(Moniteur belge n°331, du 28 novembre 1832)
(Présidence de M. Raikem.)
A midi et demi on procède à l’appel nominal.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal. La rédaction en est adoptée.
M. Jacques fait connaître l’objet sommaire des pétitions adressées a la chambre.
M. le président. - L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet d’adresse en réponse au discours du trône.
La chambre en est restée aux paragraphes 4 et 5 relatifs à la politique extérieure. Nous avons, dans le compte-rendu de la séance du 26, rapporté ces deux paragraphes ainsi qu’ils résultent de la proposition de la commission.
M. de Haerne a déposé aujourd’hui l’amendement suivant, comme devant précéder le paragraphe 5 :
« L’ouverture faite par le gouvernement pour entrer en communication directe avec la Hollande, n’ayant eu d’autre effet que de constater la mauvaise foi de celle-ci à notre égard, la chambre aime à croire qu’il n’en résultera aucune suite funeste pour la Belgique. En conséquence, V. M. aura eu soin de déclarer à la conférence que cette tentative sera regardée comme non avenue, aussi longtemps que le cabinet de La Haye n’aura pas adhéré sans réserve aucune à la teneur des 24 articles, et que c’est seulement alors qu’il pourrait y avoir lieu à des négociations de gré à gré entre la Belgique et la Hollande. »
M. l’abbé de Haerne développe, en ces termes, les motifs de sa proposition. - Messieurs, dans la discussion générale, j’ai eu l’honneur de vous dire que le système de politique extérieure adopté par le ministère actuel se résume en deux points : d’abord, commencement de négociation avant l’évacuation du territoire ; et, en second lieu, évacuation du territoire, contrairement au 24ème article du traité du 15 novembre.
Toute l’attention de la chambre paraît s’être portée sur le second point, et le projet d’adresse garde le silence sur le premier.
Il m’a semblé, messieurs, que c’est là une lacune qu’il importe de combler, parce qu’il pourrait en résulter des conséquences funestes pour l’avenir du pays. Permettez-moi d’entrer dans quelques développements à ce sujet.
La chambre avait déclaré, dans son adresse du 14 mai dernier, que ce ne serait qu’après l’exécution du traité du 15 novembre « qu’il pourrait être question d’ouvrir les négociations dont parlent les réserves, et que ces négociations devaient dépendre du libre consentement des peuples belge et hollandais et laisser subsister le traité s’ils ne parvenaient pas à s’entendre. »
Cependant, messieurs, le ministère a cru pouvoir interpréter les intentions de la chambre dans un sens tout différent de celui que le passage de l’adresse que je viens de lire présentait naturellement. Il a cru pouvoir ouvrir des négociations avant l’exécution du traité, avant l’évacuation du territoire. Il est vrai que le gouvernement a eu soin de charger notre ambassadeur près la conférence de faire la réserve expresse que S. M. le roi des Belges n’entendait aucunement par là renoncer aux droits que nous assure le traité du 15 novembre. Cette réserve était dictée par la prudence, mais elle ne m’a pas paru à moi assez explicite, eu égard à la position nouvelle où nous nous trouvons placés, vis-à-vis la conférence et de la Hollande, par suite des ratifications restrictives des cours du Nord, ratifications qui, de l’aveu de M. Goblet lui-même, sont devenus communes à la France et à l’Angleterre.
Le gouvernement a eu raison, sans doute, de déclarer que, par la démarche à laquelle il se prêtait, il n’entendait en aucune manière s’écarter du traité du 15 novembre ; mais cela ne suffit pas. Car, qu’est-ce maintenant que le traité du 15 novembre ? Sont-ce encore les 24 articles, ou bien sont-ce les 24 articles accompagnés des réserves qui peuvent ouvrir le champ à de nouvelles et interminables négociations, et donner lieu à une quantité d’articles supplémentaires aussi nombreux peut-être que désastreux pour la Belgique ? Voilà la question, messieurs, telle qu’il faut la poser, ce me semble, et sur laquelle il est plus que temps que nous nous prononcions une bonne fois.
Les fameuses réserves se rapportent-elles aux négociations à ouvrir de gré à gré avec la Hollande, au traité définitif à conclure avec elle ? Voilà ce que la conférence ne dit point ; voilà ce que le gouvernement belge ne dit pas non plus, du moins je ne vois rien dans les notes remises de sa part à la conférence d’où l’on puisse augurer qu’il se soit jamais expliqué à cet égard.
La chose me paraît cependant de la plus haute importance : il s’agit de savoir si nous négocierons avec la Hollande dans le sens des réserves avant qu’elle se soit obligée à rien envers nous, ou bien si nous ne consentirons à négocier qu’après qu’elle aura admis les 24 articles, bien entendu que dans ce cas même les nouvelles dispositions ne seraient pas imposées, mais admises du libre consentement des deux parties. En un mot, il s’agit de savoir si, après tous les sacrifices que nous avons faits, nous consentirons encore à négocier avec ou sans concessions réciproques, avec ou sans garanties.
Le pas que le ministère a fait en adhérant au thème Palmerston me paraît être des plus dangereux. Je n’entre pas ici dans les motifs qui l’y ont déterminé ; il a voulu, dit-il, démasquer la Hollande et donner une réserve éclatante de sa mauvaise foi : mais plût à Dieu qu’il ne se fût pas démasqué lui-même et qu’il n’eût pas donné une preuve tout aussi péremptoire de sa faiblesse ! Il me semble que cette démarche était au moins inutile ; car si la conférence n’était pas elle-même de mauvaise foi, elle n’avait qu’à s’en tenir aux engagements contractés envers nous et forcer la Hollande à l’adoption pure et simple des 24 articles.
On nous dit que le résultat de cet acte du ministère belge a été la convention du 22 octobre ; je ne dirai rien ici, messieurs, de l’exécution partielle et prématurée du traité, ce n’est pas le but de mon amendement ; mais si cette exécution venait à être entravée par des événements que nous ne pouvons prévoir, l’adhésion de la Belgique au thème Palmerston n’en serait pas moins un fait que la conférence envisagerait comme accompli et qu’elle invoquerait contre nous. Si au contraire l’exécution a lieu d’après les termes de la convention, ce sera un motif de plus pour nous enchaîner dans des négociations préalables à l’acceptation par la Hollande du traité des 24 articles.
Aussi voyez, messieurs, comme la conférence s’est applaudie de la démarche obséquieuse du gouvernement belge, non pas parce qu’elle y a vu un motif d’employer enfin la force contre la Hollande, puisqu’elle fit encore des tentatives de conciliation par après (voyez le mémorandum du 24 septembre), mais par une raison toute différente et qu’il n’est pas difficile de découvrir à travers tous les détours diplomatiques que l’on remarque dans ses derniers actes C’était parce qu’elle croyait avoir entraîné la Belgique dans un nouveau système de négociations, système qui est tout à la fois contraire au traité des 24 articles et qui exclut l’adhésion préalable de la Hollande à ce même traité.
Et voulez-vous la preuve, messieurs, que la conférence a pris cet acte de notre ministère pour une déviation complète des 24 articles ? Vous en trouverez une des plus convaincantes dans le mémorandum du 24 septembre, qui a suivi le thème Palmerston et qui a encore renchéri sur ce document. Voici ce que je lis dans le mémorandum : « Lord Palmerston était parti évidemment du point de vue de se rapprocher, autant qu’il lui serait possible, pour la forme et pour le fond, des vœux énoncés à cet égard par le gouvernement néerlandais. Ce qu’il proposait maintenant différait essentiellement des 24 articles. » Ainsi, messieurs, vous le voyez, aux yeux de la conférence, les propositions faites par lord Palmerston et auxquelles notre gouvernement a adhéré diffèrent essentiellement des 24 articles.
Il faut donc que le gouvernement révoque expressément son adhésion au thème Palmerston ou qu’il s’explique catégoriquement à cet égard, en déclarant à la conférence que son but n’avait été que de dévoiler les intentions du gouvernement hollandais, mais nullement de consentir à de nouvelles propositions avant l’adhésion de la Hollande au traité. S’il n’agit ainsi, il se trouvera engagé dans un nouveau système, le système des réserves qui sont élastiqués, comme chacun sait, et qui ne tendent à rien moins qu’à faire du traité des 24 articles une lettre morte pour y substituer un traité beaucoup plus onéreux encore, et cela sans garantie aucune de la part de la Hollande.
Nous aurions beau dire alors que nous envisagions le traité du 15 novembre comme notre droit ; on nous répondrait que ce traité devait subir des modifications en vertu des réserves qui en étaient les corollaires et contre lesquelles nous n’avions pas réclamé.
On dira peut-être que, d’après la note adressée à la conférence par le plénipotentiaire belge le 20 septembre dernier, on pourra toujours rompre les négociations directes entamées avec la Hollande. Oui, on pourra le faire, le texte est clair à cet égard ; mais si j’en juge d’après les antécédents du gouvernement, on ne le fera pas, à moins que nous ne lui en fassions une obligation expresse. Encore cela ne suffirait pas ; car si le ministère n’expose nettement à la conférence la position qu’il est tenu de garder relativement au système qui pourrait découler des ratifications, il est certain que son silence militera tôt ou tard contre lui ; car on pourra lui dire : Si vous aviez consenti à négocier avec la Hollande avant qu’elle n’adhérât au traité du 15 novembre, sur une base donnée, pourquoi ne le feriez-vous pas maintenant ? Pourquoi ne consentiriez-vous pas maintenant à négocier sur la même base, par l’intermédiaire de la conférence ? Si l’on prête l’oreille à ce langage et que l’on fasse un pas, on s’avance sur une pente rapide, on s’engage dans un dédale duquel l’on ne trouvera peut-être plus d’issue.
Mais, dira-t-on, en tout cas ce n’est qu’une proposition à laquelle on a adhéré ; cela n’engage à rien.
Messieurs, on sait ce qu’il en coûte en diplomatie, surtout quand on est le plus faible, d’adhérer à des propositions : les 18 articles n’étaient aussi que des propositions ; on ne les aurait pas acceptés, disait-on, s’ils avaient été imposés ; mais on accepta les 24 parce qu’ils furent imposés.
Messieurs, mon amendement n’a rien d’hostile pour le gouvernement. M. le ministre des affaires étrangères a déclaré que la négociation directe entamée avec la Hollande est rompue ; mais elle a été rompue par le fait de celle-ci et non par le fait de la Belgique. Je désire seulement que notre ministère déclare que cette négociation est rompue de son côté vis-à-vis de la Hollande et vis-à-vis de la conférence. Tout ce que je demande c’est qu’on fasse ce que la Hollande a fait, afin que la démarche du gouvernement belge ne tire pas à conséquence et ne soit pas un précédent dangereux pour nous. Voilà le but de mon amendement, messieurs ; vous jugerez si je l’ai atteint. Quant à moi, quelle que soit la décision que vous preniez, j’aurai au moins la satisfaction d’avoir remplir un devoir que je regarde depuis longtemps comme très impérieux.
- L’amendement de M. de Haerne est appuyé par plusieurs membres.
M. le président. - Voici un sous-amendement présenté par M. Dellafaille, à l’amendement de M. Dumont :
« Après des délais interminables, l’obstination de la Hollande a enfin amené l’emploi des moyens coercitifs de la part de deux alliés de V. M., qui savent comme vous, Sire, que depuis longtemps la mesure des concessions est comblée de notre part. S’il nous fallait juger de la direction imprimée à notre politique extérieure uniquement d’après les pièces qui ont été placées sous nos yeux ; s’il était vrai qu’aux termes de ces actes la Belgique dût abandonner Venloo et les parties du Limbourg et du Luxembourg détachées de son territoire, avant que la Hollande n’ait pris l’engagement formel de remplir les conditions attachées à leur possession par le traité du 15 novembre, la chambre ne pourrait qu’exprimer à V. M. la vive douleur qu’elle éprouve en voyant ainsi méconnaître ses intentions et donner à son adresse du mois de mai dernier une interprétation aussi étrangère à sa pensée. Nous apprenons que des négociations sont ouvertes dans le but d’assurer à la Belgique et à ceux de nos concitoyens qu’une force majeure arrache à notre commune patrie les garanties stipulées dans le traité, et nous ne doutons pas que tous les efforts seront faits pour prévenir, s’il en est temps encore, ce résultat désastreux. Au milieu des circonstances qui nous pressent, et dans l’état incomplet des communications qui ont pu nous être faites, la chambre des représentants croit, dans l’intérêt de l’Etat, devoir s’abstenir de se prononcer définitivement sur la marche suivie par le ministère. Toutefois nous saisissons avec confiance cette occasion d’exprimer à V. M. nos craintes et nos vœux, sûrs que le Roi des Belges défendra avec la dernière énergie, et nos droits, et nos intérêts et l’honneur national. »
M. Dellafaille. - Messieurs, peu de mots me suffiront pour développer mon sous-amendement, et je n’abuserai pas de la patience dont la chambre a donné tant de preuves dans le court de cette longue discussion.
Au premier abord, il semblait résulter des documents annexés au rapport du ministre des affaires étrangères qu’aussitôt la citadelle d’Anvers remise entre nos mains, la Hollande serait entrée sans conditions en jouissance des territoires dont le traité l’enrichit à nos dépens. Depuis le ministère a nié ce point ; mais il a parlé de dépôt entre mains tierces, et Dieu sait entre quelles mains ! Il a de plus assuré que, d’après des négociations actuellement ouvertes, la Belgique ne se dessaisirait point de ces territoires sans avoir reçu toutes les garanties qu’elle était en droit de réclamer.
Cette déclaration a donné lieu à l’amendement de l’honorable M. Dumont, qui désire attendre l’issue des négociations avant de se prononcer sur la marche suivie par le ministère. Cet amendement m’a paru d’abord assez sage, mais les réflexions de plusieurs de mes collègues et les miennes propres n’ont pas tardé à me convaincre qu’il laissait quelque chose à désirer.
S’il faut en croire le ministère, tout ce qui excite aujourd’hui nos réclamations est la suite rigoureuse d’un système approuvé et même imposé par nous. Cependant l’intention de la chambre, en accédant à l’exécution partielle du traité et à l’évacuation préalable des territoires, était, si je ne me trompe, que cette évacuation se fît de gré à gré et constituât de la part de la Hollande une adhésion à notre indépendance et aux limites territoriales tracées par ceux que le droit du plus fort a constitués nos arbitres.
