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Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 19 mars 1847
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétitions relatives à une route dans le
Luxembourg (d’Hoffschmidt), aux droits sur le fer
(Delfosse, Delehaye) et au
projet de société d’exportation linière (de Roo)
2) Projets
de loi accordant la naturalisation ordinaire
3) Rapport
sur une pétition relative aux droits sur le natron (TM mettre dans droit sur
produits chimiques) (David)
4) Projets
de loi accordant des crédits supplémentaires au budget de la dette publique,
des affaires étrangères et de la marine
5) Projet
de loi apportant des modifications à la loi sur la milice. Société pour le
remplacement (Delfosse, Nothomb,
Nothomb, Orban, Nothomb, Prisse)
6) Projet
de loi (amendé par le sénat) sur la remise des droits de tonnage en cas d’importation
de denrées alimentaires
7) Projet
de loi apportant des modifications à la loi sur la milice. (Société pour le
remplacement (Orban, de Roo, Veydt, Nothomb, Prisse,
Orban, de Garcia, Nothomb, Orban), interdiction faite aux
fonctionnaires de travailler ou de partager les bénéfices d’une société d’encouragement
pour le remplacement (de Roo, d’Anethan),
dispositions transitoires, notamment durée du service militaire ou remplacement
(Lebeau, Prisse, de
Roo, Prisse, Lebeau, Donny, Prisse, Delfosse,
de Mérode, de Roo, Pirson, de Corswarem, Delfosse, de Garcia), date de
convocation des conseils de milice (d’Hoffschmidt,
de Roo, Delehaye, Prisse, de La Coste, d’Hoffschmidt, Prisse, Eloy de Burdinne, de Mérode, de La Coste), peine infligée aux réfractaires (de Bonne, A. Dubus, de Bonne, de Roo, Nothomb,
de Bonne), mariage des miliciens (Dumortier),
cas d’exemption (Vandensteen) (Delehaye)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1846-1847)
(Présidence de M. Vilain XIIII, vice-président.)
(page 1212)
M. Huveners fait
l'appel nominal à une heure.
Il donne ensuite lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la
rédaction en est approuvée.
II présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Plusieurs notaires du canton d'Aerschot demandent la prompte
discussion du projet de loi sur le notariat. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet.
M.
le président. - A cette occasion, j'informe la chambre que le
rapport sur le notariat sera présenté à la séance de demain.
__________________
« L'administration communale d'Austruweel demande que le gouvernement
achète de la graine de maïs pour la distribuer gratuitement ou bien à un prix
modéré. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le bourgmestre de la commune de
Nive demandé la reprise des travaux de construction de la route de Saint-Hubert
à Martelange, et notamment de la partie de cette route qui traverse la commune
de Nèves. »
M. d’Hoffschmidt. - Je demande que cette pétition soit
déposée sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.
Je me propose de demander des explications à M. le ministre sur le
contenu de cette pétition, dans laquelle on signale qu'on n'exécute aucuns
travaux à une route qui a été décrétée l'année dernière de St-Hubert à
Martelange, non seulement à cause de son utilité, mais encore afin de donner du
travail à la classe ouvrière. Cela me paraît fort étrange et je me propose de
demander à cet égard des explications à M. le ministre des travaux publics.
- Le dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux
publics est ordonné.
(page 1213) « Plusieurs mécaniciens, fondeurs, négociants et
industriels intéressés dans le commerce des fers, demandent une réduction des
droits d'entrée sur la fonte et sur le fer en barres. »
M. Delfosse. - Une pétition ayant le même but a été renvoyée à la
commission permanente d'industrie.
M.
le président. - C'est ce que j'allais proposer.
M. Delehaye. - Plusieurs fois la commission d'industrie a exprimé
son opinion sur l'utilité de baisser les droits d'entrée sur les matières
premières nécessaires à l'industrie. Je demande qu'eu égard à l'importance de
l'objet dont il s'agit, la commission nous fasse prochainement son rapport,
afin que nous puissions nous en occuper dans la session actuelle. Je propose
donc de l'inviter à faire un prompt rapport.
M. Delfosse. - J'avais également demandé un prompt rapport pour
l'autre pétition.
- Le renvoi à la commission permanente d'industrie, avec demande d'un
prompt rapport est ordonné.
__________________
« Le sieur Eemans, ancien
commis aux écritures de l'hôpital militaire de Bruxelles, réclame
l'intervention de la chambre pour que sa pension de réforme soit convertie en
pension de retraite. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
__________________
«La veuve Yanachter demande, que
l'exemption du service militaire accordée à deux miliciens de la commune de
Hoeylaert, n'oblige pas son fils Gabriel, à servir dans l’armée. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur de Witte qui, en 1835,
a obtenu l'autorisation royale d'établir une société de commerce pour
l'exportation des produits de la Belgique, demande pour toute indemnité d'être
nommé commissaire de la Société d'exportation. »
M. de Roo. -
Cette pétition rentre dans les attributions du ministre des affaires étrangères
; je demande que cette pétition lui soit renvoyée.
M.
le président. - C'est contraire au règlement ; il faut que la
commission des pétitions présente ses conclusions.
Plusieurs voix. - Un prompt rapport !
- Le renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt
rapport est ordonné.
__________________
Par divers messages, le sénat informe la chambre qu'il a adopté les
projets de loi ouvrant :
1° Au département de la justice, un crédit supplémentaire de 779,000
francs ;
2° Au budget de la marine de l'exercice 1847, un crédit supplémentaire
de 125,000 francs ;
3° Au département des finances, des crédits destinés à faire face aux
dépenses résultant de l'exécution de l'article 64 du traité du 5 novembre.
- Pris pour notification.
__________________
M. Lehardy de Beaulieu adresse à la chambre un mémoire sur le service
postal entre Anvers et New-York.
- Dépôt à la bibliothèque.
PROJETS DE LOI ACCORDANT LA NATURALISATION ORDINAIRE
M.
Maertens. - J'ai l'honneur de présenter 69 projets de
lois de naturalisation ordinaire. Comme il y a parmi les impétrants plusieurs
capitaines de navires, il importe de les voter prochainement, si on veut les
faire jouir du bénéfice de la loi de juillet 1844. Je propose de les mettre à
l'ordre du jour de lundi.
M. le président. - Il est donné acte de la présentation de ces
rapports. Ils seront imprimés et distribués.
- La proposition de les mettre à l'ordre de jour de lundi est adoptée.
RAPPORT SUR UNE PETITION
M. David. - Messieurs,
vous avez renvoyé à l'examen de la commission permanente d'industrie et de
commerce, une pétition de plusieurs fabricants et teinturiers de Verviers qui
demandent que le natron d'Egypte ne soit pas assimilé aux sels de soude
fabriqués et que l'ancien droit ad valorem de 2 p. c. soit rétabli sur ce
produit naturel. Je viens, en qualité de rapporteur, vous communiquer le
résultat de ses délibérations.
Je commencerai par dire à la chambre que, pour ne pas s'aventurer dans
une question qui demande les lumières de la chimie, un membre de la commission
a bien voulu en référer à la science de notre excellent chimiste, M. Guillery.
Je possède ici à l'appui de mon rapport, messieurs, la réponse de cet
homme compétent auquel le gouvernement recourt lui-même si souvent dans les
occasions où des questions de l'espèce de celle-ci se présentent à résoudre.
Vous lire la réponse de l'honorable M. Guillery, ou le mémoire de
Verviers, c'est à quelques détails près, vous lire deux fois la même chose, car
le mémoire de Verviers vient également de la plume d'un de nos jeunes chimistes
bien distingué.
J'analyserai donc ces deux pièces et vous dirai qu'il est impossible, à
moins de nier l'évidence, que le fisc puisse prétendre que le natron naturel
porterait ou ferait concurrence aux sels de soude. M. Guillery indique comme
moyen pratique, qu'il dit être d'une extrême simplicité, l'emploi de
l'alcalimètre. Cet instrument fait reconnaître à l'instant que le natron
naturel brut ne marque que 29 degrés alcaliméliques environ et qu'alors en
qualité de sel de soude, il ne pourrait-se vendre que.15 fr. les 100 kil. et
que dans cet état les consommateurs mêmes ne l'adopteraient pas. Le natron
naturel renferme environ 20 p. c.ie matières terreuses.
Il y a bien eu, il est vrai, quelques exemples d'importation de natron
rectifié, purifié, qui marquait alors 35 degrés alcalimétriques et représentait
ainsi une valeur de 28 fr. 00 c. les 100 kilog. comme sel de soude ; mais ce
n'est point cette substance qu'emploie l'industrie de Verviers pour le
dessuintage de ses laines. Elle ne pourrait s'en servir : c'est le natron brut,
naturel qu'elle réclame, et dans cet état l'œil le moins exercé reconnaît qu'il
n'a subi aucune préparation.
Le natron naturel, matière première, ne peut donc être imposé d'un droit
de 25 à 50 p. c. sans renverser les plus simples notions d'économie politique.
Ce serait prohiber un agent essentiel à la fabrication et à la production des belles
couleurs. On va jusqu'à dire que le rouge d'Andrinople ne doit sa supériorité
qu'à son emploi. Vous voyez donc, messieurs, que non-seulement Verviers, mais
encore la Belgique entière emploie et emploiera surtout ce produit des marais
et des lacs d'Egypte, lorsque nous en aurons réduit le prix par l'abaissement
au droit le plus bas.
L'agriculture réclame aussi le natron comme fumier ; mais il revient
trop cher aujourd'hui. La Prusse le laisse entrer chez elle à bas prix pour ses
fabriques. Nous pouvons encore invoquer un motif d'hygiène et de salubrité
publique : le natron dispense maintenant de l'emploi du sel urique, de ces
urines purifiées, dont les réservoirs empoisonnent le voisinage à une grande
distance.
Notre commission enfin prenant en considération le peu de retours que
notre navigation peut retirer d'Egypte et vu tous les arguments donnés
ci-dessus, s'est décidée à proposer l'admission du nation brut au droit réduit
des matières premières, soit à 5 centimes les 100 kilog.
La commission émet le vœu de voir réduire ce droit dans le délai le plus
bref possible.
Je ferai observer qu'à l'occasion de cette décision un membre (M. Eloy
de Burdinne) s'est abstenu.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution du projet de loi
présenté par la commission d'industrie, et sur la proposition de M. Delfosse à
laquelle MM. les ministres des affaires étrangères et des finances et M. le
rapporteur déclarent se rallier, décide que ce projet de loi sera discuté, en même
temps que le projet de loi relatif à des modifications au tarif des douanes,
récemment présenté par M. le ministre des affaires étrangères et renvoyé à
l'examen de la commission d'industrie.
RAPPORT SUR DES DEMANDES EN NATURALISATION ORDINAIRE
M. Delehaye, au nom de
la commission des naturalisations, dépose des rapports sur plusieurs demandes
de naturalisation ordinaire.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports.
PROJETS DE LOI ACCORDANT DES CREDITS SUPPLEMENTAIRES
M. le ministre des finances (M. Malou)
présente trois projets de loi de crédit supplémentaire :
Le premier, de 94,192 fr. 47 c. pour régularisation au budget de la dette
publique, concernant les années 1845 à 1846.
Le deuxième, de 66,920 fr. 01 c, concernant le chapitre VII du budget du
département des affaires étrangères.
Le troisième, de 172,500 fr., concernant le département de la marine
(augmentation des droits de pilotage, par suite de l'accroissement de la
navigation).
- La chambre donne acte à M. le ministre des finances de la présentation
de ces trois projets de loi, dont elle ordonne l'impression et la distribution,
et qu'elle renvoie respectivement aux sections centrales qui ont examiné ces
budgets pour l'exercice courant.
PROJET DE LOI APPORTANT DES MODIFICATIONS A LA LOI SUR
LA MILICE
Discussion des articles
La chambre prononce la clôture de la discussion sur l'ensemble des articles
7 et 8 nouveaux.
M.
le président. - J'ouvrirai d'abord la discussion sur
l'article 7 nouveau (rédaction de M. le ministre de l'intérieur et rédaction de
la section centrale).
M. Delfosse. - M. le ministre de l'intérieur ne vient-il pas pour
développer son amendement ?
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). – Il va arriver.
M. Nothomb. - Si la chambre veut passer à
l'article suivant, je prendrai la parole sur l'amendement de M. Orban.
- La chambre décide qu'elle passera à l'article suivant.
Article 8
« Art. 8 (nouveau). Les miliciens de la plus ancienne classe de milice,
de même que les volontaires dont le terme de service est sur le point
d'expirer, et qui seront reconnus par le gouvernement aptes à renouveler leur
terme de service sans solution de continuité, pourront être admis comme
remplaçants sans être astreints à un examen devant le conseil de milice.
« Un règlement d'administration générale déterminera le mode à suivre
pour que les miliciens de toutes les provinces puissent, avec une égale
facilité, se servir de ces remplaçants sans recourir à l'intermédiaire d'une
association de remplacements. »
(page 1214) M. le
président. - M. Lejeune a proposé une disposition à placer après
l'article 8 et ainsi conçue :
« Un mois après l'incorporation du remplaçant, le remplacé pourra être déchargé
de toute responsabilité en versant la somme de 300 fr. dans la caisse d'un
receveur de l'enregistrement.
