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Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 6 mai 1847
Sommaire
1) Pièces adressées à la
chambre, notamment pétition relative à un projet de route dans le Limbourg (de Tornaco, Lesoinne, de Renesse, Delfosse), à la taxe
sur les chevaux (contribution personnelle) (Dumortier)
2) Rapport sur la situation
de l’enseignement supérieur
3) Rapport sur une pétition
relative à l’emplacement de barrières (A. Dubus, Vanden Eynde)
4) Motion d’ordre sur à une
pétition relative à un cas d’ophtalmie militaire (Rodenbach,
Delfosse, Dumortier, d’Anethan)
5) Projet de loi accordant
un crédit supplémentaire au département des travaux publics. Frais d’exploitation
du chemin de fer de l’Etat (de Man d’Attenrode, Osy, de Bavay)
6) Projet de loi autorisant
l’aliénation de bois domaniaux (Kervyn, Malou)
7) Projet de loi portant
réforme des dépôts de mendicité (Kervyn)
8) Rapport sur des demandes
en naturalisation ordinaire
9) Rapports sur des
pétitions (Clep) relatives, notamment, à une concession de
chemin de fer
10) Projet de loi
autorisant la concession d’un chemin de fer de Malines à Schelle, service
fluvial entre Schelle et Tamise
11) Motion d’ordre relative
à une violation des dispositions électorales (influence cléricale) (Verhaegen, Rogier, de Theux, Vanden Eynde, Mercier, Verhaegen, Vanden Eynde, Delfosse, de Theux)
12) Projet de loi relatif
aux greffiers des justices de paix
13) Projet de loi relatif
au régime de surveillance des fabriques de sucre de betterave (Mercier, Malou, Mercier,
Loos, Mercier, Delehaye,
Malou, Osy, Dumortier, Mercier,
Malou, Malou)
14) Comptes définitifs de
l’exercice 1842 (Osy)
15) Projet de loi relatif à
la décharge du droit d’accise sur la bière
16) Projet de loi accordant
un crédit supplémentaire au département des finances pour créances arriérées à
1830 (Osy)
17) projet de loi accordant
un crédit supplémentaire au département de la justice pour créances arriérées à
1831 (Van Cutsem)
18) Projet de loi accordant
un crédit supplémentaire au département des travaux publics (Osy)
19) Fixation de l’ordre des
travaux de la chambre (Dumortier, Jonet)
20) Projets de loi
accordant des naturalisations ordinaires (Dumortier, Delfosse, Lejeune), (+combattants
de septembre) (Rodenbach, Dumortier)
21) Projet de loi
prorogeant la loi sur les concessions de péages. Canal de la Dendre et chemin
de fer d’Alost (Dumortier, de
Bavay, Desmet, Dumortier, Desmet, Dedecker, Dumortier)
22) Rapport sur des
pétitions relatives aux denrées alimentaires (David, Lebeau)
23) Projet de loi tendant à
augmenter le personnel du tribunal de première instance de Nivelles (Lange, d’Anethan)
24) Projet de loi accordant
un crédit supplémentaire au département de l’intérieur. Lutte contre les
épizooties (de Theux)
25) Projet de loi accordant
un crédit supplémentaire au département des travaux publics (Rogier,
de Man d’Attenrode), recours abusif aux crédits
supplémentaires, chemin de fer de l’Etat (Osy, de Bavay, Verhaegen, de Bavay, de Man d’Attenrode, de Tornaco, Malou, Lebeau, Brabant, Delfosse, Malou, Verhaegen, Brabant, Malou, Verhaegen, Vanden Eynde, Delfosse, Osy, Vanden Eynde, Malou, Loos, Lebeau)
(Annales parlementaires
de Belgique, session 1846-1847)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 1735) M. Huveners fait l'appel nominal à midi et demi.
La séance est ouverte.
M. A. Dubus donne lecture du procès-verbal de la
séance d'hier, dont la rédaction est approuvée.
M. Huveners fait
connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le sieur Gosse,
militaire congédié du service, comme atteint d'ophtalmie, demande une pension.
»
- Renvoi à la commission
des pétitions.
__________________
« Le sieur de Winter,
charpentier de moulins à Rumpst, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir
le payement de ce qui lui revient du chef de pertes essuyées par suite des
événements de guerre de la révolution. »
- Renvoi à la commission
des pétitions.
« Le sieur Hennequin
demande que le gouvernement revienne à son premier projet de route de Hannut à
St-Trond par Gingelom, ou qu'au moins il suspende, jusqu'à plus ample
information, l'exécution de son arrêté du 10 novembre 1846, relatif au tracé de
cette route, et qu'à cet effet il ordonne une enquête. »
M. de Tornaco. - La pétition dont l'analyse vient
de vous être communiquée concerne la route de Hannut à St.-Trond.
Si mes renseignements
sont exacts, un arrêté illégal a été pris, concernant cette route :
c'est-à-dire que le gouvernement a décrété la construction suivant un tracé qui
n'a été l'objet d'aucune enquête.
J'aurais voulu demander
le renvoi de la pétition à la commission, avec demande d'un prompt rapport, en
l'engageant aussi à examiner sévèrement tous les faits relatifs à cette
affaire.
Mais,
quel que soit le zèle de la commission, je doute fort qu'elle puisse faire un
rapport en temps utile ; en effet, il s'agit de travaux qui doivent être
exécutés immédiatement, et la session touche à son terme.
Supposant qu'une copie de
cette pétition sera envoyée à M. le ministre des travaux publics, je prie cet
honorable ministre de l'examiner avec soin ; car je crois véritablement que le
tracé qui a été adopté est préjudiciable aux intérêts du trésor public et aux
intérêts des nombreux contribuables qui désirent qu'on donne la préférence au
tracé qui a été l'objet d'une enquête.
M. le ministre
des travaux publics (M. de Bavay). - J'examinerai cette réclamation avec toute l'attention
qu'elle mérite.
M. Lesoinne. - Je voulais engager .M le ministre
des travaux publics à suspendre l'exécution de cette route jusqu'à ce que la
question eût été mûrement examinée. Mais la déclaration de M. le ministre me
suffit.
M. le président. - S'il n'y a pas d'opposition, la
pétition sera renvoyée à la commission des pétitions.
M. de Renesse. - Ce renvoi est inutile ; car la
commission ne pourra faire son rapport. Il conviendrait de renvoyer la pétition
à M. le ministre des travaux publics.
M. Delfosse. - C'est très simple. L'attention de
M. le ministre a été appelée sur ce point. L'engagement qu'il a pris de prendre
connaissance de la pétition suffit.
M. le ministre des travaux publics (M.
de Bavay). - M.
le greffier voudra bien me communiquer la pétition.
- Le renvoi à la commission
des pétitions est prononcé.
« Plusieurs propriétaires
dans l'arrondissement de Tournay présentent des observations contre
l'interprétation donnée par le gouvernement à la loi du 12 mars 1837,
relativement à l'impôt sur les chevaux. »
M. Dumortier. - Cette pétition est digne de tonte
la sollicitude de la chambre. Il s'agit de propriétaires dont les chevaux, pour
le payement de l'impôt, ont toujours été considérés comme chevaux mixtes, même
sous le gouvernement hollandais, à l'époque des plus grandes rigueurs fiscales.
Aujourd'hui l'on veut considérer comme chevaux de luxe des chevaux que ces
propriétaires emploient pour leur usage et pour l'agriculture.
Je regrette qu'un rapport
ne puisse pas être fait, sur cette pétition, avant la fin de la session.
Je demande que cette
pétition soit, s'il est possible, renvoyée directement à M. le ministre des
finances.
Dans le cas où ce ne
serait pas possible, je demanderais le renvoi à la section centrale du budget
des voies et moyens, avec demande d'un rapport à l'ouverture de la session
prochaine.
Mais, je le répète, si le
renvoi direct à M. le ministre des finances était possible, je le préférerais ;
car il est étrange qu'on soit plus rigoureux pour les mesures fiscales, que
sous l'ancien gouvernement.
M. le président. - Comme il est contraire aux
précédents de la chambre de renvoyer directement une pétition au gouvernement,
on pourrait transmettre une copie de cette requête à M. le ministre des
finances et l'envoyer à l'examen de la section centrale du budget des voies et
moyens.
M. Dumortier. - Je me rallie à cette proposition.
- La pétition sera
renvoyée à la section centrale chargée d'examiner le budget des voies et
moyens.
__________________
Par message en date du 5
de ce mois le sénat informe la chambre qu'il a adopté le projet de loi relatif
aux denrées alimentaires.
- Pris pour notification.
__________________
Il est fait hommage à la
chambre par M. Jobard, directeur du Musée de l'industrie, de 2 exemplaires de
la première livraison du Bulletin du Musée de l'industrie pour l'année 1847.
- Dépôt à la
bibliothèque.
RAPPORT SUR L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - J'ai l'honneur de déposer le rapport sur l'enseignement
supérieur.
- Il est donné acte à M.
le ministre de la présentation de ce rapport. II sera imprimé et distribué.
RAPPORT SUR UNE PETITION
M. A. Dubus, rapporteur. - Messieurs, le 17 avril dernier,
vous avez renvoyé à la commission des pétitions, avec demande de faire un
prompt rapport, une réclamation signée par un grand nombre d'habitants et
propriétaires de la ville de Diest et de la commune de Schaffen, demandant
votre intervention pour faire déplacer les barrières de Schaffen et de
Kelbergen situées sur la route de Diest à Beringen. Les pétitionnaires se
plaignent particulièrement de ce que la barrière de Schaffen, placée à 2031
mètres du grand marché de Diest, se trouve trop rapprochée de cette ville.
D'après les
renseignements recueillis à ce sujet, cette réclamation n'est que la
reproduction de plusieurs autres de même nature qui successivement ont été
faites depuis 1839, et qui ont été repoussées comme non fondées, tant par les
ingénieurs que par les divers gouverneurs qui se sont succédé dans la province
de Brabant.
L'article 3 de la loi du
10 mars 1838 porte : « Il ne pourra y avoir plus d'une barrière à raison
d'une distance de 5,000 mètres ; toutefois le poteau pourra être placé dans
l'espace de 500 mètres en deçà ou au-delà du point que la distance des 5,000
mètres déterminerait rigoureusement. »
Il est à remarquer,
messieurs, que cette loi ni celle du 18 mars 1833 qui l'a précédée ne font
mention de la distance de 2,500 mètres qui devrait rigoureusement être observée
pour l'emplacement des premières barrières à proximité des villes ; cette
distance paraît pouvoir être modifiée selon les localités.
Tout ce que le
législateur a voulu, c'est que les barrières fussent espacées d'environ 5,000
mètres, et que, par exemple, il ne pût jamais y avoir plus de trois barrières
pour une distance de 15,000 mètres. Or, il y a trois barrières sur la route en
question, pour une distance de 14,091 mètres ; cette distance pourrait à la
rigueur n'être que de (15,000 m moins 500 m X 3) 13,500 mètres pour se trouver
rigoureusement dans les tenues de l'article 3 de la loi du 10 mars 1838.
(page 1736) Au surplus, l'article 6 de la loi du 18 mars 1833
renferme la disposition suivante :
« Les personnes dont les
chevaux, équipages, etc., quittent la route sans s'arrêtent habituellement
après avoir dépassé le poteau, seront admises soit par le fermier de gré à gré,
soit d'office par la députation permanente, à ne payer qu'une partie du droit ;
savoir 1/3 pour une distance de moins de 500 mètres, et ainsi de suite ; c'est
ce qu'on appelle l'abonnement.
Enfin la même loi porte,
article 15, que toutes les contestations sur l'exécution des dispositions de
cette loi sont du ressort des tribunaux. Les réclamants ont donc la faculté de
recourir à ces deux moyens.
Il
est encore à observer, messieurs, que toutes les barrières ont été réadjugées
au 1er janvier dernier pour un bail de trois ans, avec faculté de résiliation
réciproque à la fin de la première et de la deuxième année. L'adjudication a eu
lieu conformément au tableau d'emplacement des barrières approuvé par
disposition royale du 27 octobre 1846. Dès lors les fermiers seraient en droit
de s'opposer à tout déplacement qui pourrait être préjudiciable à leurs
intérêts ; et quand même ce déplacement ne leur serait pas désavantageux, ils
ne manqueraient pas de réclamer des indemnités que le gouvernement serait
peut-être forcé de leur accorder.
En résumé, messieurs, la
commission estime que la pétition doit être renvoyée à M. le ministre des
travaux publics avec invitation d'instruire, s'il y a lieu, de nouveau cette
affaire pendant le cours de cette année.
M. Vanden Eynde. - Messieurs, je désire appeler l'attention
de la chambre sur la pétition sur laquelle on vient de vous faire un rapport.
Il s'agit du placement
des barrières qui se trouvent sur la route de Diest à Beringen.
D'après les faits exposés
dans cette requête, et que je crois exacts si j'en juge par une dépêche écrite
par M. l'ingénieur des ponts et chaussées faisant le service dans
l'arrondissement de Louvain, à l'un des signataires de la pétition.
La commission des
pétitions demande que cette pétition soit renvoyée à M. le ministre des travaux
publics pour qu'il fasse une nouvelle enquête à l'occasion du placement de ces
barrières. Je désire que M. le ministre veuille bien s'occuper immédiatement de
cette question, pour qu'il puisse faire usage de la condition du cahier des
charges qui permet de résilier l'adjudication des barrières au 1er janvier
prochain.
Je crois que la pétition
est fondée en droit et en fait, et qu'il est de l'intérêt, par conséquent, du
trésor de faire droit à la réclamation des pétitionnaires pour éviter des
procès que des intéressés pourraient être fondés à intenter au gouvernement.
- Les conclusions de la
commission sont mises aux voix et adoptées.
MOTION D’ORDRE
M.
Rodenbach. -
Messieurs, on vient de faire l'analyse d'une pétition d'un ancien militaire qui
n'a pas droit à obtenir une pension, mais qui se trouve dans une position
extrêmement malheureuse ; il est presque aveugle. Nous savons que des fonds ont
été alloués au département de la justice pour les personnes qui se trouvent
dans cette position. Si nous attendons un rapport avant de renvoyer la pétition
à M. le ministre, le pétitionnaire restera dans la misère ; car ce rapport ne
viendra que dans la session prochaine.
Toujours,
messieurs, la commission des pétitions nous a proposé de renvoyer les pétitions
de ce genre à M. le ministre de la justice. Je demanderai que par exception on
veuille bien lui renvoyer aussi immédiatement la requête dont on vous a fait
l'analyse.
M. Delfosse. - Le renvoi à M. le ministre de la
justice, sans examen, ne signifierait absolument rien. L'honorable M. Rodenbach
atteindra le même but en priant M. le ministre de la justice de prendre
connaissance de la pétition.
M. Dumortier. - Messieurs, l'observation de
l'honorable M. Delfosse est très juste ; cependant je dois dire que le
gouvernement se montre souvent extrêmement rigoureux pour les malheureux
militaires qui ont été atteints d'ophtalmie au service. Je connais de ces
braves militaires qui se trouvent dans la plus mauvaise de toutes les positions
par suite de l'ophtalmie dont ils sont atteints et qu'on refuse de recevoir
dans les hôpitaux pour les traiter ; il me semble cependant que le gouvernement
devrait accorder cette faveur à des hommes qui ont contracté au service une
pareille infirmité. (Interruption.)
Il s'agit ici d'une question d'humanité.
La
chambre a souvent manifesté sa sympathie pour ces infortunés qui ont perdu la
vue au service de l'Etat. Je dis qu'en présence des manifestations de la
chambre, il est regrettable que M. le ministre de la guerre ne fasse pas
recevoir ces malheureux dans les hôpitaux pour qu'on essaye encore de les
guérir. Le traitement de l'ophtalmie a été beaucoup perfectionné ; ceux qui ne
pouvaient être guéris autrefois, on pourrait peut-être les guérir aujourd'hui,
par les nouveaux procédés auxquels on a maintenant recours.
Je le répète, messieurs,
il s'agit d'une question d'humanité ; j'appelle sur cette question toute
l'attention du gouvernement et j'espère qu'il suffira des observations que j'ai
présentées pour que les malheureux, en faveur desquels je réclame, soient
accueillis dans les hôpitaux militaires.
M. le ministre de la justice (M.
d’Anethan). -
L'honorable M. Dumortier semble avoir perdu de vue l'allocation qui a été
portée au budget de la justice, pour les personnes atteintes d'ophtalmie
militaire qui, d'après les règlements, restaient privées de pension ; c'est en
faveur de ces personnes que l'allocation dont je viens de parler a été votée.
Eh bien, messieurs, comme on peut s'en convaincre par la lecture du Moniteur,
des arrêtés nombreux ont déjà été portés pour accorder des secours sur cette
allocation. Quanta l'admission dans les hôpitaux, je m'engage bien volontiers à
prendre en sérieuse considération la position de ces infortunés, pour les
places que le gouvernement s'est réservé de conférer à raison des subsides
qu'il accorde à ces établissements.
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, pendant la session
extraordinaire du mois d'août dernier, M. le ministre des travaux publics a
déposé un projet de loi tendant à accorder au gouvernement un crédit
supplémentaire de 633,917-12. La chambre était sur le point de se séparer, et
la section centrale, ne pouvant pas examiner à fond cette demande, s'est bornée
à proposer l'adoption d'une somme de fr. 160,378 pour renouvellement de billes
et de fers. Maintenant il reste encore à statuer quant à une somme de fr.
473,559-12. La section centrale a examiné cette demande de crédit et m'a chargé
de rédiger son rapport. J'ai l'honneur de le déposer sur le bureau.
M. le président. - A quand veut-on mettre ce projet
à l'ordre du jour ?
M. Osy. - Je pense, messieurs, que ce sera
aujourd'hui le dernier jour de la session. Il sera donc impossible de voter le
projet si on veut d'abord faire imprimer le rapport de l'honorable. M. de Man.