Mais, dit-on, le consentement volontaire de la Hollande étant impossible à obtenir, il ne reste que l’exécution forcée. Soit ; je n’ai jamais cru pour ma part que le roi Guillaume, dont l’entêtement est devenu proverbial, se rendît à des exhortations, ni même à des menaces ; mais j’ai cru que, sommée de remplir ses promesses, la conférence devait employer la force, non pour exiger notre part des sacrifices préalables, mais pour arracher à notre ennemi un consentement dont elle s’était rendue la caution. Ce consentement obtenu de gré ou de force, alors venait l’évacuation préalable et réciproque ; puis les négociations de gré à gré sur les points non susceptibles d’une exécution immédiate entre la Belgique et la Hollande, constituées en état de paix et mises en possession des avantages non contestés. Telle est, je crois, messieurs, la pensée qui nous a fait voter l’adresse du mois de mai dernier.
L’amendement de M. Dumont ne disant pas un mot de l’étrange interprétation donnée à cette adresse, j’ai cru devoir suppléer à cette lacune ; de plus, j’y ai joint une phrase qui m’a paru propre à faire connaître au gouvernement les alarmes qu’occasionnerait un séquestre, et ce que la Belgique attend de lui.
J’ignore, messieurs, si cette proposition vous paraîtra satisfaisante, mais j’ai cru remplir un devoir en vous la soumettant.
M. le président. - La parole est à M. Levae.
- En ce moment, MM. Jullien, de Theux, Vilain XIIII, de Robiano, Legrelle, et d’autres membres demandent la parole. M. le président prend note de ces demandes.
M. Levae. - Messieurs, je soutiendrai l’amendement de l’honorable M. de Brouckere, parce qu’il tend à engager le gouvernement à ne consentir à l’évacuation des parties du territoire qu’on nous a arrachées, qu’après l’adhésion de la Hollande au traité des 24 articles, et qu’ainsi il nous laisse l’espoir qu’on ne consommera pas le sacrifice dont gémissent ceux mêmes qui l’ont approuvé.
On a dit qu’en soutenant que le traité du 15 novembre est déchiré, j’avais oublié qu’il était obligatoire pour nous.
Sans doute, un traité est obligatoire, quelque onéreux, quelque déshonorant qu’il puisse être, lorsque ce traité est franchement exécuté par ceux avec lesquels il a été conclu ; mais quand j’ai prétendu que le traité du 15 novembre était détruit, je me suis placé sur le terrain où nous conduit la conférence, où s’est placé le ministère, où il nous traîne avec lui ; et, je le demande, les puissances ont-elles exécuté le traité du 15 novembre, ont-elles rempli les engagements qu’elles avaient contractés envers nous ? On n’oserait le soutenir.
En effet, ce traité qui nous fut imposé par la menace, auquel la conférence ne voulut pas souffrir qu’on fît le moindre changement, qu’elle ne nous permit pas même de discuter, ce traité on veut aujourd’hui le modifier, comme on a modifié le traité des 18 articles.
Que le ministère nous le dise, sait-il du moins quelles seront et la nature et l’étendue des modifications ? Non, il n’en sait rien, absolument rien ; et tout ce qu’on a bien voulu nous apprendre, c’est que ces modifications seront faites dans l’intérêt de la Hollande.
Et l’on voudrait faire croire que la conférence a respecté ses obligations, lorsque pour nous tromper, nous leurrer, elle déploie depuis un an tous les ressorts de l’intrigue, de la déception et du mensonge ?
Et l’on voudrait nous faire croire que ce traité, qu’on dénature dans ses dispositions probablement les plus importantes, soit autre chose qu’un chiffon de papier ?
Nul de nous n’aura cet excès de bonhomie.
Ce que vous appelez un chiffon de papier, a dit un honorable orateur, est votre seul titre à l’existence.
Messieurs, que d’autres se félicitent de cette existence chétive, précaire et menacée, qui livre notre territoire à des troupes étrangères, qu’on ne nous permet pas de consolider avec notre armée, qui nous soumet à toutes les exigences de la conférence ; moi je gémis sur une pareille existence, et je doute qu’on puisse beaucoup s’en applaudir.
Mais le traité du 15 novembre constitue notre droit public, et vous voulez le déchirer. Eh ! messieurs, quelle valeur peut-on attacher à un traité que trois puissances contractantes n’ont voulu signer qu’avec des réserves et auquel les puissances qui l’ont ratifié purement et simplement exigent des modifications ? Est-il autre chose qu’un projet de traité, que la Hollande se refuse à admettre et que la conférence se dispose à amplifier de quelques nouveaux articles à notre préjudice ?
Quand vous aurez un traité ratifié par toutes les puissances, accepté par la Hollande, qu’on vienne alors nous dire : « Ce traité constitue votre droit public, vos titres à l’existence. » Mais, jusqu’à ce que l’on soit parvenu à un pareil résultat, toutes les paroles rassurantes n’apaiseront pas nos craintes pour l’avenir ; elles nous rappelleront seulement que naguère un ministre disait à cette tribune : « que la conférence nous avait admis dans la grande famille européenne, » et nous savons quelle figure nous y avons faite depuis lors.
M. le ministre des affaires étrangères vous a dit qu’il avait des preuves matérielles, en quelque sorte, que les vingt-quatre articles seraient exécutés entièrement. Je ne suspecterai jamais les intentions de personne, mais je ne puis m’empêcher de vous faire remarquer qu’on a tenu un langage tout aussi rassurant lorsqu’on présenta les 18 et les 24 articles aux chambres. Et nous voyons maintenant tous comment on nous a fait expier notre crédulité.
Dans une de vos précédentes séances, un orateur a prétendu que mon opinion revenait à dire que la Belgique peut tout ce qu’elle veut, et que nous obtiendrons tout ce que nous demanderons.
L’orateur m’a sans doute mal compris ; autrement, j’aime à le croire, il ne m’eût pas prêté une idée aussi absurde que ridicule.
Non, je n’ai pas dit que nous pouvions tout ce que nous voulions, que l’Europe est prête à tout nous accorder, puisque nous avons au contraire la triste conviction que nous n’avons pas même obtenu l’exécution du traité que nous avons tous regardé comme une grande calamité.
Que voulez-vous ? m’a-t-on dit : la révolution ? Non, messieurs, Dieu nous préserve d’un aussi grand malheur ! Nous venons de faire une trop pénible expérience, pour oser concevoir seulement l’idée d’appeler sur notre patrie de nouveaux orages. Mais ce que je voudrais, messieurs, c’est qu’on nous dît franchement, sans détour, où l’on nous mène, ce que l’on exige de nous, quand on sera content ; et après deux ans de négociations, nous sommes, à cet égard, dans une complète ignorance.
Ce que je voudrais, c’est qu’on ne se laissât pas éblouir par de vaines illusions ; qu’on ne se reposât pas en paix lorsque tout, autour de nous, se montre menaçant ; ce que je voudrais, c’est qu’on ne se hâtât pas d’abandonner une population de 400,000 âmes et un beau territoire, lorsque la complication des événements peut encore amener un incident qui nous épargnera peut-être la douleur et la honte de livrer, nous-mêmes, nos concitoyens à des ennemis irrités et implacables dans leurs vengeances. Ce que je voudrais, c’est que nous ne nous prosternassions pas aux genoux de la conférence, et que nous ne bénissions pas ses injustes décisions comme autant de grâces et de bienfaits ; ce serait être à la fois victimes et dupes. Le rôle de victime, la Belgique peut l’accepter, si elle n’a pas la force de le repousser ; et celui-là, du moins, ne déshonore pas. Mais le rôle de dupe, pour ma part, je l’abandonne à ceux qui veulent bien s’en charger.
M. Pirmez. - Messieurs, si la diplomatie nous a été funeste, si nous avons été malheureux dans les relations qui ont amené notre indépendance, c’est à une conduite semblable à celle que nous tenons encore aujourd’hui que nous devons tous ces maux.
La publicité de nos débats, qui montrait nos faibles côtés nos ennemis ; notre défiance, nos injustes soupçons, qui partout nous faisaient voir des traîtres ; la production au grand jour de ce que notre intérêt nous commandait de tenir soigneusement caché, ne pouvaient manquer de donner de semblables résultats.
Messieurs, les moindres affaires de la vie sociale réclament de la discrétion ; les choses les plus communes et les moins compliquées ne pourraient souvent être menées à terme si l’on publiait les moyens qui doivent y conduire. Et vous exigeriez que, dans des questions d’un intérêt immense, qui se croisent de mille façons diverses, qui sont débattues par les hommes les plus adroits de l’Europe et les plus habiles dans l’art de profiter des fautes de leurs ennemis ; vous exigeriez, dis-je, que notre cause eût obtenu de bons succès alors que vous livriez vos secrets à la publicité ? C’était bien méconnaître l’espèce de lutte que nous avions à soutenir.
Il faut nous arrêter dans une carrière dans laquelle nous devrions infailliblement perdre ce qu’il nous reste encore, car nous combattons avec des armes trop inégales.
Produire, dans une assemblée délibérante toutes les pièces d’un grand procès diplomatique, traiter toutes les questions qu’il soulève, les résoudre avec des discours passionnés, forcer les ministres à communiquer ce qu’ils croient devoir tenir caché, c’est bien là jouer à coup sûr pour perdre la partie. Des traités ont été conclus avec les nations de l’Europe, le ministère vous assure que leur exécution aura lieu dans les termes que vous-mêmes avez consentis. Il a amené deux puissants peuples à s’unir pour son exécution : déjà les flottes sont en mer et les armées sur notre territoire et dans ce moment-là même, lorsque votre ennemi a de si puissantes alliances, lorsque vous ignorez quels sont les liens qui unissent la France et l’Angleterre et les choses qui pourraient les faire rompre, vous croiriez leur refuser votre appui à ceux qui ont amené jusqu’à ce point l’exécution du traité, parce qu’elle ne se fait pas dans l’ordre que vous voulez prescrire, ou parce qu’on ne déroule pas devant vous tous les fils des négociations ?
Dans des circonstances aussi graves, votre prudence, messieurs, vous empêchera de déverser le blâme avant d’avoir la certitude qu’il est mérité : l’avenir, il est vrai, vous a été dépeint sous de biens sombres couleurs ; mais vous le savez, messieurs, les prédictions ne sont vraies qu’après leur accomplissement. En attendant, vous reconnaîtrez que l’union des deux nations les plus puissantes et les plus éclairées de l’Europe, pour agir dans notre cause, et que le blocus des ports de Hollande et l’investissement de la citadelle d’Anvers, sont des faits immenses ; et lorsque vous les voyez s’accomplir sous vos yeux, lorsque les hommes qui ont eu le courage de les amener vous annoncent qu’ils ne sont que le commencement d’exécution des conditions auxquelles vous-mêmes avez souscrit, vous devez à ces hommes, sinon tout votre appui, au moins tous vos ménagements.
Vous le devez, messieurs, parce qu’eux seuls vous montrent un but et que leurs adversaires ne vous en montrent pas, parce que s’ils sont habiles à vous indiquer les mauvais côtés des combinaisons ministérielles, ils ne vous en présentent aucune qui puisse les remplacer. Vous pouvez comprendre la marche des ministres, vous l’apercevez entourée de grands dangers, on ne peut la nier ; mais celle de l’opposition ne présente à votre esprit rien que vous puissiez saisir pour terminer la question belge.
Quelques discours nous ont, il est vrai, montré en perspective la guerre générale, c’est-à-dire la confusion générale, et les chances de succès que nous devons retirer de ce débordement de tous les maux sont placées dans le triomphe d’un des deux principes pour lesquels on nous annonce que les peuples de l’Europe doivent s’entre-égorger.
Messieurs, il est beaucoup d’hommes parmi vous que l’expérience des faits a rendus fort prudents dans l’application de théories : ceux-là regardent ces deux principes pour ce qu’ils sont réellement, des mots dont on ne sent pas bien la portée, des abstractions ; et quant à ceux qui pensent que des tentatives de guerre générale trouveraient de la sympathie en Europe, ils sont dans l’erreur ; ils n’en trouveraient que dans les hommes que Paris a vus dans les journées de juin, et contre lesquels cette ville, la plus libérale et la plus éclairée de l’Europe, s’est levée tout entière.
Je voterai pour l’amendement de M. Dumont.
M. Dumont. - Messieurs, parmi les divers amendements proposés sur les paragraphes 4 et 5 du projet d’adresse, il en est plusieurs qui ont pour objet de frapper de la réprobation de la chambre la marche suivie par le ministère pour parvenir à l’exécution du traité du 15 novembre. Je vous avoue que les conséquences de l’adoption de ces amendements m’effraient. Cependant je ne pourrais leur refuser mon suffrage, s’il m’était clairement prouvé que réellement le ministère a violé la constitution en excédant ses pouvoirs, et a, en outre, compromis l’honneur et les intérêts du pays. Mais cette preuve, messieurs, malgré les efforts que j’ai faits pour la découvrir, ne s’est pas encore manifestée à mes yeux.
(Ici l’orateur examine l’inconvénient qu’il y aurait à forcer le ministère à la retraite, et les embarras que cela créerait au gouvernement.)
J’ai lu dans le silence du cabinet, après les avoir écoutés attentivement dans cette enceinte, les principaux discours qui ont été prononcés et pour l’attaque et pour la défense, et cet examen, impartial et attentif, m’a porté à penser que l’avantage doit rester du côté de la défense. Je ne fatiguerai pas l’assemblée en lui exposant comment cette opinion s’est formée chez moi : je me bornerai à dire qu’entre autres discours, celui de l’honorable M. de Muelenaere m’a paru établir jusqu’à l’évidence que la marche ni les divers actes du ministère n’étaient nullement en opposition, ni avec la constitution, ni avec la loi qui a autorisé le gouvernement à signer le traité du 15 novembre, ni avec le système diplomatique exposé à la chambre le 12 mai, et approuvé par elle, sauf la nomination d’un plénipotentiaire pour négocier directement avec la Hollande, déviation momentanée du système qui n’a été jusqu’ici désapprouvée par personne et qui, on doit le reconnaître, a produit un effet très avantageux à la Belgique.
Au surplus, il ne suffirait pas, selon moi, pour que le ministère ait mérité le blâme de la chambre, qu’il se fût écarté de la marche convenue entre les chambres et le ministère précédent, parce que la chambre ne peut, sans violer la constitution, sans amener la confusion des pouvoirs et l’anarchie, s’immiscer dans les attributions constitutionnelles du pouvoir exécutif, autrement que pour lui exprimer de simples vœux, mais nullement en lui prescrivant des règles qu’il soit tenu de suivre rigoureusement dans l’exercice de ses pouvoirs constitutionnels. Or, tout ce qui concerne la mise à exécution d’un traité, le choix des moyens les plus propres à amener cette exécution, appartient incontestablement au pouvoir exécutif.