« Le remplacé ou le substitué, en vertu de l'article 129 delà loi du 8
janvier 1817, jouira de la même faculté. »
M. Orban a proposé un sous-amendement à l'amendement de M. Lejeune. Le
voici :
« Le milicien ainsi remplacé pourra se libérer de toute responsabilité
tant pour la première période de dix-huit mois que pour la seconde, en versant
la somme fixée par l'article 33 de la loi du 27 avril 1820. »
M. Nothomb. - Messieurs,
je ne m'occuperai pas de l'article additionnel proposé par l'honorable M.
Lejeune ; je n'examinerai que celui qu'a proposé l'honorable M. Orban.
Cet honorable membre s'est attaché à une seule considération, qui, en
effet, est d'un grand poids. Cette considération est celle-ci : Lorsque la loi
de 1820 a établi deux périodes, l'une de dix-huit mois, pendant laquelle il est
impossible de se rédimer de la responsabilité, et l'autre qui suit l'expiration
des dix-huit mois, on n'avait en vue que des remplaçants pris hors de l'armée,
c'est-à-dire qui n'avaient pas fait un temps d'épreuve. Depuis, on a créé une
nouvelle catégorie de remplaçants, ce sont les miliciens qui se rengagent sous
le drapeau. À ceux-là il n'y a pas de temps d'épreuve à demander, puisqu'ils se
trouvent déjà dans l'armée, ils se trouvent incorporés ; on peut s'assurer de
leur aptitude. Pourquoi donc exiger d'eux la même période d'épreuve de dix-huit
mois que l'on exige des remplaçants pris dans l'ordre civil, des remplaçants
qui ont toujours été étrangers ou qui sont devenus étrangers à l'armée ?
Cette considération a dû vous frapper, et elle a même engagé l'honorable
auteur de l'amendement à conclure en disant qu'il ne voyait pas qu'une
objection fût possible contre sa proposition.
J'en conviens, au point de vue où il s'est placé, il est difficile de
faire une objection, mais la question présente d'autres faces et je vais vous
soumettre quelques doutes.
Vous aurez donc, à l'avenir, deux genres de remplaçants, comme je l'ai
déjà fait remarquer hier, les remplaçants avec irresponsabilité complète du
remplacé, moyennant le versement de la somme indiquée, et les remplaçants avec
responsabilité, pendant dix-huit mois au moins. Il est évident messieurs, que
tous les pères de famille rechercheront les remplaçants de la première
catégorie (Interruption) et, comme le
dit très bien l'honorable M. Delfosse, ils seront plus chers. On leur tiendra
compte, en un mot, de la position privilégiée qui leur est faite par la
nouvelle loi. Ces remplaçants seront en quelque sorte à l'enchère ; on se les
disputera.
Mais là n'est pas la seule difficulté. Qu'arrivera-t-il à la suite de la
promulgation de la loi, complétée d'après la proposition de l'honorable M. Orban
?
M. le ministre de la guerre fera dresser dans l'armée, par les chefs de
corps, la liste des soldats ou sous-officiers qui consentent à se réengager.
J'appellerai cette liste : liste des candidats remplaçants. Cette liste sera
transmise, par l'intermédiaire du département de l'intérieur, aux gouverneurs
des provinces et on la fera connaître dans tout le pays. Prenez garde
maintenant que les pères de famille ne prennent le change. Ils vont s'imaginer
qu'ils peuvent se reposer sur les soins du gouvernement et qu'il y aura un
nombre suffisant de remplaçants de la catégorie privilégiée pour que tous ceux
qui veulent se faire remplacer puissent en obtenir. Pour que vous ne
rencontriez aucune difficulté, il faut que l'offre soit en rapport avec la
demande et la demande en rapport avec l'offre. A ceux qui me font des signes
d'incrédulité je vais maintenant soumettre des chiffres.
Il faut faire ici un calcul des probabilités d'après les statistiques
connues. Voici le nombre des remplaçants admis dans l'armée depuis 1830 :
En 1830, 547.
En 1831, 1,016.
En 1832, 2,297.
En 1833, 855.
En 1834, 876.
En 1835, 1,006.
En 1836, 1,052.
En 1837, 1,190.
En 1838, 1,560.
En 1839, 1.092.
En 1840, 1,649.
En 1841, 1,103.
En 1842, 931.
En 1843, 949.
En 1844, 850.
En 1845, 844.
Voilà, messieurs, le nombre des remplaçants pour chaque année depuis
1830. Combien pensez-vous que l'armée ait fourni de remplaçants pour chacune de
ces années ? Je n'ai pas pu me procurer les chiffres, mais je n'hésite pas à
dire, et M. le ministre de la guerre, sans doute, prendra la parole tout à
l'heure, je n'hésite pas à dire que l'armée n'en a pas fourni le quart (Interruption.) Vous dites la sixième
partie, alors vous renforcez singulièrement mon argumentation. (Interruption.)
En 1845, 844 pères de famille ont eu recours au remplacement. La liste
qui aurait été dressée par M. le ministre de la guerre pour 1845, aurait-elle
offert pour les pères de famille 814 candidats remplaçants pris dans l'armée !
Non, messieurs, il aurait mis à leur disposition 150 ou 200 remplaçants tout au
plus. II ne faut donc pas que les pères de famille, au nombre de 844, comptent
trop sur les listes que M. le ministre de la guerre fera dresser.
Pourra-t-on compter sur un plus grand nombre d'offres dans l'armée ? Je
l'ignore ; il ne faut pas trop se fier à cette expectative, il ne faut pas
avoir trop de confiance dans cet espoir.
Maintenant, comment se fera cette répartition par provinces et par
arrondissements ?
Je suppose que sur 150 ou 200 candidats remplaçants qui se sont annoncés,
M. le ministre de la guerre mette à la disposition d'une province 50
remplaçants, et que 50 pères de famille se présentent. Comment réglera-t-on
l'inscription et la préférence ? Etablira-t-on un nouveau tirage au sort pour
savoir quels sont les 50 pères de famille sur les 30 qui auront le droit de
choisir ces remplaçants d'une catégorie privilégiée ? Ainsi, voilà le sort
appelé une seconde fois à intervenir dans la question de la formation de
l'armée.
Et voyez à quelles accusations le gouvernement ne serait pas exposé !
Les pères de famille auront compté sur le gouvernement, ils seront partis de
l'idée qu'il y aura un nombre suffisant de candidats remplaçants qui s'offrent
dans l'armée. Il se trouvera, par exemple, que dans une province, sur 50 pères
de famille, 20 devront, à la suite d'un tirage au sort, si vous voulez,
chercher par d'autres moyens à se procurer des remplaçants.
Différents incidents pourront se présenter. La liste que M. le ministre
de la guerre aura dressée, n'oblige pas les candidats remplaçants qui y seront
inscrits ; rien ne les empêchera de se raviser, et de contracter d'une manière
directe avec les pères de famille.
Je ne suis donc pas sans crainte sur les conséquences de la disposition
additionnelle proposée par l'honorable M. Orban.
Peut-être serait-il prudent de ne faire qu'un essai, sans faire voter
par la chambre une rédaction aussi impérative ; on pourrait peut-être proposer
cette disposition sous une forme facultative.
Je verrai, messieurs, quelles seront les idées qui pourront résulter du
cours de la discussion. Toujours est-il qu'il ne faut pas se faire illusion sur
ce point. L'offre faite au nom de l'armée, ne sera pas en rapport avec les
besoins constatés aujourd'hui par le nombre des demandes faites de la part des
pères de familles ; les chiffres sont là pour prouver le contraire.
Il y a une chose qu'on perd toujours de vue, c'est la question de
sécurité pour les pères de famille. Aujourd'hui, un père de famille qui
s'adresse à une société ou à un particulier qui fait l'entreprise du
remplacement en grand, trouve une espèce de sécurité. Un père de famille a un
fils inscrit au premier janvier. Différentes périodes d'incertitude se
présentent. Il est possible que ce fils obtienne ce qu'on appelle un bon
numéro, dès lors tout est dit. Il se peut qu'au tirage il ait un des numéros
élevés qui ne laissent pas de doute ; une commune par exemple doit fournir cinq
miliciens ; s'il a en un des 5 premiers numéros il doit marcher ; son père se
met en mesure d'avoir un remplaçant, ou bien, la commune doit fournir cinq
miliciens, un fils de famille qui veut se faire remplacer obtient le n° 8 ; il
est possible qu'il doive marcher par suite d'exemptions accordées aux numéros
précédents.
Vous voyez comme l'incertitude peut se prolonger ; en présence des
grandes entreprises de remplacement, cette incertitude n'a rien qui effraye les
pères de famille, ils sont presque toujours sûrs de trouver des remplaçants ;
le terme fatal inscrit dans la loi ne les effraye guère ; ils peuvent même dire
à l'entrepreneur : Tenez un homme à ma disposition ; si mon fils ne marche pas,
je vous payerai un dédit ; s'il marche, je vous payerai un prix convenu. De
cette manière, il y a sécurité complète pour les pères de famille.
Prenons garde d'entrer dans un système qui
détruise cette sécurité ; c'est ce qui arriverait peut-être avec l'application
absolue de l'article proposé par l'honorable M. Orban. Vous voulez abattre
l'association pour le remplacement ou au moins restreindre autant que possible
les entreprises de remplacement. Nous réhabiliterons peut-être l'association
militaire.
II pourrait résulter des dispositions que nous adoptons, que le
remplacement serait devenu plus difficile. Nous voulons le rendre plus facile. II
se pourrait qu'il perdît sa sécurité aux yeux des pères de famille, quand nous
voulons leur donner plus de sécurité. Je soumets ces doutes à l'assemblée, je
désire qu'on puisse les faire cesser.
M. Orban. -
L'honorable préopinant a commencé par reconnaître et démontrer que mon
amendement était parfaitement rationnel, que les motifs que j'avais présentés à
l'appui, étaient sérieux et fondés ; mais ensuite il s'est plu à soulever des
objections qui, à mon avis, n'ont pas le même mérite et me paraissait avoir peu
de solidité. La première conséquence qui résulterait de mon amendement, a-t-il
dit, c'est qu'il y aurait à l'avenir deux espèces de remplaçants : les
remplaçants avec responsabilité et ceux pour lesquels on ne pourrait se dégager
de toute responsabilité vis-à-vis de l'Etat. Je ferai d'abord observer que
cette première critique manque de fondement. Il n'y a pas dans l'armée de
remplaçants dont on ne puisse racheter la responsabilité vis-à-vis de l'Etat.
Seulement cette faculté n'existe qu'après 18 mois de service, tandis
qu'il résultera de mon amendement qu'à l'égard d'une certaine catégorie de
remplaçants, cette responsabilité pourra se racheter dès le commencement du
service et pour toute sa durée. Cette distinction existe seulement quant au
temps et elle est parfaitement justifiée, comme l'a d'ailleurs reconnu
l'honorable membre lui-même. Il a signalé ensuite des difficultés, selon lui,
auxquelles donnerait lieu l'adoption de mon amendement.
Mais, messieurs, ces difficultés ne sont autre chose que les mesures
d'exécution auxquelles donne lieu toute disposition nouvelle introduite dans la
législation. Ces difficultés ne sont réelles que quand il y a mauvaise volonté.
Il y a un vieux proverbe qui dit que rien n'est plus difficile que les choses
que l'on ne veut pas faire. A ce titre, mais à ce titre (page 1215) seulement, il peut exister des difficultés. Je suis
convaincu que si l'honorable membre était au ministère, ces difficultés ne
l'embarrasseraient pas le moins du monde, si la mesure elle-même était à sa
convenance.
M. Nothomb. - Le bon
vouloir existerait ; il s'agit de la force des choses.
M. Orban. -
Au reste, messieurs, les objections faites par M. Nothomb ne s'adressent pas à
mon amendement, mais à la disposition dont elle est le corollaire.
Les observations de l'honorable membre s'appliquent à l'article 8 du
projet, et non à mon amendement.
C'est cet article 8 qui crée le système nouveau qu'a combattu M.
Nothomb, qui détermine qu'à l'avenir les listes des soldats dont le temps de
service est expiré et qui seront aptes au remplacement, seront transmises aux
gouverneurs, afin que les miliciens puissent contracter avec eux sans passer
par l'intermédiaire des sociétés de remplacement. Mon amendement ne fait que
compléter ce système en y rattachant la faculté d'obtenir de l'Etat, comme on
l'obtient de la part de la société, la faculté de racheter la responsabilité
pour toute la durée du service.
Voyons au surplus ces objections. Il y aura, dit l'honorable M. Nothomb,
disproportion entre le nombre de remplaçants que l'armée pourra fournir et le
nombre de remplaçants nécessaires pour suffire aux demandes des pères de
famille. Cette observation ne prouve rien, car nous n'avons nullement la
prétention d'établir un système complet de remplacement, de fournir ainsi tous
les remplaçants dont les miliciens peuvent avoir besoin chaque année, pas plus
que l'association n'a pu ni voulu le faire elle-même.
La société fournissait annuellement un sixième des remplaçants. Eh bien,
le gouvernement pourra faire la même chose, mais il le fera avec plus
d'avantage pour tout le monde, avec plus d'avantage pour le remplaçant qui recevra
de plus fortes primes et pour le milicien qui payera moins qu'il ne le fait
aujourd'hui.
