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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 27 mars 1832

(Moniteur belge n°89, du 29 mars 1832)

(Présidence de M. de Gerlache.)

La séance est ouverte à une heure.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

Après l’appel nominal, le procès-verbal est lu et adopté.

Pièces adressées à la chambre

M. Lebègue analyse ensuite quelques pétitions, qui sont renvoyées à la commission.

Rapport de la commission d'industrie

M. Serruys demande la parole pour faire un rapport de la commission d’industrie sur les lins.

M. Tiecken de Terhove. - Il me semble inutile que ce rapport soit lu. Pour ne pas perdre de temps, nous pourrions ordonner immédiatement l’impression et la distribution. (Oui ! oui ! Appuyé !)

M. Pirmez demande que la discussion de ce rapport soit fixée à vendredi prochain.

M. Leclercq fait observer qu’il ne peut s’établir de discussion sur un rapport, mais seulement sur une proposition ou un projet de loi.

Projet de loi portant le budget du ministère des finances de l'exercice 1832

Discussion générale

La chambre passe ensuite à l’ordre du jour, qui est la discussion générale du budget des finances.

M. Duvivier. - Messieurs, aussi longtemps que la question des budgets se trouvait dans les termes de la discussion générale, elle comprenait une réunion de toutes les parties du service dans les différents ministères ; cette généralité embrassait des matières d’un ordre supérieur, étrangères à l’une des administrations publiques à la tête de laquelle j’ai l’honneur d’être placé sous les ordres immédiats du ministre des finances : c’était alors à ces hauts fonctionnaires qu’il appartenait de soutenir une discussion, à laquelle, par ce motif, j’ai dû m’abstenir de prendre part. Mais, au moment où cette discussion va se développer sur des spécialités et porter sur l’administration qui m’est confiée, je puis, messieurs, donner à la chambre des renseignements positifs, que je crois utile, et que je regarde comme un devoir de lui soumettre moins en ma qualité d’administrateur que comme député, faisant abstraction de toute considération personnelle et ne m’attachant qu’à celle d’intérêt général et public du service des impôts, dont le bien-être et la force morale se lient intimement aux revenus de l’Etat et à la prospérité du pays.

Le gouvernement vous avait demandé 46,030 fl. pour le personnel de l’administration générale des contributions directes, des douanes et des accises.

La section centrale vous propose de réduire cette somme de 14,050 fl., et demande ensuite une réduction de 68,200 fl. sur le personnel de la même administration dans les provinces. Elle vous propose aussi de retrancher quelque chose sur le matériel ; à ce dernier égard, je me bornerai à vous dire que l’allocation réclamée pourrait être réduite de 15,000 fl. ; vouloir davantage serait compromettre ce service.

Ce qui m’importe davantage, c’est de vous prouver que la somme pétitionnée pour le personnel de l’administration générale des contributions directes, douanes et accises, est indispensable. Cette tâche ne me sera pas difficile au point où en est venue la discussion, surtout que je trouve de puissants auxiliaires dans le rapport de la section centrale et les développements que M. le rapporteur y a donnés lui-même. Je parlerai plus tard des retranchements proposés sur les employés des provinces. J’aurai soin, d’ailleurs, de prolonger le moins possible une discussion qu’il est dans l’intention de tous de clore au plus tôt.

Je prie chacun de vous, messieurs, de croire que je ne viens pas plaider la cause de mes intérêts personnels : quelque puisse être le sort réservé aux fonctions supérieures que j’occupe en ce moment, il me restera toujours les titres que 36 années de services rendus au pays donnent à une retraite, qui suffirait amplement à mes besoins, dès l’instant où je cesserais d’être assujetti aux obligations inséparables de mon rang dans la hiérarchie. C’est est assez, comme vous le voyez, messieurs, pour me mettre hors de cause.

Qu’il me soit permis de le dire d’abord, ce n’est pas sans quelque étonnement que j’ai vu la proposition de réduire d’un tiers l’allocation à faire pour l’administration générale. J’avais lu, dans le rapport de la section centrale que cette administration ne prend que 1/500 des produits qu’elle apporte dans les coffres de l’Etat, à la très grande différence de la France, où elle coûté 1/260. Ce rapprochement décisif m’avait porté à croire qu’il ne serait pas question de retrancher encore sur une administration si peu coûteuse. Vous avez entendu ultérieurement l’honorable rapporteur vous dire que, de toutes les branches du ministère des finances, mon administration est celle où l’on trouve le plus de détails, le plus d’écritures, le plus de travail. Et cependant l’on veut diminuer son allocation dans l’énorme proportion d’un tiers.

J’ignore si ailleurs des emplois inutiles ont été créés, et de forts traitements stipulés en faveur de gens peu ou point propres aux affaires. Ce que je sais, c’est que mon administration n’offre pas la moindre trace de cet abus. Les fonctionnaires chargés de l’organisation des bureaux dont elle se compose, comprenant que, sous le gouvernement régénérateur, les dépenses publiques devaient se renfermer dans les limites du plus strict nécessaire, se sont bornés à établir les emplois indispensables à la marche de l’administration centrale ; et un autre principe les a dirigés dans ce travail, celui de n’accorder que des traitements modiques, en rapport cependant avec l’importance des attributions ; car enfin le salaire des employés doit être, de même que tous les autres salaires, en raison de la difficulté des services qu’on demande. Je voudrais, messieurs, qu’on vînt vérifier le fait, si tant est qu’on puisse encore en douter, après avoir lu le rapport de la section centrale et entendu les explications verbales de M. le rapporteur.

Du reste, j’affirme, et il est plus d’une personne ici qui le savent, que la plupart des employés, après avoir péniblement travaillé toute la journée, doivent encore se remettre à l’ouvrage le soir ; ce qui suffit sans doute pour prouver que le personnel des bureaux, en ce qui concerne mon administration, n’est pas trop nombreux. Vous allez juger si les traitements y sont trop élevés.

A La Haye, l’administration centrale des contributions, douanes et accises, coûtait plus de 128,000 fl., gratifications et leges compris. Or, on ne demande à peu près que le tiers de cette somme. N’est-ce donc pas assez d’avoir réduit les frais d’administration dans une si forte proportion ! Mais poursuivons.

Envisagés sous le rapport de la population et sous celui du nombre des provinces, ces frais s’élevaient autrefois à 2 cents par tête et à 7,000 florins par province, tandis qu’ils ne sont aujourd’hui que de 1 cents par tête et de 5,000 florins par province. Et, si l’on puise dans le budget du ministère français, pour comparer les mêmes frais aux produits, la section centrale vous l’a dit, messieurs, l’on trouve que le rapport est chez nous de 1/500, et en France de 1/260.

Il est inutile de s’étendre davantage sur des rapprochements de cette nature ; toujours l’administration générale de la Belgique sortirait victorieuse du parallèle, bien que de semblables comparaisons soient toutes au désavantage du pays le moins étendu. Ce résultat, constaté par la section centrale elle-même, est dû à la modicité des traitements des employés sous mes ordres. Vous allez voir, messieurs, que cette modicité ne peut être révoquée en doute.

Sous la domination hollandaise, l’administrateur avait plus de 10,000 fl., quoique son traitement ne fût porté que pour 5,000 au budget, ce document si menteur pour quiconque s’en rapporte aux apparences. En France, le chef de chacune des trois administrations au ministère à 20,000 francs. Chez nous a-t-il trop de 5,000 fl. pour conduire l’administration des trois quarts des revenus de l’Etat ?

A La Haye, les employés supérieurs, chargés des mêmes attributions que les directeurs à l’administration centrale, jouissaient, outre leurs leges et gratifications, d’un traitement de 4,000 fl. Ici ils n’en ont que 3,000 ; à Paris, les sous-directeurs ont 12,000 fr.

