j’avais à dire sur le discours de M. le ministre des finances. Dieu veuille que je n’aie pas encore une fois prêché dans le désert ! En tout cas je me consolerai par l’idée que je n’ai rien avancé qui ne fût d’accord avec la vérité, et que j’ai rempli un devoir tracé par mon mandat.
M. de Roo. - Messieurs, je ne trouve pas que l’on doive s’extasier, en présentant un nouveau budget qui porte une augmentation de plus de 7 millions non compris le pied de guerre pour lequel on nous promet un supplément de 72 millions, ou 6 millions par mois, de ce que l’on est parvenu, moyennant un emprunt surpassant les 100 millions, sur lequel, grâce à la bonne négociation, nous faisons une perte d’environ les 28 millions de capital, et en ne comptant par les 38,090,000 de francs qui restent dus à la Hollande ; nous sommes parvenus, dis-je, à éteindre les dettes de l’année passée.
Heureux sommes-nous, nonobstant l’imprévoyance de nos ministres, que les fonds parvenus à l’Etat ont surpassé de 14 millions leur attente. Ils en réclament un bill d’indemnité, et moi je n’y vois qu’impéritie, qu’un faux calcul qu’on a tâché de rectifier dans le budget actuel : je conviens qu’il est impossible de prévoir le produit à quelques milliers de francs près, voire même un, deux à 3 millions ; mais 14,000,000, cela surpasse les bornes. Il faut convenir que nous allons en tâtonnant, que nos hommes d’Etat ne sont pas encore à la hauteur de leur fonction.
Je ne reçois donc pas avec plaisir, comme le présente le ministre des finances, un budget ordinaire avec une augmentation de 7,415,703 francs sur celui de l’année passée, sans les crédits extraordinaires que l’on proposera en sus ; et notamment lorsque, pour couvrir cette insuffisance, on nous propose d’augmenter les contributions foncières de 40 p. c., le personnel de 16 et les patentes de 25.
D’abord, quant à la contribution foncière, elle porte déjà plus qu’elle ne peut porter, et l’on ne fait pas attention que la plus grande partie sont de petits propriétaires qui n’ont que cette ressource pour vivre, dont les biens sont souvent grevés, et qui, s’ils sont industriels, paient déjà la patente et en outre la contribution personnelle ; vous frappez donc trois fois le même individu ; et celui qui des capitaux immenses en circulation, qui à peine a une maison à lui, et le plus souvent qu’il loue, souvent même un quartier, celui-là vous ne l’atteignez pas.
D’où provient-il donc que c’est toujours la même assiette d’impôt qui souffre de l’augmentation ? N’a-t-on pas dit mainte et mainte fois que le sucre, le café, le tabac et autres objets de luxe, et qui ne sont pas de première nécessité, pourraient être utilement et légèrement imposés, sans que personne n’en souffre, et que tous paieraient volontiers ? Mais non, ce serait trop difficile ; mais la prévoyance de toutes nos spécialités en finances ne va pas si loin de pouvoir nous dire, ou assurer, à quelques millions près, où cela pourrait nous conduire ; ils préfèrent calculer plus sûr, en imposant le fonds d’une manière injuste.
L’agriculture ne souffre pas, dit-on. Il y a eu une bonne moisson cette année, et voilà une raison apodictique, péremptoire. Il faut imposer l’agriculture, la sueur du fermier ; mais l’on ne considère pas que l’année prochaine, voire même cette année, deux, trois années de suite, ces mêmes agriculteurs pourraient perdre tout le bénéfice de la récolte précédente, ce qui est tout à fait aléatoire et chanceux.
Et qu’on ne perde pas de vue que ce ne sont pas les grands cultivateurs, qui sont en petit nombre, qu’on atteint ; mais les petits, ceux qui forment la majorité, et qui ne moissonnent que pour leur ménage, qui consomment le tout pour leur propre entretien, et qui ne paient leur fermage (et ici la contribution tombera spécialement sur le fermier) que du produit de la fabrication des toiles et autres objets qui sont actuellement en stagnation complète. Et ceux-ci se trouvent en quantité, notamment là où la plus grande injustice existe dans la répartition de cette contribution, que l’on augmente de 40 p. c., où l’on accumule injustice sur injustice.
Non, représentant d’un tel pays, jamais je ne pourrai donner mon vote pour sanctionner une injustice aussi palpable.
Elle n’est que temporaire, dit-on ; mais une injustice temporaire n’est pas moins une injustice, et dans l’état actuel des choses, il n’y a guère de différence entre le temporaire, le continuel, le provisoire et le définitif.
L’on me dispensera, j’espère, de prouver que les Flandres et la province d’Anvers paient 10 p. c. de plus dans la contribution foncière que les autres provinces ; cela a été établi à l’évidence dans les discussions actuelles et dans celles de l’année passée, lorsque nous avons obtenu un faible dégrèvement de 5 p. c. en nous promettant une rectification complète pour cette année avec l’achèvement du cadastre, ce qui est encore à arriver, et dont je ne vois pas la possibilité, si l’on suit la marche que l’on a suivie jusque maintenant.
Pour ces motifs, je voterai contre.
M. d’Elhoungne. - Messieurs, je croirais faire injure à l’assemblée que de mettre un instant en doute la nécessité de pourvoir au service public, qui certainement viendrait à manquer à partir du 1er janvier prochain, si la législature ne suppléait pas, au moyen d’une mesure provisoire, à l’imprévoyance du ministère. Mais tout en reconnaissant cette nécessité, je suis loin d’en conclure qu’il faille adopter le projet de loi qui est maintenant en discussion.
En effet, de quoi s’agit-il ? Il s’agit tout uniment d’assurer le service public, tant sous le rapport des dépenses que sous le rapport des recettes, jusqu’au moment où la législature aura, en parfaite connaissance de cause, réglé définitivement le budget des voies et moyens. Or, quelle est la voie la plus simple pour atteindre ce but ? C’est de maintenir l’état actuel des choses, c’est d’autoriser le gouvernement à percevoir les taxes actuellement existantes pendant un espace déterminé, et de lui ouvrir les crédits dont il a besoin pour subvenir aux dépenses pendant le même laps de temps.
