(Moniteur belge n°29, du 29 janvier 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est ouverte à midi et demi.
M. Lebègue fait l’appel nominal.
M. Dellafaille lit le procès-verbal ; il est adopté.
M. Lebègue analyse les pétitions, qui sont renvoyées à la commission.
M. Brabant présente à la chambre les développements de la proposition qu’il a faite, de concert avec plusieurs autres membres, sur les biens des fabriques.
M. le président. - Quand la chambre a ajourné les développements de la proposition jusqu’à ce jour, elle a laissé intacte la question de savoir à quelle séance aurait lieu la discussion sur la prise en considération.
M. Brabant. - Je demande que cette discussion soit renvoyée au premier jour libre de la semaine prochaine.
- Après un long débat, la chambre fixe la discussion sur la prise en considération à mardi prochain.
M. Dubus développe ensuite une autre proposition collective, et relative aux biens des établissements de charité.
- La discussion sur la prise en considération est également ajournée à mardi prochain.
M. Ullens. - Je demande l’impression de ces deux discours. (Appuyé !)
- Sur l’observation faite par M. Brabant qu’il est inutile d’imprimer le sien, parce que tous les développements de la question se trouvent dans un mémoire distribué à chacun des membres par les fabriques, la chambre ordonne seulement l’impression et la distribution des développement de M. Dubus.
La suite de l’ordre du jour est la discussion du projet de loi tendant à accorder un nouveau crédit provisoire à M. le ministre de la guerre pour le mois de février.
M. Legrelle déclare que la commission du budget de la guerre, en accordant un nouveau crédit, n’a entendu aucunement préjuger les allocations faites aux intendants militaires.
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - Mais c’est tout clair ; tout le monde comprend parfaitement cela.
- On procède à l’appel nominal sur l’article unique et le considérant du projet de loi. Il est adopté par 72 voix contre 3. Les opposants sont MM. De Robaulx, Gendebien et Seron.
M. le président. - L’ordre du jour appelle ensuite le rapport des pétitions.
M. Delehaye, premier rapporteur. - « Les régences de Liége et de Mons demandent que les indemnités à la charge des communes, du chef des pillages et dévastations exercés pendant le cours de la révolution, constituent une dette de l’Etat. »
La commission propose le dépôt au bureau des renseignements, et le renvoi au ministre de l’intérieur.
M. d’Elhoungne. - Il me semble que les pétitionnaires réclament une loi qui ait un effet rétroactif. Quant à moi, je pense que le principe de non-rétroactivité des lois est si sacré, qu’il nous est impossible de prendre leur demande en considération ; car, sous ce rapport, c’est une proposition monstrueuse. Je crois donc que la chambre doit passer à l’ordre du jour.
M. Delehaye. - Je partage l’avis du préopinant sur la non-rétroactivité des lois ; mais je ferai observer que nous ne prenons pas la pétition en considération, en proposant le renvoi qui a été ordonné pour toutes celles du même genre ; c’est seulement pour qu’il soit pris sur toutes une même résolution.
M. H. de Brouckere. - J’avoue que je ne suis pas d’accord avec M. d’Elhoungne ; je ne vois pas comment la loi que réclament les pétitionnaires serait rétroactive. Mais ce n’est pas le moment de discuter cette question. D’ailleurs, toutes pétitions qui avaient le même objet ont été renvoyées au ministre de l’intérieur, et déposées au bureau des renseignements ; il n’y a pas d’inconvénient à prendre une décision semblable pour celle-ci.
M. Van Meenen dit qu’en adoptant même les conclusions des pétitionnaires, la loi qu’ils réclament ne rétroagirait pas contre celle de vendémiaire an IV. Du reste, il ne voit aucune difficulté à admettre les conclusions de la commission.
- Elles sont mises aux voix et adoptées.
M. Delehaye, rapporteur. - « Le sieur Noël Flamant, à Maulde, milicien de 1829, et le sieur F. Fondriau, se plaignent de ce que l’autorité militaire ne s’est pas conformée, à leur égard, aux articles 101 et 102 de la loi du 8 janvier 1817. »
La commission propose le renvoi au ministre de l’intérieur.