Les employés, chargés d’une des six grandes branches de service (ou divisions, comme on voudra les appeler, car le mot importe peu) ont, savoir : les deux inspecteurs, chacun 2,500 fl., et les contrôleurs de première classe, 1,500 ; au lieu qu’à Paris les emplois analogues rapportent 9,000 fr., et qu’à La Haye ils valaient 2,500 à 3,500 fl., outre des leges et gratifications. En Amérique, les traitements des premier commis du ministère des finances s’élèvent jusqu’à 7 et 9,000 fr.

Si je poursuivais ces rapprochements jusque dans les derniers grades, toujours ils offriraient les mêmes avantages en faveur de la cause que je défends : c’est ce dont vous ne douterez plus, lorsque vous saurez qu’ici les expéditionnaires n’ont en général que 3 à 500 fl.

Comparant le chiffre du budget de l’administration générale de l’exercice 1831 avec celui de 1832, la section centrale a découvert une augmentation dont elle s’étonne d’autant plus que les traitements de quelques employés ont été augmentés dans l’intervalle. Cette circonstance s’explique fort aisément.

Il faut que vous sachiez, messieurs, que l’organisation des bureaux ne s’est pas faite d’un jet ; elle s’est formée et perfectionnée au fur et à mesure que les besoins du service se sont fait sentir. Plusieurs de ces services ont été créés ou régularisés en 1831. De là des traitements figurant pour tout l’exercice au budget de 1832, qui n’ont été portés que par une partie de l’année au budget de 1831. Il va sans dire, d’ailleurs, que si certains employés sont passés à des attributions plus importantes, leurs traitements ont dû être mis au niveau de ces attributions. Il y a plus, messieurs, il est un service qui n’est pas encore régulièrement monté, celui de la masse d’habillement, d’équipement, et de remonte de la douane : reconnaissant comme vous la nécessité d’administrater aux moindres frais possibles nous n’avons pas demandé d’augmentation de fonds pour ce service, préférant y pourvoir au moyen du personnel existant ; mais, pour cela, des employés déjà surchargés d’ouvrage ont dû prendre cet accroissement d’attributions.

Vous voyez, messieurs, jusqu’où l’on a poussé l’esprit d’économie dans l’organisation des bureaux. En voulez-vous une nouvelle preuve ? Vous la trouverez dans ce fait qu’il importe de vous signaler, à savoir que les employés de l’administration générale sont pour la plupart moins rétribués que ceux des provinces d’un rang égal, bien que l’usage soit d’accorder des traitements plus élevés aux fonctionnaires attachés aux ministères, par l’excellente raison que leur travail est plus important et le séjour de la capitale plus onéreux.

A l’organisation actuelle, la section centrale voudrait substituer une organisation qui consisterait à confier l’administration générale à un directeur à 3,000 florins, assisté de bons chefs de division. Cette conception ne me paraît pas heureuse. Remarquez, messieurs, que le ministre, absorbé par les hautes questions de finances, les grands intérêts de l’Etat, comme membre du conseil de la couronne, et ses relations fréquentes avec les chambres, ne pourra jamais embrasser tous les détails des administrations des recettes, placées sous la surveillance : il le voudrait, et il réunirait la masse de connaissance spéciale que cette tâche suppose, qu’il ne le pourrait pas : force lui sera donc de confier ces détails et la signature pour les affaires courantes au directeur placé au ministère. Voilà le directeur qui, de fait, devient le supérieur de tous les fonctionnaires des provinces, même des directeurs ses égaux dans la hiérarchie. Une organisation où l’égal doit jouer le rôle de supérieur est contraire à toutes les notions d’ordre, de régularité et de service.

Voici une autre considération non moins importante. Pour répondre au but de son institution, l’administration générale doit composer son personnel supérieur des hommes d’expérience et de capacité qu’elle découvre en province ; à cet effet, deux choses lui sont nécessaires : il faut d’abord qu’elle ait une allocation suffisante, c’est-à-dire qui ne soit pas tellement réduite qu’elle ne puisse rétribuer convenablement les employés chargés des attributions les plus importantes ; il faut ensuite qu’elle soit organisée, non pas à la manière bureaucratique, c’est-à-dire avec des divisions et des bureaux, mais sur le même plan hiérarchique que les provinces, avec des directeurs, des inspecteurs et des contrôleurs, peu nombreux à la vérité. Dans cet arrangement, si, par exemple, un contrôleur est appelé à l’administration générale, il conserve son grade, on obtient celui d’inspecteur, suivant la place vacante ou selon son mérite ; tandis que, dans l’organisation projetée par la section centrale, le contrôleur devrait renoncer à son grade ; or, cette renonciation serait un sacrifice pénible pour la plupart des employés, qui, soit à tort ou à raison, s’imagineraient qu’alors la carrière serait sans avenir pour eux. Aussi, messieurs, voyons-nous partout les administrations centrales des impôts composées, dans les rangs supérieurs, de fonctionnaires gradués comme en province.

Il s’agit donc ici d’une innovation dont nous serions les premiers à donner l’exemple. Ne serait-ce pas plus sage de maintenir une organisation consacrée par une longue expérience ?

Je rends grâce à la section centrale d’avoir hautement proclamé les véritables principes de la matière. Elle veut que le nombre de fonctionnaires soit réduit au strict nécessaire ; elle les veut capables et convenablement rétribués ; tout en désirant des économies, elle s’élève contre l’idée de voir réduire les traitements peu considérables. Mais s’il n’y a ni trop d’employés ni des traitements excessifs à l’administration que je dirige, comment réaliser une économie de 14,000 fl. sur 46,000 ? Evidemment c’est exiger l’impossible. Je me trompe, rien n’est impossible : vous pouvez avoir une administration pour 32,000 fl., comme pour 46,000 fl. ; mais la question est de savoir quelle utilité le pays retirerait d’une administration à laquelle on aurait refusé les moyens indispensables à la marche des affaires.

Croyez-vous qu’alors encore l’administration saura pourvoir à la rentrée régulière des impôts, tout en conservant les ménagements dus aux contribuables et en réprimant les écarts, les vexations possibles chez ses agents et préposés ? Les intérêts du trésor seront-ils toujours pleinement garantis ? L’ordre le plus parfait continuera-t-il à régner dans sa comptabilité, et l’uniformité dans les opérations de ses nombreux employés sur toute la surface du pays ? Cette administration pourra-t-elle enfin découvrir et introduire successivement les améliorations dont le service devient susceptible ? Non, vous ne pouvez compter sur rien de tout cela avec une organisation tronquée et incomplète.

Peut-être trouvez-vous ces détails bien longs ; je ne puis néanmoins résister au désir de dire deux mots du gouvernement des Pays-Bas autrichiens, qu’on a représenté ici, à diverses reprises, comme le type des gouvernements à bon marché.

Pour bien apprécier le sort du contribuable et des fonctionnaires à cette époque, il faut faire attention à plusieurs choses. Les Pays-Bas autrichiens ne comptaient pas encore au nombre de ces gouvernements représentatifs, dont le budget des dépenses est nécessairement élevé ; c’était la réunion de plusieurs provinces ayant chacune leurs institutions financières, quoique liées par un seul et même gouvernement général. Une grande partie des dépenses qui pèsent aujourd’hui sur le budget général tombaient alors à charge des provinces, des cités et du plat pays, qui devaient en outre fournir des aides et subsides au gouvernement général.

La perception de la plupart des impôts se faisait, non par régie, mais par l’entremise de traitants, qui, comme on sait, ne faisaient pas vœu de pauvreté en prenant la ferme des impôts. Une autre particularité, c’est que la Belgique autrichienne n’était pas, bien s’en faut, aussi étendue que celle de nos jours, puisque l’évêché de Liége, qui s’étendait profondément jusque dans le territoire des provinces voisines, formait un Etat particulier. Ce pays était loin d’être aussi populeux et surtout d’offrir l’aisance et la richesse qui le distinguent depuis que les progrès de l’industrie ont prodigieusement accru ses valeurs mobilières. Il importe surtout de ne pas perdre de vue qu’alors la dette état peu considérable. Une dernière particularité, c’est que tel traitement qui paraît léger aujourd’hui suffisait amplement à l’alimentation de la famille du fonctionnaire, par l’énorme disproportion existante entre les prix des choses nécessaires à la vie aux deux époques.