Pour justifier cette opinion, messieurs, je n’ai pas besoin de faire de grands efforts. Je me bornerai à rappeler que telle est la marche qui a été suivie chez nous sous le gouvernement précédent quand par la même imprévoyance, les états-généraux se sont vus plusieurs fois dans l’impossibilité de régler le budget de l’année avant le 1er janvier ; que c’est ainsi qu’on procède en France depuis la restauration et qu’on l’a fait non pas seulement une fois, mais peut-être dix ou douze fois, tant sous le gouvernement actuel que sous le règne de la branche aînée des Bourbons. Sous le ministère Villèle, que certainement personne ne sera tenté de traiter de démolisseur, sous le ministère Villèle lui-même, qui avait à sa dévotion les trois cents, jamais on n’a eu l’effronterie de venir présenter aux chambres un budget des voies et moyens définitif aussi longtemps que le budget des dépenses n’était pas réglé ; et chaque fois qu’il y eut impossibilité de régler le budget des dépenses avant le premier janvier de l’exercice suivant, on est venu présenter des projets de lois tendant à obtenir des crédits provisoires et à maintenir l’état de choses existant pendant un espace de temps déterminé.
La section centrale, qui a été chargée de l’examen du projet de loi en discussion, l’a adopté par des principes tout opposés. Je me bornerai à citer les différents motifs qu’elle a allégués pour justifier son opinion à cet égard. Je lis dans le rapport qui nous a été présenté en son nom :
« La majorité de votre section centrale reconnaît, avec la 6ème section, combien en des temps ordinaires une telle marche serait irrégulière et peu rationnelle ; mais elle trouve, avec celle-ci, que l’on peut se départir d’un principe rigoureux en ce moment, pressés que nous sommes par le temps, puisqu’il reste peu de jours avant le 1er janvier. »
Or, conclure de cela qu’il faille, pour toute la durée de l’exercice prochain, maintenir l’état de choses actuel, c’est forcer la conséquence : celle-ci, messieurs, ne découle nullement des prémisses. Je poursuis la citation :
« Ayant sous les yeux (la section centrale) les propositions des divers ministères pour le budget des dépenses, ne pouvant nous laisser aller aux décevantes espérances de faire face, même avec le budget des recettes qui nous est soumis, aux frais extraordinaires que réclament le maintien d’une armée nombreuse sur le pied de guerre et l’achat d’un matériel considérable. »
Ici, vous l’entendez, messieurs, on déclare formellement que les voies et moyens indiqués seront insuffisants pour couvrir les dépenses, il faudra donc, après avoir fait nominalement du définitif, procéder plus tard à l’achèvement de l’œuvre, au moyen de nouvelles lois pour subvenir au déficit qui résulterait de l’exécution rigoureuse du budget des voies et moyens qu’on vous présente maintenant. Cela prouve, messieurs, qu’il y a contradiction évidente dans le raisonnement de la section centrale, et que ce serait une absurdité que de proposer, comme définitif, un budget qui est reconnu insuffisant pour couvrir les dépenses de l’exercice.
N’est-il pas plus simple de pourvoir aux besoins du moment, par une loi qui est explicitement provisoire, comme elle le serait en effet, même en lui imprimant la fausse dénomination de définitive ?
Commençons donc par fournir aux besoins du moment, sauf à régler plus tard et définitivement ce budget, non pas en aveugles, mais après avoir eu tout le temps et tous les documents nécessaires pour le faire en connaissance de cause. Vous voyez, messieurs, que nous arrivons ainsi à des conséquences toutes différentes de celles de votre section centrale.
Je passe à l’examen d’un troisième motif du rapport.
« Nous avons unanimement pensé, avec la 5ème section, que la loi d’une impérieuse nécessité, plus forte que nos désirs, exigeait provisoirement le maintien du système financier actuellement en vigueur. »
Je ne sais pas, messieurs, si la nécessité dont il est question ici est généralement reconnue. Pour nous prononcer à cet égard, il faudrait avoir sous les yeux les comptes de 1830 et de 1831, comptes que l’on nous a promis sans cesse, que l’on disait être imprimés et qui cependant n’ont pas encore été distribués ; il faudrait avoir réglé le budget des dépenses et connaître notre situation financière sur laquelle nous sommes dans la plus complète ignorance.
D’ailleurs n’y aurait-il pas moyen de subvenir aux besoins du trésor d’une manière autre que celle qu’on vous propose par le projet ? Car, remarquez-le bien, messieurs, ce n’est pas la continuation du système financier actuellement en vigueur que ce projet a pour but ; on vous propose de le maintenir, mais en augmentant de 16, de 25 et de 40 p. c. le fardeau de certains impôts. Ce n’est donc pas le maintien pur et simple de ce même système qu’on vous demande en réalité, mais un système modifié, aggravé. Si les besoins de l’Etat exigent une aggravation de l’impôt, n’y aurait-il pas moyen d’atteindre le but par d’autres moyens que ceux qu’on vous présente ? N’y aurait-il plus d’autres objets qui seraient susceptibles de devenir matières imposables, et même ne pourrait-on pas subvenir aux nécessités du trésor d’une manière encore moins onéreuse à la nation ?
Qui de vous ne se souvient, messieurs, que nous avons un compte à régler avec la banque ? Ce compte, on ne nous en parle plus depuis longtemps. Eh bien avant de puiser dans la poche des contribuables, faisons payer les débiteurs de l’Etat, et quand ces débiteurs se seront libérés, mous verrons jusqu’à quel point nous pourrons autoriser les agents du fisc à venir puiser dans la bourse des citoyens.
Remarquez-le bien, messieurs, le revenu du propriétaire est imposé ; mais pourquoi le revenu du rentier ne l’est-il pas ? Pourquoi celui qui jouit de 1,000 florins de rentes ne paie-t-il pas un liard tandis que le propriétaire foncier qui retire le même revenu de ses biens-fonds, se voit enlever depuis 6 jusqu’à 16 p. c. de son revenu ? Et qu’on ne vienne pas nous dire que c’est là un genre de propriété qui se dérobe à l’impôt. Quant aux établissements publics, il est facile de se procurer tous les renseignements pour les connaître et les imposer.
Il en est de même pour ce qui concerne les rentes hypothécaires. Indépendamment de l’avantage que le créancier hypothécaire et le public retirent des conservations des hypothèques, le trésor peut encore y puiser des renseignements pour atteindre ce genre de propriété et les revenus qu’il donne, comme l’est la propriété foncière elle-même.
Mais on se plaît (et c’est un reproche que j’adresse à plusieurs agents du fisc), on se plaît à maintenir ce système arbitraire, ce système désastreux de l’ancien gouvernement ; système qui a été l’une des causes de la révolution et qui a occasionné tous les maux sous lesquels la nation se débat et dont elle n’entrevoit pas encore la fin.
Voici donc un autre motif mis en avant par la section centrale, et qui ne soutient pas l’examen.