L'honorable M. Nothomb tirant de nouvelles conséquences du rapprochement
qu'il a fait entre le nombre des soldats disposés à remplacer et le nombre de
miliciens disposés à se faire remplacer, a entrevu là l'origine d'une
concurrence, fort à redouter selon lui : ce sera, dit-il, une clause
privilégiée de remplaçants, tout le monde voudra les obtenir. Nous
reconnaissons volontiers que telle sera la conséquence de la mesure que nous
proposons ; mais cette conséquence, nous la considérons comme un des plus
grands avantages du système. Cette concurrence inévitable aura pour résultat
d'élever les primes à offrir aux soldats disposés à se réengager, et cette
élévation des primes augmentera considérablement le nombre de ceux-ci.
L'on ne verra pas les sociétés donner 6 à 700 francs aux rengagés,
tandis qu'elles demandent 1,700 à 1,800 francs aux pères de famille ; il y aura
concordance entre le prix du remplacement et la prime de rengagement. Voilà
l'avantage que nous aurons obtenu.
J'ajouterai quelques mots aux difficultés d'exécution dont l'honorable
membre s'est beaucoup préoccupé. Il s'est demandé comment on ferait pour
répartir entre les provinces les remplaçants militaires qui se présenteront
chaque année, comment on établira le droit de préférence entre les pères de
famille.
Vraiment, messieurs, il ne faut pas grand effort de génie pour entrevoir
la solution à donner à ces questions.
Nous n'avons pas voulu l'indiquer dans la loi, parce qu'elle constitue
une mesure d'exécution à abandonner au gouvernement ; mais la nature des choses
l'indique suffisamment.
Ainsi quand le nombre des candidats remplaçants, pour me servir de
l'expression de l'honorable préopinant, sera connu, vous en assignerez à chaque
province un nombre proportionné au contingent qu'elle fournit à l'armée. Voilà
une base équitable, et en l'adoptant on ne soulèvera, j'en suis sûr, aucune
réclamation.
Maintenant en ce qui concerne les individus : quand le gouverneur sera
prévenu du nombre de remplaçants assigné à sa province, il en donnera
connaissance aux pères de famille, avec avertissement de faire parvenir leurs
demandes dans un délai déterminé. L'on pourra stipuler, si l'on veut, que les
demandes ne seront valables que pour autant qu'elles seront accompagnées du
versement d'une somme déterminée. Si les demandes de cette nature excédaient le
nombre de remplaçants mis à la disposition du gouverneur, la voie du sort
pourrait déterminer entre les demandes un ordre de préférence jusqu'à due
concurrence. On n'a à redouter aucun abus d'un semblable pouvoir donné au
gouverneur. A tout moment, on donne au gouverneur des mandats de confiance plus
étendus que celui-là.
J'ajouterai un mot pour faire ressortir l'avantage qu'assure au trésor
public l'adoption de mon amendement. Lorsqu'on s'affranchira de toute
responsabilité en versant 317 fr., ce sera un bénéfice presque assuré pour le
gouvernement ; car évidemment les chances de responsabilité ne sont pas en
raison de la somme payée, quand il s'agit de remplaçants de cette catégorie.
Aujourd'hui, lorsque la société se défie d'un
remplaçant, elle peut rejeter sur l'Etat la responsabilité, en versant au bout
de 18 mois la somme de 150 florins dans ses caisses et le gouvernement est
obligé d'accepter.
De cette manière, il n'a que les mauvaises chances pour lui. Nous
voulons qu'il ait les bonnes et les mauvaises, afin qu'il y ait compensation et
que le gouvernement ne soit pas exposé à faire, comme aujourd'hui, un métier de
dupe.
M. Nothomb. - Il est
maintenant bien constat, de l'aveu même de l'honorable M. Orban, que les pères
de famille ne peuvent compter que, pour un sixième au plus, sur les remplaçants
que le gouvernement leur offrirait, au nom de l'armée. Cinq sixièmes des
remplaçants continueraient à être abandonnés à l'industrie priver.
J'insiste sur ce point, parce que, pour me servir de l'expression de
l'honorable préopinant, ce fait, on ne le détruira pas. Quoi que vous fassiez,
vous devrez vous adresser à l'industrie privée pour les quatre et même les cinq
sixièmes des remplaçants.
M. Orban. -
J'ai dit que le nombre des remplaçants ayant terminé leur temps de service
augmenterait.
M. Nothomb. - Soit ! je
vous fais la concession que ce nombre s'élèvera à deux sixièmes, un tiers. Les
pères de famille devront encore compter sur l'industrie privée pour les deux
tiers. L'honorable préopinant reconnaît ce fait, et je prends acte de son aveu.
L'honorable préopinant considère les observations que j'ai faites comme
de simples difficultés d'exécution. Je sais bien qu'on ne peut pas prévoir dans
une loi tous les moyens d'exécution. Cependant il est prudent, quand on fait
une loi, de se rendre compte des difficultés qui peuvent se présenter dans
l'exécution.
Il y a plus : il ne faut pas que les pères de famille puissent prendre
le change sur la portée de la loi. II y aurait eu un danger à ce que l'article
fût voté sans observation, sans avertissement. Ils auraient pu croire qu'ils
pouvaient compter avec certitude sur les ressources que leur offrait le
gouvernement, au nom de l'armée, non pour un sixième ou un tiers, mais pour la
totalité des remplaçants.
Tenons donc pour constant que si l'on a recours au tirage au sort, moyen
que j'avais indiqué tout à l'heure, les pères de famille auxquels le sort
n'aura pas été favorable, devront s'adresser à l'industrie privée. Voyez quelle
sera leur position : ils pourront être pris au dépourvu.
On assignera, par exemple, à la province de Luxembourg, trente
remplaçants. Cinquante pères de famille se seront fait inscrire chez le
gouverneur. Le tirage au sort a lieu. Quelle est la position des pères de
famille qui, comptant trop sur la faveur du sort, n'auront pas pris leurs
précautions.
M. Orban. -
Mais quelle est leur position aujourd'hui ?
M. Nothomb. - Je sais parfaitement quelle est leur
position. Mais je ne veux pas que l'on présente le projet de loi comme ouvrant
aux pères de famille une ère nouvelle de sécurité.
M. Orban. -
Ainsi l'honorable membre veut éclairer les pères de famille sur la portée du
projet de loi.
M. Nothomb. - Evidemment
!
Il ne faut pas se tromper sur le but de mes observations. Il ne faut pas
qu'après l'adoption du projet de loi, on croie pouvoir dire : « Nous n'avons
plus besoin de l'industrie privée ! Nous voilà délivrés de l'association
militaire. » On se tromperait ; les entrepreneurs de remplacement seront plus
exigeants que jamais envers les pères de famille pris au dépourvu à la suite du
tirage au sort des candidats remplaçants. Je ne dis pas que cela doive arriver
inévitablement ; mais il me semble que ce n'est pas improbable.
Je citerai de nouveau l'exemple d'une province à laquelle on assignerait
30 remplaçants, et où il se présenterait 50 pères de famille.
II y en aura 20 à qui le sort n'aura pas été favorable, à qui il faudra
des remplaçants à tout prix, à la veille peut-être du terme fatal.
Ils achèteront des remplaçants, quel que soit le prix auquel on veuille
les mettre.
Je sais bien que leur position n'est guère plus favorable aujourd'hui.
Mais il ne faut pas que l'on croie que cette position sera améliorée.
Ainsi mon but principal est, comme l'a dit l'honorable M. Orban en
m'interrompant, d'éclairer les pères de famille.
L'objection que j'ai faite s'applique, dit-on, à la disposition tout
entière. Je ne le pense pas.
Ces objections auront plus de force, si l'on
donne une position privilégiée aux remplaçants dont il est question dans la
disposition, position privilégiée qui leur serait acquise à bon droit, je le
reconnais, jusqu'à un certain point, par l'amendement de l'honorable M. Orban.
Mon objection sera d'autant plus forte que, par cet amendement, vous donnez un
privilège tout particulier à cette catégorie de remplaçants.
Ainsi, nous améliorons la position de tous les pères de famille à qui le
sort, auquel on veut en appeler de nouveau, sera favorable en leur donnant des
remplaçants de la catégorie privilégiée, mais quant à ceux à qui le sort ne
sera pas favorable, et ce sera le grand nombre, nous les laisserons dans la
position où ils se trouvent aujourd'hui, position qui peut même empirer.
M. le ministre de la guerre (M. Prisse). - Messieurs, l'honorable M. Nothomb
vous a donné quelques explications sur les inconvénients que pourrait
rencontrer dans son exécution l'amendement de l'honorable H. Orban, s'il était
accepté. L'honorable M. Orban a cherché de son côté à détruire les observations
de M. Nothomb. Mais je dois dire que, pour ce qui me concerne, je n'ai pas été
complètement convaincu par les paroles de l'honorable M. Orban, et je crois
que, de quelque manière qu'on s'y prenne, si l'amendement est admis, il créera
au gouvernement et aux pères de famille qui ne seront pas favorisés par le
sort, de véritables embarras.
A ceux qui vous ont été signalés par l'honorable M. Nothomb, j'en
pourrais ajouter d'autres. Voici entre autres un exemple dont je puis garantir
l'authenticité, car j'ai été à même, il y a peu de jours, de vérifier que
l'inconvénient dont je vais parler, peut se rencontrer.
(page 1216) Je suppose que dans
une province le nombre des pères de famille qui demandent des remplaçants,
s'élève à 50 comme le disait tout à l'heure l'honorable M. Nothomb pour le
Luxembourg, et que le gouvernement puisse annoncer à cette province trente
soldats disposés à remplacer. Voilà donc trente pères de famille parfaitement
rassurés.
Eh bien, messieurs, qu'arrivera-t-il si au dernier moment, au moment de
passer l'acte, le soldat ou le sous-officier qui avait accepté de marcher,
vient dire : Je me rétracte, je ne veux me vendre à personne. C'est, messieurs,
ce qui s'est passé il y a quinze jours encore. J'ai vu, au moment de signer
l'acte, un maréchal de logis jeter la plume, et dire : Je ne veux pas me
vendre, je continuerai à servir pour mon propre compte. Et le père de famille
qui comptait sur ce militaire, s'est trouvé sans remplaçant, il a dû chercher
ailleurs.
Au reste, messieurs, si je parle de ces inconvénients, c'est afin qu'ils
soient connus de tout le monde, pour que chacun s'attende à ce qui peut lui
arriver. Mais pour montrer que le gouvernement ne recule pas devant les
difficultés, je ne demanderai pas mieux que d'accepter une proposition analogue
à celle de l'honorable M. Orban, pour un temps limité, par exemple pour deux
ans. Pendant deux ans le département de la guérie pourrait se charger de la
besogne et vérifier par l'expérience si la mesure est avantageuse ou non au
gouvernement et aux particuliers, et déclarer alors s'il s'y rallie
définitivement.
Si cette proposition était adoptée, messieurs, je m'écarterais un peu de
l'amendement de l'honorable M. Orban et je le rédigerais en ces termes :
« Le gouvernement pourra autoriser les miliciens ainsi remplacés à se
libérer de toute responsabilité en versant une somme égale, au moins, à celle
fixée par l'article 33 de la loi du 27 avril 1820. »
Avec ces conditions, messieurs, je crois que le gouvernement pourrait
accepter l'amendement.
PROJET DE LOI RELATIF A LA REMISE DES DROITS DE TONNAGE
POUR LES DENREES ALIMENTAIRES
M.
le président. - Je viens de recevoir un message du sénat qui
nous renvoie le projet de loi relatif à la remise des droits de tonnage sur les
navires important des denrées alimentaires et à l'interdiction de la
distillation des pommes de terre, projet qui a été amendé par cette chambre.,
M. Delehaye. - Je proposerai le renvoi du projet amendé à la
commission qui a examiné le projet primitif.
- Cette proposition est adoptée.
PROJET DE LOI APPORTANT DES MODIFICATIONS A LA LOI SUR
LA MILICE
Discussion des articles
Article 7
M. Orban. -
M. le ministre de la guerre vient de faire un pas vers ma proposition, mais il
voudrait qu'elle ne fût introduite dans la loi qu'à titre d'essai. Messieurs, une
proposition ayant un semblable caractère ne peut être adoptée ; les lois
doivent être impératives ; elles ne doivent pas être conçues de telle sorte que
l'administration puisse se soustraire à leur exécution.
Il est évident qu'on peut s'attendre à rencontrer dans certaines parties
de l’administration de l'opposition à la mesure proposée. Ce serait, selon,
moi, favoriser de semblables dispositions que de subordonner la prorogation de
cette disposition aux effets qu'elle aurait produits pendant un temps
déterminé.
M. le ministre de la guerre semble redouter les embarras que peut donner
à l'administration l'adoption de l'amendement que j'ai l'honneur de proposer.
Mais, messieurs, quels embarras cette disposition peut-elle produire ?
Toute sa portée est d'augmenter de dix mois la responsabilité du gouvernement.
Cette responsabilité lui incombe déjà pendant six ans et demi ; je propose
d'ajouter à ce temps les 18 mois qui le précèdent.
Messieurs,, dans l'état actuel des choses le gouvernement a déjà tous
les embarras qu'il redoute ; seulement il n'en a pas les bénéfices. Si je vous
donnais lecture de l'arrêté déterminant les obligations de l'administration de
la guerre en cette matière, si je vous disais les services que 1'administration
de la guerre doit rendre à la société d'encouragement, vous verriez, messieurs,
que la besogne que nous voulons imposer au gouvernement n'est rien à côté de
celle qu'il fait gratuitement sans qu'il en résulte aucun bénéfice pour le trésor
et aucun avantage pour les pères de famille.
