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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 26 juin 1832

(Moniteur belge n°180, du 26 juin 1832)

(Présidence de M. de Gerlache.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

A une heure on procède à l’appel nominal.

M. Dellafaille fait lecture du procès-verbal ; la rédaction en adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Jacques analyse plusieurs pétitions adressées à la chambre ; ces pétitions sont renvoyées à la commission spéciale.

Projet de loi portant organisation judiciaire

Second vote des articles

L’ordre du jour est la discussion sur les amendements faits à la loi relative à l’organisation judiciaire et sur les articles de cette loi qui ont été rejetés lors de la première discussion.

Titre I. De la cour de cassation

Article 2

M. le président. - L’article premier n’a pas été amendé. L’article 2, qui détermine le nombre des conseillers de la cour de cassation, a été amendé : au lieu de 22 conseillers, on a admis le nombre 16.

M. Helias d’Huddeghem. - Je demanderai si l’assemblée suivra l’ordre qu’elle a déjà suivi dans la première discussion ; on a commencé par déterminer le nombre des juges des tribunaux de première instance, puis on a porté le nombre des conseillers en appel à 5, et on a terminé par fixer le nombre des conseillers d’une des chambres de la cour de cassation.

M. Van Meenen. - Messieurs, dans l’état où se trouve le projet de loi, je ne croirais pas pouvoir en voter l’adoption sans me rendre parjure à la constitution. Je suis convaincu que ce projet doit être modifié. Je vais soumettre à l’assemblée mes vues ; je lui annoncerai l’ensemble des modifications que la loi doit subir ; cette marche me paraît préférable à celle que l’on suit quelquefois. Je ne veux pas, au milieu d’un débat, donner un amendement qui complique tout, embrouille tout et qui, au lieu d’aider à terminer les choses, rend les choses interminables.

La première observation que je ferai est celle sur laquelle je suis revenu nombre de fois dans la précédente discussion ; c’est que nous n’avons pas à faire une organisation judiciaire ; c’est que nous avons à pourvoir aux besoins prévus par les articles 135 et 136 de la constitution, et non à ceux prévus par l’article 139 de le même constitution. Ce n’est pas sans intention que le congrès a, par l’article 139, classé les matières sur lesquelles le législateur devait prêter son attention.

L’organisation judiciaire est le sixième objet dont les chambres doivent s’occuper, et ce n’est qu’après l’achèvement de divers travaux que nous pouvons en venir à celui-là.

Qu’avons-nous à faire maintenant ? A pourvoir aux besoins prévus par les articles 135 et 136 de la constitution.

L’article 135 dit : « Le personnel des cours et des tribunaux est maintenu tel qu’il existe actuellement, jusqu’à ce qu’il y ait été pourvu par une loi.

« Cette loi devra être portée pendant la première session législative. »

L’article 136 dit : « Une loi portée dans la même session déterminera le mode de la première nomination des membres de la cour de cassation. »

Nous avons donc deux lois à faire. Nous pouvons embrasser ces deux lois en une si nous voulons ; mais nous ne devons nous occuper que de ces deux objets.

Comme les éléments de la cour de cassation n’existent nulle part, nous avons à déterminer le mode de première nomination.

Relativement aux cours et tribunaux, nous avons à appliquer l’article 104 de la constitution, lequel est ainsi conçu : « Il y a trois cours d’appel en Belgique. La loi détermine leur ressort et les lieux où elles sont établies. »

Ainsi nous devons faire une loi pour l’exécution d’une troisième cour d’appel, puisqu’il n’y en a que deux d’existant. Nous avons à déterminer les éléments dont elle sera composée, à déterminer son ressort ; nous pouvons, en créant cette cour, modifier celles qui existent ; nous pouvons pourvoir par une loi au personnel des cours et tribunaux. Ce sont là, messieurs, les lois que nous avons à porter.

Nous nous sommes fourvoyés, car nous avons agi comme si nous avions eu à organiser un système judiciaire tout entier. Nous ne devions pas, nous ne pouvions pas nous en occuper : nous ne le devions pas, parce que la constitution nous donnait tout autre chose à faire ; nous ne le pouvions pas, parce que cette organisation demande plus de temps que nous n’avons à lui consacrer à la fin d’une session.

Par la loi qui nous a été soumise, nous nous sommes jetés de toutes parts ; nous avons touché à tout sans achever rien ; nous avons soulevé toutes les questions sans en donner la solution d’une manière franche et précise.

Une seconde cause de perturbation est venue se mêler à nos débats, c’est qu’on a introduit quelques principes étrangers à notre constitution, et qu’on s’en est servi pour justifier plusieurs dispositions. Je signalerai particulièrement le principe monarchique qui a été invoqué dans les discussions.

Messieurs, le principe monarchique, c’est une de ces doctrines dont on fait tout ce que l’on veut. On admet ce principe qui n’est pas limité, qui n’est pas défini, vous aboutirez à ce que vous voudrez ; posez-le, et de conséquence en conséquence, vous irez où vous voudrez.

Notre constitution n’admet point de principe monarchique ni de principe républicain, elle est toute positive. Les articles relatifs aux pouvoirs du Roi sont sur ce point très explicites, et notamment l’article 68. Dès lors, messieurs, nous n’avons pas de raison pour invoquer parmi nous le principe monarchique ; nous ne pouvons même pas l’invoquer plutôt que le principe républicain ; tout chez nous est constitutionnel ; dans la constitution est la règle de tous les pouvoirs. On ne peut pas raisonner chez nous comme on raisonne en France. En France, la constitution disait : « Toute justice émane du Roi. » Nous, nous disons tous les pouvoirs émanent de la nation ; nous ne reconnaissons pas d’émanation royale. En invoquant le principe monarchique, on mêle à nos discussions un élément tout à fait étranger à notre état social, et cet élément a dû naturellement fausser les résultats de nos délibérations. On peut juger par là à combien d’observations, à combien d’erreurs nous avons été conduits.

D’après cela, messieurs, il n’est pas étonnant que le projet de loi dont la seconde lecture vous est soumise, renferme des vices tellement nombreux que, dans l’état où il est, je le trouve tout à fait inadmissible.

Je vais vous rendre compte des dispositions qui me paraissent de nature à devoir subir des modifications.

Je m’arrête d’abord à l’article 2, qui détermine le nombre des conseillers qui composeront la cour de cassation.

Cet article se rattache naturellement aux articles 21 et 40, par lesquels vous avez dit, que les arrêts des cours d’appel ne pouvaient être rendus que par 5 conseillers, et les jugements des tribunaux que par 3 juges.

J’ai déjà dit que ces dispositions devaient être changées ; je pense toujours de même. Je ne crois pas qu’on puisse infirmer par un arrêt de 5 conseillers, un jugement porté par trois juges. Si nous innovons, innovons de manière à améliorer.

Avec sept conseillers, portant arrêt, je conçois que l’on n’ait pas toutes les chances que l’on pourrait désirer dans les oracles de la justice ; mais du moins il n’y a pas le nombre convenable quand on ne veut pas trop multiplier les rouages de la justice.

Mais avec 5 conseillers infirmant un arrêt, sur 6 cas il y a en a trois où c’est la minorité qui infirme le jugement porté par la majorité ; et dans deux autres cas, c’est à égalité de juges, pour et contre, que le jugement est infirmé ; vous devez donc rejeter le nombre de 5 conseillers exigé pour rendre arrêt et revenir au nombre proposé par la section centrale. Voilà pourquoi je proposerai de rétablir le texte de la section centrale pour les articles 2, 21, et pour d’autres…

M. Devaux. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.

Je crois que le règlement interdit positivement toute discussion générale à la seconde lecture d’un projet de loi. J’aurais beaucoup de plaisir à entendre M. Van Meenen, mais je crois que l’honorable orateur doit se borner à parler de l’article 2.

M. Van Meenen. - Eh bien, messieurs, je vais parler de l’article 2.

M. le président. - Il faudrait savoir dans quel ordre nous voulons discuter le projet.

M. Nothomb. - L’ordre est fixé par le règlement ; l’article 45 du règlement dit qu’on ne peut s’occuper que des amendements et des articles rejetés.

M. Destouvelles. - L’article 45 ne résout pas la question proposée. Nul doute que les amendements et les articles rejetés doivent être soumis à la délibération de la chambre ; mais il faut savoir dans quel ordre on discutera ces amendements et ces articles rejetés.

M. le président. - Si cela est ainsi, on commencera par l’article 47 puis on viendra successivement aux articles 40, 21, 2 et de là on passera à l’article 18. Si cet ordre est admis, la discussion est ouverte sur l’article 47.

Titre III. Des tribunaux

Article 47

Dans cet article 47 l’amendement est le nombre « fixe » de trois juges pour rendre jugement en première instance.

