(Moniteur belge n°346, du 14 décembre 1832)
(Présidence de M. Fallon, vice-président.)
M. Liedts fait l’appel nominal à une heure moins un quart.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
- L’ordre du jour est la suite de la discussion sur le budget des voies et moyens.
M. H. de Brouckere. - Messieurs, contrairement aux habitudes parlementaires de tous les pays où la forme représentative est reçue, contrairement à ce qui s’est passé chez nous les années précédentes, la discussion des budgets doit se borner cette année à une discussion de chiffres. Nous n’avons pas de ministres, point de gouvernement. ; par conséquent toute discussion, et sur la politique extérieure, et sur nos affaires intérieures, est absolument impossible. Je dis : pas de ministère, car je vois au banc des ministres un administrateur en chef des finances, administrateur provisoire encore ; mais de ministère je n’en vois pas.
Je ferai donc, messieurs, comme mes honorables collègues qui ont porté la parole hier, je me bornerai à traiter quelques questions de chiffres ; et pour ne pas retomber dans des redites tout à fait inutiles, je ne me plaindrai plus ni de ce que nous n’avons pas les comptes de 1830 et de 1831, quoiqu’ils aient été souvent promis ; ni de ce qu’on nous force à faire les choses à rebours, de discuter le budget des voies et moyens avant le budget des dépenses, c’est-à-dire qu’on nous force à donner de l’argent au gouvernement avant qu’il nous ait renseigné quel usage il va en faire.
Messieurs, à défaut de renseignements du ministère sur la situation de notre trésor, je prends du moins l’exposé de notre situation financière, que l’honorable M. Coghen (que je regrette de ne pas voir parmi nous) a été si heureux de pouvoir nous faire ; je dis si heureux, pour me servir des termes employés par lui-même.
Il résulterait de cet exposé, s’il était sincère, que bien que nous ayons un déficit réel de deux millions de francs sur l’exercice 1832, nous devrions avoir en caisse une somme de 16 millions de fr., attendu que nous n’avons pas dû payer à la Hollande les 18 millions que nous sommes obligés de lui donner en vertu du traité du 15 novembre.
Eh bien ! messieurs, il n’en est pas ainsi. Savez-vous comment M. Coghen est parvenu à ce résultat si tranquillisant pour lui et pour nous, comme il le disait ? C’est en portant comme rentrés dans les caisses du trésor les 35 millions de florins produit de l’emprunt de 48 millions, tandis que cet emprunt a été contracté de manière que le dernier terme ne rentrera, je pense, qu’en septembre 1833.
C’est une créance assurée, dit-on ; je ne le conteste pas ; mais nous avons besoin d’argent dans les caisses, et nous en avons besoin dès aujourd’hui.
M. Coghen a donc fait un rapport inexact, et il a cru de cette manière qu’il couvrirait la maladresse avec laquelle la seconde partie de l’emprunt de 48 millions a été contractée.
Il est vrai qu’il nous a un moment fasciné les yeux ; aujourd’hui nous sommes déjà en partie détrompés, et dans peu, je l’espère, nous verrons les choses sans illusion.
Ainsi, les 16 millions ne sont pas en caisse, et s’il en fallait la preuve, je la trouverais dans la demande faite, il y a quelques jours, par le gouvernement, pour prélever par anticipation les deux tiers de la contribution foncière de l’année 1833. Qu’y a-t-il donc en caisse ? J’ai lieu de croire qu’il y a bien peu de chose, et tout à l’heure je ferai, à cet égard, une interpellation à M. le ministre ad interim ; j’ai lieu de croire qu’on est tellement gêné qu’il circule déjà des mandats à terme.
Comment le gouvernement se tirera-t-il d’affaire ? Comment sortira-t-il d’embarras dès le premier mois de l’exercice prochain ? Je ne parlerai que des dépenses et de revenus extraordinaires.
Il fera rentrer les deux tiers de la contribution foncière ; je doute toutefois qu’il y parvienne entièrement. Je porte cette rentrée à 10 millions de francs. Il aura un douzième des 18 millions ; c’est un million 500 mille francs.
En tout 11 millions 500 mille francs.
Il aura à payer au 1er janvier 25 millions de francs, représentant l’emprunt de 12 millions ; il lui faut, pour le même mois, un supplément pour le pied de guerre de 4 millions ; total 29 millions.
Ainsi la différence ou le déficit est de 17 millions 500 mille francs.
Maintenant on dira peut-être qu’une partie de ce déficit sera couverte avec une partie de l’emprunt de 48 millions qui doit rentrer au mois de janvier ; plus, avec une partie de l’emprunt des 12 millions que l’on ne sera pas obligé de rembourser.
Mais je demande si ces deux sommes monteront à 17 millions 500 mille francs, et j’en doute fortement.
Un orateur a prouvé que le budget présenté par le gouvernement n’était définitif que de nom, puisque déjà l’on annonce un budget supplémentaire pour le pied de guerre, et que l’on annonce que des moyens extraordinaires seront proposés pour le couvrir.
Mais, messieurs, pourquoi ne nous dit-on pas dès à présent quels moyens extraordinaires on proposera ? Pourquoi persiste-t-on à travailler par saccades et avec tant de décousu ? Non seulement on fait les choses d’une manière inverse à ce qu’elles devraient être mais on ne nous donne que des morceaux de budget.
On répond à cela : « Les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons ne permettent pas de déterminer dès à présent la durée du pied de guerre. Soit, j’en conviens ; cependant, pour les mois de janvier, février, mars, nous serons probablement encore sur le pied de guerre. Ces trois mois feront un déficit de 12 millions sur le premier trimestre de 1833 ; pourquoi ne pas dire comment on parviendra à recouvrer ces 12 millions ? Si on garde le silence, c’est probablement pour nous mettre le couteau sur la gorge au premier moment, et dire à ceux qui font des observations : « Vous voulez entraver la marche du gouvernement ? »
Pour calculer ce que rapporteront les voies et moyens demandés, on a pris pour point de comparaison ce que les lois actuellement en vigueur ont fait rentrer en 1832.
Nos ressources pour ce dernier exercice ont été de 75,598,000 francs ; mais est-on bien sûr que l’année 1833 les voies et moyens donneront un revenu aussi fort ? Messieurs, quant à moi j’avoue que je ne le crois pas. M. Coghen avait l’année dernière évalué approximativement les ressources à 31 millions ; elles se sont élevées 37,500,000 et il attribue cet accroissement aux soins donnés à l’administration financière pour l’exécution des lois : moi, messieurs, j’attribue cet accroissement à des causes toutes différentes.
Il est incontestable d’abord que l’état de guerre, qu’une armée de 120 mille hommes sur pied doivent augmenter les revenus de l’Etat ; vienne à cesser l’état de guerre, et les revenus diminueront et les calculs ministériels seront déjoués. La banque a vendu cette année d’immenses domaines ; ces ventes nombreuses ont dû occasionner de nombreux droits de mutation. Si ces ventes venaient à cesser, nouveau déficit dans les caisses du trésor. Puis en ce moment, personne ne l’ignore, le commerce languit complétement, il est absolument nul par suite des événements : combien de temps cela durera-t-il ? On n’en sait rien, et cette dernière considération va encore influer sur les revenus de l’Etat et les diminuera considérablement.
Ce peu de réflexions suffisent pour prouver que les calculs approximatifs faits par le gouvernement sur le montant des revenus de l’exercice 1833 ne sont nullement fondés.
Enfin, messieurs, somme toute, malgré les assurances de M. Coghen, malgré la sécurité de M. le ministre ad interim, j’avoue que je ne suis pas tranquille sur l’état de nos finances, et ce que je vois, c’est que l’ancien ministre et le ministre actuel n’ont pas la prévoyance pour qualité dominante. Au reste, il dépendra du ministre de me tranquilliser, s’il veut répondre aux interpellations que je vais lui faire.
Je le prie de nous dire :
1° Quelle est la somme que nous avons en caisse ;
2° S’il est vrai qu’il circule déjà des mandats à terme (signes négatifs d’un côté, affirmatifs de l’autre) : je suis certain qu’il y en a ;
3° Si l’on remboursera au 1er janvier 1833 l’emprunt de 12 millions ;
4° Jusqu’à quand le gouvernement pourra marcher avec les dieux tiers de la contribution foncière, prélevés par anticipation ;
5° N’est-il pas possible de nous indiquer dès aujourd’hui quels sont les moyens extraordinaires à l’aide desquels on couvrira les déficits que l’on prévoit déjà ?
Messieurs, je crois d’autant plus urgent que l’on réponde à cette dernière question que je lis dans le rapport fait par l’organe de la section centrale que, pour faire face aux charges de l’état de guerre, il faudra employer les sommes destinées au service des 18 millions ou recourir à d’autres impôts ; ou s’adresser à l’emprunt. Quant au premier moyen, celui qui consisterait à avoir recours aux 18 millions que nous ne devons pas payer, il ne produira au premier janvier, et par mois, que 1 million 500 mille francs ; mais comme c’est 4 millions qu’il faut pour la guerre, il y aura un déficit de 2,500,000 francs,
Si c’est au moyen de l’impôt, ne serait-il pas absurde de frapper de nouveaux impôts quand l’année aura commencée ? Si vous allez les demander en janvier ou février, vous aurez perdu un mois ou deux, car vous ne donnerez pas d’effet rétroactif à votre loi.
Si c’est au troisième moyen, si c’est aux emprunts qu’on doit recourir, je ne vois pas pourquoi on ne le disait pas dès aujourd’hui.
Je prie M. le ministre des finances de vouloir bien répondre aux interpellations que j’ai faites.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Messieurs, j’ai annoncé hier que je répondrais aujourd’hui aux diverses observations présentées hier par les orateurs qui ont parlé sur le budget. Mais autre chose est de satisfaire à cette promesse, autre chose de répondre à la série des questions importantes posées par l’honorable préopinant.
M. H. de Brouckere. - Ce sont des faits.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je prie l’honorable membre de consigner ces questions par écrit. Je répondrai à l’instant aux observations présentées hier, et naturellement il me faudra un temps moral pour répondre aux questions de M. de Brouckere. Je me bornerai pour le moment, sur ce dernier point, à relever une erreur grave du préopinant, sans parler des autres qui me paraissent exister dans les observations qu’il a présentées.
Il a récapitulé tout ce que nous devons payer au mois de janvier…
M. H. de Brouckere. - Dans le courant de janvier.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Dans le courant de janvier, soit. Je dis donc que, dans les prévisions alarmantes de l’honorable membre, il porte comme charge au 1er janvier ou dans le courant de janvier le remboursement de l’emprunt des 12 millions. Or, je peux, à la satisfaction de la chambre, détruire cette inquiétude de fond en comble.
En effet, des 12 millions à rembourser, 4 millions, et plus, sont au pouvoir de la banque, et d’une maison de banque célèbre dont le principal établissement est à Paris. Cette somme a été réglée par un arrangement pris par le dernier ministre titulaire avec la banque et la maison de banque dont j’ai parlé, et qui est la maison Rothschild. Le trésor belge, en outre, a racheté pour 2 millions et quelques cent mille florins de cet emprunt. Voilà donc 6 millions et quelques cent mille florins dont le sort est réglé et pour lesquels il ne peut être question de remboursement. Il s’ensuit qu’au lieu de 12 millions à rembourser, il n’y en aura que 5 et quelques cent mille francs.
Le surplus des observations de l’honorable membre porte en totalité sur la situation financière dont M. Coghen vous a fait l’exposé. Je regrette, comme lui, que cet honorable membre ne soit pas présent, car il a toujours eu le projet de soutenir son travail et la situation qu’il a présentée, et je n’irai pas me lancer dans cette défense sans m’être concerté avec lui ; je prie la chambre de me permettre de m’abstenir. (Oui ! oui !)
Ce qui a été dit par l’honorable membre des budgets extraordinaires n’est pas entièrement exact. Il est constant que dans les budgets soumis actuellement à vos délibérations, on n’a entendu s’occuper que des moyens de couvrir les dépenses ordinaires, telles qu’elles devront exister en temps de paix. Dans ce même budget se trouvent comprises les dépenses de la guerre, aussi sur le pied de paix. Or, comme le département de la guerre exige en ce moment des dépenses extraordinaires, il est clair que ces dépenses devront faire l’objet d’un budget extraordinaire. Le chef de ce département vous le présentera, et il y sera pourvu par des moyens extraordinaires. On a demandé quels seront ces moyens ? A cet égard, la chambre voudra bien permettre encore que je m’abstienne de répondre, car il est évident que ces mesures doivent d’abord être délibérées en conseil des ministres et ensuite soumises au Roi, afin de choisir celles qui conviendront le mieux. Dans tous les cas, les moyens auxquels on aura recours ne peuvent être autres que ceux que l’orateur a indiqués dans son discours. Vous dire lequel des trois sera adopté par le gouvernement, je ne puis le faire, et j’en ai dit les raisons.
