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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 4 mars 1846
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre,
notamment pétitions relatives à la résidence d’un juge de paix (Lange) et au tunnel de Braine-le-Comte (ligne du Hainaut) (Duvivier)
2) Projet de loi relatif à
la vente d’effets militaires. Code pénal militaire (Henot)
3) Projet de loi sur la comptabilité
publique.
a) Motion d’ordre portant
sur la cohésion du gouvernement et sur les rumeurs de démission (+dépenses
urgentes à faire en l’absence de crédits) (Manilius, Malou, Manilius, de Mérode, Verhaegen, Malou, de La Coste, Devaux, d’Huart, Dechamps,
Verhaegen, de Theux, Lebeau, Malou)
b) Discussion des articles.
Dépenses urgentes à faire en l’absence de crédits (Osy, de Man d’Attenrode, de La Coste, Delehaye, de Garcia, Savart-Martel, Mercier, de Mérode, Desmet, de Man d’Attenrode, Malou, Jonet, de Man d’Attenrode, de Mérode, Delfosse, Malou, Delfosse), nature (pluri-)annuelle
des crédits (Malou, de Man d’Attenrode,
Malou), possibilité de passer des marchés de gré à gré (Malou), dépenses fixes (Malou, de Man d’Attenrode, Malou, de Man d’Attenrode, de Mérode, Malou, Osy, Malou,
de Garcia, Malou), forme du
compte d’exécution du budget (Malou, de
Man d’Attenrode, Malou, de La
Coste, Malou, Veydt, Malou, de Man d’Attenrode, Malou, de Man d’Attenrode, de Theux, Rogier, Desmet,
Malou), fonds de tiers (Malou),
projet de règlement définitif du budget (Malou, Delfosse, Malou)
4) Projet de loi autorisant
le gouvernement à concéder le chemin de fer du Luxembourg
5) Projet de loi sur la comptabilité
publique. Discussion des articles. Projet de règlement définitif du budget (Malou), cautionnements des comptables (Malou,
de Man d’Attenrode)
(Annales
parlementaires de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M.
Liedts.)
(page 860) M. de Villegas procède à l'appel nominal à midi et quart.
M. Huveners donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ;
la rédaction en est approuvée.
M. de Villegas présente l'analyse des pétitions adressées à la
chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le sieur Bervoets, instituteur à Bruxelles,
soumet à la chambre un projet de culture pour les bruyères. »
- Dépôt au bureau des renseignements.
« Les membres du conseil communal d'Uccle
demandent que l'arrêté royal du 6 février 1846, qui a transféré d’Uccle à
St-Gilles le bureau de l'enregistrement, soit rapporté, et que le receveur des
contributions directes et le juge de paix soient tenus d'habiter Uccle,
chef-lieu du canton. »
M. Lange. - Comme cette requête a un caractère d'urgence, je
demanderai qu'elle soit renvoyée à la commission des pétitions avec invitation
de faire un prompt rapport. »
- Cette proposition est adoptée.
_________________
« Les régisseurs de la wateringue de
Stammerhoucke prient la chambre de rejeter le projet de loi sur la dérivation
des eaux de la Lys. »
« Même demande des régisseurs de la wateringue
de Maeskerke-Sud au-delà de la Lieve. »
- Renvoi à la section centrale chargée
d'examiner le projet.
« Plusieurs habitants des localités qui
avoisinent la voie ferrée de la ligne du Midi, demandent que le tunnel de
Braine de Comte soit remplacé par une voie double à ciel ouvert. »
« Même demande des notables industriels et
négociants de Neufville. »
M. Duvivier. - Je demanderai le renvoi de ces deux pièces fort
intéressantes à la section centrale du budget des travaux publics.
- Cette proposition est adoptée.
PROJET DE LOI RELATIF A LA VENTE D’EFFETS
MILITAIRES
M. Henot. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la
commission spéciale qui a été chargée d'examiner le projet de loi relatif à la
vente d'effets militaires.
- Ce rapport sera imprimé et distribué ; et la
mise à l'ordre du jour sera ultérieurement fixée.
M. Manilius. - J'ai demandé la parole pour adresser une
interpellation à MM. les ministres. Je suis porté à le faire, parce que tout à
l'heure nous allons avoir à discuter un article de la loi de comptabilité qui
est très important et de nature à mériter toute l'attention de la chambre et la
présence d'un cabinet réel ; je dis d'un cabinet réel, parce que j'ai lieu de
douter qu'il soit encore réellement entier, voire même qu'il existe.
Je demande donc que le ministère veuille bien
répondre catégoriquement : quelle est la situation où se trouve maintenant
le cabinet, s'il est en état de donner suite au projet de loi en discussion ou
si l'on ne ferait pas mieux de l'ajourner jusqu'à la fin de la crise
ministérielle.
M. le ministre des finances
(M. Malou). -
A la fin de l'avant-dernière séance répondant à une interpellation de
l'honorable M. Rogier, j'ai déclaré qu'avant peu de jours la chambre et le pays
connaîtraient la véritable situation. J'ai ajouté qu'il ne me paraissait
exister aucun motif pour interrompre la discussion d'une loi qui a un caractère
tout administratif et dont le vote est indépendant de l'opinion qu'on peut
avoir sur la situation et de cette situation elle-même. Je crois devoir me
borner à reproduire cette déclaration, que j'ai déjà faite, parce qu'il s'est
écoulé seulement deux jours, et que rien n'est changé depuis que je l'ai faite
; il me semble, d'ailleurs, qu'on peut bien encore attendre deux ou trois
jours.
M. Manilius. - En effet, la loi qui nous occupe a un caractère
administratif, mais il n'en est pas ainsi de l'article 17, qui a été introduit
dans le projet en dehors des vues du gouvernement. Je trouve que cet article
touche à une des plus grandes questions qu'on puisse soulever dans cette
enceinte, à une question constitutionnelle. Si cet article était voté tel qu'il
est présenté, on ne ferait ni plus ni moins que délier la bourse de l'Etat et
la mettre entre les mains du gouvernement. Nous devons conserver les sages
précautions instituées par la Constitution pour empêcher la dilapidation des
deniers de l'Etat ; nous avons juré de maintenir la Constitution, nous devons
faire tous nos efforts pour maintenir le pouvoir exécutif dans les limites que
la Constitution lui a tracées. cette question peut aller très loin ; son examen
exige la présence d'un ministère sérieux qui puisse avoir notre confiance ;
mais nous ne pouvons pas la discuter devant un ministère délabré, comme l'est
celui que nous avons devant nous ; car je ne sais à qui nous accorderions notre
confiance.
Si l'on veut continuer la discussion du projet à
l'ordre du jour, je reproduirai mes observations à chaque occasion. Je
combattrai la disposition présentée en attaquant la situation extraordinaire du
cabinet, et l'inconstitutionnalité.
C'est
une inconvenance envers la chambre que de ne pas lui faire connaître si elle a
devant elle un ministère démissionnaire, oui ou non. On a dit dans une autre
enceinte que dans deux ou trois jours on donnera des explications, et l'on
vient encore, quelques jours après, répéter la même chose ici. Cela est
contraire à la dignité de la représentation nationale, qui a le droit de savoir
devant quel cabinet elle se trouve, ou plutôt de connaître la situation du
cabinet qui se trouve devant elle.
Etes-vous encore au pouvoir, ou n'y êtes-vous
plus ? Si vous y êtes encore, ne venez pas dire que dans quelques jours vous
nous direz si vous êtes encore ministres. Si vous n'y êtes, ne continuons pas
une discussion qu'on a peut-être déjà poussée trop loin.
M. de Mérode. - Nous discutons une loi indispensable sous tous les
ministères quels qu'ils soient ; je suis fort peu touché de la position
actuelle du ministère quant à cette loi. Cela peut me toucher quant à d'autres
projets de loi ; mais quant à celui-ci, cela m'est parfaitement égal. Je ne
suis pas plus disposé à voter l'article qui est présenté sans discussion
sérieuse avec un ministère dont tous les membres seraient présents à leur banc,
car cela ne m'apprendrait rien. Il s'agit de savoir si le gouvernement aura le
droit de disposer du trésor public dans des circonstances extraordinaires ; il
est possible que le gouvernement ait besoin d'avoir ce droit, mais les
circonstances dans lesquelles ce droit peut lui être indispensable, me sont
inconnues ; quels que soient les membres qui siègent au banc ministériel, il me
serait impossible d'en savoir davantage sur ce que je dois faire. C'est la
discussion qui me l'apprendra. Trois membres du cabinet suffisent pour exprimer
l'opinion du gouvernement sur ce point.
Si
c'est une question constitutionnelle et qu'il importe à la chambre de ne pas se
dessaisir du droit de voter préalablement toutes les dépenses, c'est (page 861) en présence d'un ministère
non compacte que nous serons plus forts pour résister, que nous serons dans une
meilleure position pour repousser l'article proposé, si nous ne le trouvons pas
bon.
M. Verhaegen. - L'honorable M. de Mérode, qui siège sur un des
bancs de la droite, vient nous dire qu'il s'inquiète fort peu de la position du
ministère. Mais nous, qui siégeons sur d'autres bancs, nous sommes tous
d'accord pour adopter une opinion diamétralement opposée à la sienne.
Veuillez remarquer, messieurs, qu'il s'agit ici
non pas d'une loi ordinaire, d'une loi qui renferme des dispositions purement
administratives, mais d'une loi dont un des articles, celui dont nous allons
immédiatement nous occuper, comporte à certains égards une preuve de confiance
dans le cabinet. Il s'agit en effet de savoir si l'on accordera au gouvernement
la faculté de disposer d'une manière illimitée des fonds de l'Etat par arrêté
royal. Je vous le demande, messieurs, pour discuter utilement une disposition
aussi exorbitante, ne faut-il pas, d'abord, la présente de tous les membres du
cabinet ? Ne faut-il pas savoir, ensuite, quels sont les hommes à qui on va
confier ce pouvoir énorme et quelle est leur position actuelle ?
Depuis plusieurs jours il se passe dans cette
enceinte des choses vraiment extraordinaires. La chambre n'a pas sa physionomie
ordinaire ; les bancs sont dégarnis, et cependant on discute une des lois les
plus importantes qui puissent se présenter : au début de la discussion, un de
mes honorables amis a fait cette observation, le ministère lui a répondu qu'il
ne pouvait pas s'expliquer encore sur la crise, mais que, dans deux ou trois
jours, il donnerait des explications catégoriques. Deux, trois jours et plus se
sont écoulés, et aujourd'hui on affirme que rien n'est changé dans la position.
Messieurs, je vais simplifier l'interpellation
qui a été faite par mon honorable ami M. Manilius. Il y a quelque chose de
changé dans la position, si ce qu'on dit au dehors est vrai ; il semble
véritablement qu'on en sache davantage en dehors du parlement que dans son
sein. On dit, et c'est sur ce point que nous interpellons le ministère, on dit
que tous les ministres ont donné leur démission.
Je demande donc à ceux qui sont assis au banc ministériel,
nous en avons certes le droit, si ce fait est vrai oui ou non.
Les ministres ont-ils oui ou non offert leur
démission au Roi ?
J'entends l'honorable M d'Huart dire que le
ministère n'a pas à s'expliquer jusqu'à présent. Je ne partage pas son opinion,
car si les ministres ont donné leur démission, leur position n'est plus ce
qu'elle était il y a deux jours ; peu importe que cette démission n'ait pas
encore été acceptée, les démissionnaires peuvent avoir le rôle
d'administrateurs provisoires, mais le caractère de véritables ministres, avec
ce qui est attaché à cette position, ils ne l'ont plus. Ils administrent, c'est
vrai, mais provisoirement, jusqu'à ce qu'il ait plu à la Royauté de statuer sur
l'offre qu'ils lui ont adressée.
Depuis
les dernières interpellations il y a eu quelque chose de nouveau ; on prétend
que MM. les ministres ont donné leur démission. Notre interpellation porte sur
ce fait ; est-il vrai oui ou non ? Ensuite, avons-nous le droit de nous
enquérir de ce fait ? Je pense qu'il ne peut y avoir aucun doute à cet égard.
Au dehors, des gens qui paraissent bien informés, qui paraissent recevoir les
confidences de plusieurs membres du cabinet s'en expliquent d'une manière
catégorique. Il semble que ce soit au sein de la chambre seulement qu'on ignore
ce qui se passe à l'égard du ministère. Nous ne pouvons pas accepter cette
position ; garder le silence plus longtemps serait plus que de la
condescendance. II fallait à cet égard une explication catégorique. Je résume
donc mon interpellation à ces mots : je demande que l'on réponde par oui ou non
à cette question : Le ministère a-t-il donné sa démission ?
M. le ministre des finances (M. Malou). - Si la loi que nous discutons en ce moment
pouvait, dans une seule de ses dispositions, impliquer l'idée de confiance ou
de non-confiance envers le ministère, je concevrais la motion qui vient d'être
renouvelée. Mais un article qui accorderait au gouvernement le droit de
disposer, dans certaines circonstances, des deniers publics sans le vote
préalable des chambres peut être discutée indépendamment de la confiance dans
un cabinet quelconque. En effet, les cabinets les plus durables que nous ayons
jamais eus en Belgique n'ont jamais eu la durée d'une disposition organique. Si
rien ne s'était passé, si aucune inquiétude n'était née dans le pays, il aurait
pu arriver qu'une disposition quelconque étant votée, la première application
qui en aurait été faite aurait été déférée à un cabinet nouveau.
Ainsi, la disposition qu'on indique, importante,
je le reconnais, doit être appréciée en elle-même, indépendamment de la
situation, parce que, l'on aurait beau n'avoir aucune inquiétude, que
l'application de cette disposition pourrait être déférée à un ministère
nouveau. Il est impossible de savoir pour qui l'on vote cette disposition : on
la vote pour tous les ministères futurs, Il en est de l'article 17 comme de
toutes les dispositions qui se trouvent dans le projet.
L'honorable M. Verhaegen renouvelle le vœu qui a
déjà été émis plusieurs fois, de voir tous mes collègues ici présents. J'ai
fait avertir ceux qui ne sont pas encore venus à la séance. J'espère que le
ministère sera bientôt aussi complet sur ces bancs que peut le désirer
l'honorable membre.
Il n'est pas exact de dire qu'a plusieurs
reprises les explications promises aient été ajournées par le cabinet. C'est à
la séance d'avant-hier seulement que l'honorable M. Rogier a fait une
interpellation à laquelle j'ai répondu d'une manière très directe, très
catégorique en déclarant à la chambre qu'avant peu de jours elle aura
connaissance de la situation tout entière.
Je
demande si c'est bien le surlendemain d'une telle déclaration, et alors que
nous déclarons, que la situation est la même que le jour où nous nous sommes
expliqués devant vous, qu'on peut rien exiger au-delà de cette déclaration qui,
on me permettra de le dire, avait paru satisfaire toutes les parties de cette
chambre.
Je crois donc devoir maintenir purement et
simplement cette déclaration.
J'espère, je suis même certain qu'avant très peu
de jours nous serons à même de donner connaissance à la chambre de cette
situation.
Je ne crois pas que l'on puisse exiger de nous
des explications qui seraient incomplètes et que notre devoir même nous interdit
de donner.
M. de La Coste. - Il m'a paru que deux des orateurs qui ont parlé
avant moi sont plus ou moins entrés dans le fond de la question. C'est ce qui
m'a engagé à demander la parole. Quelle que soit l'issue du débat qui vient
d'être soulevé, je pense qu'il faut réserver le fond de la question. Telle est
l'observation que je voulais faire.
J'ai entendu depuis un honorable député de
Bruxelles dire que tout un côté de la chambre était d'accord sur la nécessité
que le ministère fût constitué d'une manière plus solide et plus stable avant
qu'on entame la discussion de l'article.
Si j'avais entendu cette observation avant de
demander la parole, je m'en serais abstenu ; car mon intention n'était pas de
prendre part à la discussion d'une question de parti ; mais je ne pense pas
qu'elle doive exercer d'influence sur la décision de la chambre.
Il me semble, ainsi que M. le ministre des
finances l'a expliqué, que la disposition que nous serions occupés à discuter
sans l'interpellation de l'honorable député de Gand, et sur laquelle, quant à
moi, il me faudrait des explications plus amples que celles que j'ai reçues
pour me la faire accepter ; il me semble, dis-je, que cette disposition est
d'une nature telle que ce sera probablement le ministère actuel et même le
ministère subséquent qui en feront le moins usage, que l'usage le plus fréquent
en sera réservé pour un avenir plus éloigné.
C'est du reste une disposition qui n'est pas du
tout de nature à être adoptée ou refusée à raison du ministère qui existe, à
raison des hommes qui sont au banc des ministres.
Quant à ce qu'a dit l'honorable M. de Mérode,
que nous qui ne sommes pas pénétrés de la bonté de la disposition, nous aurions
un certain avantage à la discuter devant un ministère qu'on dit affaibli, je
crois que cet avantage n'existe pas. Je crois que les personnes qui sont au
banc des ministres sont fort à même de soutenir la discussion dans l'intérêt du
gouvernement, dans l'intérêt de l'Etat considéré au point de vue gouvernemental.
Je désire, quant à moi, que l'on passe outre à
cette discussion, parce que ce projet est peut-être la loi la plus importante
qui aura signalé jusqu'à présent les travaux de cette session, parce que notre
ordre du jour appelle ensuite la discussion d'une loi que plusieurs provinces
attendent avec impatience.
Je veux parler de la loi relative à la
rectification du tracé du chemin de fer, dont l'exécution, trop longtemps
suspendue, donnera du travail à la classe laborieuse dans plusieurs localités.
Le
sénat s'est ajourné au 16, comptant trouver à sa rentrée de quoi s'occuper. Si
nous persistons à discuter de telles questions, dont au reste je ne veux pas
nier l'importance, mais qui peuvent sans inconvénient être renvoyées à un
moment plus opportun, le pays aura droit de se plaindre de la stérilité de nos
débats et des retards apportés à la solution des questions auxquelles il
attache un juste intérêt.
D'ailleurs, en supposant la situation du
ministère telle qu'on l'a indiquée, il me semble qu'on ne peut mettre la
couronne en demeure de créer un ministère dans un temps donné et dès lors qu'il
y aurait de l'inconvénient à subordonner à cette question la continuation de
nos travaux. Il suffit pour que la discussion puisse continuer, qu'il y ait au
banc ministériel des hommes très capables de la soutenir et pour lesquels c'est
un droit et un devoir.