- L’amendement mis aux voix est adopté.

Titre II. Des cours d'appel

Article 40

M. le président. - Dans l’article 40 qui détermine le nombre des conseillers qui rendront arrêt, au lieu du nombre 7 vous avez mis le nombre « fixe » de 5 conseillers.

M. Van Meenen. - Je viens d’exposer les raisons qui me déterminent à demander 7 conseillers : avec 5 conseillers seulement vous avez, sur six cas, lorsqu’il y a infirmation, trois cas où la minorité des conseillers d’appel réunie aux juges de première instance qui ont porté le jugement, donne un nombre supérieur à la majorité des conseillers qui prononce l’infirmation ; et deux cas où l’infirmation est prononcée quoiqu’il y ait égalité de juges pour et contre.

Vous voulez éviter les recours en cassation ; eh bien, environnez les arrêts des cours d’appel d’une telle considération qu’on les regarde comme des oracles judiciaires.

M. Destouvelles. - J’appuie fortement les observations soumises par le préopinant ; à ces observations j’en joindrai une autre et j’appellerai votre attention sur un fait digne d’exercer de l’influence sur vos délibérations.

Lorsque les magistrats des cours d’appel avaient la faculté de prononcer au nombre de 5 conseillers, faculté commandée par des circonstances particulières, ils en ont fait usage le moins souvent possible ; ils ne siégeaient au nombre de 5 que lorsqu’ils ne pouvaient pas faire autrement. Or, quels sont les meilleurs juges de la manière dont une chambre doit être composée, si ce ne sont les magistrats aux assises ?

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Messieurs, on a déduit dans les précédentes séances tous les arguments en faveur de la disposition qui a été adoptée dans le projet en discussion ; je ne vois pas qu’on ait énervé ceux qu’on a fait valoir pour changer le nombre de 7 conseillers dans le nombre 5, pour composer une chambre.

Avec 7 conseillers, dit-on, on évitera les pourvois en cassation ; je ne le crois pas : les pourvois en cassation ne dépendent pas de nombre des conseillers qui ont prononcé, mais bien de la nature des questions qu’ils avaient à résoudre.

On vient de dire que les magistrats actuels ne siégeaient au nombre de 5 conseillers que quand ils étaient dans l’impossibilité de se réunir au nombre de 7 ; je conçois qu’avec la latitude qui leur était laissée ils préférassent prononcer au nombre de 7 ; mais je ne vois pas l’utilité de ce nombre pour rendre un arrêt civil ; la bonté d’un arrêt dépendra plutôt des conseillers qui siégeront que de leur nombre, et je crois, messieurs, que 5 bons conseillers suffisent pour rendre un bon arrêt.

M. Barthélemy. - Je ne rentrerai pas dans les discussions qui ont eu lieu ; je reprendrai un fait que l’on vient de citer. Il y a seize années que les magistrats sont autorisés à juger au nombre de 5 ou de 7 ; à Bruxelles on a jugé constamment à 5 ; à Liége, on a jugé à 7. Aujourd’hui, avec 21 conseillers, si vous leur en laissiez la faculté, ils pourraient encore juger au nombre de 7. Mais pourquoi préfèrent-ils juger à 7 ? C’est parce que les rapports sont distribués entre un plus grand nombre de conseillers, c’est que la responsabilité de chacun est moins grande.

A Bruxelles on a toujours prononcé avec 5 conseillers, il y a trois chambres qui jugent en appel ; à Liége, il n’y en a que 2, on compte 40 pourvois contre les arrêts de la cour de Bruxelles, et 20 pourvois contre ceux de la cour de Liége ; ainsi, vous voyez que le nombre des conseillers qui composent une chambre n’influe pas sur les idées qu’on se forme relativement à la bonté des décisions.

Je ne prétends pas qu’on juge plus mal à 7 qu’à 5 ; mais je crois que dans l’état des choses vous trouverez plus facilement 5 bons conseillers que 7. Je connais assez le personnel de la magistrature pour pouvoir le dire.

A la cour de Bruxelles, il y a telle chambre où j’aurais mieux aimé être jugé par 5 conseillers qu’ailleurs par 7 ; je puis avouer cela sans crainte d’être contredit, c’est un fait généralement connu.

La bonté des arrêts dépendra du choix que l’on fera des conseillers ; quand vous aurez 5 bons conseillers plus faciles à trouver que 7, vous aurez un bon arrêt.

Vous avez déjà porté trop haut le nombre total des conseillers des cours de Bruxelles et de Liége, en le fixant à 21. Je vous ai fait remarquer qu’en ajoutant à ces conseillers ceux de la nouvelle cour d’appel de Gand et de la cour de cassation, vous auriez un personnel plus nombreux que celui que vous avez aujourd’hui. Je ne veux pas voter pour un nombre plus élevé encore. Vous ne pouvez pas faire du gouvernement à bon marché en augmentent le nombre des magistrats. Au lieu de surcharger le trésor, mettons tous nos soins à simplifier la magistrature. Débarrassons les cours d’appel de la justice criminelle, elles seront assez nombreuses ; vous aurez des gens sages et capables pour les composer quand vous en demanderez un petit nombre ; vous pourrez les mieux rétribuer et leur faire une situation aussi agréable que celle des avocats, qui maintenant gagnent trois fois plus qu’un conseiller.

M. Destouvelles. - Le ministre de la justice dit que 5 conseillers peuvent rendre un bon arrêt, et qu’il fallait s’attacher à la qualité des magistrats et non à la quantité.

Je dis, moi, qu’il y a plus de présomption en faveur des lumières de 7 magistrats qu’en faveur des lumières de 5. Dans une matière semblable, il est assez extraordinaire qu’on vienne nous lâcher ce mot : faisons du gouvernement à bon marché. Messieurs, faisons une organisation judiciaire telle qu’elle doit être. Quelques milliers de francs ne rendront pas la Belgique plus pauvre ; si les cours d’appel jugent à 5, ayant la faculté de juger à 7, c’est parce que les conseillers ont le sentiment de ce qui convient le plus aux justiciables, à la bonne administration de la justice. L’exercice de la latitude qui leur a été accordée est un argument très fort contre le nombre 5.

On ne veut pas de 7 conseillers pour composer une chambre ; il y a disette d’hommes en Belgique, une magistrature nombreuse ne peut y être formée : messieurs, je vois avec peine qu’à tout moment il descende de cette tribune des paroles injurieuses pour la nation : s’agit-il du jury, de finances, s’agit-il d’hommes de guerre, de ministres nous sommes dans une pénurie désolante, et c’est toujours nous qui déversons sur la nation le mépris… Nous nous ne sommes pas en disette d’hommes capables de composer une bonne magistrature ; le barreau est riche d’intelligence, et nous avons les moyens d’avoir des conseillers nombreux et éclairés.

Je dis, messieurs, qu’il ne s’agit pas ici d’une grande surcharge pour le trésor ; 2 ou 3 conseillers de plus ne sont pas une dépense qui puisse balancer les avantages qui doivent résulter du nombre 7.

M. Leclercq. - Je ne rentrerai pas dans le fond de la discussion ; je veux seulement relever une erreur dans laquelle est tombé M. Barthélemy. Si les magistrats préfèrent juger à 7, parce qu’ils en ont la latitude, ce n’est pas pour partager la besogne entre un plus grand nombre et la rendre plus facile, c’est parce qu’ils conçoivent très bien que 7 conseillers offrent plus de garanties aux justiciables que 5.

M. Lebeau. - Je n’ai que très peu d’observations à faire au préopinant. Véritablement il n’a pas été produit d’argument nouveau dans cette discussion, M. Destouvelles parle avec indifférence du gouvernement à bon marché ; je ne suis pas partisan exclusif du bon marché ; mais j’admets généralement le principe des économies. Il ne s’agit pas seulement de quelques mille francs, comme on le prétend ; avec le personnel tel qu’il est dans la loi, nous allons avoir proportionnellement la magistrature la plus chère de l’Europe ; nous augmentons de 20 conseillers le personnel actuellement existant des cours.

On revient toujours à cet argument que 7 conseillers donnent plus de garanties que 5 ; mais cet argument conduit plus loin qu’on ne veut : 7 conseillers donnent plus de garanties que 5 ; sans doute, mais 9 en donnent plus que 7 ; ils en donnent plus que 9 ; et il faut bien poser une limite. Comme nous n’avons pas entendu porter de plaintes contre les arrêts rendus par 5 conseillers, à Bruxelles où cet usage a prévalu, nous préférons le nombre 5.

A Liége les conseillers ont préféré rendre les arrêts au nombre de 7, parce qu’ils en avaient la faculté ; s’ils avaient eu celle de juger à 9, ils auraient jugé à 9, parce que la responsabilité morale est moins grande pour chacun quand elle est plus divisée, la conscience est plus à l’aise.