Après ces observations je vais examiner successivement ce qui a été dit hier par divers honorables membres de cette chambre, contre et sur le projet de loi des voies et moyens pour 1833, destinés à faire face aux dépenses ordinaires du même exercice.
Et d’abord, messieurs, avant d’entrer en discussion sur ce projet de loi, d’honorables membres auraient voulu que les comptes des exercices expirés eussent été placés sous vos yeux ; qu’ensuite on eût ouvert la discussion sur les dépenses, et qu’enfin on n’eût voté les moyens de les couvrir qu’après en avoir fixé et arrêté le montant.
Vous avez connu, messieurs, comment l’administration s’est vue dans l’impossibilité de se conformer aux vœux de la chambre quant au premier point. L’impression du compte de 1830 est sur le point d’être terminée, et celui de 1831 fait encore en ce moment l’objet de l’examen de la cour des comptes.
Un autre obstacle qu’il était encore moins au pouvoir du ministre de vaincre, s’est opposé à ce que l’on pût satisfaire au second, et, pour vous en convaincre, messieurs, il me suffira sans doute de reporter votre attention sur un seul événement, la création du dernier ministère qui eut lieu à une époque tellement rapprochée de celle où la constitution fixe l’ouverture des chambres, qu’il eût été impossible de la devancer.
J’ajouterai que, quant à moi personnellement, je n’ai pris l’exercice des fonctions de ministre des finances ad interim que le 2 novembre, bien que l’arrêté royal qui me les a conférées était de quelques jours avant.
Dès lors on conçoit, messieurs, que les ministres qui ont voulu, par eux-mêmes, s’occuper de leurs budgets respectifs des dépenses, n’aient pu les terminer avant l’époque où ils ont été présentés, quoique quelques-uns fussent déjà approuvés par le Roi dès les premiers jours de novembre.
Quant au budget des voies et moyens, il a été arrêté aussitôt qu’on a connu le chiffre total des dépenses ; et pour que la discussion en ait eu lieu plus tôt, il aurait fallu que les chambres eussent été convoquées avant l’époque déterminée par la constitution, et l’on a vu ci-dessus ce qui s’y est opposé.
Cet inconvénient pourrait se reproduire chaque année ; le seul moyen de l’empêcher serait de voter au moins le budget des dépenses, avant la clôture de la session qui précède l’exercice auquel ce budget se rapporterait.
Cette marche pourra être suivie dès que nous serons hors des circonstances extraordinaires et impérieuses où nous nous trouvons encore.
Je vais maintenant, messieurs, rencontrer les diverses objections qui ont été présentées jusqu’ici dans la discussion.
Le premier orateur entendu a réclamé un dégrèvement de l’impôt foncier pour la province d’Anvers, qui, suivant lui, serait de 25 p. c. du revenu.
Il me serait impossible dans un si court espace de temps de vérifier cette allégation ; je dois donc me borner à rappeler que plusieurs députés de cette province ont déjà, en d’autres circonstances, élevé des prétentions de ce genre qui ont été repoussées par les chambres, et la section centrale, qui a eu occasion de les examiner de nouveau, les a également écartées. L’application du cadastre pourra seule résoudre la difficulté, et je pense qu’il convient de renvoyer à cette époque toute demande de cette nature.
Dans le projet en discussion, la contribution foncière se trouve majorée de 40 centimes additionnels ; le motif qui a déterminé le gouvernement à frapper plus particulièrement la propriété immobilière est qu’en temps de guerre, cette propriété est celle qui souffre le moins, qui est en mains de personnes aisées et qui, par conséquent, peut plutôt supporter une augmentation que les impôts de consommation qui sont la ressource de l’état de paix.
Cette vérité a été reconnue par la majorité des sections et par la section centrale, et j’ose espérer qu’elle sera sanctionnée par la chambre.
Quant à la nécessité de cette majoration ainsi que de celles proposées sur la contribution personnelle, et dont un honorable membre dit n’être pas suffisamment convaincu, il suffit de recourir au rapport du ministre et à celui de l’honorable rapporteur de la section centrale, où l’on démontre que, sans cette majoration, les voies et moyens resteraient de 7,400,000 fr. au-dessous des dépenses ordinaires et indispensables. Vous sentez trop bien, messieurs, combien il est urgent de niveler les recettes et les dépenses pour que j’aie besoin d’insister davantage sur ce point.
Je reconnais avec un honorable membre qu’une partie de la critique qu’il a faite de la loi sur l’imposition personnelle est fondée, et j’ai déjà annoncé dans mon premier discours que des améliorations y seraient apportées par un projet de loi qui vous sera incessamment soumis.
L’administration fixera toute son attention sur la loi des patentes ; elle reconnaît qu’il y a dans cette loi beaucoup d’améliorations à introduire ; elle s’est est déjà occupée, et continuera jusqu’à ce qu’elle puisse vous présenter un projet sur cette matière. Dans son travail, elle consultera volontiers la législation française, pour y puiser tout ce qui peut tendre à le perfectionner.
Quant aux autres points de finances signalés par l’honorable M. Seron, et qui concernent la partie de l’enregistrement, ses observations seront prises en sérieuse considération. Le projet de loi qui vous sera présenté sur cette matière va au-devant de ses vœux relativement au rétablissement du droit de 2 p. c. sur la vente des récoltes sur pied.
Quant à l’imprévoyance et à l’inertie du ministre des finances, signalées par l’honorable M. d'Elhoungne, j’avoue que je ne puis comprendre son reproche en présence des budgets qui vous ont été remis ensemble peu de jours après l’ouverture de la session, et lorsque six projets de loi sur les points capitaux de l’administration financière sont prêts à vous être soumis ou attendent leur tour de discussion.
Les autres observations de l’honorable membre portant plus particulièrement sur le rapport de la section centrale, je laisse à son rapporteur le soin d’y répliquer.
Quant à la remarque faite par le même orateur sur la mauvaise rédaction des lois, elle tomberait davantage, si elle était fondée, sur la chambre qui les adopte que sur le gouvernement qui les présente, puisque ces lois n’existent qu’après avoir été élaborées dans la section centrale et accueillies par l’assemblée.
Je ne crois pas avoir à ajouter que les voies et moyens qui vous sont demandés sont définitifs, et non provisoires, comme on vous l’a dit. Ils sont nécessaires pour couvrir les dépenses ordinaires et temporaires qui ne peuvent subir de grandes variations, puisqu’elles sont à peu près telles que vous les avez votées l’an dernier. Quant aux dépenses extraordinaires du pied de guerre, ainsi que j’ai déjà eu l’honneur de vous le dire, il vous sera demandé de nouveaux moyens d’y faire face.
Jusqu’à présent, on avait fait un reproche aux ministres, tant en France qu’en Belgique, d’avoir recours à des crédits et à des douzièmes provisoires ; je ne pouvais donc m’attendre à ce qu’on me fît un tort d’en agir autrement. La nécessité peut faire loi à cet égard ; mais je crois sage d’éviter autant que possible ce moyen, qui indique perturbation dans l’ordre rationnel des choses.
(Moniteur belge n°347, du 15 décembre 1832) M. Desmet s’afflige que le ministère, malgré toutes les promesses faites depuis la révolution, non seulement n’ait point trouvé le temps de présenter un nouveau système de finances, mais encore qu’il ait mis la chambre dans la nécessité de voter d’urgence des lois qu’à dessein on lui a réservées pour les derniers jours de l’année.
Il approuve l’opinion de l’honorable rapporteur, que lorsque l’Etat a des besoins pressants et extraordinaires, on doit de préférence les prélever sur la contribution foncière ; mais, ajoute-t-il il me semble qu’avant de faire la demande d’une augmentation si considérable, le gouvernement aurait dû faire des tentatives pour obtenir des remboursements de fonds de l’Etat qui sont dans les caisses des particuliers, et je demande s’il n’a pas été possible, par l’appât d’un certain bénéfice, de faire rentrer les arriérés des prix des domaines vendus, de demander le remboursement des trois à quatre millions qui restent encore à rentrer sur le fonds connu sous la dénomination de million-Merlin, et qui, comme on sait se trouvent en des mains presque incertaines ; et enfin je demanderai si le gouvernement a songé à s’assurer quels sont les fonds de la banque de Bruxelles qui reviennent à l’Etat.
L’orateur fait ensuite la critique de la cession de biens domaniaux faite au roi Guillaume, en déduction d’une partie de la liste civile, et de l’aliénation de ces domaines par le roi Guillaume ; double transmission qui, aux yeux de l’orateur, est nulle parce qu’il y a cession dans la première, et dans la seconde cession d’un lien inaliénable comme attaché à perpétuité à la couronne.
Vous me permettrez, dit l’orateur en terminant, une dernière observation, qui est celle-ci : Quand on nous demande à voter un énorme budget de 83 millions, il me semblerait que la prudence exige que nous remplissions une lacune qui existe dans notre législation financière, et, que par une disposition législative, nous mettions en sûreté le dépôt de nos richesses, et prenions des mesures afin que des malversations ne puissent avoir lieu.
La constitution comme la loi organique de la cour des comptes ont réglé en droit, mais n’ont pas, jusqu’à présent, assuré en fait ce qui doit garantir au pouvoir législatif une action véritable et constitutionnelle sur les fonds de l’Etat.
Nos pères, dont nous aimons encore à rappeler la sagesse et la prévoyance, avaient voulu avoir les clés du coffre du trésor de l’Etat, et ils en avaient confié une à la chambre des comptes.
Aujourd’hui, comme sous le règne des lois financières de Guillaume, la caisse de l’Etat est remise par le ministre à un caissier-général, ce caissier ne doit la restituer qu’au ministre des finances, comme il doit tenir les coffres ouverts pour ce ministre et pleinement à sa disposition en tout ou en partie.
Ce caissier ne connaît pas actuellement et ne peut connaître de la cour des comptes.
La législation financière actuelle établit donc une comptabilité en droit (en écritures), mais n’assure pas en fait l’intervention du législateur dans les recettes et dans les paiements, et ne met aucun obstacle à ce qu’un ministre des finances puisse user de malversations sur le trésor de l’Etat ; il serait donc nécessaire qu’une loi mette les deniers de l’Etat entre les mains d’un dépositaire indépendant du pouvoir, matériellement responsable, et qui ne pourrait faire aucun paiement sans le visa préalable de la cour des comptes.
Dans la séance d’hier, M. l’administrateur du cadastre vous a fait un éloge pompeux des opérations cadastrales, et quelques membres de la chambre lui ont contesté ce parfait fini dont il faisait tant d’étalage ; c’est ici, je pense, une dispute de faits, et où monsieur l’administrateur ne peut être reconnu juge compétent, défendant sa propre cause, et qui n’entend toujours qu’une seule partie, qui est celle de ses propre ouvriers, qui ont intérêt ainsi que lui de trouver l’ouvrage parfait et en pouvoir toucher le salaire.
Mais si M. l’administrateur sortait de son cabinet, et se rendant dans les campagnes, il allait consulter les cultivateurs et propriétaires, il serait de suite convaincu que le cadastre exécuté est tout autre chose que le cadastre en théorie et que l’ouvrage cadastral, si un jour on veut la fin, laissera tant à désirer qu’on fera des vœux pour qu’il n’eût jamais été commencé.
Mais il me semble qu’on pourrait arriver à un but et acquérir une perception plus ou moins satisfaisante, en suivant une autre marche.
Il est reconnu que les irrégularités les plus fortes, et, qui dans la répartition, pesaient le plus sur les contribuables, existent dans les contingents assignés aux diverses provinces.
Il en est où les propriétaires sont effectivement imposés au tiers de leurs revenus, tandis que dans d’autres ils ne le sont que d’un sixième ; c’est ainsi que se trouve la Flandre envers le Hainaut et le Brabant.
Ce sont principalement ces grandes différences qu’il serait nécessaire de rectifier, laquelle rectification ne serait pas longue ni très difficile, il me semble, car on doit avoir dans les bureaux de l’administration tous les documents nécessaires pour constater ces inégalités et pouvoir procéder au nivellement entre les provinces.