Aussi, si le ministère précédent s’est trouvé astreint à suivre certaine marche, ce n’est pas parce que cette ligne de conduite lui avait été tracée par la chambre, mais bien parce qu’il avait très imprudemment, selon moi, pris l’engagement devant les chambres de ne pas en dévier. Ainsi, messieurs, pour nous prononcer sur le blâme que l’on nous propose, nous avons à examiner non pas si les actes du ministère sont ou non en harmonie avec le plan que le ministère s’était imposé l’obligation de suivre, obligation qu’il n’a pu transmettre à ses successeurs, mais si ces actes ne portent pas astreinte à l’honneur et aux intérêts du pays. Voilà, messieurs, la véritable question qui me paraisse devoir fixer votre attention.
Mais le moment de résoudre cette question est-il bien venu ? Sommes-nous à même de la résoudre en connaissance de cause, ayant sous les yeux toutes les pièces du procès, et sans qu’il en résulte pour le gouvernement des difficultés insurmontables, dans le cas d’une solution affirmative, je dirai même sans danger pour l’appui que nous recevons en ce moment critique de deux grandes puissances ? Je ne le pense pas, messieurs ; j’ai donc saisi avec empressement l’idée d’ajourner le jugement de la chambre sur cette grave question, dont la solution d’ailleurs, me paraît encore subordonnée à l’issue de négociations non encore terminées.
Nous ne pourrions prononcer en connaissance de cause, puisque le ministère nous déclare, relativement à l’un des principaux griefs articulés contre lui, je veux dire le défaut de précautions prises contre la réaction à laquelle pourraient être en butte nos malheureux concitoyens dont nous sommes forcés de nous séparer, le ministère nous déclare, dis-je, qu’il serait à même de donner à la chambre des apaisements en quelque sorte matériels, s’il ne devait pas se faire une loi sévère de la discrétion la plus scrupuleuse. Pouvons-nous prononcer, messieurs, sans que ces apaisements nous soient fournis ? Pouvons-nous les exiger au risque de compromettre le succès des négociations qui paraissent exister ? En avons-nous le droit et le pouvoir ?
J’ai dit que de la solution affirmative résulteraient des difficultés insurmontables pour le gouvernement. Dans quelle position, en effet, se trouverait-il placé, le sénat approuvant d’une part ce que d’autre part la chambre des représentants condamne ? Quelle possibilité alors, si ces deux corps persistent dans leur opinion (et cette persistance n’est que trop probable), de composer un ministère qui puisse trouver appui dans les deux chambres ? Cette possibilité, je ne l’aperçois pas ; et cependant, sans un tel ministère, la marche du gouvernement se trouverait paralysée et complétement paralysée, puisqu’il n’y aurait pas de budget possible.
Le gouvernement aura-t-il recours à la dissolution de l’une ou de l’autre chambre ? Mais ce remède est, dans le moment présent, impossible, puisqu’il ne reste plus le temps nécessaire pour remplacer la chambre dissoute avant 1’expiration du budget de 1832. Pour moi, je n’aperçois pas d’issue à cette fâcheuse position.
Je vous en supplie, messieurs, veuillez fixer toute votre attention sur les suites possibles d’un pareil état de choses ; je ne l’appelle pas moins sur les effets que peut produire cette solution affirmative sur l’appui et la protection que nous accordent la France et l’Angleterre. Est-on bien persuadé qu’une protestation de la chambre contre certains actes diplomatiques, et que la nécessité où se trouverait en quelque sorte placé un ministère nouveau d’agir contrairement aux actes, objet de la protestation, ne pourrait point porter l’un ou l’autre de nos puissants alliés à nous retirer son appui ? N’oublions pas, messieurs, qu’ils ont aussi des ménagements à garder envers d’autres puissances, et que ce n’est pas sans devoir vaincre de grands obstacles qu’ils ont pu, enfin, mettre la main à l’œuvre pour l’exécution du traité du novembre ! Je le répète, messieurs je ne puis envisager sans effroi les conséquences funestes qui peuvent résulter pour mon pays de la réprobation que l’on vous propose, si vous la prononciez dans les circonstances actuelles. D’un autre côté, y a-t-il péril en la demeure ?
Je ne le pense pas ; car, si des fautes ont été commises et sont susceptibles d’être réparées, certes personne ne pourra apporter plus d’intérêt et d’empressement à les réparer que les auteurs mêmes de ces fautes, puisque c’est sur eux seuls qu’en pèse toute la responsabilité.
Je n’occuperai pas plus longtemps les instants de la chambre ; je crois en avoir dit assez pour justifier l’amendement que j’ai proposé.
M. de Robiano de Borsbeek improvise le discours suivant. - Messieurs, j’ai été longtemps incertain et flottant sur le parti que j’avais à prendre dans des circonstances aussi graves, aussi impérieuses, aussi critiques, que celles où nous nous trouvons. Après avoir entendu, après avoir écouté avec toute l’attention dont je suis capable, les arguments produits de part et d’autre dans cette mémorable discussion, je me suis décidé pour l’amendement de M. Dumont.
Notre but, messieurs, est de parer aux fautes, aux erreurs que le ministère pourrait avoir commises. Or, notre but sera-t-il atteint si nous renversons aujourd’hui le ministère ? De notre vote dépend, vous le savez, si le ministre pourra se soutenir ou non devant les chambres, devant la nation. Mais forcer le ministère à la retraite, ce serait ajouter une crise à une crise. Un ministère nouveau nous dirait plus tard : J’ai été lié par les actes du ministère précédent, je n’ai pu agir librement.
L’Indépendant lui-même l’a dit, messieurs ; et que pourriez-vous répondre à un tel langage ? Tandis que si nous sommes prudents, le ministère restera sous tout le poids de sa responsabilité, de ses actes, de ses déclarations, répétées souvent devant vous, qu’il avait pris des garanties pour le cas de l’abandon du Limbourg et du Luxembourg ; et enfin il restera sous le poids de toutes ces réserves, de toutes ces réticences, de ces explications que, dans l’intérêt du pays et des négociations, il a déclaré ne pouvoir vous faire connaître. La chambre n’aura assumé aucune responsabilité, et cela surtout est important.
Un nouveau ministère se trouverait libre de tous ces engagements, de toutes ces déclarations.
Il me semble donc qu’il y aurait moins de garantie pour la chambre avec un nouveau ministère qu’avec le ministère actuel. J’en tire la conséquence que la chambre ne doit tracer aucune marche au ministère. Le ministère connaît les intérêts du pays. Il doit évidemment les connaître ; et s’il avait pu les ignorer, cette terrible discussion doit lui avoir ouvert les yeux : il n’ignore plus aujourd’hui quels sont les intérêts de la nation. Si nous lui traçons une marche quelconque, plus tard il pourra nous dire : J’ai exécuté ce que vous m’avez prescrit ; vous m’avez fait mon thème, je n’ai pu m’écarter, ni à droite ni à gauche, ni en avant ni en arrière. Je n’ai même pu faire mieux.
Voyez, messieurs, comme on recourt aujourd’hui aux adresses du mois de mai, et comme on se décharge sur la chambre de toute responsabilité. Faut-il recommencer ? Je ne suis pas de cet avis. Le ministère a sa responsabilité, il sait quels sont les intérêts du pays ; qu’il marche ; il n’ignore pas ce qui l’attend s’il oubliait ce qu’il doit au pays, s’il trahissait ses intérêts.
Il me semble donc, je le répète, que la chambre doit s’abstenir d’approuver ou de désapprouver le système du ministère ; mais manifester sa vive inquiétude sur les résultats qu’il peut avoir, c’est ce que fait l’amendement de M. Dumont. Que dit-il ? « Au milieu des circonstances qui nous pressent. » Vous le voyez, messieurs, la chambre trouve les circonstances graves, et c’est en leur présence qu’elle va émettre son opinion ; et quelle est cette opinion ? « La chambre des représentants croit, dans l’intérêt de l’Etat, devoir s’abstenir de se prononcer sur la marche suivie par le ministère. »
Dans l’intérêt de l’Etat, la chambre croit devoir s’abstenir ! C’est une réserve prudente, qui ne préjuge rien, qui laisse au ministère toute sa responsabilité pour ce qu’il a fait et pour ce qu’il fera.
Dans une occasion moins pressante, et lorsqu’une opposition aussi vive n’aurait pas manifesté une intention si hostile au ministère, je pense que cette phrase aurait eu un tel caractère de désapprobation que des ministres, soit en France, soit en Angleterre, auraient cru ne pouvoir se soutenir. Et c’est cette phrase que l’on trouve trop faible, trop peu significative !
Après cela, je crois, comme M. Pirmez, que ce n’est pas à cette tribune qu’il convient d’exposer des conseils, des moyens, la marche que le gouvernement devrait suivre ; ces révélations n’ont d’autre effet que de faire connaître nos plans à l’ennemi, qui ne manque pas d’en profiter : il l’a fait souvent et fort habilement.
Chacun peut donner ses idées au gouvernement, indiquons-lui nos vues, mais ailleurs qu’ici.
Il est imprudent de tout dire à la tribune, et je conçois que la marche du gouvernement deviendrait difficile en procédant de cette manière.
D’autres considérations me décident pour l’amendement de M. Dumont.
Personne ne peut calculer les résultats de l’intervention étrangère. Personne ne sait les événements qui en peuvent surgir. Ils peuvent déconcerter toutes les prévoyances, et tromper tous les calculs. Ils peuvent nous devenir favorables ou défavorables. Il faut donc attendre avant d’approuver ou de désapprouver. L’amendement de M. Dumont est aussi conçu dans ce sens. Il vous donne d’attendre les événements sans nous compromettre sur des actes que nous ne connaissons qu’incomplètement.
Remarquez bien, messieurs, comment s’exprime ensuite l’amendement : « Ces deux alliés savent comme vous, Sire, que depuis longtemps la mesure des concessions est comblée de notre part, et nous avons la certitude que le roi des Belges défendra avec la dernière énergie, et nos droits, et nos intérêts, et l’honneur national. »
Est-ce là, messieurs, le langage de la pusillanimité ? Est-ce le langage de la faiblesse ? Est-ce là un langage qui indique des dispositions à faire de nouvelles concessions ? Un langage de gens qui croient tout perdu ? Non, nous ne croyons pas tout perdu, et nous le disons hautement : « Nous avons la certitude que le roi des Belges défendra jusqu’à la dernière énergie, et nos droits, et nos intérêts, et l’honneur national. » La nation qui parle ainsi, messieurs, prouve qu’elle est prête à soutenir ses droits avec énergie. Ce n’est pas là une preuve de faiblesse, c’est au contraire une preuve qu’on sent sa force et qu’on saura l’employer.
L’amendement répond donc entièrement et à l’espoir de la chambre et à l’espoir de la nation. Il insiste sur « nos droits ; » nos droits sont bien connus, quoique la diplomatie les ait cruellement méconnus ; cette expression les comprend tous, n’en exclut aucun. « Nos intérêts : » ce mot exprime ce que nous avons de plus cher à défendre ; sa portée s’étend à tous les Belges, à tout ce qui intéresse la nation. Les Limbourgeois et les Luxembourgeois sont Belges ; ils siègent parmi nous, ils se trouvent ici délégués en première ligne.
En votant ces mots, ils voteront surtout pour eux.
« L’honneur national ! » C’est plus encore que les intérêts matériels. Il passe même avant les affections. Rien donc n’est oublié ici.
Maintenant, si quelque ministre était assez malheureux pour oser braver une opinion et une intention si explicitement mises est évidence par ces débats et par l’adoption de cet amendement, il oserait aussi braver toute autre phrase que vous mettriez dans votre adresse ; quelques mots du dictionnaire de plus ou de moins ne feront absolument rien. Je tiens le gouvernement pour suffisamment averti. Ces débats ont été assez forts, trop forts peut-être. Les diplomates étrangers auront vu aussi que la nation belge n’a pas perdu son énergie, et qu’elle n’est point encore prête à céder, à plier lâchement sous de honteuses exigences.
Jamais, messieurs, les conseils de la faiblesse n’ont été les miens ; toujours j’ai incliné pour l’énergie et la vigueur ; depuis deux ans mes écrits en font foi.
Mais la modération et la prudence doivent aussi être employés et peuvent être actuellement d’un grand poids vis-à-vis de la diplomatie. Il faut aussi envisager les choses sous cette face. Je ne crois point que pour le moment le ministère puisse être remplacé convenablement.
Je suis loin, messieurs, de voir le nom belge perdu. Une restauration ici est impossible tant qu’elle n’ait lieu en France ; une restauration en France ne se peut sans une guerre de principes, guerre effroyable dont personne ne peut prévoir l’issue, et que tous par là-même veulent éviter.
Si le partage de la Belgique était tenté, avant un siècle il n’y aurait plus de paix en Europe. Nous ne pouvons plus appartenir à personne, et personne ne veut souffrir qu’un autre jette l’ancre sur notre sol.
Voilà ce qui nous sauve.
Ce n’est point au traité du 15 novembre que nous devons notre indépendance. Notre indépendance est nécessaire à l’Europe, est une nécessité européenne ; et cette nécessité a fait le traité. Malheureusement on n’a pas eu foi en cette nécessité de l’indépendance de la Belgique ! Si on l’avait eue forte et ferme, elle nous aurait procuré de meilleures conditions.
Oui, messieurs, le nom de Belgique est ineffaçable de la carte d’Europe.
M. Deleeuw. - Messieurs, je serai court, car je sens le besoin de ne pas abuser des moments de la chambre, dont l’impatience d’en finir est si naturelle après une aussi longue discussion.
J’ai demandé la parole uniquement pour appuyer l’amendement de l’honorable M. Dumont, que je préfère de beaucoup au mien. Cependant je dirai subsidiairement quelques mots à l’appui du mien, puisqu’il a été jugé avec assez de sévérité dans la dernière séance.
L’amendement de M. Dumont me paraît sage, en ce qu’il ne préjuge rien, ne décide rien, et en ce qu’il laisse le ministère entièrement responsable des suites de l’exécution partielle du traité du 15 novembre.
Il s’exprime d’ailleurs avec énergie sur nos droits, nos intérêts et l’honneur national.