M. Leclercq. - Les pétitionnaires se sont-ils adressés d’abord au gouvernement ? S’ils ne l’ont pas fait, je demande l’ordre du jour ; car ce n’est que dans le cas où il y aurait déni de justice que la chambre devrait prendre une décision.
M. Delehaye avoue qu’il ne résulte pas des pièces envoyées par les pétitionnaires qu’ils se soient adressés au gouvernement, mais il insiste pour le renvoi au ministre de l’intérieur.
- La chambre, consultée, passe à l’ordre du jour.
M. Delehaye, rapporteur. - « Le sieur Devos, chirurgien-aide-major au deuxième bataillon de la garde civique, à Rumbeck, signale un cumul exercé dans la commune par le sieur Destoop. »
La commission propose le renvoi au ministre de l’intérieur.
M. Angillis. - La pétition n°311, dont vous venez d’entendre le rapport par l’organe de M. Delehaye, a été dictée par la haine et la vengeance ; c’est l’œuvre d’un homme atrabilaire : cet homme, messieurs, dont les désirs sont plus forts que la raison, a voulu être assesseur de la commune ; il n’a obtenu qu’une seule voix ; et on conçoit que ce fut la sienne. Depuis cette époque, il ne cesse de faire des pasquinades contre la régence en général, et chaque membre en particulier. Je connais le dénonciateur et le dénoncé ; j’ai fait en peu de mots le véritable portrait de l’un ; je ne ferai pas celui de l’autre, il serait trop flatteur. Je dirai seulement que le sieur Destoop a constamment rendu de grands services à la cause de la liberté, et non sans de grands dangers pour lui. Il était mon secrétaire lorsque je fus bourgmestre ; en 1825 on me destitua, le sieur Destoop eut le même sort ; cependant on lui laissa sa place de commissaire de police. Il est l’auteur de la première pétition contre les griefs ; il a écrit dans le Catholique plusieurs articles, pour faire connaître les erreurs et les empiétements de l’ancien gouvernement.
La nouvelle régence, librement élue par le peuple et à laquelle j’ai donné sincèrement mon vote, l’a nommé secrétaire à l’unanimité des voix. Ses supérieurs diront qu’ils remplit ses fonctions avec zèle et talents, et, si un jour la nation décrétait des récompenses pour ceux qui ont préparé l’opinion publique à secouer le joug hollandais, certainement, je viendrais réclamer une bonne part pour l’homme qui est l’objet de la dénonciation. Je prie donc la chambre de passer à l’ordre du jour.
M. C. Rodenbach. - Je crois devoir, messieurs, rejeter les conclusions de la commission des pétitions et demander l’ordre du jour. Je partage l’opinion de mon honorable collègue M. Angillis, concernant la non-incompatibilité de la place de commissaire de police, place donnée par le gouvernement, et celle de secrétaire de commune, qui est en quelque sorte une émanation indirecte des élections populaires. Je conçois et je reconnais l’incompatibilité des places de receveur et de secrétare de commune, puisqu’elle est établie par une loi ; mais je n’admets pas l’incompatibilité des emplois de commissaire de police et de secrétaire de commune, parce que la loi qu’on a citée dans la dénonciation n’a jamais été publiée dans ce pays. J’ajouterai que M. Destoop, qu’on a cru devoir dénoncer pour cumul, est un homme d’un talent réel, d’un patriotisme éclairé. Les éminents services qu’il a rendus à la cause de la révolution n’ont eu, jusqu’à présent, d’autre récompense que la mince place de secrétaire de commune : récompense la plus honorable sans doute, puisqu’elle est populaire, surtout à une époque où il y a tant de passe-droits, et où on semble méconnaître les services rendus au nouvel ordre de choses. Je pense, messieurs, que si les emplois publics étaient donnés au mérité, à la capacité, M. Destoop de Rumbeck pourrait prétendre aux premier emploi du pays.
J’insiste donc sur l’ordre du jour, d’autant plus qu’un loi sur les abus du cumul doit être soumise à la législation dans la session actuelle ou dans la session prochaine.