Cependant ce sont tous
des créanciers de l'Etat, dont les créances remontent à deux ou trois ans. Nous
pourrions nous occuper de cet objet, en même temps que du crédit supplémentaire
que nous avons à voter pour le département des travaux publics. Quand nous
serons à ce crédit, on pourra donner lecture du rapport, et nous verrons alors
s'il n'y a pas moyen de statuer aujourd'hui sur cet objet. Je propose donc à la
chambre de ne rien décider à cet égard jusqu'à ce que nous soyons au crédit
supplémentaire.
M. le ministre des travaux publics (M.
de Bavay). -
Messieurs, je ne puis qu'appuyer les observations de l'honorable M. Osy, et je
demande que la marche qu'il indique soit suivie.
M. le président. - Nous reviendrons à cet objet,
lorsque nous arriverons au crédit pour le département des travaux publics ; il
n'y a rien à statuer pour le moment.
M. Kervyn. - Messieurs, j'ai l'honneur de
présenter le rapport, au nom de la commission spéciale chargée d'examiner le
projet de loi concernant la vente de deux bois domaniaux.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, je demanderai qu'on
agisse à l'égard de ce projet de loi comme l'honorable M, Osy vient de le
proposer pour un autre projet, je ne pense pas que la loi d'aliénation des
domaines puisse soulever une discussion, je proposerai donc qu'on la mette à la
suite des crédits supplémentaires, et qu'alors l'honorable rapporteur veuille
bien donner lecture du rapport.
De toutes parts. - Appuyé !
PROJET DE LOI PORTANT REFORME DES DEPOTS DE MENDICITE
M. Kervyn. - Messieurs, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la section centrale sur le projet de loi concernant la
réforme des dépôts de mendicité.
- Ce rapport sera imprimé
et distribué. La chambre en fixera ultérieurement la discussion.
RAPPORTS SUR DES DEMANDES EN NATURALISATION ORDINAIRE
M. Mast de Vries. - Messieurs, j'ai l'honneur de
déposer différents rapports sur des demandes en naturalisation ordinaire.
- Ces rapports seront imprimés et distribués.
RAPPORTS SUR DES PETITIONS
M. Biebuyck, rapporteur. - Messieurs, par requête présentée
à la chambre le 5 mars dernier, M. Coppé, auditeur militaire à Anvers, demande
que vous décidiez qu'il a droit au traitement dont il jouissait avant la loi du
19 février 1834.
Par cette loi, d'après sa
requête, son traitement a été réduit de 5,502 francs 64 centimes à la somme de
4,200 francs.
Votre commission a cru
devoir se borner à demander le renvoi de cette demande à M. le ministre de la
justice, surtout dans un moment où une loi sur l'organisation des tribunaux
militaires est annoncée.
En conséquence, votre
commission vous propose ledit renvoi.
- Ces conclusions sont
adoptées.
M. Clep, rapporteur. - Messieurs, dans la séance du 23
janvier 1847, vous avez renvoyé à la commission des pétitions, avec demande
d'un prompt rapport, la requête du sieur Taylor qui prie la chambre d'autoriser
la remise, au ministre de la Belgique à Londres, des pièces qui lui ont été
soumises par les sieurs Bichards et Hayter, à l'occasion de sa demande de
concession d'une ligne de chemin de fer.
Cette demande a rapport à
des pièces qui ont été adressées à la chambre et dont il a été question dans
les débats parlementaires du 31 janvier 1845.
Votre commission des
pétitions estime, messieurs, qu'il convient, dans de semblables occurrences,
que la chambre autorise le bureau de bien vouloir examiner cette réclamation,
afin de faire la remise des pièces, si (page
1737) toutefois le bureau est d'avis qu'il peut s'en dessaisir sans
inconvénients.
- Ces conclusions sont
adoptées.
PROJET DE LOI AUTORISANT LA CONCESSION D’UN CHEMIN DE FER DE MALINES A
SCHELLE
M. le ministre des travaux publics (M.
de Bavay). -
Messieurs, j'ai l'honneur de présenter à la chambre le projet de loi tendant à
autoriser la concession d'un chemin de fer de Malines à Boom et à Schelle, sur
l'Escaut, avec service de bateaux à vapeur de Schelle à Tamise.
L'exécution de ce projet
serait fort utile pour les localités de la partie de la province d'Anvers
connue sous le nom de Petit Brabant ; ce serait de plus un bon affluent pour le
chemin de fer de l'Etat.
- Il est donné acte à M.
le ministre des travaux publics de la présentation de ce projet de loi qui sera
imprimé et distribué, ainsi que l'exposé des motifs qui l'accompagne.
- La chambre en ordonne
le renvoi aux sections.
MOTION D’ORDRE
M. Verhaegen. - Au moment de nous séparer et à la
veille d'une « élection générale », pour me servir de l'expression
dont s'est servi dans la séance d'hier M. le ministre des affaires étrangères,
je viens signaler à l'attention de la chambre et du gouvernement une violation
flagrante des dispositions de la loi électorale sur la révision annuelle des
listes électorales, violation répétée à chaque révision et qui entraîne les
plus graves conséquences, au point de compromettre, dans certaines localités,
le sort des élections.
Le délai pour les
réclamations contre les listes électorales expirait cette année le 3 mai, c'est
donc le 4 mai que dans toutes les communes du pays les administrations ont dû
clôturer ces listes après avoir statué sur les réclamations, et ont dû les adresser
aux commissariats où elles devaient parvenir le 5 par la poste rurale, à moins
qu'il n'y eût augmentation de délai à raison des distances.
Or, au moment où je
parle, un grand nombre de listes, je pourrais dire presque toutes, ne sont pas
encore arrivées aux divers commissariats, et si on continue à suivre la
mauvaise voie qui a été suivie les années précédentes, certaines communes
n'enverront leurs listes que quinze et vingt jours après l'expiration des
délais. Dans cette hypothèse, les réclamations devant les députations
permanentes, si importantes à tous égards, deviennent inefficaces, illusoires
même.
Il y a plus ; quelques
administrations communales pensent qu'aucun délai de rigueur n'existe pour
statuer sur les réclamations, c'est-à-dire pour dresser des listes
supplémentaires, d'où la conséquence qu'il leur serait permis d'adresser aux
commissariats de district des listes électorales supplémentaires quelques jours
avant celui fixé pour les élections. C'est là une erreur et en même temps un
abus grave qui peut amener l'admission de faux électeurs, sans qu'il soit
possible de les faire rayer des listes en temps utile.
Il est évident, d'après
la loi, que les administrations communales doivent statuer sur toutes les
réclamations avant de clôturer les listes, et par suite avant l'envoi aux
commissariats, sauf à afficher, dans les 48 heures, les noms d'électeurs qui,
par suite de réclamations reconnues justes, auraient été ajoutés, chacun
restant libre, par suite de l'action populaire, et dans les limites tracées par
la loi, de se plaindre de ces décisions directement devant les députations
permanentes. Je dénonce au pays les violations que je viens de signaler et j'en
laisse toute la responsabilité au gouvernement qui doit veiller, par ses
agents, à la stricte exécution de la loi.
Puisque je parle
d'élections, je saisirai cette occasion pour vous dire encore un mot de la
pétition des 250 électeurs de Soignies qui ont demandé l'intervention de la
chambre pour engager le gouvernement à faire en sorte que les prochaines
élections aient lieu dans un local neutre et non dans un établissement
épiscopal où les électeurs de la campagne, surtout, sont en bulle à toute
espèce d'influences, faisant appel même à leurs croyances religieuses.
J'ai demandé, il y a peu
de jours, le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions avec prière
d'un prompt rapport et surtout avant la fin de la session - ce renvoi a été
ordonné tel que je l'ai demandé. Eh bien, messieurs, nous nous séparons
aujourd'hui, plusieurs rapports viennent de vous être présentés et, pour me
servir d'une expression triviale, la commission des pétitions a vidé son sac
sans qu'il ait été question de la pétition des électeurs de Soignies. Est-ce
une tactique pour rendre cette pétition illusoire ? J'en laisse la
responsabilité à la commission des pétitions et en même temps à M. le ministre
de l'intérieur qui est suffisamment informé des faits pour être mis à même
d'empêcher ce qui constitue une véritable voie de fait, ou plutôt une manœuvre
électorale.
Je demande que M. le
rapporteur de la commission des pétitions présente un rapport avant la fin de
la séance.
M. Zoude. - Demain.
M. Verhaegen.
- Demain ! Si c'est
demain, cela veut dire qu'il ne sera pas fait ; car il est probable que nous
nous séparerons aujourd'hui.
Je prie donc l'honorable
M. Zoude de nous présenter le rapport dans cette séance même.
Au reste, j'ai appelé sur
ce point l'attention du gouvernement et de la chambre. Je crois avoir fait tout
ce que je devais faire, sauf à faire retomber la responsabilité sur la
commission des pétitions, si elle ne fait pas son rapport.
M. Rogier. - Le ministère trouve-t-il plus
convenable que les élections se fassent dans un établissement épiscopal ?
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je me garderai de répondre sur une pétition que je
ne connais en aucune manière. J'attendrai quels réclamation me soit présentée.
M. Verhaegen. - Quant à moi, quelle que soit ma
bonne volonté, je ne puis faire davantage. Quand j'ai connu la pétition, j'ai
demandé le renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt
rapport et surtout avant la fin de la session. J'espérais que le rapport aurait
été présenté aujourd'hui. Je ne puis que m'étonner qu'il n'en soit pas ainsi et
renvoyer la responsabilité à qui de droit.
M. Vanden
Eynde. - Comme
l'honorable M. Verhaegen semble vouloir laisser à la commission des pétitions,
dont j'ai l'honneur de faire partie, au moins pour le mois courant, la
responsabilité des conséquences que peut avoir le retard apporté à la
présentation du rapport sur la pétition dont il s'agit, je crois devoir
rappeler comment procède cette commission. Elle s'occupe de toutes les
pétitions qui lui sont transmises par la chambre. Mais, comme presque toutes
lui sont renvoyées avec demande d'un prompt rapport, il est impossible qu'elles
fassent l'objet d'un rapport immédiat. Elles viennent en temps utile,
c'est-à-dire en ordre.
La pétition a été remise
à un membre de la commission qui est chargé du rapport. Elle viendra à son
tour.
Pour ma part, je
n'accepte aucune responsabilité sous ce rapport.
La commission a fait ce
qu'elle devait faire ; elle fera encore son devoir.
M. Mercier. - Je ne connais pas le local où se
font les élections à Soignies. Cependant, je crois que c'est le collège. Depuis
1830, c'est toujours là qu'ont eu lieu les élections et sans réclamation.
D'après les
renseignements particuliers qui m'ont été donnés, il n’y a pas d'autre local
convenable, si ce n'est des établissements publics.
En outre, on m'a informé
que, les jours d'élections, il n'y a pas la moindre communication entre les
habitants de l'établissement et les salles où se font les élections.
M. Verhaegen. - Les renseignements que donne
l'honorable M. Mercier ne sont pas exacts ; il faut qu'il ait été induit en
erreur ; les faits allégués par les pétitionnaires sont en opposition avec ces
renseignements.
C'est à ce point de vue
que j'avais demandé un rapport.
Ce qu'a dit l'honorable M.
Vanden Eynde ne peut me satisfaire. Je conçois qu'il ne soit pas responsable du
retard, parce que la besogne a été partagée entre tous les membres de la
commission. Mais quand la chambre a ordonné un prompt rapport et surtout un
rapport avant la fin de la session, il faut bien que celui qui veut la fin ait
le moyen.
Après la session, le
rapport sera comme non avenu, les élections seront faites.
M. Vanden
Eynde. - Je ne
veux aucune responsabilité, ni pour moi, ni pour la commission. Nous nous
sommes distribué la besogne. Si le rapport ne peut être fait que demain, et si
demain il n’y a pas| séance, la commission ne peut en être responsable.
Je le répète, la plupart
des pétitions sont renvoyées à la commission avec demande d'un prompt rapport.
Il faut bien qu'elle maintienne l'ordre de ses travaux, et que les pétitions
renvoyées en dernier lieu fassent en dernier lieu l'objet d'un rapport.
Cette pétition viendra à
son tour de rôle.
M. Delfosse. - Cette pétition a été imprimée et
distribuée. M. le ministre de l'intérieur doit en avoir connaissance. J'engage
M. le ministre de l'intérieur à l'examiner et à prendre une résolution conforme
à l'impartialité qui doit présider aux opérations électorales.
L'honorable M. Verhaegen
a signalé un autre fait plus grave que celui qui est signalé dans la pétition
des électeurs de Soignies. L'honorable M. Verhaegen a signalé une violation
flagrante de la loi électorale. D'après cette loi, les listes des électeurs doivent
être envoyées aux commissaires d'arrondissement ; le délai dans lequel cet
envoi doit se faire est expiré, et cependant il y a beaucoup de listes qui ne
sont pas encore parvenues aux commissaires d'arrondissement ; c'est une
violation de la loi que M. le ministre de l'intérieur doit réprimer ; il est
impossible que M. le ministre de l'intérieur ne sache pas ce qui se passe ;
j'appelle toute son attention sur ce point, et je suis étonné qu'il ait laissé
sans réponse les observations de mon honorable ami.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - C'est la première fois que j'entends parler de cette
réclamation. Chaque autorité, dans sa hiérarchie, doit veiller à l'exécution de
la loi.
M. Delfosse. - Vous devez y veiller par les
commissaires d'arrondissement, qui sont vos subordonnés ; ceux-ci doivent y
veiller par les bourgmestres.
PROJET DE LOI RELATIF AUX GREFFIERS DES JUSTICES DE PAIX
« Article unique. Les
greffiers près les justices de paix qui, par suite de la loi sur la
régularisation de la circonscription cantonale, auront perdu leur place,
conserveront, jusqu'à révocation ou mise à la retraite, le titre de greffier et
le droit, dans les limites de leur compétence actuelle, de faire des ventes
mobilières. »
- Il est procédé à
l'appel nominal sur ce projet de loi qui est adopté à l'unanimité des 51
membres qui prennent part au vote.
PROJET DE LOI RELATIF AU REGIME DE SURVEILLANCE DES FABRIQUES DE SUCRE
DE BETTERAVE
Discussion générale
M. le président. - La discussion s'établit sur la
rédaction présentée à la section centrale sous forme d'amendement, par M. le
ministre des finances.
M. Mercier. - Dans notre séance d'hier, M. le
ministre des finances a présenté un nouvel amendement qui, lui seul, a une
importance financière infiniment plus grande que toutes les dispositions du
projet lui-même
La prise en charge de
l'accise du sucre indigène étant portée de 12 à 14 hectogrammes, la
contestation en ce qui le concerne ne peut intéresser que faiblement le trésor,
tandis que le maintien du rendement au taux actuel peut lui occasionner une
perte très sensible.
Au point de vue
financier, il y a eu imprudence à ne pas maintenir, par la loi du 17 juillet
1846, une réserve formelle au profit du trésor dans la prise en charge de
l'accise sur le sucre ; mais du moins les effets de cet abandon étaient atténués
par les dispositions de l'article 4 de cette loi, qui réduisent la décharge de
l'accise à l'exportation lorsque la recette n'excède pas trois millions ; le
paragraphe 2 de cet article veut que cette réduction éventuelle soit opérée à
partir du 1er juillet 1847.
Chargé d'une mission à
l'étranger à l'époque de la discussion de la loi du 17 juillet 1846, je n'ai pu
prendre part aux débats auxquels elle a donné lieu ; mais j'ai prévu dès lors
tous les obstacles que rencontrerait le gouvernement lorsqu'il s'agirait de
réduire la décharge de l'accise ou en d'autres termes d'augmenter le rendement
légal du sucre raffiné pour être livré à l'exportation.
Ces prévisions ne se
réalisent que trop, puisqu'aujourd'hui, bien qu'il paraisse certain que les
trois millions d'accise ne seront pas atteints au 1er juillet de cette année,
le gouvernement propose de maintenir la décharge à son taux actuel jusqu'au 1er
janvier 1848.
Il est vrai qu'on
invoque, à l'appui de cette mesure, les circonstances fâcheuses où le, pays
s'est trouvé par suite de la cherté des céréales. Mais ces mêmes circonstances
exigent que le trésor conserve ses ressources ; elles seront mieux employées à
soulager nos populations malheureuses, qu'à favoriser l'exportation du sucre
raffiné.
Qu'arrivera-t-il de cette
nouvelle faveur ? Que pendant ce terme de six mois on s'empressera de déclarer
de fortes quantités de sucre à l'exportation, et que le produit de l'accise
sera compromis, non seulement pour ces six mois, mais peut-être pour une année
entière.
Il semble que toute loi
qui affecte le sucre exotique doive avoir le sort ou de n'avoir qu'une durée
éphémère, ou de ne pas recevoir d'exécution ; en effet, le préjudice ne se
bornera pas à la suspension de la disposition législative qui est la sauvegarde
des intérêts du trésor dans la loi d'accise ; on nous propose aussi de proroger
l'époque de la mise à exécution de la loi des droits différentiels dans ce
qu'elle a de favorable au trésor, aux importations des sucres de production et
au pavillon national.
Les
parties belligérantes, a dit M. le ministre, paraissent sur le point de
conclure une espèce d'amnistie ; il est vrai, messieurs, qu'il paraît y avoir
entente cordiale entre deux parties qui se sont liguées ensemble pour en
dépouiller une troisième qui se trouve aussi en cause et qui est le trésor
public. Moi je me range du côté de la partie opprimée ; je ne donnerai, pas mon
suffrage à une loi qui, à mes yeux, sacrifie l'intérêt financier de l'Etat.