Sous ce rapport, je n’ai besoin de rien ajouter à tout ce qu’on a déjà dit sur cet amendement, et je n’aurais rien dit de celui que j’ai proposé si, comme je l’ai dit en commençant, un honorable orateur n’avait dit que mon amendement, et beaucoup d’autres faits dans le même esprit, ne signifiaient rien.
Il a même dit que c’étaient là de petits moyens innocents employés au profit du ministère. Messieurs, je ne connais ni grands, ni petits moyens innocents dans le sens que l’orateur, auquel je réponds, l’a insinué. Je ne vois que les intérêts de la Belgique, et j’emploie tous les moyens loyaux de les défendre tels que je les entends. Mais il est probable que je ne les entends pas à la manière de l’honorable membre. Toutefois la manière dont il a traité la question ne sera pas la mienne, malgré mon peu d’expérience parlementaire comparativement à la sienne.
J’avoue que si mon amendement ne signifie rien, il ne ressemble pas à celui de M. de Brouckere, qui signifie beaucoup. Voyons les résultats que peut avoir son amendement. Ces résultats peuvent-ils se réaliser ? M. de Brouckere, lui-même, le pense-t-il ? En faisant au roi de Hollande une loi de consentir aux 24 articles du traité, croit-il qu’à cette condition un ministère, je ne dis pas celui-ci, mais un nouveau ministère puisse exister ? Quant à moi, je ne le crois pas ; et sous ce rapport je ne sais pas si son amendement signifie plus que le mien.
Je ne dirai pas tout ce qu’implique mon amendement, mais en deux mots j’indiquerai ses principaux résultats. Par lui, nous aurions une adhésion au traité, partielle il est vrai, mais importante. Cette adhésion nous procurerait la libre navigation de la Meuse en vertu de l’article 9 du traité, la libre communication avec l’Allemagne en vertu de l’article 11, enfin une garantie pour les populations si malheureusement séparées de la Belgique, en vertu de l’article 21. C’en est assez sur mon amendement.
J’aurais bien quelques mots à dire sur la convention du 22 octobre ; ils pourraient paraître surabondants, mais je crois nécessaire d’y insister. D’honorables orateurs, dont je respecte les talents et les lumières, ont dit que la convention du 22 octobre ne nous procurerait absolument qu’une chose, savoir l’évacuation du territoire ; que les articles 3 et 4 n’impliquaient pas autre chose, et que le préambule et l’article premier étaient sans importance. Je ne suis pas de cet avis ; il suffit de lire le préambule et l’article premier de la convention pour sentir que la pensée principale, la pensée dominante des puissances signataires, est l’exécution entière du traité. Mais comme il était impossible de l’obtenir simultanément sur tous les points, on a commencé par la question territoriale, et c’est cette question que les articles 3 et 4 ont pour objet de régler. Je ne pousserai pas plus loin mes observations, me bornant, à répéter que je donnerai mon vote à l’amendement de M. Dumont, et subsidiairement au mien.
M. Fleussu. - Le ministère s’est présenté devant nous avec franchise il nous a exposé, plein de confiance, le système adopté par le gouvernement, et il n’a pas craint de solliciter la manifestation des sentiments de la chambre sur la politique suivie par lui. Cette assurance, messieurs, me fournit, à moi, la preuve que si le ministère s’est trompé, du moins il s’est trompé de bonne foi il n’a voulu ni la honte, ni le déshonneur, ni la ruine, ni le malheur de la Belgique.
Dans le cours de la discussion, déjà bien longue, une chose m’a frappé et sans doute elle vous aura fait impression. M. le ministre des affaires étrangères nous fournit des explications au sujet de l’abandon de Venloo et des parties cédées du Limbourg et du Luxembourg ; d’après ces explications, qui auraient pu être un peu plus franches, il semblerait que ces contrées ne sont pas lâchement abandonnées sans aucune garantie : eh bien ! c’est tout ce que nous réclamons dans la protestation de l’adresse.
Et cependant ne voilà-t-il pas le ministère qui s’obstine à repousser de toutes ses forces une protestation qui n’était qu’hypothétique ! Car, remarquez-le bien, nous ne protestons que dans le cas où les parties cédées n’auraient pas les garanties assurées par les traités des 24 articles. Que craint donc le ministère de cette protestation purement hypothétique, s’il est vrai qu’on a fait des réserves en faveur de nos malheureux compatriotes ?
Quoique, messieurs, je me plaise à rendre hommage aux intentions qui ont dicté l’amendement présenté par M. Dumont, je ne peux y donner mon assentiment ; trop de raisons s’y opposent. En effet, messieurs, il arrive un peu tard, cet amendement ; il manque son but. La discussion longue, animée et quelquefois trop irritante qui a eu lieu, a produit tous ses effets. L’influence de cette discussion est bien plus préjudiciable aux intérêts du pays que ne l’eussent été vingt protestations de la nature de celle qui figure dans l’adresse. Il me semble que le ministère aurait dû écarter la lutte et qu’il aurait fait preuve de civisme en ne s’y engageant pas, s’il est vrai que dans le traité secret il y ait des réserves pour les pays que nous abandonnons. Quant au silence qu’on vous recommande, ce silence, mis en regard de la provocation du ministère au sujet de la politique par lui suivie, n’est à vrai dire, qu’une véritable désapprobation ; c’est, à mon avis, une réprobation plus énergique que celle de l’adresse.
Cela fait pour moi tout l’effet d’un homme près duquel on sollicite un compliment, et qui hausse les épaules et se tait. Libre au ministère de prendre le silence de la chambre pour une approbation. Vous semble-t-il que, dans une position semblable à celle où nous nous trouvons, nous puissions garder le silence ? Non, messieurs le silence serait coupable. Et que l’on ne nous dise pas que nous voulons faire de la diplomatie, qu’une assemblée délibérante ne peut en faire, et que nous voulons tracer la ligne à suivre par le gouvernement : nous ne voulons pas faire de la diplomatie, mais nous voulons critiquer les actes consommés de la diplomatie.
L’opposition, nous a-t-on dit, manque d’ensemble, elle manque d’unité de vues ; les négociations sont critiquées par les uns sur un point, et par d’autres sur des points différents. Mais, messieurs, qu’en résulte-t-il ? C’est que l’on n’a pas besoin de se concerter pour diriger une attaque contre le ministère, et qu’il est vulnérable de tous côtés ; il en résulte encore qu’il n’y a aucun intérêt personnel dans l’opposition, que nous ne voulons pas de nouvelles combinaisons ministérielles, parce que le ministère a placé le pays dans une position tellement déplorable qu’il s’est rendu indispensable : trop heureux si les événements viennent à son secours pour le tirer de l’embarras où il s’est placé !
Au nombre des reproches que j’adresse aux ministres ne se trouve point celui d’avoir sollicité l’intervention étrangère, ni d’avoir réclamé des puissances l’exécution du traité des 24 articles. A mon avis, messieurs, ils n’ont fait qu’user d’un droit assuré par les 24 articles.
Mais c’est dans l’exercice de ce droit que je trouve du blâme : c’est dans l’exercice de ce droit que je reproche au ministère d’avoir compromis les intérêts du pays, d’avoir renoncé aux bénéfices des engagements pris par les puissances envers nous, et d’avoir transgressé la loi du contrat. Cette proposition est simple ; sa justification est facile, et elle sera très courte.
Vous avez, sans doute, encore présentes à l’esprit les notes qui accompagnaient le traité des 24 articles. Au nombre de ces notes, et pour nous engager à nous soumettre, se trouve une déclaration des puissances que : « Elles se réservent la tâche et prennent l’engagement d’obtenir l’adhésion de la Hollande aux 24 articles, quand même elle commencerait par les rejeter. Elles garantissent, de plus, l’exécution du traité déclaré final et irrévocable. »
Voilà l’engagement des puissances. Cet engagement a été converti en loi dans la première des dispositions qui font suite à ce traité des 24 articles.
Par l’article 25, les cours d’Autriche, de France, de la Grande-Bretagne et de la Prusse garantissent, à S. M. le roi des Belges, l’exécution de tous les articles qui précèdent. Cet engagement des puissances est évidemment tout entier en notre faveur, et cependant on l’a fait tourner contre nous en se soumettant bénévolement à l’abandon des territoires cédés. En combinant l’article 24 avec l’article 25 du traité, vous trouvez que toute l’économie de ce traité se réduit en ces termes :
Les puissances se sont engagées envers nous à faire adhérer le roi de Hollande au traité ; elles se sont engagées à nous en assurer l’exécution. D’un autre côté, messieurs, c’est quand les puissances auront rempli leurs engagements et fait exécuter le traité des 24 articles, qu’un traité doit intervenir entre la Hollande et la Belgique ; et ce n’est que 15 jours après l’échange des ratifications de ce traité que nous devons évacuer les territoires.
Que fallait-il faire lorsque le gouvernement a été sommé d’évacuer les territoires cédés ? Messieurs, la conduite du ministère était facile ; elle lui était indiquée par le traité des 24 articles. Il devait rappeler aux puissances les engagements qu’elles avaient pris ; il devait les sommer à leur tour de remplir leurs engagements, offrant de satisfaire à nos obligations aussitôt qu’elles auraient fait droit à nos réclamations.
Cette offre était suffisante ; car, dans le droit le plus strict, une partie est libérée de ses obligations lorsqu’elle en offre l’exécution.
Les puissances ne feront-elles aucune distinction entre une partie qui s’est montrée docile, soumise, et une partie qui se montre récalcitrante, qui rejette les traités et leur exécution ?
Est-ce là la marche que le ministère a suivie ? S’est-il montré fidèle exécuteur de la loi qui lui avait été tracée ? N’a-t-il abandonné Venloo, abandonné une partie du Limbourg et du Luxembourg qu’après que des garanties nous ont été données que le roi de Hollande cédera son droit de souveraineté sur la Belgique ? Non, messieurs ; il commence l’exécution du traité par la partie la plus onéreuse ; il a consommé le sacrifice sans assurance d’en retirer aucun avantage.
Encore si cet abandon avait été subordonné à quelque condition ; si le ministère, à l’exemple de la précédente administration, avait fait des réserves.
Voyez le rapport du ministère des affaires étrangères qui nous a été présenté par le précédent ministère ; il fait les réserves les plus formelles de s’en tenir aux conditions des 24 articles.
Mais, dites-moi, s’il arrivait (et l’un des orateurs en a fait voir la possibilité), s’il arrivait que dans le cours des négociations une cause de guerre surgit entre la Hollande et nous, dites-moi, reprendrez-vous par la force des armes un pays que vous avez abandonné par la volonté de la diplomatie ? Je pourrais vous faire voir bien d’autres conséquences de la marche suivie par le ministère ; je pourrais parler de nos ressources diminuées, des soldats venus des pays cédés à la Hollande, et qui sont encore dans les rangs de notre armée, je pourrais… Mais le tableau est assez chargé.
Vous avez parlé d’un traité secret...
M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - Je n’ai pas parlé de cela (Bruit.)
M. Fleussu. - Vous n’avez pas parlé d’un traité secret ? (Non !) Vous n’avez pas fait entendre au moins qu’il y aurait quelques garanties pour les habitants des territoires cédés ? Vous avez dit que la remise n’aurait pas immédiatement.... Vous ne nierez pas, du moins, que vous avez laissé échapper le mot de séquestre. Ce séquestre, il ne sera pas confié aux troupes françaises ; elles doivent se retirer immédiatement après la prise d’Anvers : ce sera donc les Prussiens qui seront établis au gardianat de nos frères ? Les Prussiens qui, pour ne pas rendre nos affaires trop faciles, ont fait des réserves sur le Luxembourg au profit des agnats de la famille de Nassau et de la confédération germanique ? C’est en échange d’une partie du Luxembourg que nous avons renoncé à une partie du Limbourg, et nous évacuons le Limbourg avant que le Luxembourg nous soit assuré !...
Une chose vous frappera c’est que, immédiatement après la prise d’Anvers, les Français doivent se retirer ; au contraire, les Prussiens resteront dans le territoire cédé, tant qu’il plaira au roi de Hollande de refuser son adhésion au traité. Vous avez donc la certitude que la paix de l’Europe ne sera pas troublée ? Si cependant votre confiance était trompée ; si une guerre venait à éclater, avez-vous vu dans quelle position vous avez placé le pays ? Maîtres du Limbourg, du Luxembourg, de Venloo, de Maestricht, en deux jours ils se répandraient sur toutes les parties de notre territoire.
Je prévois encore d’autres dangers. Lorsque ces territoires seront réciproquement évacués ; lorsque les Français seront retirés sur leur sol, on vous dira : Vous avez ce que vous avez demandé ; ces territoires sont évacués ; entrez dans de nouvelles négociations. On fera alors de nouvelles propositions qui seront nécessairement favorables à la Hollande. On vous imposera de nouveaux sacrifices ; vous aurez beau à dire que la mesure en est comblée, vous les accepterez. On vous les imposera par le voisinage des baïonnettes prussiennes.
C’est en renonçant aux engagements pris par les puissances, c’est en transgressant la loi que l’on a été amené à des résultats aussi fâcheux !
J’ai entendu, et on l’a encore répété aujourd’hui, qu’il ne s’agissait que de mesures d’exécution et que le pouvoir exécutif devait être libre dans ses mouvements. Eh bien, oui, j’admettrai jusqu’à un certain point que dans les cas ordinaires le pouvoir exécutif peut avoir de la latitude ; mais ce n’est pas lorsque l’exécution et son mode sont déterminés dans la loi, que l’on peut changer ce mode pour en prendre un autre. Il fallait proposer une loi pour le changer.
On n’a cessé d’invoquer l’autorité de la chambre : c’est tout au plus si on pouvait se prévaloir de son silence. Le système soutenu par le ministère actuel ou le système de M. de Muelenaere n’ont été ni l’un ni l’autre objet d’une discussion dans les chambres.
Le système de M. de Muelenaere était-ce le vôtre ? Evidemment non : ce système supposait l’adhésion du roi de Hollande ; c’était comme conséquence de cette adhésion que l’on présentait l’évacuation du territoire. Ce qui le prouve, c’est lorsque M. le ministre des affaires étrangères, signifiant qu’il ne voulait plus de nouvelles négociations avant l’adhésion hollandaise, il disait : « Après l’adhésion nous entamerons des négociations de gré à gré fondées sur les principes d’une juste compensation. Vous voyez donc, messieurs, qu’il ne s’agit pas là d’une évacuation forcée, mais d’une évacuation volontaire. Il a toujours été loin de la pensée de la chambre de vouloir se désister des termes du traité des 24 articles.
