(Moniteur belge n°342, du 9 décembre 1832)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Dellafaille fait l’appel nominal à une heure. La séance est ouverte.
M. Fleussu annonce que M. de Renesse est retenu chez lui par une indisposition.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
M. Liedts fait connaître l’objet de plusieurs pétitions adressées à la chambre. Parmi les pièces dont M. Liedts présente l’analyse, il s’en trouve une signée par un grand nombre d’habitants de la ville d’Anvers qui protestent contre l’opinion émise par M. Osy dans l’une des séances de la chambre.
M. Lebeau. - Je viens d’entendre faire mention d’une pétition qui ne me semble pas mériter cette qualification et contre le renvoi de laquelle je proteste à mon tour : c’est la pétition qui proteste contre l’opinion émise par M. Osy ; si nous consentons au renvoi de cette pièce à la commission de pétitions, nous déclarons nous-mêmes que nous portons atteinte à l’indépendance de nos opinions. Je demande que la pièce soit écartée par l’ordre du jour.
M. Gendebien. - Quelque désir que j’aie d’écarter de cette enceinte tout ce qui pourrait irriter, je crois que nous ne devons pas procéder aussi lestement qu’on le propose, dans de bonnes intentions sans doute. Je pense qu’il n’y a aucune raison de dévier des règles du règlement. Que l’on renvoie donc la pétition à la commission spéciale, elle fera son rapport et nous verrons alors si nous devons délibérer. Nous pourrons nous expliquer sur les droits des membres de la chambre, et nous déverserons le blâme sur les auteurs d’une pétition inconvenante si tant est qu’il y ait inconvenance.
Je demande qu’on suive le règlement dans cette occasion comme dans toutes les autres.
M. Lebeau. - Ce n’est pas une pétition !
M. Jullien. - Qu’est-ce que c’est ?
M. Liedts. - C’est une protestation !
M. Nothomb. - Je ne puis partager l’opinion de l’honorable préopinant. Si dans la forme la pièce était une pétition, si l’on nous demandait quelque chose, si l’on nous soumettait quelques observations, on pourrait la renvoyer à la commission des pétitions ; mais c’est une protestation contre l’opinion émise par un membre de cette assemblée ; et je dis que si vous accordez à cette pièce l’honneur du renvoi, vous consacrerez un précédent dangereux, et vous violerez vos droits qui consistent essentiellement dans l’expression libre de votre pensée, de votre vote. Le précédent posé, on pourrait en appeler de nos opinions hors de cette enceinte. On peut critiquer votre manière de voter ; mais on ne peut saisir personne du jugement des opinions d’un de ses membres. N’établissez donc pas le précédent des plus dangereux, puisqu’il porterait atteinte à votre mandat. J’appuie la demande faite par M. Lebeau, d’écarter la pièce par l’ordre du jour.
Quand j’étais membre du bureau sous le congrès, et je l’ai été pendant dix mois, très souvent des pièces semblables ont été écartées. Le président déclarait qu’elles devaient être écartées sans examen, et vous avez approuvé cette manière d’agir.
M. Jullien. - Messieurs, je crois que nous discutons sans savoir précisément sur quoi ; car, quelle est la pièce sur laquelle on parle ?
Les uns disent que c’est une protestation, les autres que c’est une pétition. Ce n’est pas le nom qui fait la nature d’une pièce ; il peut y avoir une demande dans celle qui vous est adressée. Il y a inconvénient à statuer sur une pièce qu’on ne connaît pas.
Je suis aussi susceptible qu’un autre sur l’honneur de la représentation nationale ; mais je tiens qu’il est de la justice et de la dignité de la chambre de connaître les pièces qu’on lui envoie. Quand nous connaîtrons, nous ferons droit, et droit d’une manière convenable à notre dignité.
M. Lebeau. - Qu’on analyse la pièce !
- La chambre, consultée pour savoir si la pièce sera renvoyée ou non à la commission des pétitions, écarte cette pièce par l’ordre du jour.
L’ordre du jour est la suite de la discussion sur la vérification des pouvoirs des élus de Liége.
M. J. Vanderbelen. - Messieurs, je pense que la question qui nous est soumise en ce moment doit être décidée par l’article 23 de la loi électorale, conformément à l’avis de la majorité de la commission. Voici les motifs de mon opinion. L’article 23 veut impérieusement qu’outre ceux qui sont inscrits sur la liste des électeurs, affichée dans la salle et remise au président, le bureau admette encore à voter tous ceux qui se présenteront munis d’une décision de l’autorité compétente, constatant qu’ils font partie du collège. Voilà la disposition de la loi, à laquelle personne, je crois, ne trouvera à redire.
Après cela il ne reste plus qu’à examiner si le fait qu’on nous présente tombe dans la disposition de la loi ; et, s’il y tombe, il sera évident aussi que le bureau a agi régulièrement.
Le fait est que plusieurs électeurs, qui n’étaient pas portés sur la liste, se sont présentés au bureau, munis d’une décision de la députation des Etats, constatant qu’ils faisaient partie du collège des électeurs.
Le bureau qu’avait-il à faire dans ce cas ? Pouvait-il faire autre chose que ce que la loi lui ordonnait impérieusement de faire ? Ne devait-il pas admettre ces électeurs munis d’une décision de l’autorité compétente ?
On ne conteste pas que les électeurs qui se présentaient ne fussent munis d’une décision de l’autorité compétente, de la députation des états, qui les avait reconnus électeurs ; mais on conteste à la députation des états le pouvoir de juger dans le cas, J’accorde que ce pouvoir peut lui être contesté. Mais était-ce au bureau à juger cette question, ou celui-ci devait-il voir simplement le fait qu’un électeur se présente devant lui munis d’une pièce de l’autorité compétente, qui constate qu’il fait partie du collège des électeurs ?
Evidemment que le bureau n’a qu’à voir le fait. Nulle part la loi ne lui attribue un autre pouvoir. Le bureau n’est donc pas juge pour voir si la députation des états a compétemment jugé, oui ou non. Il ne peut pas plus entrer dans cette question qu’il ne pourrait entrer dans la question de voir si le jugement de la députation des états, dans le cas qu’il fût compétemment rendu, était bien ou mal porté. On sait qu’aujourd’hui il n’y a plus des nullités de droit ; d’où il suit qu’une décision de l’autorité compétente, comme est dans le cas celle des états-députés, soit qu’elle soit rendue dans les bornes de sa compétence ou non, doit être respectée aussi longtemps que cette décision n’est pas renversée par le juge supérieur. Le bureau a donc bien fait d’admettre les électeurs auxquels on conteste aujourd’hui leur qualité à concourir au choix d’un représentant, et s’il en avait agi autrement, c’est alors, et alors seulement, qu’il aurait commis une irrégularité, un excès de pouvoir, qui pourrait donner lieu à la nullité de l’élection.
Au système que j’ai exposé et qui repose évidemment sur le texte clair et précis de la loi, on fait plusieurs objections, tirées surtout de ce que l’article 6 de la loi électorale déclare la liste des électeurs permanente. Mais ce mot ne veut évidemment pas dire autre chose là, sinon qu’on ne fera pas de nouvelle liste à chaque élection ; que la liste, une fois faite, sauf les radiations et inscriptions qui peuvent avoir lieu lors de révision annuelle, restera telle qu’elle est, et servira de base, comme s’exprime l’article 11 de la loi, pour la convocation des électeurs, sans y ajouter qu’elle servira également de base pour pouvoir être admis à voter, sur quel dernier point l’article 23 seul a statué d’une manière si claire et si précise, que je ne sais vraiment pas comment il y a divergence d’opinions.
Ici je remarquerai encore, messieurs, que l’article 23 ne veut pas de décision devenue inattaquable mais se contente d’une décision de l’autorité compétente, sans même y ajouter qu’elle doive être en dernier ressort. On pourra porter la décision de la députation des états de Liége devant la cour de cassation ; mais, soit que cette cour l’annule comme contraire aux lois, ou ne l’annule pas, la chambre des représentants n’aura jamais rien à y voir. Elle, elle seule décide de la validité de l’élection, point que la cour de cassation ne jugera jamais, parce qu’il sort de ses attributions. Ces motifs, messieurs, et ceux donnés par la majorité de la commission, m’engageront à voter l’admission des nouveaux élus, MM. Marcellis et Kauffman.
M. Fallon. - Messieurs, on est d’accord sur le point de fait. Sur l’avis que la régence de Liège fit publier le 25 octobre, plusieurs individus qui, ne se trouvant pas inscrits sur la liste permanente des électeurs, furent autorisés à concourir à l’élection par décisions du conseil provincial de Liége.
Le collège électoral a accueilli le suffrage des individus porteurs de ces décisions.
Si, du chiffre obtenu par chacun des élus, nous retranchons le nombre des suffrages, la majorité se trouve déplacée et ne leur est pas acquise.
La question est donc de savoir si, en accueillant ces décisions, le collège électoral a régulièrement procédé ou, en d’autres termes, si l’opération actuelle est valable.
Cette question en a soulevé plusieurs autres.
S’il est vrai que le conseil provincial était incompétent pour statuer ainsi qu’il l’a fait, ou bien s’il est vrai au moins qu’il a mal jugé, il est incontestable que l’opération électorale se trouve viciée.
Un pourvoi en cassation a déféré ces questions au pouvoir judiciaire, et le pouvoir judiciaire est compétent pour en connaître.
Dans cet état de choses, la chambre devait-elle surseoir à prononcer sur le sort de l’élection ?
Le pourvoi était-il ou n’était-il pas suspensif ?
Devait-on ou ne devait-on pas appliquer au système électoral les principes du droit commun dans les matières civiles ordinaires ?
Tels furent les premiers éléments de la discussion sur le premier rapport de la commission.