Maintenant sachez, messieurs, que placé au milieu de ces circonstances bien différentes de celles d’aujourd’hui, le gouvernement général élevait néanmoins son budget au-delà de 26 millions de florins de Brabant, ainsi que cela résulte du compte-rendu en 1791. Or, pour se faire une idée juste du sort du contribuable à cette époque, il faut ajouter à ces 26 millions le montant de toutes les taxes que les provinces, les cités et le plat pays exigeaient, pour pourvoir à leurs dépenses : il faut y ajouter encore les énormes profits des traitants, ce qui se percevait pour le clergé, outre les indemnités et les franchises dont jouissaient certains corps, et ne pas omettre les tours de bâton, comme on disait alors.

Mais dira-t-on, il ne s’agit que des traitements, et certainement qu’ils étaient bien moins élevés. C’est ce donc il est permis de douter. J’ai trouvé dans le compte-rendu à l’empereur et roi, pour l’exercice 1763, qu’au lieu d’un ministère, il y avait alors à Bruxelles un conseil de finances, composé d’un président ayant 12,000 florins de traitements, et de quatre conseillers, chargés, l’un des domaines, le second des aides et subsides, le troisième des accises et tonlieu et le quatrième du commerce ; lesquels conseillers avaient chacun un traitement de 4,000 à 6,000 fl. D’’autres fonctionnaires de l’administration générale des finances jouissaient de traitements de 2,500 et 2,800 fl. Ils étaient en général payés généreusement. Il n’y avait d’exception que pour les employés subalternes : ainsi, par exemple, il est vrai de dire que les receveurs et gardes de douane n’avaient pas de gages suffisants pour vivre ; mais des émoluments indirects et peu honorables, que semblait tolérer l’usage à cette époque, y suppléaient : les gardes de douane demandaient des rétributions pour les visas et les plus petites formalités ; ces rétributions étaient plus ou moins élevées ; une plaquette de Brabant était le prix d’une visite. Quant aux receveurs, lorsqu’on avait affaire à leur recette, l’usage était de déposer quelques pièces de monnaie dans un tronc placé ostensiblement sur leurs bureaux.

Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que si l’on tient compte de la différence des temps, des institutions et de toutes les circonstances qui ont modifié la situation du pays, l’on ne peut se refuser à admettre que si le gouvernement de Marie-Thérèse fut un gouvernement à bon marché, le nôtre l’est également et même à un bien plus haut degré.

Permettez-moi une dernière observation, qui vous donnera la mesure du soulagement qu’apporterait aux contribuables l’adoption de toutes les économies proposées par la section centrale sur les traitements des fonctionnaires du département des finances. Ces économies se montent à 300,000 florins : divisée par notre population, cette somme donne pour quotient huit cents par âme. Ainsi, messieurs, au lieu de 9 fl. 18 c. par tête, qu’on paierait de contributions en Belgique, en admettant un budget de 35 millions, on ne paiera plus alors que 9 fl. 10 c. Voilà toute la différence que vous produirez dans la situation du contribuable, après avoir imposé au gouvernement des réductions que tous les hommes d’expérience déclarent inconciliables avec la régularité du service. Vous voyez, messieurs, que c’est à d’autres moyens qu’il faut avoir recours pour diminuer le fardeau des charges publiques

J’ose croire que maintenant vous êtes convaincus de la nécessité de ne rien retrancher sur le personnel des bureaux de mon administration, et j’attendrai avec confiance le résultat de votre délibération.

La section centrale vous propose plusieurs réductions sur les sommes pétitionnées pour le personnel supérieur de mon administration dans les provinces.

Ce personnel, qui certainement pourra être notablement diminué après l’exécution du traité des 24 articles, n’est pas susceptible de réduction dans le moment actuel, si l’on veut que le service s’exécute régulièrement. C’est donc sur les appointements des employés supérieurs qu’il faudra retrancher. A cet égard, vous me permettrez de vous présenter quelques faits et quelques considérations générales ; je n’entrerai pas dans les détails, de crainte d’abuser de vos moments ; d’ailleurs, ces détails se trouvent dans les explications qui viennent d’être fournies à l’assemblée par M. le ministre des finances.

Je dois vous faire observer d’abord que les frais de mon administration ont été considérablement réduits en province, où de larges mesures d’économies ont été adoptées et exécutées en grande partie. Vous allez en juger.

En France, les contributions directes coûtent près de 5 p. c. des produits, 210,000 francs par département et 57 centimes par âme. En Belgique, elles coûtent aussi près de 5 p. c. des produits, mais elles ne coûtent que 152,000 francs par province, et l’on ne trouve que le chiffre de 35 centimes par âme ; fait qu’il importe d’autant plus de remarquer que, ainsi que vous l’a dit M. le général Goblet, notre honorable collègue, la population doit être la principale base des calculs de l’arithmétique politique.

En France, les droits indirects coûtent 23 p. c. des produits ; 270,000 fr. par département, et 70 cent. par tête, bien que le revenu de ces impôts soit très considérable : chez nous, où la législation a considérablement réduit le produit des accises, elles coûtent 182,000 fr. par province, 50 cent. par tête, et seulement 12 à 13 p. c. des produits ; 12 à 13 p. c., veuillez-le remarquer, messieurs.

Voilà des faits positifs. Il me semble que le pays peut s’applaudir d’être parvenu à un tel degré d’économie relative dans nos institutions financières ; car, enfin, il est certain que, sous le rapport de la modicité des frais de perception et d’exercice des droits indirects, nous avons considérablement devancé nos voisins, et c’est un fait qu’il m’importait de constater pour l’honneur de l’administration belge.

C’est ici le lieu de dire un mot d’une question controversée, celle de savoir si les impôts de consommation sont préférables aux impôts directs.

En Angleterre, les revenus publics se prennent sur les consommations jusqu’à concurrence des 5/7 de leur produit total, tandis qu’en France la proportion de ces impôts au revenu total est comme 9 est à 18. Un économiste français, M. Ganich, a sévèrement critiqué cette répartition des charges publiques en France, prétendant que, si l’on veut atteindre le superflu, l’aisance, la richesse, et ne pas entamer le capital et les salaires, il vaut mieux étendre le système des impôts de consommation, et rétrécir celui des contributions directes. Sans anticiper sur la discussion de cette grave question, je puis du moins vous dire, dès à présent, que si, à l’exemple de l’Angleterre et d’après l’opinion de ce publiciste célèbre, vous pensiez que nos impôts dussent de préférence grever les consommations, vous trouveriez dans l’organisation actuelle de mon administration des moyens d’exécution d’autant moins dispendieux que le cercle ou le taux des accises pourrait être agrandi, sans que les frais d’exercice, de perception et d’administration le fussent également, quelques modiques qu’ils soient.

Si les contributions directes et les accises coûtent peu chez nous, je dois à la vérité de dire qu’il n’en est pas de même de la douane. En France, la douane ne coûte que 15 p. c. des produits, et 71 cent. par âme ; après son organisation définitive, la nôtre coûtera 1 fr. 35 c. par âme, et absorbera plus de la moitié des produits ; rapprochement qui nous est peu favorable sans doute, mais, et c’est ce que vous a déjà fait pressentir M. le général Goblet, le mal tient à la nature des choses. Permettez-moi de m’arrêter un instant sur cet objet.