Et les jurés, messieurs, croyez-vous qu’ils n’aimeraient pas mieux juger à 24 qu’à 12 ? Si j’étais juré, je préférerais avoir 23 collèges que 11. Et sur le siège des jurés et sur le siège des juges, il ne faut pas éparpiller la responsabilité, de manière qu’elle devienne pour l’individu à peu près nulle.

Il est dans l’intention de la majorité de cette chambre de revenir sur les attributions des cours ; si vous ôtez aux cours d’appel les jugements criminels, les chambres de mise en accusation, que ferez-vous du luxe, du superflu de magistrats qui résultera de la diminution de leurs travaux ? Cependant les conseils auront des droits acquis, des droits respectables.

Quant à ce qu’a dit M. Van Meenen sur l’influence des nombres, on en a entendu la réfutation dans les séances précédentes. La proposition de M. Van Meenen est inexacte, car 7 conseillers ne feraient pas disparaître la prétendue anomalie qu’il signale. Sur 7 conseillers il en faut 4 pour infirmer un jugement ; les 3 autres conseillers réunis aux 3 juges de première instance font une majorité de 6 juges contre 4. Pour que la majorité infirmât dans tous les cas, il ne faudrait pas s’arrêter à 9, il faudrait aller à 11 pour avoir cette majorité ; je ne sais pas même si on l’obtiendrait.

- Plusieurs membres. - Non ! Non !

M. Lebeau. - Je n’en dirai pas davantage, chacun de nous a eu le temps de réfléchir sur tous les arguments qui ont été produits. Je persiste dans mon opinion.

M. Fleussu. - Oui, il faut s’arrêter quelque part : mais où faut-il s’arrêter ? Là où l’expérience a montré qu’on pouvait poser la limite sans danger. De quel côté est l’expérience ? Est-elle du côté de ceux qui veulent 5 conseillers ? Messieurs, vous savez tous que par les lois françaises, tous les arrêts doivent être rendus par 7 conseillers, et que jamais aucune plainte ne s’est élevée contre le système. Ces lois sont en vigueur depuis plus de trente ans.

A Liége jamais on n’a jugé avec 5 conseillers. Ce nombre répugnait à ce point, que deux avocats qui se présentaient pour plaider une affaire, voyant la chambre composée de 5 conseillers, se sont accordés pour demander la remise de la cause.

Il me semble que des magistrats qui depuis 10 ou 20 ans rendent la justice, doivent savoir tout aussi bien que nous que c’est le nombre de conseillers nécessaire pour rendre des arrêts. Consultez leur expérience, voyez les observations présentées par la cour de Bruxelles, par la cour de Liége, et vous verrez que l’une et l’autre insistent pour demander que les arrêts soient rendus au nombre de 7.

Messieurs, ce n’est pas lorsqu’il s’agit de l’administration de la justice qu’il faut être parcimonieux ; pensez-y bien, une bonne administration de la justice est la sauvegarde de toutes vos institutions, c’est aussi la justice qui est la sauvegarde de la fortune et de l’honneur des citoyens. Il faut rendre les arrêts avec la solennité convenable ; il faut que les décisions du juge inspirent une grande confiance ; quoi qu’on en dise, il est évident qu’une décision rendue par 7 conseillers inspirera plus de confiance qu’une décision rendue par 5, et il arrivera presque toujours que les décisions rendues par 7 juges seront meilleures que celles rendues par 5 juges.

D’après ces considérations, j’appuierai l’amendement de M. Van Meenen.

Tous ceux qui demandent 5 conseillers, si leur fortune était engagée dans un procès, voudraient être jugés par 7.

M. Mary. - Il ne faut pas de parcimonie dans la distribution de la justice ; mais il ne faut pas augmenter outre mesure le nombre des magistrats. Nous avons actuellement dans les cours de Liége et de Bruxelles 63 conseillers ; nous sommes loin de faire des réductions puisqu’en créant la cour de cassation et la cour de Gand, nous allons avoir un personnel de 78 conseillers ; c’est donc une augmentation de 18.

A Bruxelles et dans la plupart des cours d’appel, les affaires sont tenues en délibéré pendant plusieurs mois. Les conseillers, quand ils se réunissent pour décider, ont oublié les plaidoiries. Il faudrait que les affaires fussent jugées comme en France, sans être tenues en délibéré. Les conseils se réunissent aussitôt après les plaidoiries, ils prennent une décision ; on pose les bases d’un arrêt, et un conseiller est chargé ensuite de les développer, de rédiger l’arrêt.

La cour de Bruxelles juge depuis 15 ans assez généralement au nombre de 5 conseillers ; on ne s’est pas plaint de ses décisions. Je crois que nous devons nous en tenir à ce nombre 5 ; il suffit pour que l’on rende bonne justice.

M. de Robaulx. - La formation d’une troisième cour à Gand détachant 300 mille habitants du ressort des autres cours d’appel, celles-ci auront moins d’affaires à juger. Si on ne veut pas augmenter le nombre des magistrats, si par parcimonie on veut borner le nombre des conseillers à 79, voici quel serait mon avis. Ce serait de permettre aux cours de pouvoir juger avec plus de conseillers quand elles le pourraient. Les chambres ne siègent pas toutes le même jour ; alors on peut composer celle qui siège de 7, de 9 magistrats : pourquoi refuser des lumières quand on peut avoir des lumières ? Ah ! messieurs, dit-on, il est plus facile de trouver 5 bons juges que 7 ; puérilité ; c’est abuser des mots. Lorsqu’il y a cinq conseillers dans plusieurs chambres, il peut y en avoir 7 dans celle qui siège et les bons juges sont tout trouvés.

Je voudrais qu’on pût juger au nombre de 5 juges au moins, et qu’on ait la faculté de juger à un plus grand nombre, si cela est possible. Par là, les économistes seront satisfaits, et ceux qui désirent plus de conseillers seront satisfaits aussi.

M. Jullien. - Je crois que tout a été dit sur cette question. Mais ce que personne n’a osé dire et qu’il faut dire, c’est que l’on juge mieux à 7 qu’à 5. Tout se réduit donc à une question d’argent, à une question de parcimonie. Eh bien, décidons si nous admettrons la parcimonie dans la question la plus importante.

Dans une question de budget, on demandait s’il fallait douze chanoines, et si on ne pouvait pas réduire ce nombre à six, à huit ; sans explication, la grande majorité répondit, par son vote, qu’il fallait 12 chanoines. Il y a luxe, abondance, quand il s’agit de chanoines ; il y a parcimonie, quand il s’agit de juges ; je ne comprends pas cette manière de procéder.

Je persiste dans la même opinion que j’avais. Ce que j’ai entendu n’a pas changé ma conviction, et j’appuie la proposition de la section centrale.

J’oubliais de dire un fait qui combat victorieusement la parcimonie ; c’est qu’à Bruxelles, à la cour de cassation, des affaires correctionnelles n’ont pu être jugées à cause de la trop grande abondance de procès de ce genre. Peut-on diminuer le nombre des juges quand ils sont surchargés de travaux ?

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Comme tout a été dit sur cette question, je me bornerai à de très courtes observations, et d’abord si vous donnez aux cours la latitude de juger au nombre de 7 juges, il faudra, pour suivre les mêmes proportions, augmenter le nombre des conseillers près la cour de cassation.

On a parlé de la législation de 1810, exécutée en France jusqu’à présent et sans réclamation, a-t-on dit ; mais je ferai observer que d’après la loi de 1810 elle-même, certaines affaires civiles peuvent être jugées par les cours, au nombre de 5 conseillers seulement ; telles sont les affaires sommaires attribuées à la chambre des appels de police correctionnelle. La loi de 1810 avait innové sur ce point à la législation de l’an VIII. Or, dans les affaires sommaires, il y a des affaires très importantes et très ardues, comme celles en matière d’ordre, par exemple. La loi de 1810 qu’on invoque n’est donc pas aussi éloignée qu’on le dit du système de l’amendement et ses auteurs ont cru que 5 conseillers étaient capables de rendre un bon arrêt.

Au surplus, on ne nous a rien dit aujourd’hui qui soit propre à nous faire revenir sur la disposition de l’amendement adopté. Il y a donc lieu de le maintenir ; je ferai observer en outre que la cour de Liége n’a pas réclamé contre la disposition du projet qui fixait à 5 le nombre des conseillers. (La clôture ! la clôture !)

M. Devaux. - Un honorable membre a proposé un amendement, je crois qu’il doit être permis de dire un mot sur cet amendement.