M. Devaux. - Il me semble que l'honorable membre qui vient de
se rasseoir a donné à l'interpellation de l'honorable M. Verhaegen un sens qu'elle
n'a pas. Je crois que cet honorable membre n'a eu nullement l'intention de
mettre la couronne en demeure. Il demande d'une manière précise que le
ministère déclare s'il a, oui ou non, donné sa démission. Il ne s'agit pas là
de la couronne, mais uniquement d'un acte du ministère. Je crois que c'est le
droit de la chambre de connaître la situation du ministère et que celui-ci n'a
pas le droit de la celer. La chambre a le droit de savoir s'il y a devant elle
un ministère régulier, ou un ministère démissionnaire qui n'a plus qu'un
caractère provisoire et administratif. Entre l'une et l'autre de ces positions,
il y a une très grande différence.
La démission d'un ministère est le fait le plus
grave qui puisse se présenter dans le gouvernement. Dès qu'il est accompli, le
parlement a le droit de le connaître. Le ministère n'a pas celui de cacher au
parlement le changement qui s'est opéré dans sa position et de se faire passer
pour ce qu'il n'est plus.
Un ministère démissionnaire n'a plus de
caractère politique, il est préoccupé, vivement préoccupé de questions tout
autres que les questions d'avenir et les questions politiques. C'est un
ministère détaché de l'avenir du pouvoir. Dans une telle position, devant un
parlement le ministère est tout autre qu'auparavant.
Dans une pareille position, le ministère doit
s'interdire la discussion des lois importantes et qui touchent à de grands
intérêts ou des prérogatives importantes du pouvoir, parce qu'il ne représente
pas suffisamment cet intérêt.
Je
crois donc que sans méconnaître les égards qu'on doit à la chambre, on ne peut
lui celer la position du ministère ; on n'en a pas le droit.
La situation ne comporte-t-elle pas encore
d'explications complètes sur les causes qui l'ont amenée ? On ne refuse pas au
ministère un délai pour les exposer avec tout le développement qu'il voudra
leur donner. Mais au nom des droits de la chambre, des convenances
parlementaires, des égards dus au parlement, et des besoins de toute discussion
importante, on est (page 862) fondé
à demander que la chambre apprenne sans délai, de la bouche des ministres
eux-mêmes, s'ils sont, oui ou non, démissionnaires.
M. d’Huart, ministre d’Etat. - M. le ministre des finances vous a déclaré
que nous ne pouvions vous donner maintenant d'autres explications que celles
qui vous ont été données à la séance d'avant-hier. Nous conservons cette
position. La chambre verra si elle veut aller plus loin, s'il y a lieu de
donner d'autres explications ; nous demandons que la chambre se prononce..
Tous
les arguments qu'on a fait valoir pour que nous donnions d’autres explications
sont inadmissibles. On vous dit qu'on n'a plus qu'un ministère provisoire et
n'ayant qu'un caractère administratif. Je ne conçois pas que l'on s'enquérir
ainsi de la position du ministère dans une loi purement administrative et qui
n'a rien de politique.
En admettant la position comme vient de la
définir l'honorable préopinant, il n'y a là rien qui doive arrêter la
discussion de la loi. En effet, la loi n'a rien qui soit personnel au ministère
; ses dispositions devront être appliquées par tous les ministères. Nous
pouvons commencer cette discussion, alors qu'on vous a donné pleine
satisfaction, et qu'avant peu vous connaîtrez la véritable situation du
cabinet.
Je demande donc que l'on continue la discussion
qui vient d'être entamée.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Si le ministère avait refusé de donner des
explications sur la position ministérielle, je comprendrais parfaitement
l'impatience de l'opposition et les motifs de la motion d'ordre.
Mais le ministère n'a pas refusé de donner des
explications ; il a déclaré positivement qu'il en donnerait sous peu de jours.
Messieurs, si le ministère ne peut pas donner
des explications complètes dès aujourd'hui, et l'honorable M. Devaux reconnaît
qu'il est possible que des faits existent qui empêchent que ces explications
complètes ne puissent être données, la chambre doit respecter les motifs de ce
silence que le cabinet croit devoir garder, en accomplissement de son devoir.
Si
les faits étaient tellement accomplis que ces explications pussent être données
à la chambre sans inconvénients, ces explications vous seraient données à
l'heure même. Le ministère n'aurait aucun intérêt à celer à la Chambre un fait
de ce genre, si d'autres causes ne lui prescrivaient pas une complète réserve,
et si le ministère n'avait pas un devoir sérieux à remplir envers la royauté,
envers la chambre et envers le pays.
Il faut, dans des circonstances aussi graves,
laisser au gouvernement, sous sa responsabilité, le choix du moment et de
l'heure où ces explications peuvent vous être données sans compromettre des
intérêts supérieurs à ceux de notre position personnelle. Sous peu de jours la
position ministérielle sera connue.
M. Verhaegen. - Messieurs, l'honorable M. Devaux a eu parfaitement
raison, lorsqu'il vous a dit qu'il n'entrait pas dans mes intentions de mettre
la royauté en demeure de faire choix de nouveaux conseillers. En effet, rien
dans mes paroles n'avait autorisé un honorable préopinant à me prêter cette
idée.
J'ai soutenu l'interpellation qui avait été
faite par l'honorable M. Manilius, et je l'ai même réduite, si je puis
m'exprimer ainsi, à des éléments plus simples.
Nous ne demandons pas des explications au
ministère ; il donnera ces explications lorsqu'il les jugera possibles, sans
froisser les intérêts de la couronne, des chambres ou du pays. Tout ce que nous
demandons, c'est un oui ou un non sur un fait nouveau qui vient de se produire
; eu d'autres termes, nous voulons savoir si, oui ou non, tous les membres du
cabinet ont offert leur démission au roi.
Je sais bien que si MM. les ministres
s'obstinent à garder ce qu'ils appellent un prudent silence, il nous sera
matériellement impossible de leur ouvrir la bouche. Mais au moins nous aurons
rempli notre devoir, nous aurons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour
éclairer le pays sur une crise, qui ne dure déjà que trop longtemps, et qui est
de nature à compromettre les plus graves intérêts.
Comment ! en dehors de cette enceinte, des
journaux, qui passent pour être les organes du cabinet, annoncent que les
ministres ont donné leur démission....
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Nous n'avons pas d'organes.
M. Verhaegen. - Des journalistes qui se vantent de recevoir vos
confidences disent que, tous, vous avez donné votre démission ; ils indiquent
même les jour et heure où cette démarche a eu lieu, et nous, membres du
parlement, nous ne pourrions pas vous demander officiellement si ce fait est
vrai. La réponse que vous pourriez nous donner serait-elle donc si
compromettante ? Mais vos hésitations et surtout votre refus de démentir les
bruits qui circulent, ne sont en définitive que des aveux indirects dont vous
désirez, pour quelques jours encore, dissimuler la portée. Je comprends qu'il
puisse y avoir des inconvénients à nous faire connaître, dès à présent, les
causes de la dislocation du cabinet ; aussi, nous ne vous demandons pas
actuellement ces explications ; tout ce que nous vous demandons, c'est de nous
dire si le cabinet est encore aujourd'hui ce qu'il était avant-hier, si depuis
deux jours il n'est pas intervenu un fait nouveau, celui de la démission de
tous les membres du cabinet.
Messieurs, qu'on ne s'y trompe pas. On parle des
intérêts du pays. Mais les plus graves intérêts du pays peuvent se trouver
compromis par l'incertitude dans laquelle on veut nous laisser ; nos démêlés
avec la Hollande et beaucoup d'autres affaires très importantes peuvent
souffrir de cet état de choses. Si MM. les ministres n'ont pas donné leur
démission, qu'ils veuillent bien nous le dire, qu'ils démentent les bruits qui
circulent dans le public, et qui émanent de ceux-là même qui reçoivent leurs
confidences.
Messieurs, il est d'autant plus nécessaire
d'avoir une réponse catégorique sur ce point que, si je ne me trompe, samedi
dernier un des membres du cabinet, M. le ministre de la justice, disait au
sénat, qu'il n'y avait pas le moindre dissentiment dans le ministère...
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je n'ai pas dit cela.
M. Verhaegen. - Vous avez dit que tous les membres du
cabinet étaient parfaitement d'accord.
Certain journal a fait l'observation que vos
paroles n'avaient pas été reproduites dans le Moniteur telles qu'elles avaient
été prononcées.
Les personnes présentes, des membres même de cette
chambre ont entendu comme je viens de le rapporter le passage du discours qu'a
prononcé M. d'Anethan devant le sénat.
Messieurs, je le répète, nous ne pouvons pas
forcer le ministère à répondre à la question que nous lui posons ; mais le pays
appréciera son refus et ainsi notre but sera atteint.
M. de Theux. - Je ne puis me joindre à ceux qui ne veulent
pas laisser au gouvernement la liberté de s'expliquer, lorsqu'il le jugera
convenable, sur les faits qui ont été articulés par l'honorable député de Gand.
Je ne vois aucun péril en la demeure. Je pense que nous serons tout aussi
avancés en recevant ces explications dans deux ou trois jours qu'en les
recevant aujourd'hui.
L'objet dont nous avons à nous occuper, a un caractère
véritablement administratif. La loi qui se discute sera applicable à tous les
ministères, non seulement au ministères actuel, mais aussi longtemps que la loi
durera, el comme l'a observé l'honorable député de Louvain, il ne s'agit pas
même de faire un usage prochain de l'article qui a soulevé cette discussion. Si
cet article est voté, il n'en sera pas certainement fait usage dans la durée de
la session, et dès lors je ne vois aucune espèce de difficulté à continuer la
discussion.
M. Lebeau. - Je ne tiens pas, comme ont paru le faire quelques
honorables collègues, à rattacher l'interpellation qui a été adressée au cabinet, à la discussion de
la loi qui nous occupe. Je crois qu'indépendamment des raisons de connexité que
l'on peut voir entre une loi de cette nature et la position ministérielle, il
est d'autres convenances qui à elles seules parlent assez haut pour que la
chambre ne reste pas dans une situation tout à fait incertaine, tout à fait
étrange et qui me paraît peu compatible avec sa dignité.
Tout ce que l'on pourrait exiger au moment de
discuter l'article soumis en ce moment à l'examen de la chambre, ce serait
peut-être la présence de tous les ministres. Il
importe extrêmement en effet à ceux qui seraient quelque peu enclins à
voter une disposition aussi exorbitante, qui remet en quelque sorte à un moment
donné, dans les mains du gouvernement, toute la fortune publique, de savoir
quel sens chacun des ministres, et non M. le ministre des finances seulement,
attache à une pareille disposition. J'avoue que si je pouvais surmonter la
répugnance que j'éprouve à voter un pouvoir aussi exorbitant pour le
gouvernement ce serait pour un seul cas, pour le cas où le salut du pays en
dépendrait. Je dois l'avouer, hors de ce cas, je ne crois pas que l'on puisse
se passer du concours des chambres, surtout dans un pays aussi peu étendu que
le nôtre, où les moyens de communication sont si prompts et si nombreux et où
en 24 heures les chambres peuvent être réunies pour ainsi dire au complet.
Ainsi, je le répète, hors le cas d'une défense à
opposer à une attaque qui menacerait l'indépendance du pays, hors les cas d'une
nature différente, mais tout aussi graves que celui- là, je ne saurais
surmonter la répugnance que j'éprouve à accorder un pareil droit au
gouvernement, et je crois qu'il conviendrait que chacun des ministres donnât à
cet égard sa pensée tout entière à la chambre sur la portée d'une pareille
disposition.
J'en reviens maintenant à une autre question.
Messieurs, j'ai eu assez souvent l'honneur de faire partie des conseils de la
couronne, pour que l'on soit certain que ses prérogatives me sont aussi chères
qu'à quelque membre de cette chambre que ce soit. Si donc j'apercevais, dans
les interpellations adressées au gouvernement, l'ombre d'une atteinte au libre
arbitre de la prérogative royale, je serais des premiers à m'y opposer, quand
même, contre toute probabilité, ces interpellations seraient faites par un de
mes plus intimes amis politiques. Mais je crois que la prérogative est tout à fait en dehors de ce débat.
Si nous étions, messieurs, dans des
circonstances ordinaires, si rien ne légitimait une interpellation semblable,
je serais tout à fait de l'avis de M. le ministre d'Etat d'Huart, et je dirais
qu'un ministre ne doit pas y répondre. Mais lorsque de toutes parts la crise
ministérielle est l'objet de toutes les conversations, lorsque personne ne
s'aborde sans qu'elle soit pour ainsi dire le premier mot de tout entretien,
lorsque depuis un mois le ministère à ce singulier et triste honneur de voir
tous les matins les journaux amis et ennemis donner son bulletin sanitaire (rires), il me semble qu'il est
convenable que la chambre ne soit pas seule exceptée de communications qui
semblent émaner du gouvernement vers plusieurs organes de la presse, parmi
lesquels on reconnaît aujourd'hui ceux de ses amis les plus circonspects.
Remarquez, messieurs, que dans tous les pays où
le fait d'une dislocation ministérielle arrive, ce fait est aussitôt rendu
public. Dernièrement le chef du cabinet anglais a donné sa démission ;
vingt-quatre heures après le pays en était officiellement averti. En France, il
y a eu, je ne me rappelle pas précisément à quelle époque, une démission en
masse donnée, et on a si bien compris que dans cette situation le parlement ne
pouvait siéger, même pour la discussion de lois administratives, qu'on a nommé
un ministère provisoire, afin que les chambres connussent parfaitement bien
quelles (page 863) étaient la
position, la responsabilité véritable, des ministres qu'elles avaient devant
elles. On se rappelle le ministère provisoire chargé de discuter des lois qu'on
qualifiait comme aujourd'hui de lois purement administratives ; je veux parler
du ministère de M. Girod (de l'Ain) et de ses amis.
Messieurs, je n'ai pas besoin de signaler un
fait dont chacun de nous est témoin et que je crois de nature à porter atteinte
à la dignité de la chambre ainsi qu'à la considération, à l'autorité morale de
la loi que vous êtes appelés à discuter, c'est l'inattention générale, les
préoccupations étrangères à l'objet des débats ; c'est le spectacle que donne
au public une chambre qui joue en quelque sorte la parodie du gouvernement
représentatif, qui est obligée de deviner à chaque instant l'énigme qu'elle a
sous les yeux, de deviner s'il existe devant elle un cabinet sérieux.
Voilà,
messieurs, une considération qui, si elle n'engage pas les ministres à donner
des explications, devraient au moins engager la chambre à différer de
quelques-jours la discussion des dispositions les plus graves du projet de loi.
La chambre ne peut pas dans l'incertitude où elle se trouve sur la position du
cabinet, continuer cette discussion, sans manquer à sa dignité, sans manquer
même aux intérêts qui se débattent devant elle. Je voudrais qu'on donnât des
explications ou qu'on ajournât de quelques jours la discussion des dispositions
sérieuses, importantes de la loi sur la comptabilité. Je ne fais pas de
proposition à cet égard ; c'est une réflexion que j'émets, mais que je crois
parfaitement justifiée par la situation dans laquelle nous nous trouvons.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Bien des fois, messieurs, depuis le début de
la discussion l'on a appelé sur ces bancs tous les membres du cabinet ; et quels
sont ceux qui ont fait cet appel ? Ce sont les honorables membres qui ont
toujours professé dans toute son étendue, dans le sens le plus absolu, la
doctrine de l'homogénéité ministérielle.
Toutes les fois que la question m'a été posée,
j'ai déclaré, quoique la chose allât en quelque sorte d'elle-même, que je
m'étais concerté avec mes collègues. Je l'ai déclaré lorsqu'il s'est agi de
mettre la loi à l'ordre du jour, et depuis lors, trois ou quatre fois dans le
cours de la discussion, et cependant on persiste à venir exiger que tous les
ministres soient constamment présents et
qu'ils expriment, sur chaque disposition de la loi, leur opinion individuelle.
Je pense, messieurs, qu'une semblable marche
serait contraire à la dignité du gouvernement : le gouvernement exprime son
opinion par l'un de ses organes ; un ministre, suivant la nature de ses
attributions et suivant la spécialité de la loi en discussion, exprime
l’opinion du gouvernement après s'être concerté avec ses collègues.
Ce débat, dit l'honorable préopinant, a lieu au
milieu de l’inattention générale. Permettez-moi, messieurs, de dire que mes
impressions ont été entièrement différentes. Hier encore, j'ai bien des fois
formé le vœu, dans l'intérêt du pays, que toutes les discussions d'affaires
marchassent comme a marché jusqu'à présent la discussion de la loi sur la
comptabilité.
Un membre. - La moitié de la chambre est absente.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Si, le premier jour, la moitié de la chambre
était absente, aujourd'hui la chambre est plus nombreuse qu'elle ne l'est
d'habitude ; et si l'interpellation n'avait pas été faite, j'espère que la
discussion aurait marché comme elle a marché jusqu'à présent, c'est-à-dire
d'une manière conforme aux véritables intérêts du pays. Cette affaire s'est
traitée jusqu'à présent, je le répète, comme il est à désirer, que toutes les
affaires se traitent dans cette enceinte.
Les journaux, les bruits, les conversations,
voilà ce dont on vient vous parler.
Eh ! messieurs, il est arrivé bien des fois
(et l'honorable membre doit le savoir) que l'on publiait des bulletins
sanitaires pour des ministères qui se portaient parfaitement bien. Si
aujourd'hui ces bulletins ont été publiés avec une régularité telle que des
inquiétudes se soient répandues dans les esprits, si même ces inquiétudes
avaient une cause fondée, une cause légitime, aurait-on pour cela le droit de
dire : « Vous vous expliquerez aujourd'hui sur telle question précise ? » Le
cabinet, je l'ai déjà dit, ne recule pas devant les explications, mais il croit
qu'il est de son devoir le plus impérieux, dont vous serez juges sous peu de
jours, de différer ces explications, pour qu'elles ne soient pas scindées, pour
que la chambre puisse connaître, non pas un fait, mais une situation.
L'honorable préopinant, dans les observations
qu'il vient de présenter, a discuté la disposition même qui a donné lieu aux
interpellations. Déjà, messieurs, dans la séance d'hier, j'avais déclaré qu'en
examinant la proposition de la section centrale, je m'étais dit que dans
certains moments d'entraînement auxquels un gouvernement régi par l'opinion
publique est quelquefois sujet, une semblable disposition pourrait offrir des
dangers pour les finances du pays ; j'ai ajouté que j'avais rédigé mon
amendement dans un sens restrictif et que si des restrictions nouvelles étaient
proposées, je m'y rallierais. J'irai plus loin : si la discussion, qui,
j'espère, va s'ouvrir, démontrait que les dangers de la disposition l'emportent
sur les avantages qu'elle peut offrir, je n'hésiterais pas à abandonner la
proposition que le gouvernement n'a pas faite dans le projet primitif, mais que
la section centrale a puisée dans la législation d'un pays qui peut avoir des
besoins différents des nôtres, et qui a certes une organisation
constitutionnelle quelque peu différente de la nôtre.