Le contingent rectifié qui serait assigné à chaque province serait transmis aux états provinciaux pour en faire la répartition entre les cantons, en rectifiant les différences et les inégalités dont ils auraient connaissance. Les conseils cantonaux convoqués à leur tour spécifieraient à chaque commune le contingent qui lui serait assigné. Enfin les communes, ayant reçu leur contingent qui serait fixé pour chacune d’elles, serait chargée de faire une matrice de vote entièrement nouvelle, en se conformant aux instructions qui leur seraient envoyées et qui leur prescriraient de régler, et une marche uniforme dont elles ne pourraient s’écarter.
Cette rectification serait générale dans tous les degrés ; elle embrasserait les provinces, les cantons et les communes, tandis que le cadastre ne rectifie que les inégalités qui se trouvaient de commune à commune dans un même canton, et commencerait ainsi par où on devrait terminer ; jamais on n’obtiendra une péréquation satisfaisante, car l’opération de classement des propriétés d’un royaume peut être assimilée à celle du gouvernement d’un Etat qui toujours doit être traité en grand.
J’ai dit, et je voterai contre le projet de loi, tel comme il est présenté ; mais j’accepterai tout amendement qui tendrait à assurer provisoirement au gouvernement la recette des fonds dont il a besoin, que je peux surtout voter, parce que j’espère que la terrible note Goblet, qui paraît consentir à l’entrée des Prussiens dans le pays, ne recevra pas d’exécution, et que je me flatte que la brave armée française, dont les soldats versent dans ce moment avec tant de générosité leur sang pour nous, ne terminerait pas son œuvre par la prise seule de la citadelle, mais la couronnerait en assurant à la Belgique son indépendance nationale.
(Moniteur belge n°346, du 14 décembre 1832) M. Meeus. - Messieurs, un point sur lequel nous sommes tous d’accord, c’est qu’il faut aider et soutenir le gouvernement par tous les moyens qui sont en notre pouvoir, et pour ce qui me concerne, je me trouverai heureux d’y contribuer. Mais le projet de loi qui vous est présenté est-il indispensable ? N’y a-t-il pas d’autres moyens de pourvoir aux besoins de l’Etat ? Telle est la question qu’il s’agit de résoudre.
Il me paraît impossible, convaincu comme je le suis de l’inégalité de la répartition de l’impôt foncier, de pouvoir voter une augmentation de 40 p. c. sur cet impôt, tant que cette inégalité subsistera. J’ai eu l’honneur, hier, de vous citer quelques exemples de cette inégalité ; depuis, j’ai fait quelques recherches à cet égard, et je vais vous dire succinctement la proportion qui existe, d'abord de province à province et ensuite de canton à canton.
Ces différences sont non seulement conformes à ce qui existe réellement, mais sont même conformes au résultat du cadastre ; et M. l’administrateur ne pourra pas reculer devant cette dernière preuve, car je la trouve dans le travail fourni par lui-même, l’an dernier, à la commission des finances dont je faisais partie.
Je l’ai dit hier, et je dois le répéter aujourd’hui, cette commission des finances était composée de 12 à 15 membres, et elle a été unanime sur la possibilité de remédier en partie à la répartition inégale de la contribution foncière.
J’ignore pourquoi le ministre des finances d’alors s’est cru plus capable à lui seul que la commission tout entière et pourquoi il ne l’a plus réunie. Vouloir se passer des lumières qu’elle pouvait lui donner, c’est vouloir être trop sage. (Hilarité). Du reste, dans le sein de la commission, M. l’administrateur-général lui-même a combattu les objections qu’on lui faisait, et malgré cela il n’en est pas moins vrai que la commission fut unanime sur la possibilité de faire disparaître l’inégale répartition de l’impôt foncier.
Voici quelques exemples de cette inégalité
La province d’Anvers paie 5 p. c. ; celle de Brabant, 8 1/2 ; la Flandre occidentale, 10 p. c. ; la Flandre orientale, 11 1/3 ; le Hainaut, 6 1/3 ; Liége, 7 ; le Limbourg, 6 ; le Luxembourg, 7 ; et Namur, 7 1/3.
Entre les cantons ruraux la différence est plus choquante encore.
Ainsi, par exemple, dans la province de Luxembourg, le canton de Diekirck paie 5 p. c., tandis que le canton d’Houffalize en paie 8.
Dans le Limbourg, le canton de Maestricht paie 5 1/2, et celui de Saint-Trond, 9.
Dans la province de Liège, le canton de Limbourg paie 5, et celui de Waremme, 10.
Dans le Hainaut, le canton de Mons 4 p. c., et celui de Frasnes, 9 1/2.
Dans la Flandre occidentale, le canton de Lokeren paie 14 1/2 ; celui de Nedubrake, 15 1/4, et celui d’Everghem, 9.
Dans la Flandre orientale, le canton de Courtray paie 13 ; celui de Thourout, 8.
Dans le Brabant, le canton d’Assche paie 13 ; celui de Diest, 7.
Dans la province d’Anvers, le canton d’Arendonck paie 16 ; celui d’Anvers, de 9 à 10.
Je vous demande, messieurs, si un pareil état de choses doit se prolonger plus longtemps.
On dira, et c’est là la grande objection que l’on fait valoir, que tant que le cadastre n’est pas achevé, il est impossible de savoir s’il n’y a pas inexactitude dans ces calculs, et d’y porter remède. Je suis les opérations du cadastre depuis fort longtemps, et depuis fort longtemps aussi j’entends faire cette objection. On la faisait déjà en 1820, et plus nous avançons dans le travail du cadastre, plus on y insiste.
Mais, messieurs, depuis que le cadastre existe, les mêmes proportions ont été démontrées ; et remarquez, je vous prie, que l’augmentation du prix des céréales est en sens inverse du taux d’élévation de la contribution foncière trouvé par le cadastre. En effet, si par les prix élevés des céréales le revenu foncier du pays est par exemple de cent millions, le taux de l’impôt sera moins qu’il n’était alors que la convention a établi cet impôt, et où le revenu foncier de la Belgique n’était par exemple que de 60,000,000 : voilà ce que nous découvre le cadastre,
Mais consultons nos propriétés, consultons celles de nos voisins, et l’on verra que les inégalités sont plus grandes encore de commune à commune.
Et vous voulez que tant qu’un remède ne sera pas apporté à ces injustices, nous augmentions de 40 p. c. l’impôt foncier ? Comprenez-vous bien toute la portée de cette augmentation ? Par une augmentation de 40 p. c. sur la contribution foncière, vous ne frappez le contribuable de Diekirch, qui paie trois fois moins que son concitoyen de Nedebrakel, que de 2 d’augmentation, tandis que ce dernier, qui paie déjà trois fois plus que le premier, sera augmenté de 6, c’est-à-dire que le premier au lieu de 5 paiera 7, et le second au lieu de 15 paiera 17.
Pouvons-nous tolérer de semblables abus ? Non, messieurs, pour ma part je n’y saurais souscrire. La loi qu’on nous propose est-elle indispensable ? Non. Si l’on a besoin d’augmenter l’impôt, qu’on nomme une bonne commission des finances, et s’il n’y a pas d’autre moyen de subvenir aux besoins de l’Etat, quand la nécessité en sera reconnue, au lieu de voter 40 p. c. d’augmentation, j’en voterai 100 s’il est nécessaire.
Qu’il me soit permis maintenant de dire un mot du cadastre ; je ne me livrerai pas, comme d’autres membres l’ont fait, à la critique des opérations cadastrales. Je reconnais que le cadastre est assis sur de bonnes bases ; je crois qu’il ne saurait être confié à de meilleures mains ; je crois que dans deux ou trois ans il sera achevé et qu’il nous fournira des données qui nous éclaireront beaucoup. Mais faut-il, en attendant rester dans l’état où nous sommes ? C’est à quoi la chambre ne doit pas consentir.
Quant à l’imposition personnelle, je partage tout à fait l’opinion émise par M. Seron. Il est impossible de voir un impôt plus inégalement réparti. Ainsi, dans les campagnes vous trouverez un riche fermier, dont le revenu sera de 3,000 fl. de rente, par exemple, qui ne paie rien, tandis que, dans les villes, un petit perruquier paie de 15 à 20 fl. de contribution personnelle.
N’y a-t-il pas moyen de porter remède à de pareils abus ? Sans doute il y en a ; pour cela il suffirait d’avoir, à la tête de l’administration des finances, autre chose que des comptables, un homme enfin, qui comprenne la question d’économie sociale, d’autres hommes, enfin, que ceux actuels, qui, quand ils sont embarrassés, ne trouvent d’autre moyen que de dire : Augmentons l’impôt foncier de 40 p. c., et l’impôt personnel de 13 p. c.
Messieurs, j’ai dit en commençant, et je répète, qu’il faut appuyer le gouvernement. Est-ce de l’argent qu’il vous faut ? On vous demande deux tiers de l’impôt foncier, votez par anticipation l’autre tiers de la contribution foncière, et par exemple un tiers de la contribution personnelle sur l’ancien pied.
L’impôt foncier doit encore produire, calculé sur l’ancien pied, 2,400,000, soit par mois 200,000 fl. ; 40 p. c. sur 7,200,000 par an font par mois, 288,000, ensemble 488,000 fl.
Additionnez cinq mois à 488,000 fl., vous aurez une somme de 2,440,000 fl. ; vous aurez donc cinq mois pour examiner les questions qui vous sont soumises, sans nuire en aucune manière au service du trésor, s’il est vrai que le ministre des finances ne s’est pas trompé. Quant à moi, je déclare qu’il s’est trompé.
Messieurs, on a parlé plusieurs fois de la banque, et on y reviendra sans doute dans le cours de la discussion. Pour le montent, je m’abstiendrai d’en parler. J’aurai d’ailleurs l’occasion d’y revenir.
M. Levae. - Messieurs, depuis que nous vivons sous un gouvernement représentatif, les ministres ne manquent jamais de dire, à l’ouverture de la session des chambres, que la situation des finances est prospère, satisfaisante ; et chaque année ces belles assurances ont été suivies de la création de nouveaux impôts ou de l’aggravation de ceux qui existent : il semble que le trésor public soit un véritable tonneau de Danaïdes, et que plus le peuple s’impose de privations pour subvenir aux dépenses, plus le gouvernement se crée de besoins.
Je sais tout ce que les circonstances actuelles ont d’impérieux, combien notre position impose à la Belgique de sacrifices : notre armée que l’Europe condamne à rester, malgré elle, simple spectatrice d’une lutte qui doit, dit-on, consolider notre indépendance et achever l’œuvre de la révolution ; notre armée seule nous coûte des sommes énormes ; mais, messieurs, quand on demande au peuple son argent, il faudrait au moins lui prouver que l’on s’occupe activement de son bien-être ; et c’est précisément de quoi le ministère semble ne pas s’occuper.
L’année dernière on disait à la chambre :
« Lorsque le désir du gouvernement, d’accord avec celui généralement exprimé, de réviser le système de l’assiette des impôts, pourra se réaliser ; il faut espérer que les nouvelles combinaisons procureront le double avantage d’y trouver des ressources suffisantes pour le trésor, et de diminuer encore les rouages nombreux du mécanisme intérieur et extérieur des administrations financières. »
On reconnaissait donc alors qu’une révision de l’assiette de l’impôt pouvait offrir une source d’économies ; on reconnaissait que cette révision était généralement désirée ; or, je demande ce que l’on a fait pour satisfaire au vœu de la nation, rien ; se dispose-t-on du moins à faire quelque chose dans ce but ? Non, car le ministre des finances vient nous dire maintenant « qu’il a été reconnu que faire l’épreuve d’un système nouveau, quelque bon qu’il pût paraître,… eût été d’une imprudence que les vices reconnus de notre législation financière ne pouvaient justifier. »
Et quand, trompés dans nos plus douces espérances, nous osons nous plaindre à l’instant où l’on calomnie nos intentions, l’on nous accuse de vouloir entraver la marche du gouvernement, auquel la législature n’a, jusqu’à ce jour, rien refusé.
On n’a pu songer à réviser l’assiette des impôts, malgré ses vices reconnus : je le veux bien. Mais qu’on nous dise du moins quelles mesures on a prises pour procurer à notre industrie de nouveaux débouchés. Ce n’est pas assez de nous annoncer pompeusement que le pavillon national est reçu dans la plupart des ports étrangers. Montrez-nous les traités de commerce que vous avez conclus pour assurer à nos produits un écoulement plus facile. Si vous n’avez pu conclure de traités, apprenez-nous du moins quelles inutiles tentatives vous avez faites pour parvenir à en conclure.