Lorsque la question du remplacement a été agitée à l'occasion du budget
de la guerre, j'avais émis l'opinion que l'administration de la guerre faisait
en réalité la besogne de la société par les quartiers-maîtres. Mais comme je
savais qu'un arrêté du général Buzen avait modifié les dispositions arrêtés en
1838, je n'avais osé affirmer que ces prescriptions continuaient à être
exécutées. Depuis lors, messieurs, j'ai fait de nouvelles recherches et j'ai
appris qu'immédiatement après que le général de Liem avait quitté le
département de la guerre, les dispositions abrogées par ce ministre avaient été
remises en vigueur avec quelques légères modifications.
Voici, messieurs, le texte de cet arrêté, à la date du 7 février 1844 :
(M. Orban donne lecture de cet arrêté.)
Eh bien, messieurs, je vous le demande, lorsque le département de la
guerre a rempli toutes ces obligations, que reste-t-il à faire à la société,
sinon à passer le contrat de remplacement et à en percevoir les bénéfices ? Et
c'est lorsque l'on accomplit bénévolement une pareille tâche pour le compte
d'autrui, que l'on semble redouter le surcroît de travail insignifiant qui doit
résulter de la mesure proposée !
M. le ministre de la guerre a signalé- un autre inconvénient. II
dit : Qu'arrivera-t-il lorsque vous aurez signalé à l'autorité civile de
la province un certain nombre de militaires disposés au rengagement, quel
parents auront compté sur ces remplaçants et qu'au moment de contracter ceux-ci
s'y refuseront ?
Mais, messieurs, il arrivera pour les parents ce
qui leur arrive aujourd'hui lorsqu'ils sont sur le point de contracter avec un
remplaçant et que celui-ci, maître de sa volonté jusqu'au moment de la
signature du contrat, se refuse à donner à cette signature. Il n'y a là rien
d'extraordinaire. Rien ne sera changé sous ce rapport à la position des
intéressés.
Nous n'avons point la prétention de faire disparaître tous les
inconvénients inhérents au remplacement, notre but est d'y apporter des
améliorations, celles que nous proposons sont incontestables.
M. de Roo, rapporteur. - Le
sous-amendement de l'honorable Orban présuppose nécessairement l'adoption de
l'amendement de l'honorable M. Lejeune. Cet amendement est extrêmement
favorable au remplacement, est-ce un bien est-ce un mal ? Je crois plutôt que
c'est un mal. En effet, messieurs, les remplaçants sont généralement mal vus
dans l'armée ; ils ont la réputation de se conduire mal, d'être de mauvais
camarades. Mais je laisserai là ces considérations, et j'envisagerai la
question sous un autre point de vue.
Le remplacement opéré comme on le propose n'augmentera-t-il pas
considérablement les exemptions ? II ne faut pas perdre de vue qu'un remplaçant
n'exempte pas seulement le remplacé, mais qu'il peut exempter encore les deux
frères de celui-ci ; il peut donc remplacer trois individus, et ainsi
d'exemption en exemption on finira par ne plus trouver des miliciens propres à
faire partie du contingent à marcher. Maintenant déjà par la multiplicité
d'exemptions, le premier numéro à marcher est ordinairement très élevé.
Ainsi, messieurs, lorsqu'on veut accorder au remplacement une faveur
comme celle dont il s'agit, il faut au moins prendre quelques garanties que le
remplaçant restera dans l'armée et ces garanties je ne les trouve pas dans le
système proposé par l'honorable M. Lejeune.
La loi exige que le remplacé soit responsable
pendant dix-huit mois de son remplaçant, parce que c'est précisément dans les
premiers temps après l'incorporation que les désertions sont les plus
fréquentes ; alors les hommes ne sont pas encore habitués au service, et ils
désertent beaucoup plus fréquemment que lorsqu'ils se sont faits à la vie
militaire. Si donc la chambre veut adopter l'amendement de l'honorable M.
Lejeune, je demanderai au moins qu'elle conserve une certaine garantie et
qu'elle substitue au délai d'un mois, proposé par M. Lejeune, celui d'un an, au
moins celui de six mois. Je proposerai 6 mois.
M.
le président. - Voici une disposition que M. le ministre de
la guerre propose d'intercaler entre le premier et le deuxième paragraphe de
l'article 8 :
« Cette mesure ne peut s'étendre aux musiciens gagistes et aux ouvriers,
qui ne peuvent, en cette qualité, être admis comme remplaçants. »
M. Veydt.
- Dans la séance d'hier, M. le ministre de la guerre, en répondant à
l'honorable M. Rogier, a déclaré que, pour le moment, le gouvernement ne
favorise aucune société pour le remplacement ; qu'il n'est ni pour ni contre.
Un arrêté royal d'une date récente, du 15 de ce mois, contresigné par M.
le ministre de la guerre, est d'accord avec cette déclaration. En effet, les
bénéfices qu'un arrêté de 1837 avait accordés aux remplaçants fournis par l'intermédiaire
de l'association générale pour l'encouragement du service de l'armée,, ont été
étendus aux miliciens de la plus ancienne classe et aux sous-officiers et
soldats dont le terme de service est expiré, et qui seront admis comme
remplaçants, sans que l'on ait eu recours à une association de remplacements
quelconque.
C'est là une bonne mesure, une mesure équitable.
Mais elle viendra à cesser, si les dispositions du gouvernement changent. Il
n'y aura de garantie certaine que lorsque la disposition de l’arrêté du 15 mars
qui conserve aux remplaçants, dont s'occupe l'article 8 d'une manière spéciale,
leurs droits acquis, les grades dont ils sont revêtus et leurs chevrons
d'ancienneté, trouvera sa place dans une loi. L'occasion s'en présente tout
naturellement ici. Toutefois avant d'en faire l'objet d'un amendement, je
serais, charmé de connaître l'opinion de l'honorable ministre de la guerre.
M. Nothomb. - Messieurs,
je ne sais si l'on a bien saisi la proposition faite par M. le ministre de la
guerre, en remplacement de l'article additionnel que l'honorable M. Orban a
proposé.
M. le ministre de la guerre a dit qu'il ferait un essai de deux ans, par
exemple. Cet amendement ne comporte pas nécessairement cette application.
Que propose l'honorable M. Orban ? Il propose de dire dans la loi d'une
manière impérative, absolue, définitive, que le milicien, ainsi remplacé,
pourra se libérer de toute responsabilité, moyennant telle somme. M. le
ministre de la guerre qui sera chargé de l'exécution de la loi, trouve que
c'est un peu trop s'aventurer ; il propose de dire que le gouvernement pourra
autoriser le milicien ainsi remplacé à se libérer de toute responsabilité.
Je pense, messieurs, qu'il est entendu qu'à la suite de la promulgation
de la loi et, si l'on veut, en même temps qu'on promulgue la loi, il paraîtra
un arrêté royal dans lequel se trouvera une disposition consacrant l'amendement
de l'honorable M. Orban sans fixation de terme ; mais si dans deux, trois ou
quatre ans on découvrait qu'il y a des inconvénients, (page 1217) le gouvernement modifierait la disposition, sans avoir
besoin de recourir aux chambres ; j'avoue, messieurs, que ceci me semble très
prudent.
Il ne faut pas se faire illusion sur les innovations ; je ne repousse pas
les innovations ; il me semble qu'hier j'en ai donné une preuve. Mais je ne
veux pas non plus qu'on se lance d'une manière aventureuse dans les expériences
nouvelles. Avez-vous de la défiance contre M. le ministre de la guerre, contre
le gouvernement ? Croyez-vous qu'à la suite du vote de la loi, il ne mettra pas
à exécution la proposition de l'honorable M. Orban ? Je n'hésite pas à croire
que M. le ministre de la guerre s'engagera dès à présent à user de la faculté
qui sera écrite dans la loi, en ce sens qu’immédiatement la disposition
proposée par l'honorable M. Orban sera mise en application.
Nous verrons dans deux ou trois ans s'il y a des inconvénients. S'il y a
des inconvénients, l'honorable M. Orban lui-même regretterait qu'on dût
s'adresser au pouvoir législatif pour faire cesser l'application de la
disposition qu'il a proposée. Quelque grande que puisse être la confiance de
l'honorable M. Orban dans son amendement, je le prie néanmoins d'y réfléchir ;
son but est atteint sans danger.
Peut-on supposer que M. le
ministre de la guerre, ayant usé de la faculté, el aucun inconvénient ne se
présentant dans deux ou trois ans, vînt révoquer la disposition ? Evidemment
non ; le gouvernement compromettrait étrangement sa responsabilité.
Je crois donc, sauf meilleur avis, que ce sera agir prudemment que
d'adopter la proposition facultative proposée par M. le ministre de la guerre.
M. le ministre vous donnera sans doute des explications conformes aux
conjectures que je fais en ce moment sur ses intentions.
M. le ministre de la guerre (M. Prisse). - Je me rallie volontiers à la
proposition qu'a annoncée l'honorable M. Veydt..
M. Veydt.
- Je vais la formuler en amendement.
M. Orban. -
Messieurs, lorsque tout à l'heure j'ai combattu l'amendement de M. le ministre
de la guerre, j'avais compris que M. le ministre voulait faire de mon
amendement une mesure provisoire qui n'aurait qu'une durée de deux années ;
c'est, je dois le dire, cette modification que j'ai combattue.
Mais maintenant je viens de relire l'amendement de M. le ministre de la
guerre.
Cet amendement pose seulement comme
une faculté de la part du gouvernement, ce qui dans mon amendement était une
obligation pour lui.
Or, messieurs, je dois être sincère, je n'ai voulu faire qu'une nouvelle
application, une application plus étendue du principe déposé dans l'article 33
de la loi de 1817, et le texte de cet article que je viens de consulter est conçu,
me semble-t-il, d'une manière plus conforme à la rédaction de M. le ministre de
la guerre qu'à la mienne. Il y est dit que le milicien pourra être dégagé de
toute responsabilité, ce qui suppose une faculté laissée au gouvernement.
Je ne veux pas dire plus dans mon amendement, et je serais dès lors
assez disposé à adopter la rédaction de M. le ministre de la guerre.
M. de Garcia. - Je remercie l’honorable M.
Nothomb des explications qu'il a données sur la partie de l'amendement de M. le
ministre de la guerre dont je n'avais pas bien compris le sens. D'après les
explications données, il est impossible de refuser au gouvernement le droit que
lui réserve l'amendement. Il est incontestable qu'au point de vue de la responsabilité
qu'on veut faire disparaître d'une manière absolue, il peut se présenter des
circonstances telles qu'il pourrait s'établir un déficit réel dans les rangs de
l'armée. Si on rejette l'amendement proposé, le gouvernement pourrait se
trouver privé de tous moyens pour remplir convenablement les cadres de l'armée.
Je le répète donc, selon moi, l'on ne peut, sans danger, refuser au
gouvernement la faculté qu'il réclame. J'appuie donc de toutes mes forces
l'amendement présenté par M. le ministre de la guerre.
M. Nothomb. - Je n'admets pas l'interprétation que l'honorable M.
Orban vient de donner à l'article 33 de la loi du 20 avril 1820. (Interruption.)
Vous prétendez que le remplacé, d'après l'article 33, peut seulement avec
l'autorisation du gouvernement être déchargé de la responsabilité après 18 mois
de service du remplaçant en versant la somme de 150 florins. Ce n'est pas ainsi
que l'article 33 doit être entendu. C'est un droit pour le remplacé de pouvoir
se décharger dans ce cas de toute responsabilité. C'est ainsi que la loi a
toujours été entendue ; elle ne peut pas être entendue autrement.
Mais nous nous occupons ici d'un cas nouveau.
Les deux cas ne sont pas les mêmes.
M. Orban. -
Si l'article 33 doit être interprété comme vient de le faire l'honorable M.
Nothomb, je n'ai plus de raison pour modifier mon amendement.
M.
le président. - M. Veydt vient de proposer un amendement
ainsi conçu :
« En cas d'admission, ils conserveront les droits acquis, les
grades dont ils sont revêtus et les chevrons d'ancienneté. »
- La discussion est close.
M.
le président. met aux voix le premier de l'article 8 ainsi
conçu : « Les miliciens de la plus ancienne classe de milice, de même que les
volontaires dont le terme de service est sur le point d'expirer, et qui seront
reconnus par le gouvernement aptes à renouveler leur terme de service sans
solution de continuité, pourront être admis comme remplaçants sans être
astreints à un examen devant le conseil de milice. »
- Il est adopté.
Le deuxième paragraphe proposé par M. Veydt est ensuite mis aux voix et
adopté.
M.
le président. – Paragraphe
additionnel proposé par le gouvernement :
« Cette mesure ne peut s'étendre aux musiciens gagistes, aux ouvriers
qui ne peuvent en cette qualité être admis comme remplaçants. »
- Adopté.
« § 4. Un règlement d'administration générale déterminera le mode à
suivre pour que des miliciens de toutes les provinces puissent, avec une égale
facilité, se servir de ces remplaçants, sans recourir à l'intermédiaire d'une
association des remplacements. »
- Adopté.
M.
le président. - Viennent maintenant les amendements proposés
par M. Orban et M. Lejeune, sous-amendés par M. de Roo.