Je bornerai là mes
observations, mais je demanderai à M. le ministre des finances de vouloir bien
faire connaître à la chambre quel sera le produit de l'accise sur le sucre pour
l'année commençant au 1er juillet 1847, date à laquelle remonte l'application
de la loi actuellement en vigueur,, et le 1er juillet 1848, en distinguant le
produit obtenu de l'application de la loi du 4 avril 1843 de celui qui est dû à
la loi du 17 juillet 1846.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, le projet de loi
soumis à votre examen a pour origine une obligation formellement imposée par la
loi du 17 juillet 1846. Le gouvernement a prescrit pour les sucreries indigènes
un régime de surveillance, qui n'a qu'un caractère provisoire. Un régime
nouveau avait été proposé d'une manière définitive, le temps n'a pas permis de
l'examiner.
Je demande aujourd'hui à
la chambre, comme j'ai demandé à la section centrale, une nouvelle délégation
temporaire, afin que l'expérience de ce système plus doux à l'égard de
l'industrie du sucre indigène puisse se faire pendant la campagne prochaine.
D'un autre côté, on a
exposé au gouvernement quelques faits d'où il résulte qu'à raison de l'état de
la récolte et des achats faits aux colonies par l'Angleterre, le résultat
industriel de la loi du 17 juillet serait compromis, si l'on n'admettait pas un
ajournement de l'aggravation des droits de douane établis par la loi des droits
différentiels du 21 juillet 1844.
Dans cette position, j'ai
proposé aux honorables membres qui composent la section centrale, d'admettre
d'une part cette expérience à faire d'un régime plus doux à l'égard des
fabriques de sucre indigène, d'autre part, d’avoir égard aux circonstances
extérieures pour maintenir la prospérité nouvelle des raffineries de sucre
exotique.
Depuis lors, messieurs,
on m'a signalé un autre fait, dont l'importance ne peut être méconnue ; c'est
qu'à raison de la cherté des subsistances, à raison de la crise que le pays
traverse, l'expérience du système de la loi de juillet 1846 n’a pas réellement
pu être complète.
L'honorable préopinant,
je le regrette comme lui, n'a pas assisté aux discussions de la loi. Cependant,
messieurs, je ne crois pas devoir en ce moment entrer dans la discussion du
système de législation, dans la question de savoir si la législature a eu des
raisons d'intérêt public suffisantes pour accorder ce que l'on appelle encore
des primes d'exportation. Cette question, je la tiens pour jugée, et je crois
même que lorsque l'expérience sera faite, on reconnaîtra qu'elle a été bien
jugée.
Les circonstances où le
pays se trouve auraient réagi sur l'accise du sucre comme ils ont agi sur tous
les produits des autres accises, quel qu'eût été le système de législation. Ce
fait est incontestable. Je suppose qu'au lieu du système qui a prévalu en 1846
après de longs et mémorables débats, nous fussions restés sous le système de la
loi de 1843, la retenue des quatre dixièmes, et je n'hésite pas à déclarer que
sous ce système, la recette eût été de beaucoup inférieure à celle que nous
réaliserons cette année.
Je le répète donc, en
prenant pour point de départ le principe admis en 1846, il faut que nous
puissions compléter l'expérience, la faire dans des circonstances normales,
pour ne pas détruire prématurément les résultats que la législature et le
gouvernement ont eus en vue. Si l'on augmentait le rendement avant que l'on eût
apprécié si réellement la recette ne peut pas être atteinte, lorsque la
consommation se maintient à son taux normal, on jetterait dans les deux
industries (car je ne puis trop le répéter, le rendement est un intérêt commun
aux deux industries), on y jetterait une perturbation très grande, une
perturbation déplorable.
La loi fixe le rendement
à 68-18 et permet au gouvernement, dans une éventualité donnée, de l'élever à
72-58, et cette élévation doit se faire à raison de 1 fr. pour chaque 100,000
fr. de déficit. La différence donc, pour une année entière, entre le résultat
que l'on pourrait réaliser sans dérogation et le résultat que l'on réaliserait
moyennant la dérogation, est de 400,000 fr. pour l'année entière. (Interruption.) Entre le résultat de
l'amendement, en supposant qu'il fût appliqué à l'année entière, et le résultat
de l'application intégrale de la loi, il ne peut y avoir qu'une différence de
400,000 fr. (Interruption.)
D'après les recettes
constatées, nous avons réellement obtenu plus de 400,000 fr. au-delà de ce que
nous eussions obtenu par le système des retenues. (Interruption.) Les retenues sont d'autant plus mauvaises qu'elles
sont plus considérables, mais il a été démontré qu'elles sont mauvaises en tout
état de cause, et pour le trésor et pour les deux industries ; il n'y a que la
différence du plus au moins.
L'honorable
membre a demandé quel était le montant des recettes effectuées du 1er juillet
1846 jusqu'au 31 mars 1847. Ces recettes se sont élevées à plus de 1,749,000
fr. et en y comprenant les échéances connues jusqu'au 1er juillet prochain,
ensemble 2,453,000 fr.
Je crois donc, messieurs,
qu'au point de vue des principes de la loi, si le trésor est exposé à faire
temporairement, pendant 6 mois ou pendant une année, un léger sacrifice, au
moins les motifs d'intérêt public, communs aux deux industries, sont suffisants
pour que le trésor fasse ce sacrifice. Je ne puis trop le déclarerai la loi
n'avait pas été modifiée, l'accise sur le sucre aurait considérablement fléchi
dans les circonstances que nous traversons et qui, pour les distilleries par
exemple, ont amené un déficit très considérable.
M. Mercier. - Je ne puis laisser passer
l'observation faite par M. le ministre des finances qu'en augmentant le
rendement de 1, 2, 3 ou 5 p. c, le trésor ne perdra nécessairement que 100,000
à 400,000 fr. ; c'est là une véritable erreur ; il est impossible d'apprécier
rigoureusement la portée de la réduction de la décharge de l'accise, ou, en
d'autres termes, de l'augmentation du rendement. Elle peut se réduire à la
proportion indiquée par M. le ministre, mais il est probable qu'elle sera
beaucoup plus élevée : elle peut atteindre un million et plus lorsque le
rendement sera porté à 72 p. c.
- Personne ne demandant
plus la parole sur l'ensemble du projet, la chambre passe à la discussion des
articles.
Discussion des articles
Articles 1 à 3
« Art. 1er. Le
gouvernement est autorisé :
« A. A porter de 12 à 14
hectogrammes le taux de la prise en charge établi par l'article 16 de la loi du
4 avril 1843 (Bulletin officiel, n° 154). à la condition de supprimer le
contrôle à l'empli et celui des quantités produites ;
« B. A régler l'impôt sur
la fécule de pommes de terre saccharifiée pour obtenir des glucoses en sirop ou
à l'état concret et des glucoses granulées, ainsi que sur tous les autres
sucres présentant l'apparence des sucres cristallisables, quelle que soit la
matière première dont ils seront extraits.
« Il prescrira les
obligations et formalités nécessaires pour assurer l'efficacité des prises en
charge au compte des fabricants de sucre ou de glucoses. De même il pourra
prescrire un mode spécial de vérification et de justification pour les sucres
et sirops de canne et de betterave présentés à l'exportation avec décharge de
l'accise. Les arrêtés réglant l'exécution de ces mesures seront soumis aux
chambres législatives, dans la session de 1847-1848.
« Toutes contraventions
aux dispositions de ces arrêtés seront punies d'une amende de 800 fr. Lorsque
les fabricants de sucre ou de glucoses ne rempliront pas les obligations qui
leur seront imposées, ils encourront, en outre, une amende de 200 francs pour
chaque jour de retard ».
- Adopté.
__________________
« Art. 2. Les quantités
de sucre brut de betterave exportées avec décharge de l'accise, conformément à
la loi du 2 janvier 1847 (page 1739)
(Moniteur n°5) du 1er juillet d'une année au 1er juillet de l'année suivante,
ne seront point portées en ligne de compte pour déterminer l'augmentation du
droit d'accise sur le sucre de betterave dans les cas prévus par l'article 5 de
la loi du 17 juillet 1846 (Moniteur, n" 199).
«Ne seront admis à
l'exportation que les sucres blonds et secs. »
- Adopté.
__________________
« Art. 3. Par
modification à la loi du 21 juillet 1844, sur les droit différentiels :
« 1° Le délai fixé
par le paragraphe 2 de l'article 2 est prorogé d'une année pour l'application
des troisième et quatrième quarts de l'augmentation des droits sur le sucre
brut de canne importé sous pavillon belge des entrepôts européens ;
« 2° Le droit d'entrée
sur le sucre brut de canne importé des pays transatlantiques autres que ceux de
production, sous pavillon étranger quelconque, est fixé à 2 francs 80 centimes
par 100 kilogrammes jusqu'au 17 avril 1848.
« Sont applicables aux
importations sous le régime établi par le n°2 ci-dessus, les dispositions en
vigueur relativement aux provenances et aux transports. »
- Adopté.
Article 4
« Art. 4. Les effets de
l'article 4 de la loi du 17 juillet 1846 (Moniteur du 18 juillet, n°198) sont
suspendus jusqu'au 1er janvier 1848. »
M. Loos. - Je propose de substituer au 1er
janvier 1848 le 1er juillet 1848, parce que, en effet, l'expérience ne sera
complète, les résultats quant au sucre de betterave ne pourront être constatés
qu'au 1er juillet de chaque année. Aux termes mêmes de la loi du 17 juillet de
l'année dernière, ce n'est qu'à cette époque qu'on pourra constater la production
du sucre de betterave ; c'est à cette époque que les droits pourront être
changés. Je demanderai donc qu'on substitue le 1er juillet au 1er janvier.
M. Mercier. - Messieurs, je me suis déjà opposé
à l'amendement de M. le ministre des finances, qui consiste à supprimer la
seule disposition de la loi de 1846, qui favorable au trésor, ou du moins à
l'ajourner jusqu'au 1er janvier 1848. L'honorable M. Loos vient de proposer un
second amendement, pour ajourner l'effet de cette disposition au 1er juillet de
la même année. Si la disposition était admise, je n'hésite pas à déclarer que,
dans mon intime conviction, le produit de l'accise sur le sucre, au lieu de
trois millions, n'atteindra pas deux millions.
Je
regarde une pareille disposition comme une véritable spoliation du trésor
public au profit d'un petit nombre de personnes, et je crois qu'on peut
beaucoup mieux employer nos ressources que de les sacrifier aussi légèrement.
Je ne comprends pas qu'on puisse, après quelques mois d'exécution, changer une
loi, alors surtout que le changement proposé porte sur la seule disposition de
la loi qui sauvegarde les intérêts du trésor public.
(page 1783) M. Delehaye. - Messieurs, l’honorable M. Mercier,
comme il vient de le rappeler, n'a pas pu prendre part à la discussion du 17
juillet 1846, sur les sucres, parce qu'à cette époque il négociait un traité
avec la Hollande. Pour moi, j'ai assisté et participé à cette discussion. Tout
ce que j'ai dit à cette époque s'est vérifié. Je vous disais alors que ceux qui
se proclament les partisans des producteurs du sucre de betterave, comprenaient
peu la bonne position qu'on leur faisait ; je disais par contre à ceux qui
défendaient la cause, qu'ils se faisaient illusion sur le sort de la loi. J'ai
toujours soutenu que la raffinerie du sucre exotique était l'industrie la plus
utile ; j'ai soutenu ensuite que la raffinerie du sucre de betterave était une
perte pour le pays.
Des membres. - Vous allez rouvrir l'ancienne discussion générale.
M. Delehaye. - Je me borne à rappeler les
prévisions que j'exprimais alors.
Aujourd'hui, qu'est-il
arrivé? Le trésor a perçu 250,000 francs. C'est le sucre de canne qui a produit
cet impôt ; le sucre de betterave n'y a pas contribué pour une obole. Et
cependant les producteurs du sucre indigène se plaignent ; ils attaquent la
loi. A les en croire, l'avenir entraînera leur ruine, si la loi n'est pas
modifiée en leur faveur.
Ces plaintes ne sont pas
entièrement sans fondement, quoique ce ne soit point le sucre exotique qui
fasse cette concurrence nuisible à sa rivale.
Il y a deux intérêts bien
distincts attachés à l'industrie de la betterave; je l'ai indiqué lors de la
discussion de 1846 : les producteurs du sucre de betterave payent 30 fr. les
100 kil. de sucre brut; ceux au contraire qui raffinent dans le même
établissement le sucre payent la même somme, mais seulement sur 100 kil. de
sucre raffiné; de sorte que, recevant les uns et les autres une décharge de 66
fr. pour 100 kil. de sucre raffiné, à l'exportation, les premiers sont moins
favorablement traités, puisqu'ils ont payé 30 fr. pour 100 kil. de sucre brut,
tandis que les seconds n'ont payé la même somme que pour 100 kil. de sucre
raffiné.
Cette position est déplorable
; je l'ai signalée, on n'en a pas tenu compte ; je persiste à dire, que si l'on
ne prohibe pas le raffinage de sucre indigène dans le local où l'on travaille
la betterave, ces plaintes augmenteront toujours et une grande perte en
résultera pour le trésor.
L'honorable M. Mercier
s'apitoyant sur le trésor public, a dit que c'est précisément parce que les
denrées sont chères que le trésor public doit percevoir de gros revenus, et
c'est pour obtenir ce résultat qu'il propose de porter le rendement à 72 ; le
trésor pourra percevoir davantage ; mais ce ne sera qu'au détriment de la canne
et au profil de la betterave.
En effet, quelle sera la
conséquence de l'application de ce système? C'est que toutes les raffineries de
sucre exotique devant limiter leurs opérations au besoin de l'intérieur, seront
obligées de renvoyer une grande partie de leurs ouvriers. Je l'ai prouvé dans
une autre occasion.
Remarquez
du reste, que si je combats les arguments de M. Mercier, ce n'est pas que
j'approuve les propositions du ministère ; et cependant je suis hostile à
l'industrie de la betterave, parce que je considère cette industrie comme
nuisible à la Belgique ; c'est que, dans les modifications que l'on propose, je
vois un grand mal pour l'ancienne industrie qu'on ne relèvera pas, aussi
longtemps qu'on maintiendra la loi de 1846. Plus on améliorera aujourd'hui la
position de la betterave, plus on la rendra forte quand il s'agira d'adopter un
système meilleur, et plus on aura de la peine à résister à ses exigences.
(page 1739) M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs,
je crois en effet, comme on le dit à côté de moi, qu'il est inutile d'entamer
en ce moment le débat auquel quelques paroles de l'honorable M. Delehaye
paraissent devoir donner lieu ; nous avons discuté pendant à peu près trois
semaines, l'année dernière, sur la question de savoir si l'opinion de
l'honorable M. Delehaye, quant au sucre indigène, devait prévaloir. Aujourd'hui
cette question n'est pas soumise à la chambre. Il s'agit seulement, sous toute
réserve quant à l'opinion de l'honorable membre que je respecte, quoique je ne
la partage pas, d'admettre temporairement quelques mesures dans l'intérêt
commun des deux industries ; il s'agit seulement, à raison de circonstances que
nous ne pouvions pas prévoir, lors de la discussion de la loi, d'en empêcher
momentanément l'emploi. Voilà la seule portée du projet.
J'ai pris immédiatement
la parole, parce que je pense qu'à cette époque extrêmement avancée de la
session, il serait regrettable d'engager la discussion au fond sur le mérite
comparatif des deux industries.
Il est possible, si ces
circonstances se prolongeaient, qu'une prorogation nouvelle, comme celle qui
est proposée par l'honorable M. Loos, doive avoir lieu. Tous ceux qui ont
étudié le système de la loi de 1846, penseront avec moi que, quand je puis réduire
la décharge d'un franc à raison de 100,000 fr., si on les réduit, on renonce à
100,000 fr. ; ainsi la différence entre l'amendement de l'honorable M. Loos et
le projet primitif est de 200,000 fr. pour un semestre.
Il est
une observation que l'honorable membre n'a pas présentée, mais que je crois
devoir soumettre à la chambre.
Si nous indiquons, comme
terme, le 1er janvier 1848, nous nous mettons en quelque sorte dans la
nécessité d'ajouter un terme nouveau, parce que nous savons tous, par
l'expérience des années précédentes, qu'une loi de quelque importance ne peut
pas primer les budgets et être votée avant le 1er janvier d'une année.
Je ne verrais donc pas
grand inconvénient à ce que l'amendement de M. Loos fût admis.
M. Osy. - Messieurs, toute la question est
de savoir pour le moment si, à raison de la position critique où se trouvent
actuellement les deux industries, il ne faut pas proroger l'article 4 de la loi
de 1846 de six mois ou d'un an. Je crois qu'il convient d'adopter l'amendement
de l'honorable M. Loos. A l'époque fixée par l'amendement, nous connaîtrons le
résultat de la campagne de la betterave pour 1847 ; et au printemps prochain,
nous pourrons examiner la question. Il est inutile, pour le moment, d'entrer
dans d'autres détails.
M. Dumortier. - J'ai demandé la parole quand j'ai
entendu l'honorable député de Gaud prétendre que l'industrie du sucre de
betterave est nuisible à la Belgique. Voici comment il faut traduire ces
paroles : produire par le pays est nuisible à la Belgique, verser ses capitaux
à l'étranger est faire chose avantageuse à la Belgique. Je ne partage pas cette
opinion ; toutes les fois que le pays peut trouver dans son sol les moyens de
se passer de l'étranger, en donnant du travail à ses enfants, il ne fait
nullement chose qui lui soit nuisible. Personne ne peut révoquer en doute que
des deux industries, celle qui fait verser le plus de capitaux dans la
circulation et donne le plus de travail est celle que le sol produit. Je ne
voulais pas laisser sans réponse l'assertion de l'honorable membre.