M. le président. - Voici les termes de l’amendement déposé par M. de Robaulx en matière civile : « Les cours d’appel ne peuvent juger qu’au nombre de 5 conseillers au moins, y compris le président. »

M. Van Meenen. - Il faut ajouter, « et en tout cas en nombre impair. »

M. de Robaulx. - J’avais rayé de l’amendement les mots en nombre impair, parce que d’après mes principes, je voudrais que les cours pussent siéger au nombre de 6 conseillers, afin qu’en cas de partage l’affaire pût être jugée plus solennellement. Dans les affaires graves, les cours ne sont pas éloignées de se former en nombre pair, pour que, le cas de partage arrivant, la cause soit soumise à un plus grand nombre de juges. D’un autre côté, un arrêt rendu par 6 juges suppose une majorité de deux voix au moins et l’autorité de la décision en est augmentée. Du reste, si la chambre tient à ce que les conseillers jugent toujours en nombre impair, je n’insisterai pas.

M. Devaux. - Messieurs, j’avais, lors de la première discussion, écrit moi-même un amendement semblable à celui de M. de Robaulx, mais je fus forcé d’y renoncer, et mon principal motif fut que cela nécessiterait l’augmentation du nombre des membres fixé pour la cour de cassation. Si vous laissez incertain le nombre de conseillers qu’il faudra dans les cours d’appel pour rendre arrêt, il faudra faire de même pour la cour de cassation, fixer un minimum et un maximum, parce qu’il paraît que l’assemblée tout entière est d’avis qu’il faut maintenir une espèce de hiérarchie de chiffres entre les divers degrés de juridiction. Pour moi, je m’oppose à ce qu’on augmente le nombre de conseillers de la cour de cassation.

On a dit et répété qu’il y avait plus de garantie à être jugé par un plus grand nombre de juges ; oui à lumières égales, mais ici la difficulté est de trouver assez d’hommes capables pour composer un personnel comme celui qu’on propose. On vient de nous blâmer d’avoir dit que nous manquions de capacités, vous laissez, dit-on, tomber de la tribune des paroles injurieuses à la nation. Messieurs, il ne faut pas flatter la nation, il faut lui dire la vérité, et ce n’est pas l’injurier que de lui représenter les choses comme elles sont. La Belgique entre à peine dans le régime constitutionnel qui est éminemment le régime des capacités.

Dans les gouvernements absolus, les capacités sont moins nécessaires, là souvent il suffit de trois ou quatre hommes capables pour faire marcher toutes les affaires de l’Etat ; mais dans un gouvernement constitutionnel il faut des capacités partout ; il en faut dans le ministère, il en faut dans la première chambre, il en faut dans la seconde, il en faut dans les cours, il en faut dans les tribunaux, il en faut dans les états provinciaux, dans les administrations communales, dans les conseils de régence, en un mot il en faut partout. Ce gouvernement absorbe une énorme quantité de capacités.

Ce besoin de capacités nous impose le devoir de nous en montrer avares, et nous le pouvons ici sans nuire au bien du service. On nous a opposé l’expérience, et laquelle ? celle qui a été faite en France depuis la loi de 1810 ; mais à l’expérience de la France nous pourrions opposer celle de l’Angleterre. Là il a été reconnu que les tribunaux d’un personnel peu nombreux étaient les meilleurs. On juge toujours en France au nombre de sept conseillers, dit-on, et l’on n’a jamais rien changé à cet usage. Si l’on n’a rien changé à cet égard en France, j’ose dire que c’est parce qu’on n’a pas eu le temps de s’occuper de cette réforme, et je suis certain que quand on le pourra, on se montrera moins sobre que nous d’améliorations. J’en trouve la preuve dans ce qu’on a fait tout récemment. Une loi a été portée qui modifie les lois criminelles, et dans cette loi, nonobstant l’expérience d’après laquelle 5 conseillers, avaient été jusque-là appelés à siéger dans les cours d’assises, on a réduit ce nombre à trois. L’expérience n’est donc pas si bien établie en France qu’on doive s’y rendre sans raisonnement.

M. Fleussu. - Messieurs, on a dit qu’en France on n’avait pas eu le temps de s’occuper de la réduction du nombre des conseillers, c’est une erreur. On a réduit de 5 à 3 les conseillers qui doivent siéger à la cour d’assises, et on a laissé subsister le nombre de sept pour les matières civiles.

Or de ce qu’en diminuant les uns on laisse subsister les autres, n’en faut-il pas conclure que l’on a reconnu l’utilité de maintenir le nombre de sept ? (La clôture !)

M. Destouvelles. - On a parlé des institutions judiciaires de l’Angleterre, ou nous cite un exemple qui n’est pas à imiter ; car là, où un magistrat forme à lui seul un tribunal, il y a 40 ou 50 mille causes arriérées ; c’est un fait de notoriété publique.

- La clôture est réclamée de nouveau et prononcée.

M. le président. - Il y a deux amendements, celui de M. Van Meenen et celui de M. de Robaulx. Lequel dois-je mettre aux voix ?

M. Van Meenen. - Mon amendement est l’article primitif de la section centrale.

- Plusieurs voix. - Il faut mettre aux voix l’amendement de M. de Robaulx, (Appuyé ! appuyé ! Non ! non !)

M. Devaux. - L’amendement de M. Van Meenen n’est autre chose que le projet lui-même. Il faut donc voter sur l’amendement déjà adopté, parce que s’il est rejeté, le projet reste. (C’est juste !)

M. le président. - Il ne reste dès lors que l’amendement de M. de Robaulx.

- Plusieurs voix. - Il reste celui qu’avait proposé M. le ministre de la justice et sur lequel il faut voter.

M. Destouvelles. - Je demande la parole sur la position de la question : il m’importe peu que l’on commence par voter sur l’un ou sur l’autre amendement, parce qu’en définitive nous arriverons à la même conséquence ; cependant je dois dire que des deux amendements qui restent, celui de M. le ministre de la justice est celui qui s’écarte le plus du projet, puisqu’il propose de ne juger qu’à cinq juges, tandis que par l’amendement de M. de Robaulx, on aurait la faculté d’en élever le nombre à sept.

M. H. de Brouckere. - L’amendement de M. le ministre n’en est pas un, c’est le projet lui- même. (Bruit. Non ! non !)

M. Jullien. - Je demande la parole pour un rappel au réglement.

M. Destouvelles. - Permettez que je cite l’article 45 du règlement ; le paragraphe 3 de cet article dit : « Seront soumis à une discussion et à un vote définitif les amendements adoptés et les articles rejetés ; » or quel est l’amendement adopté ? Est-ce la disposition qui veut 5 conseillers pour un arrêt ? Est-ce celle qui en veut 7 ? La première a été proposée par M. le ministre de la justice, c’est celle qui a été adoptée, c’est donc celle qu’il faut mettre aux voix.

M. de Robaulx. - Je ne m’oppose pas à ce qu’on commence par l’amendement du ministre, pourvu qu’on vote ensuite sur le mien.

M. Bourgeois. - Si on commence par voter l’amendement du ministre et qu’il soit adopté, il sera impossible de revenir sur celui de M. de Robaulx (Non pas ! non pas !). Je vous demande pardon. Celui du ministre est exclusif de l’autre, puisqu’il dit que la cour ne pourra juger qu’au nombre fixe de cinq conseillers ; si le nombre est fixe, il ne peut pas flotter entre 5 et 7. (C’est juste !)

M. Lebeau. - Que l’on commence par l’un, que l’on commence par l’autre, cela est indifférent ; en effet, ceux qui voudront de l’amendement de M. de Robaulx voteront contre celui de M. le ministre qui est exclusif de celui de M. de Robaulx.

M. de Robaulx. - C’est le moyen de faire rejeter le mien. Si on doit voter sur les deux, il m’importe peu que l’on commence par le mien ou par l’autre. Mais si celui de M. le ministre est adopté, on ne doit pas voter sur le mien, le mien étant un sous-amendement. Je demande qu’il soit mis aux voix le premier.

M. le président. - Veut-on commencer par l’amendement de M. de Robaulx (Oui ! oui ! Non ! non !)

M. Jullien. - Je demande la parole pour un rappel au règlement. M. Destouvelles a très bien fait observer qu’il fallait d’abord voter sur l’amendement de M. le ministre de la justice. L’article 45 porte : « Dans la seconde séance, (c’est celle où nous sommes maintenant) seront soumis à une discussion, et à un vote définitif, les amendements adoptés et les articles rejetés ; » il y a ici un amendement adopté, c’est celui du ministre, c’est donc sur celui-là qu’il faut voter. L’article 45 continue : « Il en sera de même des nouveaux amendements qui seraient motivés sur cette adoption ou ce rejet. Tous amendements étrangers à ces deux points sont interdits ; » il faut d’après cela que d’abord on vote sur l’amendement adopté, on votera ensuite sur les amendements proposés.