Ainsi, messieurs, abordons cette question. Que
la chambre accorde au cabinet le délai de quelques jours qu'il croit devoir
demander, non pas pour lui, mais dans l'intérêt du pays, et la chambre aura
bientôt, non pas des explications sur une question à résoudre par un oui ou par
un non, mais une connaissance des faits que la chambre a le droit de connaître,
mais qu'elle doit connaître dans leur ensemble pour pouvoir apprécier quels sont
ses devoirs envers le pays.
- La proposition d'ajournement faite par M.
Manilius est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée.
PROJET DE LOI SUR LA COMPTABILITE DE L’ETAT
Discussion des articles
Chapitre II. - Comptabilité générale
§ 2. Dépenses
M. de Man d’Attenrode. (pour une motion d’ordre.) - Messieurs, dans
le compte-rendu de la séance d'hier, qui se trouve au Moniteur, il y a une
omission très considérable. M. de Corswarem avait fait à M. le ministre des
finances une interpellation relative à l'article 13 de la section centrale ; M.
le ministre des finances a répondu à cette interpellation ; l'article a été
ensuite adopté. Après cela, M. le président a demandé si la chambre adoptait le
rétablissement des mots : « § 2. Dépenses » avant l'article 14, et j'ai
déclaré que c'était par erreur que ces mots n'avaient pas été reproduits dans
le projet de la section centrale. Eh bien, messieurs, la réponse de M. le
ministre des finances, l'adoption de l'article 13 et la question faite par M.
le président, tout cela a été omis dans le compte-rendu qui, ainsi, n'a plus
aucun sens. Je demanderai que MM. les questeurs veuillent bien faire remplacer
cette feuille du Moniteur par une autre feuille où l'erreur que je viens de
signaler serait réparée.
M. le ministre des finances (M. Malou). - J'ai remarqué aussi là lacune qui vient
d'être signalée par l'honorable préopinant. J'avais revu mon discours qui a été
remis, et je pense que, par une erreur de la mise en page, quelques feuillets
ont été omis. J'ai écrit au directeur du Moniteur pour qu'on fasse un erratum.
Article 17
La discussion continue sur l'article 17, ainsi
conçu :
« Art. 17 (nouveau). Dans des circonstances
extraordinaires et en l'absence des chambres, les ministres peuvent disposer,
pour des services urgents et avec le visa préalable de la cour des comptes, des
crédits ouverts par ordonnance du Roi sur l'avis du conseil des ministres.
« Ces ordonnances sont contresignées par le
ministre qui crée la dépense, et par celui des finances, et insérées au
Moniteur.
« Ces ordonnances sont réunies en un seul projet
de loi pour être soumises par le ministre des finances à la sanction des
chambres dans les huit premiers jours de leur prochaine réunion, et avant la
présentation des budgets. »
M. le ministre des finances a proposé la
rédaction suivante :
« Art. 17 (nouveau). En l'absence des chambres,
le Roi peut, sur là. proposition du conseil des ministres, ouvrir des crédits
pour faire face à dè$ besoins imprévus et urgents.
« Les dépenses imputées sur ces crédits sont
soumises au visa préalable de la cour des comptes.
« Les arrêtés sont contresignés par le ministre
qui crée la dépense et par celui des finances et insérés au Moniteur.
« Ces arrêtés sont réunis en un seul projet de
loi qui est présenté par le ministre des finances aux chambres à la plus
prochaine session et avant la présentation des budgets. »
M. Osy. -
Messieurs, je viens combattre la proposition faite par M. le ministre des
finances, relativement à l'article 17 nouveau. Il s'agit d'autoriser le
gouvernement à disposer, dans des cas imprévus et urgents, sur le trésor
public, sans que des crédits lui aient été ouverts par la loi. Je concevrais
qu'une semblable autorisation fût accordée au gouvernement pour des
circonstances tout à fait extraordinaires, comme, par exemple, le cas d'une
calamité publique tout à fait imprévue, mais avec la rédaction actuelle, je
crois que la disposition serait dangereuse.
En France une semblable disposition était
peut-être nécessaire, parce que là il s'écoule un temps assez long avant que
les chambres ne puissent être réunies ; mais ici ce n'est pas la même chose ;
ici les chambres peuvent se réunir dans un très-bref délai.
Que serait-il arrivé, messieurs, s'il avait
existé une disposition semblable à l'article 17 tel que M. le ministre des
finances propose de la rédiger ? Que serait-il arrivé si une semblable
disposition avait existé lorsqu'il s'est agi, par exemple, de garantir un
emprunt de 3 millions de francs, à émettre par une société de colonisation ?
Quelques années auparavant on a dépensé 2 millions pour un achat bien
malheureux. Ce n'étaient pas là des circonstances extraordinaires, mais
c'étaient des circonstances imprévues et le gouvernement aurait pu faire usage
de la disposition proposée par M. le ministre des finances.
Sous le ministère de l'honorable M. de Theux, il
s'est présenté une circonstance réellement extraordinaire qui a obligé le
gouvernement à faire une avance de deux millions pour éviter les malheurs qui
auraient pu résulter de la crise industrielle de celle époque. Le gouvernement
a agi alors en dehors de ses pouvoirs et je ne l'en blâme pas, parce que la
nécessité de la mesure qu'il a prise était réelle et impérieuse. Pour des cas
analogues il serait peut-être convenable d'autoriser le gouvernement à disposer
sur le trésor, sauf à convoquer les chambres dans le plus court délai possible,
pour leur en donner connaissance.
Si
l'on me prouve que la proposition de la section centrale est
inconstitutionnelle, je ne lui donnerai certainement pas mon assentiment ; mais
je crois cependant qu'il peut se présenter des circonstances tout à fait
extraordinaires, pour lesquelles il est indispensable que le gouvernement ait
des fonds à sa disposition. Ainsi on ne devrait attribuer cette faculté au
gouvernement qu'en vue de circonstances de cette nature, et non pas seulement
en vue de besoins urgents ; parce que le gouvernement pourrait avoir l'idée de
ne pas porter certaines dépenses am budget, et les ordonner dans l'intervalle
des sessions. Je voterai donc contre la proposition du gouvernement, et
j'adopterai celle de la section centrale, à moins, je le répète, qu'on ne me
prouve que cette dernière proposition est inconstitutionnelle.
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, pour apprécier la proposition de
la section centrale, je pense qu'il faut se rendre compte de la situation
actuelle du gouvernement à l'égard du trésor. Quelle est cette situation
d'après le règlement de 1824 ? Car c'est toujours à ce règlement qu'il faut en
revenir, bien qu'il soit peu ou point connu. Aux termes de l'article 423 de ce
règlement, M. le ministre des finances peut, sans contrôle, disposer sur le
trésor dans les limites qu'il juge convenables. Toutefois, et cela paraîtra
peut-être étrange, ce pouvoir très grand, sous le gouvernement des Pays-Bas,
était tempéré par la couronne ; à cette époque, le chef de l'Etat jouissait
d'une suprématie entière pour le maniement des deniers de l'Etat. Cette
situation a été changée par notre Constitution ; les ministres sont
actuellement responsables ; nous avons perdu la garantie qu'offrait la
couronne, et le ministre des finances a pu continuer, en vertu de l'article 423
du règlement, à disposer du trésor, au moyen d'une simple assignation.
D'après l'article 16, que la chambre a adopté,
aucune sortie de fonds ne peut se faire sans le concours du ministre des finances
et sans le visa préalable et la liquidation de la cour des comptes, sauf les
exceptions établies par la loi.
Donc, en vertu de cette disposition, pas une
centime ne pourra sortir du trésor sans un crédit législatif. Il a semblé à la
section centrale qu'il était dangereux de laisser le gouvernement entièrement
dépourvu de la faculté de faire face à certains besoins imprévus dans des
circonstances extraordinaires et en l'absence des chambres ; un des membres de
la section centrale a donc présenté l'article en discussion que la section
centrale a adopté à l'unanimité.
Cet article commence en ces termes :
« Dans des circonstances extraordinaires et en
l'absence des chambres...»
M. le ministre des finances a déclaré que cette
proposition lui semblait offrir des dangers dans certaines circonstances, et
qu'il avait présenté une autre proposition dans un sens restrictif. Il me
semble, messieurs, que la proposition de M. le ministre a un effet tout à fait
différent ; il supprime les mots : « dans les circonstances
extraordinaires », et il enlève ainsi la garantie que nous voulions avoir
qu'il ne serait fait usage de cette faculté que dans des circonstances
très-graves. Quelles seront ces circonstances extraordinaires ? Ce sera une
calamité publique, une invasion, une épidémie, que sais-je ! une rupture de
digue. Si le gouvernement pouvait disposer du trésor, seulement pour les
besoins imprévus et urgents, l'exception deviendrait trop fréquente, car
l'administration prétend toujours qu'elle a des besoins imprévus et urgents.
Il m'est donc impossible d'adopter la rédaction
de M. le ministre des finances ; si la chambre croyait devoir supprimer les
premiers mots de l'article 17 de la section centrale, je serais le premier à
demander le rejet de la proposition que nous discutons.
Après ces explications, il me semble pouvoir
dire que j'ai trouvé étrange que, dans le débat incidentel d'aujourd'hui,
l'honorable M. Lebeau ait déclaré que la section centrale accordait un pouvoir
exorbitant au gouvernement par cette disposition ; c'est tout à fait le
contraire. Le gouvernement jouit dans ce moment d'un pouvoir exorbitant ;
l'honorable M. Lebeau, qui a été longtemps au pouvoir, doit en savoir quelque
chose, il doit se rappeler que c'est pendant son administration que le cabinet
a profité de l'article 423 du règlement de 1824 pour disposer de 2 millions
pour l'achat de la British Queen...
M. Lebeau. - Ce n'est pas moi, c'est votre ami M. Nothomb qui a
fait cela.
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Il n'en est pas moins vrai que le contrat
primitif a été fait sous l'administration de 1840 ; et que c'est l'article 423
qui a permis de le faire. Cette faculté existe encore aujourd'hui, et elle ne
cessera de subsister que par la loi qui est en discussion. C'est encore sous le
régime qui régit nos finances que vous avez vu sortir du trésor une somme de
1,800,000 fr. qui a été avancée à des entrepreneurs. Cette sortie de fonds
s'est faite, il y a quelques années ; la chambre l'a toujours ignoré. Mais je
suppose qu'actuellement le gouvernement, dans une circonstance très grave,
extraordinaire, dispose sur le trésor, nous avons en ce cas des garanties très
considérables ; le ministre ne pourra le faire que de l'avis unanime du conseil
des ministres ; cet acte sera immédiatement publié au Moniteur ; dès la rentrée
des chambres, il devra être soumis à la sanction législative ; le ministre est
obligé de venir nous demander un bill d'indemnité, il est responsable de cet
acte.
La
section centrale a pensé qu'en posant des bornes aussi sévères à la sortie des
fonds du trésor, il eût été cependant dangereux de couper entièrement les bras
au gouvernement, de l'empêcher, dans un moment où les chambres ne sont pas
réunies, de faire la moindre disposition sur le trésor.
Je pense, messieurs, m'être suffisamment
expliqué, pour justifier la proposition de la section centrale. J'ai insisté
surtout pour qu'on ne supprimât pas les premiers mots de cet article. Pour le
reste, ce n'est qu'un changement de rédaction, c'est choux verts et verts choux
; et je ne vois là qu'un désir de tout changer et de ne rien trouver de bon
dans ce que vous propose la section centrale.
M. le président. - M. Osy propose d'ajouter le mot « imprévues »
après le mot « extraordinaires » dans la proposition de la section
centrale.
- Cet amendement est appuyé.
M. de La Coste. - Messieurs, il est sans doute loin de la pensée des
membres de la chambre qui ont pris la parole, il est loin de la mienne, de ne
trouver rien de bon dans le travail de la section centrale. J'ai souvent
exprimée l'idée que nous devions de la reconnaissance aux membres qui se
chargent de ces travaux souvent laborieux et presque toujours ingrats ; nous en
devons particulièrement à M. le rapporteur pour les soins spéciaux qu'il donne
à une partie importante du service public.
Mais je n'en discuterai pas moins avec liberté
la proposition du gouvernement et celle de la section centrale, parce qu'il ne
s'agit pas ici d'une question de courtoisie, mais d'une disposition fort
importante, sur laquelle je désire avoir pleine satisfaction, avant de la
voter.
Messieurs, je lis, dans l'article 115 de la
Constitution, que toutes les recettes et les dépenses de l'Etat doivent être
portées dans les budgets et dans les comptes. Je pense donc que si l'on a fait
usage d'un article du règlement arrêté sous le gouvernement précédent, pour
faire sortir du trésor des fonds, et les employer à des dépenses qui n'étaient
pas votées par la législature, c'est un de ces actes que les ministres prennent
quelquefois sous leur responsabilité à charge d'en rendre compte aux chambres
el d'obtenir de celles-ci un bill d'indemnité. Je ne crois donc pas que l'état
actuel des choses laisse au gouvernement la latitude qu'a supposée M. le
rapporteur.
Si, du reste, la nécessité de la disposition, au
point de vue de l'intérêt général, et même, comme l'a dit M. le ministre des
finances, en certains cas. pour sauver l'Etat, est prouvée, certes, ni moi ni
personne, nous ne nous opposerons à la disposition, sauf à lui donner la forme
qui sera jugée la plus convenable. Mais, quant à moi, cette nécessité ne m'est
pas encore démontrée.
Messieurs, je crois, comme l'a fait observer
l'honorable M. de Man, que la disposition présentée par M. le ministre des
finances est, sous certains rapports, moins restrictive que celle de la section
centrale. Le ministre, dans sa rédaction, donne, à la vérité, une garantie nouvelle
: c'est la proposition du conseil des ministres. Mais ici, pour le dire en
passant, j'éprouve un certain scrupule ; je ne sais si l'on peut subordonner
une disposition royale à la proposition du conseil ; il nous est indiffèrent de
quel côté vient l'initiative, pourvu que les ministres couvrent la disposition
de leurs signatures.
Dans certains Etats on a exigé, pour certains
actes, la signature de quatre ministres ; je conçois cette prescription, mais
je ne conçois pas aussi bien la nécessité de la proposition du conseil des
ministres ; je ne comprends pas bien non plus comment, à défaut de la signature
des membres du cabinet, l'adhésion du conseil constera.
Quoi qu'il en soit, si la section centrale ne
propose pas cette garantie, elle en propose une autre que le ministre écarte ;
elle veut faire insérer formellement dans la loi que la disposition ne pourra
s'exécuter que dans les circonstances extraordinaires. Ce serait là
effectivement une garantie très grande, si en dernière analyse, ce n'était pas
le ministère qui demeure juge de ce qui constitue les circonstances
extraordinaires.
Messieurs, ce qui me porte à prendre la parole
dans cette occasion, c'est la tendance que j'observe en général dans la marche
des administrations. Que se passe-t-il ? Lorsqu'une disposition semblable est
insérée dans une loi, on commence par redouter pour ainsi dire d'en faire
usage.
On ne trouve pas les circonstances assez graves,
on ne les trouve pas assez extraordinaires ; enfin se présente une circonstance
qui paraît se rapprocher du caractère prévu par la loi ; il s'agit d'un acte
qu'on a grande envie de poser, qu'on craindrait peut-être de soumettre à une
discussion ; on hésite d'abord, puis on s'enhardit et on pose l'acte. L'acte
est posé ; il se présente, non plus comme proposition, mais comme fait accompli
; le ciel n'a pas tonné, l'opposition n'a pas été trop hostile, la majorité a
enregistré l'acte ; c'est un précédent. D'autres actes semblables sont posés
sans hésitation ; des actes semblables on passe à des actes à peu près
semblables, et, petit à petit, ce qui ne devait avoir lieu que dans les cas
extraordinaires se fait dans les cas ordinaires ; la décision du conseil des
ministres devient de pure forme ; dans le conseil des ministres on n'y fera
bientôt plus grande attention, et dans la chambre on n'y fera plus d'attention
du tout ; et nous aurons un budget supplémentaire décrété par ordonnance. Nous
aurons un budget légal, présenté au mois de février, et nous aurons un budget
supplémentaire, présenté au mois de novembre, qui ne sera pas susceptible de
discussion, parce que tout sera fait, tout sera accompli.
Voilà
ma crainte, voilà même ce qu'une autre rédaction me paraît pouvoir
difficilement empêcher. Mais, dira-t-on, il peut se présenter des cas
véritablement extraordinaires, que fera-t-on ? Laissera-t-on périr l'Etat ?
Non, on fera ce qu'on a fait, on agira sous sa responsabilité, et on viendra
demander un bill d'indemnité. Mais, dit-on, la chambre des comptes refusera son
visa. Je réponds, qu'au moins le plus souvent, le visa de la cour ne sera pas
nécessaire, il suffit que le gouvernement engage sa responsabilité et ordonne
la dépense ; le payement viendra après quand l'acte aura été régularisé.
Si les circonstances sont tellement graves, tellement
extraordinaires que tout cela ne suffise pas, eh bien ! convoquez les chambres
; vous donnerez plus de force au gouvernement qu'en lui conférant ces pouvoirs
irréguliers. Dans les circonstances graves, dans les cas extraordinaires, les
chambres auxquelles le gouvernement s'adresse viennent donner à ces actes une
force morale, une solennité, qu'une simple ordonnance ne peut avoir. Dans des
cas semblables il n'y a plus de partis, la chambre est unanime. C'est ce qu'on
a vu quand on s'est adressé à nous pour ratifier les actes posés sous la
crainte d'une disette et pour y ajouter d'autres mesures que vous avez
également sanctionnées.
M. Delehaye. - Il me reste très peu de chose à dire, après le
discours de l’honorable député de Louvain ; cependant, je ne puis me dispenser
de répondre à l'honorable M. Osy, que l'exemple qu'il a invoqué à l'appui de la
proposition, est celui que j'invoquerais pour la combattre. Il a dit que si le
pouvoir avait été investi du droit que veut lui conférer la section (page 865) centrale, il n'aurait pas
manqué d'en faire usage dans l'affaire de Guatemala, qui était imprévue. Au mot
« imprévue », l'honorable membre ajoute celui :
« extraordinaire ». Vous comprenez qu'un ministère, qui aurait trouvé
un cas imprévu, le trouverait aussi extraordinaire. Ce ministère, auquel vous
supposez l'impossibilité d'user de la disposition de la loi parce que voui
surez exigé que le cas fût extraordinaire, ne manquera jamais de raisons pour
établir que le cas, où il en a fait usage, était extraordinaire. Puisqu'on cité
l'exemple de Guatemala, je vous demande si le ministère n'aurait pas pu
prétendre que cette dépense était imprévue, parce qu'il ne pouvait pas prévoir
ce qui est arrivé, comme il aurait pu prétendre que c'était un cas
extraordinaire, qu'il s'agissait de sauver les malheureux Belges partis pour
cette colonie, et si le gouvernement n'aurait pas pu faire usage de la
disposition que vous voulez adopter ?