Notre tarif des douanes est très modéré, au lieu que celui de la France contient des droits en général fort élevés. Chez nous, il a pour objet la prospérité de notre industrie agricole et manufacturière. En France, il est à la fois protecteur de l’industrie et producteur de gros revenus pour le fisc ; c’est au point que la douane française produit 155 millions, c’est-à-dire 30 à 40 fois plus que la nôtre. Il n’est pas besoin de vous dire que, toute choses égales d’ailleurs, les frais de la douane sont en raison inverse de l’élévation des droits, quand on la compare aux produits, comme je viens de le faire. La raison en est simple : c’est qu’il faut garnir suffisamment la frontière, même lorsque le tarif est modéré.

Voici une autre cause de la disproportion existante entre les frais de surveillance de la douane en France et chez nous. La France, bornée au nord, à l’ouest et au sud par les mers, les Pyrénnées et les Alpes, trouve dans ces accidents naturels de puissants obstacles contre la fraude. Il lui a suffi de bien garnir ses frontières de l’est et du nord-est, et c’est ce dont elle ne s’est pas fait faute ; car on compte jusqu’à 15 et 20 employés par lieue carrée sur celles de ses frontières qui nous avoisinent. D’ailleurs, la France a l’avantage d’être un royaume immense.

Chez nous, tout est différent : le pays est peu étendu, et les frontières sont en général difficiles à garder, en ce qu’on n’y trouve que peu ou point de ces accidents naturels, si favorables à la répression de la fraude. Ceux que la Belgique possédait, elle les perd, même en partie par le traité des 24 articles : ainsi, dans le grand-duché, au lieu qu’auparavant notre territoire était borné par des rivières qui nous protégeaient contre la contrebande, nous aurons désormais des bois qui lui serviront de passage et de repaire. Vous le voyez, messieurs, l’élévation des frais de notre douane est un mal auquel il n’est pas en notre pouvoir de remédier.

Dans le but fort louable d’en diminuer l’intensité, la section centrale a témoigné le vœu de voir réduire les traitements des employés inférieurs de la ligne, sauf à leur offrir pour compensation une part plus forte dans le produit des amendes et confiscations. Cette dernière idée est excellente ; mais il faut faire attention qu’avec notre tarif et notre système de pénalités, ce produit se bornera toujours à peu de chose, ce qui explique qu’il n’en reviendrait pas grand profit aux employés inférieurs, lors même qu’on augmenterait leur part dans la répartition. Il faut donc renoncer à l’espoir de retrancher sur des traitements de 300 et 360 florins, dont jouissent les commis de troisième et quatrième classe, surtout qu’ils subissent des retenues considérables pour la caisse des retraites et la masse d’habillement. Le fait est, messieurs, que très souvent des représentations m’ont été faites sur l’impossibilité où se trouvent ces employés de vivre avec ce qui leur reste de ces chétifs traitements après la déduction des retenues, et c’est ce que l’on conçoit sans effort.

La section centrale vous a parlé de la nécessité de réformer nos lois sur les contributions directes et les accises, et vous a fait observer qu’elle exige un personnel nombreux, et s’oppose ainsi à de fortes économies. Elle s’est donc bornée à retrancher sur les allocations réclamées pour les appointements des employés supérieurs ; mais si ces appointements sont déjà ramenés dans les limites du strict nécessaire, les réduire serait prendre une mesure qui, en portant le découragement et peut-être le mécontentement chez les fonctionnaires qui doivent donner l’impulsion au service, deviendrait infailliblement funeste au trésor, sans d’ailleurs offrir un soulagement réel aux contribuables. Ne serait-il pas préférable d’attendre l’exécution du traité des 24 articles, et surtout la réforme de notre système financier, pour opérer les économies dont le personnel est susceptible ?

Mais, dira-t-on, les traitements des employés supérieurs sont trop élevés. Examinons.

Ce serait poursuivre une chimère que de vouloir une organisation fort simple pour des institutions essentiellement compliquées. Or, dans l’état actuel de notre législation, l’administration des contributions directes, douanes et accises, est une machine qu’il n’y a pas moyen de faire mouvoir sans un assez grand nombre de rouages ; de là sa hiérarchie. La nécessité de cette hiérarchie établie, il est une autre vérité non moins incontestable, c’est qu’il faut bien que les traitements s’élèvent proportionnellement aux grandes, si l’on ne veut pas que les supérieurs soient payés sur le même pied que les inférieurs. Maintenant, si vous remontez cette échelle de grades, en partant du dernier, les commis de quatrième à 300 florins par an, vous apercevrez qu’en fixant les appointements, l’on s’est borné les augmenter légèrement en remontant l’échelle des grades. C’est tout ce qu’on peut faire pour l’application de nos principes d’économie ; aller au-delà serait détruire la graduation qui doit, de toute nécessité, exister dans les divers traitements de l’organisation du personnel.

Il est encore d’autres considérations de service qu’il ne faut pas perdre de vue. Lorsqu’on les envisage sous leur véritable aspect, les fonctions fiscales sont peu agréables en elles-mêmes ; l’on ne peut en disconvenir : un autre inconvénient de la carrière fiscale consiste en ce que les employés, quelque mérite qu’ils aient d’ailleurs, doivent passer les premières années de service dans des grades peu ou point rétribués. Cependant il nous faut, pour le bien du service, entretenir l’amour du travail jusque dans les derniers rangs. Savez-vous, messieurs, ce qui soutient ce zèle, et ce qui nous amène parfois des hommes nés pour les affaires ? C’est uniquement l’espoir d’arriver un jour à la jouissance du traitement d’un des grades qui figurent en tête de la hiérarchie. Si vous portez encore atteinte à ces traitements, peu nombreux d’ailleurs, vous privez la carrière du seul attrait qu’elle ait dans ce moment, et une conséquence fâcheuse en résulterait certainement pour le service et le trésor, savoir : l’éloignement des hommes de capacité d’une administration où ils sont plus nécessaires que jamais, aujourd’hui que les impôts jouent un si grand rôle dans l’économie politique.

Je ne veux pas dire que les titulaires actuels se retireront parce que vous les priverez d’une partie d’un traitement laborieusement acquis : ils resteront peut-être, malgré les réductions ; mais c’est de la bonne composition du personnel supérieur dans l’avenir qu’il s’agit. Les jeunes gens probes et capables voudront-ils encore entrer dans une administration désormais dans l’impuissance d’offrir des compensations à ce qu’elle a de pénible ? Je ne le pense pas.

Voyons si, abstraction faite de ces considérations de service et d’intérêt public, les traitements des employés supérieurs de mon administration peuvent être considérés comme trop élevés. Les parcourir tour à tour serait fatiguer votre patience ; je ne m’arrêterai qu’au traitement le plus élevé, celui du directeur, dans l’espoir que, si je parviens à vous convaincre que ce traitement n’est que ce qu’il doit être, dans l’intérêt bien entendu du trésor, vous admettrez qu’il doit en être de même, à plus forte raison, des traitements des grades inférieurs à celui-là.

Le directeur, qui est le premier fonctionnaire de mon administration, a 3,500 florins par année, sans aucune espèce d’indemnité. S’il est père de famille, sans fortune, a-t-il trop avec 3,500 fl. pour vivre, je ne dirai pas avec luxe, mais au moins d’une manière conforme à son rang dans la société ? Pourra-t-il pourvoir à l’éducation de ses enfants et faire quelques épargnes pour aider un jour à leur établissement, devoir que la nature nous impose et que les hommes de mérite parviennent ordinairement à remplir dans les autres professions, surtout dans le commerce, l’industrie et au barreau ? Ce bonheur n’est pas réservé aux fonctionnaires de mon administration les mieux payés maintenant. Réfléchissez-y un instant, et vous direz avec moi qu’ils ont ce qu’il leur faut pour vivre, et rien de plus. En France, il sont plus heureux ; on ne les traite pas avec autant de sévérité, bien qu’on veuille aussi des économies : la preuve, c’est que les directeurs des contributions, douanes et accises peuvent encore compter sur 15,000 fr. par année pour diriger seulement une des trois branches d’impôts que les nôtres réunissent. Le gouvernement ne demande pas la moitié pour eux, et l’on voudrait encore réduire !!!