M. Orban. -
Le sous-amendement de M. de Roo se rapporte à l'amendement de M. Lejeune.
Plusieurs voix. - Commençons par l'amendement de M. Lejeune.
- Le sous-amendement de M. de Roo est mis aux voix. Il n'est pas adopté.
La chambre passe ensuite à la proposition de M. Lejeune, ainsi conçue :
« Un mois après l'incorporation du remplaçant, le remplacé pourra être
déchargé de toute responsabilité, en versant la somme de trois cents francs
dans la caisse d'un receveur de l'enregistrement.
« Le remplacé ou substitué, en vertu de l’article 129 de la loi du 8
janvier 1817, jouira de la même faculté. »
- Elle n'est pas adoptée.
M.
le président. - Amendement proposé par M. Orban :
« Le milicien ainsi remplacé pourra se libérer de toute responsabilité
tant pour la première période de dix-huit mois que pour la seconde, en versant
la somme fixée par l'article 33 de la loi du 27 avril 1820. »
- Cet amendement est adopté.
L'ensemble de l’article 8 tel qu'il a été amendé est ensuite mis aux
voix et adopté.
La chambre passe à l'article 7 nouveau ainsi conçu :
« Art. 7. Il est défendu à tout fonctionnaire public, tant civil
que militaire, ainsi qu'à leurs employés, de prendre aucune part, soit aux
opérations, soit aux bénéfices d'une société quelconque ayant pour objet le
remplacement militaire.
« Aucun privilège, aucune faveur ne pourra être accordée soit
directement soit indirectement à des associations de ce genre.
« Art. 7 (amendement présenté par M. le ministre de l'intérieur ). Il
est défendu à tout fonctionnaire ou employé civil participant de quelque
manière que ce soit à l'application des lois sur la milice nationale, et à tout
militaire, de prendre aucune part aux opérations ayant pour objet le
remplacement militaire opéré pour compte d'une société ou pour celui d'un
particulier, ni aux bénéfices qui peuvent en résulter.
« Aucun privilège, aucune faveur ne pourra être accordée soit
directement, soit indirectement à des entreprises de ce genre. »
M. de Roo, rapporteur.
- Il est facile de voir que la disposition proposée par la section centrale est
beaucoup plus étendue, qu'elle comprend tous les fonctionnaires publics, de
quelque catégorie qu'ils soient.
M. le ministre de l'intérieur veut restreindre l'application de
l'article, indépendamment des militaires, aux fonctionnaires ou employés
civils, participant de quelque manière que ce soit à l'application des lois sur
la milice. Il sera très difficile de poser la limite. Ainsi je demanderai si la
limite comprend les bourgmestres et les échevins.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Comme vient de le dire l'honorable
rapporteur, la proposition de la section centrale est beaucoup plus étendue que
l'amendement présenté par M. le ministre de l'intérieur. La section centrale
avait posé un principe qui nous a paru exorbitant : le principe d'interdire à
tout fonctionnaire public la faculté d'avoir des intérêts dans une société, et
par suite de participer à des bénéfices. Mais c'est là jeter une véritable
défaveur sur les sociétés frappées de cette prohibition, et pourtant parmi ces
sociétés il s'en trouve qui sont constituées en vertu d'un arrêté royal
On ne comprend pas pourquoi une semblable défense serait faite à des
fonctionnaires qui à raison de leurs fonctions ne peuvent rien avoir à démêler
avec les opérations de la société dans laquelle on leur interdit de
s'intéresser.
Je conçois que, dans la loi relative à la fixation des traitements des
membres de l'ordre judiciaire, on ait interdit aux magistrats de prendre part à
l'administration des sociétés commerciales ou industrielles. Outre des raisons
de convenance, on n'a pas voulu les distraire de leurs fonctions. Mais ou n'a
pas été jusqu'à leur interdire d'avoir des actions dans ces sociétés ; loin de
là, on a même reconnu qu'ils peuvent exercer les fonctions de commissaire-surveillant
dans ces sociétés.
Dans quel but aller s'immiscer, comme le propose la section centrale,
dans la fortune privée des fonctionnaires, dans quel but d'utilité publique
leur interdire de prendre part aux opérations d'une société plutôt que d'une
autre ? M. le ministre de l'intérieur a cru convenable de restreindre cette
défense aux militaires et aux fonctionnaires ou employés civils participant de
quelque manière que ce soit à l'application des lois sur la milice.
Cette défense se justifie d'elle-même. Elle n'est que la reproduction
d'un principe posé dans l'article 175 du Code pénal ; car il est reconnu que
les fonctionnaires quelconques ne peuvent participer à des opérations qu'en
leur qualité ils doivent contrôler ou surveiller.
C'e.st le principe que M. le ministre de l'intérieur a voulu consacrer
par (page 1218) son amendement. Je pense que la
chambre n'hésitera pas àl’ adopter, qu'elle ne mettra pas tous les
fonctionnaires et certaines sociétés en quelque sorte hors du droit commun..
L'honorable M. de Roo a dit que la difficulté serait de déterminer la
limite ; cette difficulté n'existe pas ; car rien n'est plus facile que de
savoir quels sont les fonctionnaires ou employés civils qui participent à
l’application des lois sur la milice nationale. On n'a qu'à ouvrir les lois de
1817 et 1820 et les lois subséquentes pour savoir quels sont ces
fonctionnaires.
- L'article 7 nouveau est mis aux voix et adopte avec la rédaction
proposée par M. le ministre de l'intérieur.
Article 9 (disposition transitoire)
« Art. 9. (Art. 2 du projet de loi du gouvernement). La durée du service
sera de neuf années pour toutes les classes levées antérieurement à la mise à
exécution de la présente loi. »
M. Lebeau. - Je ne sais si l'on a bien examiné
toute la portée de cette dernière disposition. Je ne la crois pas d'une équité
rigoureuse. Qu’arrivera-t-il pour les miliciens qui sont remplacés depuis deux
ans ? Est-ce que leurs remplaçants seront en droit de demander un supplément,
de prix ? Ils ont remplacé pour cinq ans, en vertu des lois existantes, alors.
Les remplaçants ont contracté pour cinq ans ; ils n'ont donc reçu le prix que
de cinq ans de services militaires. Seront-ils obligés de servir pendant huit
ans ? ou le remplacé sera-t-il tenu à des dommages-intérêts, à un supplément de
prix pour les années excédant le nombre pour lequel il y a eu engagement ? La
section centrale a-t-elle fixé son attention sur ce point ? Je ne vois rien
dans le rapport.
Cette disposition est tellement entachée de rétroactivité, que je ne
conçois pas qu'on puisse la voter sans explication.
M. le ministre de la guerre (M. Prisse). - Il ne me sera pas difficile de
répondre à l'honorable préopinant au sujet de la condition faite aux
remplaçants qui se trouvent atteints par l'article 9 en discussion. L'honorable
membre demande quelle sera la position des remplaçants. Elle sera ce qu'elle a
toujours été depuis que la loi sur la milice existe. Cette loi a prescrit la
forme du contrat à passer entre le remplacé et le remplaçant.
On ne peut s'écarter de cette formule, puisque la loi l'a prescrite.
Voici les termes de la loi :
« Le remplaçant s'oblige à remplacer dans la milice nationale, le
milicien appelé au service, et à remplir pour lui toutes les obligations dans
le service militaire. »
Il n’est question d'aucun terme de service.
Lorsque cet article a été rédigé, effectivement la période de service
des miliciens était fixé à 5 ans. Mais il est arrivé que les miliciens sont
restée bien plus longtemps sous les armes.
Je pourrais citer cet exemple qui a déjà été représenté à l'honorable
assemblée.
C'est celui des miliciens de 1826. Ils ont été
rappelés en 1831, ainsi que les remplaçants, et tout le monde a servi sans
réclamations.
Du moment, me semble-t-il, où un article du contrat est rédigé dans la
forme que je viens de lire, je ne vois pas que les remplaçants puissent faire
autre chose que de remplir toutes les obligations du remplacé vis-à-vis l'Etat.
Or, si l’Etat juge convenable pour une cause quelconque, soit pour désordres
intérieurs, soit pour cause de guerre, de rappeler toutes les classes sous les
armes, il ne faut que la mise de l'armée sur pied de guerre pour maintenir les
remplaçants en activité aussi longtemps que le gouvernement peut avoir besoin
d'eux, et je ne pense pas que de ce chef ils aient rien à réclamer. Je ne dis
pas que dans des cas semblables, il n'y ait pas convenance pour les remplacés
de venir à leur secours ; mais d'obligations, il n'y en a pas.
M. de Roo, rapporteur.
- L'honorable M. Lebeau demande si le remplaçant n'aura pas droit à un
supplément de prix par suite de l'augmentation de la durée de son engagement.
Messieurs, c'est là une question civile entre le remplaçant et le remplacé. Si
le remplaçant croit qu'il a droit à un supplément de prix, il fera valoir ses
réclamations devant les tribunaux. Mais le gouvernement ne doit pas se mêler de
contestations entre particuliers. Le remplaçant une fois incorporé doit faire
son service d'après les prescriptions de la loi.
M. le ministre de la guerre (M. Prisse). - Messieurs, avant de laisser
engager plus avant la discussion qui vient de s'établir sur l'article 9, je
demanderai à soumettre à la chambre quelques considérations tendant à démontrer
la nécessité du maintien de cet article.
Le projet de loi recule d'une année l'âge de la milice ; il faut, pour
entrer dans ce système, que la milice ne soit pas levée pendant une année.
L’article 9 porte que la durée du service sera de neuf années pour toutes les
classes levées antérieurement à la mise à exécution de la présente loi. Cet
article a pour objet de conserver, pendant cette époque de transition, huit
classes de milice à l'armée.
La classe de 1847 étant commencée, le système nouveau, c'est à dire la
levée à 20 ans au lieu de 19, ne pourra être introduit que l'année prochaine.
La levée de la milice n'aura pas lieu en 1848.
L'état des classes sera comme il suit : (suit une longue énumération, des effectifs probables de 1847 à 1857.
Cette énumération n’est pas reprise dans la présente version numérisée.)
On voit par cet exposé que si la chambre n'admet pas le terme
transitoire de neuf ans proposé à l'article 9, le gouvernement n'aura à sa
disposition (page 1219) que sept
classes de milice depuis l'année 1848 jusques et y compris l'année 1855.
Le gouvernement né peut admettre cette réduction pendant une période
aussi longue (8 ans), ce serait assumer une trop grande responsabilité. La
chambré ne peut pas vouloir que la loi sur l'organisation de l'armée reste
inexécutable à défaut d'hommes pour remplir les cadres.
La prolongation de terme proposée n'aura rien de gênant pour les hommes
des classés antérieures, c'est simplement une prolongation de la durée de la
réserve pendant laquelle ils pourront se marier ; ce n'est donc qu'une sorte
d'avertissement qu'en cas de circonstances extraordinaires, ils peuvent être
rappelés.
Qu'arriverait-il si la chambre, ayant repoussé la proposition et le
gouvernement n'ayant plus à sa disposition que sept classés de milice, il
survenait quelque événement inattendu qui obligeât de compléter l'armée
immédiatement ? Le gouvernement devrait venir demander aux chambres une loi
autorisant un rappel sur les classes antérieures. Ce serait un retard dans
l'organisation qui pourrait avoir des conséquences gravés, et un rappel de
cette espèce serait plus préjudiciable à l'Etat et aux miliciens que la
prolongation d'une année de service passée dans la réserve, puisqu'il faudrait
faire de nouveaux frais d'habillement et d'équipement.
La proposition du gouvernement ne peut, au surplus, rencontrer aucune
objection sérieuse :
Les miliciens de cette catégorie peuvent se marier sur la simple production
d'un certificat constatant qu'ils ont satisfait à leur masse ; des autorisation
de se rendre à l'étranger sont accordées sans difficulté aux miliciens delà
plus ancienne levée ; leur rappel enfin ne peut avoir lieu que lorsque la
nécessité en est bien démontrée et lorsqu'en quelque sorte le gouvernement se
trouve obligé d'en solliciter l'autorisation préalable de la législature,
puisque toute réunion extraordinaire de troupe nécessite des demandes de
subsides.
Quant aux difficultés qui pourraient résulter des exigences de quelques
remplaçants, ou bien même de leur désertion, ces dernières ne semblent pas être
à redouter de la part d'hommes auxquels ne viendra incomber aucune charge
nouvelle du chef de la prolongation de la durée du service pendant un an, et il
devient, dès lors, bien naturel de leur opposer cette absence de charges, s'ils
venaient à réclamer de ce chef aux remplacés le payement d'un prix
supplémentaire.
Quoi qu'il en soit, le cas s'est présenté en 1853. La levée de 1826
avait été licenciée et avec elle les remplaçants de cette levée. Plus tard,
toute la levée fut rappelée et avec elle les remplaçants ; il est à remarquer
que bien peu d'entre ceux-ci ne répondirent pas à cet appel, et que ce n'est
guère qu'en 1836 qu'ils furent licenciés de nouveau.
Eh bien, cette opération s'est faite sans
entraves ni embarras pour les particuliers, et il est à supposer qu'il en sera
encore de même dans le cas présent. N'en serait-il pas d'ailleurs de même si
l'armée devait être mise sur pied de guerre et pourrait-on alors songer à des
licenciements réguliers et à date fixe ? Non, messieurs, dans ce cas tout le
monde reste jusqu'à ce que l'on juge convenable et conforme à l'intérêt de
l'Etat d'autoriser des renvois dans les foyers.