La majorité décida que, nonobstant le pourvoi, il serait passé outre à l’instruction sur la vérification.
Je respecte cette décision, mais ma soumission ne doit pas aller jusqu’à répudier mon opinion, alors que je ne suis pas convaincu.
Il doit donc aussi m’être permis d’invoquer les principes du droit commun pour remettre de nouveau en discussion, dans les débats sur le fond, ce que la majorité a déjà décidé.
L’on sait que les jugements préparatoires ou même interlocutoires ne lient pas le juge, et que, mieux éclairé dans l’examen du fond, il peut se réformer lui-même.
Quelle que soit donc la prévention en présence de laquelle je me trouve, j’ai le droit d’insister de nouveau pour qu’il soit sursis à toute décision sur le fond, jusqu’à ce que la cour de cassation ait prononcé ; et ma conviction m’impose ce devoir.
Je n’ai du reste que peu de mots à dire pour justifier cette conviction.
L’article 34 de la constitution attribue à la chambre le droit de vérifier les pouvoirs de ses membres et de juger les contestations qui s’élèvent à ce sujet.
Cette disposition est reproduite dans l’article 40 de la loi électorale.
En s’arrêtant là, l’omnipotence de la chambre en matière d’élection serait incontestable.
Mais, pour bien apprécier la portée de la constitution comme de toute autre loi, c’est la constitution tout entière qu’il faut consulter, et non isolément une de ses parties.
Elles s’interprètent les unes par les autres, et elles doivent toujours se concilier de manière à ce qu’elles ne s’entrechoquent pas entre elles.
Or, si l’article 34 de la constitution attribue à la chambre le droit de juger les contestations qui s’élèvent dans la vérification des pouvoirs de ses membres, l’article 93 attribue de son côté aux tribunaux les contestations qui ont pour objet des droits politiques.
Il faut donc comprendre et mettre en pratique l’article 34, de manière à ne pas étouffer l’article 93.
C’est-à-dire que, dans la vérification des pouvoirs, la chambre ne doit juger les contestations qui s’élèvent à ce sujet, que dans les cas où il s’agit de contestations dont les tribunaux ne se trouvent pas déjà légalement saisis en vertu de l’article 93 de la constitution.
Peu importe donc de savoir si, en matière électorale, le pourvoi en cassation régulièrement formé est ou n’est pas suspensif.
L’autorité judiciaire est-elle régulièrement saisie d’une contestation d’où dépend la validité des pouvoirs que nous avons à vérifier ?
Voilà, pour moi, toute la question, et la poser c’est la résoudre.
Une vérité contre laquelle tout raisonnement vient se briser, c’est que la question de savoir si les décisions du conseil provincial de Liége ont été compétemment rendues, et, subsidiairement, s’il a été bien jugé par ces décisions, est une question du droit politique dans les attributions du pouvoir judiciaire.
Une autre vérité également à l’abri de contestation, c’est que s’il est vrai que ces décisions sont incompétemment rendues ou renferment un mal jugé, il n’est pas possible que nous validions l’opération électorale.
On aura beau discourir, il faudra toujours en revenir là.
L’autorité judiciaire est donc constitutionnellement saisie du point capital de la discussion, et, dans un cas semblable, quelle que soit l’omnipotence de la chambre, il est au moins de sa dignité d’en suspendre l’exercice.
Sans doute il y a des inconvénients à s’arrêter devant un pourvoi en cassation dans la vérification des pouvoirs, puisqu’un semblable obstacle peut retarder le complément de la représentation nationale.
Mais il ne faut pas exagérer les choses. Les frais et amendes attachés aux pourvois ne les rendront pas si communs qu’on semble l’appréhender ; et, du reste, la chambre sera toujours libre de passer outre dans les cas où les pourvois n’auraient pas une apparence de fondement.
Dans le doute, si elle ne s’abstient pas, elle peut se heurter contre des inconvénients qui me paraissent beaucoup plus graves.
Vous décideriez aujourd’hui, messieurs, que l’élection est valable, et demain la cour de cassation déciderait qu’elle est nulle.
Le moindre mal ne sera pas d’avoir exposé la chambre à la censure des tribunaux, de l’avoir fait rappeler à l’ordre par le pouvoir judiciaire.
Un mal plus grave aura été consommé et restera irréparable, c’est qu’entre-temps vous aurez fait concourir à la formation des lois des éléments inconstitutionnels, dont elles resteront corrompues.
En puis, pensez-vous, messieurs qu’en devançant la cour de cassation vous compléteriez la représentation nationale ?
Quant à moi, je ne le pense pas, et je suis bien tenté de croire que les élus auraient la prudence d’attendre la décision de la cour de cassation avant de se présenter au serment et de prendre place parmi nous.
Sous ces considérations, je demande un nouvel ajournement de la discussion.
Si cette proposition n’est pas accueillie, et si nous devons ici faire l’office de la cour de cassation, la question pour moi ne sera pas embarrassante, et je trouverai dans la loi électorale de quoi asseoir mon jugement avec toute certitude de ne pas me tromper.
Le mécanisme de cette loi est aussi simple que facile à comprendre.
Qualités requises pour être électeur ;
Formation des listes électorales ;
Procédure à suivre sur les contestations relatives à la formation de ces listes ;
Organisation des collèges électoraux ;
Procédure à suivre par ces collèges dans les opérations de l’élection ;
Tel est l’ordre dans lequel le système est tracé.
L’agrégation de la matière électorale peut soulever des difficultés, des questions de capacités.
La procédure pour le jugement de ces difficultés est déterminée avec clarté et précision.
Trois degrés de juridiction sont établis.
Les administrations locales jugent en première instance ; les conseils provinciaux jugent en appel, et la cour de cassation juge en dernier lieu.
Dans la mise en œuvre de la matière électorale, les collèges électoraux peuvent avoir opéré irrégulièrement.
L’irrégularité est soumise à un seul degré de juridiction, c’est la chambre qui prononce souverainement en premier et en dernier ressort.
« Elle prononce seule, dit l’article 40, sur la validité des opérations des assemblées. »
Si, dans le cas actuel, il s’agissait uniquement de savoir si le collège électoral de Liège a procédé régulièrement à ses opérations, nous devrions prononcer.
Mais, pour pouvoir prononcer sur la régularité des opérations de ce collège, il est une première question, une question préjudicielle à vider.
C’est de savoir si les décisions du conseil provincial de Liége ont été portées compétemment, et, en cas affirmatif, si ce conseils a d’ailleurs bien jugé.
Je persiste dans la conviction que c’est au pouvoir judiciaire, qui en est saisi, et non à la chambre, qu’il appartient de juger ces questions incidentes.
Je persiste à penser qu’il faut appliquer ici le principe généralement admis en matière de juridiction.
Si la question préjudicielle appartient à une autre juridiction, le juge du fond s’abstient jusqu’à ce qu’elle soit expédiée par le juge compétent.
La majorité de la chambre en a décidé autrement. Mais s’attribuer la connaissance de tout le procès, ce n’est pas résoudre la difficulté.
Il faut donc décider si le conseil provincial de Liége était compétent pour juger ainsi qu’il l’a fait, et subsidiairement s’il a bien jugé.
Examinons ces deux points.
D’abord et évidemment il n’était pas compétent.
Il a jugé en premier et dernier ressort, et il ne pouvait juger qu’en appel.
En effet, c’est à l’administration locale que la formation de la liste électorale appartient exclusivement, et c’est du 1er au 15 avril de chaque année qu’elle prononce son jugement sur cette liste.
Que, dans le courant de l’année, il soit question d’une élection ordinaire ou d’une élection extraordinaire à cause d’option, de décès, de démission ou tout autrement, peu importe. L’article 11 veut que, dans tous les cas, la liste fournie par l’administration locale serve de base à l’élection.
Sans doute, l’administration locale peut omettre dans cette liste des individus possédant les qualités requises, et il ne fallait pas qu’à cause d’une semblable omission, ceux-ci soient privés de l’exercice de leurs droits politiques.
La loi a soin d’y pourvoir. L’article 12 dit, en termes, que le conseil provincial statuera dans le cas où la réclamation n’aura pas été admise par l’administration communale.
Veuillez-y prêter votre attention, messieurs ; l’article 12 est formel sur ce point.
Pour que le conseil provincial puisse statuer sur une omission, il faut indispensablement qu’une réclamation ait été faite à l’administration locale, que celle-ci ait été entendue, qu’enfin le premier degré de juridiction ait été épuisé.
La raison de ce préalable est sensible, c’est l’administration locale qui est plus à portée d’instruire et de juger les questions de capacités qui exigent naturellement des renseignements que l’on ne peut recueillir utilement que sur les lieux.
Or, dans le cas actuel, le conseil provincial de Liège a statué sur des réclamations qui n’avaient pas passé par la filière du premier degré de juridiction ; il a donc jugé incompétemment, il y a eu de sa part usurpation de pouvoir.
Et tant il est vrai qu’une première erreur en entraîne souvent une seconde, non seulement il a jugé incompétemment, mais il a en outre fort mal jugé.
Les listes sont affichées. L’affiche contient invitation à ceux qui y ont été omis de réclamer dans les 15 jours, et cette invitation est une véritable mise en demeure.
Ce délai expiré, ils restent forclos, et ceux-là seuls qui ont infructueusement réclamé dans le délai, sont recevables à se pourvoir devant le conseil provincial.
Il n’y a pas à se méprendre à cet égard, cette marche est clairement tracée dans les articles 8, 12 et 13 de la loi.
En admettre une autre, ce ne serait pas seulement ajouter à la loi une disposition qui ne s’y trouve pas ; ce serait y placer le germe de la destruction même du système électoral.
En effet, toutes les précautions y sont sagement prises pour empêcher le concours de faux électeurs aux opérations électorales, pour éviter toute admission subreptice.