Maintenant que de très fortes économies ont été introduites dans mon administration, je ne vois qu’un seul moyen d’en faire de nouvelles, si l’on ne veut pas désorganiser le service : ce moyen consiste, non à décourager les employés supérieurs en réduisant leurs traitements, mais à observer attentivement la marche des choses dans le système actuel de nos impôts, pour voir si l’on peut parvenir à l’exécution de ce système avec moins de personnel. Il faut d’ailleurs, dans l’intérêt même du trésor aviser en même temps au moyen de replacer les fonctionnaires dont on supprime les emplois à moins qu’on ne veuille fouler des droits acquis ; car il est à remarquer que, dans mon administration, celui qui compte dix ans de services ne peut être congédié sans pension.

C’est d’après ces principes que l’administration procède à l’exécution du système d’économies qu’elle s’est spontanément imposé immédiatement après la révolution.

C’est ainsi, messieurs, qu’elle a supprimé une des deux inspections générales qui existaient dans les provinces méridionales du ci-devant royaume des Pays-Bas, et les inspecteurs de la ligne, pour réunir leurs fonctions à celles des inspecteurs en chef, sans charge ni pour le trésor, ni pour la caisse de retraite, attendu qu’ils ont été appelés d’autres fonctions.

C’est d’après les mêmes principes qu’elle a supprimé les places de vérificateur de comptabilité, dont le nombre est déjà réduit à six ; qu’elle a fait disparaître toutes les recettes déléguées, et réduit le nombre de recettes effectives toutes les fois que la chose a été possible dans l’intérêt du service et des contribuables ; que déjà des bureaux de droits de garantie ont été supprimés, depuis que cette branche de recettes est réunie à celles de l’administration des contributions, et que très incessamment il en sera de même des autres ; qu’une réduction de 4,000 fl. pourra s’opérer sur l’allocation réclamée au budget du ministère de l’intérieur pour le service des poids et mesures, qui maintenant fait aussi partie de l’administration des contributions directes, douanes et accises ; qu’elle a abaissé considérablement le tarif proportionnel des remises des receveurs ; qu’elle a retranché sur l’allocation qu’avaient les employés des directions, du temps qu’ils étaient aux administrations provinciales ; qu’elle a diminué de moitié à peu près le nombre des employés des accises, pour placer l’excédant sur la ligne, et réduit notablement le nombre des contrôleurs existant avant la révolution. C’est ainsi enfin qu’en nommant maintenant aux emplois destinés à être conservés, les nouveau titulaires ne jouissent plus du traitement de leurs prédécesseurs, qui, par respect pour les droits acquis, n’ont pas subi et ne doivent pas subir de réduction, tant qu’ils sont en exercice. Par exemple, les contrôleurs, qui avaient précédemment des appointement de 14, 16 et même 1,800 fl., n’en obtiennent plus que de 1,000, 1,200 et 1,400 fl. ; il en est de même dans les catégories d’employés inférieurs à ce dernier grade.

Telles sont, messieurs, les économies que nous avons réalisées, mais qui, je regrette de devoir le dire, sont passées inaperçues probablement parce qu’elles ont été introduites silencieusement et sans ostentation. Elles n’en existent pas moins, et la justice de cette assemblée saura en tenir compte à l’administration qui m’est confiée. Toutes ces mesures se sont, du reste, exécutées sans embarras pour le service, sans lésion pour le trésor, parce qu’on en avait calculé les conséquences avant de les prendre, et qu’elles n’ont pas eu pour résultat de réduire des traitements fixes dans les bornes du strict nécessaire. Elles continueraient à opérer leurs effets de la même manière, si vous votiez les fonds pétitionnés pour le personnel de mon administration. Si, au contraire, vous le réduisez, comme vous le demande la section centrale, force sera à l’administration de prendre des mesures rigoureuses, qui, je le répète, peuvent devenir des germes de désorganisation pour le service, de pertes pour le trésor, sans procurer un soulagement réel aux contribuables.

Telles sont, messieurs, les considérations dans lesquelles j’ai cru devoir entrer, et qui sont le résultat d’une profonde conviction ; je les livre, en toute confiance, à vos méditations, persuadé que vous saurez les apprécier et n’y voir que l’opinion consciencieuse d’un collègue que sa position administrative met à même d’éclaircir la discussion qui va nous occuper, et qui s’acquitte de son mandat de député en vous présentant les choses sous leur véritable point de vue. Je suivrai, du reste, la discussion des détails, et m’empresserai de communiquer à la chambre tels autres renseignements et éclaircissements qui me paraîtront offrir quelque degré d’utilité, lorsque nous en seront aux spécialités.

M. d’Huart. - Messieurs, dans le rapport général qui vous a été présenté, on s’est servi de comparaison pour établir que des réductions notables étaient possible dans diverses branches de l’administration. M. le ministre des finances s’est élevé avec force contre ces assertions, qu’il a qualifiées de « rapprochements sans analogie propres à égarer l’opinion » et il a particulièrement cherché à prouver que les exemples tirés de la cour des comptes ne pouvaient, en aucun point, s’appliquer aux dépenses de son département.

Pour donner quelque force à ses arguments, il était indispensable que M. le ministre cherchât à ravaler l’importance des travaux de la cour des comptes ; aussi, c’est ce qu’il n’a pas manqué de faire. Je me suis procuré des renseignements précis sur la matière, et je crois pouvoir démontrer, contrairement aux assertions de M. le ministre, que la section a agi rationnellement.

Ici l’orateur compare en détail le travail et les attributions de la trésorerie, qu’on a signalée comme étant l’une des branches les plus importantes du ministère des finances, avec le travail et les attributions de la cour des comptes. En résumé, les attributions de la trésorerie se réduisent à de simples opérations d’ordre ; celles de la cour des comptes consistent à juger de l’application des lois sur le budget des règlements, arrêtés, conditions des contrats, marchés, adjudications, et à vérifier toutes les comptabilités indistinctement.

La cour des comptes tient en outre des livres d’ordre qui ne sont pas moins importants que ceux de la trésorerie, puisqu’indépendamment des renseignements qu’ils doivent contenir pour pouvoir contrôler les opérations de cette administration, ils doivent encore offrir la situation des budgets et autres renseignements propres à contrôler le service de tous les comptables du royaume et de chaque ministère séparément. Il est donc évident que la somme demandée pour le personnel de la trésorerie est exagérée, et qu’en proposant de la réduire à 28,900 fl., non compris le traitement de l’administrateur, votre section centrale a encore agi d’une manière fort large.

J’adopterai toutes les réductions proposées par la section centrale qui sont motivées sur des comparaisons puisées dans le budget de la cour des comptes.

(Supplément au Moniteur belge non numéroté et non daté) M. Serruys. - Messieurs, l’administration des douanes est une des branches du ministère des finances de la plus haute importance ; le régime actuel en est très défectueux, et l’on peut, sans difficulté, y apporter les améliorations que le bien du commerce et de l’industrie réclame. La source du mal, messieurs, me paraît être dans les vices de la législation sur la matière, et vous pouvez y remédier.

En France, messieurs, les douanes sont régies depuis plus de 40 ans par la loi du 22 août 1791 ; cela seul démontre assez la bonté de cette loi, et je ferai observer qu’elle a été l’ouvrage longuement médité des comités réunis de commerce, des finances et d’agriculture de l’assemblée constituante, qui s’étaient au surplus adjoint pour collaborateurs des députés des principales villes de commerce et de manufactures de France.

