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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 16 février 1846

(Annales parlementaires de Belgique, session 1845-1846)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 680) M. Huveners procède à l'appel nominal à 2 heure et un quart.

M. A. Dubus donne lecture du procès-verbal de la séance de samedi ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Huveners présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Rosseels, ancien employé des douanes, demande une augmentation de pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

M. Huveners. - Je demande que la commission soit invitée à faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


M. le ministre des travaux publics adresse a la chambre cent dix cahiers des annales des travaux publics.


M. de Villegas. - A la séance de samedi dernier, M. le ministre de de l'intérieur a déposé sur le bureau divers états détaillés de l'emploi des fonds alloués au budget de 1844 pour l'instruction primaire. Je demande l'impression et la distribution de ces pièces aux membres de la chambre. Je ferai observer que M. le ministre de l'intérieur lui-même a exprimé le désir que cette impression eut lieu.

- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.

Motion d'ordre

Organisation du notariat

M. Fleussu. - Dans le discours du Trône on annonce des modifications à l'organisation du notariat. Je prierai M. le ministre de nous dire s'il prépare le projet de loi annoncé.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Ce projet de loi est préparé et je pense pouvoir le présenter à la chambre avant huit jours.

M. le président. - La chambre a chargé le bureau de nommer une commission pour l'examen de deux projets de loi :

Le projet relatif à l'érection du hameau de Stockroye en commune séparée, et le projet de loi relatif à la comptabilité des commissions médicales provinciales.

Pour l'examen du premier projet le bureau a nommé MM. de La Coste, de Corswarem, de Renesse, Dubus (Albéric) et Fleussu.

Pour l'examen du second projet, le bureau a nommé MM. Sigart, de Meester, de Man, Donny et Veydt.

Projet de loi portant le budget du ministère de la justice de l'exercice 1846

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Articles 1 à 5

« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000 »

- Adopté.


« Art. 2. Traitement des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 166,000 »

- Adopté.


« Art. 3. Matériel : fr. 20,000 »

- Adopté.


« Art. 4. Frais d'impression des recueils statistiques, : fr. 3,500 »

- Adopté.


« Art. 5. Frais de route et de séjour, 6,000

- Adopté.

Chapitre II. Ordre judiciaire

M. Pirson. - Je demande la parole.

Je n'ai demandé la parole que pour adresser une simple interpellation à M. le ministre de la justice.

Lors de la discussion de la loi fixant les traitements de l'ordre judiciaire, plusieurs honorables membres de cette assemblée et moi-même, nous avons présente des observations tendant à ce qu'il soit établie une meilleure répartition entre les classes des tribunaux de première instance. Je me croyais d'autant plus fondé à exprimer ce désir, que le tribunal de l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter, ainsi que je l'ai démontré à cette époque, sous le rapport de la cherté de la vie, de l'importance de la juridiction, des affaires commerciales, civiles et correctionnelles, du nombre et de la durée des audiences, ne figure pas au rang qu'il devrait occuper.

Dans le compte de l'administration de la justice civile, pour les années 1839-1843, document qui vous a été distribué dans la présente session, en ce qui concerne le même tribunal, les considérations que je viens d'indiquer, à l'exception de celle pour la cherté de la vie, se trouvant établie d'une manière plus évidente encore, il serait de toute justice de le faire passer à une classe supérieure.

Il est évident que les magistrats des tribunaux de première instance, quelle que soit la classe à laquelle ils appartiennent, doivent posséder le même degré de talent et de mérite, car tous les justiciables ont droit aux mêmes garanties.

Si donc il existe différentes classes de tribunaux de première instance, ces différentes classes n'ont pu être et ne peuvent être déterminées qu'en conséquence de deux causes variables, à savoir la cherté de la vie, et le nombre d'affaires ou l'importance du travail, causes qui effectivement peuvent différer d'un tribunal à un autre. Ces considérations seules ont été admises et peuvent être admises pour justifier l’inégalité de traitement, des magistrats d'un même rang, et en effet, messieurs, des affaires aussi importantes, aussi épineuses peuvent être soumises à un tribunal de quatrième classe, comment un tribunal de première classe, et pour les résoudre, le magistrat doit satisfaire aux mêmes conditions de talent, de science et de capacité. Dès lors, si l'on peut prouver que deux tribunaux différents se trouvent dans les mêmes conditions, sous le rapport de la cherté de la vie, et de l'importance de la juridiction, et j'entends par importance de la juridiction, le nombre et l'espèce d'affaires, l'on ne peut maintenir une inégalité de traitement entre les magistrats de ces tribunaux sans commettre une iniquité.

Or, comme je crois que ces anomalies existent dans la répartition actuelle des classes, et que lors de la discussion de la loi fixant les traitements de l'ordre judiciaire, M. le ministre de la justice a demandé et obtenu que les réclamations relatives à la classification des tribunaux fussent réservées et résolues ultérieurement, je désirerais savoir si la question de faire passer le tribunal de Dinant à une classe plus élevée, a été examinée, et dans la négative je prie M. le ministre de faire instruire cette question.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Les renseignements recueillis jusqu'à présent ne m'ont pas démontré que le tribunal de Dinant dût être placé dans une classe supérieure ; si les renseignements qui parviennent périodiquement au département de la justice prouvent qu'il n'y a lieu de modifier l'état de choses existant, quant au tribunal de Dinant, il pourra être fait droit aux réclamations de ce tribunal, mais cette nécessité ne résulte pas des renseignements recueillis jusqu'à présent.

Article premier

« Art. 1er. Cour de cassation, personnel. »

Le gouvernement demande 238,050 fr.

La section centrale propose d'allouer 237,900 fr.

- Réduction, 1,500 fr.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, le secrétaire du parquet a obtenu une augmentation de traitement. Ses appointements qui étaient de 2,500 fr. ont été portés à 5,000 fr. J'ai pensé qu'en présence de cette augmentation justement accordée, il convenait d'augmenter le traitement de l'employé attaché au parquet de la cour. Cet employé avait jusqu'à présent 1,200 fr., je demande pour lui une augmentation de 150 fr.

Il existe également une divergence d'opinion entre la section centrale et le gouvernement relativement aux messagers de la cour. Jusqu'à l'année passée, il y avait toujours eu quatre messagers à la cour. Ce nombre a été réduit à trois ; et au lieu d'accorder à ces messagers une partie du traitement du messager supprimé, ce qui paraissait juste, la besogne des messagers restant étant augmentée, on a réduit l'allocation de manière que ces employés n'ont maintenant que 700 fr. Nous avons pensé qu'il était juste d'augmenter ces trop modiques traitements et de les élever de manière à donner aux messagers des moyens d'existence.

Les messagers de la cour de cassation, comme ceux de la chambre des cours d'appel et des tribunaux doivent faire un service qui les oblige à être vêtus d'une manière convenable.

Ils sont ensuite occupés du matin au soir, non seulement à la cour, mais à porter des dossiers chez MM. les conseillers ; ils ne peuvent se livrer à aucune besogne ; ils n'ont le temps de faire aucun commerce, qui puisse leur venir en aide pour pourvoir aux besoins de leur famille.

Le premier président de la cour de cassation, M. le baron de Gerlache, m'a exprimé le désir de voir augmenter légèrement les appointements des messagers. J'ai cru devoir satisfaire à cette réclamation, j'ai pensé qu'il y avait non seulement justice, mais humanité à en agir ainsi. La chambre ne refusera pas la légère augmentation que je demande pour ces messagers.