Je pense que le correctif inventé par
l'honorable M. Osy ne donne pas une garantie suffisante à ceux qui ne veulent
pas augmenter les attributions du gouvernement. Je comprends, comme l'honorable
M. de La Coste, qu'il est de notre devoir de repousser cette disposition.
C'est une chose inconcevable que quand le
gouvernement n'a pas osé demander un pareil pouvoir, ce soit la chambre, la
section centrale pour mieux dire qui aille le lui offrir.
Mais, dit-on, cette disposition existe en
France.
Je suis grand admirateur des institutions
françaises, je voudrais qu'on imitât la France dans ce qu'elle fait pour son
commerce et pour son industrie ; mais faut-il l'imiter aussi quand elle commet
une faute ? En France, il peut se faire qu'une disposition semblable soit
nécessaire ; je ne pense pas qu'il en soit ainsi en Belgique. La séparation des
chambres chez nous n'est jamais très longue, nos sessions durent 7, 8 et 9
mois, de sorte que la séparation des chambres n'a lieu que pendant trois ou
quatre mois. Il faudrait donc que le cas extraordinaire et imprévu se présentât
dans ces trois ou quatre mois. Ne peut-on pas alors ordonner la dépense et
demander les fonds pour payer, quand les chambres sont réunies ? Je pense
qu'aucune considération quelle qu'elle soit ne milite en faveur de la
disposition proposée.
Quand une dépense est faite, la chambre est
d'assez facile composition, c'est un fait consommé et elle l'admet ; mais quand
le gouvernement devra venir demander un bill d'indemnité, il saura que l'acte
sera regardé de près et qu'il pourra rencontrer des difficultés, il sera plus
circonspect.
Vous avez adopté une disposition qui accorde au
gouvernement la faculté de donner des décorations. La loi a prescrit de motiver
les arrêtés, comment l'a-t-on fait ? La plupart sont basés sur des motifs dont
la loi n'avait pas voulu. On se trouvera dans des circonstances non
extraordinaires et non imprévues, on en fera des cas extraordinaires et
imprévus et la disposition sera appliquée.
Il
est toujours dangereux d'admettre un pareil système. Pour ma part je ne lui
donnerai pas mon assentiment, d'autant moins que le gouvernement n'a pas
demandé les pouvoirs qu'on veut lui donner.
D'ailleurs, il n'y a pas de considération qui
puisse mettre le gouvernement dans la nécessité de disposer des fonds avant le
vote de la chambre. Il peut arriver qu'il doive prendre des mesures, rien ne
l'empêchera de les prendre sous sa responsabilité et de venir demander après
les fonds nécessaires pour le payement.
Ces considérations suffiront, je pense, pour
faire rejeter la disposition.
M. de Garcia. - Je suis dans la même position que
l'honorable M. Delehaye. Les raisons développées par l'honorable M. de la
Coste, dont je partage l'opinion, sont tellement claires, tellement positives,
qu'il est inutile, en quelque sorte, de rien ajouter pour faire repousser, soit
la proposition de la section centrale, soit l'amendement du gouvernement, soit
celui de M. Osy.
Il a démontré à l'évidence, selon moi, qu'on ne
peut, sans s'exposer aux plus graves abus, admettre le principe consacre dans
ces diverses dispositions, qui, dans la pensée de ses auteurs, n'est réclamé
que pour des cas rares, imprévus, urgents et de la plus haute gravité, et comme
l’a énoncé un honorable préopinant, lorsqu'il s'agit du salut de la patrie.
Faut-il, pour des cas aussi exceptionnels, créer dans la loi un principe qui
peut ouvrir la porte aux plus larges abus ?
Telle
ne peut être mon opinion. Pour des hypothèses de cette nature, le gouvernement
aura toujours pour lui une loi aussi ancienne que l'établissement des nations ;
il pourra invoquer une loi suprême, devant laquelle se taisent toutes les
autres ; salus populi suprema lex. Tant qu'il n'agira que dans ce cercle et je
ne veux pas qu'il agisse dans un autre, qu'il soit parfaitement tranquille, il obtiendra
sans peine un bill d'indemnité de la législature pour l'atteinte portée à
quelques-unes de nos lois à l'effet de sauver la patrie. Cela reconnu, je ne
pourrai consentir à consigner dans la loi une disposition qui peut donner lieu
aux plus grands inconvénients. Comme l'a démontré parfaitement l'honorable M.
de la Coste, ce n'est qu'avec les plus grands dangers qu'on peut ériger en loi
aucune des dispositions présentées, et si l'une d'elles venait à être
sanctionnée, j'ai la conviction que l'expérience justifiera nos prévisions.
M. Savart-Martel. - Messieurs, tout le monde sent qu'il peut se
trouver telle circonstance impérieuse où l'on pourrait regretter que le pouvoir
exécutif n'ait pas la faculté qu'on exige ici en sa faveur ; je doute cependant
que nous puissions voter l'article, sauf peut-être le cas où le salut de l'Etat
en dépendrait ; car salus populi, suprema lex.
Le chapitre II de la Constitution indique le
pouvoir accordé à la royauté. On y trouve l'article 78 ainsi conçu : « Le roi
n'a d'autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la Constitution
et les lois particulières portées en vertu de la Constitution même. »
Or, la loi qu'on nous demande va-t-elle être
portée en vertu de la Constitution ? Je crains le contraire, lorsque je me
pénètre de l'esprit des articles 115 et 116. Le premier article veut que toutes
les dépenses de l'Etat soient portées au budget ; et l'article suivant fait un
devoir à la cour des comptes do veiller à ce qu'aucun article des dépenses du
budget ne soit dépassé. L’ensemble de ces deux articles me porte à croire
qu'une loi qui accorderait au gouvernement un pouvoir aussi exorbitant serait
inconstitutionnel ; je soumets à la chambre cette réflexion.
On
nous a cité l'exemple de la France ; mais les raisons qui militeraient pour la
France, ne seraient d'aucune utilité pour nous.
En France il faut au moins quatre ou cinq
semaines pour la réunion du parlement, tandis qu'en Belgique trois fois 24
heures suffisent pour nous trouver réunis.
Je voterai donc contre le pouvoir exorbitant
qu'on nous demande en ce moment.
. M. Mercier. - Les orateurs qui ont pris la parole
dans cette discussion conviennent en général qu'il peut se trouver des
circonstances graves où il y ait nécessité de faire des dépenses
extraordinaires qui ne seraient pas portées au budget. Mais ces honorables
membres ajoutent que dans de telles circonstances on fera ce qu'on a fait
jusqu'à présent, c'est-à-dire que le ministère pourra, sous sa responsabilité,
ordonnancer les dépenses qu'il jugera indispensables pour parer aux événements
qui se seraient produits. Mais il y a, pour agir ainsi, un obstacle
insurmontable qui va naître de la loi que nous discutons ; aucun comptable de
l'Etat ne consentira plus à se dessaisir des fonds dont il sera dépositaire,
sans une ordonnance régulière.
La loi est rédigée de telle sorte qu'un ministre
qui voudra prendre sous sa responsabilité d'ordonnancer une dépense qui n'a pas
été prévue au budget, ne le pourra pas, dût le salut de l'Etat être gravement
compromis. Aucun comptable ne voudra encourir la responsabilité d'effectuer des
payements de cette nature.
Voilà ce qui s'opposera à ce qu'on agisse à
l'avenir comme on l'a fait par le passé.
La faculté que propose la section centrale,
d'accord avec le gouvernement, est utile ; mais il faut l'entourer de garanties
telles qu'on ne puisse en abuser.
L'honorable M. de La Coste n'a pu trouver,
contre l'adoption de cette disposition, d'autre argument sérieux que dans la
supposition que la loi ne recevrait pas sa fidèle exécution. C'est une
hypothèse que nous ne pouvons admettre. Lorsque la loi exige qu'il y ait des
circonstances graves, imprévues et extraordinaires, il est évident qu'un
ministre compromettrait singulièrement sa responsabilité, s'il usait légèrement
de la faculté que la loi ne lui donne qu'avec des restrictions aussi formelles.
On a dit que dans les circonstances graves, on
pourra réunir les chambres ; mais les besoins de la situation peuvent exiger
que cette dépense soit immédiate et ne comporte aucun délai ; il peut même
arriver tel événement qui ne permette pas aux chambres de se réunir.
On
a fait remarquer que la section centrale a pris l'initiative de cette
proposition, que si le gouvernement ne l'avait pas proposée c'est qu'elle
n'était pas nécessaire. Pour moi, je pense qu'on doit la considérer comme étant
inspirée par une sage prévoyance, mais qu'il faut l'entourer de toutes les
garanties propres à en maintenir l'application dans les bornes prescrites. Si
l'on en craint l'abus, qu'on ajoute aux restrictions indiquées par l'honorable
M. Osy, d'autres conditions encore. Suivant l'amendement de l'honorable M Osy,
les circonstances doivent être graves, extraordinaires et imprévues. Ainsi, il
faudra de plus, l’absence des chambres et la proposition du conseil des
ministres.
Je crois que moyennant ces conditions, la
disposition ne présente pas de danger et que le ministre qui ne les observerait
pas ne serait plus dans les termes de la loi ;que dans ce cas extraordinaire la
cour des comptes pourrait refuser son visa, et que par conséquent le caissier
de l'Etat ne serait pas autorisé à se dessaisir des fonds.
M. Manilius. - Je demande la parole.
M. de Mérode. - Si la disposition en discussion ne devait avoir
d'autres résultats que d'empêcher des opérations telles que l'acquisition du
steamer Brilish-Queen, je ne m'opposerais certes pas à son adoption. Mais
d'après l'observation de l'honorable M. Mercier, le gouvernement peut se
trouver dans la nécessité de parer à des dangers, et d'après la loi, défense
serait faite à tous les comptables de fournir des fonds au gouvernement.
Je vous citerai ce qui m'est arrivé
personnellement, lorsque j'étais membre du conseil des ministres. C'était à
l'époque où il s'agissait de céder une partie du territoire belge à la Hollande
; il y avait de grands embarras financiers dans le pays ; l'une des banques du
pays faiblissait. On mit en délibération s'il ne fallait pas empêcher cette
banque de faire faillite. Je passai un jour et une nuit très pénible en
délibération avec mes collègues, sur la nécessité de faire une avance de
plusieurs millions à cette banque. Etait-il possible de faire à ce sujet une communication
aux chambres ? Evidemment non ; car cette affaire devait être faite en secret.
Le pays était alors dans une position très critique.
Comme
je viens de le dire, je voudrais qu'on ne pût dépenser l'argent du trésor sans
les garanties que la loi prescrit, comme cela est arrivé. Mais il peut survenir
des circonstances où, en voulant remplir toutes les formalités ordinaires, on
précipiterait le pays dans de graves dangers.
Je demande donc le maintien de l'article de la
section centrale, concevant très bien que cette section nous ait fait cette
proposition, puisqu'elle a reconnu une nécessité que le ministère n'avait pas
prévue.
(page 866)
M. Desmet.
- On fait à la section centrale le reproche de s'être montrée plus facile que
le gouvernement. M. le ministre des finances n'est pas, je pense, de cet avis ;
il trouve assurément la proposition du gouvernement plus commode que celle de
la section centrale. Il n'y a qu'à voir les deux dispositions pour reconnaître
qu'il y a entre elles une grande différence pour la sûreté des fonds de l'Etat.
Pourquoi
la section centrale a-t-elle introduit cette disposition ? Parce qu'elle lui a
paru nécessaire. J'ai fait remarquer dans la section centrale qu'il était des
circonstances, comme par exemple la rupture d'une digue, où elle serait
indispensable. S'il n'y a pas de fonds pour faire la dépense, comment
réparera-t-on la digue ? Cela prouve bien la nécessité d'introduire la
disposition dans le projet de loi. Que l'on fasse attention que trois circonstances
sont exigées. Il faut que les circonstances soient graves, imprévues,
extraordinaires, et surtout qu'il y ait urgence. C'est cette urgence que l'on
doit prendre en considération, li faut qu'il y ait nécessité et urgence de
faire une dépense pour éviter de grands maux.
L'honorable M. Delehaye dit : Vous avez tout le
temps pour payer. Mais il ne s'agit pas de payement,, il s'agit d'ordonnancer
la dépense et d'ouvrir des crédits pour y satisfaire.
Qu'on fasse attention que la mesure doit être
sanctionnée par la loi. Si la dépense n'a pas les caractères exigés par la loi,
elle tombera à la charge du ministre. Celui-ci se gardera bien d'ordonner une
dépense qui ne devra pas être sanctionnée. Il y a donc toutes garanties.
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Un honorable préopinant s'est étonné de ce
que la section centrale ait fait une proposition que le gouvernement n'avait
pas faite et qu'il aurait dû faire s'il l'avait jugée nécessaire.
Il semble induire de là que la proposition est
inutile. Je me vois obligé d'expliquer comment la section centrale a été amenée
à la faire. Messieurs, c'est par suite d'un examen approfondi du projet du
gouvernement que la section centrale a cru convenable d'adopter cet amendement
au projet primitif.
D'après la rédaction de l'article 6 proposé par
le gouvernement, la perception des deniers de l'Etat ne pouvait être faite que
par un comptable du trésor.
Mais cette rédaction ne concernait que les
percepteurs. La section centrale a fait un amendement d'où il résulte, de plus,
que les caisses publiques ne peuvent être gérées que par un agent placé sous
les ordres du ministre des finances responsable de sa gestion et justiciable de
la cour des comptes.
Il faut combiner cette disposition avec celle de
l'article 5 transférée à l'article 16.
De plus, l'article 5 proposé par le gouvernement
se bornait à stipuler qu'aucune sortie de fonds ne pouvait se faire sans son
concours. La section centrale a amendé cette disposition et a ajouté qu'aucune
sortie de fonds ne pourrait se faire sans la liquidation préalable de la cour
des comptes.
C'est ainsi que la section centrale vous a
proposé de faire en sorte que les deniers des contribuables fussent concentrés
dans une caisse tellement bien fermée qu'on ne pût les en faire sortir que par
l'intermédiaire de la cour des comptes.
Le projet du gouvernement lui laissait la
faculté de continuer à invoquer le bénéfice du règlement des Pays-Bas, la
faculté de disposer du trésor. La section centrale a tellement calfeutré, a
rendu tellement inabordable la caisse de l'Etat, qu'il n'y a plus moyen d'en
faire sortir une obole sans l'intermédiaire de la cour des comptes.
Lorsque la section centrale eut terminé son
travail, elle comprit qu'il était des circonstances extraordinaires et urgentes
où le gouvernement pouvait avoir besoin de faire un prompt usage des deniers de
l'Etat ; elle crut qu'il était nécessaire de pourvoir à cette occurrence.
Je crois avoir expliqué suffisamment ce qui a déterminé
la section centrale à faire cette proposition.
Maintenant, puisque j'ai la parole, je répondrai
un mot à l'honorable M. de La Coste. Cet honorable membre a dit : On fera ce
qu'on a fait par le passé ; le visa de la cour des comptes ne sera pas nécessaire.
Mais qu'a-t-on fait ? On a fait sortir les deniers de l'Etat de la caisse du
trésor d'une manière irrégulière et sans garantie, sans le contrôle de la
publicité. La législature n'en a pas été informée. Si elle l'a été, ç'a été
quand le ministre n'était plus au pouvoir, quand il n'y avait plus de recours
contre lui. Nous au contraire que faisons-nous ?
En
réglant cette grave faculté, nous établissons des garanties, et nous faisons en
sorte que le ministre qui aura usé de ce pouvoir, soit obligé de comparaître
devant la législature dans un délai déterminé et très rapproché.
L'honorable M. de Garcia, pas plus que
l'honorable M. de La Coste, ne veut de cette disposition. Cependant, si
j'interprète bien ses paroles, il pense que, dans des circonstances graves, le
gouvernement pourra, contrairement aux dispositions de la loi, mettre encore
comme par le passé la main sur le trésor. Il trouve que salus populi doit être
la suprema lex. Je suis de son avis, mais il me semble beaucoup plus
raisonnable de prévoir les circonstances où le gouvernement pourra user
exceptionnellement des fonds du trésor, de régler de quelle manière, et quand
il aura à justifier d'une mesure exigée par le salut du pays.
D'ailleurs, l'honorable M. Mercier a clairement
établi que, sans la disposition que nous discutons, le trésor abandonné à la
garde des comptables et confié à leur responsabilité, ne sera pas disponible
pour le gouvernement sans un crédit législatif.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, j'ai écouté attentivement toute
la discussion qui vient d'avoir lieu.
La proposition qui vous a été soumise et qui a
amené mon amendement émane de la section centrale. J'ai cru, et peut-être me
suis-je trompé, imposer des limites plus étroites au gouvernement par la
définition que j'ai donnée. Ainsi l'idée de l'imprévu ne se trouvait pas dans
l'amendement primitif ; en d'autres termes, légalement, les ministres auraient
pu, d'après l'amendement de la section centrale, même pour les termes prévus,
augmenter les crédits qui leur avaient été accordés.
Le seul motif de la proposition qui vous a été
faite consiste en ce qu'aujourd'hui le ministre des finances a le pouvoir de
mandater directement sur le caissier général pour la totalité de l'encaisse,
tandis que, d'après les dispositions de la loi nouvelle, il n'aurait plus ce
pouvoir
Après avoir entendu, messieurs, tout ce qui a
été dit dans cette discussion, je me suis décidé à retirer l'amendement que
j'ai eu l'honneur de vous soumettre. Je pense qu'il est bien entendu que dans
un moment comme celui en vue duquel l'article a été proposé, le gouvernement,
je ne dis pas seulement pourrait, mais devrait même user de tous les moyens en
son pouvoir pour que les intérêts du pays ne fussent pas lésés. Je pense,
messieurs, que malgré les dispositions impératives de la loi, dans une telle
circonstance la cour des comptes ne refuserait pas son visa.
Il y a peut-être, messieurs, un autre moyen de
solution dans les dispositions qui devront être soumises à la chambre pour
l'organisation définitive du caissier de l'Etat. Peut-être alors pourrait-on
admettre, non pas ce droit qui existe aujourd'hui de mandater d'une manière
directe et illimitée sur le caissier de l'Etat, de disposer en un instant de
tout le solde d'encaisse, mais définir l'action du ministre à l'égard du
caissier de l'Etat, de manière qu'il puisse faire face à ces circonstances
imprévues et extraordinaires.
Je
crois donc, messieurs, pouvoir renoncer à l'amendement que j'avais présenté et
qui était la conséquence de la proposition de la section centrale.
M. de Theux. - Le gouvernement abandonne-t-il toute la
proposition ?