Vous avez invoqué l’adresse de la chambre des représentants ; vous en avez détaché des phrases particulières ; mais lisez-la dans son ensemble et vous verrez que la chambre voulait l’exécution pleine et entière des traités. Permettez-moi d’en lire un passage :
« Nous pensons que les réserves ne peuvent porter aucune atteinte au traité ; qu’aujourd’hui il est notre droit ; que les ratifications doivent être pures et simples ; qu’il doit être exécuté tel qu’il a été conclu ; que ce n’est qu’après cette exécution qu’il pourrait être question d’ouvrir les négociations dont parlent les réserves ; que ces négociations doivent dépendre du libre consentement des peuples belge et hollandais, et laisser subsister le traité s’ils ne parviennent pas à s’entendre.
« Le gouvernement comme le pays n’a pu le comprendre autrement ; toute interprétation différente serait contraire à la loi qui seule a pu autoriser la signature du traité du 15 novembre, et qui ne l’a autorisé que dans les termes mêmes du traité. »
Après cela, dites, avec plus ou moins d’ironie, qu’il serait fort étonnant que deux ministres des affaires étrangères n’aient pas compris la volonté de la chambre ! Tâchez de faire retomber sur elle la responsabilité qui pèse sur vous ! Je le conçois.
Je ne terminerai pas sans répondre à un orateur assis au banc des ministres. Portant ses regards en arrière, il a cherché à jeter quelque blâme sur l’opposition. A l’entendre, le système de l’opposition ne tendait à rien moins qu’à appeler sur la Belgique, qu’à appeler sur l’Europe les fléaux d’une conflagration générale. Il m’importe de le désabuser, il m’importe surtout de faire comprendre notre système au pays, lorsque, dans une feuille de province, on cherche à représenter les députés de l’opposition comme des députés infidèles à leur mandat ; lorsque le journal du gouvernement, le Moniteur, a l’impudeur de reproduire un pareil article.
Je veux résumer en peu de mots le système de l’opposition.
Non, nous ne voulions ni la propagande ni la guerre générale ; ce que nous voulions, c’était la Belgique de la constitution et non la Belgique des protocoles. Je ne sais si vous reconnaissez ces expressions… Ce que nous voulions, c’était la Belgique forte et heureuse ; ce que nous voulions, c’était que le gouvernement prit des mesures énergiques pour nous mettre en état de défendre nous-mêmes et notre indépendance et notre révolution ; ce que nous voulions, c’est que devant une puissance abattue, réduite à deux millions d’habitants on n’humiliât pas quatre millions de Belges en leur faisant rendre les mains aux menottes de la diplomatie. (Applaudissements des tribunes.)
M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - Messieurs, je répondrai d’abord à un reproche de l’honorable préopinant dirigé contre une feuille du gouvernement. Je dirai, messieurs, que dans la feuille du gouvernement, le gouvernement doit porter spécialement son attention sur tout ce que l’on exprime en son nom, et c’est aussi ce qu’il doit prendre spécialement sous sa responsabilité. Si l’on veut juger la question de sang-froid, sans partialité, là se bornent en matière de publication les devoirs du gouvernement. Après cela, messieurs, que les hommes qui en sous-ordre sont chargés de composer une feuille quotidienne, prennent çà et là dans des journaux étrangers ou dans des journaux du pays quelques articles qui viennent plus ou moins à l’appui des mêmes opinions que celles du pouvoir : évidemment, vous le sentez tous, il est impossible que la surveillance du gouvernement descende dans de semblables détails.
Dans tous les pays il est admis que le gouvernement répond seulement de tout ce qui est publiée en son propre nom. Mais je puis aller plus loin ; je puis même envisager (ce qui n’est pas) que le gouvernement ait autorisé la reproduction, dans la feuille officielle, de l’article dont il s’agit. Dans cet article il est fait la critique, sévère il est vrai, d’un système ; mais il n’y a rien de plus. Quant aux intentions, je crois en savoir assez (quoique je n’en aie fait, ce matin, qu’une lecture superficielle), je crois en savoir assez, dis-je, pour être certain que les intentions ne sont nullement attaquées, mais seulement le système ; les intentions ne sont pas misés un instant en problème.
Messieurs, à l’égard du ministère on n’use pas toujours de la même réserve. On ne se borne pas seulement à incriminer le système qu’il a suivi ; mais le plus souvent, après avoir déversé un blâme virulent sur ce système, on met sans cesse nos intentions en question. Oui, messieurs, et quoi qu’en dise M. Fleussu, ce n’a jamais été là la marche du ministère. Alors que nous avions été attaqués le plus violemment, j’ai moi-même déclaré que je faisais acception de toutes les intentions que je croyais pures. On n’aurait pas dû mutiler cette partie de mon opinion.
Je reviens maintenant aux observations de l’honorable préopinant, et j’y répondrai quelques mots.
De quoi vous plaignez-vous, dit-on ? Ce n’est pas un blâme qu’on veut faire planer sur le ministère ; ce n’est qu’un blâme hypothétique. Vous serez blâmés seulement si vous faites telle chose. Mais je demanderai à M. Fleussu, que je tiens moi pour un homme d’honneur, de quel œil il verrait une épître que je lui adresserais de ce banc et dans laquelle je lui dirais : Je vous regarderai comme un fripon si dans 15 jours vous faites quelque chose ?
Voilà ce que l’on veut dire. Le ministère est digne de blâme ; nous le déclarons tel, nous le disons dans une réponse au discours du trône, nous le déclarons hypothétiquement, et tous les développements qui ont eu lieu tendent à exposer aux yeux du pays notre conviction préalable. Voilà, messieurs, dans quel sens serait donné le blâme hypothétique, sur lequel le pays ne se tromperait pas. Voilà les conséquences des paragraphes proposés par MM. de Brouckere et Dumortier, car ils semblent se rapprocher singulièrement.
Mais, dit-on, vous avez vous-mêmes provoqué une déclaration de principe et vous n’obtenez rien si vous admettez l’amendement de M. Dumont. Vous n’obtenez rien ! Mais, messieurs, sait-on bien quel est le sens de l’espèce de provocation de M. le ministre des affaires étrangères ?
On se plaignait et la presse retentissait de ces plaintes, de l’intervention étrangère qui, disait-on, était flétrissante pour le pays. Cela est si vrai que M. Dumortier, avant même d’avoir entendu le rapport de M. le ministre des affaires étrangères, avant même d’avoir connaissance de la pièce du procès, s’apprêtait à blâmer le ministère de ce qu’il avait flétri la nation et l’armée en appelant l’étranger. Ainsi, voilà donc sur quoi nous appelions l’attention de la chambre. Mais vouloir consulter la chambre sur des actes qui n’étaient pas encore accomplis, sur des négociations dont nous avions seulement posé les premières bases, c’eût été une absurdité de notre part. La question que nous vous avons soumise, c’est celle de savoir si nous avons bien fait de provoquer l’intervention étrangère.
Quant aux négociations entamées, notre position nous défend de nous expliquer encore. Par cela seul que la chambre nous laisse à notre poste, elle montre par là qu’elle a confiance dans le ministère ; car, si elle croit qu’il ne soit pas digne de conduire à bonne fin les négociations commencées, elle doit le forcer à la retraite. Mais, par cela seul qu’elle nous charge de les poursuivre, je le répète, il y a là acte de confiance, et ce résultat, je veux bien le dire afin que l’opposition en prenne acte, ce résultat est obtenu par l’amendement de M. Dumont. Il faut qu’on aille plus loin si l’on veut renverser le ministère : je le dis avec franchise pour que chacun connaisse la portée de son vote.
M. Legrelle. - Messieurs je m’abstiendrais de prendre la parole dans cette discussion importante et déjà pour ainsi dire épuisée, si la position particulière dans laquelle je me trouve placé vis-à-vis d’une population de soixante-douze mille âmes, n’exigeait point que je rendisse compte des motifs de mon vote.
Messieurs, veuillez m’écouter avec bienveillance ; je vais m’expliquer avec simplicité, avec franchise, avec abandon.
Si le ministère. avant de consentir formellement, par sa note du 2 novembre, à l’évacuation de la place de Venloo, des forts et lieux qui en dépendent, ainsi que des portions de territoire qui, conformément au traité du 15 novembre 1831, ne font pas partie du royaume de la Belgique, en même temps que le gouvernement belge entrera en possession de la citadelle d’Anvers, ainsi que des forts et lieux situés sur les deux rives de l’Escaut ; si le ministère, dis-je, avait consulté la représentation nationale, j’aurais cru, messieurs, me trouver sous le poids d’une telle responsabilité d’événements qu’il m’eût été peut-être impossible d’émettre un suffrage.
En effet, messieurs, dans quelle perplexité n’aurait pas dû se trouver alors un député d’Anvers, celui surtout à qui ses concitoyens ont fait l’insigne honneur de l’élever à la première fonction municipale ? N’aurait-il pas dû reculer d’effroi devant la perspective de désastres horribles, des pertes sans nombre, dont l’évacuation forcée de la citadelle, liée à la possibilité d’un nouveau bombardement, aurait menacé une ville déjà si malheureuse ?
Mais en redoutant d’aussi affreuses conséquences de son vote, ne devait-il pas craindre en même temps de reculer, par un vote dans un sens contraire, le terme trop longtemps désiré d’autres calamités ? Et ces calamités, messieurs, il est impossible d’en calculer l’étendue, à moins d’avoir habité Anvers depuis 25 mois ; et, sans énumérer ici les entraves continuelles auxquelles le commerce est assujetti, l’absence prolongée de la classe la plus opulente qui, retirée à la campagne, ou dans d’autres villes, enlève à l’industrie anversoise la circulation de revenus dépensés ailleurs et produit à la fois dans les cercles de la société un vide, une dislocation complète qui occasionne le plus funeste effet ; sans parler de la division qui régnera dans plusieurs familles aussi longtemps que la vue de la citadelle occupée par la Hollande, conservera à Anvers plus qu’ailleurs cette semence de discorde, alimentée par un sentiment ennemi de sympathie pour le gouvernement actuel et de regret pour l’ordre de choses passé ; sans porter vos regards sur ces plaines jadis si fertiles, et dont l’infernal génie de la guerre a tari la fécondité pour les convertir en des lacs improductifs et enlever ainsi au propriétaire et à l’agriculteur le produit et jusqu’à l’espérance de plusieurs années de moisson ; sans vous dépeindre, messieurs, les inconvénients, je dirai plus, le malheur d’un état de siège qui fait peser un régime inconstitutionnel sur une population belge, amie de la liberté et de la légalité, et qui ne saurait être privée plus longtemps des avantages qui résultent de nos institutions libérales, à moins qu’elle ne doive être considérée comme les parias de la Belgique ; faire le développement de tant d’autres fléaux que la citadelle nous cause, je ne crains pas de dire avec un honorable préopinant que la menace d’une affreuse catastrophe qui plane sans cesse sur les murs d’Anvers, entretient parmi les habitants une anxiété continuelle, presqu’aussi déplorable que l’approche réelle du danger.
Faut-il donc s’étonner, messieurs, qu’en présence d’un projet de loi d’une alternative aussi cruelle, deux de mes honorables amis aient manifesté une opinion différente ? Mus tous les deux par le seul sentiment du bien public, leur vote, pour être opposé, ne sera pas moins consciencieux, pas moins basé sur le vif intérêt que le sort du pays et celui de leurs mandants leur inspire.
Quant au mien, messieurs, il sera fondé, non sur la faculté d’une résolution à prendre, mais sur la nécessité de plier devant une résolution déjà prise, devant un événement accompli dont il ne nous appartient plus de faire rétrograder la marche. La question, envisagée sous ce point de vue, ne présente d’autre résultat, dans une majorité de suffrages qui seraient hostiles à l’action du gouvernement, que de porter de fâcheuses entraves à cette action et de renverser le gouvernement et le ministère actuel sans atteindre le but que plusieurs honorables membres se proposent.
Examinons un moment cette assertion avec impartialité, avec froideur, nous dêpouillant de toute prévention et même des justes et légitimes regrets que les députés des provinces du Limbourg et du Luxembourg nous inspirent et qu’ils expriment avec autant d’éloquence que d’émotion, chaque fois que les clauses désastreuses de séparation prescrites par le traité du 15 novembre nous sont représentées.
Messieurs, sans donner ici mon approbation aux ministres, ni jeter du blâme sur leur conduite, je les laisse entièrement sous la responsabilité de leurs actes, et je dis que si la chambre adopte les amendements de MM. de Brouckere ou Dumortier, ou même la rédaction du projet d’adresse, il arrivera de deux choses l’une : ou les ministres ne respecteront pas l’opinion de la majorité de l’assemblée, ou bien ils feront de cette opinion la boussole de leur politique.
Dans le premier cas, leur chute est inévitable, prochaine ; car, sous un régime constitutionnel, je ne connais point de ministère possible sans l’appui de la majorité : dans le second cas, je doute fortement que les ministres, supposé même qu’ils voulussent rester au timon des affaires, pussent récuser la note du 2 novembre, pussent révoquer les promesses formelles renfermée dans cette note.
Mais les ministres eussent-ils la volonté, le pouvoir d’anéantir cette note, empêcheraient-ils les moyens coercitifs déjà employés par la France et l’Angleterre ? Aujourd’hui que les armées françaises occupent jusqu’à l’extrémité de nos frontières, pourrions-nous croire qu’il dépende des ministres de faire retirer leurs belliqueuses phalanges dans les limites de leur empire ? Pourrions-nous croire qu’il dépende de nous de les empêcher de donner un commencement d’exécution au traité du 15 novembre, en faisant le siège de la citadelle d’Anvers, et de les éloigner des glacis de cette forteresse avant qu’ils n’aient arboré le triomphant drapeau tricolore français sur ses remparts ? Illusion, messieurs ; le fait est accompli ; et j’adjure l’honorable M. Osy de bien réfléchir à ceci, et de voir si son vote, qu’il pense dicté dans la conservation d’Anvers, empêchera les soldats français de commencer les hostilités, peut-être, il est vrai, au grand préjudice de cette ville.