M. Vanden Eynde. - Cette question a été examinée lors de la discussion de la loi relative à l'ordre judiciaire ; des réclamations ont été faites alors en faveur des messagers de la cour de cassation et de la cour d'appel de Bruxelles. Il y a eu une décision prise, on a porté à la somme fixe de 600 fr. le traitement des messagers de la cour d’appel et on a donné 100 fr. de plus aux messagers de la cour de cassation, pour qu'il y ait une différence entre des deux classes d'employés. Je ne dis pas que les messagers soient suffisamment payés pour les travaux qu'ils font, pour les soins qu'ils donnent, mais je viens m'opposer à l'augmentation demandée ; c'est le motif qui a déterminé la section centrale à la refuser, parce que si vous accordez l'augmentation demandée pour les messagers de la cour de cassation, par le motif que le secrétaire de la cour et l'employé du parquet de la (page 681) cour de cassation ont été augmentés, les employés et les messagers de la cour d'appel viendront aussi demander une augmentation.

Si donc on trouve que les traitements des messagers de la cour de cassation et des cours d'appel sont insuffisants, qu'on propose une mesure définitive de la loi générale, mais qu'on ne vienne pas tous les ans demander des augmentations pour une classe d'employés une année et pour une autre classe une autre année.

Je m'oppose à la mesure telle qu'elle est présentée ; si on propose une mesure générale pour les messagers et employés de parquet de la cour de cassation et des cours d'appel, je serai peut-être disposé à l'adopter. Aujourd'hui je voterai contre la mesure particulière qu'on propose.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - La chambre a remarqué que quant au chiffre global pour les messagers de la cour de cassation, il n'y a pas d'augmentation, mais qu'il y a au contraire une diminution sur les budgets antérieurs. Il y avait jadis à la cour de cassation, quatre messagers, un pour le service du parquet et trois pour le service de la cour ; ces trois ont été réduits à deux. Or ces messagers avaient l'un, celui attaché au parquet, 700 fr., et les trois autres, l'un 700 fr. et les deux autres 600 fr., ce qui faisait 2,600 fr. Aujourd'hui qu'il n'y a plus que deux, nous ne demandons pas à répartir entre eux les 600 fr. de l'emploi supprimé, mais seulement de leur accorder sur cette somme une légère augmentation. Si une augmentation semblable était demandée pour les messagers des cours d'appel, je ne m'y opposerais pas le moins du monde.

Mais quant à la cour de cassation, en ne considérant que le chiffre total, je pense que la chambre n'hésitera pas à accorder l'augmentation demandée, qui en réalité n'en est pas une, car par la diminution du nombre de messagers à laquelle la cour a consenti, il y a économie sur le budget. Ces détails me sont communiqués par le premier président de la cour de cassation

M. Savart-Martel, rapporteur. - Il me répugne de combattre des argumentations aussi insignifiantes ; je dois cependant faire valoir les motifs qui ont déterminé la section centrale ; elle a pensé que si deux messagers suffisaient, ce n'était pas un motif pour les augmenter.

Elle a pensé aussi qu'il y avait lieu de maintenir sans augmentation le traitement du parquet.

M. Lebeau. - La somme est extrêmement minime. Il y a même une réduction sur le chiffre des années antérieures. Cela étant, et la question d'économie étant ici hors de propos, il me semble qu'il y a un motif de haute convenance pour allouer sans discussion le chiffre demandé par le gouvernement. La cour de cassation d'ailleurs, n'entretient jamais la chambre de ses réclamations. Raison de plus pour ne pas lésiner avec elle.

- L'article est adopté avec le chiffre de 238,200 fr.

Article 2

« Art. 2. Matériel : fr. 5,230 fr. »

- Adopté.

Article 3

« Art. 3. Cours d'appel. Personnel, 621,800 fr. »

La section centrale propose une réduction de 1,330 fr.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Le vote que la chambre vient d'émettre me donne l'espoir qu'elle votera l'augmentation que je demande pour les employés du parquet des cours d'appel, et dont la section centrale propose le rejet. Cette augmentation fort minime est motivée par cette considération que les employés des parquets des cours d'appel avaient, avant 1830, un traitement plus considérable que celui dont ils jouissent aujourd'hui. Alors que tous les traitements de la magistrature sans exception ont été augmentés, il paraîtrait peu juste de laisser ces employés qui se rendent très utiles dans les parquets et qui ont une besogne très assujettissante dans une position qui ne serait plus en proportion avec les traitements de la magistrature, depuis qu'ils ont été augmentés.

Quant aux secrétaires des parquets, on demande aussi une légère augmentation qui établisse convenablement la proportion qui doit exister entre le traitement de ces fonctionnaires et celui du secrétaire du parquet de la cour de cassation.

M. Lebeau. - Je n'ai rien à dire sur le chiffre de cet article ; je me réfère aux observations de M. le ministre de la justice. Mais je saisirai cette occasion pour demander à M. le ministre où en est l'instruction du projet de révision du code pénal que j’ai eu l'honneur de soumettre, il y a bientôt douze ans, aux délibérations de la chambre. Ce projet a été renvoyé à l'examen des cours et des tribunaux par délibérations de la chambre elle-même.

Je pense que les corps judiciaires s'en sont occupés ; je ne sais s'ils ont terminé leur examen.

Si ce projet est tombé dans un oubli complet, je crois pouvoir, sans amour-propre d'auteur, demander qu'il soit tiré de cet oubli. Cette révision du code pénal a été pour moi l'objet d'un travail approfondi, dans lequel j'ai été aidé par une commission parfaitement composée. Je demande donc que ce projet ne soit pas mis aux oubliettes. Je le recommande à l'attention de M. le ministre de la justice.

Je saisirai cette occasion pour rappeler à l'attention de la chambre et de M. le ministre un projet moins important, mais qui a cependant aussi son caractère d'utilité. C'est un projet qui tient à régulariser la composition des cours d'assises, l'administration de la justice criminelle.

On a signalé depuis longtemps l'espèce d'anomalie que présente le système actuel, d'après lequel les Belges sont dans certaines localités jugés par des tribunaux inférieurs, dans d'autres par des magistrats d'un degré supérieur.

Ce projet avait en outre pour objet de diminuer la besogne des cours d'appel, en réduisant de 5 à 3, comme en France, le nombre des magistrats qui siègent à la cour d'assises.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je ne pense pas que le projet de code pénal, élaboré par l'honorable M. Lebeau, ait été renvoyé à l'examen des cours et des tribunaux. (Dénégations de la part de plusieurs membres.)

Je ne pense pas du moins qu'il y ait un rapport. Je n'ai trouvé au ministère aucun élément d'un travail semblable.

Au reste, les corps judiciaires sont en ce moment consultés sur deux projets de loi. Si elles sont consultées aussi sur le code pénal, je rappelerai cet objet au zèle bien connu des magistrats.

L'honorable M. Lebeau peut, au reste, être persuadé qu'un projet aussi important, un projet élaboré par lui ne sera pas mis aux oubliettes.

Quant au projet relatif à la cour de cassation, l'honorable M. Lebeau sait qu'il y a un rapport. La chambre pourra, quand elle voudra, aborder la discussion de ce projet.

Si je n'ai pas demandé que la chambre discutât encore le projet présenté par l'honorable M. Lebeau, c'est parce que la plupart de ses dispositions sont refondues dans un projet plus complet que j'ai élaboré.

M. Savart-Martel, rapporteur. - Je rappellerai à cette occasion à M. le ministre de la justice, combien il est nécessaire que nous soyons saisis d'un projet de loi de système hypothécaire, ou d'un projet qui corrige et améliore notre système hypothécaire.

J'en ai fait l'observation dans la discussion générale. M. le ministre de la justice ne m'a pas répondu, distrait probablement par les questions qui ont surgi.