M. A. Rodenbach. - J’appuie l’ordre du jour, et je saisis cette occasion pour déclarer à la chambre que M. Destoop de Rumbeck fut, pendant les quatre dernières années du règne de Guillaume, l’un des plus redoublables adversaires des empiétements du pouvoir déchu. Constamment il signala par la voie des journaux les violations de la loi fondamentale, le régime des arrêtés et les abus de toute espèce. Naguère encore, il croyait que du talent et du patriotisme suffisaient pour obtenir un meilleur emploi. Il s’est détrompé depuis. C’est ici le cas de dire qu’il n’y a pas de déshonneur à être injustement éconduit.
M. Delehaye. - J’aime à croire tout ce qu’on a dit en faveur de M. Destoop ; mais il n’en reste pas moins vrai que la loi du 24 vendémiaire an III, que j’ai citée dans mon rapport, et un décret du 18 octobre 1814, établissement formellement l’incompatibilité des fonctions de commissaire de police avec celles de secrétaire des communes. Je ne crois donc pas que la chambre puisse se dispenser de renvoyer la pétition au ministre de l’intérieur.
M. H. de Brouckere. - Quand la commission s’est occupée de cette pétition, elle n’a point décidé qu’il y avait incompatibilité, mais qu’il y avait au moins doute. Voilà pourquoi elle a proposé le renvoi au ministre de l’intérieur. Il y a encore une autre raison pour ce renvoi, c’est que la pétition pourra servir de renseignement pour la loi sur le cumul, que notre collègue M. C. Rodenbach nous annonce devoir être présentée dans cette session.
M. Jullien déclare qu’il connaît M. Destoop, aux qualités duquel il rend hommage, mais que la question est de savoir s’il y a cumul ou non. En conséquence, le renvoi demandé est nécessaire.
- Après une double épreuve, la chambre ordonne le renvoi au ministre de l’intérieur.
M. Dumortier demande ensuite la parole, et fait le rapport de la pétition des sieurs Fleuraud et Cartier, capitaines du bataillon de tirailleurs, qui s’adressent à la chambre pour obtenir la justice que M. le ministre de la guerre leur refuse. Cette pétition avait été ajournée par la chambre jusqu’à la présente séance.
M. Dumortier conclut, au nom de la commission, au renvoi au ministre de la guerre.
- Adopté.
M. Poschet, deuxième rapporteur. - « La régence de Gyselbrecteghem demande que l’Etat se charge des pensions que la commune paie à son curé. »
La commission conclut à l’ordre du jour.
M. Thienpont combat cette conclusion, en s’appuyant sur l’article 117 de la constitution, et demande le dépôt au bureau des renseignements et le renvoi au ministre de l’intérieur.
M. H. de Brouckere. - D’après ce qu’a dit M. le rapporteur, le pétitionnaire ne se plaint pas que la loi ait été violée à son égard. La commission a pensé qu’il devait d’abord s’adresser au gouvernement. Voilà pourquoi elle a proposé l’ordre du jour.
M. Thienpont. - Mais c’est la régence de Gyselbrecteghem qui a fait la pétition.
M. H. de Brouckere. - Peu importe, la régence ne se plaint pas de la violation de la loi. Les motifs restent les mêmes.
- La chambre, consultée, ordonne le dépôt au bureau des renseignements et le renvoi au ministre de l’intérieur.
M. Poschet, deuxième rapporteur. - « Les distillateurs et négociants en eau-de-vie indigène de Huy demandent : 1° à être admis à jouir d’un crédit permanent comme sous l’ancien gouvernement ; 2° le rapport de la loi du 4 mars dernier du congrès ; 3° à ne payer les droits qu’au taux fixé pour les distillateurs et entreposeurs de Liége. »
La commission propose le renvoi au ministre des finances.
M. Jamme. - Messieurs, la pétition des distillateurs et des négociants d’eau-de-vie indigène de la ville de Huy a, sous presque tous les rapports, les mêmes objets pour but que trois pétitions que les distillateurs et les entrepositaires de la ville de Liége ont adressées, une au régent et les autres au ministre des finances. Ces pétitions sont du plus grand intérêt. Je désire vous donner quelques éclaircissements sur celle de la ville de Huy dont il est ici question ; ces éclaircissements sont applicables à celles de la ville de Liége sous beaucoup de rapports.
