(Moniteur belge n°111 et 112, des 20 et 21 avril 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est ouverte à 10 heures et un quart.
Après l’appel nominal, l’un des secrétaires donne lecture du procès-verbal, qui est adopté.
L’ordre du jour est la suite de la discussion du budget de l’intérieur.
« Art. 1er. Traitements et abonnements des fonctionnaires supérieurs de l’instruction publique : fl. 16,100. »
La section centrale propose de n’allouer que 5,000 florins.
M. Jamme. - Messieurs, la loi sur l’enseignement public subsidié par l’Etat ne nous ayant pas encore été présentée, cette circonstance place la chambre dans l’alternative de voter presque sans examen les crédits demandés pour l’instruction publique, ou de s’exposer, en faisant des réductions inopportunes, de compromettre les intérêts les plus chers, les intérêts de la classe qui s’instruit et ceux de la classe qui donne l’instruction.
Il n’y a que très peu de réductions proposées sur ce chapitre auxquelles je consentirai.
Remarquez, messieurs, que la loi du budget ne peut avoir d’effet rétroactif quant aux traitements des fonctionnaires des universités, ni des institutions quelconques ; ainsi, toutes les réductions que nous ferions n’auraient d’effet que pour le court terme qui s’écoulera entre le jour auquel la loi du budget sera promulguée et l’époque à laquelle la nouvelle loi sur l’enseignement recevra son exécution ; je repousserai donc toutes les réductions qui pourraient atteindre le personnel ; elles seraient presque nulles, comme je viens de le démontrer, sous le seul point de vue qu’il faille les envisager, qui est l’économie, et leur résultat sera un préjudice notable pour l’instruction, en portant le dégoût et la perturbation dans tout le corps enseignant.
Quel effet funeste ne résulterait-il pas, messieurs, pour l’instruction d’accumuler, en peu de mois, innovations sur innovations ! Il n’y aurait, dans cette conduite, ni prévoyance, ni sagesse.
Ne perdons pas de vue, messieurs, que pendant que l’enseignement primaire et l’enseignement moyen subsidiés par l’Etat cheminent, à l’aide de leurs anciens errements, à travers les inconvénients résultant du défaut d’une organisation régulière et d’une sage surveillance, l’enseignement libre se développe avec une activité incessante et sous toutes les formes. Ce n’est pas, messieurs, que je voie ce développement avec préoccupation. C’est de l’instruction élémentaire que l’on donne, et qui est particulièrement donnée aux classes pauvres et moyennes : qu’elle arrive cette instruction, je l’appellerai toujours de tous mes vœux.
C’est de l’instruction que l’on donne à ces classes, en même temps qu’on leur inculque les préceptes dogmatiques et moraux de la religion : cet enseignement est le premier besoin du peuple, et le plus sûr moyen d’améliorer sa condition.
Le grand principe est consacré.
L’instruction est libre, je m’en félicite ; l’émulation est le principe de toute activité. Que chacun s’organise ; le plus actif, le plus zélé gagnera le pas sur l’autre ; évitons de nous mettre à la remorque.
J’invite le ministre de la manière la plus instante à nous présenter son projet de loi ; déjà j’appréhende qu’il ne puisse être discuté avant le commencement de l’année scolaire prochaine : je ne doute pas que M. le ministre ne se hâte d’écarter l’espèce de responsabilité qui pèserait sur lui, si à cette époque la nouvelle organisation ne pouvait être mise en pratique.
L’orateur entre dans beaucoup de détails pour appuyer son opinion, qui est de rejeter la proposition de réduction faite par section centrale, qu’il n’admettra qu’en ce qui concerne le crédit destiné au traitement des quatre inspecteurs pour l’instruction primaire, la nomination de ces fonctionnaires ne pouvant avoir lieu qu’après l’adoption de la loi sur l’enseignement.
M. Fallon. - Messieurs, la commission qui a été chargée de proposer un projet de loi ayant pour objet d’approprier l’instruction publique à nos institutions a terminé son travail.
A la veille d’examiner et de discuter ce projet, je pense qu’il serait imprudent de changer quelque chose au régime actuellement existant, et de désorganiser provisoirement cette branche importante de l’administration de l’intérieur.
Ce n’est pas au moment de la discussion du budget que l’on peut, avec maturité et sagesse, improviser des mesures transitoires, alors qu’on va être appelé sous peu à prendre des mesures définitives pour le changement du système, et que quatre mois de cet exercice vont se trouver écoulés.
La suppression de l’un ou l’autre des fonctionnaires attaché au régime actuel de l’instruction publique pourra être la conséquence du nouveau système qui sera adopté, si la chambre juge qu’ils ne peuvent être utilement employés au service de ce nouveau système. Ce serait, me semble-t-il, agit inconsidérément que de les supprimer à l’avance.
Je ne pense pas, du reste, qu’à l’occasion du budget il convienne à la chambre de supprimer des fonctionnaires nommés par des arrêtés légaux, et de grever à l’avance le trésor de pensions ; car, dans l’instruction publique, ces fonctionnaires ont droit à la pension.
Si cependant la chambre trouve convenable d’en agir autrement, et partage l’avis de la section centrale de n’avoir plus qu’un seul inspecteur-général pour les universités et autres établissements d’instruction entretenus ou subsidiés par l’Etat, alors il est une observation importante à faire, si c’est réellement une économie que l’on veut obtenir.
Il existe près de chaque université un secrétaire-inspecteur dont l’office est indispensable, et qui reçoit un traitement de 2,500 fl.
Le secrétaire-inspecteur de l’université de Liége est en même temps inspecteur des trois universités, et, pour cet accroissement de travail et de surveillance, il reçoit un accroissement de traitement de 1,000 fl., de manière que, pour les deux fonctions, il jouit du traitement de 3,500 fl. qui figure à l’article premier du chapitre sur lequel nous délibérons.
Du reste, en portant votre attention à la page 91 du cahier d’observations qui accompagne le budget, vous verrez qu’effectivement il n’existe ni cumul ni double emploi.
Les traitements des secrétaires-inspecteurs près les universités de Louvain et de Gand figurent dans le détail des allocations demandées pour couvrir les frais de ces deux universités, tandis que le traitement du secrétaire-inspecteur près de l’université de Liége ne figure pas dans le détail de l’allocation demandée pour cette université. Ainsi donc, si l’on supprime l’inspecteur des universités, on ne fait réellement qu’une économie de 1,000 fl., puisqu’il faut alors majorer le détail des frais de l’université de Liége du traitement de 2,500 fl., qui lui est dû en sa qualité de secrétaire-inspecteur près de cette université.
En supprimant au contraire l’inspecteur des athénées et des collèges, qui n’exerce aucune fonction, l’économie et non de 1,000, mais de 3,000 fl., sauf toutefois la pension qui est due à ce fonctionnaire.
Sous le rapport de l’économie, il n’est donc pas douteux qu’en cas de suppression de l’un de ces inspecteurs, il faut suivre l’avis de la section centrale, et conserver l’inspecteur des universités en le chargeant en même temps de l’inspection des athénées et des collèges.
Sous le rapport des intérêts matériels de l’Etat, c’est également l’inspecteur des universités qu’il convient de conserver.
En effet, messieurs, c’est lui qui est chargé de veiller à ce que les demandes que font ces universités pour leur service journalier, soit pour constructions, réparations ou entretien des locaux, achat et entretien de mobilier, soit pour conservation et entretien des bibliothèques, n’excèdent pas les véritables besoins ; et c’est lui qui est également chargé, pour éviter des dépenses inutiles, de faire les transferts d’une université à l’autre, des objets qui existent dans les bibliothèques, cabinets d’histoire naturelle et jardins botaniques, lorsqu’il existe des doubles emplois ou que l’objet convient plus spécialement à l’une ou à l’autre université.
Vous sentez, messieurs, combien il est important pour la conservation et l’entretien de ces dépôts précieux de ne pas en abandonner l’inspection et la surveillance, et vous sentez également qu’il n’importe pas moins de conserver le fonctionnaire qui, par les notions spéciales qu’il a admises dans cette branche d’administration, sera le seul en état d’éviter que rien ne soit distrait du matériel des trois universités, alors qu’il s’agira sous d’une fusion.