Vous savez combien notre système hypothécaire est défectueux. Nous attendrions de nouvelles lumières que nous n'y verrions pas plus clair. On a dit et écrit sur cette matière tout ce qu'il était possible de dire et d'écrire. Je prends la confiance d'engager M. le ministre de la justice à présenter sans délai un projet de loi tendant à corriger les vices de notre régime hypothécaire. Nombre de personnes croient qu'avec une première hypothèque et un certificat du conservateur elles peuvent dormir tranquilles ; tous les jours, nous voyons des victimes de cette erreur.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je pense que la mémoire de l'honorable M. Savart le sert mal, lorsqu'il dit que j'avais promis à la chambre de présenter dans le cours de cette session un projet de loi sur le système hypothécaire.

Je crois au contraire lui avoir répondu qu'il y a dans le code des titres qu'il importait de réviser avant de s'occuper du système hypothécaire. Je persiste dans cette opinion ; je l'ai réalisée en quelque sorte en préparant des projets de loi sur les faillites, sur les sursis, sur les contraintes par corps et sur la composition des tribunaux de commerce. Ces projets sont, soumis à l'examen des corps judiciaires.

Quant à notre système hypothécaire, je suis loin de disconvenir qu'il n'y ait des garanties à y introduire. Mais je ne puis partager l'opinion de l'honorable M. Savart qu'il n'y ait plus aucune lumière à obtenir sur cette question.

En France, on n'a pas été de cet avis ; on a réuni des documents très importants ; on les a soumis à diverses commissions qui ont été nommées pour s'occuper non pas de cette seule question que soulève le régime hypothécaire, mais des nombreuses et graves questions qui s'y rattachent. Ainsi, en France, on ne s'est pas cru en mesure de présenter un projet de loi ; on coordonne les renseignements de manière à faire une bonne loi et à soumettre à la discussion des chambres, non pas un essai, mais un projet complet basé sur l'expérience.

Pour la loi nouvelle nous nous aiderons des renseignements recueillis à l'étranger, réunis à ceux que nous aurons nous-mêmes recueillis. Nous pourrons aussi nous aider de la nouvelle législation des Pays-Bas.

M. Savart-Martel, rapporteur. - Je ne puis accepter la réponse de M. le ministre de la justice. Il est possible que je me sois trompé dans la réponse que je lui ai attribuée. Mais chaque année je rappellerai cet objet à son attention.

C’est précisément parce qu'on a nommé en France un grand nombre de commissions qu'avant longtemps on n'aura pas de résultat ; au reste en France divisé en pays de droit romain, pays de nantissement et pays d'édits, il y a des difficultés qui n'existent pas dans notre pays qui est presque tout entier, pays de nantissement. Je mets en fait que pour réviser ce système et les articles du code civil il ne faudrait pas plus d'un mois ou deux. Quand il s’agit d’établir des impôts, d’obtenir des millions, on trouve toujours le temps.

Mais quand il s’agit de l’administration de la justice, c’est bien différent ; il faut attendre 10 à 12 ans.

On attend la révision qui se fait en France. Mais pourquoi cela ? Pourquoi nous traîner à la remorque de la France ? Ne sommes-nous pas un Etat indépendant ? Ne pouvons-nous donc pas faire nous-mêmes nos lois.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je n’entends nullement me traîner à la remorque de France. Si j’ai cité ce pays, c’est pour dire que bien qu’il possède de profonds jurisconsultes, on ne s’y croit pas en mesure de proposer encore une réforme hypothécaire ; c’est prouver que la sage lenteur avec laquelle on procède le gouvernement belge avant de soumettre cette matière aux chambres législatives a également été suivie par le gouvernement français.

L’honorable M. Savart dit qu’il suffit de vouloir, et conséquemment il pense que c’est pas défaut de bonne volonté que je ne me suis pas occupé jusqu’à présent du système hypothécaire.

Messieurs, il y avait et il y a encore des réformes importantes à faire à notre législation.

Je devais choisir les points sur lesquels il convenait que l’attention se portât (page 682) d'abord ; j'ai fait ce choix, et si je ne me suis pas occupé du système hypothécaire, on me rendra la justice de reconnaître que je ne suis pas resté oisif.

- Le chiffre de 621,800 fr. demandé par le gouvernement est mis aux voix et adopté.

Article 4

« Art. 4. Matériel : fr. 18,000 »

- Adopté.

Article 5

« Art. 5. Tribunaux de première instance et de commerce : crédit ordinaire : fr. 1,049,265 fr. ; crédit extraordinaire 20,000 fr. »

M. Desmet. - Messieurs, j'ai vu avec plaisir dans le rapport que M. le ministre de la justice s'occupe d'un projet de modifications au code de commerce. Je prends à cet égard la permission d'appeler son attention sur un point important ; je veux parler de la juridiction consulaire. Il y a beaucoup de villes commerciales qui souffrent considérablement parce qu'elles sont trop éloignées des tribunaux de commerce. Je citerai, par exemple, la ville d'Alost.

La ville d'Alost, messieurs, est une des plus industrielles, une des plus commerciales du pays ; elle a entre autres un commerce de houblon considérable. Le droit sur les patentes s'y élève jusqu'à 20,000 fr. Cependant cette ville est à une distance de 7 à 8 lieues du tribunal de commerce.

Vous devez comprendre, messieurs, combien le commerce souffre de cet état de choses, surtout dans les cas qui demandent célérité. Ainsi, lorsqu'il s'agit de requérir l'arrestation d'un étranger d'un étranger, il arrive souvent que celui-ci a disparu avant qu'on ait obtenu l'autorisation du tribunal.

J'appelle l'attention de M. le ministre sur cet objet, et je le prie d'avoir égard à mes observations.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, dans la distribution des tribunaux de commerce, comme dans celle des autres tribunaux, il faut avoir égard à l'intérêt des justiciables. Cet intérêt ne sera pas perdu de vue par le gouvernement, s'il y a lieu d'apporter quelques modifications dans cette distribution.

En ce qui concerne Alost, je dois dire que la réclamation de l'honorable M. Desmet n'est pas nouvelle. Elle a été examinée à différentes reprises, et il a été reconnu, par suite des affaires commerciales traitées respectivement par le tribunal de commerce d'Audenaerde et par le tribunal de commerce de St-Nicolas, qu'il n'y aurait pas un nombre suffisant d'affaires pour un tribunal établi à Alost.

M. Desmet. - Messieurs, je crois que M. le ministre appuie mes réclamations ; il vous dit qu'elles ne sont pas nouvelles ; cela vous prouve qu'elles reposent sur des griefs fondés.

Il dit qu'il se présente plus d'affaires à Audenarde et à Saint-Nicolas qu'à Alost. Cela prouve encore, messieurs, que les habitants d'Alost s'abstiennent souvent d'aller au tribunal de commerce, précisément à cause de la distance, et que, par suite, beaucoup d'affaires restent en souffrance. Mais certainement, M. le ministre ne soutiendra pas qu'il se présente plus d'affaires commerciales à Audenarde, qui n'a que 4 à 5,000 habitants qu'à Alost qui en compte 15 à 16,000 ; à Audenarde qui ne paye que 5,000 francs de droits de patente, qu'à Alost qui en paye près de 20.000.

Je le répète, messieurs, tout ce qui résulte des observations de M. le ministre de la justice, c'est que les juridictions sont tellement placées, que le commerce d'Alost ne peut plus jouir des bienfaits de la justice. J'espère encore que M. le ministre voudra avoir égard sur ce point aux réclamations très justes du commerce d'Alost et d'une partie de son district.

- Le chiffre de 1,069,265 francs est adopté.

Article 6

« Art. 6. Justice de paix et tribunaux de police : fr. 556,200 »

- Adopté.