M. de Robaulx. - Le mien viendra donc après celui du ministre.

M. Jullien. - Il viendra quand il devra venir. (Aux voix ! aux voix !)

M. de Robaulx. - Il est bien entendu que si l’amendement de M. le ministre est adopté, on votera sur le mien.

M. le président. - M. de Robaulx, je n’ai pas entendu votre motion.

M. de Robaulx répète sa phrase.

M. Fleussu. - Dans l’amendement de M. le ministre, il s’agit de cinq conseillers, mais M. Devaux en ajoute le mot « fixe, » il faut donc d’abord voter sur le nombre cinq, ensuite sur le mot « fixe. » (Non ! non !)

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je me suis rallié à l’amendement de M. Devaux. (Agitation prolongée. Incertitude.)

M. Ch. de Brouckere. - Si l’amendement de M. de Robaulx est un sous-amendement à celui de M. le ministre de la justice, vous devez commencer par ce sous-amendement, parce que l’amendement est exclusif du sous-amendement.

M. Dumont. - Le préopinant aurait raison si nous en étions à la première discussion ; mais nous en sommes à la deuxième séance, à celle du vote définitif, et la marche à suivre aujourd’hui est réglée par l’article 45. Je lirai encore la deuxième disposition de cet article. (Voir plus haut.) Il faut, comme vous voyez, savoir quel est l’amendement qui a été adopté et commencer par celui-là.

M. Devaux. - Je crois qu’on doit commencer par l’amendement de M. de Robaulx qui est un sous-amendement. Si ce n’était pas un sous-amendement il n’aurait pas eu le droit de le présenter. On dit qu’il faut commencer de voter par l’amendement, mais ce serait en réalité proscrire les sous-amendements, car il est trop clair que si vous commencez par l’amendement de M. le ministre et qu’il soit adopté, il sera impossible de voter ensuite sur celui de M. de Robaulx.

M. Delehaye. - L’amendement de M. de Robaulx n’est pas un sous-amendement ; c’est une proposition distincte et qui peut marcher avec l’amendement. Il n’y a aucune incompatibilité entre eux, car celui de M. le ministre en disant qu’un arrêt devra être rendu par cinq juges, n’empêche pas qu’on ne puisse laisser la faculté aux cours de juger à six et à sept. On peut donc voter sur l’amendement du ministre et passer ensuite à celui de M. de Robaulx. (Aux voix ! aux voix !)

M. Ch. de Brouckere. - Je ne sais en vérité pas ce que le préopinant entend par un sous-amendement. Il dit que le sous-amendement de M. de Robaulx peut marcher avec l’article. Moi je ne connais pas d’amendement qui puisse marcher avec l’article, car tout amendement fait à un article, le modifie, et un article modifié n’est plus ce qu’il était.

Ainsi, par exemple, l’article porte que les cours jugeront au nombre de sept conseillers. M. le ministre a proposé que ce ne fût qu’à cinq. Voilà un amendement qui change l’article : l’article n’est plus ce qu’il était, on ajoute à l’amendement le mot « fixe » : voilà encore une modification essentielle. Enfin M. de Robaulx propose de ne pas mettre le mot « fixe » et de laisser le nombre facultatif entre 5 et 7 conseillers.

Ce sous-amendement est une modification de l’amendement lui-même, qu’il faut adopter avant lui, parce que si vous commencez par adopter l’amendement, il ne sera pas possible d’y toucher, et comme il est exclusif de la proposition de M. de Robaulx, celle-ci sera écartée par le fait et sans qu’elle ait été l’objet d’un vote. Je le répète, je ne connais pas d’amendement qui puisse marcher de front avec l’article qu’il modifie ; je conçois une disposition mise à la suite d’une autre pour la compléter ou l’étendre ; mais ce n’est pas là un amendement, c’est une disposition additionnelle. Je demande que le sous-amendement de M. de Robaulx soit mis aux voix.

- Voix nombreuses. - Appuyé ! appuyé !

M. Ch. Vilain XIIII. - Je demande la parole (Aux voix ! aux voix !), si je devais m’expliquer d’après les termes du règlement, je serais de l’avis de M. Dumont ; mais je ne vois pas qu’il soit besoin de recourir, pour décider la question, à l’interprétation du règlement. Tout l’embarras vient de ce que l’amendement de M. le ministre de la justice est complexe. Il contient en effet deux dispositions bien distinctes ; la première détermine le nombre de juges nécessaires pour rendre un arrêt ; la seconde dit que ce nombre sera fixe. Je vois qu’en divisant l’amendement, et vous savez que toujours la division est de droit, toutes les difficultés disparaissent sans qu’il faille avoir recourt au règlement. Mettons d’abord aux voix le nombre de 5 conseillers, et ensuite le mot fixe. Ceux qui seront de l’avis de M. de Robaulx répéteront le mot fixe, les autres l’adopteront, et tout sera dit. (La clôture ! la clôture )

M. le président. - M. Dumortier a la parole.

M. Dumortier. - Je voulais faire les mêmes observations que celles que vient de faire le préopinant. (La clôture ! la clôture !)

M. Gendebien. - Je pense que nous ne sommes pas du tout dans la question. L’article 45 a été invoqué dans un sens qui n’est pas le sien. Voici ce qu’il porte : « Lorsque des amendements auront été adoptés, le vote sur l’ensemble de la loi aura lieu dans une autre séance, etc. Dans la seconde (séance) seront soumis à une discussion, et à un vote définitif les amendements adoptés et les articles rejetés. » Cet article ne fait que prescrire l’observation de la règle générale suivie pour toutes nos discussions. Les amendements seront soumis à une discussion.

Or, comment faisons-nous quand nous discutons un projet de loi ? Nous votons d’abord sur les sous-amendements, viennent ensuite les amendements, et si les uns et les autres sont rejetés, reste l’article. Suivons encore cette règle, car l’article 45 la confirme et il n’y porte pas exception. Quand on m’aura prouvé que l’article 45 fait une exception à la règle générale, je prendrai condamnation, mais jusque-là je soutiens qu’il faut la suivre et par conséquent voter d’abord sur le sous-amendement. (Aux voix ! aux voix !)

M. A. Rodenbach. - Je demande la parole. Quel est le but de tout sous-amendement ? C’est le perfectionnement d’un article. Si vous ne votez pas sur le sous-amendement, vous vous opposez à la perfection de l’article ; donc il faut commencer par voter sur le sous-amendement.

- La clôture est vivement réclamée, elle est mise aux voix et prononcée.

Une courte discussion s’engage encore sur la priorité ; elle est décidée en faveur de l’amendement de M. le ministre de la justice. (L’appel nominal ! l’appel nominal !)

On procède à l’appel nominal sur l’amendement qui fixe à 5 le nombre des conseillers nécessaires pour rendre arrêt.

Votants : 77. Oui, 43 ; non, 34.

L’amendement est adopté.

Ont voté pour : MM. Barthélemy, Berger, Boucqueau, Corbisier, Dautrebande, F. de Mérode, W. de Mérode, de Sécus, De Terbecq, de Theux, Devaux, Domis, Dubus, Dumortier, Duvivier, Goethals, Jacques, Lebeau, Legrelle, Liedts, Mary, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Osy, Pirson, Polfvliet, Poschet, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Thienpont, Ullens, Verdussen, Vergauwen, Verhaegen, Ch. Vilain XIIII, H. Vilain XIIII, Vuylsteke, Zoude, de Gerlache, Raikem et de Muelenaere.

Ont voté contre : MM. Taintenier, Bourgeois, Cols, Coppens, Coppieters, Ch. de Brouckere, H. de Brouckere, Delehaye, Dellafaille, de Robaulx, de Roo, Desmanet de Biesme, Desmet, Destouvelles, Dewitte, Dumont, Fleussu, Gendebien, Helias d’Huddeghem, Jonet, Jullien, Lardinois, Lebègue, Leclercq, Lefebvre, Mesdach, Raymaeckers, Seron, Serruys, Vandenhove, Van Innis, Van Meenen et Watlet.

M. Rogier s’est abstenu, parce qu’il n’avait pas assisté à la discussion.

Article 42

L’article 42 est ensuite lu, mis aux voix et adopté sans nouvel amendement et sans discussion.

Titre I. De la cour de cassation

Article 18

On passe ensuite à l’article 18 sur la proposition de M. Leclercq, qui fait observer qu’avant de fixer le nombre des conseillers qui devront concourir à un arrêt de cassation, il faut décider s’il y aura une chambre des requêtes.

L’article 18 était primitivement conçu en ces termes : « La cour de cassation se divise en deux chambres, dont l’une porte le titre de chambre des requêtes, l’autre celui de chambre civile et criminelle. »

Par amendement, les mots « dont l’une porte le titre de chambre des requêtes, l’autre celui de chambre civile et criminelle » ont été supprimés lors de la première discussion.