Je pose ces questions, messieurs, parce que dans le nouveau projet de douanes que le gouvernement français vient de soumettre aux chambres, il leur propose de réduire les droits perçus à l’entrée des bestiaux étrangers, entre autres pour les bœufs de 50 francs à 25 francs par tête ; pour les vaches, de 25 francs à 15 francs par tête.
Jusqu’en 1816, l’entrée des bestiaux étrangers, en France, n’avait été soumise à aucun droit : celui dont elle les frappa en fut plus funeste qu’utile, et le gouvernement reconnaît aujourd’hui « qu’il excita, non seulement de nombreuses réclamations dans les provinces frontières, mais causa à l’étranger un mécontentement profond, qui fut le signal de représailles dont le commerce, l’industrie et l’agriculture eurent fort à souffrir ; » ce sont les termes mêmes de l’exposé des motifs qui accompagne le projet de loi.
En vous citant ce fait, messieurs, j’ai voulu vous démontrer que le cabinet des Tuileries est disposé à revenir du système prohibitif qui avait été adopté par le gouvernement déchu : pourquoi notre ministère n’a-t-il pas profité de cette bonne disposition afin de conclure un traité de commerce favorable aux deux nations ? Sans aucun doute, contre des concessions analogues on eût reçu en France nos toiles, dont la libre exportation serait d’un si grand avantage pour notre pays.
Je n’hésite pas à le dire : la diminution proposée par le gouverneraient français, si elle est adoptée, sera pour notre pays plus importante que tous les débouchés qui ont été cherchés aux Etats-Unis et au Brésil.
Si, aux consultations que je viens d’avoir l’honneur de vous soumettre, vous ajoutez : 1° que, depuis deux ans, on n’a rien fait pour nous donner une bonne loi sur les distilleries, si vivement réclamée dans l’intérêt de notre agriculture, et par suite de la stagnation complète de presque toutes nos petites distilleries (car, dans le courant de l’année dernière, il y en avait plus de 140 en état de souffrance dans le seul arrondissement de Bruxelles) ; 2° que plusieurs de nos provinces et particulièrement celles des Flandres et d’Anvers sont injustement et inégalement frappées dans la répartition de la contribution foncière ; 3° que la fin des opérations du cadastre, qui seules peuvent amener le redressement de cette justice, est reculée d’année en année ; 4° qu’on ne nous rend aucun compte des dépenses, et 5° qu’on n’a rien fait pour corriger un mode d’impôts reconnu vicieux sans doute, parce qu’il nous oblige à conserver une nuée d’employés ; vous penserez avec moi, messieurs, que nous ne pouvons accorder au ministère l’augmentation d’impôts qu’il nous demande.
Cependant, comme il faut nécessairement subvenir aux dépenses, en rejetant le budget des voies et moyens qui vous a été soumis, j’accepterai les amendements qui pourront concilier les besoins du trésor et l’intérêt des contribuables.
M. Jullien. - Messieurs, pour tous ceux qui ont un peu de mémoire, et qui voudraient voir dans le gouvernement représentatif, et surtout dans la constitution, une vérité, c’est vraiment un spectacle tout à fait singulier que celui de la présentation et de la discussion annuelle d’un budget. Je vous prie de vous reporter en idée, sans aller plus loin, à la dernière session. Je vais tâcher de vous en présenter le tableau fidèle.
D’un côté ce sont les représentants de la nation qui, dans de très beaux discours, que l’on voit sortir de presque toutes les poches, réclament contre les ministres l’exécution de l’article 115 de la constitution, qui veut, que conformément aux règles de la comptabilité la plus ordinaire, que l’on arrête la loi des comptes avant de voter le budget. Dans ces mêmes discours on se récrie encore contre la nécessité où le ministère place constamment la chambre de venir s’occuper du vote de l’impôt, au moment même où l’exercice finit, c’est-à-dire, où l’on n’a plus le temps d’examiner le budget, de le modifier et de proposer des améliorations.
Enfin, dans la session dont je vous parle, vous avez entendu réclamer avec force contre le gouvernement l’amélioration des lois fiscales qui sont détestables, sous lesquelles la nation se débat depuis plus de 15 ans, lois qui ont ruiné des milliers de familles, et qui ont occasionné tant de plaintes sous l’ancien gouvernement et par continuation sous le nouveau. Vous vous en souvenez, messieurs, il n’y a pas un orateur qui, en terminant, n’ait protesté qu’à l’avenir il n’accorderait pas un denier si le gouvernement ne donnait satisfaction sur tous ces points.
D’un autre côté, ce sont les ministres qui, avec tout l’accent de la franchise, reconnaissent que toutes les plaintes sont fondées.
Si les comptes ne sont pas produits, c’est l’effet des circonstances difficiles dans lesquelles ils se sont trouvés : on s’en occupe, on y travaille, on les présentera à la session prochaine.
Les budgets vous ont été présentés trop tard, il est vrai ; mais aussi dans quelles tribulations nous a jetés l’invasion du mois d’août : attendez la session prochaine, et les budgets vous seront soumis en temps opportun.
Vous réclamez des améliorations dans les lois fiscales, et vous avez parfaitement raison ; c’est une plaie qu’il faut guérir ; mais est-ce bien le moment d’y songer ? On n’improvise pas ainsi un système financier ; une transition trop brusque pourrait avoir de graves inconvénients pour le trésor ; mais, à la session prochaine, on vous proposera toutes les améliorations qui sont dans vos vœux comme dans nos intentions : attendez donc jusque-là, et toute satisfaction vous sera donnée.
Voilà, messieurs, tout ce qu’on vous disait. Eh bien ! cette session prochaine est venue.
Vous croyez, peut-être, qu’on va vous présenter des comptes ; pas du tout ; ils sont à l’impression, on vient de vous le dire. Ce n’est plus l’affaire du ministère, c’est celui de l’imprimeur ; et si cependant vous voulez entrer dans de plus grandes investigations, il paraît que c’est tout uniment l’affaire de la cour des comptes qui, sans doute, pour de bonnes raisons, n’est pas d’accord avec le gouvernement.
Mais si vous n’avez pas de comptes, vous aurez au moins le temps d’examiner et de voter les budgets en connaissance de cause ; pas davantage, vous aurez beau précipiter votre examen, c’est tout au plus si vous pourriez voter le 31 décembre l’impôt qui doit être perçu au 1er janvier ; on vient de vous dire que cette fois c’est le brusque changement du ministère qui en est la cause. Ainsi quand on voudra se dispenser de rendre des comptes et qu’il s’agira d’enlever un budget, il suffira de changer à propos de ministère, et vous le voyez, de cette manière vous n’obtiendrez jamais satisfaction.
Encore si on vous proposait quelque amélioration dans les lois fiscales ; mais non, toute cette épouvantable fiscalité reste debout et le pays se verra encore obligé de la subir pendant toute l’année, si toutefois on ne vient pas encore vous endormir l’année prochaine avec le même langage.
Telle est, messieurs, notre position, et, je ne crains pas de le dire, malheur au pays qui serait représenté de telle sorte que ses mandataires pourraient se laisser prendre plusieurs fois de suite à des pièges aussi grossiers.
Il n’y a pas de sincérité dans les excuses qu’on nous présente car, avec toute la bureaucratie que l’Etat paie, on ne nous fera pas croire qu’on n’ait pas depuis 1830 trouvé le temps de préparer les comptes.
Et quand nous pouvons compter tant de chefs d’administration, et qu’il suffit à M. le ministre des finances de faire un appel pour réunir autour de lui toutes les lumières qui brillent maintenant dans cette enceinte, à qui fera-t-on croire qu’on n’ait pas pu s’occuper d’améliorer notre système financier, dont le gouvernement lui-même a depuis longtemps reconnu tous les vices ?
Cependant, messieurs, sommes-nous donc un peuple si difficile à contenter et à gouverner ? Vous le voyez, voilà déjà plusieurs semaines que nous ne savons plus où sont les ministres, et pourtant notre petite machine gouvernementale va toujours, tant sont profondément enracinées chez nous les idées, les habitudes d’ordre, et ce que chez les peuples comme chez les particuliers on appelle vertus domestiques.
On nous parle de voter les voies et moyens, mais nous ne connaissons ni nos ressources, ni nos besoins ; notre situation financière est un mystère pour nous. On nous disait tout à l’heure que la banque devait au trésor ; mais on s’est expliqué en termes si ambigus, que nous nous pouvons savoir en quoi consistent ces ressources. Nous attendrons à cet égard les explications promises par l’honorable M. Meeus.
Voter des dépenses sans connaître ses besoins, imposer au peuple une charge nouvelle de 40 p. c. sur le foncier, et de 13 p. c. sur le personnel sans pouvoir en reconnaître la nécessité, voilà, messieurs, une de ces absurdités qu’on n’aura pas, j’espère à nous reprocher.
Sur ce point nous serons, j’espère, tout d’accord, comme nous le sommes déjà, qu’il fait donner au gouvernement, quels que soient d’ailleurs les ministres, les moyens de marcher et de subvenir provisoirement aux besoins les plus pressants du service, jusqu’à ce que nous soyons en état de voter définitivement les budgets.
Sous ce rapport, messieurs, je partage entièrement l’opinion des honorables orateurs qui ont proposé d’ouvrir au gouvernement des crédits provisoires, et je voterai pour les amendements qu’ils se proposent de formuler dans ce sens.
En attendant, et puisque nous en sommes à la discussion générale, je dirai aussi quelque chose sur les différents systèmes d’amélioration présentés par les orateurs qui m’ont précédé.
Un d’eux s’est élevé avec force contre la continuation de la loi des patentes des 21 mai 1819 et 6 avril 1823. Il est difficile, en effet, de concevoir une loi plus vicieuse dans son principe, et plus arbitraire dans son exécution. La raison en est simple, c’est que ces lois remettent aux agents du fisc la faculté de hausser ou d’abaisser à volonté le droit pour certaines classes de patentables. D’après la constitution, les citoyens ne peuvent être imposés qu’en vertu de la loi ; c’est à la loi qu’ils font le sacrifice d’une partie de leurs moyens d’existence, c’est par elle qu’ils doivent connaître directement ce qu’ils doivent payer.
Mais ce citoyen ne doit pas être à la merci du caprice ou du mauvais vouloir d’un agent du fisc, qui, d’après cette législation et avec la hausse et la baisse mobile dont il est armé, peut tripler et quadrupler à volonté le droit de patente sans autre avis que celui de répartiteurs dont il est chargé de diriger les opérations. De là, messieurs, naissent de toutes parts les plaintes et les réclamations des contribuables, qui sont toujours prêts à se soumettre à la loi, mais qui repousseront toujours l’arbitraire des agents du fisc.
Pour remédier à ces abus, messieurs, il suffit de faire ce que l’honorable M. Seron vous a dit, substituer la loi du 1er brumaire an VII à celle du 21 mai 1819.
Quant à moi, je déclare que lorsqu’il s’agira de discuter les articles du budget, je voterai contre la loi, s'il n’est pas apporté de changement à la loi des patentes.
Il y a encore dans le projet une autre injustice que je dois vous signaler, si on continue à percevoir le droit de barrières d’après la législation existante.
Je veux parler de l’obligation où sont les villes de pourvoir aux réparations des routes qui traversent leur territoire, lorsque l’Etat perçoit la totalité des droits de barrières placées à l’entrée et à la sortie ; ainsi, cette iniquité se résume en quelques mots : les villes ont la charge et l’Etat a les bénéfices, et comme cette innovation résulte d’un arrêté de l’ancien gouvernement, et que ce qu’un arrêté a fait, un autre peut le défaire, il me suffira, j’espère, d’avoir signalé ce juste grief des villes à MM. les commissaires du Roi pour qu’ils s’empressent de le redresser.
Un honorable préopinant a parler de créer un nouvel impôt sur les rentes. Je n’ai pas entendu M. le ministre répondre à cette proposition ; j’aurais désiré pourtant connaître son opinion, d’autant plus qu’au budget de l’année dernière, l’honorable M. Coghen avait indiqué cet impôt comme un moyen d’accroître dans l’avenir les ressources et les revenus de l’Etat.
Je n’ai pas eu le temps d’arrêter une opinion fixe sur cet objet ; mais, au premier abord, la mesure me paraît impraticable.