Or, admettez qu’au moment même de l’élection, le conseil provincial puisse placer sur la liste des individus sur la capacité desquels l’administration locale n’a pas été préalablement entendue, et vous rendez illusoires, tout à la fois, et la garantie que la loi place dans une première information faite sur les lieux par l’autorité locale, et la garantie que donne l’article 12 contre les erreurs de cette première information, puisque les vrais électeurs n’auraient ni le temps ni le moyen de se pourvoir contre l’admission.
Le conseil provincial de Liége a donc jugé incompétemment, et il a, en même temps, mal jugé.
Cependant, des objections sont proposées et ne doivent pas rester sans réponses.
C’est la régence de Liége qui a provoqué elle-même la mesure que le conseil provincial de Liége a cru devoir prendre. L’attention des électeurs sur ceux qui se présenteraient à l’élection munis des décisions de ce conseil, a été ainsi suffisamment éveillée, et aucun d’eux ne s’est opposé à l’admission.
Cette objection n’est autre chose qu’une fin de non-recevoir, et l’on sait que les fins de non-recevoir ne sont pas reçues devant une chambre qui juge souverainement.
Que la régence de Liége et le conseil provincial aient pensé qu’à raison du prix qu’il faut attacher an droit électoral, il y avait lieu d’interpréter largement la loi et d’y introduire un régime que nous combattons, cela ne prouve absolument rien pour la question ; car la question est précisément de savoir si ces collèges ont bien pensé en pensant et en agissant ainsi qu’ils l’ont fait.
Que l’avis de la régence de Liège ait éveillé l’attention des électeurs sur ceux qui arriveraient à l’élection munis de décisions du conseil provincial, cela est possible, mais cela ne prouve rien encore. Car, à coup sûr, si l’opération électorale a été viciée par le fait de la régence et du conseil provincial, ce n’est ni le silence ni l’acquiescement des électeurs qui pourraient en couvrir le vice, puisqu’il s’agit bien là d’une opération d’ordre public au premier degré.
Que, par l’avis de la régence, les électeurs aient pu juger de la capacité de ceux qui se sont présentés dans cet état à l’élection, cela est tout à fait dérisoire, puisqu’ils ne pouvaient en connaître les noms qu’à l’instant même de l’élection, et puisqu’ils n’avaient par conséquent ni le temps ni le moyen de s’informer de leur situation politique.
Ces objections sont donc impertinentes.
Il en est une autre qui touche plus directement à la question, mais qui n’est que spécieuse.
Forcé de reconnaître, avec l’article de la loi, qu’après l’expiration du délai fixé pour les réclamations, la liste doit rester close jusqu’à la révision de l’année suivante, et qu’à cet égard la loi a parlé clairement, c’est de ce qu’elle n’a pas dit que l’on argumente.
Elle n’a pas dit qu’il y aurait déchéance ; et le droit électoral est trop précieux, dit-on, pour l’assujettir à une forclusion que la loi n’a pas formellement prononcée.
Avec de pareils arguments, il n’est pas de loi qu’on ne puisse dénaturer et accommoder aux circonstances.
Il ne faut pas ainsi confondre le droit électoral avec son exercice.
Sans doute, ce droit est précieux ; mais autre chose est le droit et autre chose est son exercice.
La loi électorale ne dénie pas le droit lorsqu’elle fixe le mode de son exercice dans un temps donné, et c’est précisément à raison qu’il fallait surtout prendre garde à toute usurpation d’un droit aussi important, qu’avant d’en admettre l’exercice elle a voulu que la revendication de ce droit restât pendant un temps suffisant soumise aux investigations du collège des électeurs.
Il n’y avait pas d’autre moyen de garantir la pureté et d’empêcher la corruption de l’élection.
Peu importe donc le silence de la loi sur la déchéance.
Cette déchéance est de l’essence même du système que la loi a adopté, et dès lors c’eût été une puérilité que de parler de déchéance.
Au surplus, admettant même que l’on puisse s’accommoder avec la loi, de manière à pouvoir se faire relever de la déchéance, encore faudrait-il qu’argumentant ainsi du silence de la loi, on s’y soumît tout au moins pour le cas où elle a parlé.
Or, voyez, messieurs, les articles 8 et 12, et vous lirez que le conseil provincial ne peut statuer sur une demande en inscription sur la liste électorale que lorsque cette réclamation a d’abord été soumise sans succès à l’autorité municipale.
Qu’importe donc que la liste électorale soit annale et permanente ou ne le soit pas ; que le délai pour réclamer soit de rigueur ou ne soit que comminatoire que la déchéance soit ou ne soit pas explicite, puisque, dans aucun cas, le conseil provincial ne peut statuer qu’en appel sur une première décision de l’autorité locale.
Or, dans le cas, il est constant que le conseil provincial de Liége a fait droit sur 17 réclamations qui n’avaient pas été soumises à l’administration locale, et sur lesquelles cette administration n’avait pas été entendue.
Ainsi donc, le conseil provincial de Liége n’a pas seulement méconnu la raison de la loi en relevant les réclamants de la déchéance ; il l’a encore violée en admettant ces réclamations avant qu’elles aient passé par la filière du premier degré de juridiction.
Mais, a-t-on dit, ces deux degrés de juridictions sont établis en faveur de ceux qui ont été mis sur la liste permanente. On peut toujours renoncer au bénéfice de la loi ; et on a cité, à l’appui de l’objection, un arrêt qui a décidé qu’une cour d’appel peut, du consentement des parties, statuer sur une contestation, quoiqu’elle n’ait pas été portée devant le tribunal de première instance.
Ne croyez pas, messieurs, pour l’honneur du barreau, qu’un arrêt, même isolé, peut avoir érigé en principe une erreur aussi grossière.
L’honorable M. Milcamps, qui a été déterrer cet arrêt, n’a pas tout dit. C’est en matière d’évocation qu’il a été rendu ; et, dans ces matières, si l’affaire n’a pas été suffisamment dégrossie en première instance, elle a tout au moins passé par cette filière.
Du reste, cet arrêt serait fort mal appliqué au cas actuel, s’il pouvait être vrai qu’il pût être dérogé à l’ordre des juridictions par le consentement des parties, car faudrait-il du moins rapporter la preuve de ce consentement.
Or, voyons quelles sont les parties intéressées à la régularité et à la pureté de l’opération électorale.
Ce ne sont pas seulement ceux qui, ayant les qualités requises pour y concourir, ont été omis sur la liste permanente, mais ce sont encore tous et chacun des électeurs. C’est plus que cela, c’est la nation entière.
Chaque électeur a intérêt à repousser de l’association électorale tout membre qui n’a pas les qualités requises ou qui n’en justifie pas légalement. La loi lui en concède d’ailleurs formellement le droit et en règle l’exercice.
Tout le pays a le même intérêt, parce que tout le pays a intérêt à ce que la représentation nationale ne soit faussée dans aucun de ses éléments.
Cet intérêt a surtout pour objet la conservation des garanties sanctionnées dans la loi électorale.
Une première investigation sur la situation politique des électeurs, par l’autorité locale qui trouve sur les lieux tous les renseignements propres à asseoir son jugement en pleine connaissance de cause, garantit l’autorité provinciale de toute surprise.
La publicité de ce premier jugement permet aux électeurs de contrôler et de faire redresser les erreurs qui peuvent avoir été commises.
Voilà des garanties à la conservation desquelles les électeurs comme la représentation nationale ont le plus grand intérêt.
Or, l’honorable M. Milcamps ne nous a pas prouvé que tous et chacun des membres du collège électoral a donné son consentement à ce que les réclamations dont il s’agit soient jugées en premier et en dernier ressort par le conseil provincial ; il n’a pas même prouvé que ceux de ces électeurs qui se sont pourvus en cassation étaient même présents dans l’assemblée électorale lorsque ces réclamations ont été accueillies par le bureau.
L’argument tiré de l’arrêt qu’il a cité est donc doublement inconséquent.
Voici un autre argument du même orateur que je dois relever :
Plus il y a d’électeurs, a-t-il dit, et plus la manifestation du vœu national est complète.
S’il n’entend parler que de vrais électeurs, je suis d’accord avec lui, sans que cela prouve rien à la question.
Mais s’il entend dire par là qu’il faut se relâcher des formes prescrites par la loi et attribuer aux conseils provinciaux la faculté, que ne leur donne pas la loi, de statuer sur des réclamations qui n’ont pas été soumises à l’administration locale avant la clôture des listes, et de faire en un mot des électeurs le jour même de l’élection, alors je repousse de toutes mes forces une aussi dangereuse conception.
Il ne suffit pas de proclamer des doctrines en apparence très libérales, il faut voir l’abus que l’on peut en faire.
Accordez aux députations des états, qui, comme vous le savez, n’ont pas même encore reçu le baptême constitutionnel, le pouvoir de faire des électeurs au moment de l’élection, sans même aucune publicité préalable, et, au lieu de faire éclater le vœu national, vous l’étoufferez, ou vous pourrez n’avoir que le vœu d’une coterie ; alors surtout, et cela est déjà arrivé, que les membres de la députation des états seront eux-mêmes candidats et auront besoin par suite de l’appui de leurs amis.
Voilà des inconvénients dont la permanence et la publicité des listes sauvent le pays, et si ces garanties éloignent de l’élection quelques électeurs négligents, elles empêchent au moins le concours de faux électeurs. C’est là une compensation dont il est bien rationnel de se contenter.
Mais, dit-on, aucun indice de fraude, dans le cas actuel, n’est articulé ; tout a été fait de bonne foi, tout nous convie à l’indulgence.
En tenant ce langage, on fait dégénérer une question de droit politique en question de personnes.
On ne fait ici de reproches à personne, et l’on admet que tout a été fait de bonne foi.