La pétition des distillateurs de la ville de Huy peut se diviser en trois points :
1° Le rétablissement du crédit permanent pour les droits d’accises sur les boissons distillées à l’intérieur ;
2° L’abrogation de la loi du 4 mars 1831 sur les distilleries ;
3° La réclamation contre le privilège en matière d’impôt, en violation de l’article 112 de la constitution.
A l’époque de la révolution , les distilleries étaient sous le régime de la loi de 1822 ; une longue et nuisible expérience avait signalé tous les vices de ce régime.
Le gouvernement provisoire fit paraître, le 17 octobre, un arrêté qui, par des dispositions dont on ne peut concevoir les motifs, facilita la fraude au lieu de l’empêcher, et la facilita à tel point que le distillateur qui, par principe ou par crainte, n’eût pas voulu frauder, fut obligé d’opter entre le parti de former sa distillerie et celui de frauder pour pouvoir supporter la concurrence.
Le 4 mars dernier, le congrès national, après une courte délibération, beaucoup trop courte pour porter la lumière sur une matière généralement peu connue, arrêta une loi provisoire qui, sans obvier à aucune des vices de l’arrêté du gouvernement provisoire, établit incontestablement un privilège en faveurs des distillateurs aux dépens des entrepositaires et qui, loin de s’opposer à la fraude, la rendit plus facile encore en établissant la libre circulation, et consacra le principe injuste de la rétroactivité en changeant le crédit permanent des entrepositaires en crédit à ferme obligé.
C’est, messieurs, sous le régime de cette loi, à la fois désastreuse pour l’industrie, pour le commerce régulier et pour le trésor ; sous cette loi qui a organisé la fraude et contre laquelle on réclame de toutes parts, qu’une des branches les plus importantes de notre industrie languit et prive le trésor d’un revenu important, que j’élève, sans craindre d’être taxé d’exagération, à plus d’un million de florins.
La nouvelle loi qui nous est promise sera basée, j’espère, sur des principes d’économie politique et d’équité, qui, dans leur ensemble, pourront satisfaire aux deux premiers points de la demande des pétitionnaires de Huy ; mais, messieurs, le troisième point de leur réclamation se lie intimement avec le fond de toutes les réclamations des entrepositaires de Liége, et se trouve, en quelque sorte, indépendant de la nouvelle loi.
Je vais essayer, messieurs, de vous donner quelques éclaircissements sur cette question, dont vous apprécierez facilement toute l’importance ; mais vous savez que toutes les lois sur cette matière sont compliquées et difficiles à concevoir.
Il faut, d’abord, établir clairement la différence qu’il y avait, antérieurement au 4 mars, entre le distillateur et l’entrepositaire à crédit personnel.
Le distillateur, si toutefois il n’était en même temps entrepositaire, comme cela lui était facultatif, avait un compte de ses prises en charge, dont la liquidation s’opérait à des termes déterminés par la loi, tandis que l’entrepositaire n’avait pas de termes fixés pour le paiement et ne pouvait être tenu à payer le droit que quand il fournissait à la consommation. Le produit des distilleries, mis au crédit permanent d’un entrepositaire, ne devait rien encore ; il était censé ne pas exister.
Sous le régime de la loi du 22 août 1822, on payait le droit très fort de 12 fl. en principal par hectolitre de spiritueux, à 10 degrés. On sollicita du gouvernement provisoire une réduction de droit ; il prit alors l’arrêté du 17 octobre 1830, par lequel, au lieu de diminuer le droit, il diminua la prise en charge du distillateur, en sorte que cette disposition, dont je viens de démontrer tout le vice, établit réellement pour le distillateur une réduction de 4 fl. environ par hectolitre, sans compter la réduction qu’il parvenait à faire encore par la fraude, que les autres dispositions de cet arrêté rendaient plus facile.
L’arrêté du 17 octobre mit aussitôt l’entrepreneur, qui toujours payait 12 fl., dans l’impossibilité de supporter la concurrence des distillateurs, en mains desquels passa ainsi tout le commerce de spiritueux.
On conçoit facilement que cette disposition vicieuse a créé matériellement et de la manière la moins incontestable, un privilège en faveur des distillateurs.