Il est une autre
observation que je ne puis pas laisser passer sans réponse, il a dit que ce qui
avait nui au trésor et à l'industrie de la canne, c'est que beaucoup de
fabricants de sucre indigène font du sucre raffiné du premier jet. Mais à qui
faut-il attribuer ce résultat ? Aux raffineurs de sucre de canne et aux
demandes qu'ils ont faites et aux mesures qu'ils ont prises contre la
betterave. Vous avez voulu la faire mourir de misère, elle a fait ce qu'elle a
pu pour se soutenir. Vous n'avez plus voulu de ses produits, elle vous a fait
concurrence. De quoi vous plaignez-|vous ? Vous êtes mal avisés de vous
plaindre ; car la concurrence légitime qu'elle vous fait est le résultat des mesures
que vous avez prises contre elle.
Je dis donc que cette
observation de l'honorable membre est tout à fait sans fondement.
Laissez pleine liberté
aux deux industries, accordez protection au travail national.
Il
est étrange de voir comme l'honorable membre a deux poids et deux mesures en
fait d'industrie. Quand il s'agit de l'industrie cotonnière, comme il y a des
manufactures à Gand, l'honorable membre est partisan d'une forte protection en
faveur du travail national. Mais s'agit-il des sucres, la question change de
face. Si Gand ne fabrique pas de sucre de betterave, elle raffine des sucres
des colonies ; alors l'honorable député de Gand laisse de côté le travail
national pour ne s'occuper que du raffinage, qui est ici une affaire
secondaire. L'honorable membre présente dans ces deux cas des argumentations
qui se repoussent l'une l'autre. Pour être conséquent avec ses principes, qui
sont les vrais principes d'économie politique, il doit protéger le travail
national là où il se développe sur une plus grande échelle et, par conséquent,
accorder protection à une industrie qui, en augmentant les produits de notre
sol, fait vivre un grand nombre d'ouvriers.
Quant à la loi qui vous
est soumise, je lui donne mon vote ; c'est une transaction, une trêve, un repos
que nous devions désirer. Je ne vois pas comment on pourrait s'opposer à une
loi basée sur des principes aussi sages, qui a pour but une trêve entre deux
industries qui se sont fait jusqu'ici une guerre que nous ne verrons que trop
tôt recommencer.
M. Mercier. - Je demande à dire quelques mots
pour éclairer la chambre sur la portée du vote qu'elle va émettre. Je ne suis
pas d'accord avec M. le ministre des finances sur ce point, qu'une diminution
d'un franc sur la décharge équivaut seulement à une réduction de recettes de
100,000 francs.
Je conteste cette
proposition de la manière la plus formelle. En portant le rendement de 68 à 72,
par exemple, direz-vous que le trésor ne pourra recevoir que 400,000 fr. de
plus ? Mais au taux de 68 p. c, vous épuisez peut-être toutes les prises en
charge, et le revenu du trésor sera presque entièrement perdu ; au taux de 72,
la concurrence vis-à-vis de l'étranger sera peut-être momentanément impossible,
et au lieu de 400,000 fr., vous pourrez avoir 2 millions de recettes de plus
qu'au rendement de 68. Cela est évident pour quiconque veut bien se rendre
compte du mécanisme de la loi. La portée de la disposition peut s'étendre
au-delà de toutes nos prévisions.
Nous ne pouvons
déterminer d'une manière exacte quelle sera la perte du trésor ; suivant
l'honorable M. Delehaye, si on portait à 72 le rendement, il n'y aurait plus
d'exportation possible. On serait dès lors forcé de déclarer le tout en
consommation, et de payer l'intégralité des droits ; le trésor y trouverait un
avantage de 2 millions au moins.
M. Veydt. - En tuant l'industrie.
M. Mercier. - Je ne fais que combattre
l'argument de M. le ministre des finances. L'observation de M. Veydt confirme
mon raisonnement ; si le rendement porté à 72 tuerait la fabrication, parce
qu'on n'exporterait plus, cette mesure aurait une tout autre portée que celle
que lui attribue M. le ministre des finances, qui prétend qu'il n'en
résulterait qu'une augmentation de recettes de 400 mille fr. S'il n'y avait
plus d'exportation, tout est déclaré en consommation. Du reste, je suis loin de
croire que le rendement de 72 p. c. serait exclusif de toute exportation de
sucre raffiné. Mais cette exportation se réduirait dans une proportion assez
forte pour augmenter considérablement les ressources du trésor.
Maintenant que je lui ai
soumis mes observations, la chambre verra ce qu'elle doit au trésor et ce
qu'elle doit aux raffineurs.
M. le ministre des finances (M. Malou). - L'honorable M. Mercier conteste
qu'un franc de réduction, sur la décharge, entraîne seulement une réduction de
100 mille francs dans les recettes. Si la décharge avait été fixée d'une
manière arbitraire, l'observation de l'honorable M. Mercier pourrait être
exacte ; mais pour toutes les personnes qui ont suivi la discussion de la loi
de 1846, il a été démontré qu'il résultait des bases adoptées, qu'une réduction
d'un franc sur la décharge équivaudrait à peu
près à une réduction de 100 mille francs pour les recettes ; s'il en est
(page 1740) ainsi,
diminuer la décharge d'un franc, ne peut entraîner qu'un sacrifice maximum de
400 mille francs.
Il n'y a donc, dans
l'hypothèse la plus défavorable, entre l'augmentation du rendement et le
maintien temporaire de la loi de 1846, qu'une réduction de 400,000 francs.
- La discussion est
close.
L'amendement proposé par
M. Loos est mis aux voix et adopté. L'article ainsi amendé est également
adopté.
Article 5 (nouveau)
« Art. 5 (nouveau). La
mélasse brute, importée directement des pays hors d'Europe, est prohibée à
dater du 1er juillet prochain. »
M. le ministre des finances (M. Malou). - La mélasse brute est prohibée
d'après le tarif de 1822, de toutes les manières, si ce n'est lorsqu'elle est
importée directement et par navire national. On avait admis pour la mélasse,
ainsi importée, un droit en rapport avec l’accise telle qu'elle était alors.
Depuis cette époque, on ne l'a plus changé.
Il a été démontré que
l'importation de la mélasse, d'après le système de la loi de 1846, pouvait se
faire de manière à compromettre à la fois les intérêts des deux industries, en
restreignant le travail et surtout les intérêts du trésor, en ce que la
restitution accordée pourrait constituer, au mépris de la loi et des intérêts
du trésor, une prime d'exportation sur de bas produits ne provenant pas des
usines du pays.
J'ai exposé ces motifs à
la section centrale. Je crois qu'il suffira de les voir indiqués à la chambre
pour lui démontrer la nécessité de prohiber l'importation de la mélasse brute.
J'ai mis le terme du 1er
juillet 1847, afin d'éviter que la loi ne vînt réagir sur des opérations qui
déjà serait commencées.
- L'article 5 nouveau est
mis aux voix et adopté.
Second vote des articles et vote sur l’ensemble du projet
La chambre, après avoir
décrété l'urgence, procède, au second vote.
L'amendement de M. Loos est
mis aux voix par appel nominal.
Voici le résultat du vote
:
87 membres sont présents.
1 (M. Verhaegen)
s'abstient.
86 prennent part au vote.
32 votent pour
l'adoption.
24 votent contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour l'adoption
: MM. de Renesse, Desmaisières, de Terbecq, de Tornaco, de T'Serclaes, de
Villegas, Donny, Dubus (Albéric), Dumont, Fleussu, Kervyn, Lebeau, Lesoinne,
Liedts, Loos, Maertens, Malou, Orts, Osy, Rodenbach, Rogier, Veydt. Wallaert, Zoude,
Brabant, David, de Bonne, Dechamps, de Corswarem, Dedecker et Delfosse.
Ont voté contre : MM. De
Haerne, de Lannoy, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de
Sécus, Dubus (aîné), Henot, Huveners, Jonet, Lange, Lejeune, Lys, Mast de
Vries, Mercier, Orban, Pirmez, Pirson, Scheyven, Simons, Thienpont, Van Cutsem,
Van den Eynde et Vandensteen.
M. le président. invite M. Verhaegen à motiver son
abstention.
M. Verhaegen.. - Je dois dire franchement que je
n'ai pas compris la question. La portée de l'amendement n'a pas été
suffisamment démontrée. Il ne m'aurait pas été possible d'émettre un vote
consciencieux.
- L'article 5 nouveau est
mis aux voix et définitivement adopté.
Il est procédé au vote
par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
Voici le résultat du vote
:
88 membres sont présents.
2 s'abstiennent.
86 prennent part au vote.
83 votent pour
l'adoption.
3 votent contre.
La chambre adopte.
Se sont abstenus : MM.
Loos et Verhaegen.
Ont voté pour l'adoption
: MM. de Renesse, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, de Tornaco, de
T'Serclaes, de Villegas, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Albéric), Dumont,
Dumortier, Fleussu, Henot, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne,
Liedts, Maertens, Malou, Mast de Vries, Orban, Orts, Osy, Pirmez, Pirson,
Rodenbach, Rogier, Scheyven, Simons, Thienpont, Van Cutsem, Vanden Eynde,
Vandensteen, Veydt, Zoude, Anspach, Biebuyck, Brabant, David, de Baillet, de
Bonne, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Haerne, de Lannoy, Delfosse, de Man
d'Attenrode, de Meer de Moorsel et de Meester.
Ont voté contre : MM.
Huveners, Lys et Mercier.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus
sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Loos. - Messieurs, j'ai entendu faire
toutes mes réserves quant au régime qu'il s'agit d'introduire pour la
perception des droits sur le sucre de betterave. Les considérations que j'ai
fait valoir à la section centrale, et qui se trouvent reproduites dans le
rapport qui vous a été présenté, me portent à être persuadé dès à présent que
le régime qu'il s'agit d'introduire, sera complètement inefficace, qu'il
n'atteindra qu'une partie de la production du sucre de betterave, et qu'ainsi,
nous serons dans le cas de devoir revenir, à l'expiration de l'année, sur le
régime qu'on a demandé d'introduire. Je suis persuadé que le gouvernement, à
l'expiration de cette campagne, sera convaincu, comme moi, que le régime qu'il
propose aujourd'hui est complètement inefficace.
Dès lors, je n'ai pas
voulu, par mon vote, donner mon approbation, quoique tacite, au projet de loi.
Je n'ai pas voulu voter
contre, parce qu'en définitive, les conséquences qui doivent résulter de l'inefficacité
de la loi ne retomberont pas sur l'industrie, par suite du vote que la chambre
vient d'émettre et qui établit, en quelque sorte, une trêve pendant une année
entre deux industries.
M. Verhaegen. - J'ai fait connaître tout à
l'heure les motifs dé mon abstention.
COMPTE DEFINITIF DE L’EXERCICE 1842
M. le ministre des finances (M. Malou). - J'ai l'honneur de déposer sur le
bureau le compte définitif de l'exercice 1842.
- Il est donné acte à M.
le ministre du dépôt de ce projet ; il sera imprimé et distribué.
M. Osy. - Je crois que l'usage est de
renvoyer ces sortes de projets à la commission permanente des finances. Je
demande qu'il en soit de même pour celui qui vient d'être présenté.
L'honorable M. de Man m'a
dit que, dans le courant de l'été, il pourrait s'occuper de l'examen de ces
questions, et peut-être pourrons-nous avoir un rapport au commencement de la
session prochaine.
- Le projet est renvoyé à
l'examen de la commission des finances.
PROJET DE LOI RELATIF A LA DECHARGE DU DROIT D’ACCISE SUR LA BIERE
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, un article ajouté à la
loi par laquelle le traité avec les Pays-Bas a été approuvé, autorisait le
gouvernement à modifier les formalités des conditions pour l'exportation des
bières avec décharge de l'accise. cette disposition obligeait le gouvernement à
soumettre aux chambres, dans leur session de cette année, les dispositions
qu'il aurait adoptées.
J'ai l'honneur de déposer
un projet de loi pour remplir cette obligation. Ce projet concerne les mesures
qui sont déjà introduites eu fait par les arrêtés du gouvernement.
- Il est donné acte à M.
le ministre de la présentation de ce projet de loi. La chambre en ordonne
l'impression, la distribution et le renvoi aux sections.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU DEPARTEMENT DES
FINANCES POUR CREANCES ARRIEREES
M. le président. - La discussion générale est
ouverte.
M. Osy, rapporteur. - Messieurs, il ne s'agit pas ici,
à proprement parler, d'un crédit supplémentaire, mais d'une régularisation.
L'encaisse qui existait en 1830 a été laissé à la Belgique par le traité de
paix avec la Hollande. Plusieurs créanciers avaient obtenu, à la fin de 1830,
des mandats de l'ancien gouvernement qui n'ont pu être payés. Le gouvernement a
décidé que les anciens mandats ne seraient pas payés, mais qu'il en serait
délivré de nouveaux. C'est par suite de cette régularisation que le crédit dont
nous nous occupons vous est demandé.
- La discussion générale
est close.
________________
« Art. 1er. Il est ouvert
au département des finances nu crédit de quarante-neuf mille trois cent
cinquante-six francs, soixante et seize centimes (fr. 49,356 76 c.), pour le
payement de créances résultant de faits antérieurs au 1er octobre 1830.
« Cette somme formera le
chapitre X, article unique du budget du même département pour l'exercice
1847 ».
- Adopté.
________________
« Art. 2. Toute créance
ordonnancée ou liquidée avant le 1er octobre 1830, et dont le payement n'aura
pas été réclamé avant le 1er janvier 1848, sera prescrite au profit du trésor.
« Seront définitivement
prescrites à la même époque toutes les prétentions relatives à des faits
antérieurs au 1er octobre 1830, et que les intéressés n'auraient pas justifiées
avant le 1er janvier 1848. »
- Adopté.
________________
II est procédé au vote par
appel nominal sur l'ensemble du projet, qui est adopté à l'unanimité des 57
membres présents.
Ce sont : MM. de Renesse,
de Sécus, de Terbecq, de Tornaco, de T'Serclaes, de Villegas, Donny, Dubus
(aîné), Dubus (Albéric), Dumont, Dumortier, Fleussu, Henot, Huveners, Jonet,
Kervyn, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Liedts, Loos, Lys, Maertens, Malou,
Mast de Vries, Mercier, Orban, Orts, Osy, Pirmez, Pirson, Rogier, Scheyven,
Simons, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Verhaegen,
Veydt, Wallaert, Anspach, Biebuyck, Brabant, Clep. David, de Baillet, de Bonne,
Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Haerne, de Lannoy, Delfosse, de Man
d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU DEPARTEMENT DES
FINANCES POUR CREANCES ARRIEREES
« Article unique. Il est
ouvert au département de la justice un crédit supplémentaire de vingt mille
francs (fr. 20,010), pour acquitter diverses dépenses dont la cause remonte à
une époque antérieure au 1er janvier 1831.
« Cette allocation
formera le chapitre XV du budget du même département, pour 1843. »
M. Van Cutsem, rapporteur. - Messieurs, la commission spéciale
à laquelle le projet en discussion a été renvoyé a adopté toutes les
allocations qui forment le total du crédit supplémentaire de 20,000 (page 1741) francs, celle de 1,989-05 c.
exceptée, pétitionnée pour dépenses imprévues et que votre commission n'a pas
votée pour ne pas ouvrir une porte aux abus et faire naître des prétentions
dont il serait difficile d'établir le non fondement.
M. le ministre de la
justice a déclaré qu'il adhérait à la réduction proposée par votre commission ;
mais depuis que le rapport a été distribué, ce haut fonctionnaire m'a fait
connaître qu'une instruction administrative avait eu lieu sur deux demandes
nouvelles, celle du sieur Dumenil, huissier à Neufchâteau, et celle du sieur
Joos, fabricant à Gouda, s'élevant ensemble à 350 fr.
Les pièces que m'a
fournies M. le ministre de la justice justifient suffisamment ces demandes, de
manière qu'au lieu de réduire le crédit demandé à 18,010-95 c, je proposerai de
le porter à 18,360 fr. 95 c.
- L'article unique du
projet de loi est mis aux voix et adopté avec le chiffre proposé par M. Van
Cutsem.
La chambre décide qu'elle
passera immédiatement au vote définitif.
Il est procédé au vote
par appel nominal sur l'article unique du projet, qui est adopté à l'unanimité
des 57 membres présents.
Ce sont : MM. de Renesse,
de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Tornaco, de T Serclaes, de
Villegas, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Bernard), Dumont, Dumortier, Fleussu,
Henot, Huveners, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Liedts, Loos,
Lys, Malou, Mast de Vries, Mercier, Orban, Osy, Pirmez, Pirson, Rogier,
Scheyven, Simons, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vanden Steen,
Wallaert, Anspach, Biebuyck, Brabant, Clep, David, de Baillet, de Bonne, de
Corswarem, Dedecker, de Haerne, de Lannoy, Delfosse, de Meer de Moorsel, de
Meester.
M. le président. - La commission a proposé de
substituer aux deux articles du projet proposé par le gouvernement un article
premier ainsi conçu :
« Art. 1er. Il est alloué
au département des travaux publics un crédit supplémentaire de cinq cent
trente-six mille quatre cent dix francs vingt-cinq centimes (fr. 636,410 25)
pour acquittement des dépenses arriérées concernant les exercices 1846, 1845 et
années antérieures.
« Ce crédit formera le
chapitre VIII, article unique, du budget du département des travaux publics de
l'exercice 1846.
« La répartition en sera
réglée par arrêté royal. »
M. le ministre des
travaux publics déclare qu'il se rallie à cette proposition.