Il est des cas où la bonne foi ne peut couvrir certaines irrégularités, mais ce n’est jamais lorsqu’il s’agit de contravention aux lois d’ordre public, et c’est précisément le système électoral qui marche en première ligne dans nos institutions d’ordre public.
On n’articule, dit-on, aucun indice de fraude, et la preuve qu’il y a eu fraude à la loi, qu’elle a été violée, est patente.
Que cette fraude ait été volontaire ou involontaire, la fraude n’existe pas moins.
Que les artisans de cette fraude aient agi de bonne foi, l’opération n’en est pas moins illégale, et il n’est pas permis à la représentation nationale de transiger sur des illégalités.
Enfin, et en désespoir de cause, on fait le procès à la loi.
Il y a là une lacune, dit-on ; il faut un moyen pour faire biffer de la liste, avant l’élection, celui qui, depuis la clôture de cette liste, a perdu sa qualité d’électeur. Il faut aussi un moyen pour y placer celui qui n’a acquis le cens électoral qu’après cette clôture, sinon la loi serait injuste, et c’est à cette occasion que l’on nous parle de la loi française et qu’on a soin de nous rappeler qu’elle a servi de base à la nôtre.
Que cette lacune existe dans notre système électoral, cela est vrai.
Mais, malgré toute l’omnipotence de la chambre, cette lacune ne peut être remplie que par une loi.
Si nous le trouvons convenable, nous la proposerons cette loi, car nous ne pouvons pas la faire tous seuls à propos des élections de Liége. Entre-temps il faudra bien que nous exécutions celle qui existe telle qu’elle est.
Dès lors que l’on adoptait le système de permanence, il n’était pas possible de permettre la radiation des électeurs qui avaient perdu leur qualité dans l’intervalle de la clôture de la liste à l’élection, parce qu’alors la liste n’eût plus été permanente. C’est là un inconvénient que l’on n’a pas cru suffisant pour renoncer aux autres avantages de la permanence.
C’est une injustice, dit-on ; c’est ce que nous verrons si l’on nous propose une loi à cet égard.
Quant à moi, je ne considère pas cela comme une injustice, parce qu’il n’est pas sans exemple que l’on n’est admis à exercer un droit et à recueillir tous les avantages qu’après certain terme, comme dans le cas actuel.
Je ne citerai que la possession qui doit être annale pour pouvoir se prévaloir de ses avantages.
Du reste, si l’on est d’avis qu’aussitôt que le cens est acquis, il faut pouvoir l’exercer, on en reviendra à la législation française, législation que l’on n’aurait pas dû invoquer à l’appui des conclusions de la commission, puisqu’elle fournit précisément l’argument le plus puissant pour combattre ces conclusions.
En effet, là la loi prévoit le cas où le droit électoral est acquis dans l’intervalle de la clôture de la liste à l’élection, et elle permet, pour ce cas spécial, une addition à la liste.
Ici, la loi ne prévoit pas le cas, et par conséquence ne permet pas cette addition, ne permet pas cette exception au principe de la permanence.
Ce cas n’est pas d’ailleurs celui où nous nous trouvons, puisque rien n’indique que les décisions du conseil provincial de Liége ont eu pour objet des droits acquis depuis la clôture des listes.
Là, en France, le supplément à la liste n’est pas permis en faveur de ceux qui possèdent le cens électoral avant la clôture des listes, et là, comme ici, ils supportent les inconséquences de leur incurie.
Bien loin donc que la loi française puisse aider à valider l’élection dans le cas actuel, elle fournit un moyen de plus pour faire rejeter l’opération du collège électoral de Liége, comme évidemment irrégulière et illégale.
Sous ces considérations, je persiste à demander l’ajournement, et subsidiairement je voterai contre les conclusions de la commission.
M. Dubois. - Messieurs, si dans la discussion qui nous occupe depuis hier il s’agissait d’établir un point quelconque de droit électoral, s’il suffisait de rectifier en ce qu’elle peut avoir de défectueux la loi qui préside à nos élections, il me semble que notre tâche serait très simple ; elle serait, je le crois, assez facile : car notre expérience, et les recherches consciencieuses que chacun de nous a faites pour fixer son opinion sur les importantes questions qui nous sont soumises, nous ont déjà fait deviner une bonne partie de ce que la loi du 3 mars renferme de peu libéral, d’inconstitutionnel peut-être, et quelles améliorations elle réclame.
C’est ainsi que, dans la séance d’hier, mon honorable collègue M. Nothomb a réussi à y signaler quelques défauts et quelques vices. En opposant la législation française à la nôtre, il lui a été facile de démontrer que dans quelques-unes de ses parties, notre système électoral n’était pas assez large ; qu’il faut d’autres faveurs, qu’il faut des garanties plus immédiates au citoyen qui chez nous a acquis le droit d’être électeur ; en un mot, qu’il ne faut pas exposer l’électeur à être privé pendant dix mois de son droit, comme il faut éviter d’admettre dans les collèges électoraux des personnes incapables ou indignes d’user d’un droit politique aussi important.
Mais, messieurs, la question n’est pas là, elle est tout entière dans la loi électorale du 3 mars. Bonne ou mauvaise, elle nous domine ; nous devons nous y rattacher, et éviter par le jugement que nous porterons d’établir un précédent funeste qui tendrait à détruire toute son économie.
Pour établir la validité des opérations électorales de Liège, ou même pour démontrer leur irrégularité, il faut argumenter de ce qui est, et non pas de ce qui devrait être ; il faut s’emparer de la loi telle qu’elle est, et non pas telle qu’on voudrait la refaire ; il faut voir si ce qui a été fait est ou n’est pas en rapport avec ses dispositions.
Or la question complexe que nous offre le résultat du ces élections, la voici : Résulte-t-il du texte et de l’esprit de la loi du 3 mars, que les listes permanentes des électeurs déposées au commissariat du district et au secrétariat de la commune peuvent être, pour une cause quelconque, rectifiées ou corrigées ? Les états-députés d’une province peuvent-ils faire inscrire d’office un électeur sans que celui-ci se soit préalablement adressé aux autorités locales du lieu de son domicile ?
Je vous avoue, messieurs, qu’avec une loi électorale telle que la nôtre est rédigée et semble être conçue, je suis extrêmement porté à croire que les listes électorales, une fois devenues permanentes, sont également devenues immuables jusqu’à l’époque de la révision annuelle. Si je m’emparais du texte de la loi, il faudrait, pour établir mon opinion, que je vous redisse tout ce que mon honorable collègue M. Jullien vous a dit hier avec tant de supériorité de talent. A bien peu de choses près, que je signalerai plus bas, je me réfère entièrement à ce qu’a dit à ce sujet M. Jullien.
Seulement, je vous ferai remarquer, messieurs, combien, dans l’hypothèse qui admet la rectification extraordinaire des listes, votre loi, déjà peu libérale, serait encore injuste. Car je pense, et M. Nothomb en est convenu hier dans son discours, que si la loi permet à tout individu indûment omis sur la liste de faire en tout temps rectifier cette erreur par l’administration communale, elle devrait, à plus forte raison, autoriser tout citoyen à se faire inscrire sur les listes électorales à l’époque et le jour même qu’il a acquis son droit : quand, par exemple, il serait devenu Belge, quand il aurait accompli sa 25ème année, quand il paierai le cens voulu par la loi.
Eh bien, messieurs, cette loi qui est si prévenante et qui est si accommodante pour ceux qui ont négligé de faire valoir leurs droits ou qui ne les ont pas voulu faire valoir, elle n’a rien statué sur le sort de l’individu qui désirerait immédiatement entrer dans ses droits et qui n’est nullement coupable de négligence ni de mauvais volonté. Pour lui seul la loi est muette, pour lui seul elle ne peut rien. Voyez, messieurs, l’article 12 ; il ne parle absolument que des personnes inscrites sur la liste, ou omises à l’époque de sa confection. Je m’explique difficilement cette omission.
Mais, dit-on, quel terme mettez-vous à ce délai ? A quelle époque que les administrations communales doivent-elles cesser de recevoir les réclamations ?
Toute la difficulté est ici, messieurs. Il existe un terme fatal ; l’article 9 l’indique clairement, comme je l’ai dit plus haut, en m’associant à l’idée de M. Jullien ; toute l’économie de la loi le fait sentir, et les états-députés de Liége eux-mêmes l’ont, non seulement reconnu, mais ils ont déclaré à la régence de Liége que le terme pour l’admission de réclamations était expiré pour elles : cependant je reconnais franchement que moi je n’ai rencontré aucune disposition de la loi qui fixe l’époque à laquelle ce délai expire.
Remarquez-le bien messieurs le délai dont parle l’article 8, invoqué dans le mémoire des réclamants, indique seulement le délai qui est accordé aux habitants de la commune pour justifier auprès de l’autorité communale de leur propre cens, afin que la régence puisse s’assurer que les individus qu’elle a présumés être électeurs peuvent être réellement maintenus sur la liste qu’elle a dressée d’office.
Il y a donc, à mon avis, une lacune dans la loi ; mais je vous le répète, messieurs, ce n’est que dans ses termes et non dans son esprit. La chambre jugera auxquels des deux elle croit devoir se référer.
Mais s’il est difficile de résoudre d’une manière absolue la première question, la seconde ne me fournit aucun doute. L’autorité provinciale ne peut faire d’office aucun changement aux listes électorales, qu’elles soient permanentes ou non.
Et s’il pouvait résulter de l’article 23 quelque difficulté à ce sujet, si des termes dans lesquels il est rédigé il pouvait s’élever un doute, certes je trouverai toujours peu logique de décider ce doute en faveur de l’autorité provinciale, comme l’ont fait pour eux-mêmes, messieurs, les membres des états provinciaux de Liége. C’est-à-dire qu’il me semble être en dehors de tout droit le fait d’une autorité provinciale qui enlève à une autorité communale sa juridiction sur ses administrés, pour s’emparer elle-même de ceux-ci, afin de les juger et de décider d’office de leurs plus belles prérogatives politiques. Je laisse là la considération que ce fait enlève, en cas d’appel, à tous les autres électeurs et à tous les citoyens jouissant de leurs droits civils et politiques, deux degrés de juridiction, le premier surtout le plus précieux des trois, la juridiction des autorités communales.