Mais, s’il est avéré que le pouvoir de nos ministres ne s’étend point jusqu’à faire rétrograder nos alliés, jusqu’à revenir sur la promesse du 2 novembre, quel effet leurs essais ou leurs impuissants efforts feront-ils sur l’esprit de ces mêmes alliés ? Assurément, messieurs, ce ne sera qu’un effet préjudiciable à notre cause, propre à nous aliéner l’amitié et la considération des deux puissances que nous avons appelées parmi nous/
Et s’il est vrai, comme tout porte à le croire, que la Prusse, sans vouloir participer aux mesures de coercitions que la France et l’Angleterre ont adoptées pour nous, consent seulement à rester formidable spectatrice de l’exécution de ces mesures, dans l’attente et la conviction que l’évacuation des territoires sera réciproque et simultanée, n’avons-nous pas à redouter qu’en exprimant dans notre adresse, non point un vœu, mais une volonté contraire, nous ne fassions dévier le cabinet prussien de la ligne de conduite qu’il s’est tracée jusqu’ici, et que nous ne le provoquions à une formelle opposition, bientôt suivie d’hostilités, dont les conséquences inévitables seraient une guerre générale européenne, guerre que je vois commencer avec facilité, mais dont nul ne peut prévoir la durée, dont les chances sont, au moins, incertaines, dont l’issue peut être déplorable pour la liberté, et dont notre beau pays sera, sans doute, le principal théâtre ? Puisse-t-il ne pas en devenir la triste victime !
Messieurs, mon imagination épouvantée recule devant un si sombre avenir ; je n’assumerai point sur ma tête la responsabilité de si terribles résultats de mon vote ; j’ai soif de tranquillité, j’ai soif de nationalité, de stabilité, et je me bornerai par conséquent d’exprimer le vrai désir bien ardent, bien sincère, que le commencement d’exécution du traité du 15 novembre ne soit pas funeste à la Belgique, que le morcellement du Limbourg et du Luxembourg n’ait pas lieu sans la certitude que la Belgique et les populations qu’on sépare d’elle jouiront des droits et des garanties résultant du traité, et que la ville d’Anvers puisse être déclarée en état de neutralité, afin qu’elle n’ait pas à souffrir des mesures qui seront jugées nécessaires pour l’évacuation de la citadelle. J’ai dit.
M. le président. - La parole est à M. Milcamps.
M. d’Elhoungne. - Je la demande pour une motion d’ordre. Messieurs, il y aura demain 15 jours que les paroles auxquelles notre adresse doit répondre sont descendues du trône. Ce simple exposé, la longueur de la discussion et la désertion qui se fait remarquer sur nos bancs, feront sentir à l’assemblée le besoin de clore des débats aussi étendus, aussi fastidieux, si j’ose le dire. Je crois donc que c’est l’intention de la chambre de demander la clôture sur cet interminable paragraphe 4.
Si nous devions nous engager dans des discussions aussi compliquées sur les travaux annoncés pour la session actuelle, je craindrais que nous n’eussions pas fini dans l’espace de temps qu’a duré le siège de Troie. (On rit. Appuyé ! appuyé !)
- Plusieurs membres. - Non ! non !
- Sur la demande de M. Jullien, M. le président annonce qu’il y a encore un grand nombre d’orateurs inscrits.
M. H. de Brouckere. - Quant à moi, j’avais l’intention de dire encore quelques mots ; mais je déclare que, si mes collègues veulent faire comme moi, je renoncerai à la parole.
M. Milcamps. - Je demande à parler contre la clôture. Si je n’avais pas à présenter des moyens qui n’ont pas encore été produits, je n’insisterais pas pour avoir la parole. Mais je prétends prouver aujourd’hui que la réponse qui a été faite par le ministère le 2 novembre était dans le droit de la royauté, et que, par conséquent, nous n’avons pas à nous en occuper.
M. le président. - Avant de consulter la chambre sur la question de savoir si elle veut clore la discussion, il me semble que je dois lui donner lecture d’un sous-amendement proposé par M. Dumortier à l’amendement de M. Dumont.
Il consiste à remplacer la fin du premier paragraphe de cet amendement, ainsi conçu : « Nous avons la certitude que le roi des Belges défendra avec la dernière énergie et nos droits, et nos intérêts, et l’honneur national, » par ces mots : « Nous avons la certitude que Votre Majesté se sera assurée que l’abandon de Venloo et le morcellement du Limbourg et du Luxembourg n’auront pas lieu avant l’adhésion de la Hollande à l’exécution du traité. »
- Plusieurs membres. - Mais c’est reprendre la discussion.
M. de Muelenaere. - Je demande la parole.
M. le président. - Je ne puis vous la donner que contre la clôture.
M. de Muelenaere. - Messieurs, déjà samedi dernier, à la fin de la séance, j’avais annoncé l’intention d’appuyer l’amendement de M. Dumont. Je me proposais de prendre la parole aujourd’hui ; mais si l’on veut clôturer la discussion, j’y renoncerai. Je crois que les développements donnés par les préopinants et M. de Robiano suffiront pour éclairer la chambre.
M. Dumortier. - Je demande la parole contre la clôture. Dans le cas où l’on voudrait clore la discussion générale, je demande à présenter les développements de mon sous-amendement, car je ne l’ai proposé que pour le cas où l’amendement de M. Dumont obtiendrait la priorité, ce qui est encore une question.
M. le président. - Insiste-t-on pour la clôture ?
M. Deleeuw. - Je demande à parler contre. Je ne saurais être de ceux qui pensent qu’il faille tant se presser de clôturer cette discussion. Des amendements, et notamment celui de M. Dumont, ne tendent à rien moins qu’à rendre inutile un débat de 8 jours. Il faut savoir une bonne fois si nous voulons faire connaître notre pensée au Roi, ou si nous voulons lui cacher la vérité. L’amendement de M. Dumont est une véritable proposition en ce qu’elle dénature le sens de l’adresse. Il faut donc bien examiner la question. En ce moment je ne puis partager l’opinion de ceux qui demandent la clôture.
M. Jullien. - Je désire aussi dire quelques mots contre la clôture. Je demande au moins que la liste des orateurs soit épuisée. Je me fonde sur ce que, dans cette même séance, on a présenté plusieurs amendements et sous-amendements qui ont encore compliqué la question, et il paraît qu’après la discussion close il n’y aura plus qu’à voter sur ces amendements et sous-amendements. Il me semble donc que quand il s’agit d’un objet qui intéresse tout le pays, il faudrait au moins épuiser la liste des orateurs inscrits. Quant à moi qui suis inscrit, je n’avais pas l’intention de tenir longtemps la chambre, et je croyais qu’il me serait permis de présenter des aperçus nouveaux.
M. Pirson. - Je désirerais que la clôture de la discussion eût lieu le plus tôt possible ; mais il est certain que, la clôture une fois prononcée, on ne pourra plus voter que sur les amendements. Je ne sais pas du tout si ceux qui les ont présentés se sont suffisamment expliqués. J’en ai un aussi. (On rit.) La manière dont est conçu cet amendement n’est pas précisément aussi explicite que celle du sous-amendement de M. Dumortier. Dans la proposition de M. Dumont, il s’agirait de garder le silence ; or, c’est ce que je ne voudrais pas faire, car vous savez le vieux proverbe : qui ne dit mot consent.
- Plusieurs voix. - Mais c’est rentrer dans la discussion,
M. d’Elhoungne. - M. le président, je déclare retirer ma proposition, car au lieu d’abréger la discussion, il me semble qu’elle devient une cause de discussion nouvelle. (On rit.)
M. le président. - M. d'Elhoungne retirant sa proposition, la discussion continue. La parole est à M. Milcamps.
M. Milcamps. - Messieurs, si j’ai bien compris les orateurs entendus dans cette discussion solennelle, et qui se sont prononcés en faveur du projet d’adresse et des amendements qui ne s’écartent point du fond du paragraphe 5, ce qu’ils ont exprimé d’une manière aussi franche que claire, ce qu’ils se sont efforcés de faire sentir, c’est le besoin d’un ministère capable de résolutions fortes et que la confiance publique mette au-dessus des dangers.
Trouve-t-on ces garanties dans les faits, dans les actes du ministère actuel ? Jetez les yeux, disent ces orateurs, sur la convention du 22 octobre, sur la sommation du 30 et surtout sur la réponse du ministère belge en date du 2 novembre, car c’est en ces points que se résument en ce moment toute l’attaque, et jugez.
Mais, avant de juger, j’examine les faits qui ont précédé la réponse du 2 novembre 1832.
Depuis le traité du 15 novembre 1831, nous négocions inutilement, à l’effet d’obtenir l’adhésion de la Hollande au traité. Le ministère précédent est obligé de se retirer devant les difficultés de sa position. Le ministère actuel le remplace, et convaincu que tout espoir d’arrangement avec la Hollande est désormais impossible, il réclame sous la date du 5 octobre, 15 jours après son entrée au pouvoir, non pas l’évacuation de la citadelle d’Anvers, des forts qui en dépendent, sous l’offre de l’abandon de Venloo et du morcellement du Limbourg et du Luxembourg, mais l’exécution pure et simple du traité, dans toutes ses parties susceptibles d’une exécution immédiate. C’est là un fait constant qu’il n’est pas permis de désavouer.
Mais arrive la convention du 22 octobre, et sur la sommation de la France et de l’Angleterre d’évacuer pour le 12 novembre Venloo et les parties du Limbourg et du Luxembourg détachées de la Belgique, le ministère belge se soumet complaisamment à cette évacuation par sa réponse du 2 novembre, sans mettre pour condition l’adhésion de la Hollande au traité, sans marquer aucune sollicitude pour les populations qui appartiennent à ces territoires. C’est cet acte du 2 novembre qui atteste la faiblesse et le manque d’énergie du ministère. Voilà bien l’objection.
J’examine cet acte et, je dois le dire, je n’y vois qu’une conséquence du traité du 15 novembre ; je n’y attache pas le caractère de faiblesse que vous lui reprocher.
Les puissances, dans un intérêt européen, avaient pris la résolution de faire exécuter le traité du 15 novembre,
A ce traité la Belgique avait donné son adhésion. La Hollande l’avait refusée.
La France et l’Angleterre, en sommant les deux parties de consentir à l’évacuation des territoires, n’agissent-elles pas conséquemment au traité ? Cette sommation était-elle de leur part un commencement d’exécution ? La sommation, dans l’ordre politique, n’est pas plus un commencement d’exécution que ne l’est, dans l’ordre civil, un commandement fait en vertu d’un titre exécutoire.
Eh bien ! sommé d’évacuer, et cette sommation n’étant point, je le répète, un acte d’exécution, le ministère belge, en consentant à cette évacuation par sa réponse du 2 novembre, sortait-il des termes du traité du 15 novembre ? Faisait-il autre chose que de donner une simple et nouvelle adhésion au traité ? Je ne sais, messieurs, si je me trompe dans l’interprétation de la réponse du 2 novembre ; mais je crains bien que nous n’établissions ici une confusion de pouvoirs ; je vous prie d’y réfléchir. Quant à moi, à part les conséquences, je pense que la réponse du 2 novembre est dans les droits de la couronne.
La faiblesse du ministère ne pourra se manifester que lorsqu’il s’agira de l’évacuation du fait. Jusqu’à cette évacuation de fait, nul motif n’existe pour accuser le ministère de manquer d’énergie.
On s’alarme du consentement donné à l’évacuation qui devait avoir lieu le 12 novembre. Nous voilà arrivés au 27, et la Belgique est encore en possession du territoire.
Ne faites-vous donc aucune distinction entre l’évacuation consentie de droit et l’évacuation de fait ?
Il est une chose à laquelle, il me semble, qu’on ne fait pas assez d’attention : c’est que, dans la convention du 22 octobre, il s’agit de l’emploi de mesures violentes d’exécution dont il nous est impossible d’apprécier la portée. J’en trouve la preuve dans le projet d’adresse même, paragraphe 5, puisque ce paragraphe et les amendements qui s’y rattachent placent le ministère dans l’attente future d’un éloge ou d’un blâme de sa politique, selon que cette politique produira de bons et de mauvais fruits.
Y a-t-il de la dignité à présenter à un ministère à peine né, dont le système est à peine commencé, l’alternative d’un éloge ou d’un blâme sur le résultat de ce système ? Messieurs, je le dis avec un sentiment de profonde conviction, le moment n’est pas arrivé pour se prononcer sur la marche du ministère, et, fort de ce sentiment, j’accueillerai l’amendement proposé par l’honorable M. Dumont, comme reproduisant mieux la pensée du pays.
M. Dellafaille. - Il me semble que la parole devrait être accordée à M. Dumortier pour développer son sous-amendement.
M de Theux. - Je demande la parole pour une motion d’ordre, Messieurs, je crois que l’assemblée est tellement fatiguée de la longue discussion qui a eu lieu, qu’il n’y a plus d’apparence qu’elle recueille sur la question de nouvelles lumières. Je voudrais donc, quel que soit mon désir d’émettre les motifs de mon vote, qu’on ne rouvrît pas la discussion : je suis prêt à renoncer pour ma part à la parole.
- M. Dumortier est admis à développer son amendement.
M. Dumortier. - Messieurs, j’aurai peu de chose à dire pour développer le sous-amendement que j’ai déposé sur le bureau ; la question à décider se présente sous deux faces bien distinctes. D’un côté il s’agit de blâmer le ministère pour avoir outrepassé ses pouvoirs. C’est à quoi tendent mon amendement, celui de M. de Brouckere et le projet de la commission.
Le blâme hypothétique, voilà la première face de la question. La seconde manière d’envisager la question, c’est celle qui existe non entre nous et le ministère, mais entre nous et la nation, à cause des garanties que nous assure le traité, et que nous devons exiger : c’est le but de mon sous-amendement.
La question de garantie est elle-même complexe : je distingue d’abord la garantie que nous devons exiger au profit des populations abandonnées à la Hollande, secondement la garantie que possède la Belgique, pour l’exécution du traité, tant que le Limbourg et le Luxembourg restent en nos mains ; vous voyez que cette question est de la plus haute importance. Nous avons dit au ministère de s’expliquer sur les garanties ; il y a plus, M. de Muelenaere lui-même a dit qu’en sa qualité de député il se verrait obligé de voter contre le ministère si ces garanties n’étaient pas stipulées. Il a ajouté que ce serait une absurdité de ne pas faire de réserves à cet égard.
Nous avons sommé le ministère de s’expliquer sur les garanties, je le somme de nouveau de donner ces explications, car la question est une question vitale pour la Belgique. Dans une autre circonstance, au mois de mai dernier, M. de Muelenaere n’a pas hésité à communiquer avec la commission de l’adresse, ne pouvant le faire en assemblée générale ; et au moins cette fois les membres de la commission (c’était, je crois. M. Leclercq ou M. Destouvelles) vinrent nous dire que le ministère leur avait donné des éclaircissements satisfaisants. Ici nous n’en avons eu aucun, et quand les ministres ont été interrogés, ils n’ont rien répondu. Ce silence n’est rassurant ni pour nous, ni pour les habitants du Limbourg et du Luxembourg, alors surtout qu’on a articulé ici le mot de séquestre. C’est pour cela, messieurs, que j’ai proposé mon sous-amendement.