M. Gendebien. - Je demande la parole. Messieurs, mon intention n’est pas d’entrer de nouveau dans la discussion ; de part et d’autre tout a été dit. Je ferai une seule réflexion, c’est que si vous admettez une chambre des requêtes, vous allez établir une censure préalable, et vous ne laissez pas aux citoyens la liberté d’arriver jusque devant leurs juges. En un mot, vous leurs fermez les portes du temple de la justice, tandis qu’elles doivent toujours rester ouvertes à deux battants. (L’appel nominal.)

M. le président. - On va procéder à l’appel nominal sur l’article avec la suppression.

M. Dumortier. - Pour procéder rationnellement, je demande que l’on vote sur la question ainsi posée : « Y aura-t-il ou non une chambre des requêtes ? »

M. le président. - Je ne peux pas poser ainsi la question. Il faut que le vote porte sur l’amendement adopté. L’amendement, c’est la suppression de la deuxième partie de l’article primitif, c’est cette suppression que je dois mettre aux voix. Ceux qui seront d’avis de la suppression répondront oui, ceux qui seront d’un avis contraire, répondront non.

M. Lebeau. - Je demande la parole sur la position de la question. Je crois que c’est ici une question de bonne foi et qu’il ne faut pas décider avec le règlement. Dans un vote aussi grave il faut poser la question dans les termes les plus simples. La question de la suppression ne serait peut-être pas bien comprise par tous les membres de la chambre au lieu que tout le monde comprendra la question posée comme l’a fait M. Dumortier ; comme lui, je demande que l’appel nominal parle sur cette question : y aura-t-il une chambre des requêtes ? (Appuyé ! appuyé !)

M. le président. - Mais nous allons contre le règlement.

M. Ch. Vilain XIIII. - Permettez, M. le président, que je révoque en doute que ce soit contre le règlement, c’est une manière de rendre le vote plus clair, mais c’est toujours dans le but d’arriver au vote sur l’amendement adopté. (Aux voix ! aux voix !)

M. Gendebien. - Il n’y a pas d’opposition ; personne ne s’oppose excepté le bureau.

M. Seron. - Il faut aller aux voix.

M. le président. - Y aura-t-il une section des requêtes ? Ceux qui seront pour répondront oui, ceux qui seront contre, répondront non.

- On procède à l’appel nominal, dont voici le résultat : Votants, 75 : oui, 37, non, 38.

M. le président. - Il n’y aura pas de chambre des requêtes.

Ont voté pour : MM. Boucqueau, Bourgeois, Cols, Coppieters Delehaye, Dellafaille, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Robaulx, de Sécus, Desmanet de Biesme, Destouvelles, de Theux, Dewitte, Dubus, Dumortier, Jullien, Leclercq, Legrelle, Mary, Milcamps, Olislagers, Osy, Poschet, Raikem, A. Rodenbach, Ch. Rodenbach, Seron, Serruys, Ullens, Vandenhove, Ch. Vilain XIIII, H. Vilain XIIII, Vuylsteke, Watlet et de Gerlache.

Ont voté contre : MM. Barthélemy, Berger, Taintenier, Coppens, Ch. de Brouckere, H. de Brouckere, De Roo, Desmet, de Terbecq, Devaux, Dumont, Duvivier, Fleussu, Gendebien, Goethals, Jacques, Jonet, Lebeau, Lebègue, Lefebvre, Liedts, Mesdach, Morel-Danheel, Nothomb, Pirson, Polfvliet, Raymaeckers, Thienpont, Vanderbelen, Van Innis, Van Meenen, Verdussen, Vergauwen, Verhaegen, Zoude et de Haerne.

M. de Haerne n’avait pas été appelé, il a voté le dernier, et c’est son vote qui a décidé du sort de la chambre des requêtes ; car avant son vote, il y avait parité de suffrages.

M. Delehaye. - On n’est pas d’accord sur le résultat du vote, il y plusieurs membres qui ont tenu note des votes et qui trouvent 38 oui et 37 non. C’est une question de bonne foi.

M. de Robaulx. - Ici on a trouvé 37 voix contre 37.

- Cet incident cause quelque agitation dans l’assemblée.

- Plusieurs voix. - Le bureau a prononcé.

M. le président. - Je vais compter les membres présents, pour voir s’il y en a bien 75.

- Une voix. - Plusieurs membres viennent de sortir.

- Plusieurs voix. - Passons à un autre article.

M. de Robaulx. - Il n’y avait que deux secrétaires au bureau ; l’un faisant l’appel, l’autre a pu commettre une erreur. Il faudrait au moins que deux de MM. les secrétaires tinssent note des votes, pour se contrôler l’un l’autre.

M. Lebègue, qui n’était pas au bureau, y monte.

M. le président. - Messieurs, la question est capitale...

M. Liedts. - Nous avons tenu note à deux, ici et nous avons trouvé le même résultat que le bureau.

M. de Robaulx. - MM. Vandenhove et Delehaye ont trouvé un résultat tout différent, vous êtes deux contre deux.

M. F. de Mérode. - M. Nothomb a trouvé un résultat conforme à celui du bureau. (A un autre article ! à un autre article !)

Articles 2 et 21

M. Lebeau. - C’est à l’article 21 qu’il faut aller.

- On passe à l’article 21, qui est adopté sans nouvel amendement et sans discussion, ainsi que l’article 2.

Articles 4 et 5

La discussion est ensuite ouverte sur l’article 5 : Il était d’abord conçu en ces termes :

« Pour être président, conseiller, procureur-général (*), il faut être âgé de 31 ans accomplis, docteur ou licencié en droit, et avoir suivi le barreau ou exercé des fonctions judiciaires pendant dix ans.

« Nul ne peut être nommé avocat-général ou greffier, s’il n’a 30 ans accomplis, s’il n’a obtenu le grade de docteur ou licencié en droit, et suivi le barreau ou exercé des fonctions judiciaires pendant cinq ans. »

Par amendement, lors de la première discussion, on a ajouté au premier paragraphe et après l’astérisque, les mots « avocat-général » ; et à la place du deuxième paragraphe, on a substitué les deux suivants : « Nul ne peut être nommé greffier, s’il n’a l’âge de 30 ans accomplis, le grade de docteur ou de licencié en droit, et cinq années de travaux préparatoires, soit dans le barreau, soit en fonctions judiciaires, soit comme greffier d’une cour d’appel.

« Nul ne peut être nommé commis-greffier, s’il n’a l’âge de 25 ans accomplis, et le grade de docteur ou de licencié en droit. Sont néanmoins dispensés de ce grade, ceux qui ont exercé pendant 5 ans les fonctions de greffier ou de commis-greffier près d’une cour d’appel, ou de greffier près d’un tribunal civil. »

M. Van Meenen. - Messieurs, les modifications que vous avez apportées aux articles 35 et 44 du projet sont de nature à amener la nécessité de modifier les articles 4 et 5 du projet ; je pense que l’amendement que je proposerai à cet effet aura l’assentiment de la chambre.

M. le président. - Si c’est sur l’article 4 que vous parlez, vous ne le pouvez pas s’il n’a pas été amendé.

M. Van Meenen. - Si on a une fin de non-recevoir à m’opposer on me l’opposera. Permettez que je poursuive : à l’article 35, vous avez admis cet amendement : « Les commis-greffiers sont nommés par la cour, sur une liste triple de candidats, présentée par le greffier. » Si dans cet article vous avez admis que la nomination des greffiers serait faite par la cour et non par le Roi, comme le voulait l’article primitif, ce que vous admis pour les cours d’appel me semble devoir l’être également pour la cour de cassation, de là la nécessité de faire un changement à l’article 4. Il y a plus : si vous avez admis que les commis-greffiers doivent en quelque sorte appartenir à la cour, à plus forte raison doit-il en être ainsi pour le greffier lui-même, qui est l’officier responsable et le vrai magistrat, tous les autres n’étant que ses représentants ; je propose donc de substituer à l’article 4 un article ainsi conçu : « le roi nomme les greffiers des cours et des tribunaux de première instance sur la présentation d’une liste triple faite par la cour ou le tribunal, et les commis-greffiers, sur la présentation d’une liste triple faite par le greffier et agréée par la cour ou le tribunal. »

M. Dumont. - J’appuie la proposition de M. Van Meenen, parce qu’en effet il y aurait inconséquence si l’on disposait pour la cour de cassation autrement que pour les cours d’appel ; mais je crois qu’il faudrait d’abord voter sur l’article 36 amendé, car c’est de là que découle ou que doit découler l’amendement de l’honorable préopinant. (Appuyé !)