Or, ici aussi l'intérêt de l'Etat veut que transitoirement les plus
anciennes classes ne reçoivent leurs congés qu'après neuf années de service, et
cet intérêt doit, au besoin, primer les intérêts particuliers.
M. Lebeau. -
Messieurs, à en juger d'après l'espèce d’indifférence avec laquelle cette
discussion est écoutée, il est possible que je me trompe sur l'importance de
cette disposition ; mais je dois dire que les arguments donnés par M. le
ministre de la guerre ne m'ont pas le moins du monde émus, ils n'ont pas du
tout ébranlé ma conviction que nous faisons ici un acte qui n'est pas
équitable.
Certainement, messieurs, le principe de la non-rétroactivité n'enchaîne
pas le législateur au même degré que le magistrat. Pour le magistrat, c'est un
principe légal qui permet d'annuler sa décision, s'il le viole. Pour le
législateur, ce n'est qu'un principe d'équité, qu'à la vérité il a la puissance
matérielle de méconnaître. Voilà toute la différence qu'il y a, selon moi, sous
ce rapport, entre le législateur et le magistrat au point de vue moral.
Messieurs, je ne méconnais pas que les convenances administratives
militent en faveur de la disposition actuellement en discussion. Mais, à côté
d'un principe d’équité, il me semblait que les convenances administratives
n'avaient plus qu'une importance secondaire. Et d'ailleurs, messieurs, il
pourrait être satisfait à ces convenances administratives par des combinaisons
qu'il ne m'appartient pas d'indiquer ; M. le ministre de la guerre pourrait les
indiquer plus aisément que moi. Cependant il m'en vient une à l'esprit : il me
semble que si transitoirement le contingent annuel était augmenté, on
sauvegarderait les intérêts de l'armée, et le respect d'un principe qu'il n'est
pas permis de violer aussi légèrement qu'on vous sollicite de le faire
aujourd'hui.
On vous a lu, messieurs, la formule du contrat d'engagement qui contient
l'obligation pour le remplaçant de servir pendant tout le temps auquel le
milicien aurait été astreint lui-même. Mais, messieurs, il faut interpréter
cette clause de bonne foi ; l'interprétation de cette clause, il faut la puiser
dans la législation existante à l'époque des contrats de remplacement.
Que disait la législation sous l'empire de laquelle ces remplacements
ont eu lieu ? Il disait qu'en temps de paix le service est de cinq ans, mais
qu'en temps de guerre ce service peut être prorogé indéfiniment ; et voilà
comment on explique qu'on a pu, dans les premières années qui ont suivi la
révolution, sans blesser un principe d'équité, sans proclamer le principe de la
rétroactivité des lois, sans altérer la position des miliciens et sans léser
les intérêts des remplaçants, maintenir les uns et les autres» indéfiniment
sous les drapeaux jusqu'à la paix.
Mais bien certainement le remplaçant qui a voulu
mesurer l'étendue de ses engagements, a consulté la loi. Il a vu que la loi lui
garantissait qu'en temps de paix il ne devait pas servir au-delà de cinq arts.
Voilà comment il faut interpréter la clause qui se trouve dans le contrat, si
on veut l'interpréter avec bonne foi.
Messieurs, j'ai parlé principes, on a répondu convenances. Eh bien, sur
ce terrain même je crois qu'on peut encore combattre M. le ministre de la
guerre. Il y a peut-être d'autres moyens ; mais je me suis borné à en indiquer
un qui me paraît très simple, c'est l'augmentation temporaire du contingent.
Quant à moi, je ne voterai jamais pour une disposition pareille.
M. Donny.
- Messieurs, dans l'hypothèse, au moins douteuse, que la chambre adopte l'article
9 du projet, il me paraît que M. le ministre de la guerre a donné à cet article
une interprétation qu'on ne peut pas admettre comme exacte.
Il vous a fait l'énumération des classes qui, d'après lui, tomberaient
sous l'application de cet article, et, dans cette énumération, il a compris la
levée de 1839.
Je ferai d'abord observer à M. le ministre de la guerre que la levée de
1839, d'après la loi existante, a déjà rempli ses obligations. Au ler janvier
1847, elle a eu accompli ses huit années de service, et si elle n'est pas
encore licenciée, c'est parce que d'autres miliciens ne sont pas rentrés ; mais
légalement parlant, elle a rempli ses obligations ; on doit donc la licencier.
Pourquoi veut-on la tenir sous les drapeaux ? II me semblé qu'il n'y a
aucune bonne réponse à donner à cette question.
En effet, pourquoi M. le ministre de la guerre veut-il, avec l'article 9
du projet, que tous les miliciens des levées antérieures servent pendant neuf
ans ? C'est afin qu'il y ait constamment sous les drapeaux huit classes de
miliciens ; je crois que c'est là le seul motif. Eh bien ! si l'interprétation
de M. le ministre de la guerre devait être admise, il en résulterait que M. le
ministre aurait pour 1847, non pas huit classes, comme il le veut, mais 9 classes,
et je vais les lui énumérer. Il aurait les classes de 1847, 1846, 1845,
1844,1843, 1842, 1841, 1840 ; en voilà huit, et s'il y joint 1839, il en aura
neuf.
Il faut que la classe de 1839 soit licenciée et
alors, en appliquant le système de la loi à partir de 1840, M. le ministre
pourra cette année-ci disposer de 8 classes en y comprenant 1847. L'année
prochaine il en aura également 8 et ainsi de suite. Si M. le ministre
persistait à entendre la loi comme il vient de l'indiquer, s'il persistait à
retenir 9 classes sous les drapeaux, s'il persistait à retenir arbitrairement
une levée qui a déjà satisfait à ses obligations, je voterais non seulement
contre l'article ; mais je voterais de plus contre la loi, si l'article était
adopté, ce qui, j'espère, ne sera pas le cas.
M. le ministre de la guerre (M. Prisse). - J'ai cherché à démontrer par des
chiffres que pour parvenir à lever la milice à l'âge de 20 ans, au lieu de
prendre les hommes à 19 ans, comme on les prend maintenant, nous aurions
nécessairement une époque de transition qui serait de 8 années, pendant
lesquelles il faudrait conserver en réserve une neuvième classe. L'honorable M.
Lebeau s'est opposé à cette disposition en disant qu'on ferait mieux de
renvoyer, comme on a l'habitude de le faire, les miliciens après 8 années de
service, sauf à augmenter pendant 8 ans le contingent afin d'avoir sous les
armes l'effectif nécessaire.
Mais, messieurs, je ferai une seule
observation, c'est qu'en conservant tout le monde on aurait par compagnie 70 à
75 hommes, mettez 80, si vous le voulez. Eh bien, dès que vous réunirez
l'armée, ne fut-ce que sur le pied de rassemblement, il faut au moins 100
hommes par compagnie, il faut des bataillons de 600 hommes ; et rien que pour
l’époque du camp, il y aurait à recourir aux classes qui sont en réserve. On
s'exposerait ainsi à deux embarras : le premier, en n'ayant que sept classes à
mettre sous les armes, ce serait d'en avoir un de moins que ne le veut la loi
d'organisation. Vous auriez en outre à employer une classe entière non exercée,
ce qui rendrait impossible la bonne et suffisante organisation de l'armée sur
le pied de guerre. J'ai cherché à expliquer qu'en conservant les hommes pendant
une année de plus pour traverser l'époque de transition, on leur imposait bien
une certaine chargé, puisqu'il est toujours pénible de ne pas être entièrement
libre, mais qu'on rendait leur position aussi facile que possible. Je ne vois
pas moyen, si l'on se borne à augmenter tout simplement le contingent annuel,
de concilier cette mesure avec les lois que la chambre a votées il y a deux
ans..
M. Delfosse. - Il est bien évident que cette disposition ne doit
pas s'appliquer à la levée de 1839. La levée de 1839 a rempli ses obligations,
elle a droit à être licenciée cette année. Il ne faut pas que le département de
la guerre ait 9 classes à la disposition ; c'est bien assez qu'il en ait 8 ;
c'est déjà trop. Je me suis opposé à la disposition qui fixe la durée du
service à 8 années ; je m'opposerai à plus forte raison à celle qui porterait
cette durée à 9 ans. Comment ! sous le gouvernement des Pays-Bas le service
n'était que de 8 ans ; il va être de 8 ans pour toutes les classes, et l'on
voudrait en outre que 8 classes fussent tenues de servir pendant 9 années !
Quelles raisons M. le ministre de la guerre donne-t-il à l'appui de ce système
? Des raisons extrêmement futiles : M. le ministre de la guerre nous dit que la
loi sur l'organisation de l'armée fixant le contingent à 80,000 hommes, le
gouvernement doit avoir en tout temps 8 classes de 10,000 hommes à sa
disposition.
(page 1220) Mais ne
dépend-il pas de nous de modifier cette loi par des mesures transitoires ?
J'aimerais certes mieux, si cela était nécessaire, augmenter quelque peu le
contingent annuel, que de forcer 8 classes à servir pendant 9 ans.
M. le ministre de la guerre nous dit encore qu’on n’appellerait les
miliciens de ces 8 classes que dans le cas de guerre, dans le cas d’événements
inattendus. Messieurs, ces cas-là sont extrêmement rares ; il faut espérer
qu'ils ne se présenteront pas ; mais s'ils se présentaient, il serait toujours
temps de recourir à des mesures extraordinaires. N'allons pas, en vue d'une
telle éventualité, laisser pendant neuf ans 8 classes de miliciens à la
disposition du gouvernement.
Ces miliciens pourront se marier,
cela est encore vrai, mais ils ne pourront pas s'absenter sans la permission du
gouvernement. C'est là une atteinte à la liberté qu'il faut bien se garder
d'étendre sans nécessité. Autrefois le milicien était libre après 5 ans ; il ne
le sera qu'après 8 ; arrêtez-vous au moins là. Je demande formellement que la
chambre repousse la proposition de M. le ministre de la guerre.
M. de Mérode. - La formule du contrat de
remplacement est une chose très sérieuse qui doit s'interpréter dans son sens
naturel.
Or, elle porte que le remplaçant s'oblige à remplacer dans la milice
nationale le milicien qui est appelé au service et à remplir pour lui toutes ses
obligations dans le service.
Si donc l'obligation que vous imposeriez par l'article au remplaçant
était contraire à l'équité, elle serait contraire à l'équité à l'égard de celui
qui sert pour son compte.
Quant à la 9ème année qu'on veut ajouter à la durée du service, je ne
comprends pas non plus cette mesure. La durée du service a été fixée à 8 ans
parce qu'on a jugé probablement que 8 années suffisaient ; eh bien si 8 années
suffisent elles doivent servir aussi bien dans le présent qu'à l'avenir.
M. de Roo, rapporteur.
- Messieurs, il n'y a aucune limite fixée quant à la durée du service dans les
contrats de remplacement. Voici la formule de l'engagement que les remplaçants
contractent : Lesquels nous ont déclaré, savoir : A présenter comme son
remplaçant ledit B ; et ledit R vouloir servir dans la milice nationale pour et
en remplacement de A.
Et puis plus loin : que ledit B s'oblige à remplacer dans la milice
nationale A, lequel est appelé au service et à remplir pour lui toutes ses
obligations dans le service, aux conditions, etc.
Ainsi le remplaçant est astreint à toutes les obligations auxquelles
était obligé le remplacé lui-même. Or, si le remplacé était au service, il
devrait servir pendant les 9 années fixées par la loi actuelle, le remplaçant
s'y trouve donc également obligé ; en tout cas cela ne nous lie pas.
M. Pirson. -
En présence des dispositions de la chambre, qui me paraît pressée d'en finir,
je ne dirai que quelques mots. Les observations qui ont été présentées par M.
le ministre de la guerre, ne sont pas aussi futiles que le pense l'honorable M.
Delfosse.
En 1845, quand vous avez fixé à 80,000 hommes le contingent de l'armée,
vous avez cru que ce contingent était nécessaire pour assurer au besoin la
défense du pays. Vous avez organisé votre armée en prenant ce chiffre pour
base. Or, si vous n'accordez aujourd'hui au gouvernement que 70,000 hommes
pendant 7 ou 8 ans, vous défaites en quelque sorte ce que vous avez fait en
1845.
Je ne sais quel vote la chambre va
émettre ; mais d'ici au deuxième vote, je reverrai la note dont M. le ministre
de la guerre vient de donner lecture à la chambre, et dont je n'ai pu saisir à
une première audition tous les chiffres et toutes les conséquences qui en
découlent. Si la chambre rejette la disposition transitoire, j'aviserai alors
s'il n'y aurait pas lieu de faire une proposition ultérieure pour combler la
lacune qui résultera nécessairement de ce rejet. Je me proposais de présenter
immédiatement un amendement ayant pour objet d'autoriser le gouvernement à
disposer d'une classe de plus de la réserve, pour le service actif, mais
d'après les observations que me font plusieurs honorables collègues, je
remettrai cette proposition au deuxième vote, s'il y a lieu ; et pour autant
toutefois que le gouvernement ne soumette pas une proportion meilleure.