M. le président. - Voici un sous-amendement de M. Jullien. Cet amendement reproduit celui de M. H. de Brouckere et se termine ainsi : « Si le ministère avait eu l’imprudence de s’engager à une évacuation de territoire avant l’échange des ratifications, il aurait méconnu les intentions de la chambre, qui en ce cas proteste dès à présent contre des engagements auxquels il n’était point en droit de souscrire. »
M. Jullien. - Messieurs, ce qui se passe dans cette chambre est, je crois, inouï dans les fastes parlementaires.
D’un côté ce sont les représentants de la nation qui accusent les ministres d’être sortis de la légalité et d’avoir enfreint le traité du 15 novembre ; de l’autre ce sont les ministres qui, sans méconnaître leurs actes, soutiennent en face de la chambre qu’en agissant de cette manière ils n’ont fait que se conformer à ses intentions.
Messieurs, cela dépend peut-être de la manière de sentir ; mais il me semble que ce débat est injurieux et humiliant pour la chambre. Car de deux choses l’une : ou bien elle a autorisé l’acte dont s’agit, ou elle ne l’a pas autorisé.
Dans le premier cas il n’y a pas de bonne foi à accuser les ministres, on les calomnie ; l’action de la chambre est à leur égard celle d’un mandant qui désavoue son mandataire, après qu’il a fidèlement exécuté le mandat, et c’est une action lâche.
D’un autre côté, et si le ministère n’a pas été autorisé, il y a de sa part témérité, il y a manque de respect pour la chambre, quand il essaie de rejeter sur elle le blâme d’un acte auquel elle n’a participé, ni de face, ni d’intention.
Je dirai peu de chose sur les moyens employés par le ministère pour rejeter sur la chambre le blâme qui doit peser sur lui. Je ne reviens pas sur la note du 11 mai, dont, je crois, vous avez tous fait justice et dont le ministère a fait justice lui-même, note qui n’a jamais été remise à Londres, et à propos de laquelle on suppose à la chambre des intentions tout autres que celles qu’elle avait. Je ne vous demande, messieurs, qu’un peu de mémoire.
Lors de la clôture de la dernière session, la devise du ministère, et c’était alors celle de la chambre, la devise qui était inscrite sur la bannière de M. de Muelenaere était celle-ci : « Pas de négociations à moins de l’évacuation préalable du territoire. » Eh bien ! nous sommes restés dans les mêmes termes ; et y a-t-il à présent quelque chose dans la conduite du ministère qui se ressemble avec la résolution que nous avons prise quand nous nous sommes séparés ? Absolument non, car autre chose est de dire à la Hollande : Si vous voulez négocier, commencez d’abord à évacuer ; mais aussi longtemps que vous n’aurez pas évacué, il n’y a pas lieu à négociations. Ou bien de dire : Lorsque vous aurez évacué par force la citadelle d’Anvers, on vous remettra Venloo, les territoires qui en dépendent, et les parties du Limbourg et du Luxembourg que vous accorde le traité du 15 novembre. Et cependant ce sont là précisément les termes dans lesquels est conçue cette note du 2 novembre. Vous voyez donc, messieurs, que c’est se jouer de la chambre que de venir invoquer son autorisation pour justifier un acte auquel elle n’a jamais participé et tout à fait contraire à ses intentions.
Mais, peut-être dans le but de détourner l’attention de la chambre, on vient dire : Avez-vous bien réfléchi à ce que vous faites ? C’est quand les circonstances sont graves, quand les périls nous menacent de tous côtés, que vous allez dissoudre le ministère ! Avez-vous bien pesé les conséquences de votre conduite ?
Messieurs, c’est précisément parce que les circonstances sont graves, que nous devons non pas dissoudre le ministère (car tout à l’heure je vais prouver que nos débats ne peuvent mener à ce résultat), mais lui donner des avertissements salutaires. Messieurs, lorsque le vaisseau vogue à pleines voiles et dans une mer calme, on ne fait guère attention à ce que fait le pilote ; mais dans la tempête tous les yeux se tournent sur lui : s’il gouverne mal, on l’avertit, et s’il conduit sur les écueils, on lui arrache le gouvernail. C’est ce que ne veut pas comprendre le ministère, et c’est cependant ce qu’indique le seul instinct de la conservation ; et faudra-t-il pour jeter, conditionnellement encore, un léger blâme sur sa conduite, attendre que nous soyons dans l’abîme ?
On a dit, et c’est l’honorable M. Lebeau : Vous nous attaquez en ce que nous avons provoqué l’intervention étrangère. Pour mon compte je réponds que cela n’est pas. Nous n’attaquons pas le ministère pour avoir provoqué l’intervention ; il ne pouvait pas faire autrement. Du moment que nous admettons que le traité existe, qu’il nous oblige, que la France et l’Angleterre tout au moins en avait garanti l’exécution, lorsque ces puissances ne le faisaient pas, le ministère a bien fait de les sommer à cet effet ; et quand il n’y avait pas d’autre moyen que de recourir à la force, le ministère a encore bien fait d’appeler l’armée française, parce que qui veut la fin veut les moyens.
Mais, parce qu’il a bien fait sous ce rapport, s’ensuit-il qu’il a bien fait aussi de consentir à la cession des territoires du Limbourg et du Luxembourg après la reddition de la citadelle d’Anvers, cession qui ne devait avoir lieu qu’en obtenant des garanties suffisantes pour assurer l’exécution entière du traité, et quand on aurait été bien assuré qu’on ne tournerait pas les moyens contre nous ? Car, encore une fois, et on l’a déjà répété souvent, il y a de l’absurdité, de la folie à se dépouiller des moyens des forces qu’on a au profit de son ennemi, c’est-à-dire pour rendre encore l’exécution du traité plus difficile. Mais c’est ici que j’arrête votre attention, parce que c’est la question qui doit amener la décision que vous prendrez sur l’adresse.
Les ministres qui prétendent n’avoir fait que remplir nos intentions, se sont donné cependant beaucoup de peine pour nous expliquer les leurs. Si leurs intentions étaient les nôtres, la peine était tout au moins superflue. (On rit.) Ils nous ont dit : Parce que dans la note du 2 novembre le gouvernement a consenti à céder les parties du Limbourg et du Luxembourg qui lui sont arrachées par le traité du 15 novembre, ne croyez pas pour cela qu’il est disposé à le faire sans aucune garantie. Au contraire il a pris toutes les précautions imaginables pour obtenir des garanties. Quand ces garanties nous seront données, quand nous seront sûrs que la Hollande voudra bien exécuter le traité, alors seulement nous opérerons la cession.
Comme on pourrait bien me dire que j’ai mal interprété la pensée de MM. les ministres, quoiqu’il n’y ait que 24 heures qu’ils l’ont émise, je demande la permission de citer quelques passage de de leurs discours. Voici ce que disait à la séance d’avant-hier M. de Muelenaere. (L’orateur commence la citation.)
M. de Muelenaere. - Ce n’est pas de moi. (Hilarité.)
M. Jullien. - C’est de M. le ministre des affaires étrangères alors. J’en suis charmé, car j’aurais peut-être oublié M. Goblet. (Nouvelle hilarité.) Voici donc ce que disait M. le ministre des affaires étrangères :
« Craint-on que la transmission ne s’en fasse au gouvernement néerlandais avant que celui-ci n’ait formellement accepté et pris l’engagement de remplir les conditions attachées à leur possession par le traité du 15 novembre ?
« Non, messieurs, il serait contraire aux stipulations renfermées dans le traité de faire remettre les territoires à la Hollande avant que toutes ces conditions n’aient été remplies. »
Il ajoutait encore :
« N’en doutez pas, messieurs, toutes les précautions seront prises pour donner à l’évacuation le caractère formel et rassurant que les circonstances exigent. Le démembrement de deux de nos provinces est un événement devenu inévitable qu’on doit déplorer, mais qu’il faut subir. Toutefois, nous croyons pouvoir assurer que les populations de ces provinces, qui se sont si généreusement associées à notre cause, ne seront pas abandonnées sans garanties.
« Le gouvernement a fixé son attention sur plusieurs questions que soulève le démembrement, et l’éventualité d’un dépôt en des mains tierces, éventualité qui se réaliserait par le refus du gouvernement néerlandais d’accepter et de prendre l’engagement de remplir les conditions attachées à la possession territoriale par le traité du 15 novembre. »
Maintenant, je viens à l’opinion de M. le ministre de l'intérieur. Je n’en citerai qu’un fragment :
« Jusqu’ici, messieurs, j’ai considéré l’évacuation des territoires dans l’hypothèse la plus défavorable, celle où on les abandonnerait à la Hollande sans condition aucune de la part de la Belgique. Mais de ce qu’on a dit que l’exécution du traité commencerait par l’évacuation des territoires, on n’en peut conclure que le roi de Hollande prendrait possession de ces territoires sans avoir rempli les conditions stipulées par le traité. On soutient que le gouvernement belge a abandonné le sort de ces populations sans même les garantir des réactions. On se figure qu’un ministère n’a pas sa part de responsabilité ; que, parce qu’on arrive au pouvoir, on a renoncé à tous les nobles sentiments ; qu’on n’a plus nul souci de l’honneur et des intérêts du pays. Venir blâmer le ministère sans savoir ce qu’il fera, je dis que c’est là un blâme immérité. Il y aurait injustice à flétrir même éventuellement des actes qu’on ne connaît pas. »
Voici d’un autre côté l’opinion de M. de Muelenaere :
« Pour ce qui concerne les conséquences immédiates de l’évacuation de notre territoire par la Hollande, ces conséquences sont encore soumises à une foule d’éventualités. Et s’il était vrai que ce territoire, qu’aux termes du traité du 15 novembre nous devons abandonner, doit être livré immédiatement au roi Guillaume, que les populations qui les couvrent doivent passer sous le joug de leur ancien maître avant que celui-ci ait consenti aux arrangements territoriaux, à remplir toutes les stipulations qui sont imposées relativement aux habitants des territoires qui changent de domination, j’éprouverais le sentiment d’indignation qu’éprouvent nos collègues ; mais il n’en est pas ainsi, il n’en peut être ainsi ; ce serait une stupidité.
« Il me semble, messieurs, que c’est tout à fait dans ce sens que vient de s’expliquer M. le ministre des affaires étrangères ; s’il pouvait y avoir le moindre doute à cet égard, je le prie de s’expliquer, parce que, moi, je ne pourrais consentir à ce que ces populations passassent sous le joug de leur ancien dominateur, sans condition, sans garantie. »
Ainsi résumons toutes ces opinions. Non seulement elles veulent dire, mais elles disent : « Malgré le texte formel de notre vote du novembre, ne croyez pas que nous laisserons exécuter le traité. Nous ne céderons nos provinces et nos forts que pour autant que nous aurons obtenu des garanties qui nous assurent l’exécution entière du traité de la part du roi de Hollande. » Voila vos paroles. Eh bien je les accepte. Et je vous crois ; mais alors ne vous opposez plus à l’adresse, car elle ne vous concerne plus. Nous sommes d’accord.
Nous vous demandions des garanties et vous nous les promettiez ; ce n’est qu’avec ces garanties que vous exécuterez la note du 2 novembre, et vous aurez ainsi d’autant plus de mérite qu’en bons et loyaux diplomates vous aurez fait à peu près tout le contraire de ce que vous dites dans cette note. (Hilarité.)
Ainsi les ministres sont tout à fait désintéressés dans la question ; s’ils agissent comme ils parlent, l’adresse ne leur donne que des éloges, et ce serait leur faire injure que de douter de leur bonne foi. Mais, messieurs, quand les populations du Limbourg et du Luxembourg sont justement effrayées de la note du 2 novembre, nous sera-t-il interdit de les rassurer par l’adresse, de leur donner quelques paroles consolantes, et cela pour ne pas blesser la susceptibilité des ministres qui, comme je viens de le démontrer, n’ont rien à craindre de nos paroles ? Agir ainsi, messieurs, ce serait faiblesse ; tranchons le mot, ce serait une lâcheté.
M. de Robiano de Borsbeek. - Je demande à dire un mot sur l’amendement…
- De toutes parts. - Non ! non !
M. Gendebien.- Que chacun parle à son tour, ou personne. (La clôture ! la clôture !)
M. d’Elhoungne. - Messieurs, tantôt j’ai demandé la clôture parce que je croyais que chacun avait sa conviction formée ; mais par les chicanes qu’on a élevées pour éluder ma proposition de clôture, je m’aperçois du contraire. En conséquence, je crois qu’il est de la dignité de la chambre de continuer la discussion et d’entendre M. Meeus qui a demandé la parole. (Non ! non ! La clôture !)
M. le président. - La clôture étant demandée, je suis obligé de la mettre aux voix.
- La clôture est en effet mise aux voix et prononcée.
M. le président. - Je vais mettre aux voix maintenant la question de savoir à quel amendement on donnera la priorité.
M. d’Elhoungne. - Je demande la parole pour une motion d’ordre. Messieurs, dans le projet d’adresse un passage a fortement fixé l’attention de l’assemblée en ce qu’il blâme la marche du ministère. Divers amendements ont été proposés. On peut les diviser en deux classes : les uns qui prononcent le blâme d’une manière explicite ; les autres désertant la provocation partie du banc du ministère, ne disent rien. Je demande que ces derniers soient écartés par la question préalable, parce qu’après ces longs débats, il est de la dignité de la chambre d’émettre avec franchise une opinion qu’on lui a demandée, et dont le public attend la manifestation. Je pense donc que la question préalable doit être adoptée sur les amendements de MM. Deleeuw et Mary...
M. Mary. - Je n’ai qu’un mot à dire pour renverser la proposition de M. d'Elhoungne quant à mon amendement. C’est que la chambre a décidé qu’on ne le discuterait qu’après le vote sur le paragraphe 4.
M. Deleeuw. - Je ne pense pas qu’on puisse demander la question préalable sur un amendement, par cela seul qu’il ne serait pas assez significatif.