M. le président donne une nouvelle lecture de l’amendement de M. Van Meenen.

M. H. de Brouckere. - Cet amendement se rattache-t-il à l’article 36 ?

M. Van Meenen. - Cet amendement embrasse un système général de nomination des greffiers et commis-greffiers.

M. Dubus. - Cet amendement n’a pas été même proposé dans la discussion à laquelle nous nous sommes livrés dans les séances précédentes, On n’a pas contesté la nomination des greffiers par le Roi, on n’a contesté que la nomination des commis-greffiers par le Roi. Si l’amendement n’a pas été proposé alors, on ne peut pas le proposer aujourd’hui.

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Messieurs, la disposition relative à la nomination du greffier a été adoptée dans une séance précédente. Il n’y a pas eu d’amendement sur cette disposition ; ainsi la proposition de M. Van Meenen ne peut aux termes du règlement être mise en délibération. Je demande la question préalable.

M. Van Meenen. - Messieurs, on m’objecte ici que je propose un amendement qui n’a pas été présenté antérieurement ; je réponds à cela par une disposition de l’article 45 du règlement ; d’après cette disposition on peut discuter de nouveaux amendements motivés sur l’adoption d’autres amendements ou sur le rejet des articles. Or, c’est l’adoption d’un amendement qui me conduit indispensablement à présenter le mien.

Vous avez admis que les commis-greffiers des cours et tribunaux seraient assemblés par les cours et tribunaux sur la présentation du greffier ; je demande que la cour de cassation puisse également nommer ses commis-greffiers sur la présentation du greffier. L’on a reconnu que les greffiers et les commis-greffiers devaient appartenir aux corps judiciaires auxquels ils sont attachés, et je demande que dans un article d’ensemble on mette les dispositions éparses dans les articles 4, 35, 45.

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - L’amendement comprend deux propositions bien distinctes : l’une est relative à la nomination des greffiers, l’autre à la nomination des commis-greffiers. Quant à la première, c’est un point qui a été décidé définitivement. Il n’y a pas eu d’amendement sur ce point, et il faut aller chercher les choses de bien loin pour en venir à l’amendement sur les greffiers.

Il y a eu rejet des dispositions présentées par la section centrale et adoption d’un amendement relativement aux commis-greffiers. (Aux voix ! Aux voix, la question préalable !)

M. Destouvelles. - J’appuie la question préalable. Il est question au premier paragraphe du greffier des cours. La nomination en a été déférée au Roi sans aucune observation, voilà donc un point irrévocablement décidé.

Une seconde question a été soulevée lors de la discussion de l’article 36. Il s’agissait de savoir si les commis-greffiers seraient nommés par le Roi sur la présentation des greffiers ; c’est sur ce point qu’ont frappé les amendements proposés.

Ce serait faire un étrange abus de l’article 45 du règlement, que d’en faire l’application que réclame l’honorable M. Van Meenen. Lors du second vote il faut se renfermer dans les objets amendés. Je crois que j’entends sainement le règlement, quand je demande la question préalable. (Aux voix, la question préalable ! aux voix, la question préalable !)

M. A. Rodenbach. - Je demande la parole sur la question préalable.

M. Van Meenen. - Je demande la division ; la question préalable ne peut avoir lieu que sur le greffier.

- La question préalable mise aux voix est adoptée sur la première partie de l’amendement.

M. le président. - M. Van Meenen demande que les commis-greffiers de la cour de cassation soient nommés par le Roi sur une liste triple présentée par le greffier et approuvée par la cour.

M. Jullien. - L’amendement de M. Van Meenen est incontestablement nouveau ; mais il a ce droit puisque son amendement découle d’amendements adoptés. Vous deviez décider que, relativement aux greffiers il n’y avait pas lieu à délibérer ; mais relativement aux commis-greffiers il doit en être autrement.

Je crois qu’il faut voter d’abord sur les amendements relatifs aux commis-greffiers des cours et tribunaux. Si les amendements sont rejetés l’amendement de M. Van Meenen sera rejeté ; si les amendements sont adoptés, M. Van Meenen présentera son amendement.

- L’amendement de M. Jullien est adopté sans opposition et la chambre passe à l’amendement de l’article 36.

Titre II. Des cours d'appel

Article 36

D’après cet amendement les commis-greffiers des cours d’appel seront nommés par les cours elles-mêmes, sur la présentation d’une liste triple par le greffier.

L’amendement est mis aux voix : une première épreuve paraît douteuse.

On procède à l’appel nominal sur la demande de plusieurs membres.

Ont voté pour : MM. Barthélemy, Berger, Taintenier, Coppens, Coppieters, Corbisier, Dautrebande, Ch. de Brouckere, H. De Brouckere, de Haerne, Delehaye, Dellafaille, W. de Mérode, de Roo, Desmanet de Biesme, Desmet, Dumont, Gendebien, Jonet, Jullien, Lebègue, Leclercq, Lefebvre, Legrelle, Mary, Mesdach, Osy, Pirson, Raymaeckers, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Seron, Serruys, Vanderbelen, Van Innis, Van Meenen, Vergauwen, Verhaegen, C. Vilain XIIII et Vuylsteke.

Ont voté contre : MM. Bourgeois, Boucqueau, Cols, F. de Mérode, de Muelenaere, de Sécus, Destouvelles, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dewitte, Dubus, Dumortier, Duvivier, Goethals, Helias d’Huddeghem, Jacques, Lebeau, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Polfvliet, Poschet, Raikem, Ullens, Vandenhove, Verdussen, H. Vilain XIIII, Watlet et de Gerlache.

Ainsi l’appel nominal donne pour résultat 41 oui, 31 non. L’amendement de l’article 36 est définitivement adopté.

Titre III. Des tribunaux

Article 45

M. le président. - Nous passons à l’amendement de l’article 45 qui donne aux tribunaux de première instance la nomination de leurs commis-greffiers sur une liste triple présentée par les greffiers.

- Cet amendement est adopté par assis et levé.

Titre I. De la cour de cassation

Articles 4 et 5

M. le président. - Vient actuellement la seconde partie de l’amendement de M. Van Meenen et d’après laquelle il demande que les commis-greffiers de la cour de cassation soient nommés par le roi d’après une liste triple de candidats présentés par le greffier et approuvée par la cour.

M. Leclercq. - Je propose un sous-amendement ; je demande que la cour elle-même nomme les commis-greffiers sur une liste triple de candidats présentés par le greffier.

M. Van Meenen. - Je me rallie à l’amendement de M. Leclercq.

M. Gendebien. - Pour simplifier la rédaction de l’article 4, il faut dire : et le Roi nomme le greffier, et la cour nomme les commis-greffiers sur une liste triple de candidats présentés par le greffier.

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je demande la question préalable sur l’amendement de M. Leclercq.

- La question préalable, mise aux voix, est rejetée. L’amendement de M. Leclercq est adopté et l’article 4 est rédigé ainsi que l’a proposé M. Gendebien.

On revient à l’article 5 (Voyez plus haut).

M. le président. - Il y a deux amendements à cet article, l’un de M. Van Meenen consiste à substituer aux mots « travaux préparatoires, » ceux-ci : « et cinq ans d’exercice soit de la profession d’avocat, soit de fonctions judiciaires, soit de celles de greffier d’une cour d’appel. »

Celui de M. Destouvelles porte sur les mêmes mots « travaux préparatoires, » et dit « et s’il n’a pendant 5 ans ou suivi le barreau, ou exercé soit des fonctions judiciaires soit celles de greffier d’une cour d’appel. »

M. Van Meenen. - Mon amendement a pour but de faire disparaître de l’article les mots « travaux préparatoires, » dont je ne sais pas m’expliquer le sens, car je ne connais pas de travaux préparatoires au barreau, ni dans les fonctions judiciaires.

M. Destouvelles. - Mon amendement a le même but.

M. Gendebien et M. Leclercq. - Ces mots ne se trouvaient pas dans l’article.

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - J’ai aussi un changement à proposer : il consiste à changer les derniers mots de l’article « près d’un tribunal civil » en ceux-ci « près d’un tribunal de première instance. »

M. Ch. de Brouckere. - Je m’oppose à l’amendement apporté à cet article en ce qui concerne l’avocat-général, et je demande qu’on laisse à l’article sa rédaction primitive : on a exclu de fait par cet article toutes les professions de droit de la cour de cassation. Messieurs, si une telle disposition eût existé en France, M. Daniels n’aurait jamais été avocat-général, car vous savez qu’il était professeur de droit avant d’être appelé à la cour de cassation. Je demande donc qu’on retranche de l’article le mot avocat-général, afin qu’il ne soit pas tout à fait impossible aux professeurs qui en seraient dignes d’aspirer à une place dans la cour de cassation.