Cette loi, messieurs, véritable modèle de sagesse en législation, a été aussi pendant plus de 20 ans la loi des douanes belgiques, et remarquez-le bien, messieurs, quand en 1814, les puissances alliées eurent mis la loi du 22 août 1791 hors d’activité en Belgique, les chambres consultatives des manufactures et de commerce, parvinrent à en faire passer les principes et toutes les principales dispositions, jusqu’à l’ordre méthodique même dans l’arrêté du 26 octobre 1814, pour les douanes à la rédaction duquel elles avaient été appelées à concourir ; de sorte que la Belgique continua à conserver jusqu’alors le système des douanes établi par la loi de 1791.

Mais, messieurs, ce régime, parce qu’il était français, fut bientôt renversé pour faire place au régime hollandais, qui nous fut imposé, d’abord par une loi du 3 octobre 1816, votée, à la vérité, à une faible majorité, puis par celle du 12 mai 1819, et finalement par la trop fameuse loi du 12 juillet 1821, dont la loi générale du 26 août 1822, qui répète encore la matière, a été la conséquence.

Messieurs, je ne crois pas avoir besoin de développer ici tous les avantages du système de la loi du 22 août 1791, sur celui de la loi de 1822. Pour en être convaincus, il suffit de lire ces deux lois et de comparer les dispositions de l’une à celles de l’autre.

La loi de 1791 est claire, simple et d’une précision admirable, et quand il s’agit de fraudes et de contraventions, les peines et les amendes y sont convenablement déterminées et toujours graduées suivant les circonstances du cas, et il est fait une juste distinction entre ce qui constitue une véritable contravention en fraude, et ce qui n’est que la suite d’une erreur ou d’une inadvertance palpable.

La loi de 1822, au contraire, est d’une obscurité telle qu’on a souvent de la peine à en comprendre la rédaction, ou à en saisir le véritable sens, et d’un bout à l’autre il y règne un esprit de fiscalité excessive ; en un mot la loi de 1822 n’est bonne ni pour le fond ni pour la forme.

En conséquence, je pense, messieurs, que dans l’intérêt du commerce et de l’industrie, comme dans celui du trésor même, il est de toute nécessité de faire cesser le plus tôt possible l’odieux système de la loi du 22 août 1822, et d’en revenir à celui si bien établi par la loi du 22 août 1791, qui, je le répète, régit toujours et depuis plus de 40 ans les douanes en France, et qui a aussi régi celles de la Belgique pendant plus de 20 ans, sans qu’il se soit jamais élevé aucune réclamation contre ce système ; et d’après ces considérations que je livre à vos sages méditations, je crois devoir recommander cet objet important à l’attention toute spéciale et sérieuse du gouvernement et particulièrement à M. le ministre des finances comme faisant partie de ses attributions.

M. de Nef. - Messieurs, ami de toute économie compatible avec la justice et avec le bien public, je continuerai à m’opposer aux dépenses inutiles en même temps qu’aux économies contraires au bien-être général et aux règles d’une équitable égalité dans la répartition des charges et des avantages. D’après cette règle de conduite que je me suis tracée, il est des réductions auxquelles je donnerai volontiers mon assentiment, mais il en est d’autres qui à mes yeux ne sont plus des économies et que je ne puis approuver.

Je prendrai pour exemple la réduction proposée sur le crédit demandé pour le cadastre, et qui aura pour résultat de voir languir de nouveau les opérations y relatives ; il me semble que l’allocation demandée à cet égard par M. le ministre des finances est précisément au nombre de celles qui sont le moins susceptibles de réduction, et je saisis cette occasion pour lui recommander de tous mes efforts l’achèvement du cadastre avant 1833 ; je vois un intérêt bien autrement important que celui d’une modique épargne, qui pourrait être si nuisible dans ses effets ; il s’agit de faire disparaître avec promptitude l’injustice la plus criante, et qui cependant pèse depuis 30 ans sur les propriétaires dans certaines localités à tel point qu’il y a des endroits où on paie le double sur le revenu de ce que l’on paye dans d’autres. C’est ce que je me propose de vous démontrer évidemment lors de la discussion du budget des voies et moyens pour 1833.

Entre-temps, je ne pourrai admettre une économie qui selon moi n’en est plus une dès qu’elle aurait pour résultat d’éloigner le moment d’une réparation si vivement réclamée par tous les principes de justice, et reconnaissance dans le M. le ministre des finances ce désir constant de distribuer les charges de l’Etat avec équité, je compte que par le moyen de cette allocation, le cadastre sera achevé et exactement régularisé avant 1833.

(Moniteur belge n°89, du 29 mars 1832) M. Barthélemy. - Messieurs, je m’aperçois que nous n’avons pas commencé par le commencement la discussion du budget ; car nous en sommes encore, après trois semaines de discussions, à discuter sur les systèmes d’économie, et c’est par des rognures à faire sur les traitements que j’entends toujours fonder l’espoir d’arriver à un allégement pour les contribuables. Je me permettrai de vous dire que ce n’est pas là que vous trouverez des économies à faire.

D’abord, il n’est pas juste de frapper des employés déjà assez médiocrement rétribués, et auxquels cependant il faudrait assurer une honnête existence. Croyez-vous que les contribuables seront bien soulagés quand, à des employés de 15 ou 1,800 fl. de traitement, vous en rognerez 2 ou 300 ? Non, messieurs, et cependant cette économie aura mis l’employé à la gêne ; et vous rendriez un plus véritable service au peuple en ne touchant pas à ces 2 ou 300 fl., parce que, après tout, il en reviendra quelque chose au peuple, puisque l’employé trouvera le moyen, par l’aisance que cette somme lui procurera, de donner un peu plus de travail aux ouvriers ; il fera un pantalon, une paire de bottes de plus (hilarité générale), et la façon de ces objets tombera dans la poche du peuple qui travaille.

Croyez-moi, messieurs, ce n’est qu’en changeant notre système d’administration que nous pourrons faire de véritables économies ; jusqu’ici, nous n’avons guère fait que replâtrer notre système intérieur : il faut le changer totalement, diminuer le nombre des rouages de la machine, supprimer des emplois au lieu de les moins rétribuer, et revenir autant que possible à cette administration qui nous régissait sous le gouvernement autrichien et dont les dépenses ne s’élevaient qu’à 20 millions. Je voterai provisoirement en faveur des sommes demandées.

(Supplément au Moniteur belge non numéroté et non daté) M. Zoude. - Messieurs, partisan des économies, je repousserai celles qui peuvent compromettre le service ou ravaler le fonctionnaire au-dessous de ses attributions.

Pour ce double motif, je m’opposerai à la réduction de 3,800 fl. sur la somme demandée par le gouvernement en faveur de l’administration centrale des postes.

Je m’opposerai à cette réduction, d’abord par une considération générale, c’est que les postes étant très souvent dépositaires du secret, de la fortune, et quelques de l’honneur des familles, il faut que les employés de ce service offrent une garantie particulière de discrétion et de probité, et ces qualités donnent droit à une rétribution convenable.

Abordant particulièrement les employés de l’administration centrale, je vous prierai de remarquer qu’ils sont également choisis parmi ceux que les provinces présentent de plus instruits et de plus capables dans cette partie et que ceux qui y remplissent les fonctions de contrôleur et de commis occupaient souvent les premiers rangs dans les postes provinciales, et cependant l’administration supérieure a dû s’entourer de ces hommes de capacité, parce que c’est du centre que doit jaillir la lumière qui éclaire et dirige toutes les branches du service.

Or, messieurs, pour décider ces hommes spéciaux à venir s’asseoir au banc du commis et reprendre un rang secondaire, il a fallu au moins les attirer par l’appât d’un traitement plus élevé.

Par ce motif vous ne consentirez pas à la réduction des appointements des employés de l’administration centrale des postes.