Tout le monde est d’accord, je pense, sur ce point, qu’il n’est pas question de frapper les fortunes en portefeuille, c’est-à-dire les obligations à intérêt, mais qu’il s’agit seulement d’atteindre les rentes hypothéquées.
Eh bien ! messieurs, je ne vois pas le moyen d’arriver jamais à des résultats satisfaisants.
Quand on grève son bien d’hypothèques, c’est qu’on est plus ou moins gêné ; une inscription hypothécaire n’est donc presque jamais seule ; et le bien est très souvent beaucoup plus grevé qu’il ne vaut.
Dans ce cas, messieurs, comment distinguera-t-on la bonne inscription de la mauvaise ? C’est l’ordre qui fixe le rang des créanciers entre eux. Telle inscription, qui était la première, deviendra la dernière ; vous ferez donc payer un impôt sur une valeur idéale, qui peut-être ne sera pour le créancier qu’une occasion de pertes et de frais de procès.
Ce n’est pas tout, vous allez tuer le contrat de prêt à intérêt, si nécessaire dans les transactions habituelles des citoyens entre eux, car les prêteurs n’entendront pas plus tôt parler d’un projet d’impôt de cette nature qu’ils s’empresseront de donner à leurs capitaux une autre destination.
Il y a plus. Vous savez ou vous ne savez pas, messieurs, que d’après le code civil, lorsque le débiteur d’une rente est resté deux ans sans payer les intérêts, on peut le forcer à rembourser ; eh bien, ce projet d’impôt serait le signal de poursuites judiciaires contre tous les malheureux débiteurs qui seraient en retard, puisque le créancier, pour se soustraire à cette nouvelle charge, ne manquerait pas de poursuivre, avec la dernière rigueur, le remboursement de son capital.
Ainsi, messieurs, je crois qu’il faut rejeter tout à fait cette idée, et si c’est avec réflexion que le ministre ne l’a pas reproduite au budget, je ne peux que l’approuver.
J’arrive maintenant au cadastre, qui depuis longtemps devrait être fait, et qui reste toujours à faire.
Sous ce rapport, messieurs, je suis de l’avis de l’honorable M. Meeus. Je considère l’opération du cadastre comme un bienfait pour le pays, et comme étant le seul moyen de faire disparaître entièrement les inégalités choquantes qui existent dans la répartition de l’impôt. Il faut donc laisser à l’administration le temps d’achever ce travail, mais il faut qu’elle assigne un terme. C est ce que sans doute M. le commissaire du Roi pourrait nous dire en nous indiquant au juste à quel point en sont les travaux, et, en voyant par les tableaux ce qui est fait, nous pourrons juger par nous-mêmes de ce qui reste à faire et voter des fonds en conséquence.
En attendant, messieurs, je crois, comme un honorable préopinant, que rien n’empêche de réparer, dès à présent, les grandes injustices dans la répartition dès l’instant qu’on peut les reconnaître ; c’est ainsi que nous vous avons signalé, l’année dernière, la surcharge des deux Flandres, à qui vous avez accordé un dégrèvement de 5 p. c. dont elles doivent continuer à jouir jusqu’à l’achèvement du cadastre.
Mais je ne suis pas de l’avis de cet orateur lorsqu’il vous a dit que, pour arriver à la connaissance exacte du produit des propriétés on pourrait, dès à présent, exiger des propriétaires, ou de leurs fermiers, la déclaration des revenus des baux. Ce moyen, messieurs, aurait quelque chose d’inquisitorial : un de MM. les commissaires du Roi vous l’a dit avec raison, il ne faut jamais placer un contribuable dans une position équivoque c’est-à-dire entre son intérêt et sa conscience.
D’après nos lois, on peut faire un bail verbalement ou par écrit : si vous vous adressez à un contribuable qui aura des raisons de se croire surchargé, il vous fera une déclaration exacte, mais dans le cas contraire n’attendez pas de lui qu’il se dénonce au lieu pour payer un surcroît de charges et si on n’a que de pareils moyens de rétablir l’égalité proportionnelle, il faut y renoncer ; ils auraient trop d’analogie avec cet absurde système de serments introduit dans nos lois fiscales, et qui a soulevé de si justes plaintes.
Je terminerai là, messieurs, ces observations déjà longues ; je voterai contre la loi, mais aussi j’admettrai avec empressement tous les amendements qui auront pour objet de subvenir provisoirement aux besoins de l’Etat, jusqu’à ce que nous soyons à même de voter les budgets en connaissance de cause.
M. Meeus. - Je m’aperçois, messieurs, que l’opinion que j’ai présentée a été peu comprise. Je n’ai pas dit qu’il fallait s’en rapporter à ce que déclareraient les propriétaires et les fermiers. J’ai dit, et j’insiste sur cette remarque, qu’un contrôleur qui, aujourd’hui, serait éclairé des lumières du cadastre, pourrait juger jusqu’à quel point les déclarations de ces individus seraient exactes ou mensongères.
Je suis bien persuadé pour ma part que ces réclamations ne seraient pas toujours reconnues vraies par l’autorité compétente.
Mais faites attention que sur 2,500 communes (il y en avait 2,700 avant la cession du Limbourg et du Luxembourg), sur 2,500 communes, dis-je, plus de 15 à 1,800 sont déjà expertisées ; de sorte qu’avec les déclarations que vous obtiendrez des fermiers et propriétaires, et que vous êtes à même de contrôler à l’instant même au moyen des expertises déjà faites et celles que vous feriez faire, vous obtiendriez un résultat, celui du moins de n’avoir plus les inégalités monstrueuses qui existent aujourd’hui et qui font que dans un canton on ne paie que 5 p. c. tandis qu’un autre paie 16. Voilà ce que j’ai dit, et je n’ai pas voulu qu’on mît un homme entre sa conscience et son intérêt.
Quant au cadastre, puisqu’il est fait pour les deux tiers, qu’on en fasse au moins l’application pour ces deux tiers, et qu’on répare des injustices de province à province.
Ne reconnaissez plus que des contribuables et que des revenus imposés, et vous atteindrez aujourd’hui, autant que possible, la justice dans la répartition de l’impôt.
Je ne dis pas que vous aurez quelque chose de parfait, mais au moins quelque chose de bien préférable à l’état de choses actuel.
On a parlé de nouveau de la banque.
Messieurs, je ne connais qu’une chose : La banque doit ou elle ne doit pas. Si elle doit et qu’elle ne veuille pas payer, comme député, je demande qu’on l’attaque. Vous avez des tribunaux, et les tribunaux décideront entre elle et vous.
Pour ma part, je crois qu’il n’en reviendra rien du tout, et toutes les personnes qui en ont parlé l’ont fait sans connaissance de cause.
Le ministère, à la vérité, a pu s’appuyer de pièces ; mais il y en a d’autres.
Je crois dans tous les cas que le gouvernement manquerait à son devoir, si la banque doit, de ne pas la faire payer. Du reste, si elle doit, je suis persuadé qu’elle ne refusera pas de s’acquitter ; car elle veut se montrer loyale dans tous ses engagements.
M. Coghen. - Messieurs, je me bornerai à répondre aux honorables députés que j’ai entendus aujourd’hui. Le premier qui se présente est l’honorable M. Meeus. Il a particulièrement insisté sur ce que je n’avais pas convoqué la commission de révision pour l’assiette de l’impôt ; il en a fait, en quelque sorte, un crime : cependant l’idée de la création de cette commission m’appartient ; c’est moi qui ai contresigné l’arrêté portant nomination des membres de cette chambre et d’autres personnes notables pour former la commission de révision des impôts. Les membres de cette commission ont tous montré beaucoup de zèle. On leur a soumis différentes questions, différents projets de loi. Des commissions tirées du sein de cette assemblée ont été nommées pour partager les travaux de la première. Néanmoins leurs travaux n’ont mené à aucun résultat.
J’ai eu l’honneur de soumettre à la commission des projets de loi sur l’enregistrement, les droits de succession, le timbre. Les projets ont été imprimés. On ne m’a présenté aucun rapport.
Un projet de loi a été élaboré pendant quelques semaines sur les distilleries ; il a été imprimé, corrigé, et quand j’ai voulu le présenter à la chambre comme étant le travail de la commission, on n’a pas consenti d’en prendre la défense.
On a parlé de ce qui serait dû par la banque. Je crois que l’honorable M. Meeus a été trop loin en disant que beaucoup de membres en discutaient sans connaissance de cause ; et il m’a cité.
Je crois, messieurs, pouvoir dire qu’il y a un solde dû au gouvernement ; je n’ai pas bien présents les chiffres, et je crois que sous le gouvernement provisoire, il s’agissait d’une somme de dix millions et quelques florins, dont deux millions étaient dans les caisses de la Hollande. La banque a élevé contre ce solde des prétentions ; elle a allégué des avances faites par le gouvernement, avances qui n’étaient pas régulières, ou du moins qui n’étaient pas votées par les états-généraux. Il s’agissait, disait-on, de 6,800,000 francs en faveur du ministre du waterstaat.
Messieurs, les 24 articles nous ont imposé la loi que la liquidation de la banque se ferait par une commission. Si ces articles qui nous ont été imposés n’étaient pas là, le gouvernement certes aurait déjà réclamé de la banque le solde qui lui est dû.
On a signalé les vices de la contribution foncière. Je suis le premier à déplorer les inégalités qui existent dans la cotisation. J’ai fait tout au monde pour hâter le travail du cadastre, et M. l’inspecteur-général vous a annoncé que les travaux sont près d’être finis. Je crois qu’il serait dangereux d’établir un nouveau mode de répartition avant que le cadastre soit achevé ; car sans cela, pour éviter des injustices, on en commettrait d’autres.
Un honorable membre vous a entretenus de la loi sur les distilleries. La chambre est saisie de cette loi faite par les distillateurs eux-mêmes ; elle peut être susceptible de modifications ; la chambre l’améliorera dans l’intérêt de l’industrie et de l’agriculture. Si nous étions assez riches en autres produits, je serais le premier à déclarer qu’il ne faut aucun droit sur les distilleries ; que, placées entre l’Angleterre et l’Allemagne, la Prusse et la France, nos distilleries prendraient un essor inconnu, si on les affranchissait de tout droit.
En présentant le budget de 1832, j’ai parlé de la manière de rendre productive les rentes hypothécaires, M. Julien m’a devancé dans l’exposé des difficultés que présente une telle mesure. Un projet était rédigé, et j’ai reculé devant l’idée de la présenter aux chambres ; j’ai cru que ce projet était contraire aux intérêts de l’Etat et à toute bonne vue politique.
Avant de quitter le ministre, j’ai arrêté et signé les comptes des exercices 1830 et 1831 ; ces comptes, contre lesquels ne s’élève aucune objection, sont à l’impression. Si la cour des comptes n’a pas transmis à la représentation nationale des documents précieux, je n’en suis pas responsable. Je désire aussi ardemment qu’aucun autre membre que les comptes soient soumis à l’examen le plus scrupuleux.
M. d’Elhoungne. - Il a été question de la commission de révision des impôts. A cet égard, le dernier préopinant a rapporté inexactement quelques faits qui concernent cette commission et qui impliqueraient gravement l’honneur des membres qui la composaient. C’est dans l’intérêt de la vérité que j’ai demandé la parole pour rétablir les faits.
M. Coghen vous a rappelé que la commission avait été nommée sur sa proposition ; qu’elle était saisie de projets de loi sur le sel, sur les distilleries, sur le droit de succession et de quelques modifications à la loi de frimaire an VII, relative aux droits d’enregistrement. Un de ces projets a été adopté par la commission de révision, c’est celui sur le sel ; il a été présenté à la session dernière, peut-être 6 ou 8 mois après le vote de la commission. La chambre en est saisie.
Le second, sur les distilleries, a occupé un comité pris dans le sein de la commission ; ce comité a terminé son travail depuis plus d’un an ; mais, comme la commission n’a plus été convoquée depuis le 6 décembre de l’année dernière, s’il y a eu obstacle à ce que ce travail lui fût soumis, je laisse à penser à qui on doit l’imputer.
Ainsi, sur quatre projets, en voilà deux sur lesquels un travail a été fait dans l’espace de quelques semaines ; s’il n’a pas été produit, ce n’est pas à la commission qu’il faut l’imputer.
Il est vrai qu’ayant fait partie des deux comités, j’ai dit franchement à M. le ministre des finances que, regardant le projet sur les distilleries comme contraire aux intérêts du pays et destructif de l’industrie, je ne voulais pas me charger de sa défense ; que loin de là je m’élèverais contre son adoption, parce que j’avais la conviction qu’il serait préjudiciable au pays. Depuis lors, le ministre a présenté un autre projet. Je laisse à la chambre à décider si c’est bien la commission qui a manqué à son mandat.