M. Osy, rapporteur. - Vous trouverez tous, messieurs,
que le projet que la commission vous propose est pleinement justifié. Le projet
de loi n'a été présenté que lundi, et il nous a été de toute impossibilité
d'examiner un crédit qui s'applique à une foule d'objets différents. Cependant
nous avons pensé que nous ne pouvions pas laisser attendre les créanciers de
l'Etat jusqu'à la session prochaine, et c'est pourquoi nous avons fait à la
chambre une proposition dont l'adoption permettrait au gouvernement de liquider
les créances dont il s'agit, mais, bien entendu, sous la responsabilité
personnelle de M. le ministre, et de telle manière que la législature ne soit
nullement engagée par les payements qui seront faits. A la session prochaine
nous examinerons, non pas les payements faits, mais la loi elle-même. C'est à
la chambre à juger si elle trouve convenable de suivre la marche que nous avons
l'honneur de lui proposer, c'est-à-dire d'accorder 536,000 et des francs, en
laissant au gouvernement le soin de payer les créances à l'égard desquelles il
est persuadé que la chambre ne pourra pas faire des difficultés. Nous convenons
que cette marche n'est pas tout à fait régulière, mais nous n'avons pas voulu
faire attendre plus longtemps les créanciers de l'Etat, en tant, toutefois, que
M. le ministre des travaux publics accepte le projet, tel qu'il est proposé par
la commission.
- L'article premier est
mis aux voix et adopté.
_______________
« Art. 2. La présente loi
sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »
- Adopté.
________________
On passe à l'appel
nominal sur l'ensemble du projet de loi qui est adopté par 53 voix contre 2
(celles de MM. de Bonne et Veydt).
M. le président. - Le rapport déposé au commencement
de la séance par M. de Man d'Attenrode, a été tenu en réserve. Il a été convenu
d'en entendre la lecture après le projet de loi que la chambre vient de voter.
M. Dumortier. - Je demande qu'on suive l'ordre du
jour indiqué dans nos bulletins, avant d'aborder le rapport de l'honorable M.
de Man. Il y a d'abord des naturalisations... (Interruption). Soyez tranquilles, ce n'est pas moi qui engagerai la
chambre à les voter. A l'occasion de ces projets de loi, j'aurais désiré faire
une observation à M. le ministre de la justice que je regrette de ne pas voir
dans cette enceinte...
Une voix. - Il est au sénat.
M. Dumortier. - Lui faire une observation au
sujet d'une motion que j’ai soulevée dernièrement.
M. Jonet. - Je demanderai que le projet de
loi, tendant à augmenter d'un juge le tribunal de Nivelles, soit mis en
discussion.
- La chambre consultée
décide qu'elle suivra l'ordre du jour, tel qu'il est indiqué dans le bulletin.
PROJETS DE LOI ACCORDANT DES NATURALISATIONS ORDINAIRES
M. Dumortier. - Messieurs, voici encore 22
demandes en naturalisation. Depuis longtemps, je me suis élevé dans cette
enceinte contre les naturalisations qu'on accorde ici en si grand nombre. J'ai
demandé à M. le ministre de la justice de fournir à la chambre le tableau des
naturalisations accordées depuis la révolution, ainsi que de celles qui ont été
accordées par le gouvernement précédent, pendant les 15 années de sa durée.
J'ai vu dernièrement dans
un journal, que depuis la révolution on avait accordé 4,500 naturalisations ;
je ne sais si ce chiffre est exact, mais il ne doit pas être énormément
exagéré, quand on voit voter 20 ou 30 naturalisations à la fois, et cela
presque toutes les semaines. On finira par accorder la naturalisation à tous
ceux qui la demanderont. C'est en réalité ce qu'on fait. C'est une chose
infiniment fâcheuse pour le pays. Je dis qu'il y a en Belgique assez de
personnes compétentes à occuper les emplois publics, pour que nous n'allions
pas jeter ainsi la naturalisation à qui vient la demander.
Et, messieurs, pourquoi
demande-t-on ces naturalisations ? Pour occuper des places et des emplois. Nom
avons une foule de pères de famille qui meurent de faim, nous avons dans les
Flandres une masse d'individus sans aucune ressource et qu'on pourrait employer
; plus les emplois sont minimes et plus vous avez de personnes capables de les
remplir. Je demande qu'on en finisse avec ce système de naturalisations, non
seulement dans l'intérêt du pays, mais encore dans l'intérêt de la chambre des
représentants ; il est permis à l'honorable membre qui m'interrompt de ne pas
partager mon opinion, mais je crois que mon opinion est partagée par une grande
majorité de la chambre et par toute la Belgique.
Il importe donc que l'on
apporte un remède au système dans lequel nous marchons depuis quelques années.
Je fais maintenant mon observation pour qu'on en tire parti à la session
prochaine ; il importe qu'à l'avenir tout projet de naturalisation parte de
l'initiative du gouvernement, que ce ne soit plus la commission qui présente
ces projets. II y a trop de facilité avec le système que nous suivons. Quand le
gouvernement, présentera des projets, ce sera sous la responsabilité du
ministre. Si un membre fait une proposition, ce sera sous sa responsabilité. Je
ne veux plus qu'une commission vienne jeter des projets de naturalisation par
milliers au profit d'individus qui demandent des emplois, et cela dans des
circonstances comme celles où nous nous trouvons, quand des pères de famille ne
peuvent pas obtenir le plus petit emploi parce que ces emplois sont demandés
par des étrangers.
Je
demande que le gouvernement nous donne à la session prochaine le tableau des
naturalisations accordées depuis la révolution et de celles qui ont été
accordées sous le gouvernement hollandais. Je suis persuadé que le gouvernement
hollandais n'en a pas accordé la 10e partie de ce qu'on a accordé depuis 15
ans. C'est un abus effrayant. Je désire vivement qu'on y mette un terme. Je
demande qu'à l'avenir la commission des naturalisations ne soit investie que de
l'examen des propositions faites par le gouvernement ou par des membres, mais
qu'elle ne prenne plus l'initiative de la présentation de 50 ou 100 projets de
naturalisations à la fois.
Un membre. - Changez le règlement.
M. Dumortier. - C'est pour qu'on le change que
j'ai fait mon observation.
M. Delfosse. - Les conseils de M. Dumortier
peuvent être fort bons ; mais il s'y prend un peu tard pour nous les donner. Je
crois que l'honorable membre aurait bien fait de les réserver pour la chambre
future.
M. le président. - Je vais mettre successivement aux
voix, par assis et levé, les divers projets de loi de naturalisations.
« LÉOPOLD, Roi des
Belges, A tous présents et à venir, salut.
« Vu la demande du
sieur Jacques Andringa, directeur de l'infirmerie régimentaire, né à Franecker
(Pays-Bas), demeurant à Huy, tendant à obtenir la naturalisation ordinaire ;
« Attendu que les
formalités prescrites par les articles 7 et 8 de la loi du 27 septembre 1855
ont été observées ;
« Attendu que le
pétitionnaire a justifié des conditions d'âge et de résidence exigées par
l'article 5 de ladite loi ;
« Les chambres ont
adopté et nous sanctionnons ce qui suit :
« Article unique. La
naturalisation ordinaire est accordée audit sieur Jacques Andringa. »
- Adopté.
La formule qui précède
est applicable à chacune des demandes des sieurs :
Pierre-Jean Velkger,
dessinateur à l'administration du chemin de fer de l'Etat, né à Ossendrecht
(Pays-Bas), le 29 juillet 1815, demeurant à Malines.
- Adopté.
________________
Jean-Henri-Chrétien
Tengeler, sergent pensionné, actuellement armurier, né à Vlotho (Westphalie),
domicilié à Mons.
- Adopté.
________________
François Laborde,
capitaine en non-activité de service, né à Gravelotte (France), demeurant à
Namur.
- Adopté.
________________
(page 1742) Jean
Lammerhirt, soldat au 1er régiment de ligne, né à Mohra (Saxe-Meiningen), le 28
janvier 1816.
- Adopté.
________________
Louis-Jacques- Gabriel
Vimont, sergent armurier au 10ème régiment de ligne, né à Quettehou (France),
le 2 juillet 1790.
- Adopté.
________________
Jean-Baptiste-Augustin
Jette, capitaine de 2ème classe au 2ème régiment de chasseurs à pied, chevalier
de l'Ordre de Léopold, décoré de la croix de Fer, né à Oostham, province de
Limbourg (Belgique), né d'un père français.
- Adopté.
________________
Jean-Henri-Louis Melcher,
premier commis à l'administration des chemins de fer de l'Etat, agent belge
délégué, né à Schleiz (principauté de Reuss), demeurant à Aix-la-Chapelle.
- Adopté.
________________
Jean-Baptiste Cheneau,
brigadier des douanes, né à Baelen (Belgique) (né d'un père français et d'une
mère belge), demeurant à Proven (Flandre occidentale).
- Adopté.
________________
Guillaume Muller,
maréchal ferrant au 2ème régiment de lanciers, né à Dagstuhl (Prusse), le 6
juin 1811.
- Adopté.
________________
Adolphe-Gaspar Schulz,
commis négociant, né à Francfort-sur-Mein, le 1er mai 1803, domicilié à Anvers.
- Adopté.
Simon Salfer, banquier,
né à Melksham (Angleterre), le 4 janvier 1789, domicilié à Bruxelles.
- Adopté.
________________
Richard Antoine,
lieutenant au 12e régiment de ligne, né à Lunéville (France), le 17 janvier
1806.
- Adopté.
________________
Simon Le Grand,
lieutenant au régiment d'élite, né à Villedieu (France), le 21mai 1811.
- Adopté.
________________
Jacques-Bernard Parasie,
capitaine commandant au 1er régiment de cuirassiers, né à Gand (Belgique). A
perdu la qualité de Belge ayant, été au service d'une puissance étrangère sans
autorisation.
- Adopté.
________________
Jens-Jens Petersen,
capitaine de navire au long cours, né à Morsum (Danemark), le 30 août 1806,
domicilié à Anvers.
- Adopté.
________________
Henri-Thies Dirks,
capitaine en second de navire au long cours, né à Morsum (Danemark), le 24
décembre 1817, domicilié à Anvers.
- Adopté.
________________
Jean-Henri-Clément
Nieberding, capitaine de navire au long cours, né à Steinfeld (Oldenbourg), le
28 novembre 1810, domicilié à Anvers.
- Adopté.
________________
Charles-Joseph
Gerberding, capitaine de navire au long cours, né à Steinfeld (Oldenbourg), le
26 février 1812, domicilié à Anvers.
- Adopté.
________________
Joseph-Adrien Hiver,
sculpteur, né à Charleville (France), le 24 avril 1810, domicilié à Gand.
- Adopté.
________________
Jean-Baptiste Stein,
cabaretier à Mons, né à Reuland (Prusse), le 28 janvier 1810.
- Adopté.
________________
Louis Kessels, receveur
des contributions directes et accises, né à Gouda (Pays-Bas), le 15 août 1807,
demeurant à Hoogstade (Flandre occidentale).
- Adopté.
________________
Il est procédé à l'appel
nominal sur l'ensemble de ces projets.
56 membres répondent à
l'appel ;
47 membres répondent oui
;
9 membres répondent non ;
En conséquence, ces 22 projets sont adoptés ; ils seront transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM. de Renesse, de
Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, de Villegas,
Donny, Dumont, Fleussu, Henot, Huveners, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau,
Lesoinne, Loos, Lys, Maertens, Mast de Vries, Mercier, Orban, Orts, Osy,
Pirson, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Simons, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde,
Veydt, Wallaert, Anspach, Biebuyck, Brabant, Castiau, Clep, David, de Baillet,
de Haerne, de Lannoy, Delfosse, de Meester et Liedts.
Ont répondu non : MM. de
T'Serclaes, Dubus (aîné), Dubus (Albéric), Dumortier, Lejeune, Dedecker et de
Man d'Attenrode.
M. le président. – Il y a une seconde série.
M. Lejeune. - Nous n'avons pas les pièces sous
les yeux. Ne pourrait-on pas nous dire par quel motif ces personnes sont
exemptées du droit d'enregistrement ?
M. Rodenbach. - Ce sont des combattants de la
révolution. Je partage en grande partie l'opinion de l'honorable M. Dumortier.
Mais quand il s'agit de ceux qui ont combattu pour notre indépendance, je
n'hésite pas à accorder la naturalisation.
M. Dumortier. - Dans ce cas-là, je ne m'y oppose
pas non plus.
_________________
- Les projets de loi
suivants sont successivement adoptés.
« LÉOPOLD, Roi des Belges,
A tous présents et à venir, salut.
« Vu la demande du
sieur Jean-Baptiste Cutsaert, premier commis de l'administration des chemins de
fer de l'Etat, né à Dunkerque (France), le 2 thermidor an IX, demeurant à
Jurbise (Hainaut), tendant à obtenir la naturalisation ordinaire ;
« Vu l'art. 2 de la
loi du 15 février 1844 ;
« Attendu que les
formalités prescrites par les articles 7 et 8 de la loi du 27 septembre 1835
ont été observées ;
« Attendu que le
pétitionnaire a justifié des conditions d'âge et de résidence exigées par
l'article 5 de ladite loi et de la part qu'il a prise aux combats de la
révolution ;
« Les chambres ont
adopté et nous sanctionnons ce qui suit :
« Art. 1er. La
naturalisation ordinaire est accordée audit sieur Jean-Baptiste Cutsaert.
« Art. 2. Le sieur
Jean-Baptiste Cutsaert est exempté du droit d'enregistrement établi par
l'article premier de la loi du 15 février 1844. »
- La formule qui précède
est applicable à chacune des demandes des sieurs :
Charles Bernardy, employé
à l'administration des chemins de fer de l'Etat, né à Vianden (Luxembourg), le
9 septembre 1809, domicilié à Bruxelles.
________________
Arnould Duffhauss,
officier de police à la station du chemin de fer de mlEtat, né à
Aix-la-Chapelle (Prusse), demeurant à Malines.
________________
Séverin-Julien-Joseph
Decroix, préposé de première classe des douanes, né à Béthune (France), le 7
thermidor an III, demeurant à Froyennes-lez-Tournay.
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Charles-Adolphe Lynen,
maître teinturier, né à Stolberg (Prusse), le 1er pluviôse an VIII, demeurant à
Liège.
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- Il est procédé à
l'appel nominal sur l'ensemble de ces projets de loi qui sont adoptés à
l'unanime des 56 membres présents.
PROJET DE LOI PROROGEANT LA LOI SUR LES CONCESSIONS DE PEAGES
M. le président. - L'article unique du projet de
loi, dont la commission propose l'adoption, est ainsi conçu :
« Article unique. La loi
du 19 juillet 1832 sur les concessions de péages (Bulletin officiel, n°519,
LIII) est prorogée au 1er avril 1849.
« Néanmoins, aucun canal
de plus de dix kilomètres, aucune ligne de chemin de fer, destinée au transport
des voyageurs et des marchandises et de même étendue, ne pourront être concédés
qu’en vertu d'une loi. »
M. Dumortier. - Le projet de loi sur lequel la
discussion vient de s'ouvrir pourrait donner lieu à une discussion d'une
certaine importance au sujet de la concession du canal de la Dendre. Dans la
section dont j'avais l'honneur de faire partie, on a donné au gouvernement des
explications sur la légalité de cette concession, et sur le préjudice qu'elle
peut causer au trésor public.
Je conçois que ce n'est
pas le moment d'occuper la chambre d'une question aussi délicate, aussi
importante, qui demanderait une discussion assez longue. Nous sommes à la fin
de la session. La chambre paraît vouloir finir aujourd'hui même. Il n'est donc
pas. possible d'agiter cette question en ce moment.
Je crois cependant devoir
dire quelques mots à l'assemblée, d'abord pour réserver la discussion en son
entier, et en second lieu au point de vue de cette concession.
J'ai eu l'honneur de voir
ce matin le secrétaire de la société chargée de cette concession. D'après ce
qu'il m'a dit, une pétition adressée de Londres, devait être remise aujourd'hui
à la chambre, pour demander que le cautionnement de deux millions, versé au
trésor public, pût exclusivement être appliqué au chemin de fer d'Alost, en
laissant indécise la question du canal de la Dendre. De graves questions
peuvent être soulevées au sujet de cette concession ; je ne veux pas les
soulever, mais il me semble que la demande de la société anglaise peut être
accueillie.
J'engage M. le ministre à
ne rien prendre sur lui, en vertu de son initiative dans une matière si
importante, si délicate.
La chambre a le droit
d'examiner si la concession a été accordée d'une manière légale ou non, si elle
ne porte pas un préjudice considérable au trésor public. Ce sont des questions
qu'on doit réserver entièrement.
Si je prends la parole,
c'est pour prier M. le ministre des travaux publics de ne prendre vis-à-vis des
concessionnaires aucun engagement qui paralyserait l'action de la chambre dans
cette question.
Il
me semble d'ailleurs que, puisqu'on demande du travail pour la classe ouvrière,
puisque c'est surtout dans le district d'Alost que le travail manque, il
conviendrait d'accéder à la demande de la société et d'appliquer le
cautionnement au chemin de fer d'Alost, de manière à donner du travail à cette
contrée, l'une des plus malheureuses de la Flandre.
Je
bornerai là mes observations.
Je désire que le
gouvernement ne tranche pas la question en présence des difficultés graves
qu'elle soulève.
M. le ministre des travaux publics (M.
de Bavay). -
Messieurs, je pense comme l'honorable membre qu'il ne faut rien innover à la
position de cette affaire. Mais partant de là, je pense qu'il importe de
laisser l'affectation (page 1745) des cautionnements ce
qu'elle est. Des deux millions déposés un million est affecté au canal, l'autre
est affecté au chemin de fer. Je pense que cette position doit être respectée.
Je ne me considère même pas comme ayant le pouvoir d'y apporter une modification.
M. Desmet. - Messieurs, je dois appuyer ce que
vient de dire M. le ministre des travaux publics. Je demande aussi que rien ne
soit innové à ce qui existe légalement. Tout est consommé pour le canal comme
pour le chemin de fer.
Sans doute je ne demande
pas mieux que de voir commencer immédiatement les travaux du chemin de fer, et
j'engage M. le ministre des travaux publics à accorder toutes les facultés
possibles à cet égard aux concessionnaires ; peut-être même pourrait-on leur
permettre d'employer une partie du cautionnement à ces travaux qui doivent
s'exécuter dans un district où il n'y a pas d'ouvrage. Mais je demande, je le
répète, qu'il ne soit rien innové en ce qui concerne le canal.