« Vos sections, messieurs (dit le rapport), ont regretté de ne trouver que peu de développements dans le discours qui vous a été présenté à l’appui du budget des voies et moyens. Une nomenclature générale des impôts et leur chiffre présumé, voilà sur quoi a dû se porter leur travail. D’après le vœu qu’elles avaient manifesté, nous avons cherché à nous entourer de renseignements plus complets. »
Et c’est dans cet état de choses que vous commencerez par décréter, pour tout l’espace de temps que la constitution vous permet de voter l’impôt, le maintien d’un système désastreux, qui n’a pour partisans que les agents du fisc !
Vous ferez plus encore, vous aggraverez une partie de ce mauvais système, en improvisant des augmentations de taxe ! Je vous laisse à juger, messieurs, s’il est possible qu’on soumette à une assemblée législative un budget pareil, sans qu’il soit accompagné d’aucuns renseignements, que la section centrale a dû chercher à suppléer à ce manque de renseignements nécessaires pour se livrer à son travail, auquel d’ailleurs je rends toute justice, vous iriez voter en aveugle un budget aussi subversif en matière de finances que désastreux pour le pays ! Je ne pense pas qu’aucun des membres de cette assemblée aura ce courage.
Il me semble que ces observations suffiraient pour faire sentir à la chambre que le budget, tel qu’il a été présenté, ne peut pas soutenir l’examen. Cependant, les besoins du gouvernement sont pressants, et il n’entre dans l’idée d’aucun de nous de vouloir entraver sa marche. Personne n’est capable d’adopter un parti qui ferait manquer le service public.
Mais rien n’est plus simple que de parer aux inconvénients auxquels l’insouciance ministérielle nous a exposés, sans cependant admettre le projet actuel. Pour cela que faut-il ? Il faut déclarer que jusqu’à la promulgation d’une loi de voies et moyens, toutes les contributions existantes seront perçues d’après la loi du 27 décembre dernier. Mais il ne suffit pas de fournir des fonds au gouvernement, il faut qu’il en puisse disposer ; car le trésor ne peut lui être ouvert que par la législature.
Si nous ne lui donnions pas cette autorisation, autant vaudrait laisser l’argent dans les mains des contribuables que de le laisser enfoui dans les caisses de la trésorerie. Il faut donc ouvrir aux différents ministères des crédits suffisants pour subvenir aux besoins du moment. Je pense qu’en accordant à chacun de ces départements un crédit égal au quart de celui qu’on lui a alloué pour l’exercice courant, on satisfera à toutes les nécessités, à toutes les exigences raisonnables ; car je ne puis croire que le travail du budget, quelque empressement que l’on mette à nous fournir tous les renseignements qu’il réclame, exigera tout le trimestre de janvier, de sorte que la durée de la loi à voter ne doit pas s’étendre au-delà de ce trimestre.
Je saisis cette occasion pour vous faire remarquer avec quelle légèreté se fait le travail si difficile de la législation. Par une loi toute récente, vous avez autorisé le gouvernement à percevoir par anticipation les deux tiers de la contribution foncière sur les rôles de 1832. Cette imposition ne devait pas former l’objet d’une loi spéciale ; elle trouvait sa place naturelle dans la loi qui fixe les voies et moyens, et ouvre des crédits provisoires pour les divers services.
Ainsi, on a débuté par vous présenter un fragment de loi ; un second est en discussion, et l’on a oublié d’y comprendre un troisième objet, également essentiel, également urgent : l’ouverture de crédits provisoires pour les différents départements ministériels, pour morceler ce que la nature des choses veut voir réuni en un tout.
Cette remarque fait ressortir la bizarrerie de la marche du gouvernement dans la confection des lois : il travestit le travail législatif en un véritable habit d’arlequin, composé de pièces de rapport. Ce travail je le reconnais, pour rendre justice à tout le monde, est très difficile.
Il est donné à très peu de personnes de formuler une bonne loi, et je ne suis nullement surpris que parmi les employés ministériels, il n’en est aucun qui soit capable de le faire. Aussi longtemps que le gouvernement n’aura pas fondé un conseil d’Etat, je le défie de vous présenter un projet de loi qui puisse obtenir l’assentiment de ceux qui sont aptes à prendre part à la discussion d’une loi.
Aussi, messieurs, depuis deux ans sommes-nous placés dans cette position de la convention qui, du jour au lendemain, enfantait des décrets qui n’avaient d’autre caractère législatif que celui d’émaner d’un corps institué pour confectionner des lois.
D’après les développements que je viens de donner, j’aurai l’honneur présenter plusieurs amendements pour en finir en une fois de toutes ces lois provisoires, et pour mettre le gouvernement en mesure de marcher jusqu’à ce que nous puissions nous occuper avec maturité et en parfaite connaissance de cause du budget définitif des voies et moyens.
M. A. Rodenbach. - Messieurs, au lieu d’une majoration sur l’impôt personnel et les patentes, j’aurais, à l’instar de la ville de Bruxelles, préféré le système des emprunts, d’autant plus qu’il ne faut que 7,400,000 fr. Quelques jours eussent suffi en Belgique pour se procurer cette somme.
En imposant trop le fermier, tous nos produits agricoles augmenteront de prix, au point de diminuer leur exportation. L’augmentation de l’impôt foncier empêche le bon marché de la vie animale. Quand l’ouvrier paie cher le pain et la viande, l’étoffe qu’il confectionne doit coûter plus cher.
Si nous voulons soutenir la concurrence à l’étranger, et si nous voulons que la Belgique soit en même temps un pays agricole et manufacturier, les vivres doivent être à bon marché.
Dans la dernière session, M. Coghen, alors ministre, nous a affirmé que le budget de 1833 serait appuyé sur un nouveau système, que l’inégalité des impôts disparaîtrait ainsi que la fiscalité hollandaise ; et à la séance du sénat du 29 décembre, ce même ministre assurait que le café, le thé et les bois étrangers seraient une grande ressource sur laquelle on pouvait compter pour 1833.
On ne nous tient aucun compte de toutes ces promesses.
Les gouvernants devraient cependant savoir que les fausses promesses irritent plus que les francs refus. La révision du système financier est pour le gouvernement un devoir qui résulte de la constitution.
On peut supposer que les ministres n’avaient pas l’intention de changer pour 1833 le système batavo-fiscal, puisque ce n’est qu’en octobre dernier qu’ils ont demandé des renseignements aux directeurs, inspecteurs et contrôleurs. Le gouvernement retarde autant que possible de nous soumettre un nouveau système financier, que nous attendrons probablement aussi longtemps que sous Guillaume, nous avons attendu l’organisation judiciaire.