Parmi les membres qui étaient chargés du travail sur le droit d’enregistrement et sur le droit de succession, il y avait entre autre M. Thorn, qui a été placé bien involontairement sans doute dans l’impossibilité de s’occuper des intérêts publics. Il y avait un autre membre que la chambre vient de perdre, qui avait été désigné pour l’examen des points concernant le droit de succession et d’enregistrement : c’est M. Barthélemy.
Si l’on ne s’est pas occupé de ces projets, c’est qu’il suffisait d’une première lecture pour se convaincre qu’ils n’étaient pas dignes d’une attention sérieuse.
Le droit de succession est l’impôt le plus immoral et le plus vicieux sous le rapport de l’exécution ; il ne présente aucune garantie. Au lieu de revenir tout uniment au système si simple de la loi du 22 frimaire an VII, on a voulu fiscaliser davantage la loi hollandaise.
D’après le projet, il aurait fallu faire déclaration de la nature et de la quantité exacte des immondices que contiendraient les fosses à fumier de la moindre métairie.
Le goût de la lecture est général. Aujourd’hui tout le monde a une petite collection de livres. Pour percevoir quelques chétives sommes, l’auteur du projet veut qu’on inventorie minutieusement, sur papier timbré, le titre et tout ce qui peut servir à établir la valeur de chaque livre volume par volume.
Voilà les projets de loi qu’on osait présenter à l’examen de la commission de révision ; voilà les beaux travaux que l’on soumettait à ses investigations éclairées et patriotiques ; et l’on ose se plaindre de l’accueil qu’on y fit !
Je pense que l’assemblée rendra justice aux bonnes intentions que tous les membres de la commission ont montrées en acceptant le mandat fort difficile et très ingrat dont ils ont bien voulu se charger dans l’intérêt du pays.
M. Thiry, commissaire du Roi. - L’un des honorables orateurs qui ont porté la parole pendant cette séance, vous ont entretenus assez longuement sur les opérations cadastrales ; il vous a fait l’énumération des inégalités qui existent dans la répartition de la contribution foncière, non seulement entre les provinces, mais encore entre les cantons et les communes ; il s’est plu à vous rapporter les chiffres qui constatent ces inégalités. Je suis loin, messieurs, de contester l’existence de pareilles inégalités, au contraire elles résultent jusqu’ici des opérations exécutées sans le cadastre ; et ce sont, précisément ces inégalités qui démontrent la nécessité des travaux du cadastre.
Mais, à cette occasion, l’honorable orateur nous a parlé des travaux de la commission qui avait été chargée de la révision des impôts. J’ai eu l’honneur de me rendre près de cette commission ; je me suis empressé de lui transmettre tous les renseignements qui étaient en mon pouvoir ; je lui ai remis différents tableaux qui ont mis à même l’honorable orateur de vous donner les renseignements dont il vous a entretenus aujourd’hui.
Il a ajouté que cette commission, munie de ces renseignements, avait indiqué les moyens de remédier dès à présent aux inégalités qui existent dans la répartition de la contribution foncière ; messieurs, s’il en avait été ainsi, la commission n’aurait pas manqué sans doute de rédiger un projet. Or, je ne connais aucun projet qui ait été formé par la commission sur la répartition de la contribution foncière. Elle s’est bornée à l’examen des documents que j’ai produits, on en a tiré diverses conséquences ; mais la commission n’est pas parvenue à formuler un projet qui pût mettre le gouvernement dans la possibilité de présenter aux chambres une loi sur cette matière.
On a dit que j’avais objecté sur la possibilité de redresser aujourd’hui les inégalités choquantes de la contribution foncière, comme j’objecte encore aujourd’hui, l’obstacle qu’y mettait le non-achèvement du cadastre.
En effet, messieurs, j’ai fait cette objection, et je la ferai jusqu’à ce que l’opération cadastrale ait été poussée aux derniers termes. Je partage l’opinion de l’honorable M. Coghen, qui vous a dit qu’il serait dangereux de toucher à la répartition de la contribution foncière, aussi longtemps que les travaux du cadastre ne seront pas complets. Quand même on se déciderait à faire une rectification aujourd’hui, en prenant pour base les opérations cadastrales, il y a une difficulté, une difficulté invincible : c’est que les résultats connus du cadastre, quoique nombreux, n’ont encore aucun caractère définitif, aucun caractère légal, caractère sans lequel la représentation nationale ne peut faire usage de ces documents.
On demandera sans doute comment il se fait que, le cadastre étant aussi avancé, on n’ait point de résultat définitif ; cette circonstance tient à la marche que le gouvernement a adoptée pour l’exécution prompte du cadastre.
On a senti que s’il fallait interrompre les travaux à mesure qu’un canton serait achevé, c’était le moyen de rendre l’opération interminable ; car vous n’ignorez pas que les opérations du cadastre consistent en deux sortes de travaux, les uns qui s’exécutent sur le terrain, les autres dans le cabinet. Il aurait donc fallu sans cesse faire passer les agents du terrain dans le cabinet, et, réciproquement, du cabinet sur le terrain.
On conçoit, messieurs, l’immense perte de temps qui serait résultée d’une semblable marche.
On s’est donc déterminé, dans la vue même de répondre à l’impatience de la représentation nationale, on s’est déterminé à suivre la marche que nous avons adoptée, et qui consiste à terminer tous les travaux du terrain, ensuite à s’occuper des opérations du cabinet, et enfin à soumettre les évaluations aux propriétaires et aux assemblées cantonales.
Aujourd’hui toutes les opérations du terrain sont terminées ou s’il reste quelque chose à faire, ce serait terminé avant la fin de l’année prochaine ; mais il reste toutes les opérations qui doivent donner un caractère définitif aux travaux du cadastre.
On a commencé, dans deux provinces, la communication des expertises aux propriétaires.
Cette communication a eu les résultats les plus satisfaisants ; elle se continuera successivement dans les autres provinces de manière à pouvoir être achevée vers la fin de l’année 1833.
Alors viendront les assemblées cantonales qui se tiendront dans le courant de 1834 ; ce n’est qu’à cette époque qu’on pourra prendre les opérations du cadastre pour base d’une nouvelle répartition.
Jusque-là les résultats du cadastre ne sont que provisoires ; ils n’ont pas les caractères authentiques et légaux, et, par conséquent ils ne peuvent servir de base à une nouvelle répartition qu’on puisse soumettre à la représentation nationale.
Après vous avoir fait le tableau des inégalités existantes dans la répartition de la contribution foncière, on s’est demandé comment on pouvait, en présence d’un tel état de choses, demander une augmentation de 40 centimes additionnels à cette contribution.
Sans doute, messieurs, cette augmentation est grande, et le gouvernement ne se déterminerait pas à la proposer si nous ne nous trouvions pas dans des circonstances aussi graves. Mais proposer aujourd’hui de faire disparaître les inégalités avant l’augmentation, c’est de toute impossibilité.
Vous ne devez pas perdre de vue, messieurs, que les centimes additionnels qui existent aujourd’hui sur la contribution foncière sont pour ainsi dire nuls, qu’ils ont été portés jusqu’à 26 et au-delà sous le gouvernement précédent, et que successivement ils ont été diminués jusqu’à n’être aujourd’hui que trois pour le trésor ; car, je ne compte pas les deux centimes additionnels qui sont destinés à couvrir les non-valeurs comme appartenant au trésor de l’Etat, puisqu’ils retournent aux contribuables.
Eh bien, messieurs, ce grand nombre de centimes additionnels qui existent présentement étaient recouvrés dans l’état de répartition où se trouve la contribution foncière. Voyez ce qui se passe dans un pays voisin, en France, où l’inégalité est la même, où le cadastre n’est pas plus achevé que dans notre pays, et où il ne le sera pas aussi tôt que le nôtre.
Eh bien, le nombre des centimes additionnels est porté en France jusqu’à 62 et demi. S’ils ont été diminués depuis quelque temps, il n’en est pas moins constant que ce nombre de 62 et demi a existé.
On m’objectera peut-être que dans les 62 centimes et demi se trouvent les centimes additionnels en faveur des départements et des communes ; mais il en est de même des centimes additionnels qui ont été indiqués en masse par la section centrale dans son rapport.
A quel nombre s’élèvent ces centimes additionnels demandés ? A 58. Ainsi ils sont encore au-dessous de ce qui a été imposé en France, non pas dans des circonstances extraordinaires comme celles où nous nous trouvons, mais dans des années ordinaires ; la France était alors dans un état de paix profonde.
Je puis ajouter à cela que le principal de la contribution foncière est moins élevé dans notre pays qu’il ne l’est en France, et qu’ainsi les centimes additionnels sont une augmentation proportionnellement moins forte chez nous qu’elle ne l’est en France.
Il est un fait constant, messieurs, c’est que les ressources du trésor doivent être augmentées. Toute la question se réduit donc à savoir à quelle nature d’impôt il faut de préférence s’adresser : eh bien, on a souvent entendu dans cette chambre la cause du peuple défendue ; ce n’est donc pas à la classe qui ne possède pas qu’il faut faire supporter les charges extraordinaires ; c’est par conséquent à l’impôt foncier que vous devez vous adresser d’abord.
En temps de paix cet impôt doit être ménagé ; il doit être ménagé parce qu’il doit fournir aux ressources extraordinaires dans des circonstances graves, telles que celles où le pays se trouve aujourd’hui.
Je ne pense donc pas que cette augmentation puisse éprouver dans cette chambre la moindre opposition ; elle pensera sans doute, comme le gouvernement, que bien que cette charge soit très grande, il est impossible aujourd’hui de ne pas l’accepter, d’autant plus que la propriété foncière, dans les circonstances où nous nous trouvons, peut assurément supporter ce surcroît d’impôt.
L’honorable M. Meeus, en indiquant le moyen de faire disparaître les inégalités de la contribution foncière, a expliqué sa pensée : il nous a dit qu’il n’entendait pas ajouter une foi entière aux déclarations des propriétaires ; mais qu’il entendait que les gens du gouvernement pourraient faire usage de ces déclarations en les contrôlant avec les résultats nombreux que l’on a déjà obtenus par le cadastre.
Mais la difficulté reste toujours la même.
Le caractère non légal des résultats du cadastre s’oppose ici comme il s’opposait au projet de corriger les inégalités de la contribution foncière.
Passant à la demande de M. Jullien, que le cadastre dépose un tableau des opérations qu’il a faites, je dirai que j’ai fait connaître de la manière la plus détaillée la situation dans laquelle les opérations se trouvent, et que cette situation est encore indiquée dans la note insérée au budget des voies et moyens.
Avant de terminer, je crois devoir répondre quelques mots aux observations qui ont été faites par M. Desmet.
Cet honorable orateur vous a dit qu’il était facile de faire un tableau brillant des opérations du cadastre mais que c’était sur les lieux qu’il fallait voir ce qui se passait ; que c’était là que le chef de l’administration devrait se rendre pour voir lui-même dans quel état les travaux se trouvaient.
Messieurs, depuis 16 ans, que j’ai l’honneur d’être investi des fonctions de commissaire royal du cadastre pour les provinces méridionales et ensuite d’inspecteur-général, car j’ai la haute surveillance du cadastre dans le royaume, j’ai parcouru toutes les provinces, toutes les localités des provinces, non pas une fois, nous pas dix fois, mais cent fois et plus ; je connais donc les localités, j’en connais le personnel ; je sais par conséquent ce qui se passe exactement.
L’honorable orateur a ensuite exposé un système d’après lequel on pourrait remédier aux abus qui existent dans la répartition de l’impôt ; mais, messieurs, malgré toute l’attention soutenue avec laquelle je me suis efforcé d’écouter son discours, je dois avouer qu’il m’a été impossible de rien entendre de cette partie de son opinion ; vous m’excuserez donc, messieurs, si je me trouve, par cette circonstance, dans l’impossibilité de lui répondre.
Si le discours de l’honorable membre est imprimé, ou s’il veut bien même m’en donner communication, j’y répondrai, même dans ce moment, si la chose est jugée nécessaire.
M. Mary. - Messieurs, je prends la parole comme rapporteur de la section centrale.
Je répondrai d’abord au moyen dilatoire qui a été reproduit dans la discussion, après nous avoir été présenté dans la section centrale, moyen tendant à vous faire adopter, au lieu d’un budget définitif pour 1833 trois douzièmes provisoires. Ensuite je rencontrerai quelques-unes des observations que l’on a faites sur notre législation financière actuelle.