M. Dumortier. - L'honorable préopinant demande
que tout ce qui est légal reçoive son exécution. C'est précisément ce que je
demande aussi. Mais je désire qu'on borne l'exécution à tout ce qui est légal
et je ne regarde en aucune manière la concession du canal de la Dendre comme
étant légale ; je la regarde comme étant entachée de la plus flagrante
illégalité. C'est pour cela que je pense que la chambre doit conserver cette
question tout à fait entière. Si le canal a été concédé légalement, la chambre
le dira. Mais jusqu'à ce que cette légalité soit démontrée, il me semble qu'il
suffit qu'une section ait soulevé cette question pour que le ministre respecte
la volonté de la législature.
II me serait extrêmement
facile, messieurs, de démontrer l'illégalité de la concession. Mais ce n'est
pas le moment d'introduire cette question. J'ai seulement voulu répondre
quelques mots à l'observation de l'honorable M. Desmet.
Je dirai d'ailleurs que
ce canal n'est pas exécutable, qu'il ne sera jamais exécuté et qu'en insistant
ainsi pour la construction simultanée du canal et du chemin de fer, vous
empêchez l'exécution de ce dernier et vous nuisez à l'industrie de votre propre
district. Car, je le répète, le canal est inexécutable, et je puis le démontrer
en peu de mots.
L'exécution de ce canal
repose sur l'hypothèse d'un transport annuel de 1,200,000 tonnes de
marchandises. Eh bien, le canal de Pommerœul à Antoing ne transporte que
800,000 tonneaux de marchandises, de manière qu'il faudrait que les transports
sur le canal de la Dendre fussent non seulement égaux aux transports sur le
canal de Pommerœul à Antoing, mais qu'ils fussent même plus forts de 30 p. c,
pour qu'ils fût fait face à la dépense.
Messieurs, il est
éminemment ridicule de compter sur un pareil transport. On a commis une énorme
faute en voulant réunir dans une vallée comme celle de la Dendre un canal et un
chemin de fer qui évidemment voudraient se faire concurrence et se nuire l'un à
l'autre.
Je ne
veux pas traiter ici la question du trésor public qui est aussi excessivement
grave ; j'ai seulement voulu indiquer la question pour en faire voir toute
l'importance. Je fais toutes mes réserves sur cette question, et je demande que
M. le ministre des travaux publics ne veuille rien innover à cet égard.
Je désire avec l'honorable
M. Desmet que l'on puisse exécuter le chemin de fer qui est indispensable et
qui pourra être infiniment avantageux aux populations qu'il doit traverser,
mais il ne faut pas que par des exigences déplacées on entrave cette exécution.
M. Desmet. - L'honorable M. Dumortier dit que
le canal est inexécutable. Mais s'il est inexécutable, il doit être sans
inquiétude, il n'est pas nécessaire qu'il en combatte la construction.
Messieurs, je dis que le
canal a été concédé tout aussi légalement que le chemin de fer, et que la
chambre n'a pas à revenir là-dessus.
M. Dumortier. - Il n'y a pas de loi.
M. Desmet. - Il y a un arrêté, le gouvernement
avait le droit de prendre cet arrêté et il doit en exiger l'exécution.
M. Dedecker. - Messieurs, je ne conçois ni
l'opportunité ni le but des observations que vient de présenter l'honorable M.
Dumortier. Il est évident que la construction du canal de la Dendre est tout
aussi légale que celle du chemin de fer de la même vallée : ce sont deux
parties d'une même loi.
II me semble, que
l'honorable M. Dumortier a voulu trop prouver. Il a fini par dire que, d'après
lui et même d'après les hommes de l'art, la construction du canal de la Dendre
est physiquement impossible. Je ne sais donc pas quel peut être le but de la
motion par laquelle il engage M. le ministre des travaux publics à ne prendre
aucune décision relativement au commencement des travaux du canal de la Dendre.
L'une partie de cette motion contredit l'autre.
Quant
au chemin de fer de la vallée de la Dendre, je saisis volontiers cette occasion
pour engager M. le ministre à provoquer d'abord la construction de la partie la
plus importante de ce chemin, de celle qui est destinée à porter les fruits les
plus immédiats et les plus heureux pour le gouvernement et pour la société,
c'est-à-dire la partie qui se trouve entre Alost et Termonde.
Il est évident que, dans
l'intérêt du gouvernement comme dans l'intérêt des concessionnaires, la
construction doit commencer par la section d'Alost à Termonde.
J'engage donc
positivement M. le ministre des travaux publics à veiller à ce que, dans cette
occurrence, l’intérêt de l'Etat soit sauvegardé.
M. Dumortier. - On prétend qu'il y a une loi pour
le canal comme pour le chemin de fer. C'est une nouvelle erreur. Il y a une loi
pour le chemin de fer, et il n'y en a pas pour le canal. Le canal a été concédé
par un simple arrêté ; et c'est précisément là qu'est la question. C'est parce
que le canal a été concédé par un arrêté alors qu'il devait l'être par une loi,
que je dis que cette concession est illégale.
Messieurs, les paroles
qui viennent d'être prononcées prouvent toute l'importance de la question que
j'ai soulevée. Je dis que le gouvernement doit laisser la question intacte,
qu'il ne doit rien innover, qu'il doit se borner à faire exécuter le chemin de
fer et laisser la question du canal au point où elle en est.
- La discussion est
close.
Il est procédé au vote
par appel nominal sur l'article unique du projet qui est adopté à l'unanimité
des 60 membres présents.
RAPPORT DE LA
COMMISSION DES PÉTITIONS SUR DEUX REQUÊTES RELATIVES AUX DENRÉES ALIMENTAIRES
M. le président. - L'ordre du jour appelle la
discussion du rapport sur deux pétitions, l'une du conseil communal d'Ath qui
demande une loi ordonnant le recensement immédiat des denrées alimentaires, et
l'autre de plusieurs fabricants, négociants et ouvriers de la commune de Mozet
demandant qu'on fasse le relevé des grains qui se trouvent dans le pays et
qu'une loi en ordonne la vente.
La commission propose le
renvoi de ces deux pétitions à M. le ministre de l'intérieur.
M. David. - Je demanderai, messieurs, qu'on
accorde la priorité à la demande d'un crédit supplémentaire, faite par M. le
ministre des travaux publics, et dont le chiffre est à peu près égal à celui du
crédit déjà voté. Ce projet présente une véritable urgence. Il s'agit de mettre
le gouvernement à même de payer des créanciers qui attendent depuis longtemps.
Des plaintes extrêmement vives s'élèvent à cet égard.
M. le président. - La chambre a déjà décidé qu'elle
discutera ce projet à la suite des autres qui se trouvent à l'ordre du jour.
M. David. - Si nous abordons la question des
denrées alimentaires nous en aurons pour tout le reste de la séance.
- La chambre, consultée,
décide qu'elle maintient l'ordre du jour tel qu'il a été fixé.
M. le président. - La discussion est ouverte sur les
conclusions de la commission des pétitions, tendant au renvoi à M. le ministre
de l'intérieur, des requêtes relatives aux denrées alimentaires.
M. Lebeau. - Je demanderai si ce n'est pas
dans une de ces pétitions qu'on sollicite une espèce de loi de maximum.
Des membres. - Oui.
M. Lebeau. - Alors je proposerai l'ordre du
jour. Une pétition qui demande une loi de maximum ne peut pas être renvoyée par
la chambre à M. le ministre de l'intérieur ; ce serait accréditer les plus
funestes préjugés dans les populations.
- L'ordre du jour est mis
aux voix et adopté.
PROJET DE LOI
TENDANT A AUGMENTER LE PERSONNEL DU TRIBUNAL DE NIVELLES
M. le président. - La section centrale propose
l'adoption du projet, dont l'article unique est ainsi conçu :
« Le personnel du
tribunal de première instance de Nivelles est augmenté d'un juge ».
M. Lange. - Je ne viens pas combattre le
projet de loi en discussion, je l'ai adopté en section, j'en ferai de même ici.
Mais, à cette occasion,
je rappellerai qu'un projet de loi fut aussi présenté pour l'augmentation du
personnel du tribunal de Mons.
La cour d'appel,
consultée, émet à l'unanimité, dans son assemblée générale du 18 février
dernier, un avis entièrement favorable à ces deux projets de loi, concernant
l'augmentation du personnel des tribunaux de Mons et de Nivelles, et en appelle
l'adoption de tous ses vœux, parce qu'elle les considère comme satisfaisant à
des nécessités indispensables.
Je viens, en conséquence,
témoigner mes plus vifs regrets et me plaindre du retard qu'a apporté M. le
ministre de la justice à la remise de la délibération de la cour d'appel, en ce
qui concerne le tribunal de Mons, et qui est cause que la section centrale n'a
pu s'occuper de ce projet et qu'il ne sera pas discuté dans cette session.
M. le ministre de la justice (M.
d’Anethan). - Je
n'accepte en aucune façon les reproches de l'honorable M. Lange ; ils ne sont
nullement mérités. Dès l'instant que la section centrale m'eut fait exprimer
officieusement, par l'organe de l'honorable M. Lange, le désir de recevoir
l'avis de la cour d'appel sur l'augmentation du personnel du tribunal de Mons,
cet avis a été demandé, et aussitôt qu'il m'est parvenu je l'ai communiqué à la
section centrale. J'ai agi pour Mons comme j'ai agi pour Nivelles ; ce n'est
pas ma faute si le rapport pour le tribunal de Mons n'a pas encore été
présenté.
M. Lange. - Messieurs, la réponse de M. le
ministre de la justice ne me satisfait en aucune manière. Il est très vrai que
quand j'ai eu l'avantage de prévenir M. le ministre de la justice que la
section centrale désirait avoir les avis de la cour d'appel, non seulement sur
l'augmentation du personnel du tribunal de Nivelles, mais aussi sur
l'augmentation du personnel du tribunal de Mons, M. le ministre a déclaré à l'instant
même qu'il allait s'en occuper et provoquer ces avis. Cela est très vrai et (page 1744) la chose, eut lieu, en
effet, puisque la cour d'appel s'est assemblée le 18 février, pour examiner les
deux projets de loi qui lui avaient été soumis.
C'est dans cette séance
du 18 février que la cour d'appel, à l'unanimité, a émis un avis favorable, et
quant au tribunal de Nivelles et quant au tribunal de Mons ; et il est à
remarquer que c'est par un seul et même avis qu'elle s'est prononcée sur les deux
tribunaux. Comment se fait-il, je le répète, que la section centrale n'a été
saisie que du rapport concernant le tribunal de Nivelles ? Comment se fait-il
qu'il a été fait rapport sur le projet relatif au tribunal de Nivelles et que
la section centrale n'a pas été appelée à se prononcer sur l'augmentation du
personnel du tribunal de Mons ?
- Il est procédé à
l'appel nominal sur l'article unique du projet de loi.
Le projet de loi est
adopté par 49 voix contre 3 (celles de MM. de T'Serclaes, Kervyn et de Meester).
Il sera transmis au sénat.
PROJET DE LOI
ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU DEPARTEMENT DE L’INTERIEUR
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux) (pour une motion d’ordre). - Messieurs, dans la séance du 17
avril dernier, j'ai présenté un projet de loi tendant à accorder au département
de l'intérieur un crédit supplémentaire pour le fonds de non-valeurs et pour le
fonds d'agriculture. Il s'agit principalement d'indemnités pour bestiaux
abattus. Ce projet de loi intéresse 913 personnes, et eu égard à la nature du
projet, vous comprendrez parfaitement que ce sont des personnes qui sont
généralement dans une position plus ou moins nécessiteuse.
Je dois reconnaître que
la commission à laquelle le projet de loi a été renvoyé, n'a pas eu le temps de
faire son rapport ; mais je puis donner à la chambre l'assurance que toutes les
pièces ont été minutieusement vérifiées. Si ce projet de loi n'était pas voté aujourd'hui,
il en résulterait un retard de plusieurs mois ; ce qui serait très fâcheux, eu
égard aux circonstances dans lesquelles nous nous trouvons, et à la position
gênée de la plupart des personnes qui doivent toucher ces indemnités.
Je propose, en conséquence,
à la chambre de discuter le projet de loi séance tenante.
- Cette proposition est
adoptée.
« Article unique. Le
budget des dépenses du département de l'intérieur pour l'exercice 1846, fixé
par la loi du 15 juin de la même année (insérée au Moniteur du 19 juin 1846),
est augmenté de la somme de cent soixante mille neuf cent cinquante-trois
francs quarante-trois centimes (fr. 160,983-43), répartie comme suit :
« 1° Secours dus sur
le fonds de non-valeurs.
« Quarante-six mille
quarante-quatre francs cinquante centimes, pour secours restant dus aux
personnes qui sont réduites à la détresse, par suite d'événements de force
majeure, pendant l'année 1846.
« 2° Indemnités dues
pour bestiaux abattus et service vétérinaire.
« Cent quatorze mille
neuf cent huit francs quatre-vingt-treize centimes, pour indemnités dues pour
bestiaux abattus et pour frais de route et de séjour relatifs au service
vétérinaire.
« Ces allocations
formeront les article 1 et 2 du chapitre XXV du budget du ministère de
l'intérieur pour l'exercice 1846. »
- Personne ne demandant
la parole, il est passé à l'appel nominal sur l'article unique du projet de
loi.
54 membres ont répondu à
l'appel nominal.
53 ont répondu oui.
Un membre (M. Delfosse)
s'est abstenu.
En conséquence le projet
de loi est adopté. Il sera transmis au sénat.
M. le président. - M. Delfosse, qui s'est abstenu,
est prié, aux termes du règlement, de faire connaître les motifs de son
abstention.
M. Delfosse. - Je n'ai pas voté contre, parce
qu'il s'agit de sommes légitimement dues que l'on ne peut se dispenser de
payer. Je n'ai pas voté pour, parce que je ne veux pas sanctionner par mon vote
la mauvaise tendance que MM. les ministres ont à faire voter des crédits
supplémentaires considérables à la fin d'une session, en quelque sorte sans
examen.
PROJET DE LOI
ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS (LECTURE
D’UN RAPPORT)
(Nous donnerons ce
rapport.)
Des membres. - L'impression du rapport.
M. le président. - La première question est celle de
savoir si l'on veut procéder immédiatement à la discussion du projet.
Des membres. - Non ! non !
M. Rogier. - N'y a-t-il pas dans le nombre des
créances d'une extrême urgence.
M. de Man d’Attenrode,
rapporteur. - Il
me serait très difficile de faire la part de ce qui est indispensable et de ce
qui ne l'est pas.
M. Osy. - Messieurs, nous assistons
véritablement à un spectacle douloureux... Au commencement de la séance, vous
avez voté un crédit de 500,000 et des francs pour les créances arriérées de
1846 ; il a été impossible à la section centrale de se livrer à l'examen des
détails du projet ; mais vous avez voté, dans le seul intérêt des créanciers de
l'Etat, un à-compte de 500,000 fr.
Mais vous conviendrez
qu'après le rapport de l'honorable membre, il serait inconvenant de voter, sans
examen, des dépenses aussi fortes, et qui constituent des excédants de dépenses
presque sur tous les articles du budget. Pour agir ainsi, mieux vaudrait ne
plus voter de budget, et payer quand MM. les ministres viendraient nous
présenter leur mémoire. Car avec un système semblable, il n'y a plus de budget,
il n'y a plus de comptabilité, plus de garantie pour le pays. Sans doute, pour
les créanciers, c'est très fâcheux. Mais la responsabilité du préjudice qu'ils
éprouvent ne peut retomber que sur le gouvernement. Comment voulez-vous qu'avec
un rapport comme celui que vient de présenter M. de Man, qu'il a dû faire
depuis hier, comment voulez-vous que nous puissions voter sans l'avoir examiné
?
Si
vous n'examinez pas les états de dépenses qu'on vous fournit, il n'y a plus de
gouvernement représentatif.
Dans le département des
travaux publics, on jette l'argent par portes et fenêtres. Pour l'ameublement
d'une voiture on dépense 16,000 francs ; pour l'ameublement des appartements du
ministre, on fait des dépenses dans la même proportion. Je crois que nous
devons donner une leçon au gouvernement et ajourner le crédit demandé à la
session prochaine. Jusqu'ici j'ai plaidé la cause du créancier, mais ici je ne
puis plus le faire sans déserter la défense des intérêts du trésor, que nous
sommes chargés de sauvegarder.
M. le ministre des travaux publics (M.
de Bavay). - Je
conçois qu'il y ait certaine difficulté à voter le crédit demandé, après une
simple lecture du rapport de l'honorable M. de Man. Moi-même je ne serais pas
dans la possibilité de discuter les faits nombreux consignés dans ce rapport,
et sur quelques-uns desquels j'aurais peut-être des rectifications à présenter.
Mais d'un autre côté, ce
serait un fait très grave que d'ajourner le payement de fournitures faites de
bonne foi. Une chose à laquelle je consentirais, ce serait de tenir en suspens
tout ce qui concerne le payement des dépenses du personnel ; on se bornerait à
faire les fonds pour le payement des fournitures, pour des dépenses toutes
matérielles.
Les
plus élevées de ces dépenses ont été faites pour l'exploitation du chemin de
fer en 1845. Ces fournitures ont permis de réaliser des recettes qui ont
dépassé les évaluations portées au budget des voies et moyens. Maintenant que
l'Etat a profité de l'extension des transports, peut-il ajourner le payement
des créanciers ? Je pense que ce serait un fait extrêmement grave et
regrettable. Je proposerai donc d'ajourner les dépenses pour le personnel et
d'accorder globalement le chiffre relatif au matériel en y opérant une certaine
réduction. De cette manière, la chambre aurait un moyen d'examiner et de
discuter les demandes en détail à la session prochaine ; mais on ferait une
provision pour payer les créanciers de l'Etat.