Un bon nombre des entrepositaires souffrirent d’abord cet état de stagnation dans leurs affaires, et quelques-uns, ne pouvant rester inactifs, furent obligés de réaliser leur magasin à grande perte, et de subir toutes les fâcheuses conséquences de l’injuste privilège.
Les choses restèrent dans ce mauvais point jusqu’au 4 mars ; l’entrepositaire n’étant tenu à payer qu’en fournissant à la consommation, ne pouvant fournir, il ne payait pas.
Mais au 4 mars survint cette loi informe, irréfléchie et enlevée comme par surprise ; cette loi, qui par un effet rétroactif a ravi à l’entrepositaire le bénéfice du crédit permanent que lui assurait la loi du 26 août 1822, ; sur la foi de laquelle il avait entreposé des spiritueux, certain qu’il croyait être de n’être jamais obligé d’en payer le droit qu’au jour de la mise en consommation et au taux du droit audit jour.
Cette loi changea le crédit permanent en crédit à terme obligé : on arrêta le compte de l’entrepositaire, on fit le bordereau de ce qu’il devait pour les spiritueux entreposés au taux élevé de 12 florins, et on divisa le total en quatre paiements égaux, à effectuer de trois mois en trois mois… Il ne resta alors à l’entrepositaire trompé par la loi, obligé de payer, sans s’y attendre, un droit exorbitant qui l’empêche de réaliser, qu’à réclamer vivement contre l’injustice et les vices de cette loi.
Ainsi, messieurs, malgré la bienveillance des autorités qui ont partagé le pouvoir depuis notre révolution, par une fatalité digne de remarque et qui démontre le mal que peut produire l’intérêt particulier, dans son infatigable activité, le mauvais système qui régissait nos distilleries, sous le gouvernement hollandais, n’a fait qu’empirer chaque fois que l’on a voulu y porter la main.
A la fin de juin, l’administration supérieure, à la modération et aux vues conciliantes de laquelle je dois rendre justice, poussée à bout par les pressantes et justes réclamations de tous les entrepositaires de Liége et par la volonté ferme qu’ils témoignaient de s’opposer par toute voie légale aux vues et aux fâcheuses conséquences de la loi du 4 mars ; l’administration supérieure, dis-je, fit parvenir au receveur les deux tiers du premier trimestre échu : ces deux tiers représentaient 8 florins par hectolitre, taux auquel les entrepositaires demandaient que le droit dût réduit.
A cette époque les entrepositaires de Huy, qui n’avaient pas été aussi pressants que ceux de Liége dans leur réclamation, bien qu’ils sentissent comme eux tout le vice et l’injustice de la loi, ont dû effectuer le paiement des termes échus de leur crédit, au taux de 12 florins. Ils apprirent alors que les entrepositaires de Liége n’avaient encore payé que 8 fl. ; et, considérant les paiements effectués à Liége comme définitifs, ils viennent aujourd’hui, s’appuyant sur l’article 112 de la constitution, se plaindre du privilège fait à leur préjudice en faveur des entrepositaires de Liége. Mais ils ignorent que maintenant le receveur de Liége réclame les troisièmes tiers des deux trimestres échus, et le paiement intégral du troisième.
En sorte, messieurs, que les entrepositaires de Liége prouvent, à l’évidence, que des vices de la loi du 4 mars il est résulté un privilège à leurs dépens et en faveur des distillateurs de Liége ; et les entrepositaires de Huy démontrent qu’il y a privilège en faveur des entrepositaires de Liége, à leur préjudice.
En voyant les choses au fond, vous jugerez que l’une et l’autre de ces plaintes sont fondées. Je demande donc le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances, en l’invitant à fournir des renseignements sur des intérêts d’une aussi grande importance. Il y a d’autant plus d’urgence, que je suis informé que les entrepositaires de Liége sont décidés à former opposition légale pour les paiements qui restent à faire, et que ceux de Huy ont déjà formé cette opposition.
Je n’ajouterai qu’une dernière réflexion qui prouve à quel point le droit de 12 florins, imposé aux entrepositaires, n’est pas le droit que paie réellement le distillateur, c’est que l’article 3 de la loi du 4 mars, qui traite du remboursement à faire du droit, lors de l’exportation, n’élève ce remboursement qu’à 8 florins.