Chapitre III. Justice militaire

Articles 1 à 3

« Art. 1er. Haute cour militaire. Personnel : fr. 65,600. »

- Adopté.


« Art. 2. Idem. Matériel : fr. 5,000 »

- Adopté.


« Art. 3. Auditeurs militaires et prévôts : fr. 41,253. »

- Adopté.

Chapitre IV. Frais de justice

Article premier

« Art. 1er. Frais d'instruction et d'exécution : fr. 679,000. »

M. Savart-Martel, rapporteur. - Messieurs, je ne viens pas critiquer le chiffre pétitionné ; mais je viens renouveler une observation que j'ai déjà présentée. C'est qu'il serait possible d'arriver à une économie de 100 à 150,000 fr., si l’on voulait admettre ce principe de faire juger par les juges de paix toutes les affaires de peu d'importance, et entre autres les affaires qui concernent les poids et mesures, celles qui concernent la grande voirie. Si l'on admettait ce principe, je suis persuadé que plusieurs tribunaux qui ont jusqu'à 800 affaires correctionnelles par an, n'en auraient plus que quatre cents.

Non seulement, messieurs, le trésor public, mais aussi les justiciables y gagneraient. Car ils ne devraient plus alors se transporter à des distances considérables pour des affaires de la plus minime importance.

Je recommande ces observations à M. le ministre de la justice. Je sais que ce n'est pas le moment de faire une proposition.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Comme le dit fort bien l'honorable M. Savart, ce n'est pas à l'occasion d'un budget que l'on pourrait changer la compétence des juges de paix.

J'ai annoncé à la chambre que pendant cette session elle serait saisie d'un projet de loi apportant des modifications au code d'instruction criminelle.

Lorsque ce projet sera discuté on pourra, s'il y a lieu, faire des propositions tendant à élever la compétence des juges de paix.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Article 2

« Art. 2. Indemnité pour le greffier de la cour de cassation à charge de délivrer, gratis, toutes les expéditions ou écritures réclamées par le procureur général et les administrations publiques : fr. 1,000. »

- Adopté.

Chapitre V. Palais de justice

Article premier

« Art. 1er. Constructions, réparations et loyers de locaux, crédit ordinaire : fr. 35,000 ; crédit extraordinaire, fr. 40,000. »

- Adopté.

Article 2

« Art. 2. Supplément de subside à verser dans la caisse communale de Gand, à cause de la construction du palais de justice, à charge de la province de fournir pareille somme ; crédit extraordinaire, 50,000. »

- Adopté.

Chapitre VI. Publications officielles

Article premier

« Art. 1er. Impression du Recueil des lois, du Moniteur et des Annales parlementaires, 95,500

M. Savart-Martel, rapporteur. — Je déclare que je fais mes réserves en ce qui concerne la requête adressée à la chambre par les employés du Moniteur, requête sur laquelle il devra être statué après la discussion du budget.

- L'article est adopté.

Article 2

« Art. 2. Abonnement au bulletin des arrêts de la cour de cassation : fr. 2,800. »

- La section centrale, d'accord avec M. le ministre de la justice, propose de porter ce chiffre à 3,000 fr.

Le chiffre de 3,000 est adopté.

Article 3 (nouveau)

« Art. 3 (nouveau proposé par la section centrale, d'accord avec le gouvernement).

« a. Publication d'un recueil des anciennes lois des Pays-Bas autrichiens, de la principauté de Liège et autres pays dont le territoire est compris dans le royaume de Belgique ;

« b. Publication d'un recueil d'instructions, circulaires émanées du département de la justice, depuis la réunion de la Belgique à la France, en 1795, jusqu'en 1830 ;

« c. Impression d'avant-projets de lois à envoyer à l'avis des cours et tribunaux, et des facultés de droit des universitaires du royaume :

« fr. 5,000. »

- Adopté.

Chapitre VII. Pensions et secours

Articles 1 à 3

« Art. 1er. Pensions civiles : fr. 180,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Secours à des magistrats ou à des veuves et enfants mineurs de magistrats qui, sans avoir droit à une pension, ont des titres à un secours par suite d'une position malheureuse, : fr. 12,000. »

- Adopté.


« Art. 3. Secours à des employés ou veuves et enfants mineurs d'employés dépendant du ministère de la justice, se trouvant dans le même cas que ci-dessus : fr. 3,000. »

- Adopté.

Chapitre VIII. Cultes

Discussion des articles

M. Lys. - Qu'il me soit permis de présenter à la chambre quelques observations sur le budget, chapitre des cultes, et sur les dispositions légales qui se rattachent à l'administration financière de cette branche importante des services publics.

Ou demande à la chambre un crédit de 403,822 fr. pour le clergé supérieur, ce qui comprend les traitements des évêques, des vicaires généraux, des secrétaires d'évêchés, des chanoines, des professeurs de séminaires et des bourses et demi-bourses affectées aux séminaires. Il n'entre pas dans ma pensée de contester l'exactitude du chiffre demandé par M. le ministre, mais il me semble que ce chiffre n'est pas assez justifié.

Depuis longtemps ce défaut de justification existe. Aussi les paroles de l'honorable M. de Theux en 1840, ne se sont pas réalisées ; il faisait alors remarquer que les dépenses en faveur du culte diminuaient d'année en année considérablement ; et quand nous disait-on cela, messieurs, quelque temps après la discussion du budget de 1840. En 1839 le budget des cultes était de 4,016,150 fr. ; en 1840 il était de 3,906,047 fr. ; donc, nous disait-on, il y a économie de 110,013 fr. Mais il fut bientôt prouvé qu'au lieu d'une économie il y avait une augmentation de 322,859 fr. plus cent mille francs pour St-Trond, et cela provenait de ce qu'on n'avait pas tenu compte de la cession du Limbourg et du Luxembourg ; aujourd'hui le budget pour 1846 est de 4,382,900 fr.

M. le ministre de la justice n'a pas reçu la copie du compte des recettes et dépenses, que les chapitres doivent lui adresser chaque année, aux termes de l'article 59 du décret du 6 novembre 1813. Sans quoi il eût été convenable que ces documents passassent sous les yeux de la chambre. Ce serait un excellent moyen de justifier le chiffre des dépenses que l'on met à charge de l'Etat.

(page 683) Maintenant pour les séminaires, le gouvernement ne fait pas observer l’article 62 du décret du 6 novembre 1815, qui lui attribue la nomination du trésorier du bureau, chargé de l'administration des séminaires. Que l'on ne s'imagine pas que les prérogatives, que le décret du 6 novembre 1815 attribue au gouvernement, sont à dédaigner !

Dans un pays constitutionnel comme le nôtre, l'observation scrupuleuse des lois est la sauvegarde la plus sûre de tous les intérêts.

Le maintien des droits du gouvernement est d'autant plus impérieusement exigé dans l'intérêt de l'Etat, que les séminaires sont des établissements publics, jouissant de la qualité de personne civile et recevant des subsides importants.

L'article 78 du décret du 6 novembre 1813 dispose : que chaque semestre, le bureau d'administration doit transmettre au gouverneur les bordereaux des versements par les économes et les mandats des sommes payées. Le duplicata de ces pièces doit être adressé par le gouverneur au ministre ; enfin les articles 79 et 80 de ce même décret disposent : qu'au mois de janvier de chaque année, le compte du trésorier et de l'économe de chaque séminaire doit être rendu et soumis à l'approbation du ministre. Ces prescriptions du décret de 1815 ne sont pas observées.

Les comptes des séminaires ne sont pas soumis à l'approbation du ministre. Quel est le motif pour lequel la loi n'est pas obéie, dans les dispositions qui forment la garantie de l'Etat contre des dilapidations possibles ?