M. Verhaegen. - Je demande l'impression du
rapport avant toute discussion : c'est l'exécution du règlement. Si les
créanciers de l'Etat ont à se plaindre de n'être pas payés, ce n'est pas à la
chambre qu'ils doivent s'en prendre, mais au gouvernement seul, et à la négligence
impardonnable qu'il a apportée dans la demande des crédits et dans leur
justification.
Quand a-t-on fait la
demande de crédits supplémentaires ? Au mois d'août, me dit-on. Mais les pièces
justificatives n'ont été remises à la chambre qu'hier. On a donc attendu
jusqu'au moment où nous allions nous séparer pour justifier une demande de
crédit provisoire faite il y a près d'un an. Je dis que c'est une chose inouïe
que d'attendre le dernier jour pour demander des crédits provisoires s'élevant,
pour un département seul, à un million et au-delà. On ne pourra justifier la
conduite qu'on tient dans l'occurrence.
On nous dit : « La
chambre a raison de demander des renseignements, mais les créanciers sont dans
une position malheureuse ; que les ministres aient fait les dépenses à tort ou
à raison, les créanciers ont été de bonne foi ; en un mot, ce sont des faits
accomplis ; mettons de côté, si l'on veut, ce qui concerne le personnel, mais
il faut voter tout ce qui a rapport au matériel. »
On consent même à faire
sur tout cela une réduction ; on marchande ; on demande 300,000 fr., peut-être
se contenterait-on de 200,000 fr. et même de 150,000.
M. le ministre des travaux publics (M.
de Bavay). - Pas
du tout !
M. Verhaegen. - Vous avez demandé qu'on votât le
chiffre relatif au matériel avec une certaine réduction.
M. le ministre des travaux publics (M.
de Bavay). - II
ne faut pas isoler ces paroles du sens que j'y ai attaché. J'ai dit que c'était
pour réserver l'examen de la chambre.
M. Verhaegen. - J'ai entendu la lecture du
rapport d'une manière fugitive : il me semble toutefois que, dans le crédit
sollicité, il est question d'ameublement dont le prix a été prélevé sur des
sommes destinées au matériel du chemin de fer.
J'ai
compris qu'il y avait un surcroit de dépenses imprévues pour 80 mille fr., des
menues dépenses pour 60 mille fr. et 360 mille fr. de je ne sais quoi. Et on
voudrait nous faire voter cela une demi-heure avant la fin de la session ! Je
dis que c'est une mauvaise plaisanterie ; on ne procède pas de cette manière.
Les travaux publics sont en vérité devenus la lèpre de nos finances. On prend
sur le matériel du chemin de fer pour faire des ameublements ; on étale dans
les stations, et notamment à la (page
1745) station dit Nord à Bruxelles, un luxe insolent en présence des
circonstances où nous nous trouvons.
Puis, on voit figurer des
fournitures de bureau pour 102,000 francs, et M. de Man dit qu'il y a encore
d'autres sommes considérables demandées pour le même objet. Pour moi, je le
déclare, je ne voterai pas de semblables dépenses sans y voir clair. Le pays
aurait de graves reproches à nous faire, si nous nous laissions prendre à de pareils
manèges.
M. le ministre des travaux publics (M.
de Bavay). - Je
dois protester contre les expressions dont l'honorable préopinant vient de se
servir en terminant. Il n'y a ici aucune espèce de manège. Si j'ai proposé de faire
une réduction sur le chiffre demandé, c'est pour réserver l'examen de la
chambre. Je n'ai nullement entendu marchander ; un pareil procédé serait peu
digne de la chambre ; et je le trouverais peu digne de moi. Mon seul but, je le
répète, a été de réserver l'examen de la chambre et de donner au gouvernement
le moyen de payer les créanciers de l'Etat.
L'honorable membre paraît
croire qu'on a attendu le dernier jour pour présenter les renseignements
demandés, afin d'empêcher la chambre de les examiner.
Rien n'est moins vrai. La
chambre sait que la discussion du budget des travaux publics a été fort longue
; cette discussion a duré trois semaines ; elle a absorbé presque tout le temps
de la chambre, depuis les vacances de Pâques. Il m'était assez difficile de
m’occuper concurremment du budget et des crédits supplémentaires.
Il s'agit ici d'une
demande qui date de la session dernière, et qui a été présentée avec beaucoup
de pièces à l'appui. Si ces pièces ne suffisaient pas, on pouvait demander des
pièces supplémentaires.
II y a
huit jours que je me suis adressé à M. le président de la chambre pour demander
que ce projet de loi fût mis en discussion.
Je me suis en outre mis
en rapport avec l'honorable M. de Man, qui a consenti à s'occuper de cette
affaire avec zèle et avec une bonne volonté que je ne puis assez reconnaître.
J'ai donné l'ordre qu'on mît à sa disposition tous les renseignements dont il
pouvait avoir besoin. Je suis persuadé qu'il n'hésitera pas à déclarer qu'on
s'est conformé à mes instructions, avec une entière franchise et sans vouloir
rien dissimuler.
Je n'ai l'intention ni de
surprendre un vote, ni de marchander une allocation. La seule chose à laquelle
je tienne, c'est d'être en mesure de payer les créanciers de l'Etat.
(page 1755) M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, l'honorable
M. Verhaegen vient d'adresser des paroles un peu dures à M. le ministre des
travaux publics; il lui a reproché d'avoir mis du mauvais vouloir, quant à la
remise des renseignements nécessaires pour apprécier le fondement des
propositions de crédits supplémentaires qui nous occupent.
Je crois devoir donner
quelques éclaircissements qui seront de nature à atténuer les reproches qui lui
ont été adressés, et à prendre ma part de responsabilité, s'il y a lieu.
Lors de la session
extraordinaire du mois d'août 1846, le gouvernement déposa une demande de
crédits supplémentaires destinés au chapitre des chemins de fer, qui s'élevait
à fr. 653,917 12.
La section centrale,
chargée d'examiner ce projet, proposa par mon organe de n'allouer que le
chiffre de 160,378 fr. pour renouvellement de billes el de fers. Le reste du
crédit n'étant pas suffisamment justifié, et n'ayant pas le loisir, à cause de
l'époque avancée de la session, de demander des renseignements, fut ajourné.
Depuis lors le gouvernement ne fit aucune réclamation en faveur de l'examen de
ce crédit supplémentaire.
De mon côté je n'étais
pas bien certain que la section centrale à laquelle j'avais eu l'honneur
d'appartenir, eût à se saisir de cet examen.
Comme le gouvernement ne
réclamait pas, je me gardai bien de rappeler ce projet de dépenses. On ne se
hâte pas ordinairement de prendre à sa charge une besogne pénible. Pourquoi
aurais-je réveillé des créanciers qui ne réclamaient pas, et cela tandis que
leurs prétentions paraissaient contestables ?
D'autres travaux ont
d'ailleurs absorbé mon temps ; et les choses en sont restées où elles en
étaient au, mois d'août, lorsque la chambre s'est séparée.
Il y a quelques jours
seulement qu'on vous a rappelé que le projet de crédit supplémentaire existait
toujours, qu'il y avait urgence de s'en occuper.
Le gouvernement s'adressa
aux membres de la section centrale. Je fus chargé de continuer la tâche que
j'avais commencée l'année dernière.
Je me mis aussitôt à
l'ouvrage ; et comme je tenais à remplir consciencieusement ma besogne de
rapporteur, je posai plusieurs questions au gouvernement, questions qui
tendaient à répandre le jour nécessaire sur la validité de ces demandes de
crédits supplémentaires.
Je dois le reconnaître,
et j'aime à vous le déclarer, messieurs, j'ai trouvé au département des travaux
publics la franchise la plus parfaite, et la bonne volonté la plus entière pour
me fournir tous les renseignements que j'ai réclamés, et dont j'avais besoin
pour éclairer l'examen de la section centrale.
Je ne pense pas qu'un
rapporteur chargé de l'examen d'une question de ce genre ait jamais obtenu des
renseignements aussi complets au département des travaux publics. Ce sont ces
renseignements qui m'ont permis de déposer un rapport franc et sincère, et qui
m'ont mis à même de proposer à la section centrale des conclusions, dont
j'assume la responsabilité.
Ne serait-il pas pénible
que le prix de ce travail auquel j'ai consacré une partie de la journée d'hier
et une partie de la nuit, car j'ai eu à vérifier de nombreux états et quantité
de créances, fût un ajournement qui équivaudrait à peu près à un rejet?
J'aime à espérer,
messieurs, qu'il n'est sera pas ainsi.
Le projet en discussion a
d'ailleurs quelques droits à être traité au moins aussi bien que celui dont
l'honorable M. Osy a présenté le rapport.
Ce projet, comme celui en
discussion, concernait des crédits supplémentaires considérables pour les
travaux publics, nécessaires parce que divers articles avaient été dépassés.
L'honorable M. Osy
présente un rapport concis, dépourvu de pièces justificatives; car il se borne
à ajourner environ 100,000 fr., et ce projet n'a rencontré aucune voix pour le
combattre. Ce projet a été adopté dans cette séance, sans discussion et à
l'unanimité.
Le projet de loi dont
j'ai eu l'honneur de déposer le rapport est donc identique avec celui que vous
venez de voter. Il y a cependant une différence, c'est que les créances qui le
concernent sont plus anciennes, puisqu'elles se rapportent aux exercices 1844
et années antérieures, et à l'exercice 1845.
De plus, les propositions
de la section centrale, que je défends, sont entourées de renseignements et de
pièces justificatives nombreuses ; elles sont accompagnées d'engagements pris
par le gouvernement, d'agir à l'avenir d'une manière plus régulière, et ces
engagements sont de quelque valeur.
Vous conviendrez,
messieurs, qu'il serait étrange de rejeter les propositions de la section
centrale, précisément parce que j'ai mis la situation à découvert, parce que je
les ai entourées de renseignements nombreux.
Tel ne peut être le prix
de mes recherches et de ma sincérité. Ce (page
1756) résultat serait, je le déclare, peu encourageant pour les rapporteurs
futurs.
Au reste, je ne puis
m'empêcher d'exprimer ma surprise de ce que l'honorable M. Osy ne me prête pas
son appui en cette circonstance, car il a pris une large part aux conclusions
prises par la section centrale ; il a contribué à me les faire adopter ; et si
nous avons pris ces conclusions, c'est à cause des engagements pris par le
gouvernement d'en agir plus régulièrement à l'avenir, c'est à la condition de
faire peser un blâme sur son administration.
Le gouvernement a fait
preuve d'une sincérité inaccoutumée, il a soulevé le voile qui couvrait le
ménage de l'administration. Il a pris des engagements satisfaisants. Le blâme
articulé dans le rapport doit suffire.
D'ailleurs, comment
avons-nous procédé pour les comptes arriérés? Nous sommes-nous montrés aussi
exigeants? Avons-nous pénétré dans les détails ?
Le règlement d'un compte
est cependant un acte bien plus grave que celui d'une concession de crédits.
Régler un compte, c'est
décharger les administrateurs de toute responsabilité, c'est l'acte final de
toute opération de finances, tandis qu'une concession de crédits en est
l'origine, et que le recours à la responsabilité ne fait que commencer et
subsiste jusqu'au règlement des comptes.
Eh
bien, messieurs, je ne comprends pas cette excessive sévérité, quand il s'agit
de crédits, et l'extrême facilité que l'on montre, quand il s'agit de régler
les comptes.
Je le répète encore, le
gouvernement a fait preuve de bonne volonté ; je ne puis assez me louer de la
sincérité et de la prévenance qu'a mises M. le ministre à produire tous les
renseignements désirables. Cela mérite un bill d'indemnité ; les engagements
pris par le gouvernement sont, je le déclare, un grand pas vers un ordre de
choses meilleur.
Messieurs, je termine en
réclamant de nouveau pour le travail de la section centrale, dont je suis
l'organe, un accueil aussi bienveillant, que celui que vous avez accordé aux
propositions de l'honorable député d'Anvers.
(page 1745) M. de Tornaco. - Il s'agit, messieurs,
de décider si nous discuterons immédiatement le rapport qui vient d'être
présenté à la chambre. Je ne veux pas m'écarter de cette question. Je m'adresse
à vos consciences. Je vous demande si, en conscience, vous êtes en mesure de
discuter ce rapport. Comment ! ce rapport long, détaillé, contenant des
chiffres, des critiques si nombreuses sur l'administration des travaux publics,
serait mis en discussion, sans que nous eussions pu examiner si ces critiques
sont fondées ! C'est absolument impossible. M. le ministre des travaux publics
l'a lui-même reconnu.
Il a parlé de la dignité
du gouvernement et de la chambre. Ne serait-ce pas agir contre cette dignité
que de discuter immédiatement ce rapport !
M. le ministre a dit que
ce serait un fait grave que de ne pas payer les créanciers de l'Etat pour des
dettes contractées de bonne foi. Je demanderai à mon tour si ce ne serait pas
un fait extrêmement grave pour la représentation nationale, que de discuter une
question comme celle-là, sans qu'on ait pu examiner le rapport.
J'insiste pour
l'impression du rapport. Je demande qu'elle soit mise aux voix par appel
nominal avant toute discussion.
M. le ministre des finances (M. Malou). - L'appel nominal est de droit
quand il est demandé par cinq membres. Je ne pense donc pas que cela puisse
exercer la moindre influence sur la décision de la chambre.
La chambre a appliqué un
principe à l'exercice 1846 ; nous demandons qu'il soit appliqué aux exercices
1843,1844 et 1845.
11 y a des motifs plus
importants, puisque les réclamations légitimes des créanciers de l'Etat sont
plus anciennes.
L'honorable M. de Tornaco
suppose qu'il s'agit de discuter ce rapport ; il s'agit au contraire de
réserver cette discussion, puisque tout le monde reconnaît qu'elle ne peut
avoir lieu en ce moment.
Il s'agit, sous réserve
des droits de la chambre et pour que cette discussion ait lieu, d'allouer la
somme nécessaire pour les dépenses du matériel.
Lorsque mon honorable
collègue restreint sa demande aux dépenses du matériel, je m'étonne que sa
demande soit contestée.
Vous avez reçu, en 1845,
un million et demi de plus que vous n'aviez prévu. Les dépenses se sont accrues
dans une proportion infiniment moindre, et vous les refuseriez après deux ans !
Je
conçois les répugnances des honorables membres quant au personnel, parce que là
il y a une justification plus complète à fournir par le gouvernement. Mais
aucune objection ne peut être faite contre l'allocation d'un crédit de 300,000
fr. sous toute réserve en laissant au ministre la responsabilité des
imputations qu'il ferait sur ce crédit. C'est ainsi, si je ne me trompe, que la
proposition de l'honorable M. Osy a été adoptée tout à l'heure par la chambre.
De cette manière, je le
répète encore, tous les droits resteront saufs, et on réserve expressément la
discussion de toutes les questions qui se rattachent au rapport de l'honorable
M. de Man. J'en fais la proposition formelle. On pourrait rédiger le projet
dans les mêmes termes que celui qui a été adopté : « Il est alloué au département
des travaux publics un crédit supplémentaire de 300,000 fr. pour l'acquittement
des dépenses arriérées concernant les exercices 1845 et années antérieures. La
répartition en sera réglée par arrêté royal.»
M. Lebeau. - Messieurs, je ne comprends
vraiment pas la théorie que préconise M. le ministre des finances dans cette
circonstance. M. le ministre des finances dit : « Votez le crédit, et tous vos
droits seront réservés. » Mais la belle réserve qu'aura faite la chambre, quand
les crédits seront alloués ! Je crois que MM. les ministres ne s'opposeront
jamais à des réserves de cette nature, dès que la chambre voudra bien leur
livrer les fonds qu'ils demandent.
Mais la chambre jouerait
ainsi un rôle auquel sans doute elle ne voudra pas descendre. Si elle
consentait à ce que demande M. le ministre, la chambre ferait précisément dire
d'elle, avec une légère variante, ce que disait le cardinal Mazarin des
français :« Ils chantent, donc ils payeront. » On dirait de la chambre : « Elle
gronde, donc elle payera. » (Interruption.)
On nous dit qu'il s'agit
de dépenses du matériel. On veut bien ajourner ce qui concerne le personnel, et
on veut nous disposer à l'acceptation du crédit demandé pour le matériel, par
cette considération qu'à l'aide du matériel on a grossi les recettes de l'Etat.
Mais s'il était démontré que les crédits ont été excédés uniquement pour
acheter des locomotives, des voitures et des waggons, je crois que la chambre
serait assez disposée à admettre la demande de M. le ministre.
Mais si c'est en
détournant les fonds des spécialités pour lesquelles ils avaient été votés par
la chambre, si c'est pour arriver à l'achat de meubles de luxe, à faire des
dépenses somptueuses qu'on a excédé les crédits, et cela paraît résulter du
travail de M. le rapporteur, je dis que la chambre ne peut accueillir la
proposition ministérielle.
Je dois maintenant dire
un mot spécialement à M. le rapporteur de la section centrale.
M. le rapporteur se
tromperait étrangement, s'il croyait qu'il y eût de la part de la chambre
manque d'égards, manque de déférence pour lui dans l'ajournement qui est
proposé. Je dis, au contraire, que c'est de la part de la chambre, un hommage
rendu au travail consciencieux et approfondi de M. le rapporteur. La chambre ne
veut pas tenir pour non avenu un travail rédigé avec tant de soin, et qu'il lui
a été impossible d'apprécier complètement ; mais dont il lui a été possible,
malgré la rapidité de l'exposé de M. le rapporteur, d'entrevoir l'importance.
J'aimerais mieux quant à
moi, dans l'intérêt des droits, dans l'intérêt de la dignité de la chambre et
du gouvernement représentatif, rester ici huit ou dix jours de plus que de
consentir à voter en aveugle, avec un bandeau sur les yeux, une somme de près d'un
demi-million.