Si donc il peut être question de supprimer l’un des deux inspecteurs, j’appuie la proposition de la section centrale, et je demande que l’inspecteur des universités soit conservé, en lui attribuant l’inspection des athénées et des collèges.
M. A. Rodenbach. - L’on nous demande pour traitement des fonctionnaires supérieurs de l’instruction publique 16,100 fl. Cette allocation me paraît d’autant plus exorbitante, que les deux tiers de nos sections ne voulaient qu’un inspecteur, et que l’autre tiers demandait la suppression de cette espèce de sinécure ou canonicat. Vous conviendrez, messieurs, que c’est également outrepasser la juste mesure de l’économie que d’allouer pour deux inspecteurs 6,500 florins, non compris leurs frais de voyage, commis, etc. Il n’existe point encore de loi sur l’instruction primaire, et déjà le ministre nous demande 6,000 fl. pour quatre inspecteurs, sans compter les frais de route et de séjour. Je suis donc d’avis de ne point accorder de l’argent pour un service par anticipation, et je crois une somme de 5,000 fl. suffisante pour le chapitre premier.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je n’ajouterai rien aux motifs que j’ai déjà fait valoir auprès de la section centrale. Quant aux quatre inspecteurs de l’instruction primaire, il n’y aura pas lieu à les payer avant la nouvelle loi sur l’instruction publique. En conséquence, je ne m’oppose pas à ce qu’on retranche de l’allocation la somme qui était affectée à leurs traitements.
M. le ministre de l’intérieur déclare consentir à une réduction de 8,000 fl.
M. H. de Brouckere demande que la réduction soit portée à 8,600 fl., ces 600 fl. servant à payer un commis de l’inspecteur des universités, qu’il regarde comme inutile.
M. Bourgeois appuie la réduction de la section centrale, qui est mise aux voix et adoptée.
- En conséquence, le chiffre reste fixé à 5,000 fl.
« Art. 2. Frais des trois universités : fl. 179,880. »
La section centrale propose de n’allouer que 160,000 fl.
M. Fallon propose de majorer cette somme de 2,500 fl. pour l’inspecteur de Liége, qui ne figure plus à l’article premier, d’après la réduction de la section centrale qui vient d’être adoptée.
Cette majoration, combattue par M. Delehaye et M. d’Elhoungne, et appuyée par M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux), M. Jamme et M. Destouvelles, est mise aux voix et adoptée.
Le chiffre proposé par la section centrale, majoré de ces 2,500 fl., est également adopté.
« Art. 3. Frais des athénées et collèges. Subside annuel : fl. 40,315. »
La section centrale ne propose pas de réduction.
M. Jullien. - Je ne sais comment M. le ministre de l'intérieur entend la justice distributive, mais il a oublié d’en faire l’application à l’article qui nous occupe. En effet, je vois dans cet article qu’il propose d’allouer, à titre de subside, 12,000 fl. pour l’athénée de Bruxelles, 9,000 pour celui de Tournay, et 10,515 pour celui de Namur, c’est-à-dire plus des deux tiers de toute la somme globale. Ainsi, tout à l’un et rien à l’autre, telle semble être la règle qu’a adoptée M. le ministre.
L’orateur réclame en faveur de l’athénée de la ville de Bruges. Remontant à l’origine des athénées, il dit qu’ils ont remplacé à la restauration les lycées fondés dans les principales villes de la Belgique sous le gouvernement français et payés par lui, et que le gouvernement déchu en mit les frais à la charge des villes. Toutefois, il accordé à celui de Bruges un subside de 6,000 fl. jusqu’en 1820, où cette somme lui fut supprimée.
Invoquant à l’appui de sa réclamation l’état de détresse de la ville de Bruges, qui, dit-il, n’a plus de sa grandeur passée que les souvenirs, et le principe d’une juste répartition entre les villes à raison de leurs charges, il demande que dans le crédit demandé l’athénée de Bruges soient compris pour une somme de 3,000 fl. Si le ministre, ajoute-t-il, s’y refusait, je croirais qu’il sert les intérêts de ceux qui veulent sacrifier cet athénée à un établissement rival qui est situé à quelques lieues de là.
M. Tiecken de Terhove. - Messieurs, moi aussi, j’ai été frappé en voyant la disproportion qui existe dans la répartition de la somme de 40,315 fl. dont l’allocation est demandée pour subsides ordinaires des athénées et collèges ; trois ville, Bruxelles, Tournay et Namur sont spécialement favorisées, et obtiennent des sommes considérables. J’observerai encore qu’il me paraît étrange qu’il n’y ait que dix villes qui participent à ce subside. Je ne reconnais pas là cette justice distributive qui devrait président à tous les actes du gouvernement ; tous les athénées, tous les collèges, en raison de leur importance et des localités, devraient avoir un droit égal à la protection du gouvernement, et quelques localités ne doivent pas être favorisées aux dépens de toutes les autres.
Je remarque encore que la province du Limbourg est exclue ici dans la participation de cette somme, et cependant elle en aurait grandement besoin. Comme je me flatte que le gouvernement nous présentera incessamment un projet de loi sur l’organisation de l’instruction publique, je ne ferai pas dans ce moment de proposition à cet égard. Je désirerais cependant apprendre de M. le ministre par quels motifs le gouvernement a cru devoir favoriser si spécialement les villes de Bruxelles, Tournay et Namur, aux dépens de toutes les autres, et si son intention est réellement de nous présenter pendant cette session ce projet d’instruction, qui à mes yeux est d’une urgence manifeste, beaucoup de localités se trouvant privées de toute instruction, depuis qu’elle est devenue libre.
M. Jamme. - Je l’ai déjà aussi fait observer, messieurs, il existe une disparité choquante dans la répartition des subsides accordés aux collèges et aux athénées. Je pourrais, à l’imitation de l’honorable M. Jullien, faire remarquer que Liége ne reçoit que trois mille florins de subside, pour un collège qui lui coûte annuellement quinze mille ; mais, messieurs, je crois que pour le moment, nous ne devons faire sur ce point aucune réclamation et encore moins en admettre.
Car je vois qu’il existe sur ce point une irrégularité tellement grande, qu’il n’est guère possible d’y obvier que lors de la discussion de la nouvelle loi. Je ne doute pas que M. le ministre ne fasse usage, lorsqu’il nous présentera cette loi, de tous les arguments qui viennent de surgir.
J’entends dire que Liége a tort de faire entendre des plaintes, tandis qu’elle a l’avantage de posséder une université. Oui, messieurs, mais j’établis une différence totale entre les universités et les collèges : les collèges sont des établissements municipaux, plus ou moins à la charge des régences, et la preuve, c’est ce que coûte le collège à la ville de Liége ; tandis que les universités sont des établissements d’intérêt général, que l’on place dans les villes où on trouvent réunis tous les éléments les plus propres à en amener le succès, et qui ne dispensent aucunement ces villes de se constituer en dépenses pour l’établissement d’un collège. Je dois ajouter que ce n’est pas une réclamation que j’ai faite, mais seulement des observations ; car remarquez, messieurs, que la régence de Liége refusera peut-être tout subside pour le collège, si par la nouvelle loi, l’inspection que le gouvernement se réservera ne peut lui convenir en lui enlevant l’indépendance dans laquelle elle veut se maintenir à l’égard d’un établissement presqu’en totalité rétribué des deniers de la ville.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je répondrai d’abord à un honorable membre que, si sa mémoire avait été fidèle, il se serait rappelé que j’avais déjà annoncé la présentation du projet de loi sur la nouvelle organisation de l’instruction publique pour cette session.
Quant à la réclamation de M. Jullien, elle me paraît très fondée en effet ; mais je lui ferai observer qu’il ne peut m’accuser de partialité et d’injustice envers la province, car il est un autre article dans mon budget, l’article 5, où la Flandre occidentale est portée pour une somme de 11,622 fl. Maintenant, si l’article que l’on discute en ce moment contient des allocations très fortes pour certaines villes, c’est qu’elles m’ont été signalées par l’administrateur et l’inspecteur, comme ayant les plus grands besoins. Il en est ainsi de la régence de Bruxelles, qui se trouve dans un état de délabrement tel qu’un secours de 7,800 fl. lui est nécessaire. Si d’ailleurs les sommes portées pour ces villes sont trop fortes, une partie pourra en être reportée sur d’autres objets ; mais dans le cas même où je ne pourrais prendre dans le présent article un subside pour l’athénée de Bruges, il pourrait être prélevé sur l’article 5.