Dans un Etat bien administré, le gouvernement doit avoir le contrôle de tout établissement public et de sa gestion ; cette règle doit être observée d'autant plus rigoureusement, qu'il s'agit d'établissements subsidiés par l'Etat et dotés par lui. Que l'on y prenne garde, un défaut d'active surveillance peut amener la ruine de ces établissements, et donner lieu à des demandes de subsides onéreux pour le trésor public ; nous devons donc insister, pour que toutes les dispositions sur la matière soient ponctuellement observées.

M. le ministre reconnaît qu'il doit exiger, des congrégations autorisées en Belgique, la remise de leurs comptes, et en même temps il fait l'aveu, que quelques-unes de ces congrégations ne lui ont pas encore transmis ces comptes.

C'est là une négligence grave ; tout un exercice s'écoule, à la suite des précédents, et M. le ministre ne justifie d'aucune diligence, il se contente de nous nourrir de l'espoir que tous les comptes finiront par lui être adressés.

Quant aux grands séminaires, il a répondu, dit-il, l'année dernière, et il persiste à penser que le gouvernement ne peut pas exécuter d'une manière littérale l'article 80 du décret du 6 novembre 1815. Veuillez remarquer qu'aux termes de cet article, il ne s'agit pas seulement d'envoyer le compte au ministre, mais de le soumettre à son examen et à son approbation. L'on ne peut pas prétendre que dans l'état actuel de nos lois, en présence de la liberté illimitée dont jouit le clergé, de la liberté des cultes proclamée par la Constitution, le gouvernement aurait le droit d'examiner les comptes des grands séminaires, de voir si les dépenses sont utiles ou inutiles, si tel professeur est trop ou trop peu payé, de faire des observations à cet égard et de pouvoir même empêcher l'évêque d'approuver les comptes.

M. le ministre reconnaît, vous le voyez, qu'il n'a pas le droit d'approuver les comptes ou de les improuver et, parlant de là, il néglige même de les demander.

Et c'est dans cet état des choses, que M. le ministre se plaint qu'on lui fasse un grief de sa soumission aveugle au haut clergé ! Il le traite de reproche banal, qu'il ne suffit pas d'articuler, mais qu'il faut établir par des faits !

Mais les faits sont patents, ils résident ici dans l'inexécution des lois. On vous l'a dit plus d'une fois, M. le ministre, les séminaires diocésains ne jouissent exceptionnellement de la personnification civile, qu'à la condition de présenter annuellement leurs comptes au gouvernement, et, chose extraordinaire, le gouvernement répudie cette prérogative écrite dans la loi, et qui lui est indispensable pour parer aux abus incessants, que la personnification entraîne. Je cite textuellement les paroles de mon honorable ami. M. Verhaegen.

Que porte l'article 16 de la Constitution ?

L'Etat n'intervient ni dans la nomination ni dans l'installation des ministres d'un culte quelconque.

Un trésorier d'une commission administrative d'un établissement public religieux exerce-t-il un ministère du culte ?

S il est un ministre du culte, un trésorier de fabrique est à ce compte aussi un ministre du culte. Cependant tous les jours l'autorité civile nomme les membres des fabriques paroissiales, tous les jours le ministre, le gouvernement statuent sur la composition de ces corps. Un trésorier de séminaire pas plus qu'un trésorier de fabrique n'est un ministre du culte. Un trésorier, comme trésorier, n'est pas chargé de l'administration des sacrements, il n'est donc pas ministre du culte. Pourquoi le ministre ne pourrait-il pas nommer le trésorier du séminaire ? (Nomination qui lui appartient en suite de l'article 62 du décret du 6 novembre 1813.) Il s'agit d'un administrateur, et apparemment la liberté des cultes, la séparation de l'Eglise spirituelle d'avec l'Etat, ne va pas jusqu'à détruire l'organisation des établissement publics. Un établissement public ne vit et ne se meut que d'après les lois civiles. Ces lois n'ont rien de contraire à la Constitution, donc elles doivent être respectées. Un ministre du culte appelé trésorier est une invention canonique de M. le ministre des cultes. On connaît dans la hiérarchie catholique des évêques, des vicaires généraux, des chanoines, des curés, des desservants, des vicaires, mais on ne connaît pas encore des trésoriers ; le mandat de ces fonctionnaires sent tellement la matière, que je ne comprends pas qu'on puisse le confondre avec la mission spirituelle des prêtres.

Quant à l'article 80 de ce décret, pourquoi ne pourrait-il pas s'exécuter à cause de la liberté des cultes ? L'Etat fixe le traitement des évêques, des vicaires généraux, des curés, des desservants et des vicaires, pourquoi ne pourrait-il pas fixer le traitement des professeurs des séminaires ? Celui qui donne est sans doute le maître de fixer l'emploi et la destination de la donation. Qui oserait contester à l'Etat le droit et le pouvoir d'affecter telle somme déterminée pour tel objet, pour tel usage religieux ? Pour fixer le chiffre global de 8,000 fr., n'a-t-il pas fallu et ne faut-il pas encore, discuter et reconnaître l'étendue des besoins de l'établissement ? L'argumentation est un véritable non-sens, une absurdité.

Mais, dit M. le ministre de la justice, je ne pourrais critiquer telle ou telle dépense, et pourquoi, s'il vous plaît ? La liberté des cultes, la liberté de nomination et d'installation des ministres des cultes, entraîne-t-elle pour conséquence la liberté de dépenser à volonté les deniers et les revenus d'un établissement publics ? La liberté des cultes et l'indépendance de l'Eglise n'a pas pour conséquence d'abandonner à l'Eglise l'administration l’arbitraire des biens d'établissements qui vivent de par la volonté de la loi civile, qui a tracé les règles de leur administration. Soutenir, sous ce prétexte, l’abrogation du décret du 6 novembre 1813, c'est confondre des choses et des principes tout à fait distincts. Ce n'est pas faire du dogme, ce n'est pas faire des nominations, que de dire : Telle dépense est trop forte ; que de dire : On n'aurait dû dépenser qu'une telle somme pour tel objet.

Est-ce que par hasard M. le ministre de la justice soutiendra que l'article 93 du décret du 30 décembre 1809 est abrogé ?

Cet article est évidemment abrogé, si l'art. 80 du décret de 1815 ne doit plus être observé.

Cet article est ainsi conçu :

« Dans le cas où les communes sont obligées de suppléer à l'insuffisance des revenus des fabriques, pour ces deux premiers chefs, le budget de la fabrique sera porté au conseil municipal, dûment convoqué à cet effet, pour y être délibéré ce qu'il appartiendra. La délibération du conseil municipal devra être adressée au préfet, qui la communiquera à l'évêque diocésain, pour avoir son avis ; dans le cas où le préfet et l'évêque seraient d'avis différent, il pourra en être référé, soit par l'un, soit par l'autre, à notre ministre des cultes. »

Les articles 96 et 97 sont-ils surtout abrogés ? ils le sont, si le système du ministère est vrai.

« Art. 96. Si le conseil municipal est d'avis de demander une réduction sur quelques articles de dépenses de la célébration du culte, et dans le cas où il ne reconnaîtrait pas la nécessité de l'établissement d'un vicaire, la délibération exposera les motifs. Toutes les pièces seront adressées à l'évêque, qui prononcera. »

« Art. 97. Dans le cas où l'évêque prononcerait contre l'avis du conseil municipal, le conseil pourra s'adresser au préfet ; celui-ci enverra, s'il y a lieu, toutes les pièces au ministre des cultes, pour être par nous, sur son rapport, statué en notre conseil d'Etat ce qu'il appartiendra. »

Si M. le ministre de la justice ne peut critiquer les dépenses des séminaires, il ne peut critiquer les dépenses des paroisses, quand ces dépenses sont relatives au culte, et les communes sont soumises à la juridiction épiscopale, sans appel.