Vous ne réduirez pas davantage celui de l’administrateur, lorsque vous aurez fait attention qu’il est en même temps directeur du bureau de Bruxelles, que ces fonctions lorsqu’elles étaient séparées coûtèrent à l’Etat une somme de 11,000 florins, tandis que cumulées, elles ont d’abord été réduites à 5,000 et bientôt à 4, par suite d’une nouvelle économie introduite par le ministre des finances.

Ce minimum n’est plus susceptible de réduction ; s’il en était autrement, il s’ensuivrait que dans certaines localités, à Anvers par exemple, un directeur serait mieux rétribué que son chef, qui outre la direction d’un bureau des plus importants est encore chargé du fardeau et de la responsabilité du service entier du royaume.

J’ajouterai une autre considération que vous apprécierez en apprenant que sous les divers gouvernements qui se sont succédé en Belgique, les employés de la plupart des bureaux jouissaient d’un traitement occulte, d’un leges d’une nature toute particulière.

Ce traitement provenait du droit d’affranchissement des journaux, qui se percevait au profit des employés dans une proportion consacrée par l’usage, et la part du directeur de Bruxelles ne s’élevait pas à moins de 2,000 à 2,500 florins.

Mais à peine cette source de bénéfice fut connue de l’administrateur actuel, qu’il cessa d’être perçu, et le trésor est aujourd’hui en possession d’un produit dont il a été privé de temps immémorial.

En présence d’un tel fait, vous reconnaîtrez, messieurs, que l’économie ne consiste pas toujours à réduire un traitement, mais quelquefois à bien salarier celui qui remplit ses fonctions avec délicatesse et probité.

Par ces divers motifs, je prie la chambre de rejeter la réduction de 3,800 florins, proposée par la section centrale.

(Moniteur belge n°89, du 29 mars 1832) M. Lebeau. - Messieurs, lorsque dernièrement j’indiquai les intérêts moraux comme premier mobile de la révolution, je n’ai pas prétendu dire que nous dussions négliger les intérêts matériels ; à mon avis, les dépenses inutiles que fait un homme, soit public, soit privé, sont un acte de folie, et, si les représentants d’une nation pouvaient sciemment autoriser de telles dépenses, ce serait plus qu’un acte de folie, ce serait un crime. Mais est-il vrai que dans la représentation nationale, et dans le gouvernement, on ait vu en Belgique un dédain systématique pour les intérêts matériels ? Non, messieurs, ce serait calomnier la révolution et les hommes qui l’ont conduite à sa fin, que de le prétendre. Il n’est pas vrai qu’il y ait eu prodigalité et profusion dans l’emploi des deniers publics ; il n’est pas vrai qu’on ait cherché à perpétuer les abus, et il suffit de jeter un coup d’œil sur les actes des gouvernements qui se sont succédé depuis la révolution, pour voir à quel point sont peu fondées les accusations que se permettent à cet égard certains hommes.

Vous le savez, messieurs, à peine le gouvernement provisoire se fut-il saisi du pouvoir, qu’au milieu des difficultés qui l’environnaient on le vit porter une main ferme sur les abus que nous avait légués l’ancien gouvernement. Ainsi on le vit supprimer le droit d’abattage, les droits sur les passages d’eau, le droit de leges, la surtaxe imposée sur le timbre des journaux par un simple arrêté, et l’accise sur le sel et sur le vin indigène qui avait donné lieu à tant de plaintes : c’est ainsi que le même gouvernement a modifié la législation sur les distilleries, réduit de 50 p. c. les droits perçus sur le canal d’Antoing, enfin supprimer l’odieux impôt de la loterie. Voilà, messieurs, ce que fit le gouvernement provisoire : il est bon, lorsqu’au-dehors on cherche à nier les bienfaits assurés au peuple par le nouvel ordre de choses, de rappeler tous ces actes qui servent à confondre les calomniateurs de notre révolution.

Bientôt au gouvernement provisoire succéda le congrès national qui suivi la même marche. Ainsi on le vit supprimer le droit supplémentaire établi sur les barrières, et contre lequel s’élevaient tant de réclamations ; faire une réduction de 50 p. c. sur les patentes ; réduire de 26 à 13 les cents additionnels sur les patentes, les accises, etc. ; supprimer les cents additionnels sur la taxe personnelle ; supprimer les droits d’enregistrement jusqu’au 31 décembre 1832 sur les prêts sur gages et sur hypothèques ; abroger les lois de juin 1830, qui établissaient, à partir du 1er janvier 1831, un nouvel impôt sur le café et une augmentation d’accise sur le sel, les vins étrangers, les boissons distillées à l’intérieur, les bières et les vinaigres indigènes. Ajoutez à ces réductions, faites avec plus de sympathie pour le sort des contribuables que de prévoyance pour la prospérité de notre état financier, ajoutez la modération apportée par l’administration dans le recouvrement des impôts, et vous verrez, messieurs, ce qu’il fait croire de ces plaintes sans cesse répétées sur le peu de souci qu’on a pris pour le sort du peuple.

Si les divers gouvernements de la Belgique depuis la révolution ont péché par quelque chose, ce n’est pas en maintenant des abus, mais en allant sous ce rapport au-delà de ce que la prudence commandait. Ce que je viens de dire des impôts, je peux le dire de même à l’égard des traitements. J’ai entendu parler en termes amers de la bureaucratie, et comme on n’a pas dit dans quel sens on entendait ce mot, je ne sais si je devrais le relever. Entend-on par bureaucratie l’emploi qu’on est obligé de faire de commis dans les bureaux ? Quand on me prouvera qu’on peut faire aller les bureaux sans buralistes, je comprendrai l’accusation.

Messieurs, j’ai le bonheur d’appartenir à une administration sur laquelle on ne demande pas de réduction de traitement, et pour laquelle, au contraire, on demande des augmentations ; j’ai d’ailleurs prouvé que je ne tenais pas aux places à gros traitements, et que la vie privée avait plus de charmes pour moi que la vie publique : mes paroles ne vous doivent pas être suspectes quand je viens vous parler contre la trop grande réduction des traitements. En parcourant les divers ministères, je vois que, dans celui des affaires étrangères, le nombre des employés a été notablement réduit. En prenant le portefeuille de ce département, je supprimai cinq employés, dont un aux appointements de 2,700 fl. Mon successeur a trouvé encore le moyen de faire de plus grandes réductions. Le ministre de la justice a réduit de 17 à 7 le nombre de ses employés. Portez maintenant vos regards sur le ministère de l’intérieur. Vous trouverez une réduction de 16,605 fl. sur le personnel, comparativement au budget de 1831 ; sur l’administration des provinces, 45,374 fl. ; sur les ponts et chaussées, 27,400 fl.

Si vous comparez ensuite les différentes allocations demandées pour le royaume des Pays-Bas, en 1830, avec ce qu’on vous demande aujourd’hui, vous serez convaincus que l’on a fait pour les contribuables tout ce que les circonstances permettaient de faire. En 1830, on vous demandait, pour la secrétairerie d’Etat, 88,466 fl. ; dans le budget actuel, rien : cabinet du Roi , 17,926 fl. ; aujourd’hui, rien ; les états-généraux dépendant 521,850 fl. ; les chambres 169,026 fl. ; conseil d’Etat, 228,968 fl. ; aujourd’hui, rien ; la chambre des comptes coûtait 155,083 fl. ; maintenant 55,200 fl. ; ordre Guillaume, 53,800 ; supprimé. Le Lion Belgique, 21,700 fl. ; aujourd’hui zéro. Les ministres coûtaient 140,000 fl. ; aujourd’hui 50,000 fl. Ministère des affaires étrangères, personnel de l’administration centrale, 38,000 fl. ; aujourd’hui, 18,600 fl. Matériel, 21,000 fl. ; aujourd’hui 8,400 fl. Justice, personnel, 38,538 fl. ; aujourd’hui 12,650 fl. ; matériel, 53,400 fl. maintenant 2,600 fl. Intérieur, personnel, 325,000 fl. ; aujourd’hui, 97,980 fl. ; matériel, 53,000 fl. ; aujourd’hui 15,500 fl.