Le ministre Duvivier, dans son rapport sur les voies et moyens, nous dit que chaque Anglais paie une quotité d’impôt de plus de 80 francs, chaque Français 33 francs, chaque Hollandais 44 francs ; tandis que chaque Belge n’en paie que 22. Lors de la discussion du budget de 1832, j’ai eu occasion de dire à M. le ministre que tous ces chiffres, toutes ces moyennes, sont presque toujours inexactes, et diffèrent dans leur résultat suivant la source où on les puise. Dans certains pays on ne perçoit point des centimes additionnels, et on n’accorde point p. c. aux provinces, 5 p. c. aux communes, quelques pour cent aux ministres, aux gouverneurs, etc. La plupart des statistiques ne tiennent pas compte de toutes ces majorations. Il y a aussi des pays où l’on ne connaît point les droits d’octroi. L’Angleterre est à peu près dans ce cas, puisqu’elle ne paie qu’une bagatelle pour son town dues.
Si on ajoutait à notre moyenne de 22 francs les charges communales et autres, je suis convaincu qu’on pourrait trouver à Bruxelles et à Gand grand nombre d’habitants qui à fortune égale paient autant qu’à Londres, car dans ces deux premières villes l’octroi s’élève approximativement à 2,500,000 francs, ce qui fait déjà pour l’octroi seul une moyenne de 13 francs. Je ne veux pas soutenir par mon argument que l’on paie moins en Belgique qu’en France, en Hollande et en Angleterre ; j’entre seulement dans ce détail, afin que dorénavant on ne tente plus à nous éblouir par de pareils sophismes ministériels.
Vu notre état de guerre, le chiffre de 83 millions n’est pas trop élevé ; mais on ne se bornera pas à cette somme et bientôt on demandera aux contribuables d’autres sacrifices. Des économies sont donc nécessaires.
Pour le moment je terminerai mes observations ; mais quand on discutera article par article le budget qui nous est soumis, je signalerai des abus iniques dans l’administration de la poste aux chevaux. Je suspends mon vote jusqu’à ce que j’aie examiné les amendements que compte nous proposer notre honorable collègue M. d'Elhoungne.
M. de Foere. - Messieurs, c’est presque généralement admis que l’impôt doit être sagement gradué sur le revenu. Cependant si vous appliquez ce principe à notre système actuel de finances, il en résultera les anomalies les plus choquantes. Cette introduction est d’abord évidemment attachée aux impôts appelés indirects, autrement dits impôts sur la consommation, Personne ne soutiendra qu’une famille qui a 300,000 francs de revenu consomme 600 fois plus de sel, de sucre ou de genièvre qu’une autre qui ne jouit que d’un revenu de 500 fr. Je n’insisterai pas davantage sur ce sujet l’énorme inégalité qui, en matière d’impôts, pèse sur la consommation est passée en conviction.
La même anomalie ressort de l’impôt foncier tel qu’il est établi aujourd’hui. Est-ce la grande propriété, sont-ce les gros revenus qui paient cet impôt ? Evidemment non. C’est l’industrie agricole qui l’acquitte. Les propriétaires que l’impôt foncier veut atteindre s’en déchargent sur les fermiers. Le prix de la ferme reste le même. L’impôt direct se trouva complétement éludé ; les revenus demeurent constamment intacts.
Si quelqu’un en doutait, il suffisait, pour sortir de son illusion, qu’il consultât les bureaux des hypothèques. Là, il acquerrait la conviction que, depuis 40 ans, les propriétés vendues ont été presque toutes acquises par la grande propriété. Elle est parvenue à accumuler ses biens-fonds par l’accumulation annuelle de ses revenus qui ont échappé constamment à l’action du fisc, il puiserait aussi dans cette source la triste conviction que la division des propriétés, cette véritable image de la prospérité d’un pays, a disparu presque tout entière.
Ce vicieux système de finances convenait fort bien à la Hollande. Le gouvernement de ce pays a toujours été oligarchique. Il a constamment protégé la grande propriété, afin de mériter son appui dans sa politique extérieure et intérieure. La classe moyenne a toujours éprouvé toutes les rigueurs de ses impôts. Ce système financier ne peut convenir à un état véritablement représentatif. Ses charges doivent être équitablement réparties et graduées sur les différences que présentent les revenus de ses membres. Cette répartition est d’autant plus juste que la grande propriété participe plus largement à la protection et aux garanties de l’Etat.
C’est donc avec une extrême répugnance que je vois 40 centimes additionnels ajoutés à l’impôt foncier. J’aurais désiré que le gouvernement eût fait peser cette surcharge sur les revenus des grands propriétaires.
Ces observations préalables, messieurs, nous mènent à la refonte nécessaire de tout notre système d’impôts. Le nouveau doit avoir pour base l’impôt progressif sagement calculé sur les inégalités des revenus. Je voudrais y voir figurer un impôt sur les rentes de l’Etat et sur les rentes hypothéquées. On a objecté la difficulté et même l’impossibilité d’atteindre ces revenus. Lorsque la discussion s’établira sur ce sujet j’essaierai de faire voir la possibilité d’imposer les propriétaires de ces valeurs.
Ensuite, il faut que le gouvernement et la chambre introduisent dans les dépenses un esprit d’ordre, de conduite et d’économie. Sans cet esprit, tout système nouveau de voies et de moyens, quelque bon qu’il soit, ne sera jamais qu’un vrai charlatanisme ; car, quel que soit le mode de recueillir les impôts, il faudra toujours couvrir le budget des dépenses.
Il est urgent, messieurs, de mettre un terme aux nombreuses entraves qu’éprouvent nos distilleries. Les mesures vexatoires, qui entourent continuellement cette industrie, la gênent beaucoup dans ses mouvements. C’est aller en sens inverse en matière de législation. L’Etat, loin de contrarier l’action d’une industrie, doit la protéger. Il doit d’autant plus cette protection aux distilleries qu’elles sont en connexité intime avec la prospérité de l’agriculture. Il faut donc faire tomber ces odieuses entraves, et diminuer de beaucoup l’impôt sur la fabrication du genièvre, comme seul moyen de résister à l’appât de la fraude. Sans cette diminution, quelque sévères que soient vos mesures de surveillance, vous n’empêcherez jamais la Hollande d’introduire eu fraude une grande quantité de genièvre par les côtes de la Flandre et le long de la frontière de la Flandre hollandaise. Les faits l’ont prouvé sous le gouvernement autrichien.