Mais, messieurs, ces considérations sont inutiles ; l’expression « autorité compétence, » contenue dans l’article 23 est absolument ce qu’elle doit être. En effet, qu’a voulu le législateur ? Que l’électeur, en considération de l’importance de son droit, pût être admis à déposer son vote quand il sera muni d’une décision de l’autorité locale de son domicile, ou bien si celle-ci a refusé de lui faire droit, de celle des autorités provinciales ou finalement d’un arrêt qu’il aurait obtenu de la cour de cassation ; cas ces trois juridictions sont pour lui « autorités compétentes. »
Quand donc les articles 8 et 12 n’indiqueraient pas la marche à suivre quand il s’agit de faire valoir son droit politique d’électeur ou de faire infirmer celui d’un autre individu, il me semblerait toujours injuste d’argumenter de l’expression contenue à l’article 23 pour prouver que l’autorité provinciale peut s’emparer d’office d’un individu pour le juger. En raisonnant ainsi, rien n’empêcherait, ce me semble, que la cour de cassation elle-même ne s’emparât de lui ; elle est aussi autorité compétente. Non, messieurs, rien ne justifie la décision des membres des états provinciaux de Liège.
En résumé, messieurs, je ne puis admettre qu’il entre dans l’esprit de notre loi électorale d’autoriser des rectifications de listes extraordinaires ; et dans tous les cas, j’ai l’intime conviction que cette rectification ne peut s’opérer d’office par l’autorité provinciale. Si donc la chambre soumet l’admission de MM. Marcellis et Kauffman à la décision de ces deux questions de législation électorale ; si, par la considération que toutes ces irrégularités se sont faites au grand jour et à l’absence de fraude ou de toute mauvaise intention, la chambre ne désire pas étendre à l’élection de ces messieurs le jugement favorable qu’elle a porté sur les mêmes irrégularités qui se sont rencontrées dans l’élection de M. Deleeuw, et ce moyen me semble encore bien difficile à être admis. Je voterai contre les conclusions de la commission.
M. le président. - La parole est à M. de Brouckere contre les conclusions de la commission.
M. Fleussu. - Ordinairement dans les discussions on entend un orateur pour et un orateur contre ; pourquoi ne suit-on pas cet ordre ?
M. le président. - J’appelle, conformément au règlement, les orateurs selon l’ordre d’inscription. Ils ne m’ont pas dit s’ils parlaient pour ou contre.
M. de Brouckere. - J’appuie l’avis de M. Fleussu, et je cède la parole à M. Deleeuw.
M. Donny. - Je demanderai la parole contre les conclusions de la commission.
M. Fleussu. - Je demanderai aussi la parole contre si quelque orateur la demandait pour.
M. Deleeuw. - Messieurs, l’interprétation rigoureuse qu’un honorable orateur a donnée à la loi électorale, et le singulier jugement qu’il a porté de la jurisprudence adoptée par la députation des états de Liège, m’obligent à prendre la parole pour combattre ce jugement et apprécier les conclusions de la commission.
Malgré le talent qu’a montré cet honorable contradicteur, je ne crains pas d’entreprendre la tâche de défendre les élections de Liège, et de prouver qu’elles ont eu lieu conformément à l’esprit et à la lettre de la loi. Il m’importe, messieurs, de défendre le collège des états de Liége, que j’avais l’honneur de présider en qualité de gouverneur ad interim, lorsque la question qui nous occupe a été soulevée pour la première fois, et je ne crains pas de déclarer que j’ai été un des soutiens du système que l’on combat aujourd’hui avec tant de sévérité.
L’honorable M. Nothomb vous a exposé hier les faits avec autant de fidélité que de talent ; je n’y reviendrai pas. Je me bornerai à vous présenter une lettre de la régence de Liége : elle demande une décision de la députation des états. M. Jullien, grand investigateur, aurait pu trouver dans le dossier cette pièce ; elle était à côté de celles qu’il a citées.
Que devait faire la députation des états ?
Quelque décision qu’elle eût prise, il y aurait eu protestation, mais selon moi, très fondée, si la députation avait rejeté les pourvois.
Les protestations sont d’ailleurs la partie récréative, l’ornement obligé de toute élection ; et celle-ci, messieurs, est plus récréative que les autres, car je vous ferai remarquer auparavant que des électeurs qui se sont empressés de profiter de la latitude offerte par la députation, n’ont pas manqué de protester contre sa décision aussitôt qu’ils ont eu connaissance du résultat du scrutin. Ils n’avaient garde de réclamer avant.
Je me hâte d’aborder la question de droit, la seule qui soit digne d’occuper la chambre.
La décision de la députation des états de Liège est basée :
1° Sur le principe qu’il est de l’essence de toute loi électorale d’être interprétée plutôt littéralement que restrictivement ; car le droit de voter est si précieux qu’il ne faut en priver personne qu’en vertu de dispositions expresses.
2° Sur ce qu’il n’y a point de déchéance dans notre loi. Différence avec la loi française comme vous l’a fort bien démontré l’honorable M. Nothomb.
3° Sur l’article premier qui fixe les conditions pour être électeur, et non pas, comme l’a dit l’honorable M. Jullien, pour devenir habile à être électeur.
Par conséquent, les électeurs doivent être portés sur la liste, mais ils ne deviennent pas par là ; ils l’étaient auparavant.
4° Sur ce que l’administration municipale n’accomplit pas le vœu de la loi, si elle ne porte point sur la liste tous les électeurs.
5° Sur ce que la liste est permanente, et que l’administration municipale ne peut rien y changer d’office hors les époques déterminées pour la révision ; mais que cela n’empêche pas les citoyens de réclamer en tout temps, car ils sont électeurs, ils ont le droit (article premier).
On ne peut empêcher l’exercice d’un droit qu’autant qu’il y ait déchéance prononcée par la loi. Or, la loi ne prononce aucune déchéance. (Voyez les articles 11, 12, 13 et 23.)
Il est vrai qu’il n’y’a pas obligation de convoquer les électeurs omis sur la liste, mais il n’y a pas pour cela déchéance ; ils peuvent se faire admettre (article 12), et voter ensuite (article 23).
Quelle est l’autorité compétente dont parle l’article 23 ? La députation, car elle peut admettre.
On prétend qu’il faut avoir réclamé devant l’autorité communale, et l’on veut appliquer la règle des deux juridictions en matière de droit privé...
D’abord l’omission est une espèce de décision.
Ensuite, la régence n’avait pas admis les réclamations ; elle avait déclaré qu’elle ne les admettrait pas. La résolution publiée le 24 octobre n’a pas été attaquée.
La régence avait donc elle-même saisi la députation, et par conséquent épuisé ce qu’on peut appeler un premier degré de juridiction.
L’acte ayant en sa faveur la présomption de validité, il faudrait prouver l’incompétence, et même une incompétence absolue ; car toute autre incompétence se couvre par cela même qu’on ne l’a opposée avant la décision.
Les 17 décisions ont été réellement portées, et envoyées ensuite à la cour de cassation. (Lettre du ministre de l’intérieur au président de la chambre ; on devait en prendre communication.)
Toutes les pièces justificatives ont été fournies par les réclamants à la députation, et examinées avec le plus grand soin.
Ces décisions sont des actes d’administration supérieure, et devraient faire foi.
Je pense, messieurs, que ces observations doivent suffire pour faire apprécier mieux que ne l’a fait l’honorable M. Julien la jurisprudence adoptée par la députation des états de Liége.
M. H. de Brouckere. - Messieurs, les questions de droit électoral, loin de me paraître à moi, comme à l’honorable préopinant, simplement récréatives et devoir être traitées de vains ornements de courtes opérations électorales, ces questions me paraissent de la plus haute importance : il me semble que l’on ne peut témoigner trop de respect pour des droits que la constitution assure à la nation de se faire représenter de la manière établie par les lois.
Nous devons mettre d’autant plus de délicatesse, d’autant plus de scrupule dans l’examen de ces questions, que nous les décidons, vous le savez, d’une manière souveraine, qu’il n’appartient à personne, ni d’approuver, ni d’improuver nos résolutions, ni d’exercer sur elles le moindre contrôle.
Il faut donc, messieurs, avant d’aborder la discussion de semblables questions, mettre de côté toutes considérations étrangères à la question elle-même, telles que des considérations d’amour-propre, des considérations qui peuvent résulter de l’opinion qu’on suppose être professées par les personnes dont l’élection est contestée ; telles encore que les considérations tirées des relations d’amitié, qui peuvent exister entre les personnes et des membres de la représentation nationale.
Messieurs, nous devons aujourd’hui d’autant plus agir ainsi, que je ne crains pas de dire, avec l’honorable M. Jullien, que de la manière dont vous déciderez la question qui vous est soumise, on saura si la loi électorale est maintenue, ou si tout son système est détruit.
D’après la loi électorale, il y a dans chaque liste électorale une liste permanente d’électeurs : aucune inscription, aucune addition ne peut avoir lieu sur la liste permanente qu’à l’époque et dans les formes déterminées par les articles 7, 8, 9 de la loi, et les suivants.
La liste permanente sert également de base en cas d’élection extraordinaire.
Voilà les principes que je puise dans la loi électorale.