M. de Corswarem. - Messieurs,
il me paraît qu'un autre article transitoire est également nécessaire. Si nous
adoptons la loi telle qu'elle nous est proposée, si nous adoptons son dernier
article transitoire, nous faisons un tort pécuniaire très considérable à une
certaine classe de militaires ; je veux parler de ceux qui font, en quelque
sorte, le métier de remplacer ; et parmi eux, il y en a beaucoup qui sont
mariés ; ce sont des hommes qui sont étrangers à tout autre métier quelconque,
et qui servent comme remplaçants, tant qu'ils ont l'âge pour pouvoir servir en
cette qualité.
Eh bien, messieurs, je suis certain que parmi les militaires de cette
catégorie, il en est qui auraient encore l'âge pour pouvoir contracter un
nouvel engagement, s'ils étaient libérés, au bout de 5 ans, de l'engagement
qu'ils accomplissent en ce moment.
Lorsqu'ils ont contracté leur engagement actuel, ils ne s'attendaient
certainement pas à devoir servir plus de cinq ans ; si vous les obligez à
servir pendant 9 ans, il peut fort bien se faire que pendant ces quatre années,
ils deviennent trop âgés pour pouvoir contracter un nouvel engagement. Nous enlèverions
donc à ces hommes le prix entier d'un engagement, et pour des hommes de cette
catégorie, c'est un tort immense que nous leur faisons.
M. le ministre de la guerre nous a dit tout à l'heure qu'en temps de
paix, dans les circonstances ordinaires, ils ne seront tenus de servir
activement que pendant les quatre ou cinq premières années de leur terme. Eh
bien, il me paraît que ceux qui ont été incorporés comme remplaçants de
miliciens d'une classe antérieure à 1848 devraient avoir le droit de pouvoir contracter
un nouvel engagement après cinq années de service.
Mais comme il se pourrait que, dans certaines circonstances, le premier
remplacé fût rappelé au service, je crois que dans ce cas, le remplaçant
devrait continuer à servir pour le premier remplacé, et que le second remplacé
devrait fournir un autre remplaçant ou servir en personne.
C'est pour prévoir ce cas que j'ai rédigé une espèce d'amendement. D'ici
au second vote, on pourra examiner la rédaction et en juger la portée ; car je
dois convenir qu'improviser ainsi un article de loi est fort difficile, et
qu'on y réussit très rarement du premier jet. L'article transitoire nouveau
serait conçu à peu près dans ces termes :
« Les remplaçants d'une classe antérieure à celle de 1848, qui auront
servi pendant cinq ans, pourront contracter un nouveau remplacement.
« Si le premier remplacé est rappelé
au service, le remplaçant devra continuer son premier engagement, et le second
remplacé devra fournir un autre remplaçant ou servir en personne. »
Il me paraît qu'avec un article rédigé dans le sens de cet amendement,
le gouvernement aura constamment tous les hommes dont il aura besoin en cas de
nécessité ; mais aussi il ne forcera pas un homme qui a contracté un
remplacement à rester chez lui inactif pendant quatre ou cinq, et à dépenser
entre-temps la petite épargne qu'il aura pu faire sur le prix de son
engagement. Avec une disposition analogue à celle que j'indique, cet homme
pourrait utiliser son temps, et le gouvernement ne perdrait jamais à cela.
- L'amendement de M. de Corswarem est appuyé.
M. Delfosse. - Messieurs, l'honorable M. Pirson vient de nous dire
que la loi d'organisation de l'année fixe le contingent à 80,000 hommes. Je le
sais bien : le contingent doit être de 80,000 hommes ; mais la loi
d'organisation de l'armée n'exige pas qu'on obtienne ces 80,000 hommes au moyen
d'une injustice, elle n'exige pas qu'on fasse peser sur quelques classes de nos
concitoyens une charge beaucoup plus lourde que sur d'autres. Elle n'exige pas
que les uns servent pendant neuf années, alors que le service ne serait que de
huit ans pour d'autres, alors qu'il n'était précédemment que de cinq ans.
La loi d'organisation de l'armée établit une règle générale qui ne
préjudicie en rien aux mesures transitoires qu'il peut nous convenir d'adopter.
Quel inconvénient y a-t-il, je vous le demande, à décider par mesure
transitoire, que le contingent de l'armée ne sera que de 70,000 hommes, pendant
quelques années ?
L'honorable M. Pirson a parlé de cas de
guerre ; j'ai déjà répondu à cette objection. En cas de guerre, on ne se
bornerait pas à faire marcher les miliciens mis à la disposition du
gouvernement ; on appellerait à la défense de la patrie tous les citoyens en
état de porter les armes. C'est ce qu'on ne manquerait pas de faire ;
qu'importe alors que vous ayez une classe de plus ou de moins ?
Si la disposition transitoire était rejetée, l'honorable M. Pirson nous
annonce qu'il présentera un amendement par suite duquel il y aurait une classe
de plus en activité et une classe de moins dans la réserve. Cet amendement se
rapporte à l'article premier, qui doit être soumis à un second vote ; j'engage
donc l'honorable membre à attendre le second vote pour présenter son
amendement, et je conjure la chambre de rejeter la disposition transitoire qui
consacrerait une grande injustice.
M. de Garcia. - On doit le
reconnaître, la disposition que nous sommes appelés à discuter apportera un
préjudice notable à un grand nombre de nos concitoyens qui font actuellement
partie de la milice nationale. Allonger d'une année la durée du service
militaire, qui est déjà de huit ans, et le porter à neuf ans, est
incontestablement une aggravation sensible dans les charges auxquelles ils étaient
soumis. Dans la position où l'on se trouve, la seule question à examiner est de
savoir si l'on peut s'en tirer sans préjudice pour aucuns.
Pour cet examen, il y a un point de départ, c'est la loi d'organisation
de l'armée qui veut qu'elle soit de 80 mille hommes. C'est la loi qui fixe le
contingent annuel à 10 mille hommes.
En présence de ces dispositions législatives, j'avoue qu'il m'est
impossible de concevoir comment on peut atteindre le but qu'on se propose sans porter
une atteinte quelconque à certains principes de justice. En effet, si, pour
satisfaire à la loi organique de l'armée et pour remplir les cadres on remonte
aux classes antérieures et l'on appelle sous les drapeaux des citoyens qui se
regardaient comme libérés du service et qui, par suite, ont pris des états, se
sont mariés, etc., etc., incontestablement vous leur porterez aussi un grave
préjudice.
L'amendement indiqué par l'honorable M. Pirson porterait aussi préjudice
à la catégorie des miliciens appartenant à la réserve qui rentrerait dans
l’activité. De quelque côté qu’on se tourne et quoi qu’on fasse, si l’on
respecte les lois signalées plus haut, l’on ne peut sortir de la situation
actuelle sans qu'il en résulte une sorte d’injustice, un préjudice grave pour
une fraction de citoyens. C'est au reste ce qui arrive toutes les fois qu'on
prend une grande mesure de sûreté ou d'intérêt général.
Un seul moyen reste pour ne blesser personne, mais qui ne remplit (page 1221) pas rigoureusement le vœu de
nos lois. Jusqu'à ce jour, en fait, il y a eu dans l'armée non seulement dans
les classes anciennes, mais encore dans la classe la plus jeune. Cette dernière
n'était appelée sous les drapeaux que dix-huit mois après le tirage au sort,
dix-huit mois après son incorporation dans l'armée.
C'est même à raison de cette considération que le gouvernement a proposé
une modification dans l'âge où le militaire serait appelé au service. Pour ne
porter préjudice à personne, peut-on rester dans la position actuelle et laisser
au temps le soin de régulariser les choses et d'accomplir les prescriptions des
lois existantes ? C'est une question très grave qu'il ne m'appartient pas de
résoudre, mais je m'empresse de déclarer qu'en aucune manière je ne veux ôter
au gouvernement le moyen de défendre le pays dans tous les cas donnés.
- La discussion est close,
M.
le président. - Je vais mettre aux voix l'article 9 du
gouvernement.
L'amendement de M. de Corswarem viendra après.
Plusieurs voix. - L'appel nominal.
- Il est procédé à cette opération. En voici le résultat :
55 membres ont répondu à l'appel ;
5 membres ont répondu oui ;
46 membres ont répondu non ;
4 membres se sont abstenus.
En conséquence, l'article n'est pas adopté.
Ont répondu oui : MM. Pirson, d'Anethan, Dechamps, de Roo et Vilain
XIIII.
Ont répondu non : MM. de Tornaco, de T'Serclaes, d'Hoffschmidt, Donny,
Dubus (Albéric), Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon. Fleussu, Henot, Huveners,
Lange, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Loos, Lys, Maertens, Manilius, Orban, Orts,
Pirmez. Rodenbach, Sigart, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde,
Vandensteen, Verhaegen, Veydt, Zoude, Anspach, Brabant, Castiau, Clep, David,
de Bonne, de Corswarem, de la Coste, Delehaye, Delfosse, d'Elhoungne, de
Meester, Desmet et de Terbecq.
M.
le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités
à énoncer les motifs de leur abstention.
M. Nothomb. - L'article
proposé contenait quelque chose qui blesse l'équité ; mais il faut chercher le
moyen de remplir la lacune que présentera le contingent de l'armée. Nous le
chercherons d'ici au second vote.
M. Rogier. - Au milieu
des propositions surgissant de toutes parts, et en l'absence de toute direction
donnée par le gouvernement, il est difficile de se former une opinion.
M. de Garcia. - Je me suis
abstenu pour les mêmes motifs que M. Nothomb.
M. de Mérode. - Je me suis abstenu en attendant l'amendement
annoncé par M. Pirson.
M. de Corswarem. - L'article
9 n'ayant pas été admis, mon amendement devient sans objet. Je le retire.
Article additionnel
M.
le président. - Nous passons à l'amendement de M.
d'Hoffschmidt, ainsi conçu :
« L'époque fixée pour la première session des conseils de milice, par
l'article 125 de la loi du 8 janvier 1817, pourra être retardée par les gouverneurs.
Lorsqu'ils useront de cette faculté, ils ajourneront au mai la remise des
volontaires et des miliciens désignés dans la première session. »
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, j'ai déjà fait connaître
les motifs qui m'ont engagé à présenter l'amendement dont on vient de vous
donner lecture. Ce sont des motifs d'humanité. La loi actuelle fixe au milieu
de l'hiver la première session des conseils de milice. Il en résulte que les
miliciens exemptés les années précédentes pour faiblesse de constitution, pour
défaut corporel ou maladie, doivent se traîner péniblement par des temps
affreux au chef-lieu de l'arrondissement.
Cependant, comme je voulais m'assurer que mon amendement ne portait
aucune perturbation aux opérations de la levée de la milice, j'en ai parlé à
MM. les ministres de l'intérieur et de la guerre, et ils n'ont fait aucune
objection à la proposition qui vient de vous être communiquée.
Je crois en effet que cette proposition ne peut
entraîner absolument aucun inconvénient. C'est une faculté seulement qui serait
accordée aux gouverneurs de province, faculté dont ils jouissent déjà pour
avancer l'époque des sessions des conseils de milice et qu'ils obtiendraient
pour retarder la première session.
C'est donc une lacune existante dans la loi actuelle que mon amendement
a pour but de combler.
Je crois inutile de m'étendre sur les avantages résultant de mon
amendement. Je ne pense pas que l'on puisse y faire d'objection sérieuse. Si on
le combat j'entrerai dans de nombreux développements.
M. de Roo, rapporteur.
- Je n'ai rien à ajouter aux observations que j'ai présentées dans la
discussion générale, au sujet de l'amendement de l'honorable M. d’Hoffschmidt.
Je ne demande la parole que pour rectifier une erreur typographique, un a pour
un o qui me faire dire précisément l'opposé de ce que j'ai dit. J'avais dit que
les opérations du conseil de milice avaient lieu le second lundi de février ou
plus tôt. Le Moniteur me fait dire au plus tôt. C'est, comme vous voyez, tout
le contraire.
M. Delehaye. - J'applaudis au sentiment
d'humanité qui a inspiré à l'honorable M. d'Hoffschmidt son amendement. Mais ne
serait-il pas étrange que dans un petit Etat comme. le nôtre, composé de neuf
provinces seulement, il y eût des époques différentes dans chaque province pour
la réunion des conseils de milice ? Je comprends une disposition de cette
nature dans ces vastes Etats où l'on trouve à la fois, au nord, un froid
rigoureux, au midi un printemps éternel.
Mais, en Belgique, nous n'avons pour ainsi dire qu'une seule température
pour le pays tout entier. Si la rigueur de l'hiver force à différer la réunion
des conseils de milice dans une province, il doit en être ainsi pour toutes les
autres.
J'appelle sur cette observation l'attention du gouvernement, en
regrettant avec l'honorable député d'Anvers qu'il n'éclaire pas cette
discussion, en y prenant une part plus active.
M. le ministre de la guerre (M. Prisse). - L'honorable M. d'Hoffschmidt vient
de faire connaître à l'assemblée que mon honorable collègue M. le ministre de
l'intérieur et moi sommes favorables à sa proposition. Effectivement, pendant
le cours de cette séance, cet honorable membre m'a demandé si je ne voyais pas
de difficulté à ce qu'elle fût adoptée.
Il m'a dit qu'elle avait
principalement pour but de ne pas rendre obligatoire surtout dans la province à
laquelle il appartient, l'arrivée des miliciens au chef-lieu à des époques où
les chemins sont impraticables, spécialement dans le Luxembourg.