M. H. de Brouckere. - Pour fixer dans quel ordre les amendements seront soumis au vote de l’assemblée, il faut d’abord examiner quel est le paragraphe de l’adresse auquel se rattachent les amendements, et voter sur ceux qui s’écartent le plus du sens du paragraphe. Que fait le projet d’adresse ? Il désapprouve le ministère. Quels sont les amendements qui s’en écartent le plus ? Non pas ceux qui l’approuvent, car il n’y a aucun amendement dans ce sens (on rit), mais ceux qui ne disent rien. Ces amendements sont de véritables ajournements. Le ministère avait demandé l’opinion de la chambre (interruption). Au lieu de la lui donner, on propose un ajournement.
C’est là ce qui s’écarte le plus de l’adresse ; c’est donc sur cela d’abord qu’il faut voter ; et tel est l’ordre que nous avons toujours suivi.
M. de Muelenaere. Je dirai quelques mots pour combattre la fin de non-recevoir proposée parM. d'Elhoungne contre l’amendement de M. Dumont. L’honorable.M. d'Elhoungne vient de vous proposer d’écarter par la question préalable l’amendement de M. Dumont et les autres rédigés dans le même sens. Cette proposition, il la fonde sur deux motifs : le premier, c’est qu’en adoptant l’amendement de M. Dumont, nous aurions inutilement perdu plusieurs jours en discussions oiseuses ; le second, c’est que le ministère ayant lui-même demandé l’opinion de la chambre, vous devez vous prononcer pour ou contre lui. Je vais réfuter l’un et l’autre de ces motifs.
D’abord il n’est pas exact de dire qu’en adoptant l’amendement de M. Dumont, le seul raisonnable, le seul qu’il soit possible d’adopter, la chambre aurait perdu plusieurs jours en discussions oiseuses. C’est de cette discussion qu’est né l’amendement de M. Dumont ; cette discussion ne sera pas perdue, elle aura porté ses fruits, elle aura signalé au ministère des écueils, qu’à l’aide de la discussion il évitera. Le premier motif de M. d'Elhoungne est donc mal fondé.
Le second n’est pas plus fondé : il est vrai que le ministère a provoqué la chambre de s’expliquer sur sa conduite ; mais vous n’êtes pas obligés de répondre, votre dignité même vous l’interdit. En effet, on vous demande un jugement ; sur quoi le prononcerez-vous ? Vous connaissez la convention du 22 octobre, la note du 2 novembre ; vous ne connaissez pas autre chose. Or, que sont ces actes ? Des actes préliminaires qui doivent amener d’autres actes : dans cet état que pouvez-vous blâmer ? que pouvez-vous approuver ?
M. Gendebien. - Je demande la parole.
- Plusieurs voix. - Vous rentrez dans la discussion.
- Autres voix. - La clôture a été prononcée.
M. de Muelenaere. - Il est impossible de prouver que la question préalable est mal fondée, sans rentrer plus ou moins dans le fond de la discussion ; sdit M. d'Elhoungne avait proposé la question préalable avant la clôture…
M. d’Elhoungne. - Je déclare retirer ma proposition. (Hilarité.)
M. de Muelenaere. - Je regrette que l’honorable membre ne m’ait pas laissé achever ma phrase ; j’allais lui proposer de retirer sa proposition. Quant à la question de priorité, je partage entièrement à cet égard l’opinion de M. de Brouckere ; elle appartient à l’amendement qui s’écarte le plus du projet. (Aux voix ! aux voix !)
M. Legrelle. - Je demanderai si l’on votera d’abord sur la proposition de M. Dumont ou sur les sous-amendements, car si l’on commençait par ceux-ci, ce ne serait pas remplir les intentions de la chambre.
M. Dumortier. - Le règlement le veut ainsi.
M. Legrelle. - L’assemblée est d’accord de voter d’abord sur l’amendement qui s’éloigne le plus du projet ; si, pour observer le règlement, vous accordez la priorité à la proposition de M. Dumortier, je crois pouvoir prouver à la chambre qu’elle fera l’inverse de ce qu’elle veut faire ; car le sous-amendement de M. Dumortier est l’inverse de l’amendement de M. Dumont.
M. Gendebien. - Je demande la parole pour un rappel au règlement. Toutes ces considérations sont nulles en présence du règlement qui est formel et que le bureau doit faire exécuter.
M. le président lit l’article du règlement qui veut que les sous-amendements soient votés avant les amendements.
M. Dumortier. - Je demande la parole pour un fait personnel. (Il n’y a rien de personnel !) M. Legrelle m’a fait dire tout le contraire de ce que j’ai dit réellement, il faut bien que je lui réponde. (Non ! non ! ce n’est pas une personnalité.)
M. Devaux. - Je demande la parole sur la question du règlement ; il doit m’être permis de dire deux mots à mon tour. Je dirai d’abord que j’attache peu de prix à la question de priorité, car il est bien certain que ceux qui sont pour l’amendement de M. Dumont voteront contre le sous-amendement de M. Dumortier ; mais il s’agit ici d’une question de règlement qui doit nous régir en plus d’une occasion, et elle mérite qu’on y fasse attention. Il ne dépend pas d’un membre de dire : La proposition que je fais est un sous-amendement, pour que cette proposition passe la première ; il faut en réalité que cette proposition soit un sous-amendement.
M. Lardinois. - C’est juste.
M. Devaux. - Un sous-amendement est une proposition qui, loin d’être entièrement opposée à la proposition principale, adopte en partie cette proposition et la modifie d’une manière accessoire. Est-ce là ce que fait le prétendu sous-amendement de M. Dumortier ? Non. Ici il y a deux systèmes ; l’un qui veut qu’on blâme le ministère et l’autre qui veut qu’on s’abstienne. Or, tandis que M. Dumont fait un amendement dans ce dernier sens, M. Dumortier en fait un dans un sens tout à fait opposé. Mais si celui-ci doit passer avant l’autre, il dépendra donc de moi de faire une autre proposition que j’appellerai un sous-amendement pour la faire voter la première ? On sait qu’il n’en peut être ainsi. Je demande donc que l’on vote d’abord sur l’amendement de M. Dumont.
M. Jullien. - Si la proposition de M. Dumortier n’est pas un sous-amendement, il faudra bien qu’elle devienne quelque chose. (On rit.)
M. Gendebien. - Il ne peut dépendre d’un membre de fixer la priorité des propositions ; le règlement a déterminé ce qu’elles deviennent dans le cas où elles sont appuyées.
M. Dubus. - Il me semble qu’on n’a pas pris garde aux développements donnés par M. Dumortier à sa proposition. On a pu avoir eu l’intention de jeter de la défaveur sur cet amendement, je le conçois ; mais M. Dumortier a eu deux objets : le premier de désapprouver la conduite du gouvernement ; le second d’obtenir des garanties relativement aux territoires cédés. La première partie de l’amendement de M. Dumortier est semblable à la première partie de l’amendement de M. Dumont ; la seconde en diffère, parce qu’il demande des garanties ; c’est donc un véritable sous-amendement.
M. Mary. - Mais en présentant sa proposition, M. Dumortier a dit qu’il ne l’a faite que pour le cas où la proposition de M. Dumont viendrait à passer.
M. Jaminé. - Le sous-amendement a été appuyé ; il a été développé ; personne ne peut contester sa qualité ; il faut le mettre aux voix.
M. de Theux. - C’est à la chambre de décider la contestation elle-même.
M. Gendebien. - Le règlement est là qui a décidé.
M. le président. - Je crois qu’il faut mettre aux voix la question de savoir si l’amendement de M. Dumont aura la priorité ; mais je suis obligé de consulter l’assemblée pour savoir si la proposition de M. Dumortier est un sous-amendement.
M. Dumortier. - Loin de s’écarter de la proposition de M. Dumont, la mienne ne fait que la compléter.
- Des voix. - Finissons ! finissons !
M. le président. - Je dois consulter la chambre pour savoir si la proposition de M. Dumont est principale.
- Des voix. - Appliquez le règlement !
M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - Quelle que soit la qualification que l’on donne à la proposition de M. Dumortier, je supplie la chambre de lui donner la priorité : elle doit sentir que le ministère a hâte de connaître la pensée de la chambre, et que sa position est intolérable.
M. Gendebien. - Si on admet la proposition de M. de Theux, je demanderai, moi, qu’on aille aux voix pour savoir si on ira aux voix sur cette proposition : le règlement a été fait pour éviter ces inconvénients.
- La chambre, consultée décide que la proposition de M. Dumortier est un sous-amendement et qu’elle aura la priorité.
M. le président. - M. Dumortier propose de remplacer quelques expressions de l’amendement de M. Dumont par d’autres mots.
D’après cette modification il faudrait lire ainsi l’amendement de M. Dumont :
« Après des délais interminables, l’obstination de la Hollande a amené l’emploi des moyens coercitifs de la part de deux alliés de V. M. Comme vous, Sire, ils savent que depuis longtemps la mesure des concessions est comblée de notre part, et nous avons la certitude que V. M. se sera assurée que l’abandon de Venloo et le morcellement du Limbourg et du Luxembourg n’auront pas lieu avant l’adhésion de la Hollande à l’exécution du traité.
« Au milieu des circonstances qui nous pressent et dans l’état incomplet des négociations qui nous ont été communiquées, la chambre des représentants croit, dans l’intérêt de l’Etat, devoir s’abstenir de se prononcer sur la marche suivie par le ministère. »
Les mots « et nous avons la certitude que V. M. se sera assurée que l’abandon de Venloo et le morcellement du Limbourg et du Luxembourg n’auront pas lieu avant l’adhésion de la Hollande à l’exécution du traité » sont le sous-amendement de M. Dumortier.
M. le président donne aussi lecture du sous-amendement présenté par M. Dellafaille, et que nous avons donné textuellement plus haut.
- La chambre consultée accorde la priorité au sous-amendement de M. Dumortier.
La chambre délibère le sous-amendement de M. Dumortier par appel nominal ; ceux des membres qui en votent l’adoption, répondent oui ; les autres répondent non.
Voici le résultat de l’appel :
86 membres ont répondu à l’appel ; 42 ont répondu : oui ; 44 ont répondu non.
Le sous-amendement de M. Dumortier est rejeté.
Ont voté pour : MM. Angillis, Brabant, Coppens, Corbisier, Dams, Dautrebande, Meeus, de Brouckere, de Haerne, Desmaisières, d’Elhoungne, Dellafaille, de Meer de Moorsel, de Robaulx, Desmanet de Biesme, Desmet, De Woelmont, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubus, Dumortier, Fallon, Fleussu, de Renesse, Gendebien, Levae, Helias d’Huddeghem, Hye-Hoys, Jaminé, Jonet, Jullien, Liedts, Osy, Pirson, Raymaeckers, C. Rodenbach, Rouppe, Tiecken de Terhove, Speelman, Vergauwen, Watlet et Zoude.
Ont voté contre : MM. de Bousies, Boucqueau de Villeraie, Fortamps, Cols, Coppieters, Davignon, de Foere, Deleeuw, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Sécus, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dugniolle, Dumont, Jacques, Lardinois, Lebeau, Jos. Vanderbelen, Legrelle, Mary, Dubois, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Pirmez, Polfvliet, Poschet, Raikem, Rogier, Donny, Thienpont, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, de Robiano, Verdussen, Verhagen, H. Vilain XIII et Vuylsteke.
- Le sous-amendement de M. Dellafaille est également soumis à l’appel nominal.
86 membres ont répondu à l’appel,
39 ont voté l’adoption, ou ont répondu oui,
47 ont répondu non.
Le sous-amendement de M. Delafaille est rejeté.
Ont voté pour : MM. Angillis, Coppens, Corbisier, Dams, Dautrebande, H. de Brouckere, de Haerne, Desmaisières, d’Elhoungne, Dellafaille, de Meer de Moorsel, de Robaulx, Desmanet de Biesme, Desmet, de Woelmont, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubus, Dumortier, Fallon, Fleussu, de Renesse, Gendebien, Levae, Hélias d’Huddeghem, Hye-Hoys, Jaminé, Jonet, Jullien, Osy, Pirson, Raymaeckers, C. Rodenbach, Rouppe, Tiecken de Terhove, Speelman, Vergauwen, Watlet, Zoude.
Ont voté contre : MM. de Bousies, Boucqueau de Villeraie Fortamps, Brabant, Cols, Coppieters, Davignon, Meeus, de Foere, Deleeuw, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Sécus, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dugniolle, Dumont, Jacques, Lardinois, Lebeau, Jos. Vanderbelen, Legrelle, Liedts, Mary, Dubois, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Pirmez, Polfvliet, Poschet, Raikem, Rogier, Donny, Thienpont, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, de Robiano, Verdussen, Verhagen, H. Vilain XIIII, Vuylsteke.
- L’amendement de M. Dumont est enfin soumis à l’appel nominal.
86 membres ont répondu à l’appel.
44 ont voté l’adoption et ont répondu oui.
42 ont répondu non.
L’amendement de M. Dumont est adopté.
Cet amendement que nous avons rapporté dans le compte-rendu d’une précédente séance, d’après une rédaction nouvelle, est conçu en ces termes :
« « Après des délais interminables, l’obstination de la Hollande a amené l’emploi des moyens coercitifs de la part de deux alliés de Votre Majesté. Comme vous, Sire, ils savent que depuis longtemps la mesure des concessions est comblée de notre part, et nous avons la certitude que le roi des Belges défendra avec la dernière énergie et nos droits, et nos intérêts, et l’honneur national.
« Au milieu des circonstances qui nous pressent, et dans l’état incomplet des négociations qui nous ont été communiquées, la chambre des représentants croit, dans l’intérêt de l’Etat, devoir s’abstenir de se prononcer sur la marche suivie par le ministère. »
- Ont voté pour l’amendement de M. Dumont les mêmes membres qui ont voté contre le sous-amendement de M. Dumortier.
Ont voté contre l’amendement de M. Dumont les mêmes membres qui ont voté pour le sous-amendement de M. Dumortier. (Voir la liste plus haut.)
M. de Robaulx. - Il doit être important pour chacun de nous que l’on sache dans quel sens nous avons voté, et que les ministres ont pris part à leur jugement ; je demande que nos noms soient insérés au procès-verbal.
M. F. de Mérode. - Que M. de Robaulx nous absolve ou nous condamne, qu’importe : nous avons agi dans l’intérêt du pays.
M. le président. - Je dois consulter la chambre pour savoir si les noms des votants seront au procès-verbal.
- Plusieurs voix. - Toute l’opposition réclame cette insertion.
- L’insertion est ordonnée.
La séance est levée à quatre heures et demie.