M. A. Rodenbach. - Il faut convenir, messieurs, que l’inégalité de la répartition des 40,315 fl. pour les athénées et collèges est par trop inique : Bruxelles a 12,000 fl., Namur, 10,515 fl., Tournay, 9,000 fl. Gand, Anvers, Malines et une quarantaine d’autres villes que je pourrais vous citer, zéro. Quelle singulière justice distributive !
J’en conclus qu’il ne faut point d’allocation : outre la somme de 10,515 fl. que l’on accorde à l’athénée de Namur, on alloue encore à cette ville une somme de 12,000 fl.
Guillaume leur avait accordé ce montant, afin d’incruster dans la tête des Namurois l’harmonieuse langue néerlandaise.
Est-ce que là par hasard la langue d’Outre-Moerdyck doit continuer à être enseignée dans les provinces wallonnes ?
M. d’Huart se plaint de ce qu’il n’est rien alloué pour la province du Luxembourg. Il ne parle pas du collège qui se trouve dans la ville de Luxembourg ; mais pour toute l’instruction publique de la province. En conséquence, il annonce qu’il proposera un amendement à l’article 5, tendant à majorer l’allocation portée pour le Luxembourg, jusqu’à concurrence de 12,350 fl.
M. d’Elhoungne se plaint aussi de l’injuste répartition du subside dont il s’agit, puisque, sur neuf provinces dont se compose le royaume, cinq en sont privées. Toutefois, il ne peut approuver la proposition de M. Jullien, parce que, l’année étant commencée, il est à craindre que si l’on diminue une partie du crédit affecté tout entier à certains établissements pour la reporter sur d’autres, cela n’occasionne un bouleversement.
Du reste, il fait remarquer que les études, telles que nous les ont transmises nos aïeux, ne répondent plus aux besoins de la civilisation actuelle, et que, dans la nouvelle organisation de l’instruction publique, il faudra s’occuper davantage des sciences physiques, des sciences exactes, de la langue maternelle et des autres langues vivantes, et moins du grec et du latin. Sous ce rapport il donne son approbation à l’administration de l’instruction publique à Bruxelles dont l’athénée, dit-il, est monté sur le pied le plus respectable. Il annonce qu’il sera toujours disposé à voter des fonds pour obtenir de pareils résultats, mais il ne pense pas que les sommes de 5 ou six cents fl., qu’il voit figurer dans l’article, puissent atteindre le but que se propose.
M. Dumont demande, pour éviter l’inconvénient signalé parM. d'Elhoungne, que le chiffre proposé par M. Jullien soit ajouté à l’article comme majoration.
M. Fallon. - Mon honorable collègue M. Dumortier a déjà expliqué comment il se fait que la ville de Namur paraît favorisée dans la répartition du subside. Il a omis cependant une considération assez importante, c’est que, la province de Namur renfermant des mines de toute nature, le gouvernement a pensé fort sagement qu’il importait à l’industrie comme à la science d’établir à l’athénée de Namur une chaire de minéralogie et de métallurgie, ce qui a fait naturellement majorer l’allocation.
Du reste, si on veut, et on le veut sans doute, que les établissements d’instruction publique puisse soutenir la concurrence à côté d’établissements particuliers, c’est dans ce moment surtout qu’il y a nécessité de protéger l’athénée de Namur, et cela par des considérations locales dont il n’est pas nécessaire que j’entretienne la chambre.
Au surplus, est-bien au moment où l’on va s’occuper d’un nouveau système d’enseignement moyen, et au moment surtout où il ne reste plus que quatre mois de l’année scolaire, que l’on peut penser à désorganiser cet enseignement ?
J’appuie donc fortement l’avis de la section centrale, et, par suite, l’allocation telle qu’elle est demandée par le ministre.
- La discussion se prolonge. Sur l’observation de M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) qu’il trouvera sur la somme globale de 40,315 fl. de quoi accorder un subside de 3,000 fl. à l’athénée de Bruges, M. Jullien retire son amendement.
Le chiffre de l’article 3 est mis aux voix et adopté.
« Art. 4. Réserve pour les demandes éventuelles des régences et pour la création possible de nouveaux cours : fl. 9,685. »
La section centrale propose de supprimer cet article.
- Il est mis aux voix et rejeté.
M. H. de Brouckere propose une allocation pour les professeurs et régents de collèges supprimés qui ont réclamé des secours par plusieurs pétitions, de l’une desquelles il a fait lui-même le rapport à la chambre. Il ajoute que le sort de ces hommes, privés de leurs moyens d’existence, mérite toute la sollicitude de la chambre.
M. Lebeau. - J’appuie la proposition de notre honorable collègue M. H. de Brouckere, parce que les instituteurs dont il s’agit sont des hommes recommandables qui se trouvent aujourd’hui plongés dans la plus profonde misère, et, si je voulais parler ici des personnes, je pourrais rapporter des choses qui exciteraient, je ne dirai pas la compassion de la chambre, mais son plus vif intérêt, et l’engageraient à voter une mesure de rigoureuse justice.
M. Tiecken de Terhove. - Ennemi des traitements d’attente, quand ces traitements sont prodigués à des hommes qui n’ont rien fait pour les mériter, et ne sont, comme nous l’avons vu souvent, que le résultat de la faveur, je viens aujourd’hui appuyer la proposition de M. H. de Brouckere, tendante à venir au secours de quelques fonctionnaires qui ont été privés de leurs places, par suite des événements de notre révolution, et ont été l’objet des persécutions de nos ennemis.
J’en connais un, messieurs, qui se trouve dans une situation telle, qu’elle vous inspirerait à tous les sentiments de la plus vives sollicitude. Voué depuis longues années à l’enseignement public, avec un zèle infatigable ; mari, père et fils, entretenant et soignant une mère infirme avec une tendresse vraiment filiale, ce digne citoyen, animé des sentiments du plus pur patriotisme, tout dévoué à la cause du peuple belge, et à qui l’introduction de la jeunesse maestrichoise était confiée, en sa qualité de principal du collège de Maestricht, a été persécuté, pourchassé par nos ennemis, pour ses opinions politiques, et forcé de quitter instantanément ses fonctions, et quelques temps après, la ville.
Malgré ses talents, ses connaissances variées, et sa haute instruction dans les langues anciennes et modernes, et ainsi que dans les mathématiques et les lettres ; malgré une activité et un zèle infatigable, qui l’ont toujours éminemment distingué, ce brave et digne citoyen est aujourd’hui dans l’impossibilité de pourvoir à ses besoins et à ceux de sa famille.
Messieurs, quand on présente des titres pareils à l’obtention d’un traitement provisoire, je crois qu’il n’entre dans la pensée de personne de nous de vouloir s’y refuser. J’espère donc que la chambre, s’associant aux vues philanthropiques et patriotiques du congrès, en accordant et plaçant les fonctionnaires de la partie cédée, qui voudraient s’établir en Belgique, voudra bien accorder à cet ancien fonctionnaire la continuation provisoire de ses appointements de 1,500 fl., dont il jouissait comme principal du collège de Maestricht, et que M. le ministre, lors de l’organisation de l’instruction publique, voudra bien lui accorder une place qui soit en rapport avec son mérite, utiliser ainsi son talent, lui rendre une existence et les moyens de pourvoir aux besoins de sa famille.
J’ai cité ce cas particulier, messieurs, qui est parfaitement à ma connaissance, parce que je puis supposer qu’il n’est pas le seul ; et en conséquence, j’appuie fortement la proposition de mon honorable collègue M. de Brouckere.
- Après un léger débat, la proposition de M. H. de Brouckere est adoptée.
« Art. 5. Traitements et suppléments de traitements aux instituteurs, et autres frais de l’enseignement primaire dans les provinces : fl. 116,124. »
La section centrale propose une réduction de 16,124 fl.
M. Leclercq demande si les bourses dont il est parlé au troisième paragraphe de cet article sont des bourses existantes ou encore à créer.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) répond qu’elles ont été accordées par des arrêtés royaux. Il n’en sait pas bien le nombre, mais il pense qu’il n’a été donné que deux ou trois bourses entières et deux demi-bourses, et il propose de réduire l’allocation de 4,500 fl., qui figure de ce chef dans l’article, à 900 fl.