M. Gendebien. - Mon intention, messieurs, n’est pas de revenir sur la discussion, je répondrai seulement à un fait avancé par le préopinant, c’est que M. Daniels, quoique professeur à Bonn, a été toujours avocat ; il a été l’avocat de la maison d’Aremberg pour toutes les affaires de cette maison, dans toute l’Allemagne, Au reste, si on voulait faire disparaître la disposition que l’on regarde comme excluant les professeurs, et qu’il fallût discuter la question purement et simplement, je dirais que les fonctions de professeur n’excluent pas la profession d’avocat ; un professeur peut être avocat en même temps, il peut se faire inscrire au tableau et exercer ; on ne leur demande pas un exercice continu de la profession, mais un exercice propre à donner quelque garantie de science, ou du moins d’application de cette science. Je l’ai déjà dit précédemment, on a vu souvent des professeurs renommés, même à juste titre, se présentant au barreau, et s’y trouver dans une infiniment petite position, vis-à-vis d’un avocat même médiocre ; c’est que celui-ci, par un exercice de tous les jours, avait acquis la science des affaires ; il avait exercé son jugement, tandis que les professeurs n’exercent souvent que leur mémoire.

Admettez-vous à la cour de cassation un professeur de droit public qui ne sait rien du tout ? Un professeur de procédure, qui n’a étudié que sa procédure ? Un professeur de droit civil, qui ne sait autre chose que les livres du code civil qu’il enseigne ? Ce serait tenir fort peu à la bonne composition de la cour, et il faut exiger d’autres garanties que celles que donne la seule qualité de professeur. Du reste, comme je l’ai déjà dit, on ne les exclut pas, et à cet égard au-dehors de cette chambre, on a pris le change sur mes intentions ; il n’y a pas d’exclusion prononcée contre eux ; si elle existait, je crois qu’elle serait suffisamment motivée ; mais elle n’existe pas, puisqu’il leur est loisible de se faire inscrire au tableau et de plaider.

M. Devaux. - Messieurs, si j’avais cru qu’il y eût moyen de revenir sur l’exclusion prononcée contre les professeurs, je l’aurais présenté. Mais puisque le règlement s’y oppose, je dois y renoncer ; je ne peux cependant m’empêcher de vous présenter une considération qui vous fera voir tout ce qu’il y a de bizarre dans cette exclusion des professeurs.

On pourra admettre à la cour de cassation un avocat qui n’aura pas plaidé une seule cause de sa vie, et qui n’aura pour tout savoir qu’un diplôme, parce qu’il aura rempli l’insignifiante formalité de l’inscription au tableau ; et un professeur renommé, un homme savant et profond dans la science du droit dont les livres feront autorité partout, ne pourra pas faire partie et en sera exclu. C’est là ce que je ne saurais m’empêcher de trouver dérisoire. Je ne reviens pas aujourd’hui sur cette disposition étrange, puisque le règlement s’y oppose, mais j’espère que le sénat y reviendra.

M. Dumont. - J’ai quelques scrupules constitutionnels à l’occasion de cet article. D’après l’article 101 de la constitution, c’est le roi qui nomme les officiers du ministère public et qui les révoque. Si nous excluons les professeurs, il est clair que nous gênons le choix du roi et nous prescrivons des conditions d’éligibilité. Je ne sais si nous en avons le droit, et pour ma part je ne le crois pas (réclamation) ; j’ai entendu agiter la question en ce qui touche l’élection des officiers dans la garde civique ; j'ai entendu dire par des jurisconsultes respectables qu’on ne pouvait prescrire des conditions d’éligibilité aux officiers de la garde civique, parce que ce serait restreindre le droit qu’ont les gardes de choisir pour officiers ceux qui leur conviennent. Ce sont des doutes que je soumets à l’assemblée, car du reste je n’ai pas d’opinion bien arrêtée à ce sujet.

M. Gendebien. - Si cette discussion n’était tout à fait oiseuse, on pourrait répondre au préopinant que c’est précisément parce que la nomination des officiers du ministère public appartient au roi, que la nation doit avoir le droit de prescrire certaines conditions d’éligibilité qui lui donnent quelque garantie que le choix sera bon, et pour préserver le Roi lui-même, puisque son nom a été proféré, des suggestions, des captations et des intrigues qui pourraient s’agiter autour de lui pour lui faire nommer tel ou tel individu. La précaution est donc utile et n’a rien d’inconstitutionnel.

Quant à ce qu’on dit qu’il était dérisoire qu’un savant professeur ne pût faire partie de la cour de cassation, tandis qu’un avocat seulement inscrit au tableau y pourrait être admis, je réponds par l’institution même de la cour de cassation et par le mode de présentation. La cour est à même de connaître et d’apprécier les avocats qui plaideront devant elle, et elle ne connaîtra pas les professeurs parce que les membres de la cour de cassation auront quitté l’école depuis longtemps, et ne se laisseront pas prendre à une renommée achetée souvent à bon compte, surtout quand on a affaire à des jeunes gens fort peu capables de juger du vrai mérite d’un professeur, et qui sont toujours disposés à le regarder comme un homme extraordinaire, parce qu’il aura parlé d’abondance pendant une heure.

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - L’exclusion des professeurs n’est que nominale ; en effet, pour être admissibles à la cour de cassation, il leur suffira de se faire inscrire au tableau ; c’est au reste ce qui se pratique ordinairement, et s’ils ne veulent pas ou ne peuvent suivre les audiences, ils pourront pratiquer comme avocats consultants. Quant à l’inconstitutionnalité signalée par l’honorable M. Dumont, elle n’est pas fondée ; on peut assurément prescrire des conditions d’éligibilité pour les officiers du parquet, comme pour les juges, j’en avais moi-même prescrit quelques-unes dans mon projet d’organisation judiciaire, et la section centrale les avait adoptés : je crois donc que le droit de nomination par le Roi, n’empêche pas qu’on n’impose aux candidats la condition de réunir certaines qualités.

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

Le premier paragraphe de l’article 5 est adopté.

Le paragraphe 2 est ensuite adopté avec l’amendement de M. Van Meenen et le paragraphe 3 avec l’amendement de M. le ministre de la justice.

Articles 6, 8, 14, 17 et 20

Les articles 6, 8, 14, 17 et 20 sont ensuite successivement adoptés sans discussion ni modification nouvelle.

Article 27

On passe à l’article 27 ainsi conçu : « Chaque chambre de la cour de cassation est composée d’un président et de 8 conseillers.

« Le premier président présidera la chambre à laquelle il voudra s’attacher ; il présidera l’autre chambre quand il le jugera convenable ; il présidera les chambres réunies et les audiences solennelles.

« Dans tous les cas où la cour doit juger chambres réunies, le nombre de 15 membres au moins est nécessaire pour qu’elle puisse rendre arrêt. Dans le cas de l’article précédent, lorsqu’il s’agira du jugement d’un ministre, ce nombre sera de 16 membres au moins. »

M. Gendebien. - Il y a la moitié du second paragraphe à retrancher ; il faut simplement mettre : « Le premier président présidera celle des chambres qu’il jugera convenable. » Il présidera comme aux cours d’appel ; il est attaché à une chambre et peut aller présider les autres pour constater que le travail s’y fait avec ordre.

M. Lebeau. - Je partage l’opinion du préopinant, mais on ne peut pas présider la chambre qu’on juge convenable.

M. Devaux. - Il faut mettre : « présidera l’une ou l’autre chambre, selon qu’il le jugera convenable. »

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - L’expression proposée fait élever un doute. Veut-on dire que le premier président fera un choix en commençant l’année judiciaire, ou bien qu’il présidera alternativement l’une les deux chambres.

Le premier président préside la chambre à laquelle il juge convenable de s’attacher ; c’est ainsi que se pratique la chose ; c’est ainsi que s’expriment les lois françaises. La rédaction primitive exprimait bien la pensée que l’on avait en vue.

M. Destouvelles. - Je demande le maintien de l’article 27 tel qu’il est rédigé. Le premier président préside ordinairement une chambre, mais il peut aller présider l’autre.

M. Gendebien. - Je trouve qu’il ne faut pas se régler sur ce qui s’est fait avant nous.

Je vous demande s’il n’y a pas un non-sens de donner au premier président la faculté de présider toutes chambres, quoique à une.

- L’amendement de M. Gendebien est mis aux voix et rejeté.

M. Jonet. - Il est de droit, que le premier président de la cour de cassation préside les chambres réunies et les audiences solennelles. Cependant ces mots de la fin du deuxième paragraphe : « Il préside les audiences solennelles et les chambres réunies » peuvent faire naître un doute ; cela ne semblerait que facultatif : effacez ces mots et le doute cessera.

- L’amendement de M. Jonet est rejeté.

L’article 27 est adopté.

Articles 29 à 31

Les articles 29, 30, 31, auxquels des amendements avaient été faits, sont adoptés de nouveau et sans discussion.

M. le président. - Toute la partie de la loi relative à la cour de cassation a été révisée. La chambre passera demain à la révision des autres parties.

- La séance est levée à quatre heures et un quart.