Voilà, sans doute, une manière fort neuve d’encourager l’industrie. L’entrepositaire qui aura payé le droit de 12 florins, s’il exporte, on lui en remboursera 8 seulement.
Je fais itérativement la demande de voir enfin présenter à notre délibération une loi sur la matière, qui soit conforme aux vrais intérêts de l’industrie et qui mette la chambre à même de frapper de nullité la loi du 4 mars dernier, dans laquelle, en très peu d’articles, l’intérêt particulier est parvenu à faire consacrer les erreurs les plus grossières en économie politique et tous les vices auxquels l’arbitraire et le privilège pouvaient donner lieu ; cette loi si peu digne de l’époque, qui n’a été que le fruit de la suggestion, de la précipitation et de l’erreur.
M. Brabant appuie cette proposition, qui est adoptée.
M. Poschet, deuxième rapporteur. - « Le sieur J.-J. Devreux, natif de Batry (Luxembourg) et fabricant de tulles à Sedan, sollicite la prohibition des tulles anglais, ou une augmentation de droits jusqu’à 20 p. c. »
Le rapporteur propose le renvoi à la commission d’industrie.
M. l’abbé de Haerne. - Je m’oppose à ce renvoi, par le motif qu’en matière d’industrie, il faut toujours chercher l’intérêt et le bien-être des masses. Or, si vous adoptez la proposition de la commission et que la conséquence soit la prohibition des tulles anglais, vous provoqueriez de la part de l’Angleterre des représailles funestes pour le commerce de nos dentelles, qui sont un moyen d’existence pour les Flandres. Si vous prohibez leurs tulles, les Anglais prohiberont vos dentelles, et vous plongerez ainsi dans la misère une foule de citoyens.
M. H. de Brouckere fait observer qu’en proposant le renvoi, la commission n’a entendu aucunement approuver la demande des pétitionnaires.
- Le renvoi à la commission d’industrie est adopté.
M. H. de Brouckere, troisième rapporteur. - « Le sieur J.-J. Thomas, à Samar (Namur),signale une violation de l’article 6 de la constitution par l’introduction de jésuites français, comme corps enseignant en Belgique. »
Il est vrai que, d’après l’article 6 de la constitution, les Belges seuls sont admissibles aux emplois ; mais, par une autre disposition, cette même constitution proclame la liberté d’enseignement. Il en résulte que des Français peuvent enseigner en Belgique aussi bien que les autres. En conséquence, la commission vous propose de passer à l’ordre du jour.
- Adopté.
M. H. de Brouckere, troisième rapporteur. - « Le sieur Alexandre, à Marche, ex-professeur au collège de Furnes, demande une indemnité ou une pension. »
M. le rapporteur appelle l’attention de la chambre sur cette pétition. Il raconte que le pétitionnaire a perdu sa place de professeur, non point à cause de sa mauvaise conduite ou de son incapacité, car il est porteur des certificats les plus honorables ; mais parce que la régence de Furnes a jugé à propos d’introduire dans le collège des ecclésiastiques. Le sieur Alexandre s’est adressé au gouvernement. L’administrateur de l’instruction publique lui a répondu que le pouvoir exécutif ne pouvait lui accorder, sans autorisation, l’indemnité à laquelle il avait droit, mais qu’il pouvait présenter à la chambre une pétition à cet effet.
En conséquence, la commission conclut au renvoi au ministre de l’intérieur et au bureau des renseignements.
- Ordonné.
M. H. de Brouckere, troisième rapporteur. - « Les habitants notables de Courtray adressent des observations contre le jury. »
La commission propose le renvoi au ministre de la justice et au bureau des renseignements.
M. A. Rodenbach. - Il y a environ six semaines que notre collègue, le procureur-général, nous a dit que le ministre de la justice avait en portefeuille une loi transitoire, tendante à améliorer l’institution du jury. J’invite, pour la troisième fois, M. le ministre de la justice à nous soumettre ce nouveau projet tant désiré. J’insiste d’autant plus pour qu’on nous le présente sur-le-champ, que, dans mon district, un cri d’indignation s’élève parmi les jurés contre un séjour dans le chef-lieu de la province, qui dure quelquefois plus d’un mois, et cela sans rétribution aucune.