Comment, messieurs, ose-t-on soutenir devant vous de pareilles hérésies juridiques ? Comment ose-t-on soutenir qu'un prêtre a un pouvoir absolu en matière financière ?

C'est là cependant le fait de M. le ministre de la justice, en ne faisant pas exécuter le décret du 6 novembre 1813 ; c'est ainsi que, sous prétexte de liberté des cultes, on parvient à confisquer l'administration civile au profit du clergé.

Il en est de ce décret, comme des articles organiques ; le haut clergé s'en sert, lorsqu'il les trouve favorables à ses prétentions ; ils n'existent plus, lorsque telle est sa volonté.

Quant aux bourses et demi-bourses, M. le ministre a répondu qu'il pourrait faire connaître les noms des boursiers ; mais aussi longtemps qu'il ne fait pas cette publication, comment veut-il qu'aucune vérification puisse être faite ! Le reproche reste dès lors dans toute sa force.

Il reste incontestable que le gouvernement, en accordant des subsides, a le droit d'en surveiller l'emploi ; que, pour exercer ce droit avec quelqu'effet, l'exécution des lois qui ont prescrit des règles sages pour prévenir la dilapidation et assurer le bon emploi des subsides, est absolument nécessaire. On en sent d'autant plus vivement la nécessité lorsqu'il s'agit d'établissements jouissant de la personnification civile. Si maintenant nous passons à un autre ordre d'idées, nous avons encore des améliorations à demander et à obtenir.

Pourquoi porter une somme globale de 4,600 fr. pour Malines et de 4,200 pour les autres évêchés, pour abonnement pour frais de tournée et de secrétariat ? Pourquoi porter un bloc de 8,000 fr. dans chaque diocèse pour le personnel des professeurs des séminaires. Cette manière d'agir empêche tout contrôle efficace ; il faut de l'ordre dans toute administration ; or, l'ordre ne peut être établi et le contrôle ne peut être efficacement exercé, que pour autant que les traitements individuels sont parfaitement connus et déterminés. Comment d'ailleurs vérifier et constater l'existence d'un cumul prohibé par les lois, si les traitements individuels des secrétaires d'évêchés et des professeurs des séminaires, ne sont pas portés au budget de l'Etat ?

Il n'y a d'ailleurs aucune bonne raison à alléguer en faveur d'un procédé aussi exceptionnel ; quoi ! Les traitements des évêques, des chanoines, des vicaires généraux, des curés, des desservants, sont portés individuellement (page 684) au budget de l'Etat, et ceux des secrétaires des évêchés, et des professeurs des séminaires doivent rester inconnus à la législature ? Cela n'est ni juste ni convenable. L'Etat doit connaître les individus qu'il salarie, l'Etat doit connaître quel est le traitement de chacun d'eux, l'Etat doit enfin savoir pourquoi il les salarie.

Sous un autre rapport, il est encore urgent que l'Etat connaisse les traitements attachés à toutes les fonctions ecclésiastiques ; d'après la loi sur les pensions (article 21 ) les pensions des fonctionnaires ecclésiastiques se règlent d'après le taux moyen du traitement payé par le trésor, pendant les cinq dernières années ; quelle base suivrait-on pour liquider éventuellement les pensions des professeurs des séminaires, des secrétaires d'exégèse ? Le gouvernement sera donc livré à l'arbitraire des supérieurs ecclésiastiques dans cette matière. Or, cela n'est ni convenable ni séant. L'arbitraire ne vaut rien pour personne et la chambre ne peut pas souffrir que les finances puissent se trouver grevées de pensions sans qu'au préalable le traitement qui lui sert de base ait été discuté et reconnu être, de pat la législature, dans les proportions qui peuvent lui être données.

D'ailleurs nous voyons que l'on indique le traitement d'un secrétaire de l'évêché à Namur. Pourquoi ce qui est possible pour l'un de ces fonctionnaires, n'est-il pas également pratiqué à l'égard des autres ? Pourquoi, enfin, donne-t-on à l'évêché de Namur la somme de 4,200 fr. pour frais de tournée et de secrétariat, plus un traitement de 1,260 fr. que nous ne voyons pas figurer dans les autres diocèses ? En résumé, le diocèse de Namur obtient pour frais de secrétariat 5,460 fr. et cependant le diocèse de Namur n'est pas aussi important, sous le rapport de la population, que le diocèse de Liège, par exemple, qui ne reçoit pour le même objet que 4,200 fr.

Je reviendrai, en peu de mots, sur ce que j'avais déjà signalé l'année dernière à l'attention du gouvernement, à savoir : la remise d'églises consacrées au culte, par l'autorité publique, entre les mains de l'ordre des jésuites ; ces églises sont Sainte-Catherine à Liège et Saint-Lambert à Verviers.

L'honorable M. de Theux répondait, à mon honorable ami M. Verhaegen qui avait développé le fait que j'avais posé.

« Je connais assez la ville de Liège pour pouvoir assurer que l'église de Ste-Catherine n'a jamais été desservie par les jésuites. Il est vrai qu'il y a quelques années les rédemptoristes l'ont provisoirement desservie. »

Quoique j'eusse alors des renseignements que je considérais comme certains, je ne voulus pas contredire les avancés si positifs de M. de Theux ; mais depuis, je me suis assuré sur les lieux que les rédemptoristes ont été remplacés à Su-Catherine par les jésuites, qui administrent encore actuellement cette église. C'était donc à tort que M. le comte de Theux voulait rectifier une erreur de fait ; mon honorable ami M. Verhaegen n'en avait pas commis ; ce qu’il avait avancé pour l'église Ste-Catherine était l'exacte vérité, c'est M. le comte de Theux qui était en erreur.

M. le ministre a-t-il jugé à propos de prendre des mesures à l'égard de la quasi-aliénation de ces églises ? Les jésuites chargés du service de ces temples, touchent-ils le traitement de desservant et de chapelain, attaché au titre ecclésiastique que possèdent ces deux églises ? Il serait bon de savoir si les finances de l'Etat servent à subsidier des religieux, pour la plupart étrangers au pays, au lieu d'être exclusivement appliquées à fournir des salaires aux membres du clergé séculier.

M. le ministre de l'intérieur ferait bien de rappeler aux bourgmestres qu'ils sont membres de droit des conseils de fabriques ; il ferait bien surtout d'insister pour que partout ils remplissent les devoirs qui pèsent sur eux en cette qualité.

Voilà, messieurs, les observations que j'avais à vous présenter, je ne réclame que l'exécution stricte des lois, tâche qui incombe au gouvernement.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, l'honorable M. Lys combat le chiffre demandé par le gouvernement, en disant qu'il n'est pas justifié. J'avoue, messieurs, qu'il me serait difficile de fournir une justification plus complète que celle que j'ai présentée par les développements du budget, par les pièces envoyées a la section centrale et par les documents qui sont maintenant sous vos yeux.

Les états nominatifs de tous les membres du clergé existent, ils sont produits, il en est de même des états de mutation qui nous sont envoyés trimestriellement par les évêques et des états de traitements que me transmettent les gouverneurs. On peut vérifier ces pièces ; il résultera de cette vérification la justification de la somme demandée par le gouvernement.

Messieurs, deux griefs principaux sont articulés contre le ministre de la justice par l'honorable M. Lys. L'honorable membre prétend que le ministre de la justice ne fait pas exécuter les lois et qu’il abandonne les prérogatives de l'autorité civile au profit du clergé. Il cite différentes dispositions des décrets de 1809 et de 1815, et en ce qui concerne les congrégations religieuses, le décret de février 1809.