Je ne suis pas, messieurs, admirateur du système qui fait entrer les impôts par l’interposition des fermiers. Cependant, outre l’exception du droit de barrières, j’en admets encore une autre. Je voudrais que la poste aux lettres fût mise en ferme. Il est très probable que ce mode produirait plus à l’Etat, et qu’en outre il y gagnerait les frais d’administration. Les exactions des fermiers seraient impossibles ; un même tarif ferait règle pour le fermier et pour le contribuable. La garantie publique en serait aussi plus sûre. Les abus du contreseing et de la violation du secret des lettres seraient atteints avec plus de succès. Il est plus facile de traduire devant les tribunaux les fermiers que les fonctionnaires publics. L’action contre ces derniers est presque toujours illusoire.
Enfin, je remarque dans les voies et moyens un article trop vaguement indiqué. La non-spécialité est pour moi l’équivalent de l’arbitraire. Je désiré que le ministère spécifie l’article : « Recettes diverses et accidentelles de l’Etat. » J’ai dit.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Messieurs, j’aurais désiré que la discussion générale eût pu se prolonger jusqu’à la fin de cette séance, afin d’avoir le temps, d’ici à demain de répondre avec ordre et méthode aux diverses opérations qui ont été faites. On conçoit, en effet, que sur des notes prises à la hâte et à mesure qu’elles ont été présentées, je ne pourrai faire qu’une réponse plus ou moins incohérente. J’aurais, au contraire, désiré pouvoir grouper ensemble les observations générales, d’un côté, de l’autre les objections sur des objets spéciaux, pour répondre séparément aux unes et aux autres. Cependant puisque la discussion générale est sur le point d’être close (Non ! non ! On peut renvoyer à demain !), ce serait, messieurs, m’obliger personnellement et me mettre à même de vous répondre d’une manière plus satisfaisante.
- Voix nombreuses. - A demain ! à demain !
M. Mary. - Il me semble qu’il serait plus convenable que je ne fusse entendu qu’après M. le ministre. Je pourrais, de cette façon, répondre à ses propres observations, ce qui serait d’autant plus utile que j’ignore s’il adopte ou non les vues émises dans mon rapport. (A demain ! à demain !)
M. l’abbé de Foere. - Il n’est encore que 3 heures.
M. Dumortier. - Nous ne sommes pas à l’heure ici ; il n’y a pas d’inconvénient à renvoyer à demain, d’autant plus que moi-même j’ai des observations à présenter, et je serai bien aise qu’on renvoie à demain. Cependant, puisque j’ai la parole, je ferai une seule question à M. le ministre ; cette question est fort essentielle. Le budget est-il calculé sur la Belgique telle qu’elle est existe, ou sur la Belgique telle qu’elle est limité par le traité du 15 novembre ?
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Le budget est basé sur la Belgique telle qu’elle existera, je l’espère un jour, selon le traité du 15 novembre. (Bruit.)
M. Desmet. - Nous ne l’espérons pas, nous.
M. Gendebien. - Il va sans dire que c’est sur la Belgique des protocoles.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Malheureusement nous ne pourrons pas en avoir d’autre.
M. Gendebien. - Je disais cela pour compléter votre pensée.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je suis blessé autant que qui que ce soit de cette dure nécessité.
M. Meeus. - Je demande la parole.
Messieurs, j’avais demandé, dans une précédente séance à M. le ministre des finances, qu’il voulût bien nous communiquer 1’état de situation du cadastre ; cette communication est fort essentielle, car il est désirable que nous puissions connaître la proportion qui existe sur l’impôt foncier, de province à province, et si cela était possible, de canton à canton.
Je ne sais si cette communication a été faite, mais pour ma part je n’ai rien reçu. Cependant si l’injuste répartition qui existe dans l’impôt foncier n’est pas réparée, je déclare que je refuserai mon vote au budget, parce que dans mon opinion nous n’avons pas le droit de surcharger de 40 pour cent des provinces déjà trop imposées par la répartition actuelle.
Il était facile, depuis deux ans, si le gouvernement l’eût voulu, de faire disparaître cette inégalité. Une commission des finances fut nommée l’an dernier par le Roi, j’avais l’honneur d’en faire partie. Cette commission était chargée de préparer les éléments nécessaires à une assiette nouvelle des impôts ; nous tombâmes tous d’accord sur l’injuste répartition de l’impôt foncier ; mais à peine étions-nous d’accord depuis vingt-quatre heures que M. le ministre des finances ne nous convoqua plus, et depuis dix mois la commission ne s’est pas réunie. Les hommes qui en faisaient partie étaient cependant des hommes expérimentés et réputés les plus éclairés en matière de finances ; on a lieu de s’étonner qu’on ait voulu se priver de leurs conseils : il semble, vraiment que le gouvernement ait peur des lumières. (Mouvement.)
M. H. de Brouckere et autres. - C’est vrai ! c’est vrai !
M. Meeus. - Il me semble, messieurs, qu’il serait très facile de mieux répartir l’impôt foncier. Lorsqu’il fut établi par l’assemblée nationale, elle voulut qu’il frappât également toutes les propriétés foncières. Eh bien, déterminez pour tout le royaume un revenu fixe à la charge des biens-fonds. Voulez-vous qu’on paie 10 p. c., 12 p. c. de revenu ? Dites-le, et après imposer chaque propriétaire proportionnellement aux biens qu’il possède. Que chacun fasse la déclaration de son revenu, que les fermiers disent ce qu’ils paient au propriétaire ; une juste répartition remplacera l’inégalité qui existe aujourd’hui. Pour ma part je peux prouver cette inégalité par des faits nombreux et en laissant à part le cadastre.
L’administration à la tête de laquelle je me trouve placé possède, vous le savez, des biens considérables dans les diverses parties du royaume. Eh bien, telle propriété qui donne annuellement un revenu de 30 à 32 florins n’est imposée qu’à 2 florins par an, tandis que telle autre qui ne rapporte que 8 à 9 florins de revenu est frappée de 3 florins d’impôt. Je pourrais vous citer plusieurs autres exemples, si chacun de vous ne connaissait pas lui-même des faits semblables. Or, ce cadastre si longtemps promis, et d’où doit sortir un foyer de lumières, est, dit-on, destiné à faire disparaître ces injustices. Mais on nous le cache soigneusement, et on nous le cachera encore pendant deux ou trois ans. Tant que cet état de choses durera, je ne consentirai pas à voter le budget. Je me réserve de développer plus au long mon opinion dans la suite de la discussion.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Messieurs, je n’entrerai pas dans tous les détails où l’orateur est entré lui-même, au sujet des inégalités qui existent dans la répartition de l’impôt foncier. Le gouvernement le sait, et le cadastre est précisément destiné à remédier à toutes les inégalités. Mais je répondrai à l’interpellation de l’honorable membre, à propos du désir manifesté par lui, d’obtenir certains tableaux sur le travail du cadastre, comme renseignements. Le jour même où l’honorable membre fit cette demande, je m’en suis entretenu avec M. l’inspecteur-général du cadastre, et il m’a donné la preuve qu’il était impossible, quant à présent, d’y satisfaire.