M. le ministre des finances (M. Malou). - Oui.
M. le président. - La section centrale ayant fait la proposition, je
suis obligé de la mettre aux voix.
M. Jonet. - Messieurs, la section centrale ne retirant pas sa
proposition, je dois dire quelques mots sur la question constitutionnelle.
Je n'aborderai pas l'examen de l'article 17 tel
qu'il est présenté, soit par la section centrale, soit par M. le ministre des
finances. Cet article, je ne peux pas le discuter. La chambre n'a pas le droit
de le voter, et, si cela est vrai, il est inutile d'aller plus loin.
Je dis que la chambre n'a pas le droit de le
voter, parce que cet article, s'il était adopté, serait directement contraire à
la Constitution dont nous avons juré l'observance, et nous y serons fidèles, je
l'espère.
Je ne serai pas long. Pour établir ma thèse, je
me bornerai à citer quatre dispositions de la Constitution. La chambre
appréciera ces dispositions ; elle jugera ensuite si elle peut voter l'article
17.
La première disposition que j'invoque est celle
de l'article 27 de la Constitution qui porte : « Toute loi relative aux
recettes et aux dépenses de l'Etat doit être votée d'abord par la chambre des
représentants. » Et vous voudriez, messieurs, par une loi particulière,
supprimer cet article, et donner au roi et aux ministres un droit qu'ils ne
peuvent avoir ! Il suffit d’émettre la disposition proposée en présence de cet
article 27, pour démontrer de la manière la plus formelle que cette disposition
ne peut être accueillie.
La seconde disposition que j'invoque est celle
qui a déjà été citée par l'honorable M. Savart : article 115 de la Constitution
: « Chaque année les chambres arrêtent la loi des comptes et votent le
budget. Toutes les recettes et les dépenses de l'Etat doivent être portées au
budget. »
Comment, en présence d'une semblable
disposition, pourriez-vous donner au gouvernement le droit de faire, sans
l'intervention des chambres des dépenses quelconques, dans quelque position que
ce soit ? Toutes les dépenses doivent être portées au budget, ou au moins dans
la loi. La loi doit précéder la dépense. Comment donc pourriez-vous donner,
sans manquer à la Constitution, le droit que l'on réclame, au roi et aux
ministres ? Vous ne le pouvez pas.
La troisième disposition a également été citée
par l'honorable M. Savart, c'est l'article 116 de la Constitution : « La cour
des comptes veille à ce qu'aucun article des dépenses du budget ne soit dépassé
et à ce qu'aucun transfert n'ait lieu. »
Si cela est vrai, si aucun article de dépenses
porté au budget ou à la loi des dépenses ne peut être dépassé, comment
pourriez-vous donner un pouvoir contraire au Roi et aux ministres ? Je le
répète, vous ne le pouvez pas.
Enfin j'invoque, pour autant que de besoin, l'article
130 de la Constitution» qui porte : « La Constitution ne peut être suspendue en
tout ou en partie.» Elle ne serait peut-être pas suspendue dans l'espèce
particulière, si vous adoptiez l'article en discussion, mais elle serait
détruite.
On
a invoqué les inconvénients qui pourraient se présenter avec notre système
constitutionnel, si l'on rejetait l'article 17. Mais ces inconvénients doivent
avoir été prévus par le congrès constitutionnel et ils l'ont été. La
Constitution a été examinée sous différents points de vue, et malgré les
inconvénients qui pourraient se présenter, on a cependant voté l'article 130.
Si vous craignez les inconvénients, vous avez le moyen de les prévenir à
l'avenir, c'est de faire usage de l'article 131 qui vous permet de réviser la
Constitution. Vous avez le droit de réviser la Constitution, mais en suivant
les formes voulues par la Constitution elle-même. Mais vous n'avez pas le droit
de détruire la Constitution par une loi particulière.
(page 867)
C'est assez dire que je voterai contre l'amendement de la section centrale et
même contre toute la loi, si la disposition était adoptée.
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Je demande la parole pour une motion
d'ordre.
Messieurs, la section centrale a cru qu'il était
de son devoir de présenter cette disposition, après avoir renforcé, comme elle
l'avait fait, le reste de la loi. Je me suis assez expliqué tout à l'heure sur
ce point.
Maintenant je viens d'entendre avec surprise M. le
ministre des finances retirer son amendement et se prononcer contre le nôtre.
Dès lors je crois inutile que je soutienne au nom de la section centrale un
article qu'elle avait présenté dans l'intérêt de l'administration. Si le
gouvernement pense pouvoir s'en passer, il doit mieux connaître que nous ce qui
lui est nécessaire pour marcher. Il est au pouvoir, il a sur nous l'avantage de
l'expérience.
Je renonce donc à l'article 17 et je propose à
la chambre de passer à l'article suivant.
M. de Mérode. - Je demande la parole.
M. le président. - L'article étant retiré, si personne ne le reprend,
il n'y a plus lieu à discussion.
M. Delfosse. - Je demande à adresser une interpellation à M. le
ministre des finances.
M. le président. - Vous avez la parole.
M. Delfosse. - M. le ministre des finances nous a dit
tantôt qu'il s'était mis d'accord avec ses collègues sur les dispositions du projet
de loi et notamment sur l'article 17, qui peut être considéré comme l'un des
plus importants. Je demande comment il se fait que cet article important, sur
lequel M. le ministre des finances avait cru devoir consulter ses collègues,
soit retiré par M. le ministre des finances seul, alors que la plupart des
ministres sont absents ; il me semble que si M. le ministre des finances a cru
devoir consulter ses collègues pour présenter cette disposition, il aurait dû
aussi les consulter avant de la retirer ; je prie M. le ministre des finances
de vouloir bien expliquer cette contradiction qui me paraît exister entre les
paroles qu'il a prononcées au commencement de la séance et l'acte qu'il vient
de poser.
M. le ministre des finances
(M. Malou). -
Il paraît, messieurs, que nous entrons, pour les discussions parlementaires,
dans une phase toute nouvelle. Un ministère doit se trouver au complet sur ces
bancs, et un ministre doit toujours avoir tous ses collègues auprès de lui,
pour savoir si, d'après le cours de la discussion, il peut modifier le projet
qu'il a soumis à la chambre. Messieurs, je vous le demande, et la carrière
parlementaire de la plupart d'entre vous est plus longue que la mienne,
pareille idée a-t-elle été émise depuis que la Belgique a un parlement ?
Le ministère arrête en commun les projets à
soumettre à la chambre ; il les discute avec elle ; et lorsque la discussion
démontre que les dangers d'une proposition sont supérieurs à ses avantages, que
d'un autre côté ces avantages peuvent être réalisés par des moyens différents,
faut-il, je le demande à l'honorable membre lui-même, que chacun des ministres
soit ici en permanence et que nous votions en conseil des ministres sur ces
bancs ?
Non, assurément. Ce serait changer tous les
précédents du gouvernement et de la chambre depuis 1830. Je me crois
parfaitement en droit, et je ne crois nullement poser un acte contradictoire
avec la déclaration que j'ai faite tout à l'heure, en renonçant, d'après les
raisons qui ont été données dans le cours de cette discussion, à la proposition
que j'avais faite.
M. Delfosse. - M. le ministre des finances a sans aucun doute le
droit de retirer son amendement ; je ne l'ai pas contesté ; mais j'ai, de mon
côté, le droit de faire ressortir les contradictions que je crois remarquer
entre ses actes et ses paroles.
Tantôt l'honorable M. Manilius demandait
l'ajournement de la discussion de l'article 17, jusqu'au moment où nous nous
trouverions en présence d'un ministère sérieux, d'un ministère dont tous les
membres pourraient prendre part à cette discussion. D'après l'honorable M.
Manilius, le ministère actuel serait ébranlé, chancelant, tous les ministres
auraient même remis leur démission.
MM. les ministres interpellés sur ce dernier
point ont refusé de s'expliquer, ou plutôt ils ont cru refuser, car il me
paraît résulter bien clairement de leurs paroles qu'ils ont réellement donné
leur démission ; s'ils ne l'avaient pas donnée, leur devoir serait de démentir
les bruits répandus par les journaux ; par cela seul qu'ils ne démentent pas
ces bruits, par cela seul qu'ils gardent le silence, je tiens les bruits pour
fondés.
M. le ministre des finances, tout en refusant de
répondre à l’interpellation, s'est opposé à l'ajournement de la discussion de
l'article 17 ; et pourquoi s'y est-il opposé ? C'est d'abord parce que la loi
a, selon lui, un caractère purement administratif ; c'est ensuite parce que
ceux de ses collègues dont on paraissait désirer la présence avaient donné leur
assentiment à cette loi ; si l'assentiment des collègues de M. le ministre des
finances était nécessaire au commencement de la séance, il me semble qu'il doit
encore l'être en ce moment ; il me semble que M. le ministre des finances qui a
cru avoir besoin de l'assentiment de ses collègues pour présenter son
amendement à l'article 17, se met en contradiction avec lui-même, lorsqu'il
retire cet amendement en leur absence et sans les avoir consultés.
Article 18
La chambre passe à l'article 18, qui est ainsi conçu
:
« Art. 18. Les ordonnateurs sont responsables
des payements mandatés par eux contrairement aux lois et règlements
d'administration. »
- Cet article est mis aux voix et adopté.
« Art. 19. Les ministres ne font aucun contrat, marché
ou adjudication, pour un terme dépassant la durée du budget qui porte
l'allocation nécessaire pour faire face à la dépense.
« Toutefois, quand l'allocation embrasse la
totalité de la dépense, et lorsque celle-ci, à raison de l'importance des
travaux, ne peut se réaliser complétement dans le cours du budget, ils peuvent
stipuler pour un plus long terme sans pouvoir dépasser celui de 5 années, à
compter de celle qui donne son nom à l'exercice.
« Le devis de la dépense totale sera produit
comme développement à l'appui du budget dans lequel le crédit à allouer sera
demandé à la législature.
« Sont exceptés de cette règle les baux
d'entretien, qui peuvent être contractés pour plusieurs années ; auquel cas
chaque budget se trouve grevé de la dépense afférente à l'année à laquelle il
se rapporte. »
M. le ministre des finances (M.
Malou). a
proposé la rédaction suivante :
« Art. 19. Les ministres ne font aucun contrat,
marché ou adjudication pour un terme dépassant la durée du budget.
« Sont exceptés de cette règle les baux de
location ou d'entretien qui peuvent être contractés pour un plus long terme ;
auquel cas, chaque budget se trouve grevé de la dépense afférente à l'année à
laquelle il se rapporte.
« Quand la dépense, à raison de l'importance des
travaux, ne peut se réaliser pendant la durée du budget, les ministres peuvent
contracter pour un plus long terme qui, toutefois, ne dépasse pas cinq années,
à compter de l'année qui donne son nom à l'exercice. »
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Voici, messieurs, en quoi consiste
l'amendement de la section centrale. La section centrale demande que le devis
de la dépense totale soit produit comme développement à l'appui du budget dans lequel
on demandera des crédits destinés à des dépenses à répartir sur plusieurs
exercices.
Voici pourquoi elle vous propose cette
disposition. Il arrive dans plusieurs circonstances que le gouvernement
désirant de faire une dépense considérable demandait à la législature un crédit
partiel sans faire connaître le chiffre de la dépense totale, parce qu'il
craignait que la chambre ne reculât devant une dépense aussi élevée.
La disposition proposée par la section centrale
tend à obliger le gouvernement à faire connaître à la législature toute la
portée des demandes de crédit qu'il lui soumet.
Elle tend ensuite à empêcher qu'un ministre
n'engage plusieurs budgets sans le consentement de la législature. N'avons-nous
pas vu, messieurs (et nous le voyons fréquemment à la suite de ces changements
si fréquents de cabinet), n'avons-nous pas vu les ministres qui se retirent
faire leur testament politique, et engager souvent pour plusieurs années les
budgets de leurs successeurs ?
Quant
à la disposition qui oblige le gouvernement à présenter le devis de la dépense
totale lorsqu'il s'agit d'engager plusieurs exercices, je pense que c'est une
disposition excellente. La chambre a refusé dernièrement un crédit que le
gouvernement demandait pour des travaux de fortifications, elle l'a refusé
parce que le devis de la dépense n'était pas joint à la demande de crédit ; il
me semble qu'il faut prévenir des propositions semblables. II me semble que
pour être conséquente avec elle-même la chambre doit écrire dans la loi
l'obligation pour les ministres de ne présenter à l'avenir que des projets de
loi accompagnés des pièces justificatives, qui tendent à les motiver.
Je crois, messieurs, que ces considérations
justifient suffisamment la proposition de la section centrale.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, la proposition nouvelle que j'ai
eu l'honneur de soumettre à la chambre, se rapproche beaucoup en principe de
celle de la section centrale. Le motif de la différence qu'il y a entre les
deux propositions est puisé dans les faits actuels et dans la nécessité de
maintenir ces faits. Je prends, messieurs, un exemple dans nos budgets. Les
crédits affectés à la construction, la réparation et l'amélioration des routes,
sont votés par la chambre en un ou deux articles. Le gouvernement, pour
multiplier les bienfaits qui doivent résulter de la construction de voies de
communication, prend, avec le concours des provinces, des communes et des
particuliers, des engagements échelonnés sur plusieurs années. D'après la
rédaction proposée par la section centrale, il serait désormais impossible de
suivre cette marche, puisque, à l'époque du vote des budgets, le gouvernement
devrait pouvoir produire le devis de la dépense totale, pour des routes dont la
construction est alors encore incertaine et doit faire l'objet de négociations
avec les provinces et les communes et souvent avec les particuliers.
Est-il nécessaire, me suis-je demandé en
examinant cette disposition, est-il nécessaire d'imposer au gouvernement des
limites aussi étroites ? Je pense, messieurs, que non. Le principe posé dans le
premier paragraphe, c'est que le ministre ne peut pas engager les fonds du
budget au-delà de la durée du budget lui-même. Deux exceptions sont admises à
ce principe ; l'un concerne les travaux importants qui ne peuvent pas
s'exécuter dans le cours d'un exercice. Remarquez, messieurs, que ces travaux,
à raison de leur importance même, sont toujours l'objet d'un vote spécial de la
part de la législature. Ainsi les précautions que l'on prend sont à cet égard
parfaitement inutiles. La deuxième exception est celle qui concerne les baux
d'entretien et de location. Dans l'intérêt de l'Etat, il importe que le
gouvernement puisse contracter à cet égard pour un terme plus long que la durée
d'un budget. Cette deuxième exception est donc facile à justifier.
D'après ces considérations, je pense, messieurs,
que l'amendement que j'ai eu l'honneur de proposer et qui n'est guère que la
reproduction de l'article primitif, peut être admis sans qu'il y ait aucun abus
a craindre à l'avenir.
- L'article 19 est mis aux voix et adopté avec
la rédaction proposée par M. le ministre des finances.
Article 20
« Art. 20. Aucun marché, aucune convention pour travaux
et fournitures, ne peut stipuler d'a-compte que pour un service fait et
accepté. »
- Adopté.
« Art. 21. Tous les marchés au nom de l’Etat
sont faits avec concurrence, publicité et à forfait, sauf les exceptions
établies par les lois spéciales ou par la disposition suivante :
« Il peut être traité de gré à gré :
« 1° Pour les fournitures, transports et travaux
dont la dépense totale n'excède pas dix mille francs, ou s'il s'agit d'un
marché passé pour cinq années, dont la dépense annuelle n'excède pas 3,000
francs ;
« 2° Pour toute espèce de fournitures, de
transports ou de travaux, lorsque les circonstances exigent que les opérations
du gouvernement soient tenues secrètes : ces marchés doivent préalablement
avoir été autorisés par le roi, sur un rapport spécial ;
« 3° Pour des objets dont la fabrication est
exclusivement attribuée à des porteurs de brevets d'invention et d'importation
;
« 4° Pour les objets qui n'auraient qu'un
possesseur unique ;
« 5° Pour les ouvrages et les objets d'art et de
précision dont l'exécution ne peut être confiée qu'à des artistes ou ouvriers
éprouvés ;
« 6° Pour les exploitations, fabrications et
fournitures qui ne sont faites qu'à titre d'essai ;
« 7° Pour les matières et denrées qui, à raison
de leur nature particulière et de la spécialité de l'emploi auquel elles sont
destinées, sont achetées et choisies au lieu de production, ou livrées sans
intermédiaire par les producteurs eux-mêmes ;
« 8° Pour les fournitures, transports ou travaux
qui n'ont été l'objet d'aucune offre aux adjudications, ou à l'égard desquels
il n'a été proposé que des prix inacceptables ; toutefois, lorsque
l'administration a cru devoir arrêter et faire connaître un maximum de prix,
elle ne doit pas dépasser ce maximum ;
« 9° (nouveau). Pour les fournitures,
transports et travaux qui, dans le cas d'urgence évidente, amenés par des
circonstances imprévues, ne peuvent pas subir les délais des adjudications.»
M. le ministre des finances (M. Malou) propose de faire du premier paragraphe de cet
article un article spécial, et un deuxième article des autres paragraphes.
- L'article ainsi divisé est mis aux voix et
adopté.
« Art. 22. Les dépenses fixes, telles que
traitements, abonnements, pensions, sont ordonnancées par le ministre des
finances, sur des états collectifs qui lui sont transmis par les départements
d'administration générale, et sur des crédits préalablement ouverts à cet effet
par la cour des comptes, pour l'année entière, sur les allocations compétentes
des budgets et sur la production des états nominatifs des parties intéressées.
Les payements effectués d'après ce mode seront justifiés à la cour des comptes
avant la clôture de l'exercice. »
Le gouvernement propose le maintien de l'article
primitif qui est ainsi conçu :
« Les dépenses fixes, telles que traitements,
abonnements, pensions, sont ordonnancées par le ministre des finances sur les
états collectifs qui lui seront transmis par les départements d'administration
générale : ces départements feront connaître à la cour des comptes le montant
des imputations à faire sur chaque article du budget par suite de la formation
de ces états, et, d'après cette communication, la cour des comptes fait
l'enregistrement de ces dépenses. Les payements sont justifiés à cette cour
avant la clôture de l'exercice. »
M. le ministre des finances (M.
Malou). -
Messieurs, le mode proposé par la section centrale consiste à faire ordonnancer
par le ministre des finances sur des crédits préalablement ouverts par la cour
des comptes pour l'année entière, tandis que, d'après le projet primitif,
l'ordonnancement se ferait sur des états collectifs transmis par les
départements d'administration générale. S'il était possible, pour les dépenses
fixes, telles que traitements, abonnements, pensions, d'avoir des états
invariables pour une année entière, le travail serait beaucoup plus facile,
beaucoup plus simple, d'après le projet de la section centrale, mais il n'en
est pas ainsi : les pensions qui doivent être payées au commencement de
L'année, diffèrent souvent beaucoup de celles qui doivent être payées dans le
deuxième et le troisième trimestre.