Il
n'y a pas ici, messieurs, d'hostilité contre le cabinet. Les faits sur lesquels
la censure de M. le rapporteur s'est exercée sont étrangers à M. le ministre
actuel des travaux publics. Il n'y a donc dans cette question rien de personnel
ni à M. le ministre des travaux publics, ni aux membres du cabinet ici
présents. Ici nous sommes tout à fait à l'aise. Je puis faire un appel à toutes
les opinions. Il s'agit de sauver la dignité de la chambre et je dirai même la
dignité du gouvernement représentatif qui serait grandement compromise par le
vote aveugle auquel on vous convie.
Je demande donc
formellement, et ce n'est pas par voie d'intimidation contre qui que ce soit,
mais pour dégager ma responsabilité, que la chambre soit consultée par appel
nominal sur la question de l'impression préalable du rapport.
M. Brabant. - Messieurs, la discussion qui a
lieu en ce moment prouve combien il serait nécessaire que la chambre fît
procéder à un examen sérieux du compte rendu de l'exploitation du chemin de
fer, qui doit nous être distribué et qui nous est distribué réellement chaque
année. La nécessité de la plupart des crédits qui nous sont demandés
aujourd'hui était connue par le compte rendu de l'exploitation en 1845. Si une
commission avait été chargée de l'examen de cet acte du gouvernement, on se
serait fait fournir des pièces justificatives pour tous les articles de
dépenses qui ont excédé les allocations.
J'insiste donc pour que
désormais la chambre veuille bien charger une commission de l'examen de ce
travail. C'est, du reste, le seul moyen d'arriver à une connaissance exacte des
besoins du chemin de fer.
L'honorable M. Lebeau a
fait observer avec beaucoup de raison, et c'est un point sur lequel je dois
insister, que la responsabilité de M. le ministre des travaux publics actuel
n'est pas du tout engagée par les dépenses qui sont aujourd'hui en discussion.
Ces dépenses ont été faites sous une autre administration.
Je ne voudrais pas donner
mon assentiment au projet tel qu'il est proposé par le gouvernement. Mais je
crois que comme M. le ministre des finances l'a fait observer tout à l'heure,
on pourrait bien faire pour l'année 1845 et les années antérieures ce que la
section centrale, par l'organe de l'honorable M. Osy, vous a proposé pour les
dépenses de 1846.
Il ne m'appartient pas de
juger des dépenses pour lesquelles un crédit vous est demandé aujourd'hui. Mais
j'ai vu quelques détails. L'honorable M. de Man a bien voulu me consulter sur
quelques-uns des états ; el il ne faut pas s'exagérer cette dépense prétendue
d'ameublement sur laquelle ont insisté les honorables MM. Lebeau et Verhaegen.
Il y a eu une dépense assez considérable, mais qui ne sortait pas du cercle des
allocations. Je ne veux pas dire à quoi elle se rapporte ; mais qu'on ne se
figure pas que cette dépense se rapporte à des meubles proprement dits, à moins
qu'une voiture ne soit qualifiée comme meuble, ce qui est assez dans sa nature.
(page 1746) J'appuie donc la proposition faite par M. le ministre des
finances, d'allouer une somme qui serait destinée au payement des dépenses
incontestables, et il peut y en avoir pour une somme assez considérable.
Ainsi, chaque année le
parcours réalisé a été supérieur au parcours prévu.
Or, messieurs, à mesure
que vous faites marcher un plus grand nombre de locomotives, que vous leur
faites parcourir une distance plus considérable, vous devez consommer plus de
coke, vous devez consommer plus d'huile, vos locomotives et vos voitures
s'usent davantage, et je suis persuadé, sans avoir présents à l'esprit les
différents chapitres du compte rendu de 1845, que c'est surtout à cette nature
de dépenses que se rapportent les crédits supplémentaires.
Ainsi donc, le crédit que
vous alloueriez aujourd'hui serait destiné à payer une partie du matériel, la
partie incontestable, la partie à l'abri de toute critique et qui devait
nécessairement résulter de l'extension qu'a prise l'exploitation du chemin de
fer. (Interruption.)
Le ministère usera du
crédit sous sa responsabilité. C'est ce que l'honorable M. Osy a proposé tout à
l'heure, et c'est ce qui a été adopté. Le gouvernement demandait pour 1846 un
supplément de crédit de 651,000 francs ; la section centrale a proposé 536,000
fr., et la chambre a adopté ce chiffre. Eh bien, messieurs, il y avait dans ces
536,000 fr. une dépense qui était certainement bien plus une dépense de luxe
que quantité de celles qui sont critiquées en ce moment, et M. Verhaegen a été
le premier à saisir la chambre, en quelque sorte, de cette dépense ; je veux parler
de la somme nécessaire pour payer les fournisseurs d'objets ayant servi à la
fête du 15 juin.
M. Verhaegen. - Le crédit était fait.
M. Brabant. - Je vous demande pardon ; un
crédit de 40,000 fr. avait été alloué pour la fête, et la dépense s'est élevée
à 76,000 fr. Vous-même l'avez dit, et c'est vous le premier qui avez signalé à
la chambre qu'il restait des créanciers pour une somme considérable. Eh bien,
messieurs, vous venez, dans cette séance, d'allouer les crédits nécessaires
pour éteindre ces dettes « criardes » ; car je crois que s'il est
juste de payer ceux qui ont fourni des comestibles qu'on aurait pu ne pas
manger, il est juste aussi de payer ceux qui ont fourni du charbon, du fer, de
l'acier, choses beaucoup plus essentielles à la circulation du chemin de fer,
que des vins, des pâtés et autres objets pour lesquels des fonds ont été votés
tout à l'heure.
La chambre, en adoptant
la proposition de M. le ministre des finances, ne fera que ce qu'elle a fait
tout à l'heure, sur la proposition de la section centrale, et d'une section
centrale qu'on ne peut certes pas taxer d'un excès d'indulgence. Je crois, au
contraire, rendre hommage à l'honorable rapporteur, en disant qu'il n'est pas
de ceux qui accordent bien facilement les deniers publics. Eh bien, messieurs,
je demande qu'on fasse maintenant ce qu'on a fait tout à l'heure.
Je ne connais, messieurs,
qu'une seule des dépenses dont il s'agit, et je ne sais qu'elle est comprise
dans le crédit que parce que j'ai prêté attention à la lecture du rapport de
notre honorable collègue, M. de Man ; si je ne me trompe, c'est une somme de
15,000 francs, destinée à des travaux faits à la station de Charleroy.
Lorsqu'on a construit la station de Charleroy, on a été obligé de reporter les
fortifications...
Un membre. - Vous discutez le fond.
M. Brabant. - C'est une explication qui est
nécessaire, si la chambre veut juger en connaissance de cause. Moi je n'ai pas
été très facile pour les dépenses du budget des travaux publics ; j'aurais été
plus difficile peut-être si j'avais mieux connu les choses, mais il est ici un
point qui me frappe : quiconque a l'expérience d'une entreprise commerciale (et
le chemin de fer est une entreprise commerciale) doit savoir qu'à mesure qu'on
étend les opérations, on doit aussi étendre la dépense. Il peut y avoir des
dépenses mal faites, et ces dépenses seront rejetées par la chambre lorsqu'elle
en aura fait un examen sérieux ; mais il n'est pas probable que tout soit
rejeté ; nous n'irons pas statuer qu'on a eu tort de faire circuler un certain
nombre de locomotives, un certain nombre de voitures en sus des prévisions ;
l'utilité de cette circulation se trouve à peu près justifiée par
l'augmentation des recettes du chemin de fer.
Il
s'agit, messieurs, de donner un à-compte et un à-compte qu'on ne peut employer
à aucune espèce de traitements ni d'indemnités pour le personnel, mais qui
permettra au gouvernement de ne pas être constamment harcelé par des
créanciers, dont quelques-uns peuvent se trouver dans une position telle qu'il
leur soit impossible d'accorder de très longs crédits.
Ces dépenses, je le
répète encore une fois, se rapportent à 1845. La responsabilité de M. le
ministre actuel est complètement dégagée pour ces dépenses, et l'on suppose
bien qu'il n'ira pas s'exposer à un refus de crédit pour des dépenses qu'il
aurait soldées et dont il aurait assumé la responsabilité en les payant
légèrement, en les payant sans que l'utilité en fût bien constatée.
M. Delfosse. - Il convient certainement de payer
les créanciers de l'Etat, mais il convient aussi d'examiner les projets de loi
avant de les voter. Je me suis souvent élevé contre la déplorable facilité avec
laquelle la chambre vote les crédits supplémentaires, presque toujours à la fin
d'une séance ou à la fin d'une session, presque toujours sans examen. Je suis
fâché de le dire, mais la chambre a voté aujourd'hui une foule de choses avec
trop de précipitation. J'ai dû sortir un instant, et quand je suis rentré j'ai
appris, à mon grand étonnement, qu'on avait voté sans discussion, le projet de
loi fort important sur lequel l'honorable M. Osy a fait rapport.
Et c'est parce qu'on a
voté ce projet avec une déplorable facilité qu'on veut encore nous faire voter
de la même manière d'autres dépenses très considérables ! Comment ! parce qu'un
abus a été commis (et certes c'est un abus d'avoir voté avec autant de facilité
les crédits qui ont fait l'objet du rapport de l'honorable M. Osy), parce qu'un
abus a été commis, il faut en commettre un autre ? C'est une singulière manière
de raisonner. L'honorable M. de Man disait tantôt que son rapport était un pas
fait vers un meilleur ordre de choses. Messieurs, je ne vois pas du tout que ce
soit un pas fait vers un meilleur ordre de choses : le rapport de l'honorable
M. de Man est un rapport consciencieux, comme l'honorable membre a l'habitude
d'en faire. Ce n'est pas un pas fait vers un meilleur ordre de choses ; c'est
un rapport semblable à d'autres rapports de l'honorable baron de Man.
Quelles
sont les conclusions de ce rapport ? C'est qu'on a eu tort de faire les
dépenses, mais que cependant il faut payer. Ce n'est pas là un pas fait vers un
meilleur ordre de choses, presque toutes les sections centrales ont abouti aux
mêmes conclusions.
Nous ne ferons un pas
vers un meilleur ordre de choses, que lorsque nous aurons, une bonne fois,
donné une leçon à MM. les ministres, lorsque nous les aurons rendus
responsables des dépenses injustifiables, faites en dehors des budgets.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, si nous mettons
quelque insistance à demander le vote du crédit, c'est afin que plus tard l'honorable
M. Delfosse puisse, s'il y a lieu, déclarer le ministre responsable d'avoir
fait la dépense. En effet la discussion aura lieu au fond, mais nous insistons
pour que la chambre vote maintenant la somme nécessaire pour payer des dépenses
de matériel légitimement dues. Faut-il, parce que le ministre des travaux
publics ou l'honorable rapporteur a perdu de vue quelque temps le projet,
forcer les créanciers de l'Etat à attendre 6 mois encore le payement de leurs
créances ? Tel est le véritable état de la question.
L'autre jour, pour des
dépenses de 1846, on nous mettait en demeure de présenter un projet de loi ;
aujourd'hui, pour des créances plus anciennes, pour des créances matérielles,
incontestables, on vous propose, parce qu'il y aurait eu négligence, oubli, d'inviter
ces créanciers à attendre encore six mois !
Il y a ici un moyen de
concilier le droit de la chambre et celui des créanciers de l'Etat, c'est
d'accorder une provision, sous réserve, s'il y a lieu, de déclarer responsable
le ministre qui a fait les dépenses. Le droit de la chambre reste tout entier,
et l'honorable M. Delfosse pourra faire faire autant de pas qu'il voudra dans
la voie qu'il vient d'indiquer.
- La discussion sur la
question préalable est close.
M. le président. - Voici dans quels termes le
projet, si on le discutait, serait conçu :
« Art. 1er. Il est alloué
au département des travaux publics un crédit supplémentaire de 300,000 francs,
pour l'acquittement des dépenses arriérées concernant l'année 1845 et les
années antérieures. »
Il s'agit de savoir si
l'on mettra immédiatement ce projet en discussion.
M. Verhaegen. - Je demande qu'on imprime le
rapport avant la discussion.
M. le président. - C'est une nouvelle proposition ;
je consulterai la chambre.
M. Brabant.- Je demande la parole sur la
position de la question.
La question, telle
qu'elle est posée par l'honorable M. Verhaegen, serait l'ajournement à la
session prochaine de toute la somme demandée.
M. Verhaegen. -Oui !
M. Brabant. - Pour ma part, je n'oserais pas y
consentir ; je voterai l'impression du rapport, pour être discuté en détail
dans la session prochaine, mais mon avis est d'allouer une provision.
M. le ministre
des finances (M. Malou). - Si d'honorables membres ne veulent pas qu'on vote pour ou contre la
discussion immédiate, eh bien, qu'ils proposent l'ajournement de ma proposition
; et alors les membres qui veulent que ma proposition soit discutée
immédiatement, voteront contre l'ajournement.
M. Verhaegen. - Nous avons pour nous le règlement
; nous avons demandé et nous continuons à demander l'impression du rapport
avant toute discussion, même avant la discussion sur les provisions. En effet,
pour savoir s'il faut donner une provision, il faut connaître les éléments de
la question ; le rapport seul peut nous fournir ces éléments.
M. Vanden
Eynde. - La
question sur laquelle nous discutons maintenant contient deux propositions ;
l'une concerne l'impression du rapport, et l'autre l'ajournement. Je demande la
division ; je demande qu'on vote séparément, et sur l'impression et sur
l'ajournement.
M. Delfosse. - Messieurs, l'honorable M. Brabant
vient de dire qu'ajourner en ce moment, ce serait ajourner à la session
prochaine. Je ne suis pas de cet avis. Dès que le rapport sera imprimé et
distribué, la chambre pourra très bien se réunir pour le discuter. Je ne vois
pas pourquoi la chambre est si pressée de s'en aller. Le devoir de la chambre
est d'examiner mûrement les questions qui lui sont soumises.
M. Osy. - Messieurs, me conformant à ce qui
a été fait tout à l'heure pour l'autre crédit alloué au département des travaux
publics, je suis disposé à accorder une provision de 300,000 fr. sous la
responsabilité personnelle du ministre.
(page 1747) M. le président. - On demande que le rapport soit
imprimé, cela ne fait pas de difficulté ; on demande ensuite que l'impression
soit préalable à toute discussion.
M. Vanden Eynde. - Je continue à demander qu'on vote
séparément, d'abord sur l'impression, ensuite sur l'ajournement à la session
prochaine.
M.
le ministre des finances (M. Malou). - Il me semble qu'on peut concilier toutes les opinions, en
supposant que le président a reçu une proposition ainsi conçue :
« Je propose l'impression
avant toute discussion. »
Alors on votera d'abord
sur les mots : « Je propose l'impression, » et ensuite sur les mots : «
avant toute discussion. »
M. Loos. - Messieurs, si le rapport pouvait
être imprimé aujourd'hui, demain dans la journée on en ferait la distribution,
et nous pourrions nous réunir de bonne heure en séance publique, pour décider
s'il y a lieu d'accorder une provision.
M. Lebeau. - Si l'on peut imprimer le rapport
d'ici à demain, certainement cette proposition serait de nature à concilier à
peu près toutes les opinions. C'est une question sur laquelle le bureau peut
nous éclairer.
M. le président. - Il m'est très difficile de
m'expliquer sur ce point ; mais d'après l'étendue du rapport de l'honorable M.
de Man, j'ai peine à croire que la distribution puisse se faire avant demain
soir.
Je mets d'abord aux voix
la question de l'impression du rapport.
- Cette question est
résolue affirmativement.
M. le président. - Je mets maintenant aux voix la
question de l'impression préalable avant toute discussion.
Des membres. - L'appel nominal !
- Il est procédé à
l'appel nominal. En voici le résultat :
54 membres répondent à
l'appel.
37 membres répondent non.
17 membres répondent oui.
En conséquence,
l'impression préalable à toute discussion n'est pas admise.
On répondu oui : MM. de
Renesse, de Tornaco, de Villegas, Jonet, Lange, Lebeau, Loos, Lys, Maertens,
Orts, Rogier, Verhaegen, Biebuyck, David, de Bonne et Delfosse.
On répondu non : MM. de
Muelenaere, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, de T'Serclaes, A.
Dubus, B. Dubus, Dumont, Huveners, Kervyn, Lejeune, Lesoinne, Malou, Mercier,
Orban, Osy, Pirmez, Rodenbach, Simons, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde,
Vandensteen, Wallaert, Zoude, Anspach, Brabant, Clep, d'Anethan, de Corswarem,
Dedecker, de Haerne, de Lannoy, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de
Meester et Liedts.
- La chambre, consultée,
décide qu'elle s'occupera du projet provisoire présenté par M. le ministre des
finances.
__________________
« Art. 1er. Il est
alloué au département des travaux publics un crédit supplémentaire de 300,000
francs, pour acquittement des dépenses arriérées concernant les exercices 1845
et années antérieures, autres que celles du personnel.
« Ce crédit formera
le chapitre VIII, article unique, du budget du département des travaux publics
de l'exercice 1845.
« La répartition en sera réglée
par arrêté royal. »
- Personne ne demandant
la parole, cet article est mis aux voix et adopté.
________________
« Art. 2. La
présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »
- Adopté.
________________
Il est procédé au vote
par appel nominal sur l'ensemble du projet.
La chambre ne se trouve
pas en nombre suffisant.
Ont répondu oui : MM. de
Muelenaere, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, de T'Serclaes, Dubus
(Albéric), Dubus (Bernard), Dumont, Huveners, Kervyn, Lejeune, Lesoinne, Loos,
Malou, Mercier, Orban, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Simons, Troye, Van
Cutsem, Van den Eynde, Van den Steen, Wallaert, Zoude, Anspach, Biebuyck,
Brabant, Clep, d'Anethan, David, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Haerne,
de Lannoy, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester et Liedts.
M. Maertens a répondu
non.
La séance est levée à 4
heures 3/4 et renvoyée à demain.