M. Van Meenen. - Notre collègue est dans l’erreur. Je n’ai pas dit que le ministre de la justice eût en portefeuille un projet de loi sur le jury, mais que moi et plusieurs jurisconsultes nous nous occupions de ce projet. Il sera prêt d’ici à peu de temps.
M. le ministre de la justice (M. Raikem) annonce, de son côté, que le gouvernement a nommé une commission pour préparer un projet sur cette matière, et que plusieurs honorables députés, entre autres M. H. de Brouckere, ont bien voulu l’éclairer de leurs lumières. Il ajoute que le gouvernement sera à même, prochainement, de présenter cette loi.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
La chambre a renvoyé sans discussion, à la commission d’industrie, les pétitions :
« 1° Des habitants de la commune d’Oosterzeele, qui demandent l’augmentation des droits de sortie sur les lins. »
« 2° Du sieur Théodore Cohudweyler, qui présente une requête contre les décisions dilatoires de l’administration des contributions directes, relativement à l’emploi d’une machine dans les distilleries, sous le nom de « distillation à la manivelle. »
« 3° De sept brasseurs de Bruxelles, qui demandent que, lors de la loi sur les distilleries, la chambre prenne une mesure tendante à ce que les quantités à exporter soient fixées à 20 barils au lieu de 40, et qu’elle ait lieu pour les exportations par terre comme pour celles par eau. »
« 4° Et du sieur J.- B. Cellier-Blumenthal, qui adresse à la chambre des observations sur la loi des distilleries. »
Cette pétition est renvoyée, en outre, au ministre des finances.
Au ministre de la guerre :
« 1° Celle du sieur Ch. Lacourt, ancien capitaine à Mons, qui demande une pension ou l’arriéré de sa solde. »
« 2° Celle des sieurs Meert et L.-A. Wuyts, d’Anvers, qui réclament le paiement de l’estimation de leurs propriétés démolies par suite des travaux de défense du camp retranché dans cette ville. »
Le ministre de la guerre est invité à s’expliquer dans la quinzaine sur cette dernière pétition.
Cette décision a été prise à la demande de M. Verdussen, qui a prononcé à ce sujet le discours suivant. - Messieurs, il m’est douloureux d’avoir à élever la voix pour appuyer une réclamation qui n’aurait jamais dû vous avoir été adressée, puisqu’elle ne tend qu’à obtenir le paiement d’une dette qui n’aurait elle-même jamais existé si la constitution n’avait pas été violée par l’autorité militaire. Les pétitionnaires sont ceux dont, dans cette enceinte, j’ai déjà fait valoir les droits, il y a plus de deux mois, lorsque la chambre s’est occupée, le 24 novembre dernier, du crédit de 2,800,000 florins que M. le ministre de la guerre demandait à la nation pour atteindre la fin de l’exercice de l’année 1831. C’est alors qu’après avoir interpelé M. le ministre sur cette lésion de notre pacte fondamental, je lui ai fait passer les pièces qui prouvaient que des habitants d’Anvers avaient été privés de leurs propriétés, au mépris de l’article 11 de notre constitution, sans que l’indemnité préalable leur eût été accordée. Indépendamment de la réponse publique de M. le ministre, dont les journaux ont rendu compte, il m’a donné personnellement l’assurance que la valeur de la maison dont j’avais parlé était comprise dans le crédit qu’il demandait ; et cependant le crédit a été alloué, et deux mois se sont écoulés, sans que le paiement ait été effectué, sans qu’une violation manifeste de la plus sacrée de nos lois ait cessé d’affliger et de scandaliser le public. Ceux-là même qui, par leur position, sont plus particulièrement appelés à la faire respecter, peuvent-ils impunément la transgresser et rester sourds aux réclamations des représentants de la nation, qui viennent soutenir son inviolabilité ? Ou, peut-être, M. le ministre s’appuiera-t-il sur le décret impérial du 24 décembre 1811, pour fouler aux pieds nos garanties constitutionnelles, et, à l’aide de l’article 95 de ce décret, nous soutiendra-t-il que l’existence des maisons envahies gênait la circulation de son artillerie et de ses troupes ? Que, cédant à une impérieuse nécessité, il a sacrifié à la suprême loi du salut des peuples, la loi suprême de la nation belge ? Je me plais à croire qu’il ne le fera pas et qu’il n’oserait pas le faire, quand même il le voudrait, lorsque, depuis longtemps, le crédit lui a été ouvert au moyen duquel il devait faire face aux dépenses que les circonstance sont malheureusement rendues nécessaires ; cependant, je désire qu’il s’en explique nettement, et je demande, en conséquence, que la pétition qui nous occupe lui soit renvoyée, avec demande de renseignements et d’explications dans un temps limité, que je propose de fixer à quinzaine.