Lorsque vos sections, et après elles la section centrale, se sont occupées de l’examen du budget des voies et moyens, une pensée les a dominés, c’est que la nation belge, moralement admise dans la grande famille européenne, devait asseoir son crédit, non sur des paroles, mais sur des faits ; qu’il fallait que toute personne appelée à traiter avec elle fût certaine, non seulement de sa bonne foi à remplir ses engagements, de son désir de payer avec exactitude ses créanciers, mais de la possibilité où elle était de satisfaire à ce devoir impérieux.
Si ce devoir existe pour chaque individu, il existe bien davantage pour le gouvernement, toujours destiné par sa position à donner l’exemple de la morale financière qui compose son union politique. Que si cette marche doit surtout être suivie en des circonstances ordinaires, combien ne le doit-elle pas davantage à une époque telle que celle où nous nous trouvons placés ; alors que, pour faire face à nos besoins extraordinaires, nous devrons probablement faire encore des appels au crédit ; alors que, pour ne pas ravir aux fortunes privées au-delà de leurs forces contributives, nous devrons par des emprunts volontaires rejeter sur plusieurs années les dépenses que nécessite notre position politique actuelle. Certes si nous n’accordons pas de délai à nos débiteurs, il serait injuste d’en réclamer de nos créanciers.
Il fallait donc prouver à ces mêmes créanciers qu’ils pouvaient avoir foi en nos promesses, en leur présentant, dans notre budget des recettes, des moyens suffisants pour couvrir nos dépenses ordinaires et une partie de celles qui bien qu’accidentelles pèseront encore longtemps sur nous. Il fallait lui montrer que nous avions la faculté comme la volonté d’être fidèles aux engagements qui naîtront des dépenses que nécessite l’état de guerre.
Vos sections ont dû trouver moins d’obstacles à consentir le budget que vous discutez, lorsqu’elles ont vu qu’il était loin d’atteindre les crédits que vous avez votés pour 1832. Ceux-ci s’élèvent en effet à 96 millions de florins, ainsi plus de 200 millions de francs, tandis que l’on ne vous demande maintenant que 83 1/2 millions qui, avec 3 1/2 millions, montant des prévisions de recettes à effectuer dans les territoires à céder, ne s’élèvent qu’à 88 millions. Ainsi disparaît l’objection, que l’on ne peut voter des nouveaux impôts sans être assuré de leur nécessité ; car vous aurez en 1833 la même administration et la même armée qu’en 1832, et en supposant même un désarmement pendant le cours de l’an prochain il ne pourra être que partiel en présence de la situation de l’Europe, de votre position particulière et des négociations qui en seront peut-être la suite.
Votre situation financière ne diffère donc pas beaucoup de celle de 1832, et vis-à-vis d’un ennemi qui n’a que les 5/13 de notre population, et qui cependant maintient une armée de plus de 100,000 hommes et un budget de 220 millions de francs, force vous sera d’avoir à opposer des moyens matériels analogues.
Mais, dit-on, s’il est vrai que les ressources que l’on nous propose ne peuvent pas couvrir toutes les dépenses présumées, pourquoi nous en occuper ? Pourquoi les voter, puisqu’en réalité ce n’est qu’un budget provisoire ? C’est se tromper, car il couvre réellement nos dépenses ordinaires présumés ; que s’il surpasse celle-ci, événement repoussant toutes les probabilités, eh bien tant mieux, puisque notre avenir sera d’autant moins grevé, et ainsi nous pourrons éviter de recourir et à des emprunts onéreux et à un surcroît d’impôts pour couvrir le remboursement et les intérêts de ceux-ci.
Mais, après avoir adopté le budget qui nous est soumis, prétend un orateur, nous devons voter de nouveaux centimes additionnels pour couvrir les dépenses extraordinaires. Non, messieurs car pour celles-ci, nous le répétons, nous devrons faire un appel au crédit ; celui-ci sera d’autant mieux établi que par nos actes nous aurons dû inspirer la confiance.
Ce n’est pas que je partage l’opinion de ce même membre, que la génération présente a fait assez de sacrifices pour laisser à notre postérité le soin d’acquitter les charges que nous auront occasionnées les circonstances actuelles ; on pourrait craindre de la voir répudier le passif de cet héritage, et le crédit demeurerait sourd à vos demandes. Aucun emprunt n’est possible aujourd’hui sans y affecter un amortissement qui est tout au moins d’un pour cent de capital emprunté, et qui, placé à intérêt composé de 5 p. c. permet d’éteindre une dette en 33 ans environ. Que nos descendants paient une part dans les dépenses qu’auront occasionnées des travaux publics ou des améliorations matérielles, je le conçois ; mais vous les verriez prompts à reculer les autres si vous n’aviez montré vous-mêmes la bonne volonté d’en éteindre une partie ; d’ailleurs, vous ne pouvez, comme vous y invite un autre orateur, remplacer par un emprunt les centimes additionnels que l’on vous propose sur le foncier et le personnel et l’augmentation du quart sur les patentes, car les emprunts, dont on doit être sobre, ne sont destinés qu’à couvrir des dépenses extraordinaires auxquelles les ressources actuelles ne pourraient faire face.
Comment voter les voies et moyens de 1833 avant d’avoir sous les yeux les comptes de 1830 et de 1831 ? Votre section centrale a regretté de même que les deux orateurs qui ont parlé ainsi, que ces comptes ne fussent pas encore sous vos yeux ; mais elle n’a pas pensé qu’il fallût en faire un moyen dilatoire, car aucun membre de cette assemblée ne peut se dissimuler, à l’aspect des crédits votés pour 1832, que ces comptes ne leur apporteraient que la triste conviction qu’il faudra d’autres ressources encore pour faire face à nos dépenses extraordinaires ; le budget ordinaire des dépenses, d’ailleurs en harmonie avec ce qui vous avait été présenté l’an dernier pour l’armée sur pied de paix et avec ce que vous avez adopté pour les autres besoins publics, est sous vos yeux ; il a déjà en partie subi la discussion de vos sections et ne pourra vous donner de nouvelles lumières sur les demandes des voies et moyens.
La loi de la nécessité, les circonstances qui se pressent de toutes parts, le besoin de régulariser la mise en recouvrement de nos recettes ordinaires, l’époque avancée de l’année, tout nous engage dès lors à ne pas refuser un vote qui peut avoir l’influence la plus funeste et sur la marche d’un gouvernement auquel il faut porter aide et sur le crédit public qu’il faut affermir.
Un membre a été cependant plus loin ; il a traité d’absurde la proposition d’adopter en de telles circonstances un budget ordinaire de voies et moyens. L’acerbité de cette expression ne peut s’attribuer qu’à la chaleur de l’improvisation. Quoi, devant le vote unanime de vos sections et de la section centrale ; quoi, devant le vote que vous avez émis l’an dernier en adoptant le budget de réforme de 1832 avant que vous ayez pu vous occuper de celui de dépenses, lorsqu’en outre vous aviez mis à la disposition du gouvernement un emprunt de 48 millions, un membre pourra se croire seul le don de la prescience et de la longue vue, pourra se croire en droit de déverser sur l’opinion généralement partagée par ses collègues toute une condamnation qu’il résumera en ce mot vague d’absurdité !
Et que vous propose-t-il donc qui doive paraître une œuvre si supérieure ? D’accorder des crédits provisoires qu’il voudrait borner aux premiers trimestres de 1833 et qui seraient d’après lui un quart de ceux accordés pour toute l’année 1832 ? Mais a-t-il bien examiné toute la portée de cette proposition, a-t-il réfléchi que le quart de ces crédits s’élèverait à 50 millions de francs, tandis que le gouvernement ne vous en demande pas la moitié, ne vous demande que de 21 à 22 millions pour ce même espace de temps ? Et avec quelles ressources vous propose-t-il de faire faire ces dépenses ? Avec les impôts actuels qui, ne s’élevant par an qu’à 5 millions et demi ne vous donnent par an 19 millions pour un trimestre et vous offriront un déficit considérable. Vous jugerez, messieurs, tout en désirant de voir réduire nos impôts, si on peut dans cette position se jeter dans de semblables abîmes.
On cite l’exemple de la France, où l’on discute en ce moment même trois douzièmes provisoires ; mais là les impôts sont mis au niveau des recettes, et pour couvrir même la différence, on y autorise le gouvernement à y émettre jusqu’à concurrence de 250 millions de bons du trésor. On va plus loin, on l’autorise en outre à mettre en recouvrement le rôle de la contribution foncière de toute l’année. Et quel concert de plaintes s’élèvent pour demander que l’on sorte de ce provisoire ! que de voix pour réclamer du ministère le budget ordinaire de 1834, dès le mois de mai prochain !
Sommes-nous dans la même position, nous à qui l’on ne demande que les ressources d’un budget ordinaire qui laissera un vide pour celles extraordinaires, vide pour lequel vous serez plus tard appelés à voter des moyens temporaires qui ne doivent avoir d’autre durée que celle des circonstances momentanées qui y auront donné lieu ? Vous avez déjà permis pour 1833 la perception anticipée de 8 mois de la contribution foncière telle qu’elle existe aujourd’hui, et dont les deux tiers s’élèvent à environ 12 millions, et vous reviendriez sur cette disposition législative adoptée à l’unanimité dans cette chambre, en n’autorisant plus qu’une perception de trois mois !
Inutile donc, messieurs, de vous remettre sous les yeux les motifs que j’ai eu l’honneur de vous exposer dans un rapport, et qui ont engagé les sections à consentir aux allocations réclamées par le gouvernement.
Mais, ajoute le même membre, en adoptant mes crédits provisoires, vous pourrez mettre à exécution les modifications à apporter dans notre système financier, dans le cours même de 1833. La section centrale a sans doute émis le vœu que vous partagez tous, c’est de voir apporter des changements à cette législation, dans tous les points qui appellent des réformes. Mais elle ne se dissimule pas qu’ils ne peuvent s’improviser ; qu’alors même qu’ils seront adoptés, il faudra laisser au public le temps suffisant pour les connaître et se familiariser avec les nouvelles dispositions ; c’est ainsi que le système qui nous régit aujourd’hui, bien qu’adopté par la loi générale du 12 juillet 1821, et les lois spéciales qui en ont été la suite, n’ont été mises en vigueur qu’en 1823. Nos ressources ne pourront, en 1833, descendre en-dessous de ce qui vous est demandé ; ainsi, en supposant même des innovations, des suppressions d’impôts, la nation aurait à payer la même somme, sauf qu’elle serait répartie sur d’autres chefs et soldée par d’autres débiteurs, et qu’elle substituera probablement de nouvelles plaintes à celles qui peuvent surgir aujourd’hui.
Si vous vouliez appliquer, dès l’année prochaine, quelques-unes des lois financières qui vous seront proposées, qui vous empêcherait de leur donner la force exécutoire dès le deuxième semestre ? Elles introduiront des suppressions ou des augmentations d’impôts, elles feront disparaître des inégalités ou traceront de nouveaux modes d’exécution ; elles fixeront dès lors un produit présumé, qui remplacerait une partie de celui qui vous est présenté en ce moment. Cette marche n’aurait rien d’irrégulier, et de nombreux précédents seraient là pour l’appuyer.
Mais vous avouez, nous dit-on, que les sections n’ont pas eu sous les yeux tous les renseignements qu’elles avaient droit d’attendre. C’est ce qui arrive journellement, et alors l’on invite les rapporteurs près de la section centrale de les réclamer. C’est ce qui a été fait dans cette occasion, et c’est par ce motif que dans notre rapport nous avons cru devoir présenter les détails qui nous ont semblé propres à éclairer votre vote ; nous croyons qu’avec ceux que vous pourrez obtenir et du ministre des finances et des quatre commissaires attachés à ce département et nommés par le Roi pour soutenir la discussion des budgets, vous aurez des éléments suffisants pour établir votre conviction.