Il en est de même pour les traitements, dans certains
ordres de fonctionnaires. Il y a même plus : les fonctionnaires de
l'administration des finances (et ce sont les plus nombreux), qui sont payés au
moyen de remises proportionnelles, ne peuvent évidemment rentrer sous
l'application de l'article du projet de la section centrale. Ces remises ne
peuvent pas être calculées d'avance pour l'année entière. Loin d'introduire
dans la comptabilité une simplification nouvelle, ce changement proposé par la
section centrale donnerait lieu à un travail beaucoup plus considérable et sans
utilité réelle. C'est pour ce motif seul que je crois devoir maintenir le
projet primitif.
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Messieurs, l'article en discussion constitue
une disposition très importante, en ce qu'elle implique la question du visa
préalable dont l'application sera examinée lors de la discussion du projet de
loi de la cour des comptes.
Dans le système actuel, le gouvernement fait
dresser des états collectifs mensuels qui sont visés préalablement par la cour
des comptes, avant d'être émis payables. D'après le système du gouvernement, il
n'y aurait plus de visa préalable, les états collectifs seraient dressés chaque
mois, comme à l'ordinaire ; la cour des comptes ouvrirait des crédits sans
imputation sur un simple avis ; elle ne viserait plus ; elle ne régulariserait
les payements qu'à la fin de l'année, quand tout serait terminé.
La chambre doit y regarder à deux fois, avant de
modifier l'application si importante du visa préalable. On dira peut-être que
les traitements ont quelque chose d'immuable, qu'il en est de même des
pensions. Cependant les traitements ont besoin de contrôle comme toutes les
autres dépenses.
Je citerai, à l'appui de ce que j'avance,
l'administration des chemins de fer. Sous le ministère de M. Desmaisières, si
je ne me trompe, le nombre des fonctionnaires du chemin de fer, leurs
traitements, etc., furent arrêtés par un règlement qui a été revêtu de la
sanction royale. Or, une foule de dispositions ministérielles sont venues
déroger à cet arrêté royal qui avait une certaine valeur, et il en est résulté
que les dépenses ont été augmentées. Il me semble donc qu'il est utile que la
cour des comptes puisse connaître quels sont les traitements, quel en est le
mouvement, si le gouvernement exécute les arrêtés royaux qu'il a provoqués
lui-même.
Quant aux pensions, il me semble aussi utile,
surtout quand les pensions sont liquidées pour la première fois, que la cour
des comptes puisse examiner si le chiffre en est régulièrement porté aux états
collectifs. La section centrale avait consenti à sacrifier le visa mensuel,
elle s'était contentée d'un visa annuel pendant le cours de l'année, le
gouvernement aurait à informer la cour des comptes des modifications qui
auraient été introduites. L'article de la seclion centrale n'est, en résumé,
que calqué sur un article d'un règlement spécial de comptabilité, concernant le
ministère de la justice et des cultes en France. D'après l'article 67, § 2 de
ce règlement, les états du premier trimestre de chaque année contiennent les
noms de toutes les parties prenantes, et l'indication de la somme à payer à
chacune d'elles ; les états des trois trimestres suivants ne contiennent que
des articles qui ne sont pas conformes aux détails de l'état du premier
trimestre. Ainsi, il y aurait un premier état très complet et les états
suivants se borneraient à indiquer les modifications qui seraient introduites.
Je viens de vous dire, messieurs, que depuis
1830, l'on dresse des états collectifs mensuels ; la formation de ces états
exige un temps considérable, et occupe, paraît-il, presque exclusivement
plusieurs employés. Avant 1830, les états n'étaient dressés que
trimestriellement, et je pense qu'il serait d'autant plus convenable d'en
revenir à ce système qu'il n'y a pas d'uniformité pour le payement des
traitements des fonctionnaires de l'Etat. C'est ainsi que l'on a conservé le
système des payements trimestriels pour les pensions : la loi de 1844 en a
décidé ainsi. Les agents des ponts et chaussées ne sont payés que
trimestriellement. Il en est de même pour l'article si important des cultes.
L'ordre judiciaire n'est également payé que par trimestre. Depuis 1830, on a
introduit le système des payements mensuels pour les départements ministériels,
pour les agents des chemins de fer et pour les bureaux des gouvernements
provinciaux. Il me paraît convenable d'établir un mode uniforme de payement
pour tous les fonctionnaires qui reçoivent un traitement sur les fonds de
l'Etat. Le mode le meilleur, selon moi, consiste à effectuer ce payement par
trimestre.
Messieurs, j'ai cherché à découvrir pourquoi on
avait dérogé, en faveur de certains fonctionnaires, au système établi par le
gouvernement des Pays-Bas ; d'après ce que j'ai appris, cette innovation a été
introduite dans les premiers temps de la révolution ; le nouvel ordre de choses
paraissait si peu solide que les fonctionnaires des départements ministériels
furent charmés d'être payés mensuellement ; ils n'avaient pas une très grande
confiance, paraît-il, dans la stabilité du gouvernement, et c'était une espèce
de garantie qu'on leur donnait.
Il
me semble que les payements trimestriels ne peuvent leur faire du tort ; au
contraire, cela leur donnera des habitudes d'économie, les obligera à avoir des
ressources par devers eux.
J'insiste donc, messieurs, pour qu'il y ait un
visa préalable de la cour des comptes pour le payement des traitements. Je
demande que ce visa n'ait lieu que pour l'état collectif du premier
trimestre ; quant aux trois autres trimestres, on pourrait se borner à
donner connaissance à la cour des comptes des modifications survenues depuis le
visa de l'état du premier trimestre.
Je propose d'ajouter, dans l'article de la
section centrale, le mot « trimestriellement » après celui-ci :
« ordonnancées », afin qu'il y ait uniformité dans le payement des
traitements des fonctionnaires de l'Etat ; je maintiens la suite de la
rédaction de l'article.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, l'article, tel qu'il est proposé,
ne préjuge absolument rien, en ce qui concerne la première liquidation des
pensions. Cette question sera examinée naturellement à l'occasion d’un article
nouveau que la section centrale, chargée de l'examen de la loi de la cour des
comptes, vous a proposé. Il s'agit seulement de savoir si l'on simplifiera la
comptabilité, s'il est de l'intérêt de l'administration de donner plus tôt le
droit au ministre d'ordonnancer, sauf à justifier ultérieurement à la cour, ou
s'il faut que la cour donne un visa pour la totalité d'un crédit affecté
pendant le cours d'une année entière au payement de dépenses fixes, telles que
traitements, abonnements, pensions. Eh bien, je suppose que cette année la
disposition de la section centrale ait été applicable au ministère des finances
; que dans le courant du mois de janvier j’aie transmis l'état du personnel de
ce ministère ; la cour aurait reconnu que, d'après l'état du personnel, il
dépassait le douzième de la somme totale, et je n'aurais pu faire admettre la
demande que j'aurais soumise à la cour.
Il peut arriver, au contraire, que les dépenses,
au commencement de l'année, soient beaucoup moins considérables pour les
traitements, abonnements ou pensions qu'ils ne le sont plus tard. En d'autres
termes, l'article de la section centrale suppose que ces dépenses, qui sont
fixes par leur nature, sont invariables, dans le cours d'une année, quant à
leur quotité. C'est là un principe auquel les faits ne répondent pas.
Ainsi, je suppose que l'article soit appliqué
aux pensions ; j'envoie à la (page 869)
cour des comptes les états collectifs de tous les pensionnaires au 1er janvier
; à chaque payement à faire, j'aurai une nouvelle correspondance avec la cour
pour toutes les modifications qui peuvent être survenues. Ainsi, pour les
pensions qui se payent par trimestre, j'aurai ce travail quatre fois par an ;
mais pour les dépenses qui se payent par mois, j'aurais douze fois à
correspondre avec la cour, pour rectifier les états arrêtés au 1er janvier. Ces
dépenses sont bien fixes, en ce sens qu'elles doivent avoir lieu ; mais elles
sont variables, quant aux parties prenantes et quant à la quotité ; et ce sont
ces variations qui, loin de simplifier le travail, d'après le projet de la
section centrale, l'augmenteraient et l'embrouilleraient considérablement.
L'honorable
préopinant pense qu'il vaudrait mieux payer les traitements et abonnements par
trimestre. Ce serait là une espèce de révolution administrative, ce serait une
mesure qui viendrait troubler l'existence de presque tous les serviteurs de
l'Etat. Je n'hésite pas, à cet égard, à en appeler à l'expérience de toutes les
personnes qui ont eu l'occasion d'ordonnancer des traitements. Loin
d'encourager les habitudes d'économie, on livrerait les fonctionnaires
inférieurs, pendant le premier trimestre surtout, à des nécessités toujours
fâcheuses, on obérerait leur avenir, et ils ne pourraient plus recouvrer la
position qu'ils maintiennent souvent très difficilement au moyen du payement
régulier des douzièmes.
M. de Man
d’Attenrode, rapporteur. -
Messieurs, je trouve étrange que M. le ministre des finances qui entend
prévenir la confusion, qui veut tout simplifier, maintienne les payements
mensuels. Mais c'est précisément cela qui complique le travail. Qu'on paye
certains fonctionnaires trimestriellement, comme on paye tous les autres, on
abrégera beaucoup la besogne. M. le ministre nous dit que les modifications qui
surviennent dans la quotité des traitements rendent impossible le visa préalable,
mais de pareilles modifications ont eu lieu depuis 1830 ; cela n'a pas apporté
obstacle au visa mensuel. Je propose de ne payer que tous les trois mois, et au
dire de M. le ministre, c'est tout embrouiller ; mais, au contraire, je crois
tout simplifier par ce mode ; jusqu'à présent le visa préalable a été mensuel,
la section centrale propose de le rendre annuel, et nous voulons encore, au
dire de M. le ministre, compliquer le travail ! Je ne puis reconnaître aux
difficultés, aux embarras, qu'a signalés M. le ministre, une valeur sérieuse.
M. de Mérode. - Je voudrais que M. le ministre des finances
nous expliquât pourquoi il est nécessaire de payer aujourd'hui autrement qu'on
ne payait avant 1830. D'après ce que vient de dire l'honorable rapporteur, ce
changement a eu lieu par suite de notre situation politique. On conçoit que
dans ce moment les employés aient désiré être payés par mois ; j’ai appartenu
au gouvernement d'alors et je dois reconnaître que son existence était très
chanceuse ; il était assez naturel qu'on payât autrement que précédemment. A
cette objection, M. le ministre n'a rien répondu : je serais bien aise qu'il
donnât des explications, afin de savoir pour lequel des deux systèmes je dois
voter.
M. le ministre des finances (M.
Malou). -
Je crois avoir fait connaître autant qu'il est possible les motifs
péremptoires, selon moi, qui doivent faire maintenir le payement mensuel. Mon
expérience de ministre est très courte, mais je dois dire que le retard qu'a
éprouvé le vote du budget des finances a eu pour les employés inférieurs des
conséquences très fâcheuses. Cependant, ce retard n'a pas été de trois mois. Je
n’hésite pas à déclarer, d'après mon expérience de ministre des finances el des
autres fonctions administratives que j'ai remplies, que ce serait une
perturbation dans l'existence de presque tous les fonctionnaires inférieurs
qui, pour la plupart, sont peu et même trop peu payés. Tel est le véritable
motif qui empêcherait même de faire cette transition d'un régime à l'autre. En
supposant que la formation des états collectifs fût de nature à occasionner un
travail aussi considérable qu'on le prétend, le mode proposé par l'honorable
rapporteur de la section centrale présente de graves inconvénients, sans offrir
les avantages qu'on s'en promet, parce que chaque payement nécessiterait un
travail aussi considérable que la formation des états collectifs.
M. Osy. - Je préfère la proposition de la section
centrale en supprimant les mots « pour l'année entière ». La
différence qui en résultera, c'est que les états collectifs seront visés par la
cour des comptes, tandis que le gouvernement, par la disposition qu'il propose,
s'engage seulement à faire connaître les mandats collectif à la cour des
comptes. Je voudrais, moi, que les mandats eux-mêmes fussent visés. En effaçant
les mots « pour l'année entière, » le gouvernement a la faculté de
payer par trimestre ou par mois. Il n'y a aucune gêne à envoyer les mandats à
la cour pour recevoir son visa avant de les envoyer en province. L'engagement
de faire connaître les mandats à la cour serait rempli, si le gouvernement lui
donnait avis à la fin de l'année, tandis que, par le visa préalable, la cour
connaît la dépense du moment où l'on dispose sur la caisse.
Je propose donc de retrancher de la réfaction de
la section centrale les mots « pour l'année entière » ; et d'adopter
l'article ainsi modifié de cette manière, nous maintenons le vœu de la loi qui
prescrit le visa préalable.
M. le ministre des finances (M. Malou). - La suppression des mots : « pour
l'année entière », que propose l'honorable M. Osy, ne corrige rien ; elle
ôte toute signification à l'article. Je vais le démontrer., Il y a, comme on
l'a dit, plusieurs manières de faire sortir les fonds de la caisse de l'Etat.
Le premier a lieu moyennant le visa préalable ; quand la dépense est faite de
cette manière, l'état collectif est vise par la cour, chaque créancier est
désigné dans l'état et l'acquit est donné sur l'état par le créancier désigne.
Le second mode est celui que la section centrale propose comme le gouvernement,
pour les traitements, abonnements et pensions ; c'est le mode par forme de
crédit ouvert. Peut-on combiner le visa préalable avec les crédits ouverts ?
Non, parce que quand on ouvre un crédit pour une dépense à faire, c'est à
charge de justifier ultérieurement de l'emploi de ce crédit, sans que les
créanciers entre lesquels il doit être reparti, soient connus de la cour et
appelés à donner l'acquit sur la pièce qui lui a été transmise.
L'article
n'a plus de sens, ai-je dit, en supprimant les mots : « pour l'année
entière ». Si je ne transmets pas un état nominatif, je ne puis pas
demander qu’on m'ouvre un crédit, car je n'aurais aucune base pour l'asseoir.
Pour les dépenses fixes, l'article ne s'applique qu'à celles-là, on a toutes
les garanties dans le mode que j'ai indiqué, c'est-à-dire le mode de payement
par ouverture de crédit. Je crois avoir établi qu'il est impossible de combiner
le visa préalable, qui suppose le créancier certain connu, avec les
dispositions inhérentes au deuxième mode de sortie des fonds du trésor,
l'ouverture de crédits, sauf justification ultérieure.
Le troisième mode, qui se fait par forme
d'avance, est étranger à l'article en discussion.
M. de Garcia. - J'ai demandé la parole pour dire un seul mot
sur l'amendement de l'honorable M. de Man d'Attenrode qui voudrait que les traitements
qui, jusqu'à ce jour, se sont payés de mois en mois, fussent payés
trimestriellement. Une proposition semblable m'étonne d'autant plus que dans
nos séances antérieures plusieurs membres des plus influents de cette assemblée
se sont plaints que les créanciers de l'Etat dussent attendre trop longtemps
pour recevoir ce qui leur est dù. Si l'on admettait la proportion de
l'honorable membre, ce serait évidemment agir contrairement à toutes les
considérations judicieuses qui ont été produites dans nos précédentes
discussions. D'un autre côté, je dois dire que je ne comprends pas la
prétention de l'honorable M. de Man d'Attenrode qui dit que sa proposition a
pour objet de débrouiller la loi.
Débrouiller
la loi ; en quoi faisant ? En rejetant à trois mois le payement de traitements
et d'émoluments gagnés par les serviteurs de l'Etat. Une proposition semblable
n'est nullement justifiée par son auteur, et, en outre, elle est diamétralement
opposée au vœu manifesté dans cette assemblée, qui désire que le créancier de
l'Etat soit payé dans le plus bref délai possible. A ce propos qu'il me soit
permis de produire une observation. Je voudrais qu'on pût faire un changement
dans le payement des pensions qui ne se payent que par trimestre. Par suite de
ce mode de payement, le fonctionnaire pensionné se trouve privé souvent de la
partie du traitement qui lui était surtout nécessaire dans les derniers
instants de sa vie. Il y a plus,c'est que le trimestre de pension qui lui est
acquis n'est aujourd'hui soldé que lieux mois après l'échéance de ce trimestre.
Je désire que cet ordre de choses soit changé, je désire que le serviteur du
pays, qui a bien mérité, jouisse complétement de ce qui lui est dû et de tout
ce que la loi lui accorde.
M. le ministre des finances (M. Malou). - La jouissance des pensions a été réglée
d'une manière formelle ; quant au payement, toutes les fois que des plaintes se
sont élevées, nous avons pris des mesures pour hâter le payement. Les
pensionnaires sont payés par trimestre, en vertu d'une disposition expresse de
la loi du 21 juillet 1844. Cette loi a accordé une facilité nouvelle qui
occasionne beaucoup de besogne, le payement au chef-lieu d'arrondissement. La
loi a amélioré ainsi le sort des pensionnaires, en ce sens qu'ils perçoivent
leur pension à moins de frais.
- L’amendement proposé par M. de Man d'Attenrode
est mis aux voix. Il n'est pas adopte.
L'amendement de M. Osy est ensuite mis aux voix.
Il n'est pas adopté.
Il en est de même de l'amendement proposé par la
section centrale.
L'article proposé par le gouvernement, 19, qui
devient article 22, est mis aux voix et adopté.
Article 23
Article 23 de la section centrale auquel le
gouvernement se rallie :
« Art. 23. Tous payements ou restitutions à
faire en dehors des allocations pour les dépenses générales de l'Etat, ont lieu
sur les fonds spéciaux et particuliers institués pour les services qu'ils
concernent, jusqu'à concurrence des recouvrements effectués à leur profit ; les
recettes et les dépenses de cette catégorie sont renseignées par ordre dans les
budgets et dans les comptes ; elles se régularisent dans la comptabilité de la
trésorerie, sous le contrôle de la cour des comptes. »
- Adopté.
Chapitre III. - Règlement définitif du budget
Article 24
Article 24 de la section centrale auquel le
gouvernement se rallie :
« Art. 24. Le règlement définitif du budget
est l'objet d'une loi particulière. Cette loi est soumise aux chambres dans la
même forme et dans le même cadre que la loi du budget. »
- Adopté.
Article 25
Article 25 (22 du gouvernement) :
« Art. 22. Le tableau du budget clos, qui est
annexé au projet de loi sur le règlement de chaque exercice, fait connaître :
« Pour la recette.
« Les évaluations ;
« Les droits constatés sur les
contributions et revenus publics ;
« Les recouvrements effectués ;
« Et les produits restant à recouvrer.
« Pour la dépense.