Comme je connais le pays, comme je sais, par expérience, que malgré
toutes les précautions possibles pour voyager commodément, on peut rencontrer
des obstacles insurmontables au milieu des routes, je pense que l'on peut, que
l'on doit, dans des cas semblables, accorder aux gouverneurs la faculté de
retarder l'appel des miliciens au chef-lieu, mais en limitant cependant
l'époque, de manière à ce que la réunion des conseils de milice dans les
diverses provinces ait lieu à peu près en même temps.
M. de La Coste. - Je pense
qu'il conviendrait d'attribuer cette faculté au gouvernement plutôt qu'aux
gouverneurs.
En effet, quand le gouverneur n'agit pas comme président de la
députation, il agit comme commissaire du roi ; il n'a qu'un pouvoir délégué. Je
ne pense pas qu'il faille lui donner un pouvoir direct par la loi. Je
proposerai donc de substituer le mot « gouvernement » au
mot « gouverneurs ».
M. d’Hoffschmidt. - Je ne vois aucune difficulté à me
rallier à la modification indiquée par l'honorable M. de La Coste, et qui
consiste à substituer le mot « gouvernement » au mot
« gouverneurs ». Ce qui m'avait porté à désigner les gouverneurs,
c'est que l'article 36 de la loi du 27 avril 1820 leur donne déjà le droit
d'avancer l'époque des sessions. C'est pourquoi j'avais pensé devoir leur
conférer également la faculté énoncée dans ma proposition.
Il me semble, messieurs, que je n'ai point à insister en faveur de mon
amendement, puisqu'il n'a soulevé jusqu'à présent aucune objection. Il en a été
fait une seule par l'honorable M. Delehaye sur la convenance d'avoir dans
toutes les provinces une même époque pour la session dei conseils de milice. II
y est fait droit par la modification qu'a proposé' M. de La Coste.
Le gouvernement sera libre de changer dans tout le royaume l'époque
fixée pour la première session des conseils et ne doit pas hésiter à le faire,
car rien ne justifie l'époque actuelle qui n'est une aggravation inutile des
charges de la milice déjà si lourdes pour les classes inférieures de la
société.
M. Delehaye. - C'est évident.
M. le ministre de la guerre (M. Prisse). - Je ne vois non plus aucune
difficulté à me rallier à la proposition de l'honorable M. de La Coste. Je
crois qu'il y a convenance à ce que ce soit le gouvernement qui retarde,
lorsque ce sera nécessaire, la réunion des conseils de milice. Si je n'ai pas
fait moi-même cette proposition, c'est par une considération qui se rattache à
la province à laquelle appartient l'honorable M. d’Hoffschmidt. Souvent, en
effet, on ne peut prévoir, de Bruxelles, la difficulté que pourront rencontrer
les miliciens à se rendre de l'extrémité du Luxembourg au chef-lieu (de Marche,
par exemple, à Arlon), à l'époque fixée pour la réunion du conseil de milice.
Vous savez, messieurs, qu'il y a trois ans le
gouverneur et le commandant militaire de la province se sont trouvés arrêtés au
milieu de la route de Martelange à Bastogne. Ils ont été obligés de sortir par
la porte et de grimper sur l'impériale de leur voiture pour ne pas être
ensevelis sous les neiges.
Cependant l'on ne pouvait être dans de meilleures conditions de voyage
que ces fonctionnaires ; or, je demande ce qui serait avenu de miliciens dans
un cas pareil.
Au reste, je le répète, je me rallie volontiers au sous-amendement de
l'honorable M. de La Coste.
M. Eloy de Burdinne. - D'après le discours de M. le
ministre de la guerre, il semblerait que cette disposition n'aurait de portée
que pour le Luxembourg. Je ferai remarquer qu'il est d'autres localités, et je
citerai la province de Liège, où en hiver les chemins sont aussi impraticables
que dans le Luxembourg.
La disposition doit donc être entendue dans un sens général, sauf au
gouvernement à voir où elle dévia être appliquée. C'est dans ce sens que je
voterai.
M. de Mérode. - Messieurs, il résulte de ce que
vient de dire M. le ministre de la guerre et de ce qui m'est également connu
particulièrement, (page 1222) qu'il
peut arriver que le gouverneur d'une province sente l'urgence d'accorder le
délai dont il s'agit, tandis que le gouvernement qui réside à Bruxelles peut ne
pas en être informé à temps. Je ne vois donc pas pourquoi on ne veut pas
attribuer aux gouverneurs la faculté dont il est question dans l'amendement de
l'honorable M. d’Hoffschmiddt. Il me semble que, dans l'intérêt des miliciens,
l'amendement, tel qu'il avait d'abord été proposé, doit être adopté. Les
gouverneurs n'useront pas de cette faculté sans nécessité,
M.
de La Coste. - Messieurs, l'objection de l'honorable comte
de Mérode ne me paraît pas bien forte. Car le gouverneur peut faire son rapport
et obtenir une réponse très promptement. D'ailleurs, le gouvernement peut
prévoir la circonstance et déléguer des pouvoirs au gouverneur.
- La discussion est close.
L'amendement de M. d'Hoffschmidt, sous-amendé comme le propose M. de La
Coste, est mis aux voix et adopté.
Article additionnel
M.
le président. - Reste l'article additionnel présenté par M. de Bonne et ainsi conçu :
« Indépendamment des peines établies par la loi actuelle contre les
réfractaires, ils pourront être condamnés, à titre de dommages-intérêts, à
payer aux miliciens appelés en leur lieu et place la somme de 500 à 2,000
francs par chaque année d'absence. »
M. A. Dubus. -
Messieurs, j’ai demandé la parole pour présenter quelques observations sur
l'amendement de l'honorable M. de Bonne.
Cet amendement est ainsi conçu :
« Indépendamment des peines établies par la loi actuelle contre les
réfractaires, ils pourront être condamnés, à titre de dommages-intérêts, à
payer aux miliciens appelés en leur lieu et place la somme de 500 à 2,000 fr.
par chaque année d'absence. »
D'abord, messieurs, il faut bien diviser les réfractaires en deux catégories
: les réfractaires de bonne foi et les réfractaires de mauvaise foi. La plupart
du temps, dans les communes, les réfractaires sont de bonne foi. Or, lorsqu'un
réfractaire est de bonne foi, il demeure dans sa commune ; le gouverneur a
l'habitude de le mettre dans la position des miliciens ordinaires et de
l'admettre à un tirage supplémentaire.
Le réfractaire de mauvaise foi est celui qui, connaissant ses
obligations, cherche à y échapper en se cachant. S'il est découvert, il est
arrêté par la gendarmerie, est incorporé et doit servir pendant huit ans sans
congé. S'il veut échapper aux poursuites, il est forcé de s'expatrier, et
d'après la nouvelle loi il devra rester expatrié depuis l'âge de 19 ans jusqu'à
celui de 36. Or, messieurs, je trouve que cette punition est déjà assez forte,
il est inutile de l'aggraver.
L'honorable M.de Bonne propose de condamner les
réfractaires à une amende de 500 à 2,000 fr.. et cela en faveur des miliciens
appelés en leur lieu et place. J'aurais compris cet amendement avec la loi
ancienne ; mais il devient inutile avec la loi nouvelle qui dit que le
contingent annuel sera réparti proportionnellement au nombre des jeunes gens
inscrits pour la levée dans la commune. En effet, que résulte-t-il de cette
disposition ? C'est que le réfractaire ne fait plus marcher d'autre milicien et
c'est le but que le gouvernement veut atteindre dans le projet actuel. L'exposé
des motifs accompagnant le projet présenté par l'honorable M. Nothomb en 1844,
donne des détails très-précis à cet égard.
Je pense, messieurs, que l'honorable M. de Bonne ferait bien de retirer
son amendement. Car s'il était admis, son application serait impossible.
M. de Bonne. - Messieurs, si les observations que vient de faire l'honorable
préopinant étaient exactes, mon amendement serait tout à fait oiseux.
Il paraît que, d'après le projet de loi qui est soumis à l’examen de la
chambre, rien n'est abrogé des anciennes lois existant sur la milice. Ces lois
forment un labyrinthe que la loi nouvelle ne fait qu'agrandir.
L'honorable préopinant nous dit : Il y a deux classes de réfractaires ;
la première est formée des jeunes gens qui ne se sont pas fait inscrire ; la
seconde, de ceux qui, inscrits, prennent la fuite. La première classe, ce sont
les réfractaires de bonne foi ; la seconde, ce sont les réfractaires de
mauvaise foi ; et, quant à ceux-ci, l'ordre est donné à la gendarmerie de les
arrêter, et ils sont compris dans le contingent.
Mais, messieurs, la loi ne fait pas de distinction. S'il ne peut plus y
avoir de réfractaire réel et véritable, pourquoi ce mot est-il employé, et
pourquoi est-il dit dans la loi : Les réfractaires ne sont plus compris dans le
contingent assigné à leur commune ? !
Qu'un réfractaire soit reconnu de bonne foi et qu'après examen, on le
décharge de la peine, je le veux bien ; mais si d'après le système de la loi,
il faut qu'un milicien marche en remplacement du réfractaire, je dis qu'il y a
là une injustice qui doit être réparée et que celui qui est appelé à marcher en
place du réfractaire, a droit à une indemnité.
Il ne peut plus, dit-on, y avoir de réfractaires. C'est ce que je ne
comprends pas. La loi dit que le réfractaire qui ne s'est pas présente, qui est
de mauvaise foi, marche pendant huit années. Mais s'il marche pendant huit
années et s'il n'est pas compris dans le contingent, il y a un autre milicien
qui a marché en son lieu et place, et le gouvernement au lieu d'avoir 10,000
miliciens, en aura 10,001, 10,010, 10,100, selon le nombre des réfractaires.
On nous dit que mon amendement se comprendrait
avec la loi ancienne. Mais l'article 5 de la loi nouvelle n'abroge aucun des
articles de la loi ancienne, et dès lors, je dis que cet article nouveau
établit une disposition qui peut porter préjudice à des miliciens qui
n'auraient pas été rappelés s'il n'y avait pas eu de réfractaires ; et s'il y a
des réfractaires et qu'il faille faire marcher 10, 20, 50, 100 hommes de plus,
je dis qu’il est juste que ceux qui marchent ainsi à la place des réfractaires
soient indemnisés.
On dit que l'indemnité que j'ai proposée est trop forte ; mais,
messieurs, on ne peut jamais payer la vie d'un homme. Que chacun de nous se
mette à la place de celui qui est forcé de marcher pour un autre, et qu'il me
dise s'il y a une injustice plus grande que celle-là !
J'insiste pour l'adoption de mon amendement.
M. de Roo, rapporteur.
- Messieurs, l'amendement serait tout à fait inexécutable, car je voudrais bien
savoir où l'on ira chercher ceux qui sont appelés aux lieu et place des
réfractaires, pour leur payer cette somme de 500 à 2,000 fr. proposée par M. de
Bonne. Les réfractaires sont actuellement déduits du contingent général du
pays, et dès lors il est impossible de trouver la personne qui est appelée à
leur place.
M. de Bonne. - L'explication de M. le rapporteur fait tomber la
première partie de mon amendement, celle qui concerne les réfractaires
non-inscrits. Mais l'article ne dit rien des réfractaires qui ont été inscrits,
qui ont été désignés et qui fuient. Est-ce que le gouvernement n’appelle pas
d'autres miliciens pour remplacer ceux-là ?
M. Nothomb. - Voici le cas dont se préoccupe l'honorable membre :
Un citoyen est inscrit, le tirage au sort a lieu, il est désigné par le sort et
il fuit : il est perdu pour l'armée ; le numéro suivant n'est pas appelé. (Interruption.) Ce n'est plus un
réfractaire, c'est un déserteur.
Je pense donc que l'honorable membre doit retirer son. amendement, comme
étant sans objet.
M. de Bonne. - Je retire mon amendement. Je
reconnais qu'il est sans objet, mais il a amené une explication qui éclaircit
une disposition de la loi.
M.
le président. - Le vote définitif est remis à lundi.
M. Dumortier. - Mon intention était de présenter
un amendement au sujet du mariage des miliciens, mais je pense que je pourrai
au second vote rattacher cet amendement à celui de l'honorable M. Dubus. Je
voudrais qu'après 30 ans on n'exigeât plus un certificat de milice pour
autoriser le mariage ; il est parfaitement ridicule d'exiger un semblable
certificat d'un homme de 40 et même de 50 ans, comme on le fait aujourd'hui.
M.
Vandensteen. - J'aurais désiré, messieurs, présenter un
amendement relatif à l'article 187 dont l'application donne lieu à beaucoup
d'abus en ce qui concerne la délivrance des certificats. J'aurais voulu qu'on
examinât s'il n'y aurait pas moyen de faire délivrer les certificats avant le
tirage au sort. Ce serait là une grande amélioration au système de la loi, car
les certificats ne seraient plus refusés comme ils le sont presque toujours
aujourd'hui.
M. Delehaye. - Dans l'intérêt de la loi, je crois qu'il serait à
désirer que les honorables préopinants voulussent bien déposer leurs
amendements et que la chambre en ordonnât l'impression, alors nous pourrions
les examiner d'ici au second vote. Si, cependant, on décidait que la discussion
continuera demain, alors je n'insisterais pas sur mon observation.
- La chambre décide que la discussion continuera demain. La séance est
levée à 4 heures 3/4.