Peu importe qu’il y ait lacune momentanée dans le pouvoir exécutif par l’absence d’un conseil des ministres, puisque vous êtes libres de suspendre votre vote définitif après l’adoption des articles ; dans tous les cas, c’est plutôt lorsqu’il s’agira de la discussion des dépenses que vous devez connaître la composition du cabinet, pour savoir si elle vous offre assez de garanties pour pouvoir confier à ses membres l’application des deniers de l’Etat. Aujourd’hui vous n’autorisez que la perception des impôts, qui demeureront dans les caisses du trésor aussi longtemps que par le vote des députés, vous n’en faites pas la division entre les divers ministères ; vous n’autorisez pas la chambre des comptes à en permettre le paiement, puisque c’est elle qui veille à ce qu’aucun article de dépenses du budget ne soit dépassé et qu’aucun transfert n’ait lieu, et que les dépenses ne peuvent avoir lieu sans votre assentiment.
Je crois avoir rencontré les diverses observations que l’on vous a présentées, pour vous faite repousser le projet de loi qui vous est soumis, et pour le remplacer par une mesure qui n’accorderait que trois douzièmes provisoires. Vous serez fidèles au vote que vous avez déjà émis en pareille circonstance ; vous ne répudierez pas l’opinion unanime de vos sections ; vous serez conséquents avec la loi que vous avez portée il y a peu de jours pour autoriser le gouvernement à prélever par anticipation les deux tiers ou huit mois de la contribution foncière : oui, messieurs, vous rejetterez une proposition qui jetterait le désordre dans nos finances, blesserait le crédit d’un Etat naissant, sèmerait l’incertitude parmi les contribuables et amènerait un provisoire qui renouvellerait sans cesse vos discussions sur les seuls intérêts financiers, tandis que d’autres soins réclament aussi votre attention.
Il me reste à suivre quelques-uns des membres dans leur excursion au milieu du vaste champ de la législation financière qui nous régit.
Une pensée philanthropique a souri à l’un des orateurs qui ont eu hier la parole. C’est la diminution de nos impôts d’accises, impôts qui pèsent sur la consommation, et qui dès lors atteignent, suivant lui, davantage le pauvre que le riche.
Et d’abord, messieurs, nous avons déjà dit que ces impôts ne frappent que cinq objets, parmi lesquels le sel est le seul qui soit des plus essentiels ; encore ce dernier impôt ne procure chez nous que 90 centimes annuellement par tête, est-il moins élevé qu’en France où il s’élève jusqu’à 2 francs par individu. Et cependant nous nous flattons de l’espoir que, par la nouvelle loi qui nous a été présentée dans la dernière session, et qui sera reproduite dans la session actuelle, cet impôt sera mitigé. Nous doutons néanmoins qu’il puisse, dans l’état actuel de nos finances, disparaître entièrement dès aujourd’hui ; car, remarquez-le, messieurs, c’est moins l’impôt que le manque de travail qui influe sur le bien-être de la classe ouvrière, et s’il faut pour elle alléger le fardeau des contributions, du moins n’est-il pas besoin de le faire disparaître en entier.
Les subsides que chaque peuple fournit à l’Etat ne sont pas destinés seulement à garantir la propriété, mais aussi à protéger les personnes, les libertés et les droits. Tout citoyen profite également des avantages de la justice, de l’administration, des travaux publics ; l’instruction gratuite, les bienfaits de la civilisation, ne peuvent être que la conséquence des impôts qui sont destinés à les procurer ; chaque citoyen doit donc y contribuer en raison plus ou moins exacte de ses facultés pécuniaires, et si l’ouvrier, si l’industriel, si le capitaliste ne peuvent être atteints par l’impôt sur les propriétés, celui sur les consommations vient du moins lui imposer son tribut. Rien d’absolu par conséquent en matière d’impôt ; le multiplier sous diverses formes est le seul moyen d’atteindre toutes les conditions, toutes les positions sociales.
Et cependant, si l’on voulait renfermer l’impôt sur les consommations dans des bornes trop étroites, je serais le premier à en réclamer la suppression totale ; car une maxime dans tout impôt, c’est que sa perception soit économique et prélève le moindre tantième que possible ; c’est en second lieu qu’il ne soit pas assez élevé pour offrir un fort appât à la fraude, et tombe d’une manière peu sensible sur plusieurs objets de consommation, qui ne soient pas regardés comme de première nécessité. C’est ainsi que cet impôt n’exige en Angleterre que 5 1/2 p. c. de frais de perception, tandis que chez nous et en France il en réclame 17 à 18 p. c., parce qu’un même nombre d’employés est nécessaire pour la surveillance de peu comme pour celle du grand nombre d’objets imposables.
L’arbitraire de ce genre d’impôts, que le contribuable paie sans s’en apercevoir, et pour autant qu’il lui convienne de consommer, n’a pas élevé dans votre enceinte plus de plaintes que celui que l’on prétend exister sur la contribution foncière.
On vous a signalé des inégalités non seulement entre les provinces, mais encore entre les cantons d’une même province, dont les uns paient 4 p. c. de revenus personnels, tandis que dans d’autres on exige jusqu’à 10. Ces données sont incertaines, bien que fournies par le cadastre, qui vous déclare lui-même qu’elles n’ont aucun caractère de légalité. Elles vous engageront cependant à repousser les propositions qui vous ont été faites par deux membres de diminuer de 5 p. c. la contribution foncière des Flandres et de la province d’Anvers.
Déjà lors de la dernière session les premiers ont obtenu pareille diminution, pour les seconds elle a été rejetée. Inutile dès lors de proposer dans les circonstances actuelles et pareilles une nouvelle diminution, qui évidemment serait arbitraire, car depuis deux ans les terres arables ont présenté de superbes récoltes, tandis que nos forêts ont perdu leur valeur ancienne, et sont demeurées sans produit dans beaucoup de localités où elles servaient principalement à l’alimentation des foyers. Leur expertise cadastrale du revenu net et imposable a même été basée sur une série de quinze années écoulées de 1812 à 1825 inclusivement, par suite d’un arrêté du 22 juin 1826, époque pendant laquelle elles avaient un assez haut degré de prospérité.
Vous savez, messieurs, que le cadastre parcellaire est en voie d’exécution en Belgique, depuis 1808 : on l’introduisit plus tard en Hollande, mais, à l’époque de l’arrêté que je viens de vous citer, le gouvernement changea les bases d’expertise qu’il jugeait défavorables à la Hollande.
De là nouveau travail, de là abolition de tout ce qui avait été fait jusqu’à ce jour. Et, cependant, nous devons rendre cette justice à l’administration du cadastre que, dans l’espace de temps qui s’est écoulé de 1825 jusqu’à ce jour, elle a trouvé le moyen de terminer en entier les travaux sur le terrain, de finir les expertises dans deux provinces et d’être en mesure de les achever, pour les autres, dans le cours de l’an prochain si le budget des dépenses lui en fournit les moyens.
Que l’on ne s’imagine qu’un tel résultat était si facile à obtenir ; car en France où le système de 1808 avait été continué sans être rompu comme chez nous en 1825, il n’y avait encore en 1830 qu’un peu plus de la moitié du territoire qui fût cadastré. Cette opération ne s’y continue même plus qu’au profit de cotisations individuelles, et se fait aux frais des départements qui ont été autorisés à voter cinq centimes additionnels pour subvenir aux dépenses de cette entreprise aussi vaste que difficile. La somme totale de ces centimes s’élevait, en 1830, à 5 millions de francs.
Nous disons que l’Etat y est désintéressé dans cette opération, parce qu’en 1821, par suite d’opérations commencées en 1814, il adopta un travail général sur les forces contributives de chaque département dans la contribution foncière. Les expertises s’y sont faites non pas comme vous l’a proposé pour la Belgique un honorable membre, sur des déclarations de propriétaires placés entre leur conscience et leur intérêt, mais d’après des données obtenues par des démarches longues, dispendieuses et pénibles faites par des agents spéciaux, par les conseils communaux, et basée sur une réunion nombreuse de documents.
Néanmoins, le résultat qui en a été la suite passe pour incomplet, tandis que nous, nous sommes à la veille d’avoir une péréquation faite par le cadastre avec soin et avec les renseignements qu’une longue expérience a pu faire regarder comme approchant le plus de la vérité.
La loi du 3 frimaire an VII a tracé les bases sur lesquelles devait reposer l’évaluation du revenu net imposable des trois grandes divisions de propriétés, terres arables ou prairies, forêts et bâtiments ne servant pas à l’agriculture. Jusqu’à ce qu’une proposition législative vienne changer le mode prescrit par cette loi, l’administration est tenue de s’y soumettre, et nous serions les premiers à la rappeler dans les voies de la légalité si elle s’en écartait. Si l’un des orateurs qui a proposé d’apporter des modifications à ce système d’expertise veut faire prévaloir ses idées, il faut qu’il suive les usages de cette chambre, qu’il dépose une proposition qui devra suivre les formalités prescrites par le règlement.
Déjà, au surplus, sa proposition a été refusée par un autre membre, et je crois inutile de vous faire remarquer qu’elle n’a qu’un but provisoire, et qui ne pourrait pas être exécuté avant l’achèvement du cadastre, alors que nous considérons que pareille mesure a exigé longues années en France avant de pouvoir arriver à un médiocre résultat.
Un autre membre a fait ressortir quelques-uns des vices de l’impôt personnel : la section centrale ne se les ai pas dissimulés, elle a réclamé une révision de la loi qui l’établit, mais en même temps, elle vous a observé que dans l’exécution, cette loi avait reçu des améliorations ; c’est ainsi que par celle du 29 décembre 1831, vous avez permis aux contribuables, soumis à l’impôt personnel, d’établir leur cotisation, en ce qui concerne les quatre premières bases de l’impôt, savoir la valeur locative, les portes et fenêtres, les foyers et le mobilier, conformément à celle qui a été admise ou fixée en 1831, ainsi sans expertise, ni visite domiciliaires.
Le même orateur s’est élevé contre la loi de 1822 sur les patentes, et vous a proposé de la remplacer par la loi du 1er brumaire an VII. Celle-ci nous avait déjà régis jusqu’en 1816. Elle pourra être prise en considération lors de la révision de cet impôt, mais la section centrale n’a pas cru devoir proposer de s’y rattacher, car en France même on est sur le point de la modifier ; le classement n’en est pas complet et consacre d’ailleurs quelques injustices.
On s’est demandé pourquoi notre section centrale n’avait pas porté en recettes ce qui peut être dû par la banque de Bruxelles. Vous venez, messieurs, d’entendre un député qui fait partie de l’administration de cet établissement. Il vous a déclaré que cet objet n’était pas liquide ; que si le gouvernement croyait pouvoir faire valoir des prétentions contre la banque, il n’avait qu’à les porter devant les tribunaux, appelés à en décider ; que jusque-là la banque ne pouvait souscrire à ses demandes.
Il faudrait donc suivre le cours et les délais d’un procès, qui peut durer plusieurs années ; et dès lors on ne peut faire compte de prétentions contestées dont le recouvrement ne doit être expiré qu’en 1833.
Je regrette que M. le ministre des finances n’ait cru devoir répondre que par des moyens évasifs à l’interpellation d’un membre qui a pris la parole au commencement de cette séance, interpellation qui tendait à savoir si l’on avait en caisse les sommes suffisantes pour faire face aux services publics, si l’emprunt de 12 millions serait remboursé au 1er janvier prochain, enfin si l’on n’émettait pas des billets à terme. Les membres de la commission à laquelle vous aviez renvoyé le projet de loi, autorisant le gouvernement à percevoir les deux premiers tiers de la contribution foncière par anticipation, nous lui avons fait les mêmes demandes.
Il nous a assuré alors qu’il y avait des fonds suffisants dans les caisses de l’Etat, que l’emprunt de 12 millions pouvait se rembourser avec les fonds de l’anticipation, puisque une partie du dernier emprunt de 24 millions ne devait se recevoir qu’à dater du 1er janvier ; et quant aux billets à terme, il n’en existe, comme de coutume et ainsi que cela se pratique depuis deux ans, qu’entre les mains de quelque fournisseur d’accord avec eux et leurs contrats.
Quant à ces points, le crédit public est donc assuré : c’est à vous, messieurs, qu’il appartient de le maintenir pour l’avenir, en prêtant votre concours à la patrie, en repoussant des mesures provisoires en opposition avec vos précédents, et qui seraient destructives de la confiance que vous devez appeler, en donnant votre assentiment au projet du budget des voies et moyens pour 1833, tel qu’il a été modifié, tel qu’il vous a été présenté par la section centrale.
- La séance est levée un peu avant quatre heures et demie.
Noms de MM. les représentants absents sans congé à la séance de ce jour : MM. Angillis, Boucqueau, Brabant, Coppieters, Deleeuw, de Muelenaere, de Robaulx, de Woelmont, Dumont, Jacques, Jaminé, Pirson.