Eh bien, qu’arrive-t-il ? En dépit de ces principes si simples, si positifs, on admet, dans le district de Liége, à prendre part aux opérations électorales 18 personnes non-inscrites sur la liste permanente ; et c’est en vertu d’une décision rendue par les états-députés, qui n’avaient pas droit de la rendre ; par les états-députés, qui jugent comme juges de première instance, tandis qu’ils sont juges d’appel ; par les états-députés, qui n’ont eu aucun égard à la loi électorale, ni aux formes, ni aux époques qu’elle a déterminées.
Messieurs, la question est de savoir si vous ne devez pas regarder ces votes comme étant nuls ; et je vous avoue que la question me paraît tellement facile à résoudre que je suis encore à me demander comment on peut la décider dans le sens de la majorité de la commission. Aussi, messieurs, il faut convenir de bonne foi que tous les arguments que l’on a fait valoir en faveur de l’opinion de cette majorité sont extrêmement faibles, extrêmement aisés à réfuter ; et je viens l’entreprendre en peu de mots, le rapport de la commission à la main, car ce rapport résume les arguments des orateurs que nous avons entendus hier et aujourd’hui.
Les membres qui se sont rangés de l’avis des états-députés de la province de Liège ont soutenu que, malgré la disposition 6 de la loi électorale, la liste des électeurs n’était pas tellement permanente qu’on ne pût encore la réviser quand il s’agissait d’élections extraordinaires.
Messieurs, j’avais vu dans l’article de la loi électorale que la liste des électeurs était permanente dans un sens positif, absolu ; et d’après cela, je voudrais qu’on m’expliquât comment cette liste peut être un peu permanente, ou beaucoup permanente. (On rit.) Je ne comprends pas cette manière de raisonner. Que les partisans de cette opinion ouvrent le dictionnaire de la langue française, ils verront que permanent veut dire stable, immuable, ou qui n’est susceptible d’être changé.
Ils ont trouvé la faculté de changer dans l’article 12 et dans d’autres : mais ces articles, bien loin de porter atteinte à la disposition qui veut que la liste soit permanente, confirment la permanence.
Ils ont dit qu’on devait considérer l’avis de la régence de Liège comme une décision, et que, par suite de cet avis, les états-députés étaient compétents pour prononcer : ils ont pensé qu’un avis pouvait être regardé comme une décision. Est-il possible de changer ainsi le sens des mots pour arriver à dénaturer les choses ? Il n’y a pas eu décisions ; il y a eu avis, et je ne peux mettre sur la même ligne un avis et une décision ; il y a absurdité à confondre l’un avec l’autre. Ils ont pensé que l’article 11 n’était pas tellement impératif qu’on ne pût élargir la base ou la liste permanente ; mais ce n’est plus une base si l’on peut l’élargir ou la rétrécir.
Ils ont dit encore que le droit électoral devait être traité avec faveur : je dis, moi, que le droit électoral doit être traité non avec faveur, mais avec justice, conformément à la loi.
Ils ajoutent : nulle part la loi n’a prononcé la peine de la déchéance, et on ne peut appliquer cette peine pour de simples négligences de se faire inscrire.
Mais il n’est pas question de déchéance : on n’est regardé déchus d’un droit que quand on a eu ce droit ; or, il ne s’agit pas ici d’individus ayant eu le droit électoral, puisqu’il s’agit de savoir si des individus, qui se présentent pour la première fois, peuvent exercer ce droit.
Voilà à quoi se réduit tout le rapport de la majorité de la commission. Vous avec entendu les orateurs qui ont appuyé l’opinion de cette majorité ; vous avez entendu aussi les orateurs qui les ont réfutés, et je ne crois pas qu’un seul des arguments avancés par ceux qui soutiennent la validité de l’élection soient encore restés debout.
Un orateur a dit hier qu’il en était ici comme devant les tribunaux, où il est libre aux parties de renoncer à comparaître devant le tribunal de première instance, et d’aller immédiatement devant la cour d’appel : je voudrais bien qu’on appuyât cette assertion hasardée du texte d’un article de loi. J’affirme que dans aucun cas on ne peut aller devant un tribunal d’appel avant d’avoir paru devant un tribunal de première instance ; si un tribunal d’appel était assez léger pour se saisir d’une affaire qui n’aurait pas été devant un tribunal de première instance, son arrêt serait cassé sans la moindre difficulté.
M. Milcamps fait des signes négatifs
M. H. de Brouckere. - Je défie M. Milcamps de rien citer à l’appui de son opinion.
M. Milcamps. - Il y a un arrêt.
M. H. de Brouckere. - Un arrêt n’est pas une loi... La députation des états de Liége, établie juge d’appel par la loi, s’est érigée en tribunal de première instance. Eh bien ! nous connaissons les affaires, nous ferons comme la cour de cassation, nous écarterons les décisions du tribunal d’appel, c’est-à-dire nous écarterons les votes déposés dans l’urne par suite de cette décision.
Un orateur s’est appuyé de l’article 23, qui donne la qualité d’électeur à celui qui l’obtient d’une autorité compétente ; mais nous soutenons que la députation des états n’était pas compétente ; que cette députation ne pouvait pas juger en première instance ; que la loi ne lui donnait le droit de juger qu’en appel ; qu’ainsi les électeurs ne se sont pas montrés pourvus d’une décision de l’autorité compétente.
Je conçois bien que le bureau du collège électoral devant lequel les électeurs se sont présentés, ait pu être induit en erreur ; mais nous sommes ici pour rectifier cette erreur. Si le bureau s’est trompé, nous ne sommes pas obligés de respecter son erreur ; au contraire nous devons la révéler.
L’orateur qui m’a précédé a dit qu’il fallait prendre les choses par le commencement et que nous n’avons pas assez pesé l’article premier de la loi électorale : cet article établit les conditions nécessaires pour être électeur ; mais parce que vous avez l’âge, que vous payez le cens, que vous êtes Belge, que vous avez les qualités requises enfin, vous n’êtes pas pour cela électeur ; vous êtes seulement apte à être électeur ; vous n’êtes électeur que quand l’autorité compétente l’a déclaré. Toutes les preuves ne servent même à rien, il faut la décision de l’autorité compétente et quand vous ne la montrez pas, cette décision, vous n’êtes pas électeur. La décision des états-députés n’était pas une décision de l’autorité compétente.
Messieurs, le même orateur dont je viens de combattre les arguments, et que je crois avoir suffisamment réfuté, a ajouté qu’il était étonné de la discussion élevée ici ; qu’il avait lieu de penser que la décision d’une administration supérieure devait avoir force de preuve : je dois protester contre de semblables prétentions. Je n’admets ni pour les états-députés, ni pour aucun autre corps le droit de porter des décisions ayant force de preuve quand la loi ne lui donne pas ce pouvoir.
C’est à nous à connaître du point de savoir si les élections ont été valables ou non ; et, quelle que soit la bonne foi avec laquelle la députation des états a décidé, il n’en est pas moins vrai que la chambre est compétence pour examiner si les états avaient le pouvoir de conférer des droits électoraux.
D’après ces motifs je conclurai contre les conclusions de la commission.
M. Jullien. - Je ne me flatte pas d’être aussi investigateur que l’a bien voulu dire M. Deleeuw ; mais ma modestie ne me défend pas d’accepter son compliment, et pour prouver que je le mérite un peu, j’ai été chercher au dossier une pièce qui montrera avec quelle exactitude les états-députés de Liége ont opéré.
Pour être électeur, il faut justifier que les contributions et patentes ont été payées dans l’année antérieure à celle où l’on exerce son droit ; eh bien ! dans le dossier, j’ai trouvé la pièce dont j’ai parlé hier, et sur laquelle M. Deleeuw a cru devoir garder le silence.
Voici cette pièce :
Pour le montant des contributions de M..., année 1831, elle marque zéro ; elle indique bien les contributions de 1832 ; on dit seulement qu’on s’est assuré que M... était imposé en 1831. Mais où est la preuve ? Rien n’est justifié.
On produit bien des pièces qui justifient de la contribution de 1832, mais pas un mot de la contribution de 1831 ; et nous législateurs bénévoles, il faut que nous croyions « parce qu’on s’est assuré... » On ne dit pas si c’est M. Deleeuw, président des états, qui s’est assuré… Je pourrais croire M. Deleeuw ; il est seulement énoncé vaguement : « on s’est assuré. »
J’ai avancé un fait, à savoir qu’une décision des états-députés existait pour un seul des électeurs contre lesquels on réclame et que pareille décision n’existait pas pour les 17 autres : en voyant la décision unique, que je regarde contre la décision modèle, on comprend qu’il n’a pas été difficile d’en faire 17 semblables ; en ne perdant pas de temps, on a pu en faire 17 du jour au lendemain.
J’ai dit que, bien que la députation des états de Liége nous attestât que les individus payassent une contribution, nous ne pouvions pas le croire, parce que la députation des états n’avait pas été investie de toutes les lumières nécessaires pour prononcer, parce qu’il n’y avait eu ni publicité, ni contrôle ; quand il n’y a ni publicité, ni contrôle, il n’y a rien de sûr. C’est ce que j’ai développé hier. A cela on n’a rien répondu, et personne n’y répondra.
M. de Theux. - Messieurs, les dernières observations de M. Jullien, tendent à jeter des doutes sur leur qualité d’électeurs, contre les 17 individus admis à voter, par suite de la décision des états-députés de la province de Liège. Je ne crois pas, messieurs, que personne de vous ne partage ces doutes ; lorsque les personnes les plus intéressées dans la question n’ont pas articulé un seul mot qui puisse les autoriser, on peut être certain que la qualité des votants est notoire.
Revenant au fond de la question, je dirai qu’il y a trois points à examiner : le premier consiste à savoir s’il a un délai fatal prescrit aux électeurs non inscrits sur la liste, pour faire leurs réclamations ; le second, si le reproche que l’on fait aux 17 électeurs, de s’être adressés directement à la députation des états, est fondé ; restera ensuite à examiner, si, en supposant les deux formalités omises, il ne s’élève pas contre les réclamants une fin de non-recevoir, prise du silence gardé par eux au moment de l’élection.