Je commencerai, messieurs, par les congrégations religieuses.

Les congrégations religieuses, je tiens à le répéter devant les chambres, n'avaient pas rendu compte depuis 1830. Ainsi, si le grief articulé est fondé, s'il excite les réclamations de l'honorable M. Lys, on devra reconnaître qu'il s'adresse aussi à tous mes prédécesseurs. Mais, messieurs, si les congrégations d'hospitalières ont cessé de rendre compte, c'est que le gouvernement avait décidé en 1831, que le décret de 1809 ne pouvait plus recevoir d'application depuis notre Constitution. Je suis le premier, je pense, qui ai songé à m'occuper de cet objet et à réclamer les comptes dont il s'agit. J'avais à lutler, dans cette question, contre la décision rendue en 1831, et dès lors on concevra que je devais agir avec prudence et modération et qu'avant de recourir, par exemple, à des mesures propres à retirer le bénéfice de la personne civile, il convenait d'employer les moyens de persuasion, c'est ce que j'ai fait, et l’emploi de ces moyens m'a en grande partie réussi. Je suis persuadé qu'avant très-peu de temps la reddition de tous les comptes aura lieu.

Passant aux biens des chapitres, des séminaires et des fabriques d'églises, l'honorable M. Lys dit que je devais faire exécuter les décrets de 1813 et de 1809. D'abord, quant aux comptes à déposer d'après le décret de 1809, ce n'est pais au ministère de la justice que doit se faire ce dépôt, mais aux archives de l'administration communale. Je sais que ce dépôt s'effectue dans plusieurs localités, mais je n'ai pas de renseignements assez complets pour pouvoir affirmer que cela se fasse partout. Au reste je tiendrai la main à l'observation des dispositions relatives à cet objet.

Quant au décret de 1813, j'ai déjà eu l'honneur de dire à la chambre quels sont les motifs pour lesquels l'article 80 ne peut plus être observé d'une manière littérale. Je crois que dans l'état actuel de la législation, il est impossible non pas d'exiger une simple remise des comptes, comme celle qui est prescrite par le décret de 1809, pour les fabriques d'église, mais de faire soumettre à l'approbation du ministre les comptes rendus par les trésoriers des séminaires. Je crois que le gouvernement ne doit pas s'immiscer dans l'emploi que les séminaires font de leurs revenus, aussi longtemps que les séminaires ne demandent rien au gouvernement.

M. Delfosse. - On leur donne.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Oui, sans doute, on leur donne ; mais ces allocations sont depuis longtemps réglées, les ressources des séminaires ont été alors appréciées ; mais pour diminuer ou augmenter ces allocations, il faudrait qu'il se fût opéré un changement dans l'état des ressources des séminaires. Voilà ce qu'il est important de connaître.

Or, si le gouvernement n'exige pas annuellement des comptes de la part des séminaires, est-ce à dire que le gouvernement ne s'enquiert pas quels sont les biens possédés par les séminaires, quels sont les revenus de ces établissements ? Nullement, messieurs. D'abord le gouvernement peut connaître les biens des séminaires, puisqu'ils ne peuvent accepter aucune donation, ni faire aucune acquisition, saris que des arrêtés royaux ou des décisions de la députation permanente ne les autorisent. (Interruption.) J'entends l’honorable M. Lys dire qu'on peut leur donner de la main à la main et que, dans ce cas, il n'y a pas d'autorisation. Mais je réponds à l'honorable membre que si les séminaires ne veulent pas rendre compte des biens qui leur sont donnés de la main à la main, rien ne leur sera plus facile que de retrancher les revenus de ces biens des comptes qu'ils remettraient au gouvernement. Ce n'est donc pas à l'aide des comptes que le gouvernement exigerait des séminaires qu'il pourrait connaître quel est le revenu réel de ces établissements.

Messieurs, sur la demande que je leur en ai faite, les chefs diocésains j n'ont pas hésité un instant à m'envoyer l'état complet de tous les biens et revenus de chaque séminaire. Quand je leur ai fait cette demande, j'ai dit pour quels motifs je la faisais. Le gouvernement, leur ai-je dit, donne aux séminaires des bourses d'étude, conformément au décret de septembre 1807 ; il leur donne de plus, aux termes de la loi du budget, une somme annuelle de 8,000 francs pour les professeurs ; eh bien, ces bourses et ces allocations pour les professeurs ont été créées parce que les séminaires n'avaient alors ni biens ni ressources, et parce qu'en l'absence de revenus, on a senti la nécessité de pourvoir à tous les besoins indispensables de ces établissements. Il est donc important que le gouvernement sache quelles sont maintenant les ressources des séminaires, afin de juger s'il y a lieu de continuer à les faire jouir de l'avantage des bourses créées par le décret de 1807, et des 8,000 fr. accordés pour les professeurs.

Voilà, messieurs, le langage que j'ai tenu aux évêques, et je crois pouvoir dire qu'avant mon entrée au ministère, aucune demande de ce genre ne leur avait été faite. Ces renseignements demandés me sont parvenus en partie ; on est occupé à les dépouiller au ministère, et s'ils font reconnaître que les séminaires n'ont plus besoin des allocations dont je viens de parler, ou qu'une diminution est possible, la suppression ou la diminution de ces subsides aura lieu. Je crois de cette manière rendre un bien plus grand service au trésor public, que je ne pourrais le faire en exigeant purement et simplement la reddition d'un compte annuel. Je dis que cette dernière mesure serait tout à fait illusoire et qu'elle ne pourrait pas amener un seul des résultats que l'honorable M. Lys en espère.

En ce qui concerne les fabriques d'églises, messieurs, chaque fois qu'elles demandent un subside soit à la commune, soit à la province, soit au gouvernement, nous avons toujours sous les yeux les comptes et budgets de ces établissements, non seulement de l'année pendant laquelle la demande est faite, mais aussi des années antérieures ; nous pouvons ainsi juger si les deniers de la fabrique ont été employés convenablement ; s'il n'y a pas eu des dépenses inutiles, et c'est seulement lorsque, malgré ce bon emploi, les ressources de la fabrique sont insuffisantes, c'est alors seulement que la commune, la province et le gouvernement, lui viennent en aide. Il me semble, messieurs, que cette manière d'agir offre toutes les garanties désirables pour la bonne distribution des deniers de l'Etat affectés au service du culte. Ces garanties, telles que nous les obtenons, me semblent bien plus efficaces qu'elles ne le seraient si l'on se bornait à exécuter littéralement les décrets de 1813 et de 1809.

Je passe, messieurs, aux différents détails dans lesquels l'honorable M. Lys est entré.

L'honorable membre a entretenu la chambre des bourses et demi-bourses créées par le décret de 1807 ; dans une séance précédente j'avais répondu à l'honorable M. Verhaegen que ces bourses étaient nominativement accordées aux individus qui en jouissent, et sur la quittance de ces individus ; j'ai dit pour quel motif il me semblait qu'il ne fallait pas publier au Moniteur (page 685) le nom des boursiers. J'agis à cet égard comme ont agi tous mes prédécesseurs, et comme agit encore M. le ministre de l'intérieur.

En effet, messieurs, au ministère de l'intérieur, pas plus qu'au ministère de la justice, on ne publie les noms des individus qui obtiennent des bourses, et le motif en est extrêmement simple ; je ne vois pas la moindre raison de publier dans les journaux, que tel ou tel jeune homme a obtenu une bourse ; ce serait en quelque sorte afficher l'état peu aisé de la famille du boursier.

Du reste, si la demande m'en avait été faite, je n'aurais pas hésité un seul instant à remettre à la section centrale l'état nominatif de tous les individus qui ont obtenu des bourses, et je suis encore prêt à le déposer sur le bureau si la discussion devait se prolonger.