Au ministre de l’intérieur et au bureau des renseignements :
« 1° Celle du sieur Louis Duvivier, à Liége, capitaine de la garde civique, qui demande la révision de la loi sur les gardes civiques. »
« 2° Celle de la régence de Durbuy, qui demande le report de l’article 94 de la loi du 8 janvier 1817, et de l’article 27 de la loi du 27 avril 1820, sur la milice. »
Au ministre de la justice :
« 1° Celle des administrations communales de Calloo, Burght et la Chage, qui demandent que, lors de la nouvelle organisation judiciaire, le tribunal civil, actuellement établi à Termonde, soit transféré à Saint-Nicolas. »
Cette pétition est, en outre, renvoyée au bureau des renseignements.
« 2° Celle de divers fabricants de Bruxelles, Malines et Wavre, qui signalent des abus dans le confectionnement des équipements militaires dans les prisons. »
Au ministre de la guerre et au bureau des renseignements :
« Celle du sieur Van Dael, chevalier de la légion d’honneur à Mons, qui réclame sa pension. »
A la commission des mines :
« 1° Celle des membres de plusieurs sociétés et propriétaires de charbonnage au couchant de Mons, qui demandent que la chambre s’occupe par urgence de l’examen de la loi présentée sur les mines. »
« 2° Celle des habitants de Jumet intéressés dans des sociétés de charbonnages, qui demandent le rapport de la loi du 21 avril 1810. »
Au bureau des renseignements :
« Celle du sieur Gilbert père, de Bruxelles, qui demande une loi équitable sur le déguerpissement. »
Enfin, la chambre passe à l’ordre du jour sur les pétitions :
« 1° Du sieur Hebbelonck, de Gand, qui prie la chambre de statuer favorablement sur sa dernière pétition. »
« 2° Des sieurs Hedent et L. Hansez, à Chênée, qui demandent la restitution d’un droit de consommation payé pour un bâtiment chargé de sel, qui a échoué. »
« 3° Du sieur Fasimaix, qui rappelle sa pétition au congrès national, tendante à faire liquider ses prétentions à charge des communes de Hylen et de Bevel. »
« 4° Du chevalier Bodelet, à Girouvelle, qui réclame le paiement de sa solde forestière arriérée. »
« 5° De la dame Chamineton, qui renouvelle sa demande d’une loi qui autorise le classement de son baume dans la nomenclature des remèdes radicaux. »
« 6° Du sieur Andréas, à Tongres, qui réclame le paiement de sa solde arriérée. »
« 7° Du sieur Duplos, instituteur à Liége, qui renouvelle sa demande d’une indemnité pour la perte de son épouse dans l’émeute du 2 septembre. »
« 8° De la régence de Nederbrakel, qui adresse à la chambre un duplicata de sa précédente pétition. »
« 9° Du sieur Ch. Gouffaux, de Bruxelles, qui demande le renvoi à qui de droit d’une pétition adressée par lui au gouvernement provisoire. »
« 10° Du sieur Louis Glorieux, qui adresse des observations sur la proposition de MM. de Robaulx et Seron, relative à l’instruction publique. »
« 11° Du sieur Geeraert, fermier de barrière, qui se plaint de ce que le tribunal de Courtray ait acquitté des cultivateurs qui allaient chercher des engrais sans payer le droit de barrière. »
« 12° Des sieurs F. et J. Alix, fermiers de barrière, qui demandent une indemnité. »
« 13° Du sieur Léon Maes, qui prie la chambre de rejeter du budget du ministre de l’intérieur toutes les sommes qui y sont portées pour l’instruction publique. »
M. le président annonce qu’il n’y aura pas de séance publique avant mardi.
La séance est levée à 4 heures.