Messieurs, je ne puis pas continuer ce parallèle pour le budget de la guerre ni pour celui des finances : la différence énorme des circonstances rend pour le premier toute comparaison impossible ; il en est de même du ministère des finances, parce que là se trouvait le syndicat d’amortissement, dont les opérations s’entrelaçaient avec celles de l’administration. De plus, ont disparu du ministère des affaires étrangères les dépenses pour les consulats, 35,000 fl. ; pour les présents, 28,000 fl. ; pour les services secrets, 12,000 fl. ; tribut aux puissances barbaresques, 15,000. Les dépenses des cours et tribunaux étaient portées à 2,488,099 ; aujourd’hui à 947,206. Les cultes (et ceci servira de réponse à un singulier genre d’accusation que l’on se permet contre nous à l’étranger depuis quelques temps), les cultes coûtaient autrefois 3 millions ; vous savez que dans ce pays, que l’on peint comme livré à la théocratie, nous avons réduit, sans exciter les murmures des parties intéressées, les traitements des archevêques et évêques d’une manière notable.

L’orateur poursuit cette énumération, et il en conclut que, si l’on veut pousser les réductions plus loin, on livrera le pays à la ploutocratie ; et les emplois publics deviendront le partage des gens riches, au lieu de n’être que celui du talent et de la capacité. L’orateur examine ensuite le taux des traitements des employés aux Etats-Unis ; il prouve par leurs chiffres combien plus ils sont élevés qu’en France et qu’en Belgique, et il termine ainsi : J’ai prouvé que si les intérêts moraux avaient joué un grand rôle dans la révolution, si les pouvoirs devaient regarder comme leur premier devoir d’en assurer le maintien, c’est-à-dire l’indépendance nationale et les institutions, il n’en avait pas méconnu un autre, celui d’étendre sa sollicitude sur les intérêts matériels, sur le sort des contribuables. Je voterai pour toutes les résolutions qui me paraîtront compatibles avec la marche d’une bonne administration, et je crois qu’il y en a à faire dans le budget des finances et d’année en année.

M. Mary établit une comparaison entre les frais de perception de l’impôt entre la France et l’Angleterre, qu’il prend dans un rapport fait en 1830 par M. Chabrol à Charles X ; il prouve que l’avantage est du côté de la France, et par conséquent de la Belgique, où ces frais sont moindres encore.

L’orateur ensuite soutint que, comme comptable de l’Etat, la banque devrait se soumettre au contrôle de la cour des comptes ; il se plaint que les administrateurs du trésor aient de si forts crédits sur la banque, grâce au système de paiement en vigueur, et il fait entrevoir les pertes qui pourraient en résulter pour le trésor.

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Dans le rapport que je ferai dans la discussion des articles, je prouverai, contrairement à ce qu’a dit M. d’Huart, la nécessité de la trésorerie générale. Quant aux travaux du cadastre, j’espère que les travaux qui se poursuivent activement seront achevés en 1833.

M. Serruys a parlé du vice du système des douanes : comme industriel, j’ai été à même de reconnaître ces vices, et je dirai à l’honorable membre que, sans les embarras du moment, j’aurais apporté tous mes soins au changement du système.

J’adopte entièrement les idées de M. Barthélemy sur les employés du gouvernement. Comme lui, je pense qu’il est préférable de réduire le nombre des places, et de bien rétribuer ceux qui les occupent ; mais j’ajouterai qu’il est impossible, au moment du travail que nécessitera le changement de système, de diminuer le nombre des employés.

Répondant à l’honorable M. Mary, je dirai que la banque a reçu des ordres positifs de soumettre le double des états à la cour des comptes.

M. Dumortier s’efforce de répondre aux divers orateurs qui ont critiqué les réductions proposées par la section centrale, et il s’attache à les justifier par des développements fort étendus.

M. Delehaye. - Je donnerai mon assentiment à toutes les réductions proposées par la section centrale, excepté celle relative aux employés des douanes ; loin de diminuer leur traitement, je demanderai plutôt une majoration, car c’est par de bons traitements qu’on peut obtenir des douaniers une surveillance active et une fidélité éprouvée, deux qualités indispensables pour mettre un terme à la fraude qui se impunément au grand préjudice du commerce belge.

M. Ch. de Brouckere réfute le discours de M. Dumortier ; il signale les vices du système financier de la Hollande et les déficits qui en furent la suite ; il combat toutes réductions de traitement, parce qu’il les considère comme impossible, toutes les réductions convenables ayant été faites précédemment.

M. Duvivier soutient que les directeurs des douanes ne touchaient rien du droit de leges, comme l’a dit M. Delehaye ; il fait observer, d’ailleurs, qu’il n’existe plus de directeur dans cette administration.

M. Barthélemy. - Je crois qu’on n’a pas bien compris ma première objection. Je disais, et je répète, qu’il est impossible de faire de véritables économies, sans changer les bases de l’administration. Vous parlez du peuple, mais vous le divisez en deux parties ; vous faites deux peuples (on rit) : celui qui paie l’impôt et celui qui n’en paie pas. Mais l’économie ne consiste pas à réduire le chiffre du budget, mais à en faire un bon emploi.

Les réductions ne tournent pas toujours au profit du peuple. Supprimez, par exemple, les 1,300,000 fl. de la liste civile, et vous verrez si le peuple de Bruxelles vous bénira. Savez-vous combien le peuple retire du budget de la ville de Bruxelles qui s’élève à 600,000 fl. ? Il profite de 200,000 fl. qui servent aux établissements de charité, des enfants trouvés, etc. Vous voyez donc que le peuple n’aurait pas un si grand avantage à tous ces réductions.

M. Destouvelles. - Je ne donnerai pas mon assentiment à la plupart des diminutions proposées par la section centrale, parce que leur accueil tendrait à jeter la perturbation dans le service ; mais les révélations que nous a faites M. Ch. de Brouckere me suggèrent une observation. Il a dit que les déficits de l’ancien gouvernement provenaient de ce qu’au lieu de fermer l’abîme, il le comblait provisoirement par des mesures extraordinaires. La seule différence, je le dis à regret, que je trouve entre ce qui se pratiquait alors et ce qui a lieu aujourd’hui, c’est que les états-généraux étaient entraînés vers un abîme à leur insu, et que nous le sommes sciemment ; car nous votons un budget de 98 millions, ce qui est bien au-dessus de nos ressources. Je désire que le gouvernement mette mieux en rapport nos dépenses avec nos revenus.

M. Ch. de Brouckere. - Je ne m’attendais pas à la conclusion que l’honorable membre a tirée de mes paroles. Quand j’ai parlé des vices de l’administration hollandaise, je n’ai point voulu dire pour cela qu’il fallait pour cette année niveler nos dépenses et nos recettes, car nous sommes en état de guerre ; il est impossible de le faire, et il y a au contraire des raisons plausibles pour majorer les dépenses.

M. le ministre des finances (M. Coghen) répond aux observations qui ont été faites relativement à la dette hollandaise que le gouvernement a envoyé des commissaires à Londres, pour savoir quelles étaient les obligations de la Belgique, et qu’au moins de novembre, d’après le dernier exposé de notre état réel, il résultait que notre dette ne s’élevait pas à plus de six millions.

Quant à la banque, elle est comptable envers le trésor, et doit envoyer ses comptes de quinzaine en quinzaine, et elle ne peut s’y refuser sans aucun prétexte. Du reste, M. le ministre convient que la nécessité d’un nouveau système financier est reconnue par tous. (A demain ! à demain !)

- La discussion est renvoyée à demain, à midi.

La séance est levée à quatre heures.