Il en développera les raisons lui-même après que j’aurai parlé.
On parle constamment du cadastre comme d’une chose dont on ne verra jamais la fin. Messieurs, lorsque dans les précédents exercices on vous a demandé des fonds pour le cadastre, on vous a promis que tels et tels travaux seraient faits à tel et tel jour. Ils ont été faits au temps indiqué, il en sera de même pour ce qui doit être fait dans l’année 1833, et, je suis heureux de pouvoir le dire à la chambre, les travaux seront terminés dans l’année 1834 ; cependant encore à cette époque le travail ne sera que provisoire, car les assemblées provinciales devront intervenir dans le cadastre pour assurer l’exactitude de la répartition entre les diverses parties du territoire.
Nous touchons donc au moment d’obtenir le résultat que l’on demande. C’est dans l’année 1834 qu’il sera assuré ; je demande si pour un laps de temps aussi court, et par le désir d’aller trop vite, il faut s’exposer à de nouvelles injustices, par une répartition faite sur des bases vagues et incertaines.
Je crois, messieurs, que ces explications suffiront, et M. l’inspecteur-général du cadastre les complétera si la chambre le désire.
M. d’Elhoungne. - Je voudrais pouvoir partager, messieurs, l’opinion de M. le ministre des finances, quand il annonce la fin prochaine des travaux du cadastre ; mais pour me former une opinion contraire à la sienne, je n’ai qu’à me rappeler ce qui s’est passé sous l’ancien gouvernement.
En 1825, le travail du cadastre commencé sous le gouvernement français était terminé. L’administration cadastrale, voyant s’échapper de ses mains cette feuille sur laquelle elle vivait depuis 1804, s’est étayée des défectuosités de son propre ouvrage, pour demander que les travaux recommençassent ; le gouvernement accéda à cette demande, et en effet les travaux furent recommencés en 1825.
Où en est-on aujourd’hui ? On a fait l’arpentage, on a distribué des bulletins, non pas des bulletins de classement, ce qui est la chose la plus importante, mais de simples bulletins d’arpentage. Quand le travail sur le terrain sera terminé, il faudra instruire sur les réclamations qui s’élèveront contre l’arpentage, contre le classement des propriétés. C’est alors que commenceront les difficultés réelles du cadastre. Tout ce qui a été fait jusqu’ici était le plus facile à faire ; c’est l’arpentage que l’administration fait seule, sans contradiction et sans obstacle. Mais du moment où vous distribuerez les bulletins de classement, s’élèveront des réclamations de tout genre, et je vous laisse à juger combien de temps il faudra pour faire droit. Ce qui augmentera les difficultés, c’est que, et ceci est de notoriété publique, l’administration a employé une foule d’agents incapables. Cette vérité donnera la mesure des réclamations qui vont s’élever.
On ne fait pas attention que depuis 1825, que les opérations ont commencé sur le terrain, un tiers des propriétés au moins a changé de maître. Il faudra peut-être un travail aussi long que celui qu’a exigé l’arpentage, pour connaître les véritables propriétaires auxquels il faut distribuer les bulletins de classement, pour les mettre en demeure de fournir leurs contredits. Cette recherche est indispensable ; il n’y a pas, il ne peut y avoir de cadastre sans cela. Or, quand il s’agit d’établir des impôts pour un laps de temps aussi long, peut-on décider sur la demande d’une seule partie ?
L’administration n’a pas tenu note de mutations qui se sont opérées ; combien de difficultés ne rencontrerait-elle pas pour trouver le véritable propriétaire ? Je l’ai déjà dit, et je le répète, ces obstacles feront que pendant de longues années encore le cadastre sera impraticable. Et plus on examinera la chose de près, plus on se convaincra que la grande précision qu’on a voulu apporter à sa confection fera précisément manquer le but.
Je pense donc que le vœu émis par M. Meeus mérite toute l’attention de l’assemblée, et qu’au lieu d’ajourner la réparation d’une injustice qui dure depuis 30 ans, il est temps de s’occuper du remède non pas pour faire une répartition nouvelle avec une précision rigoureuse et mathématique, mais une répartition dont l’équité puisse se contenter.
J’ajouterai encore une observation : à peine avons-nous entamé la discussion du projet ministériel que le ministre en demande l’ajournement…
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je demande la parole.
M. d’Elhoungne. - L’ajournement au lendemain pour le défendre contre les attaques dont il a été l’objet. Il est assez singulier, messieurs, qu’une assemblée de 102 députés soit obligée de perdre ici son temps, de rester loin de sa famille et de ses affaires, pour attendre le moment où un ministre sera prêt à lui répondre. Cela prouve combien il est malheureux que le pays se trouve privé de ministre ; car enfin, le renfort qu’on s’est donné pour discuter le budget, et qui n’est que la petite monnaie du ministre des finances (on rit), prouve que nous n’avons pas de ministre en cette partie.
Au reste, l’absence de ministres remonte de plus loin. Quand nous avions un cabinet, il se réduisait à quatre membres, non compris le ministre de la guerre, qui s’occupe d’une spécialité, d’une nécessité impérieuse en ce moment, mais qui est placé en dehors du système politique, et je n’ai pas besoin de vous expliquer pourquoi : vous en savez la raison aussi bien que moi. Sur ces quatre ministres il n’y avait réellement que le ministère de l’intérieur et celui de la justice qui fussent occupés. Et quant aux deux autres, le ministère des relations extérieures, qui est d’une si haute importance dans les circonstances où nous nous trouvons, et le ministre des finances, qui n’est pas d’une importance moindre, n’étaient occupées que par des intérimaires.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Messieurs, je dois répondre quelques mots à ce que vient de dire l’honorable préopinant. Je n’ai pas reculé du tout devant l’obligation de donner des explications à la chambre. J’ai dit seulement que je regrettais que la discussion ne se fût pas prolongée jusqu’au moment de clore la séance, parce que cela m’aurait mis à même de ne répondre que demain, et de mettre plus d’ordre et de méthode dans une réponse qui doit être basée sur des notes prises au fur et à mesure que les orateurs ont été entendus. Je crois que tous les membres de cette chambre me rendront la justice (Oui !oui !) de dire que c’est à cela que s’est bornée mon observation ; alors j’ai entendu d’honorables membres demander le renvoi à demain. Je leur en témoigne toute ma satisfaction, et je leur vote des remerciements pour cette demande (on rit), et je sais à quels honorables amis je dois cette faveur ; mais, du reste, j’ai déclaré que j’étais prêt à répondre. Il ne faut pas tronquer les faits.