« Les crédits ouverts par la loi ;
« Les droits acquis aux créanciers de
l'Etat ;
« Les pavements effectués ;
« Et les dépenses restant à payer. »
Article propose par la section centrale :
« Art. 25. Le tableau du budget clos, qui
est annexé au projet de loi sur le règlement de chaque exercice fait connaître
:
(page 870)
« Pour la recette,
« Les évaluations ;
« Les droits constatés sur les contributions
et revenus publics ;
« Les recouvrements effectués ;
« Et les produits restant à recouvrer.
« Des développements applicables à
l'exercice expiré et formant une partie spéciale du compte de l'administration
des finances, font connaître sur chaque branche de service, les valeurs,
matières ou quantités, qui ont été soumises à l'application des tarifs, et qui
ont déterminé le montant des droits perçus par le trésor public.
« Pour la dépense.
« Les
crédits ouverts par la loi ;
« Les droits acquis aux créanciers de
l'Etat ;
« Les payements effectués ;
« Et les dépenses restant à payer. »
Le gouvernement ne se rallie pas à cet
amendement.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Le paragraphe de développement ajouté par la
section centrale, jurait pour le trésor public, d'après les renseignements que
j'ai pris, cette conséquence que son exécution coûterait réellement une somme
d'environ 50 mille fr. Il faudrait, en effet, pour exécuter cette disposition, rédiger
chaque année une statistique financière comprenant les moindres détails. Ainsi,
par exemple, il faudrait, pour l'enregistrement, renseigner l'origine et le
nombre des actes, les droits perçus et ceux qui ne seraient pas perçus. Il en
serait de même pour tous les impôts. Il faudrait que des 112 millions du budget
des voies et moyens, pas un centime ne fût omis, que sa nature et son origine
fussent renseignées.
Après m'être fait rendre compte de la
possibilité d'appliquer cet article en Belgique, je me suis demandé s'il était
assez utile pour que la chambre voulût prendre en principe l'engagement de
voter pour le ministère des finances 50,000 fr. par an. Cette nécessité ne m'a
pas paru bien démontrée.
L'article
primitif indique les éléments qui devront être joints au projet de budget ; ces
éléments pourront recevoir quelques développements. Le gouvernement pourra y
joindre des indications beaucoup plus complètes que celles qu'il a annexées
jusqu'à présent au budget des recettes. Ces éléments qui peuvent recevoir plus
d'extension par la suite, à mesure que les moyens d'action, c'est-à-dire les
fonds du budget seront augmentés, ont suffi jusqu'à présent à la chambre.
Je pense donc qu'il n'y a pas de motifs
suffisants pour créer une pareille dépense.
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Je n'ai pas supputé les dépenses
qu'occasionnera au trésor l'amendement de la section centrale. Je pense que les
renseignements statistiques qu'il s'agit d'obtenir exigeront un travail considérable
au ministère des finances, et que c'est pour ne pas en être chargés que les
employés du ministère ont grossi le chiffre de la dépense.
Cet amendement est la reproduction d'un article
du règlement français, dont l'exécution amène tous les ans, en France, la
rédaction d'une statistique des plus instructives.
Je possède ce travail qui est considérable, j'en
conviens, et qui est du plus haut intérêt. En l'examinant, j'ai remarqué qu'un
tel travail nous serait d'une très grande utilité, d'abord en ce qu'il nous
permettrait des études sur les bases de l'impôt.
Lors de la discussion du budget des voies et
moyens, l'honorable M. Verhaegen s'est plaint de ce que le travail de la
section centrale ne renfermait pas d'appréciations concernant la base de nos
impôts. J'ai fait remarquer alors que des documents statistiques analogues à
ceux qui sont publiés à l'étranger nous étaient indispensables pour étudier
cette grave question. C'est faute de ces renseignements qui permettent de
contrôler les recouvrements de la trésorerie, que souvent le gouvernement n'a
pas exigé des créanciers de l'Etat tout ce qu'il aurait dû exiger. C'est ainsi
qu'à l'origine de la fameuse affaire de la forêt de Chiny, si nous avions été
saisis de documents semblables, nous aurions su qu'il était dû à l'Etat une
somme qui n'avait pas été perçue en temps convenable ; ces développements nous
auraient mis à même de demander au gouvernement des renseignements en temps
opportun ; nous aurions ainsi évité à l'Etat une perte que je n'exagère pas en
l'évaluant à 500,000 fr.
L'Etat a fait bien d'autres pertes, à cause du
manque de moyens de contrôler les recettes du trésor, que je pourrais citer, si
je ne craignais d'abuser des moments de la chambre.
C'est
donc le moyen d'exercer un contrôle sur le point de savoir si le gouvernement
fait rentrer tout ce qui est dû au pays, que je réclame. Sans l'état qu'exige
le paragraphe proposé par la section centrale, vous ne pouvez le savoir.
Quand il s'agit de la discussion du budget des
voies et moyens, on est obligé d'envoyer au gouvernement, de demander des
renseignements qui arrivent trop tard, et l'on est obligé de voter sans
renseignements suffisants ; car la discussion arrive avant qu'on ait obtenu les
renseignements.
Dans le but de faire comprendre à la chambre
l'utilité de ce travail, j'ai fait dresser un tableau relatif à l'impôt des
patentes ; il figure dans les annexes. Plusieurs de mes honorables collègues
ont trouvé ce tableau fort utile. Si vous tenez à être pourvus de
renseignements de cette nature sur toutes les branches de l'impôt, il faut
adopter l'article proposé par la section centrale.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, j'ai voulu rendre la chambre
attentive aux conséquences de cette disposition. Je ne pense pas qu'on puisse
alléguer comme motif sérieux d'adopter la disposition que son exécution
assurerait la perception de tout ce qui est dû à l'Etat et rendrait tout abus
impossible.
Je remercie l'honorable préopinant d'avoir cité
le tableau relatif aux patentes. Ce tableau a été demandé au ministère des
finances.. J'ai été obligé de le donner pour 1841 ; depuis cette époque, on
avait renoncé à le dresser, parce que, pour ce tableau seul, il fallait, avec
les moyens dont dispose le gouvernement, un espace de trois mois. J'ai même, si
mes souvenirs sont fidèles, fait connaître à la section centrale qu'il
faudrait, pour donner ce tableau à une date plus récente, trois mois de
travail, et ce au détriment des autres travaux du ministère.
Je ne conteste nullement l'utilité d'une
statistique financière bien faite. Mais cette question mérite un examen
spécial. Déjà l'on s'est occupé d'une statistique financière embrassant une
longue période, et présentant des faits plus généraux que n'en présenterait
l'exécution de la proposition de la section centrale.
J'ai
examiné les premiers résultats de ce travail ; il est très considérable. Si
l'amendement était adopté, je devrais demander pour le personnel une
augmentation de 50,000 fr. La chambre appréciera si l'utilité de ce travail
serait assez grande pour autoriser cette dépense. Mais elle comprendra que je
ne pouvais passer sous silence les conséquences de cette disposition ; quand je
serais venu vous demander ces 50,000 fr., la chambre m'aurait reproché, avec raison,
de ne pas lui avoir fait apercevoir les conséquences de son vote.
L'honorable rapporteur suppose que, dans
l'affaire de la forêt de Chiny, une somme considérable serait perdue. Cette
affaire est déférée aux tribunaux. Tant qu'elle n'est pas terminée, l'honorable
membre ne peut dire quels en seront les résultats pour l'Etat.
M. de La Coste. - Lorsque M. le ministre des finances déclare
que la disposition entraînerait pour l'Etat une dépense annuelle de 50,000 fr.,
j'avoue que je ne suis pas disposé à voter cette charge implicitement.
Cependant j'insiste pour que M. le ministre des finances s'occupe, sinon tous
les ans, au moins une bonne fois, d'une statistique financière. Puisque nous
dépensons beaucoup d'argent pour avoir de la statistique sur tous les sujets
donnés, c'est bien le moins que nous en ayons sur notre ménage financier.
Dans beaucoup de questions importantes, cette
statistique nous serait fort utile. Moi-même, j'en éprouve vivement le besoin
pour l'étude de la question des octrois, que je voudrais pouvoir discuter d'une
manière approfondie, lorsque l'occasion s'en présentera.
M. le ministre des finances (M.
Malou). -
Sans doute une statistique financière serait fort utile, mais il pourrait
suffire de la faire par périodes de 5 ou 10 ans. Elle présenterait ainsi des
données plus générales que la statistique demandée par la section centrale.
Déjà l'on s'occupe de ce travail, je n'ai pu jusqu'ici le terminer. Si je
l'avais terminé, je n'aurais pu le publier parce qu'il m'aurait fallu demander
un crédit pour couvrir les frais d'impression.
M. Veydt. - Messieurs, j'appuie la proposition de la section
centrale, je suis tout disposé à la remercier de l'avoir faite, en supposant
même qu'il en résulte un surcroît de dépense.
Nous
recevons, tous les ans, un grand nombre de documents statistiques très
importants, très intéressants, je le veux bien, mais dont aucun n'a rapport à
l'impôt public. Il importe cependant de connaître la nature et l'importance de
l'impôt dans ses détails et ses spécialités. Jusqu'à présent, nous ne
connaissons que les recettes en bloc. Pour l'impression du document relatif aux
octrois communaux, il a été fait une dépense considérable. On pourrait en faire
autant, à plus forte raison, pour nous fournir les renseignements demandés par
la section centrale.
Je pense que quand la disposition sera adoptée,
quand le service sera organisé de manière à donner des renseignements
statistiques, et que la dépense sera faite une première fois, elle ne s'élèvera
pas tous les ans à la somme considérable que vient d'indiquer M. le ministre.
Il y a, je pense, dans toutes les
administrations des employés qui pourraient donner annuellement les renseignements
dont il s'agit. Je demande en conséquence que la chambre adopte le paragraphe
proposé par la section centrale.
M. le ministre des finances (M.
Malou). -
Il me vient à la mémoire un autre fait qui permettra d'apprécier ce que coûtent
les statistiques financières. On publie chaque année la statistique des
douanes. La dépense portée de ce chef au budget des finances s'élève chaque
année à 22,500 fr. S'il fallait pour tous nos impôts à base multiple, perçus
par petites sommes dans tout le royaume, une statistique analogue, je crois
même avoir dit trop peu en disant qu'il ne faudrait dépenser que 50,000 fr.
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - L'honorable ministre des finances vient de
dire que la statistique commerciale coûte par an 22,500 francs. Ceci vient à l'appui de ce que je
veux dire.
Nous ne faisons pas mal de statistique, et je
crois que nous en faisons beaucoup d'une utilité douteuse. Nous en faisons
cependant de très utile et parmi celles-là je range la statistique commerciale.
Eh bien ! la statistique commerciale se rattache au document que nous
demandons. Je possède, messieurs, le document français, et tout ce qui concerne
le commerce, tout ce qui concerne la douane y est compris. M. le ministre des
finances cherche à nous faire apprécier ce document ; mais je suis persuade
qu'il ne l'a jamais vu. Je me suis procure a Paris celui de l'année dernière et
je l'ai parcouru : c'est la statistique la plus intéressante, la plus
instructive que l'on puisse voir.
On fait de la statistique pour savoir ce qu'il
tombe d'eau par année et (page 871)
pour d'autres choses assez insignifiantes. Faites de la statistique utile, de
la statistique financière, cela vaut mieux.
La
statistique commerciale coule 22,000 francs. Si le chiffre de 50,000 fr. dont
on nous a parlé, n'est pas exagéré, et je suis persuadé qu'on l'a exagéré pour
engager la chambre à rejeter l'article en discussion, il resterait 28,000 fr. à
voter en plus chaque année.
Messieurs, je crains que l'amendement de la
section centrale ne soit pas adopté. Nous n'avons pas été très heureux
aujourd'hui en fait d'amendements. Je proposerai donc que cette statistique ne
soit imprimée que tous les trois ans, dès lors le chiffre de la dépense ne sera
plus aussi considérable.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Si je comprends bien cette proposition, elle
tendrait à décréter dans la loi de comptabilité, à l'article 25, qui concerne
le tableau de chaque budget clos, que l'on ferait tous les trois ans une
statistique financière.
Je demanderai à l'honorable membre, de bien
vouloir différer sa proposition jusqu'à l'examen du prochain budget des
finances, parce que telle qu'elle est formulée, elle ne peut trouver place dans
la loi de comptabilité et surtout à l'article 25.
II n'est jamais entré dans ma pensée, messieurs,
et j'espère que la chambre ne se sera pas méprise à cet égard, de contester
l'utilité d'une statistique financière. Je renouvelle la déclaration que je me
suis déjà occupé de réunir pour toute la période qui s'est écoulée depuis 1830,
les éléments d'une statistique financière générale qui permettra d'avoir un
ensemble des principaux faits financiers. Mais ce travail est immense, et j'ai
hésité, dans les circonstances actuelles, devant la dépense que nécessite la
publication seule de ce document.
Je voudrais, messieurs, qu'il fût possible,
moyennant une somme additionnelle de 22,000 fr., même en maintenant le crédit
affecté à la statistique commerciale, de satisfaire aux prescriptions contenues
dans ce petit paragraphe de la section centrale. Mais je le répète, la
statistique des douanes ne porte que sur un seul de nos impôts, et nous avons
des impôts nombreux, dont le compte-rendu exigerait des développements beaucoup
plus grands que ceux que nous donnons annuellement à notre statistique
commerciale.
Je
demande, d'après la proposition même qui est faite par l'honorable rapporteur,
que cette question ne soit pas tranchée en principe à l'occasion de la loi de
comptabilité. Lors du prochain vote du budget, j'examinerai s'il y a lieu de
proposer un crédit pour imprimer les documents déjà recueillis et pour les
compléter. On pourra aussi examiner s'il faut poser en principe que ces
documents seront publiés avec certains développements, par périodes plus ou
moins longues. En ce qui me concerne, je vote toujours avec beaucoup de plaisir
les dépenses qui ont pour objet la publication de renseignements statistiques.
Le travail statistique qui, il faut le dire, est à peine commencé dans
l'Europe, peut présenter, lorsqu'il sera complet, lorsque les faits pourront
être généralisés, systématisés, un intérêt qu'il ne présente pas aujourd'hui.
C'est à ce point de vue qu'il faut se placer pour apprécier l'utilité de
certaines publications qui, considérées isolément et en elles-mêmes, n'offrent
pas, je l’avoue, un grand intérêt.
M. de Man d’Attenrode. - Je retire ma proposition quant une
statistique financière, et je maintiens l'article tel qu'il a été proposé par
la section centrale.
M. de Theux. - Messieurs, je crois inutile d'inscrire dans
la loi l'obligation qui résulte du paragraphe proposé par la section centrale. Je
pense qu'il y a un moyen très simple d'obtenir de M. le ministre des finances
tous les renseignements que nous désirons et dans les limites que nous voulons
: ce sera de porter au budget un crédit annuel pour former cette statistique ;
car je crois que la principale objection de la part de M. le ministre des
finances, c'est l'absence d'un crédit.
Le gouvernement n'a aucun motif pour refuser ces
renseignements à la chambre qui, d'ailleurs, a toujours le droit de les
réclamer.
Je
pense que, lorsque M. le ministre des finances nous aura fourni la première
statistique sur les exercices déjà expirés, nous serons mieux à même
d'apprécier l'utilité de ce document, les lacunes qu'il pourrait présenter, les
améliorations qu'il y aurait à y apporter et la dépense qu'il nécessitera. Mais
la discussion annuelle des budgets nous fournit une occasion sûre d'arriver au
but que nous désirons atteindre.
M. Rogier. - Je crois, messieurs, qu'il faut s'entendre sur la
portée de l'article en discussion. Il ne faut pas l'étendre au-delà de ses
limites naturelles, mais il ne faut pas non plus tellement le restreindre qu'il
ne signifierait plus rien.
Il s'agit ici de la justification des recettes opérées
par le trésor. Le projet du gouvernement porte que pour le règlement de chaque
exercice, le tableau du budget clos fera connaître :
Les évaluations ;
Les droits constatés sur les contributions et
revenus publics ;
Les recouvrements effectués ;
Les produits restant à recouvrer.
Entend-on par-là que ces renseignements seront
fournis d'une manière globale ? Se contentera-t-on de placer, à côté de chacun
de ces intitulés, un chiffre et croit-on que l'on aura ainsi suffisamment rendu
compte de la situation financière de l'Etat ? Quant à moi, je ne le pense pas.
Je pense que si le gouvernement veut faire un travail utile et conforme aux
véritables intentions de la loi, il devra accompagner chaque chiffre d'un
tableau détaillé, et je crois que la publication de ces tableaux n'entraînera
pas. une dépense de 50,000 fr.
Aujourd'hui nous sommes réduits, dans la
discussion du budget des voies et moyens, à quelques renseignements tout à fait
insuffisants. Le budget des voies et moyens devrait être le budget le plus
approfondi par la chambre, puisqu'on définitive c'est là que viennent se placer
toutes les questions d'impôts, celles qui intéressent particulièrement la
fortune publique. C'est sur ces points que l'on devrait jeter les lumières à
pleines mains. On ne devrait jamais craindre d'en donner trop à la chambre, et
au pays. Je regrette, messieurs, que M. le ministre des finances vienne mettre
en avant des questions d'économie, lorsqu'il s'agit de renseignements qui
peuvent éclairer les chambres sur la question financière, sur la nature des
impôts, sur leur quotité, sur leur produit.
Je demande à M. le ministre comment il entend
exécuter les prescriptions de l'article en discussion ; s'il croit que les
prescriptions de la loi seront exécutées alors qu'il aura fourni quelques
détails insignifiants, quelques tableaux insignifiants, ou s'il ne pense pas
que pour exécuter la loi dans son esprit, il faudra que ces tableaux aient de
grands développements. Je crois, quant à moi, qu'il ne faut pas se borner à
quelques maigres renseignements qui n'éclairciraient pas du tout la situation.
Ainsi, messieurs, je pense qu'interprétée avec
mesure, sans lui donner une portée exagérée qui n'est pas entrée dans les vues
de ses auteurs, la disposition de la section centrale, qui n'est d'ailleurs
qu'une disposition empruntée au règlement français, pourrait être exécutée en
Belgique comme elle se trouve exécutée en France.
Je pense que la dépense pour la Belgique devrait
être calculée sur les bases de la dépense française. Or les renseignements
français, portant sur un budget dix fois plus élevé que le nôtre, devraient
s'élever au décuple de la dépense que nous a indiquée M. le ministre. Je ne
crois cependant pas que la publication des renseignements fournis par le
gouvernement français à l'appui du budget, donne lieu à une dépense de dix fois
50 mille frs. chaque année. L'honorable M. de Man nous dit qu'il est porteur
d'un document contenant ces renseignements. Je ne sais si ce document est si
extraordinaire ; mais ce que je sais, c'est qu'on trouve à la bibliothèque de
la chambre, le compte-rendu présenté chaque année par le ministre français, sur
l'état des finances. Ce compte-rendu est très détaillé, et jette les plus
grandes lumières sur la situation financière de la France. Il est en quelque
sorte honteux pour la Belgique, d'avoir ces renseignements en ce qui concerne
la France, et peut-être l'Angleterre, et de ne pas les avoir pour elle-même.