M. Dubus, rapporteur, lit une note de l’inspecteur de l’instruction publique, de laquelle il résulte que 750 fl. sont suffisants pour cet objet. En conséquence, il propose de restreindre la réduction de la section centrale à 15,150 fl.
M. d’Huart propose de porter l’allocation de la province du Luxembourg à 12,350 fl., au lieu de 8,703 ; mais sur l’observation de M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) que les allocations ont été fixées approximativement sur les rapports de l’administrateur de l’instruction publique, et que, si la province de Luxembourg éprouve de plus grands besoins que ceux qui ont été prévus, il pourra reporter sur elle une partie des autres allocations, il retire son amendement.
- La réduction primitive de la section centrale est mise aux voix et rejetée.
Le chiffre total de l’article s’élevant à 100,374 fl. est également adopté.
« Art. 1er. Lettre A. Pour soutenir et encourager l’agriculture, l’industrie et le commerce, et procurer du travail aux ouvriers des fabriques : fl. 300,000. »
La section centrale propose de n’allouer que 150,000 fl.
M. Mary propose de joindre à la discussion de cet article celle du premier article du chapitre XVII, intitulé : « Subsides aux villes et aux communes. »
- Cette proposition est écartée.
M. Corbisier. - (Nous donnerons son discours.) (Note du webmaster : ce discours n’a pas été retrouvé).
(Moniteur belge n°111 et 112, des 20 et 21 avril 1832) M. Jamme. - Messieurs, lors de la discussion générale du budget du ministère de l’intérieur, déjà j’ai fait connaître mon opinion sur le crédit de 300,000 florins demandé pour l’encouragement de l’agriculture, de l’industrie et du commerce : j’ai dit alors que je ne voterais que pour le crédit réduit par la section centrale, et qu’en temps ordinaire, je voudrais que ce crédit fût même encore réduit. Je dois aujourd’hui motiver mon vote avec précision.
Il ne fallait rien moins, messieurs, que les sévères leçons de l’expérience pour que je me montrasse opposé à ce qu’on allouât un crédit que, arrivé à sa juste destination, pourrait avoir des résultats éminemment utiles et conformes à ma pensée, qui, réellement, est toujours portée à accorder encouragement et protection à toutes les sources de la prospérité publique ; mais la conviction qu’il est trop difficile d’atteindre ce but, et que souvent des encouragements ou de secours sont accordés aussi bien à l’obsession ou à l’intrigue qu’au besoin réel, me détermine.
La surveillance sur l’administration des deniers publics nous est confiée ; nous devons nous opposer à tout emploi douteux qui pourrait en être fait. Nous ne sommes pas les dispensateurs de la fortune publique, nous n’en sommes que les administrateurs, et nous devons l’administrer pour le plus grand avantage de l’intérêt général.
J’ai déjà fait connaître, messieurs, de quelle manière je pense qu’il faut protéger l’industrie et le commerce ; c’est par de bonnes lois qu’il faut les protéger, des lois qui concordent avec l’intérêt général, mais presque jamais par des avances de fonds : l’expérience le prouve. L’emploi que le gouvernement précédent a fait des deniers publics, sous la dénomination de fonds destinés à l’encouragement de l’industrie nationale, démontre à l’évidence le vice du système, système qui semble n’avoir été imaginé que pour accorder des faveurs à quelques industriels aux dépens du trésor. Pour quelques capitaux qui peuvent avoir atteint le but pour lequel ils étaient prêtés, la masse des autres n’aura servir qu’à établir une industrie factice, à préparer un état de gêne pou certains emprunteurs, la ruine pour certains autres, et finalement la perte d’une partie des capitaux pour l’Etat.
Au moment, messieurs, où nous discutons longuement et péniblement pour obtenir sur l’ensemble de tous les budgets quelques petites économies, qui vont peut-être compromettre le service ou l’existence de quelques employés, il est dû au trésor 7 millions de florins. L’existence de ce capital considérable est plus ou moins gravement compromise.
Dans cette valeur de 7 millions, celle de 4,537,503 a été avancée aux industriels. Les époques des remboursements sont déterminées pour la plupart des avances faites ; pour quelques autres, elles ne le sont pas. L’époque des remboursements est arrivée pour une partie de ces avances ; les remboursements n’ont pas lieu et les intérêts ne sont pas payés.
Les hypothèques de plusieurs de ces capitaux sont compromis par la faillite des emprunteurs ou le mauvais état de leurs affaires. Plusieurs des capitaux avancés n’on pas reçu la destination pour laquelle on les avait demandés. Reste alors 2,500,000 fl. engagés dans des entreprises dans lesquelles le gouvernement était intéressé. Si je suis bien informé, messieurs, des intérêts d’une aussi haute importance n’ont été l’objet d’aucun soin, d’aucune surveillance depuis la révolution ; je puis même dire que j’en ai la preuve, puisque le budget des voies et moyens n’offre aucune trace du mouvement de ces valeurs ni de leurs intérêts.
Je dois inviter itérativement M. le ministre des finances à donner à la chambre des explications sur ces opérations et sur la manière occulte dont elles se traitent. Je regrette que M. le ministre ne soit point présent ; je devrai l’interpeller une autre fois.
Je vous laisse penser, messieurs, si, avec la conviction que les faits dont je viens de vous entretenir sont exacts, je puis hésiter dans le vote que je dois émettre. Je voterai toujours pour la réduction de moitié du crédit en considération de l’urgence des circonstances dans lesquelles le pays pourrait se trouver.
M. Tiecken de Terhove. - (Nous donnerons son discours.) (Note du webmaster : ce discours n’a pas été retrouvé).
(Moniteur belge n°111 et 112, des 20 et 21 avril 1832 M. Pirmez s’oppose à l’allocation.
M. Delehaye insiste sur la nécessité d’accorder un subside à l’industrie et au commerce, sous peine de voir 80,000 hommes sur le pavé.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) appelle l’attention de la chambre sur l’industrie cotonnière, pour laquelle il pense qu’il serait utile de créer des primes d’exportation. Il lit à cet égard une note du comité d’industrie, qui propose pour cette industrie le système de primes.
M. Devaux fait observer que les primes sont une matière trop grave pour être laissées à l’arbitraire du gouvernement, et il pense qu’elles ne peuvent être accordées qu’en vertu d’une loi spéciale.
M. Barthélemy dit qu’il sait de science certaine que les fabriques de coton travaillent, et que le débouché de Batavia est de nouveau rouvert à cette industrie.
M. Jamme appuie les observations de M. Devaux.
M. A. Rodenbach. - Tous les économistes célèbres sont d’accord sur le principe qu’il faut laisser faire l’agriculture, le commerce et l’industrie. Je partage entièrement cette opinion ; mais, vu les circonstances fâcheuses dans lesquelles nous nous trouvons encore, je voterai, non point les 300,000 fl. réclamés par le ministère, mais le chiffre de la section centrale qui ne s’élève qu’à 150,000 fl. ; mais, tout en allouant cette somme, je crois, comme mon honorable collègue M. Devaux, que le ministre doit rendre compte de l’emploi des fonds. Le commerce des toiles et les distilleries n’ont, jusqu’à présent, point obtenu de gratifications à titre d’encouragement, et je ne prétends point que les 300,000 fl. demandés soient des cent mille florins Merlin. On nous a si souvent parlé, messieurs, du million Merlin, que je ne trouve pas inopportun de vous dire ce que le mot Merlin signifie, dont il ne faut point rendre compte. prie M. le ministre de bien vouloir se rappeler cette définition grammaticale.
M. Osy. - Je suis également d’opinion que notre gouvernement ne doit pas suivre la marche suivie par l’ancien gouvernement pour soutenir ou favoriser l’industrie. Mais, après la grande secousse que le commerce et l’industrie ont subi depuis la révolution, je crois que nous devons allouer une somme pour soutenir, au moyen de primes, les branches d’industrie nationale qui ne pourraient l’être suffisamment sans élever certains droits à une hauteur qui aurait des suites défavorables pour le commerce, où servirait d’appât à la fraude, mais aussi à encourager les fabriques, les manufactures, la pêche et l’agriculture. J’espère donc que la commission d’industrie adoptera un système convenable à notre situation actuelle. Aussi je voterai pour les 150,000 fl. que la section centrale vous demande, et, si un système avait été adopté par la commission, j’aurais demandé les 300,000 fl. proposés par le gouvernement ; mais je pense que, pour l’année prochaine, nous devrons allouer au moins 300,000 fl.