Sur le premier point, je ferai remarquer que notre loi électorale est calquée sur la loi électorale française du 2 juillet 1828 : en France, comme chez nous, la liste des électeurs est permanente et sujette à révision, Mais l’article 17 de la loi française contient une disposition qui défend d’apporter aucun changement à la liste, quand une fois elle est close, et en outre, le législateur français prévoyant le cas d’une élection extraordinaire, et la nécessité de faire droit aux réclamations, donne ouverture à la formation d’un tableau de rectification, en observant certains délais, sous peine de déchéance.
Dans notre loi, au contraire, nous n’avons aucune déchéance : l’article 17 de la loi française n’a pas été reproduit, et les tableaux de rectification n’y sont pas autorisés. D’où vient cette différence ? C’est qu’on a cru devoir autoriser chez nous l’autorité compétente à porter des décisions qui autorisent les électeurs omis sur la liste à voter.
Il est vrai que l’expression « autorité compétente » qui se trouve dans l’article 23, donne une grande latitude aux réclamants ; mais de ce que cette latitude est grande, faut-il annuler l’article 23 ? Non certainement. L’article primitif de la loi portait que l’inscription ne pourrait avoir lieu que sur une décision de la députation des états. Par là toute sécurité était donnée aux parties intéressées ; quelle inquiétude pourrait inspirer en effet une députation élue par un corps électif lui-même ? Et puis, en quoi consistait l’opération à faire par la députation ? Elle n’avait qu’à vérifier si les réclamants avaient les qualités requises pour être électeurs ; opération simple et facile assurément. Si après cela il restait quelques difficultés, elles étaient levées par les dispositions de l’article 22 de la loi, qui admet tout électeur à réclamer contre ceux qui n’auraient pas les qualités requises pour voter.
Je dis que la différence que j’ai signalée entre la loi française et la loi belge et ce que portait le projet primitif, indique assez qu’il n’y a pas de déchéance dans la loi, et la déchéance n’existant pas, ce n’est pas à nous à la suppléer.
Mais, dit-on, de quelle utilité sera donc la permanence de la liste ? De quelle utilité ? Mais, messieurs, si la permanence n’existait pas, à chaque élection il faudrait faire de nouvelles listes. Pourquoi, dit-on, encore permettre la révision ? C’est pour donner à l’autorité le droit d’inscrire ou de rayer d’office les électeurs omis ou inscrits mal à propos.
Après ces considérations et en présence de l’article 22 de la loi, je ne conçois pas que l’on puisse encore élever des doutes à cet égard. Si la loi est vicieuse, qu’on la réforme, qu’on permette de faire de nouveaux tableaux à chaque élection extraordinaire, qu’on prescrive des délais pour l’inscription, qu’on règle enfin telle formalité que l’on voudra, mais puisque tout cela n’existe pas aujourd’hui, qu’on exécute la loi telle qu’elle est sans y ajouter des rigueurs qu’elle ne consacre point.
J’aborde la seconde question : L’autorité provinciale était-elle incompétente, pour juger de plano, sur la réclamation des électeurs omis ? Qu’avaient fait les 17 électeurs ? Leur administration locale leur avait fait savoir, par la voie de quatre journaux, qu’elle n’admettrait aucune réclamation, mais que, d’accord avec la députation des états, elle les invitait à s’adresser à elle. Dans cette position que devaient-ils faire ? Réclamer auprès de la régence ? Elle leur aurait dit : je suis incompétente, adressez-vous à la députation des états. Après cette réponse ils auraient bien dû s’adresser à la députation, et celle-ci était bien compétente et ne pouvait se refuser à juger. Eh bien ! C’est là précisément ce qui est arrivé. La régence a rendu une décision en faisant publier qu’elle n’admettrait point de réclamations. On s’est adressé à la députation des états, et c’était tout ce qu’on pouvait faire. La seconde question est donc résolue comme la première en faveur de l’élection.
Mais, quelque péremptoires que soient ces deux moyens, je les abandonne entièrement, pour ne m’attacher qu’à la fin de non-recevoir, prise du silence des électeurs au moment des élections. Ce silence rend aujourd’hui les réclamants non recevables. Si les électeurs, contre lesquels on réclame, ne payaient pas le cens, s’ils manquaient de quelqu’une des autres qualités requises, ce seraient là des vices, qui ne pourraient être couverts par le silence. Ce n’est pas le cas : les personnes contre le vote desquelles on réclame sont bien des électeurs : ils possèdent les titres et les qualités requis par l’article premier de la loi, ils sont Belges, ils paient le cens. Quel reproche peut-on leur faire ?
Une simple formalité a été omise par eux ; ils ne se sont pas fait porter à temps sur les listes. Or, n’est-ce pas là une simple formalité ? N’est-ce pas l’équivalent d’un acte dressé pour une convention conclue avant et valide ? On leur reproche encore de s’être adressés directement à la députation des états. Mais indépendamment de ce que j’ai dit tout à l’heure à cet égard, ceci ne touche pas le fond du droit.
Je dis, au reste, qu’ici l’ordre public n’est pas intéressé : l’assemblée électorale seule avait intérêt à ne pas voir grossir ses rangs et à ne pas admettre dans son sein des électeurs, dont le vote pouvait contrarier certaines vues. L’article 22 lui donnait-il aussi le droit de réclamer ? Mais elle n’a pu renoncer à ce privilège. En ne faisant point de réclamation, elle a concouru avec les 17 votants à un acte commun, et ce n’est qu’après que l’acte est consommé qu’un membre de l’assemblée réclame : évidemment, cela n’est pas admissible.
Messieurs, la bonne foi que la chambre a toujours prise pour règle de ses décisions ne permet pas d’avoir égard à ces prétentions.
On vous a dit que, par votre décision, vous sanctionneriez une interprétation de la loi électorale, ce que vous n’avez pas le droit de faire seuls. C’est une erreur, car nous avons le silence de l’assemblée électorale qui couvre tout. Je voterai donc pour l’admission de MM. Kauffman et Marcellis. (Aux voix ! la clôture !)
- La clôture est mise aux voix et adoptée.
- Plusieurs voix. - L’appel nominal sur les conclusions de la commission !
- Une voix. - M. Fallon a demandé l’ajournement.
M. le président. - D’après le règlement l’ajournement doit être mis le premier aux voix.
M. Fallon. - Je demande l’ajournement jusqu’à ce que la cour de cassation ait prononcé sur le pourvoi.
M. Lebeau et M. Nothomb. - Il y a chose jugée sur l’ajournement.
- Plusieurs voix. - La question préalable sur l’ajournement.
- La question préalable est mise aux voix et adoptée.
On procède à l’appel nominal sur les conclusions de la commission qui tendent à l’admission ; en voici le résultat :
Votants, 64.
Oui, 32.
Non, 32.
D’après l’article 38 du règlement, le partage équivaut au rejet. MM. Marcellis et Kaufman ne sont pas admis.
Ont voté pour : MM. Berger, Fortamps, Deleeuw, Dellafaille, Desmaisières, F. de Mérode, W. de Mérode, de Sécus, de Theux, Devaux., Dugniolle, Dumortier, Hye-Hoys, Jacques, Lebeau, J. Vanderbelen, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Poschet, Raikem, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Thienpont, Ullens, M. Vanderbelen, de Robiano, Verdussen, Vuylsteke, de Haerne, de Nef.
Ont voté contre : MM. Angillis, Brabant, Coghen, Cols, Coppens, Corbisier Dautrebande, H. de Brouckere, d’Elhoungne, de Roo, Desmanet de Biesme, Desmet, Ernst, Meeus, de Terbecq, d’Hoffschmidt, d’Huart, Fallon, Fleussu, Gendebien, Levae, Jonet, Jullien Van Hoobrouck, de Fiennes, Dubois, Mary, Raymaeckers, Seron, Donny, Vandenhove, Tiecken de Terhove, Zoude. (A demain ! à demain !)
M. Dumortier. - Je demande la parole. Dans une de nos précédentes séances, messieurs, j’ai eu l’honneur de vous faire observer tout ce qu’il y aurait d’inconvenant à voter le budget des voies et moyens, tant que nous n’aurions pas de ministère. Il faut avant tout que nous sachions à qui nous accordons notre confiance. Sans cela, le droit que la loi nous donne de voter l’impôt, serait illusoire. Je demande, en conséquence, que le budget des voies et moyens soit ajourné jusqu’après la réponse du roi à notre adresse.
M. Mary. - Je concevrai ce que vient de dire l’honorable membre, s’il s’agissait du budget de dépenses ; mais ici il n’est question que de crédits destinés à couvrir des dépenses ordinaires. Si vous retardez la discussion des voies et moyens, il faudra encore voter des crédits provisoires. Il me semble qu’il voudrait bien mieux procéder à cette discussion alors que nous avons M. le ministre des finances ad interim. La commission s’est hâtée d’examiner le budget des voies et moyens, parce qu’elle avait reconnu l’urgence de le présenter à votre délibération. Malgré le peu de temps qui m’a été donné pour faire son rapport, j’y ai mis tout le soin possible.
M. H. de Brouckere. - Je partage entièrement l’opinion émise par l’honorable M. Dumortier. Nous ne pouvons pas voter de budget, quel qu’il soit ; pas plus le budget des voies et moyens que celui des dépenses, parce qu’il existe une corrélation entre eux, sans que nous soyons en présence d’un ministère. M. Mary répond que nous sommes en présence de M. le ministre des finances ad interim/
Mais M. le ministre des finances n’est qu’un ministre et non pas un ministère. Il faudrait qu’au moins la majorité du conseil des ministres fût ici ; alors je verrais le cabinet représenté. Sans scruter ce qui se passe dans le cabinet, nous avons tous des raisons de croire que M. Duvivier n’en fait point partie, car tous les autres ministres se sont retirés et lui seul est resté. D’où je conclus que M. Duvivier n’est simplement qu’un administrateur des finances. S’il en était autrement, il aurait commis une grande imprudence, quand tous les membres du cabinet se retiraient, de rester seul.