M. Dumortier. - Je m’attendais à une réponse plus péremptoire de M. le ministre à la demande de M. Meeus. Je demanderai à M. le commissaire du Roi à quel point se trouve le travail d’arpentage et d’expertise du cadastre.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je demande à dire deux mots avant que M. le commissaire du Roi ne réponde à cette interpellation. C’est au sujet du blâme qu’on a déversé sur moi, pour m’être fait appuyer des talents spéciaux des divers administrateurs des finances.
Je n’ai été mû et dirigé en cela par d’autres motifs que celui de ne pas laisser la chambre manquer du plus petit détail dont elle aurait besoin dans cette discussion J’ai connu trop de ministres en défaut pour avoir voulu me piquer d’être trop bon ministre (hilarité) ; je me suis donc dit : J’ai des hommes capables dans mon ministère ; je me ferai appuyer par eux, afin que la chambre ait toutes les explications désirables, et je me félicite tellement de cette mesure que je la ferai prendre chaque fois, si je me retrouve encore dans une position semblable à celle où je suis aujourd’hui.
M. Gendebien. - Puisque M. Thiry va répondre à M. Dumortier, je lui ferai encore une question ; il répondra aux deux questions à la fois. M. Meeus a demandé qu’on nous fournît le tableau des opérations cadastrales, on lui a répondu que cela n’était pas possible. Je le prierai de dire pourquoi.
M. Thiry, commissaire du Roi. - Messieurs, des observations qui ont été faites, je commencerai par répondre à celle de l’honorable M. d'Elhoungne.
Ces observations se réduisent à deux principales : la première, c’est qu’en 1825, lorsque le système du cadastre fut changé, le travail était presque terminé. Cette assertion n’est pas exacte, Une partie seulement du travail était exécutée, et ce n’est pas l’administration qui demanda qu’il fût recommencé afin de se perpétuer ; c’est le fait de la réunion de la Belgique à la Hollande, comme j’ai eu l’honneur de le dire à la chambre, lors de la discussion du budget pour l’exercice de 1832 ; c’est, dis-je, le fait de la réunion de la Belgique à la Hollande qui amena la nécessité de changer les bases du cadastre. Cette imputation est donc entièrement dénuée de fondement.
La seconde observation de l’honorable membre porte sur les prétendues inexactitudes de l’opération cadastrale ; inexactitudes qui, un jour, par la communication aux propriétaires des bulletins de classement, doivent, dit-il, donner lieu à une infinité de réclamations.
Eh bien, je dirai que non seulement l’arpentage est déjà communiqué dans presque toutes les communes du royaume, sans qu’il y ait eu des réclamations nombreuses ; mais je dirai de plus que dans deux provinces le cadastre est achevé et que les bulletins d’arpentage, aussi bien que les bulletins pour les expertises, ont été communiqués dans ces deux provinces, qui sont celles de Liège et de Namur ; et dans presque toutes les communes on a adhéré purement et simplement au résultat de l’expertise. Ainsi les sinistres prédictions de l’honorable orateur ne se réaliseront pas : un fait que je vais citer le prouvera surabondamment.
Le conseil municipal d’une commune de la province de Namur avait réclamé contre les opérations ; ayant eu connaissance de la réclamation, j’ai donné à l’inspecteur provincial les instructions nécessaires pour qu’il vérifiât les opérations. Il s’est rendu sur les lieux, il a examiné le travail dans tous ses détails ; il s’est rendu ensuite auprès du conseil municipal, lui a soumis ses observations ; le conseil municipal a pris connaissance des faits, et après une mûre délibération, il a renoncé à sa réclamation. Je citerai la commune s’il le faut ; c’est celle de Soumois. Ce qui est arrivé là s’est renouvelé dans une commune de la province de Liège. Vous pouvez juger par là si les observations que l’on a faites sont fondées, et vous acquerrez la conviction que le cadastre atteindra le but qu’on s’est proposé.
Je passe maintenant à la demande qui nous a été faite de la communication du tableau des opérations cadastrales.
L’an dernier, pour fournir ce tableau à la commission des finances qui devait s’occuper d’une nouvelle assiette de l’impôt, je réunis tous les éléments nécessaires à sa formation. Ce fut un travail immense et auquel, pendant 15 jours, tous les employés du cadastre furent exclusivement occupés. Depuis lors, le gouvernement ne se proposant pas de changer la base de la contribution foncière, je n’ai pas fait faire de nouveau tableau. Mais dès le moment où on en a fait la demande dans cette assemblée, j’ai fait demander des renseignements nécessaires dans les provinces. Il sera cependant difficile de les obtenir dans un moment surtout où les employés sont occupés à d’autres opérations.
D’ailleurs ce tableau ne serait que de peu d’utilité. Il n’offrirait que des résultats provisoires, et ce n’est pas un résultat provisoire qui peut servir de base à une répartition de l’impôt foncier. C’est sous ce point de vue que l’an passé vous avez considéré ce tableau, et que vous vous êtes bornés à dégrever de 5 pour cent la contribution foncière pour les deux Flandres. Voilà ce que j’avais à répondre aux diverses observations qui ont été faites.
On a demandé à quel point en étaient les opérations du cadastre. J’ai la satisfaction de pouvoir dire, et au besoin je suis à même de démontrer, qu’elles ont eu tout le degré d’accélération possible.
Reportez-vous, messieurs, à la discussion du budget des dépenses voté l’an dernier. Là, vous verrez qu’on a alloué des fonds pour le cadastre et on a indiqué les opérations qui seraient faites dans l’année 1832. Eh bien, ces promesses non seulement ont été remplies en entier, mais on est allé au-delà ; non seulement tous les travaux sur le terrain ont été terminés, mais les instructions concernant l’expertise ont été données de manière à ce que cette opération avançât rapidement. Ainsi, loin de blâmer l’administration du cadastre, on lui devrait des remerciements pour le dévouement qu’elle a montré, et pour l’empressement qu’elle a mis à répondre aux vœux exprimés par la représentation nationale.
M. Meeus. - J’ai demandé la parole pour présenter une simple observation à M. le commissaire du Roi : puisque l’année dernière les tableaux ont été fournis, il doit y en avoir copie à l’administration ; or, nous nous contenterons d’une copie ; ces documents éclaireront l’assemblée.