En vertu de la loi du 12 avril 1821, l’ancien gouvernement avait accordé des primes pour la construction des navires, et par ses arrêtés des 5 octobre 1823, 29 juillet 1825 et 10 septembre 1827, on prenait sur les produit des droits d’entrée et de sortie, transit, tonnage, les fonds nécessaires pour payer ces primes.
Depuis la révolution, on a lancé plusieurs navires de nos chantiers, et, par plusieurs demandes au gouvernement et aux chambres, on réclame en vain depuis 18 mois de liquider ces prétentions de stricte justice.
La commission du congrès, en faisant son rapport sur le budget des voies et moyens dont M. de Theux était rapporteur, disait : « L’on s’est principalement attaché à fixer par approximation l’excédant disponible de l’exercice 1830 : les fonds disponibles de cet exercice ne montaient, au 15 du présent mois, qu’à 2,509,331 fl. ; mais il faut en défalquer les prétentions à charges du trésor provenant du même exercice 1830, comme primes pour la construction des navires, réclamations de traitements, etc. »
Vous voyez donc, messieurs, que le congrès avait déjà reconnu en principe qu’il fallait payer ces primes, et même le gouvernement provisoire a fait payer une somme de 12,000 fl. à M. Fleury-Duray, à compte sur les primes qui lui étaient dues pour constructions de bâtiments maritimes (voyez l’état des dépenses depuis le 18 au 30 novembre 1830, fourni au congrès) ; il n’y a donc pas de doute que nous sommes obligés d’autoriser le gouvernement à liquider ces justes prétentions. Le gouvernement aurait dû le faire avec les fonds en caisse de 1830 ; mais, M. le ministre de l'intérieur m’ayant dit que les comptes de cet exercice étant clos, je viens vous proposer d’allouer une somme au chapitre VII, pour satisfaire aux diverses demandes adressées au ministère de l’intérieur.
Depuis les informations qui m’ont été fournies par le ministre, les sommes demandées jusqu’à ce jour montent à 72,000 fl. ; mais il paraît qu’il nous viendra encore quelques réclamations pour les navires qui n’ont pu être lancés dans le temps voulu par la loi, les constructeurs en ayant été empêchés par force majeure : ces navires se construisaient sur des chantiers contre la citadelle d’Anvers et dans les rayons des Hollandais, et aucun Belge n’a pu y approcher depuis 1830. Je viens donc demander 80,000 fl. pour solder des primes pour les navires en construction avant 1831.
M. Hye-Hoys. - Je demande la parole pour répondre à l’honorable M. Osy qu’il se trompe s’il croit que les marchandises anglaises ne sont imposées qu’à un droit de 5 à 6 p. c., tandis qu’il y a des articles qui paient 25 et même 50 p. c. à la valeur.
Je dirai à l’honorable M. Barthélemy qu’il règne, à la vérité, aujourd’hui une certaine activité dans les fabriques de Gand pour les besoins du moment, mais nous n’avons aucune certitude que cela continuera ; tout dépendra des circonstances. Il pourrait arriver une époque, je suppose la reprise des hostilités contre la Hollande, qui pourrait faire cesser toute commande, et, dans pareil cas, le gouvernement doit avoir des moyens pour pouvoir venir au secours des masses d’ouvriers qui pourraient se trouver sans travail : en conséquence, je voterai pour la somme allouée.
M. Devaux interpelle le ministre de l’intérieur pour savoir si des primes ne seront accordées qu’en vertu d’une loi.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) répond qu’il ne voit aucune difficulté à présenter un projet de loi sur cette matière ; mais il insiste pour que l’on accorde l’allocation demandée à titre de secours.
- Sur la proposition de M. Delehaye, la proposition de M. Osy est renvoyée à la section centrale après double épreuve.
Le chiffre de 150,000 fl. proposé par la section centrale est ensuite mis aux voix et adopté.
M. d’Hoffschmidt. - Je demande la parole pour faire une interpellation à MM. les ministres. (Mouvement d’attention.) Messieurs, la nouvelle vient de se répandre que M. Thorn, gouverneur de la province de Luxembourg, aurait été enlevé, dans sa maison de campagne, par des maréchaussées sortis de la ville de Luxembourg avec la bande Tornaco et conduit dans la citadelle de la place. Je demanderai à MM. les ministres si le fait est vrai : ce serait, de la part de la Hollande,, un commencement d’hostilités bien propre à jeter la consternation dans le Grand-Duché, surtout s’il ne se trouvait pas sur les lieux des forces suffisantes pour empêcher que de pareils attentats ne soient commis sur d’autres personnes. Je prie donc MM. les ministres de nous dire ce qu’ils savent à ce sujet, et s’il y a des forces suffisantes dans le Luxembourg. (Agitation.)
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - En effet, messieurs, il est arrivé hier au soir, au gouvernement, l’avis que M. Thorn avait été enlevé dans les environs de la citadelle par des gendarmes hollandais ; mais le fait n’est pas certain. C’est sur le dire d’un individu que la lettre que nous avons reçue a été écrite. On ne parle pas qu’il y ait eu aucun acte d’hostilité.
M. d’Hoffschmidt. - Vous ne répondez pas à ma question s’il y a des forces suffisantes dans le Luxembourg, en cas de reprise des hostilités.
M. Dumortier (vivement). - Messieurs, le fait qu’on nous annonce est extrêmement grave ; à coup sûr, le gouvernement ne doit pas souffrir une aussi coupable violation du droit des gens. Il faut qu’il montre en cette circonstance la plus grande énergie, et qu’il use de représailles pour empêcher qu’on ne renouvelle des actes aussi atroces, et pour sauver la cause de la révolution que le roi Guillaume s’efforce de compromettre. Il ne faut pas s’y méprendre, M. Thorn exerce dans le Luxembourg une grande influence, et son enlèvement décèle, de la part de la Hollande, une arrière-pensée qu’elle ne tardera pas, sans doute, à exécuter.
Je le répète, il faut que le gouvernement prenne enfin une attitude digne de notre cause et de notre révolution, qu’il adresse une note énergique aux puissances contre l’attentat commis sur M. Thorn, et qu’il se mette en mesure de repousser l’ennemi qui, sans doute, se prépare à nous attaquer : ce n’est que par ce moyen que notre révolution sera sauvée, et non plus par les voies diplomatiques.
Je demanderai à ce propos pourquoi on n’a pas encore présenté un projet de loi constitutif d’un ordre pour récompenser les hommes qui ont combattu en septembre, et les braves de notre armée. C’est un moyen d’émulation qu’il ne faut pas négliger, car nous avons affaire à un ennemi perfide et astucieux, contre lequel nous ne saurions employer trop de ressources.
Je demanderai en outre à M. le ministre des affaires étrangères s’il est vrai, comme le bruit s’en répand, que les ratifications aient eu lieu ; je n’ai jamais cru aux ratifications, mais j’ai pu me tromper dans mes prévisions et dans ce cas je pense que, dès le jour où elles auront été faites, le roi Guillaume ne tardera pas à nous attaquer. Il a vu que par sa première invasion en Belgique, il avait obtenu des conditions meilleures ; il voudra en obtenir de meilleures encore par une nouvelle attaque. Il faut donc nous préparer à la guerre. J’invite le ministère à y songer, et à nous dire s’il a reçu les ratifications.
M. Lebeau. - Messieurs, l’abominable guet-apens qu’on vient de nous signaler ne peut rencontrer qu’un sentiment unanime dans cette assemblée : indignation contre ceux qui l’ont commis, et sympathie pour la victime. Mais, avant de se laisser aller à son indignation, il faut vérifier le fait, ne pas alarmer le pays sur un bruit qui peut n’être pas fondé, et ne pas nous livrer à des emportements anticipés qui, s’ils ne reposaient sur rien, après vérification pourraient paraître ridicules. Je demanderai donc avant tout à M. le ministre de l'intérieur, s’il a envoyé un courrier sur les lieux, aussitôt la nouvelle reçue pour s’assurer si elle est exacte.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je vous avoue, messieurs, que la sortie de l’honorable M. Dumortier a droit de m’étonner. Il me semble qu’avant de se livrer à de telles exagérations, il faudrait au moins que les faits fussent vérifiés et constatés ; alors l’indignation serait légitime, et je serais le premier à la partager. Quoi qu’il en soit, voici ce qui est arrivé.