Il faut, messieurs, jeter la lumière dans toutes
ces questions d'impôt. Cela importe à la fortune publique ; cela importe aussi
à nos discussions parlementaires.
On nous fournit, messieurs, on nous inonde,
c'est le mot, de publications, d'une utilité beaucoup plus contestable. Il y a
souvent même de doubles emplois dans la statistique. Chaque ministère, pendant
un certain temps, a publié des statistiques qui faisaient double emploi. Je
crois qu'aujourd'hui on a porté remède jusqu'à un certain point à cet état de
choses. Eh bien, je ne connais pas de statistique qui contribuerait à nous
instruire davantage dans des matières où nous ne voyons pas clair, qu'une bonne
statistique financière.
Du
reste je ne demande pas qu'on se livre à des dépenses exagérées ; mais je
demande que M. le ministre des finances prenne l'engagement de publier à
l'avenir, avec chacun de ses budgets, des renseignements plus complets, sur
l'origine de tous nos impôts, sur la nature de ces impôts, sur le mode de
recouvrement, sur la quotité produite par province, par arrondissement et par
localité. Ce sont là les renseignements qui figurent dans la statistique
française jointe chaque année à l'appui des budgets ou à l'appui des comptes.
Voilà, je pense, ce que la section centrale a
voulu, et j'espère aussi que c'est ce que M. le ministre des finances voudra.
Lui-même doit être partisan des bonnes statistiques. Il a plusieurs raisons
pour cela. Il en a lui-même publié d'excellentes, et je suis convaincu qu'avec
l'esprit qui le distingue, et avec l'esprit d'économie qui, j'espère, le
distingue aussi, M. le ministre des finances parviendrait à fournir à la
chambre des renseignements très instructifs, de nature à lui faire honneur et
souvent à jeter la lumière dans des discussions où la chambre ne voit pas
clair.
M. Desmet. - Messieurs, on doit reconnaître que les
raisons données par M. le ministre des finances sont fort adroites ; mais ce
n'est qu'un argument qui ne doit exercer aucune influence sur vos esprits.
Par la rédaction que propose la section centrale
on demande non pas une statistique, mais des pièces justificatives.
Le fait est qu'on ne nous présente que des
sommes globales, tandis que, d'après la disposition, le gouvernement devrait
nous soumettre des comptes réguliers et détaillés qu'il fût possible
d'examiner. On demande que les comptes soient accompagnés de pièces
justificatives, voilà le but de la proposition. Je ne pense donc pas que l'on
puisse admettre l'observation de l'honorable M. de Theux, d'après lequel il
s'agirait d'un travail exigeant une dépense considérable. On ne demande pas un
travail très étendu, on ne demande, je le répète, que des pièces
justificatives.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, ce n'est pas un moyen adroit que
j'ai voulu employer ; j'ai cru qu'il était de mon devoir et en même temps de
mon intérêt, de signaler à la chambre les conséquences de l'article ; de mon
devoir, parce que la chambre, à son insu, pourrait voter une dépense
considérable ; de mon intérêt, parce que si, lors du vote des budgets, j'étais
venu demander le crédit nécessaire pour l'exécution de cette disposition, la
chambre aurait pu me reprocher de ne pas lui avoir fait connaître quelle serait
la dépense à résulter du vote de l'article dont nous nous occupons en ce
moment, et ne point accorder le crédit.
J'aime beaucoup les bonnes statistiques,
messieurs ; je voudrais qu’il fût possible d'avoir chaque année une statistique
financière parfaitement faite, sans qu'il en résultât une grande dépense. Mais
après avoir pris tous les renseignements, après avoir consulté les faits, je
crois devoir déclarer que (page 872)
l'évaluation de la dépense que j'ai donnée à la chambre est plutôt au-dessous
qu'au-dessus de la réalité. La chambre appréciera s'il y a des motifs
suffisants pour voter dès à présent le principe de cette dépense annuelle et
s'il ne suffirait pas, lors du vote du budget, d'accorder au gouvernement les
crédits nécessaires pour faire une bonne statistique quinquennale, par exemple.
Le gouvernement s'empressera toujours comme il s'est toujours empressé de donner
à la chambre les renseignements les plus développés, mais ces renseignements
sont subordonnés au vote de crédits assez considérables ; sans de semblables
crédits il est impossible de faire de bonnes statistiques et je pense bien
qu'on n'en veut que de bonnes ; il faut non seulement constater des faits très
nombreux, très détaillés, mais il faut encore organiser un contrôle sans lequel
il n'est aucune statistique en laquelle on puisse avoir confiance.
- Les différentes parties de l'article proposé
par la section centrale sont successivement mises aux voix et adoptées.
Article 26
« Art 26. Les ordonnances que les comptes
renseignent comme restant à payer à l'époque de la clôture d'un exercice, et
dont le payement a été autorisé par des crédits régulièrement ouverts, seront
acquittées et portées en dépense au compte de la trésorerie, au moment où ces
payements auront lieu, jusqu'à l'expiration du terme de déchéance. »
- Adopté.
Article 27
« Art. 27. Les sommes réalisées sur les ressources
de l'exercice clos, sont portées en recette au compte de l'année pendant
laquelle les recouvrements seront effectués. »
- Adopté.
Article 28
« Art. 28. Les ordonnances de payement liquidées
sur l'exercice, et dont le payement n'a pas été réclamé dans le cours légal du
budget, ne sont pas sujettes à renouvellement ; le payement peut en être fait
pendant cinq ans, à compter du 1er janvier de l'année qui donne son nom à
l'exercice. »
- Adopté.
Article 29
« Art. 29. Lorsque, à la clôture d'un exercice,
certaines allocations du budget sont grevées de droits en faveur de créanciers
de l'Etat, pour travaux adjugés et en cours d'exécution, la partie d'allocation
encore nécessaire pour solder la créance est transférée à l'exercice suivant,
après décompte vérifié préalablement par la cour des comptes. »
- Adopté.
« Art. 30. Les fonds restés disponibles à la
clôture d'un exercice sur les allocations spéciales affectées à des services
étrangers aux dépenses générales de l'Etat, sur les consignations, fonds de
tiers, de non-valeurs sur les contributions directes, sur les fonds provenant
des subsides alloués par les provinces, les communes et les particuliers pour
constructions de routes, sont reportés à l'exercice suivant, et ils conservent
l'affectation qui leur a été donnée par le budget. »
Le gouvernement a proposé la rédaction suivante.
« Les fonds restés disponibles, à la clôture
d'un exercice, sur les allocations spéciales affectées à des services étrangers
aux dépenses générales de l'Etat, sont reportés à l'exercice suivant, et ils y
conservent l'affectation qui leur a été donnée par le budget. »
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, j'ai à donner une explication
fort simple. Je me rallie à la proposition de la section centrale en ce qui
concerne le retranchement des mots : « par les lois de règlement »,
qui se trouvaient dans l'article primitif ; mais je pense qu'il vaut mieux ne
pas faire d'énumération dans la disposition, parce que cette énumération peut
être exacte aujourd'hui et ne plus l'être demain. Je crois qu'il suffit de dire
qu'il s'agit uniquement des allocations affectées à des services étrangers aux
dépenses générales de l'Etat.
- L'article 30 est mis aux voix et adopté avec
la rédaction proposée par M. le ministre des finances.
Article 31
« Art. 31. Les reports mentionnés dans les
articles qui précèdent sont l'objet de dispositions spéciales dans la loi de
règlement des comptes, et l'emploi des fonds par les ministres respectifs peut
avoir lieu dès l'ouverture de l'exercice, en observant les règles établies par
la loi. »
- Adopté.
« Art. 32. La présentation du projet de loi
spécial pour le règlement définitif du budget du dernier exercice clos a lieu à
l'ouverture de la session ordinaire des chambres.
« La cour des comptes soumet à la même époque,
avec ses observations, le compte général de l’Etat du même exercice et les
documents à l'appui. »
- Le gouvernement propose de dire : « dans le
mois qui suit l'ouverture de la session, etc. »
M. le ministre des finances
(M. Malou). -
Messieurs, pour éviter toute espèce de doute sur le point de savoir quel est le
budget qui doit être soumis à la chambre à l'époque fixée par cet article, je
crois qu'il conviendrait d'ajouter les mots « et arrêté après exercice
clos », de dire « clos et arrêté ». De cette manière il serait
clair qu'il s'agit du budget qui a passé par toutes les formalités déterminées
dans la loi.
Je me rallie à la proposition qui concerne le
délai dans lequel la cour des comptes doit fournir ses observations à la
chambre, mais il me paraît que l'on ne peut supprimer tout délai pour la
présentation de ces documents. On invoque souvent l'expérience de la France, on
a senti la nécessité d'accorder au gouvernement un délai. Comment d'ailleurs
l'article serait-il exécutable si la présentation du projet de loi spécial
devait avoir lieu à l'ouverture des chambres ? Souvent il arrive, d'après le
jeu même de nos institutions, que la chambre n'est constituée que plusieurs
jours après l'ouverture de la session. Un délai quelconque est donc nécessaire
par la forme même des choses. Du reste, le gouvernement n'attendra pas
l'expiration du délai que nous demandons ; il présentera les documents dont il
s'agit aussitôt que la chambre sera constituée et qu'il lui sera possible de
les présenter.
M. Delfosse. - Messieurs, la disposition qui va vous
occuper est très-importante, et la chambre doit être fatiguée. Je demanderai
donc qu'elle veuille bien renvoyer l'examen de cette disposition à demain.
Je présenterai dès à présent un amendement ;
afin que messieurs les membres de la chambre aient le temps de l'examiner. Cet
amendement est ainsi conçu :
« La présentation du projet de loi spécial pour
le règlement définitif du budget de l'exercice clos le 31 octobre, a lieu dans
les deux premiers mois de l'année suivante. »
Plusieurs membres. - A demain.
D’autres membres. - Non, non, continuons.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je me verrai probablement dans la nécessité
de demander la question préalable sur l'amendement de l'honorable M. Delfosse
qui n'est que la reproduction d'un amendement rejeté au commencement de cette
discussion.
J'ai voulu, par l'amendement que j'ai indiqué
tout à l'heure et par un autre amendement que je proposerai, en ce qui concerne
l'article 44. faire droit, du moins en partie, aux observations de l'honorable
M. Delfosse. Ainsi, pour lever le doute que lui paraissait soulever l'article
32, je propose d'ajouter les mots : « clos et arrêtés. »
Pour que la chambre puisse toujours avoir
connaissance de la situation du trésor, au moment où elle vote le budget, je
proposerai d'insérer dans l'article 44 du projet de la section centrale,
l'obligation pour le gouvernement de communiquer à la fois aux chambres et à la
cour des comptes le compte général des finances. Je pense qu'au moyen de ces
deux amendements, il sera fait droit aux observations que l'honorable M.
Delfosse a faites au début de la discussion.
Je ne crois pas pouvoir examiner dès à présent
la question préalable ; il est juste que l'honorable membre développe d'abord
sa proposition.
Des membres. - A demain !
M. de Mérode. - Si l'on veut ajourner cet article à demain, soit ;
mais rien n'empêche qu'on ne passe aux articles suivants de la loi. J'en fais
la proposition.
PROJET DE LOI AUTORISANT LE GOUVERNEMENT A CONCEDER
LE CHEMIN DE FER DU LUXEMBOURG
M. le ministre des travaux publics (M.
d’Hoffschmidt)
dépose un projet de loi, ayant pour objet d'autoriser le gouvernement à accorder
la concession du chemin de fer du Luxembourg.
M. le président. - Ce projet de loi, ainsi que l'exposé des motifs,
sera imprimé et distribué. Comment la chambre entend-elle l'examiner ?
Des membres. - En sections !
D’autres membres. - Par une commission !
- La chambre consultée renvoie le projet de loi
à l'examen des sections.
Discussion des articles
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, je ne m'oppose pas à ce que
l'article 32 soit tenu en suspens, mais je demande avec l'honorable M, de
Mérode, que l'on passe aux articles suivants.
- La chambre consultée, ajourne à demain la
discussion de l'article 32, et passe aux articles suivants.
Chapitre IV. - Déchéance des créances à charge de
l’Etat, prescriptions légales et oppositions
Article 33
« Art. 33. Sont prescrites et définitivement
éteintes au profit de l'Etat, sans préjudice des déchéances prononcées par les lois
antérieures, ou consenties par des marchés ou conventions, toutes créances qui
n'auraient pas été liquidées, ordonnancées et payées, dans un délai de cinq
ans, à partir de l'ouverture de l’exercice. »
- Adopté.
Article 34
« Art. 34. Les dispositions de l'article
précédent ne sont pas applicables aux créances dont l'ordonnancement et le
payement n'ont pu être effectués dans les délais déterminés par le fait de
l'administration ou par suite d'instances entamées devant l'autorité
judiciaire.
« Tout créancier a le droit de se taire délivrer
par le ministre compétent un bulletin énonçant la date de sa demande, et les
pièces produites à l'appui.»
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je me rallie à cet article.
- L'article est adopté.
Article 35
« Art. 35. Toute ordonnance dont le payement n'a
pas été réclamé dans le délai de cinq ans, à compter du 1er janvier de l'année
qui donne son nom à l’exercice, est prescrite au profit du trésor.
« Cette prescription n'atteint pas les ordonnances
de payement qui seraient frappées de saisies-arrêts ou d'opposition. »
- Adopté.
Article 36
« Art. 36. A l'expiration de la cinquième année,
le montant des ordonnances de payement frappées de saisies-arrêts, est versé à
la caisse des dépôts et consignations, à la conservation des droits de qui il
appartiendra. Ce versement libère entièrement le trésor public.
« Les consignations de cette nature ne font
courir aucun intérêt en faveur des parties intéressées. »
- Le gouvernement propose d'ajouter les mots :
« ou d'oppositions », après de ceux-ci : « de
saisies-arrêts ».
- L'article ainsi modifié est adopté.
« Art. 37 (nouveau). - Le montant des
cautionnements, dont le remboursement n'a pas été effectué, faute de
productions ou de justifications suffisantes, dans le délai d'un an à compter
de la cessation des fonctions du titulaire, sera versé en capital et intérêts à
la caisse des dépôts et consignations à la conservation des droits de qui il
appartiendra ; ce versement libère entièrement le trésor public. »
Le gouvernement propose de transférer cet
article à la fin du chapitre, et de le rédiger ainsi qu'il suit :
(page 873)
« Les cautionnements dont le remboursement n'a pas été effectué, faute de
productions ou de justifications suffisantes, dans le délai d'une année à
compter de la cessation des fonctions des titulaires, ne portent plus
d'intérêts. »
M. le ministre des finances (M.
Malou). -
Messieurs, cet article, à la place que lui a assignée la section centrale, me
paraît rompre la série naturelle des idées. En second lieu, il ne serait pas
susceptible d'exécution, si la chambre adoptait le projet dont elle est saisie,
en ce qui concerne l'organisation d'une caisse d'amortissement. Il serait impossible
de verser dans cette caisse les fonds qui doivent y entrer.
J'adopte l'article en principe ; il n'a d'autre
signification, si ce n'est que le montant des cautionnements cessera de porter
intérêt ; c'est en ces termes que j'ai proposé de rédiger l'article dont la
place naturelle est à la fin du chapitre.
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Messieurs, je ne m'oppose pas à ce que
l'article 37 soit transféré à la fin du chapitre. En proposant cet article, la
section centrale a voulu faire cesser un véritable abus : il est des personnes
qui ont été comptables, qui ne se font pas rembourser de leurs cautionnements
et qui trouvent commode à continuer à en percevoir les intérêts. Il en est même
qui vendent leurs titres ou même parties de titres. La caisse des
cautionnements devient une véritable banque.
La nouvelle rédaction, proposée par M. le
ministre des finances, devant produire le résultat que la section centrale a eu
en vue, je ne vois pas d'inconvénient à m'y rallier ; quand il sera dit dans la
loi que les anciens comptables ne toucheront plus d'intérêts, au bout d'un an
après la cessation de leurs fonctions, ils retireront leur cautionnement.
- La chambre adopte la nouvelle rédaction de M.
le ministre des finances. Elle décide ensuite que cet article sera transféré à
la fin du chapitre.
Article 38
« Art. 38 (devenu l'art. 37.) Sont
définitivement acquises à l'Etat les sommes versées aux caisses des agents des
administrations des postes et du chemin de fer de l'Etat pour être remises à
destination, et dont le remboursement n'a pas été réclamé par les ayants droit,
dans un délai de cinq années, à partir du jour du versement des valeurs. »
- Le gouvernement propose de supprimer dans cet
article les mots « des administrations ».
L'article ainsi modifié est mis aux voix et
adopté.
Article 39
« Art. 39 (devenu l'art. 38). Les
saisies-arrêts, oppositions, significations de cessions et délégations, sur des
sommes et ordonnances de payement dues par l'Etat, n'ont d'effet que pendant
cinq ans, à compter de leur date, quels que soient d'ailleurs les traités,
actes de procédure ou jugements intervenus sur lesdites oppositions ou
significations, à moins qu'ils n’aient été régulièrement notifiés à
l'administration.
« Elles sont rayées d'office des registres
dans lesquels elles auraient été inscrites, et ne sont pas comprises dans les
certificats prescrits par l'article 14 de la loi du 19 février 1792, et par les
articles 7 et 8 du décret du 18 août 1807. »
- Adopté.
Article 40
« Art. 40 (devenu l'art. 39). Les
saisies-arrêts, oppositions et significations de cessions ou transports, et
toutes autres ayant pour objet d'arrêter le payement de sommes dues par l'Etat,
qui auraient plus de cinq ans de date au jour de la publication de la présente
loi, devront être renouvelées dans le délai d'un an, faute de quoi elles seront
périmées, et par suite rayées des registres dans lesquels elles auront été
inscrites. »
- Adopté.
Article 41
« Art. 41. Toutes saisies-arrêts ou oppositions
sur des sommes dues par l'Etat, toutes significations de cessions ou transport
desdites sommes, et toutes autres notifications ayant pour objet d'en arrêter
le payement, doivent, à peine de nullité, être faites entre les mains du chef
du département ministériel que la dépense concerne, ou de son délégué en
province, et en cas d'urgence en mains de l'agent du trésor chargé d'en
effectuer le payement. »
M. le ministre des finances (M. Malou) se rallie à cet article et propose de le
transférer parmi les dispositions transitoires.
- L'article est adopté, et la chambre décide
qu'il sera placé parmi les dispositions transitoires.
La chambre remet à demain la suite de la
discussion.
La séance est levée à 4 heures et demie.