Ayant la parole, j’exprimerai de nouveau mon opinion. Je laisserai de côté le cadastre. Supposons qu’il n’y en ait point ; devons-nous rester dans le dédale d’injustices où nous sommes aujourd’hui ? Est-ce qu’un ministre des finances qui veut réellement travailler et changer le système de l’impôt ne peut pas trouver, en quelques mois, pour l’impôt foncier, ce qui se pratique pour l’impôt personnel ? Vous demandez la valeur locative d’une maison, on vous la dit ou vous la faites estimer ; pourquoi ne forceriez-vous pas le fermier à déclarer la vérité ? Par suite de ce procédé, vous n’auriez plus des différences de 30 à 40 p. c. d’une commune à une autre, et on ne commettrait pas les injustices qui existent aujourd’hui. Si on voulait s’en occuper, ce serait l’affaire de deux mois.
M. Dumortier. - Il y a bien longtemps que l’on nous promet l’achèvement du cadastre. C’est comme sous le roi Guillaume, dont les ministres assuraient que nous étions toujours sur le point de voir terminer le cadastre. A l’époque du congrès, M. de Brouckere, alors ministre des finances, promettait aussi la fin du cadastre, et pour y arriver il demandait 24,000 florins. Lorsque la chambre des représentants fut constituée, M. Coghen vint demander 318,000 florins, pour supplément des frais d’expertise, et aujourd’hui on vient encore demander 300,000 florins pour les mêmes frais d’expertise. Ainsi, d’année en année on demande toujours, et je ne sais pas quand cela finira.
Mais, dit-on, le cadastre a fait les plus grands efforts ; il devrait recevoir les plus grands éloges de la part de la chambre. J’ouvre le budget de l’année dernière et j’y vois : « S’il ne survient pas d’obstacle imprévu, les travaux d’arpentage et d’expertise seront terminés dans l’année 1832. » Eh bien, ouvrez le budget de 1833, on vous demande 300,000 florins pour les travaux d’arpentage et d’expertise. Je ne vois pas où cela mène, sinon à une opération sans fin.
Je n’entends pas contester l’utilité que beaucoup de personnes attendent du cadastre ; moi, je voudrais que l’on déposât sur le bureau de la chambre un état des travaux du cadastre. On demande une augmentation de l’impôt foncier ; dans quelques jours on demandera peut-être d’autres impôts ; mais il est impossible de voter sans voir, sans connaître ; c’est voter dans un sac ; et c’est ce que la chambre ne peut admettre.
Lorsque la chambre fut appelée dernièrement à voter un crédit spécial pour le déficit de 1832, plusieurs orateurs, entre autres MM. Jullien, Angillis, demandèrent que l’on présentât les comptes : à ce moment-là M. Coghen vint dire que les comptes étaient à l’impression ; le ministre des finances ad interim nous promit que les comptes seraient distribués pour la discussion du budget des voies et moyens ; nous voici à cette discussion, et les comptes ne sont pas présentés. Cependant la discussion est essentiellement connexe avec celle qui nous occupe ; il faudrait que nous eussions les comptes sous les yeux. Un engagement a été pris il y a dix jours, pourquoi n’est-il pas rempli ?
M. d’Elhoungne. - Dans sa réponse, M. le commissaire du Roi fait remarquer que j’étais dans l’erreur en attribuant à l’administration du cadastre le rejet des travaux qui avaient été poussés jusqu’à l’an 1825, afin de recommencer l’opération ; que c’est à la réunion de la Belgique à la Hollande qu’il faut attribuer ce rejet ; mais je ferai observer que la réunion a eu lieu en 1815 et non en 1825. Je laisse à juger de la valeur de la réponse de M. le commissaire du Roi.
Il est une autre observation qui peut encore servir à apprécier les assertions de M. le commissaire du Roi. On demande le résultat du travail du cadastre ; ce travail a été fourni l’année dernière à la commission chargée de la révision du système des impôts ; mais cette année on dit que le travail du cadastre a été considérable, on déclare en même temps qu’on ne peut fournir de renseignements ; je vous laisse encore à juger si les travaux sont bien complets et sont aussi avancés qu’on le dit, puisqu’on refuse de vous les soumettre.
Il est encore une remarque que je dois signaler et où M. le commissaire du Roi est en contradiction avec M. le ministre des finances. Ce dernier a dit que, s’étant concerté avec le directeur du cadastre, il a reconnu l’impossibilité de fournir les documents demandés par M. Meeus ; et cependant M. le commissaire du Roi vient de déclarer qu’on pouvait présenter les résultats du travail de l’administration cadastrale !
M. Thiry, commissaire du Roi. -M. d'Elhoungne dit que la réunion de la Belgique à la Hollande a eu lieu en 1815, et que ce n’est qu’en 1815 qu’on a changé le système du cadastre ; depuis 1816 il est vrai que le cadastre a été continué dans les provinces méridionales, d’après le système français ; ensuite on a voulu commencer le travail dans les provinces septentrionales, et alors on a vu qu’on ne pouvait y appliquer le système suivi jusqu’alors ; c’est de ce moment qu’on a changé de système.
Quant à la demande de M. Meeus, j’aurai l’honneur de faire observer que la répartition de l’impôt, d’après les déclarations des fermiers, serait la plus mauvaise possible ; elle serait entachée de plus de vices que celle d’aujourd’hui. Vous en avez la preuve par la contribution personnelle.
C’est précisément parce qu’elle est fondée sur la déclaration des propriétaires, sur un principe immoral qui met le contribuable entre son intérêt et sa conscience, que les inconvénients que l’on veut éviter se reproduiraient avec plus de force. Ce système a été essayé en France par masse de culture, et l’expérience a prouvé qu’il fallait y renoncer, malgré une dépense de 20 millions qui avait été faite. Ce n’est pas là une réponse de théorie, c’est une réponse de pratique.
Je répondrai à M. Dumortier qu’il n’a pas lu la note entière du budget de 1832, qu’il n’en a pas lu la fin ; à la fin de cette note on indique les objets qui restent à faire.
Pour M. de Brouckere, quand il a été ministre des finances, il n’a pas annoncé que le cadastre serait achevé en 1831. (A demain ! à demain ! à demain !)
- La discussion est continuée à demain.
Il est quatre heures et demie, la séance est levée.
Noms de MM. les représentants absents sans congé à la séance de ce jour : MM. Angillis, Boucqueau, Brabant, Coppieters, de Muelenaere, de Robaulx, de Theux, de Woelmont. Dumont, Jacques, Jaminé, van Hoobrouck, Pirmez, Pirson, Poschet, Rogier.