Hier soir, une lettre, écrite par un employé subalterne, a été reçue par le ministre de l’intérieur. Cet employé annonce, sur la foi du rapport qu’en aurait fait le conducteur d’une diligence, que M. Thorn aurait été enlevé dans sa maison de campagne. Le fait est possible, messieurs, car il faut nous attendre à tout de la part de notre ennemi. Mais je vous avoue que, sur la communication que m’a faite de la nouvelle M. le ministre de l'intérieur, je n’ai pas même osé la dénoncer aux agents diplomatiques de la France et de l’Angleterre
M. Thorn est gouverneur de la province de Luxembourg. Quand il est absent ou indisposé, le plus ancien député des états provinciaux doit le remplacer, et c’est de ce fonctionnaire que nous devons attendre la nouvelle officielle du fait : il ne manquera pas, sans doute, de nous l’envoyer, si la nouvelle est vraie, et aussitôt le gouvernement prendra les mesures nécessaires. (Appuyé ! appuyé !)
M. Dumortier demande la parole au milieu du bruit. Je ne croyais pas, dit-il, que l’on pût taxer d’exagération les paroles patriotiques que j’ai fait entendre.
- Tous les membres quittent leur place et se disposent à sortir ; M. Dumortier ne peut pas se faire écouter.
M. le président. - Messieurs, messieurs, la séance n’est pas levée.
M. Fallon. - Je demande à faire une motion d’ordre. L’expérience nous a prouvé que nous ne gagnions rien à avoir deux séances ; hier soir nous n’avons délibéré que pendant deux heures, et, en restant ici jusqu’à quatre, nous aurions fait tout autant de travail. D’un autre côté, avec les précautions sanitaires qu’on est obligé de prendre, il est insalubre de se réunir le soir. (Hilarité.)
M. le président. - Il y a à cet égard décision prise par la chambre. A ce soir à 6 heures.
- La séance est levée à 2 heures.
Noms des membres qui n’ont pas répondu à l’appel nominal : MM. Barthélemy, Cols, Dewitte, de Woelmont, Domis, Goblet, Lardinois, Nothomb, Verdussen, H. Vilain XIIII, Jonet, Devaux, Van Meenen, Watlet.
Noms des membres absents sans congé : MM. Boucqueau de Villeraie, Dams, Ch. de Brouckere, de Foere, F. de Mérode, de Nef, de Robaulx, Gelders, Goblet, Jacques, Jaminé, Lebègue, Legrelle, Pirson, Poschet, Seron, Thienpont.
La séance est ouverte à six heures trois quarts.
L’ordre du jour est la suite de la discussion du budget.
M. Dumortier. - Messieurs, avant de reprendre la discussion du budget, il me semble que nous avons à nous occuper d’un objet bien autrement important, c’est de l’arrestation de l’honorable M. Thorn. Je demanderai aux ministres s’ils n’ont pas reçu depuis la précédente séance de nouveaux renseignements.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - J’ai eu l’honneur de dire tantôt à la chambre tout ce que le gouvernement avait appris sur cet événement. Je ne pense pas que depuis lors on ait reçu aucune nouvelle qui soit de nature à être communiquée à la chambre ; il est par conséquent inutile de s’occuper de cet objet en ce moment.
- Quelques voix. - Appuyé.
M. Dumortier. - Un de nos honorables collègues, M. d’Hoffschmidt, a reçu d’un de ses parents une lettre contenant des détails sur cet événement, il faut les connaître ; on ne doit pas passer légèrement sur un fait aussi grave que l’enlèvement d’un membre de la représentation nationale.
M. d’Elhoungne. - La discussion qui pourrait s’ouvrir à cet égard serait tout à fait oiseuse et ne produirait aucun résultat ; je demande que nous revenions au budget. (Appuyé ! appuyé ! L’ordre du jour !)
M. le président. - La parole est à M. Rogier sur le budget.
M. Dumortier. (vivement). - Je m’oppose à l’ordre du jour, et je demande au ministère de nous dire la conduite qu’il tiendra dans le cas où il recevrait la nouvelle officielle de l’enlèvement de M. Thorn. (C’est inutile ! l’ordre du jour !)
M. A. Rodenbach. - Messieurs, la nouvelle n’est que trop vraie, M. Watlet vient de me l’affirmer. Le digne sénateur, M. Thorn, a été arrêté par les sbires du roi Guillaume. Selon moi, ce fait équivaut à une déclaration de guerre. (Agitation. L’ordre du jour ! l’ordre du jour ! Non ! non !)
M. Lebeau. - Je viens appuyer l’ordre du jour, et personne j’espère ne se méprendra sur mes intentions en faisant cette demande, pas plus que sur celle de la chambre en l’adoptant ; car personne ici ne peut revendiquer l’honneur de flétrir plus énergiquement que d’autres l’indigne conduite des agents du roi Guillaume. Il ne peut y avoir qu’une voix là-dessus. Mais est-ce à dire qu’il faille en faire maintenant l’objet d’une discussion ? Non, messieurs, au contraire, il faut laisser au ministère le temps de recevoir des nouvelles certaines sur cette affaire.
- Plusieurs voix. - Il en a.
M. Lebeau. - Il vous dit que non, et il n’a aucun motif de dissimuler à cet égard. Laissez-lui, je le répète, le temps de recevoir ses informations nécessaires, et quand elles seront prises, le gouvernement fera son devoir, comme la chambre le sien. Je le répète, ceci ne peut être l’objet d’un débat en ce moment, et j’insiste pour l’ordre du jour ; non que je regarde la question comme peu importante, mais parce qu’elle est évidemment prématurée. (Appuyé ! appuyé ! l’ordre du jour !)
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Vous sentez, messieurs, qu’il nous est impossible, en ce moment, de donner des renseignements, que nous n’avons pas, sur le fait de l’arrestation de M. Thorn. En le supposant constant, il faut, avant de nous expliquer devant la chambre, que nous connaissions les circonstances de l’événement et des faits qui y ont donné lieu.
Le gouvernement sait tout ce qu’il doit à M. Thorn, non seulement en sa qualité de membre de la représentation nationale, mais comme fonctionnaire investi de toute sa confiance, et sous ce rapport, la chambre peut être parfaitement rassurée sur la conduite du gouvernement. Mais, je ne puis que répéter ce qu’on a déjà dit, qu’en ce moment toute discussion serait oiseuse.
M. d’Hoffschmidt. - Ce n’était pas pour critiquer la conduite du gouvernement, que j’avais fait ma motion dans la séance de ce matin ; au contraire, je lui rend cette justice qu’il a fait beaucoup pour protéger les malheureux et braves habitants du Luxembourg ; je n’avais voulu qu’appeler l’attention sur un fait aussi grave, afin qu’il prît de nouvelles et énergiques mesures, pour faire rendre M. Thorn à la liberté. J’ai en main la lettre qui confirme son enlèvement ; si la chambre le désire, je lui en donnerai connaissance.
- Voix nombreuses. - Lisez ! lisez !
- D’autres voix. - Non ! non !
- La chambre décide que la lettre sera lue.
M. d’Hoffschmidt lit la lettre ainsi conçue :
« Notre gouverneur, s’étant rendu dimanche soir au château de Schoenfettz (fond de Merche, à trois lieues et demie de Luxembourg), a été arrêté hier matin, à dix heures, en passant dans un petit bois à proximité de son habitation, par des maréchaussées hollandais, qui l’ont conduit à Luxembourg. Arrivé à la Porte-Neuve, on l’a fait monter en voiture pour traverser la ville : le général hollandais Goedecke était dans la même voiture. On a mis de suite M. Thorn en prison. La députation a rendu compte de cette affaire au ministre de l’intérieur, et vient d’écrire avec énergie aux généraux Goedecke et du Moulin à Luxembourg, pour connaître les motifs de cette arrestation arbitraire. »
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je réitère la déclaration, qu’il n’est arrivé au gouvernement d’autre avis, que la lettre d’un simple employé, dont j’ai parlé ce matin.