M. d’Elhoungne. - Tout en abondant dans le sens de l’honorable préopinant et de M. Mary, je dois présenter encore une autre considération.
Il me semble que le budget des voies et moyens ne peut être régulièrement discuté qu’après celui des dépenses, puisque les voies et moyens sont destinés à couvrir ces dépenses. Il faut donc commencer par le commencement, c’est-à-dire le règlement des dépenses. Si le ministère nous a mis dans l’impossibilité d’avoir terminé notre travail avant le premier janvier, la représentation nationale devra encore voter des crédits provisoires ; elle sera de nouveau contrainte de passer par une loi transitoire qui maintienne la perception de toutes les contributions existantes pour assurer le service. Voilà ce que nous avons à faire dans ce cas. Mais, je le répète, il faut commencer par le commencement, et si vous vous occupiez d’abord du budget des voies et moyens, vous commenceriez par la fin. Je me joins à mes honorables collègues pour demander l’ajournement de la discussion de tout budget avant la formation du ministère.
M. de Robiano de Borsbeek. - Messieurs, si nous adoptions le mode proposé parM. d'Elhoungne, notre travail ne serait point achevé avant le 1er janvier, et cependant, il est important que les voies et moyens soient votés auparavant, ou les impôts ne peuvent plus être perçus.
La discussion du budget des dépenses est longue et difficile. Mais une considération doit dominer ici toutes les autres ; il est surtout nécessaire, messieurs, que nous prouvions notre volonté bien déterminée dans ces graves circonstances d’appuyer le gouvernement, de conserver et de consolider notre Etat naissant. Peu importe quels ministres seront nommés, il faut avant que le gouvernement puisse faire face aux dépenses nécessaires au soutien de l’Etat. Personne de nous ne doute que les 83 millions demandés ne soient nécessaires et probablement insuffisants ; nous pourrons toujours nous faire rendre compte de leur emploi. Maintenant il faut faire preuve d’une volonté déterminée de maintenir l’ordre établi ; que l’Europe sache que nous voulons fournir au gouvernement tous les moyens d’atteindre ce but.
Nous voici arrivés au 7 : la discussion sur les voies et moyens n’est pas commencée ; elle prendra plusieurs jours. Après nous, le sénat aura à s’en occuper ; veut-on de nouveau mettre ce corps dans la nécessité de les voter d’urgence et sans examen ? Messieurs, c’est déconsidérer ce corps. Si l’on se rendait dans les sections, l’examen des voies et moyens serait déjà bien avancé et on pourrait en commencer la discussion publique demain ; mais rien n’empêche de la fixer à lundi, et rien ne me paraît plus pressé.
M. Dumortier. - Je m’étonne que le préopinant vienne dire qu’il est nécessaire que nous témoignions le désir d’appuyer le gouvernement : N’avons-nous pas montré sans cesse que nous étions disposés à lui donner de la force ? N’avons-nous pas adopté toutes les mesures, toutes les lois d’hommes et d’argent qu’il nous a présentées ?
On nous dit : Nous sommes au 7, et il est nécessaire de discuter tout de suite pour avoir terminé à temps. Messieurs, s’il s’agissait du budget des dépenses, je concevrais que la délibération en fût très longue ; mais il n’en est pas ainsi pour le budget des voies et moyens. Je pense qu’il n’est personne parmi nous qui veuille rien innover en ce moment à notre système financier. Il ne s’agit donc pas d’autre chose que de la discussion des chiffres. Rappelez-vous que l’année dernière, nous n’avons commencé à discuter qu’après les fêtes de Noël, et cependant nous avons eu fini. J’ajouterai encore que si nous devons appui au gouvernement, le gouvernement ne doit pas nous laisser sans ministère.
M. F. de Mérode. - II résultera de ce retard que vous aurez perdu 10 jours. Je ne sais quand le gouvernement veut nommer un ministère, je crois que ce sera bientôt ; mais s’il ne le nomme que dans 8 ou 10 jours, vous aurez perdu tout ce temps.
M. H. de Brouckere. - L’observation de M. de Mérode me confirme dans mon opinion ; car si l’on reconnaît qu’il est possible qu’on nous laisse aussi longtemps sans ministère, nous devons employer tous les moyens qui sont en notre pouvoir pour hâter la fin de cet état de choses. Il est bien temps de former ce ministère, car nous ne pouvons demeurer dans une position semblable.
M. F. de Mérode. - Je suis aussi d’avis qu’il est nécessaire d’avoir un ministère le plus promptement possible ; j’espère qu’il en sera ainsi ; mais je ne vois pas comment la mesure que l’on propose, c’est-à-dire l’ajournement de la discussion du budget des voies et moyens, hâtera l’organisation de ce ministère.
M. Mary. - Il est vrai que l’année dernière nous ne nous sommes occupé du budget qu’à la fin du dernier mois. Mais, qu’en est-il advenu ? Que la représentation nationale a été obligée de précipiter ses délibérations. Il ne faut donc pas ajourner pour nous retrouver encore dans la même position. Quant à l’objection de M. d'Elhoungne, elle avait déjà été élevée dans les sections. On a ,>répondu que sans doute le mode dont il a parlé était plus régulier et devait être suivi en temps ordinaire ; mais que, dans les circonstances où nous étions, on pouvait sans difficulté commencer par le budget des voies et moyens. Je crois donc qu’il faut en fixer la discussion à mardi prochain.
M. Lebeau. - Messieurs, je prends la parole pour combattre l’opinion émise parM. d'Elhoungne. Je n’en conteste en aucune façon la justesse, mais seulement l’opportunité. Je crois, comme lui, qu’en matière de finances, en bonne comptabilité, on doit d’abord examiner le budget des dépenses pour procéder régulièrement. Mais on ne pourra parvenir au résultat qu’on se propose et que j’appelle aussi de tous mes vœux, que lorsqu’on votera, comme en France, le budget cinq ou six mois avant l’exercice. Je pense que dans une législation ordinaire on pourrait voter le budget de 1834, par exemple, vers les mois de juin ou de juillet 1833. Vous auriez alors un budget médité et approfondi, non seulement par la chambre des représentants, mais encore par le sénat, dont les droits sont absolument les mêmes que les nôtres. Mais dans ce moment cela est impossible.
Je proposerai maintenant un terme moyen qui me paraît devoir concilier toutes les exigences. Ce qui préoccupe la chambre, c’est la question de confiance ; elle voudrait savoir quel sera le ministère. Or, messieurs, la question de confiance réside tout entière dans le vote définitif. Le vote des articles n’est qu’une question d’administration.
Je proposerai donc que, sans rien préjuger sur l’époque du vote définitif, on commencera toujours la discussion ; car cette discussion peut être très longue ; il est possible que beaucoup d’amendements soient présentés. Rien n’empêcherait, il me semble, qu’on commençât la discussion et qu’elle s’étendît sur tous les détails, sauf à décider que la chambre ne procédera au vote définitif qu’après que le cabinet aura été organisé. Il est impossible de procéder autrement, et je dis même que le cabinet qui arriverait après le vote commettrait un véritable escamotage. Je dois dire, toutefois qu’il n’y a pas calcul dans le retard apporté à l’organisation du cabinet. Des tentatives ont été faites, elles doivent être recommencées, et ce n’est qu’après qu’on pourra juger la conduite de ceux à qui on semble faire allusion.
- La proposition de M. Lebeau est appuyée et M. Mary déclare s’y rallier.
M. le président. - Quel jour la chambre entend-elle fixer la discussion ? (A mardi !)
M. Gendebien. Il me semble qu’il faut d’abord décider de la proposition de M. Dumortier, qui a été amendée par M. Lebeau. Qu’on mette aux voix l’amendement de M. Lebeau.
M. Fallon. - M. Dumortier se rallie à la proposition de M. Lebeau.
M. Gendebien. - Eh bien ! qu’on mette aux voix la proposition de M. Lebeau, consistant à dire qu’on ne votera pas définitivement avant l’organisation du ministère.
M. Lebeau. - Je ne crois pas que nous devions formuler ainsi la proposition, car ce serait une espèce de sommation que nous ferions à un pouvoir dont nous devons respecter les prérogatives, en disant que nous ne voterons pas avant qu’il y ait un ministère. Quant à moi je m’engage à ne pas voter avant, mais la chambre sentira que les convenances s’opposent à ce que cela soit formulé expressément dans notre décision.
M. Gendebien. - Mon intention n’est pas plus que celle de M. Lebeau de faire une sommation au pouvoir royal, mais je demandais que la chambre fût consultée sur la proposition qui était faite. Je ne conçois pas qu’on présente une proposition pour la retirer un instant après.
M. Lebeau. - Je ne la retire pas, je vais au contraire la rédiger.
- L’honorable membre rédige sa proposition et la dépose sur le bureau ; elle est ainsi conçue : « La chambre décide qu’elle procédera mardi à la discussion du budget des voies et moyens, sans rien préjuger sur l’époque du vote définitif. » (Appuyé ! appuyé !)
- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
La séance est levée à trois heures et demie.
Noms des représentants absents sans congé à la séance du 7 décembre : MM. Boucqueau, Coppieters, Davignon, de Foere, de Meer de Moorsel, de Muelenaere, de Robaulx, de Woelmont, Helias d’Huddeghem, Jaminé, Lardinois, Osy, Pirmez, Pirson, Polfvliet, Speelman, Vergauwen, Verhagen, H. Vilain XIIII.