M. d’Huart. - On se méprend sur le but dans lequel la motion a été faite. Ce n’était que pour appeler l’attention du gouvernement sur le guet-apens, qui présage d’autres événements sans doute, que la motion a été faite. Mais déjà je sais que des ordres ont été données par le ministère, et que des mesures sont prises pour protéger efficacement le Luxembourg.
M. le ministre de la justice (M. Raikem) donne l’assurance à la chambre, que toutes les mesures désirables en pareille occasion ont été ordonnées aussitôt que la nouvelle a été connue. (L’ordre du jour !)
M. Dumortier. - Il y a méséance de passer à l’ordre du jour. (Agitation.)
- La chambre passe à l’ordre du jour.
La discussion est ouverte sur l’article 2 du chapitre VII.
M. Rogier se plaint de ce qu’on n’alloue pas assez pour l’encouragement des beaux-arts, et spécialement de ce qu’on a oublié les promesses faites d’ériger un monument aux braves de septembre. Il faut le dire, ajoute-t-il, la Hollande n’entend pas les choses comme nous. Voyez les honneurs qu’elle décerne à ceux qu’elle appelle ses héros et les monuments qu’elle leur élève ; comparez ce qui se fait chez elle avec ce qui ne se fait pas chez nous. Le gouvernement provisoire avait décidé qu’un monument serait élevé en mémoire des victimes généreuses de septembre, sur la place St-Michel : dix-huit mois se sont écoulés depuis, et rien n’a été fait.
Le peuple seul a pris soin d’orner leur tombeau d’arbustes et de fleurs, mais on y cherche vainement le monument promis ; c’est au nom de cet engagement sacré que je viens prendre la parole, afin d’en réclamer l’exécution. Le gouvernement a demandé pour cet objet 10,000 florins, et la section centrale a obtempéré à sa demande avec cette singulière restriction, que ce ne serait qu’autant que la générosité publique complèterait la somme nécessaire.
Souvenez-vous, messieurs, que la générosité publique a fait sa tâche, 400 mille florins de souscriptions volontaires ont été versés dans la caisse du gouvernement, et certes cette somme suffirait bien et au-delà, pour couvrir les frais du monument. Au reste, des dons spéciaux ont été faits pour cet objet, je le prouve par le rapport du ministre lui-même. On y voit que M. le comte Félix de Mérode a affecté à l’érection du monument 16,000 florins qui lui revenait pour son indemnité comme membre du gouvernement provisoire. M. Nicolas, en a donné 500. Je ne sais pas pourquoi M. le ministre a borné à ses énumérations, car tous les membres du gouvernement provisoire ont souscrit, chacun suivant ses moyens, mais aucune souscription n’est au-dessous de 300 florins.
L’orateur lit en outre le nom de divers autres souscripteurs, et termine en disant qu’il proposera un amendement tendant à majorer de 5,000 fl. la somme demandée.
M. C. Rodenbach. - Avant de voter pour les subsides demandés pour l’académie des sciences et belles-lettres de Bruxelles, pour la société d’émulation de Liége et pour les deux écoles de musique, je crois devoir témoigner ma surprise de ce qu’on refuse le léger subside de 300 fl. qu’accordait le roi Guillaume à la société des sciences médicales, qui s’est vue ainsi dans la nécessité de suspendre la publication de ses annales, faute de fonds. Il me semble cependant que dans un moment où des épidémies sévissent de toute part, la publication d’un journal de médecine eût été d’un intérêt majeur pour la société tout entière. Je demande que M. le ministre de l'intérieur remplisse cette lacune.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je n’ai pas eu connaissance que ce subside fût accordé.
M. C. Rodenbach. - J’ai en main copie d’une pétition adressée il y a deux ans au ministre de l’intérieur pour le réclamer.
M. Delehaye combat la proposition de M. Rogier, parce que, quoiqu’il soit le premier à rendre hommage aux braves de septembre, il s’agit des deniers du peuple, il faut y regarder à deux fois. Il n’est pas besoin, d’ailleurs, d’allocation plus considérable, s’il est vrai, comme l’a dit M. Rogier, que la souscription se soit élevée à 400,000 fl. (Il n’a pas dit cela.)
M. Rogier. - Je n’ai pas dit cela, j’ai dit que la générosité publique avait fait ses œuvres en versant 400,000 fl. dans les caisses du gouvernement pour venir à son secours. Je n’ai pas dit que cette somme fût destinée au monument, mais que ces dons patriotiques avaient été faits pour entretenir le feu du patriotisme qui avait opéré la révolution ; et j’ajoute qu’il y aurait ingratitude de la part du gouvernement, après avoir reçu 400,000 fl. de dons, de refuser le monument qu’il doit aux hommes qui ont péri en défendant la cause de la révolution.
Après quelques mots d’explication de M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux)., M. Van Meenen demande la parole pour une motion d’ordre.
M. Van Meenen. - Messieurs, nous ne nous reconnaissons pas dans la discussion et, pour ma part, je ne sais pas sur quoi l’on discute.
M. le président. - Nous discutons sur l’article 2 ; M. Rogier a parlé sur la lettre O et le ministre a répondu sur la lettre M.
M. Dumortier. - Je demande la division des diverses paragraphes.
M. Jullien. - On s’entend d’autant moins, à ce qu’il paraît, que beaucoup de membres croyaient discuter sur l’article premier, dont nous n’avions adopté que deux littera, tandis qu’on discute maintenant sur l’article 2. On a escamoté la moitié de l’article premier.
M. le président. - Je prie la chambre de vouloir bien se souvenir qu’en mettant aux voix la clôture ce matin, j’ai demandé expressément si on entendait que c’était la clôture sur tout l’article, et on a répondu oui.
- Plusieurs voix. - C’est vrai.
M. le président. - Si la chambre le veut, nous voterons paragraphe par paragraphe. (Appuyé !)
« A. Subside à l’académie des sciences et belles-lettres de Bruxelles : fl. 4,000. »
M. A. Rodenbach. - Je partage l’opinion de la section centrale, que l’académie des sciences et belles-lettres de Bruxelles a besoin d’une réorganisation complète ; car, si je dois en croire la maligne clameur publique, la majorité de ce corps savant fut sur le point de refuser un diplôme de membre correspondant au célèbre chimiste anglais Davy, parce qu’ils ne le connaissaient point. (Hilarité générale.) Bref, messieurs, l’académie est veuve de son savantissime président, le prince de Grave, qui, en sa qualité de mathématicien-calculateur, a trouvé bon de partir pour la Hollande. (Nouvelle hilarité.) J’aime à croire que l’académie n’attendra pas son retour pour se réorganiser.
M. Lebeau demande qu’on discute sur l’article tout entier et non paragraphe par paragraphe, car cette manière entraînerait des longueurs interminables et serait, d’ailleurs, contraire aux précédents de la chambre.
Combattue par M. Jullien et M. d’Huart, cette motion est rejetée.
- Le paragraphe A et les paragraphes suivants sont adoptés sans discussion notable.
« B. Bibliothèque de Bourgogne : fl. 1,900.
« C. Observatoire astronomique de Bruxelles, fl. 5,433 50 c.
« D. Académie des beaux-arts à Anvers : fl. 6,400.
« E. Académie des beaux-arts à Bruxelles : fl. 2,000.
« F. Académie des beaux-arts à Bruges : fl. 2,000.
« G. Médailles d’argent à décerner annuellement : fl. 9,000.
« H. Pour l’encouragement des sciences et des arts : fl. 7,000.
« I. Société d’émulation de Liége : fl. 260.
« J. Ecole de musique de Bruxelles : fl. 4,000.
« K. Ecole de musique de Liége : fl. 4,000.
« L. Médaille en l’honneur du régent : fl. 3,000.
« M. Primes payées pour brevets d’invention : fl. 5,000.
« N. Musée des arts et métiers : fl. 510.
« O. Monument à ériger à la Place des Martyrs : fl. 10,000. »
C’est sur ce paragraphe que M. Rogier propose une augmentation de 5,000 fl. ; elle est adoptée.
« P. Ecole industrielle. Portée pour mémoire. »
- L’article 2 est ensuite mis aux voix en entier et adopté.
« Art. 3. Service de santé : fl. 258,500. »
Cette allocation, sur laquelle la section centrale ne propose pas de réduction, est mise aux voix et adoptée.
« Art. 1er. Culte catholique : fl. 1,580,987. »
La section centrale propose d’allouer cette somme globale et, en outre, de la majorer de 21,155 fl. pour l’érection de l’évêché de Bruges.
M. Mary. - A Dieu ne plaise que je me refuse d’accorder au clergé les sommes qui lui sont nécessaires ; mais je désirerais avoir quelques renseignements, car je ne trouve pas dans les développements tous les détails dont j’ai besoin pour m’éclairer. Je désirerais savoir pourquoi il y a une si grande disproportion dans les allocations affectées aux diverses provinces pour le culte ; pourquoi, par exemple, on porte 189,650 fl. pour le Hainaut, tandis que la province d’Anvers n’a que 164,600 fl.
Quant à l’évêque de Bruges, j’ai déjà demandé si sa nomination devait se faire d’après le concordat de 1801 ou d’après celui de 1827, qui a été arrêté entre la cour des Pays-Bas et la cour de Rome. Comme cela dépend du saint-siège, je crois qu’il est de la dignité et de l’honneur national d’ajourner le vote de l’allocation qu’on propose de ce chef.
M. de Roo appuie la majoration proposée par la section centrale.
M. d’Elhoungne fait observer que les concordats de 1801 et de 1827 n’existent plus depuis la proclamation de la loi fondamentale, de la liberté des cultes. Quant à la majoration, il pense qu’elle est inopportune, et qu’il faut attendre avant de voter l’allocation pour l’érection du nouveau siège épiscopal. Il ajoute que le sort du bas clergé, qui a déjà subi de grandes réductions, mérite plus de sollicitude que celui du haut clergé.
M. l’abbé de Haerne appuie la proposition de la section centrale pour l’érection d’un évêché à Bruges. Il soutient aussi que, d’après l’article 16 de la constitution, il n’existe plus de concordats.
Quant au bas clergé, il fait remarquer que personne ne connaît mieux ses besoins que les chefs des diocèses, et qu’il faut s’en rapporter à eux.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je n’invoquerai le concordat de 1827 qui, comme on l’a dit avec raison, a été aboli par l’article 16 de la constitution, que pour faire remarquer que la nécessité d’un évêché à Bruges a été reconnue par le Saint-Siège et par la nation belge. Si je suis bien informé, et c’est d’un grand dignitaire du culte que je le tiens, le Saint-Siège à l’intention de remplir cette vacature, et quand nous aurons voté le crédit, nul doute qu’il ne s’empresse d’accéder à la demande qui lui sera faite aussitôt par le clergé.
M. Barthélemy fait observer que la somme demandée cette année pour le culte catholique est plus forte que celle de 1830 et 1831, et il pense qu’on devrait la restreindre au même taux. Quant à l’évêque de Bruges, ajoute-t-il sa nomination dépend entièrement du saint-siège, à qui appartient seul le droit de régler la circonscription des évêchés ; il faut donc attendre qu’il soit nommé pour voter l’allocation et ne pas dire d’avance : Nous accordons une somme pour le cas où un évêque serait nommé par-ci et un évêque par là. (Rire général.)
M. Devaux. - Je ne crois pas non plus que l’on puisse réclamer l’exécution des concordats qui sont abolis pour l’érection d’un évêché à Bruges ; mais il y a un engagement moral et de bonne foi pris à cet égard depuis longtemps et que l’on doit remplir. Je ne partage point l’opinion de M. Barthélemy, qu’il faut attendre la nomination pour voter l’allocation ; je suis d’un avis tout contraire, et je pense qu’il faut la voter avant la nomination pour ne point soumettre le nouvel évêque à une décision particulière de la législature. Puisque nous avons le bonheur d’avoir un clergé qui aime la liberté, n’hésitons point, messieurs, à accorder un crédit nécessaire pour un point déjà résolu.
M. Jullien. - J’aurais désiré avoir des détails que je ne trouve pas dans le budget sur la répartition de la somme considérable que nous allons voter pour le culte catholique, et je crois que M. le ministre de l'intérieur sera à même de nous les donner. Je veux bien voter tout ce qui est nécessaire au clergé, mais je veux savoir comment il est payé, car, suivant un mot qu’il connaît aussi bien que moi, il ne fait pas mettre la lumière sous le boisseau. Aussi longtemps que le ministre ne m’aura pas donné des explications sur le point que je demande, il est tout naturel que je n’en sache rien. (On rit.)
M. d’Huart pense aussi qu’il faut ajourner la proposition de la section centrale, et que, dans le moment actuel, on ne doit voter que les dépenses strictement nécessaires, pour consacrer le plus de fonds possibles à des achats de canons et d’approvisionnements.
M. Angillis fait observer que, bien que le concordat de 1827 n’existe plus, il en résulte la preuve que la nécessité d’un évêché à Bruges a été reconnue, et il insiste pour l’érection de cet évêché dans un pays où l’on ne compte, dit-il, que quatre familles protestantes.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - J’aurai l’honneur de répondre à M. Jullien que j’ai donné tous les détails convenables à la section centrale sur les traitements du culte. Du reste, je puis lui dire que la somme totale de l’article actuellement en discussion servira à payer les traitements de l’archevêque, des évêques, des vicaires-généraux, des chanoines, des curés de première classe et des annexes, des professeurs des séminaires et des bourses affectées à ces séminaires, ainsi que les frais des palais épiscopaux. Quant au moment du traitement des évêques, il a été fixé par un arrêté du régent.
M. d’Hoffschmidt vote contre la majoration proposée par la section centrale.
M. Jullien. - M. le ministre a trouvé le moyen de me répondre de manière à ce que je ne sois pas plus avancé qu’auparavant. (On rit.) Je lui demande des détails, et il me répond qu’il les a fournis à la section centrale, mais la section centrale ce n’est pas moi. Je lui adresse la même interpellation : on a parlé de chanoines et d’un état-major que je ne connais pas. (Nouveaux rires.) Il faut bien que j’aie des explications. Nul ne respecte plus que moi le clergé quand il le mérite, mais je suis curieux de savoir comment il est payé. La chambre donnerait d’elle une singulière idée si elle ne tenait pas à avoir cette explication.
M. Mary insiste pour l’ajournement de la proposition de la section centrale, par le motif qu’il a déjà signalé, et il interpelle de nouveau le ministre pour avoir des explications sur la différence des diverses allocations affectées aux provinces.
M. Ch. Vilain XIIII appuie les observations que M. Devaux a faites avec autant de raison que de mesure, et combat l’opinion de M. Barthélemy. Quant au bruit relatif à la nomination de l’archevêque de Malines, et qui consiste à dire que le pape n’aurait fait cette nomination qu’après avoir consulté le roi Guillaume, il sait pertinemment, dit-il, que ce n’est qu’une calomnie inventée à dessein.
Il profite de cette occasion pour justifier le saint-siège d’une autre calomnie inventée contre lui et imprimée dans les journaux, de celle que le pape aurait désapprouvé la révolution. Le roi Guillaume a fait demander par le comte de Liedekerke si cet fait était vrai, et le pape a répondu négativement par une note officielle.
- La discussion est close sur l’article premier du chapitre VIII.
La majoration proposée par la section centrale est mise aux voix et adoptée.
M. le président se dispose à mettre aux voix le chiffre total de l’article premier.
M. Gendebien. - Mais il nous est impossible de voter une allocation de 1,600,000 florins sans avoir du ministre les détails qu’on lui a demandés.
M. Ch. Vilain XIIII fait observer que M. le ministre de l'intérieur a déjà expliqué que cette somme était destinée à payer les traitements de l’archevêque, des évêques, des curés de première classe et des annexes, des professeurs et des bourses des séminaires.
M. Gendebien. - Il est étonnant que le ministre ne s’explique pas lui-même ; ce n’est pas un représentant qui doit le faire à sa place.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux).- J’ai expliqué la destination du crédit, mais je n’ai pas tous les détails présents à la mémoire.
M. Fallon et M. Destouvelles demandent la remise à demain pour donner le temps à M. le ministre de se procurer les détails.
- Cette proposition est adoptée.
La séance est renvoyée à demain à dix heures, et levée à neuf heures et demie.