Je passe, messieurs, à l'article des secrétariats. L'honorable M. Lys demande pourquoi l'on porte comme frais de secrétariat une somme de 4,200 fr., sans justification aucune. Il me semble, messieurs, que l'indication seule suffit pour justifier l'allocation ; on reconnaîtra sans doute que les évêques ont des frais de tournée et des frais de secrétariat à faire. Je ne parle pas ici du secrétaire lui-même, car j'ignore si dans les évêchés, à l'exception de celui de Namur, les évêques ont des secrétaires et si ce ne sont pas des chanoines qui en remplissent les fonctions.

La somme de 4,200 fr. est employée, par les évêques, aux dépenses reconnues par eux nécessaires pour leur secrétariat et leurs frais de tournée. Cette somme doit leur suffire, c'est un abonnement dont le chiffre n'a jamais été contredit, et qui est destiné à couvrir des frais de la même nature que ceux des parquets, des cours et tribunaux, et des fonctionnaires administratifs. Or, jusqu'à présent on n'a pas fait un grief aux procureurs du roi, aux procureurs généraux, aux gouverneurs et aux commissaires de district, des frais de cette nature qui leur sont alloués. Il me semble donc que cette observation de l'honorable M. Lys ne doit pas faire rejeter l'allocation demandée.

Mais, dit l'honorable membre, si les traitements ne sont pas déterminés d'une manière certaine, comment réglera-t-on la pension de ceux qui les reçoivent ?

Messieurs, lorsqu'il y a abonnement sans qu'un titulaire soit indiqué et porté sur les états comme recevant un traitement sur la somme allouée, il ne pourrait aucunement avoir droit à une pension. Ainsi, si les évêques s'abstiennent de nommer un secrétaire ou de le faire connaître au gouvernement, il y aura économie pour le trésor public.

L'honorable M. Lys me demande pour quel motif l'évêque de Namur a un secrétaire particulier. Il me sera facile de répondre à cette question. L'évêque de Namur, messieurs, a un secrétaire particulier depuis la réunion du Luxembourg au diocèse de Namur. Jadis la province du Luxembourg dépendait du diocèse de Metz, et ce n'est qu'en 1827 ou 1828, je pense, qu'elle a été adjointe au diocèse de Namur.

L'évêque de Namur ayant ainsi une juridiction beaucoup plus étendue, on a senti la nécessité de lui accorder un secrétaire particulier, et ce n'est même qu'en obtenant cette condition qu'il a consenti à cette époque à l'adjonction du Luxembourg à son diocèse.

Cette allocation se justifie, du reste, facilement ; l'étendue du diocèse de Malines n'est que de 611,034 hectares, tandis que celle du diocèse de Namur est de 807,888 ; le nombre des paroisses dans le diocèse de Malines est de 617, tandis que le nombre des paroisses dans le diocèse de Namur est de 757. Ainsi, cette différence dans l'étendue du diocèse et dans le nombre de cures justifie suffisamment l'allocation de 1,200 et quelques francs affectée au traitement d'un secrétaire pour l'évêque de Namur. Ce n'est pas, je le répète, une innovation ; cette allocation a toujours existé depuis 1830.

Je passe maintenant aux professeurs.

Le gouvernement alloue annuellement 8,000 francs pour les professeurs des grands séminaires ; l'honorable M. Lys semble croire que cette somme est accordée globalement à l'évêque. Il n'en est rien : les professeurs des grands séminaires sont payés sur états nominatifs, et dès lors le gouvernement peut s'assurer d'une manière précise si les 8,000 fr. sont réellement employés à leur destination.

L'honorable M. Lys a demandé comment le gouvernement avait pu remettre entre les mains des jésuites l'église de Ste-Catherine à Liège et la chapelle de St-Lambert à Verviers.

L'église de Ste-Catherine, à Liège, a été érigée en succursale, par arrêté du 11 juillet 1842 ; dès l'instant où une église est érigée en succursale, le gouvernement n'a qu'une chose à faire, composer le conseil de fabrique, de concert avec l'évêque. Depuis la création de la succursale, des réclamations se sont élevées, on a fait observer qu'il aurait été préférable de laisser l'église de Ste-Catherine constituée en chapelle ; l'on a dit que la population n'était pas assez considérable, pour qu'il y eût lieu de former une succursale de l'église de Ste-Catherine, et qu'il valait mieux la laisser dépendante de l'église de St-Denis.

A cet égard, une correspondance est engagée avec l'ordinaire du diocèse. S'il est reconnu par le gouvernement, de commun accord avec l'évêque, que l'arrêté du 11 juillet 1842 doit être rapporté, cet arrêté sera rapporté, et l'église de Ste-Catherine redeviendra une chapelle, comme elle l'était auparavant. S'il est reconnu, au contraire, que l'église doit continuer a être une succursale, toutes les prescriptions du décret de 1809 seront observées, le conseil de fabrique sera nommé et le desservant sera installé, conformément aux dispositions de ce décret.

Ce desservant sera-t-il un jésuite ou un rédemptoriste ? Je l'ignore et je ne m'en occupe pas. Je n'ai pas le droit de le demander ; il me suffira de savoir qu'un conseil de fabrique est régulièrement nommé et qu'un desservant est installé par l'évêque, pour que le traitement de desservant soit alloué.

Quant à la chapelle de St-Lambert à Verviers, je ne sais si elle est dotée d'un conseil de fabrique (interruption) ; dans une circulaire de 1834, émanée, si je ne me trompe, de l'honorable M. Rogier, a été émise l'opinion qu'il y avait lieu d'établir des conseils de fabrique même pour les chapelles ; il y a eu des difficultés à cet égard ; des personnes ont soutenu qu'il ne fallait pas de conseil de fabrique en ce cas ; d'autres ont soutenu le contraire. Je ne sais si dans la province de Liège, il y a des conseils de fabrique pour les chapelles.

M. Lys. - Messieurs, d'après M. le ministre de la justice, l'exécution des lois ne serait nécessaire que dans certaines circonstances. Il nous dit : « Je ne demande pas les comptes des séminaires ; il me suffit qu'on me fournisse le détail des biens, quand je le réclame ; je n'aurais besoin des comptes que quand ces établissements viendraient solliciter de nouveaux subsides sur les fonds de l'Etat. »

Mais, messieurs, c'est là fausser tout à fait le but de la loi : la loi a voulu que le gouvernement surveillât strictement les séminaires qui sont dotés et subsidiés, et qui jouissent de la personnification civile. Voilà précisément ce que M. le ministre ne fait pas. M. le ministre attendra que ces établissements viennent réclamer de nouveaux secours, pour réparer les pertes considérables qu'ils pourront avoir faites par suite du défaut de surveillance du gouvernement. Quand ce cas arrivera, les séminaires feront un nouvel appel à l'intervention pécuniaire de l'Etat, ils ne viendront pas dire que le déficit est la conséquence de leur mauvaise gestion, ils se borneront à établir leurs besoins, et l'on ne pourra se dispenser de leur allouer des subsides élevés.

M. le ministre de la justice persiste à ne pas vouloir faire connaître les motifs pour lesquels il n'a pas exécuté le décret de 1813. Je croyais lui avoir démontré qu'il ne s'agissait pas ici de nomination de ministres du culte ; je lui ai prouvé aussi, je pense, que le décret de 1813 lui attribuait le droit de nommer un trésorier pour l'administration des recettes et dépenses du séminaire. La Constitution ne s'oppose en aucune façon à l'exercice de ce droit ; elle a accordé beaucoup de liberté au clergé, mais elle n'a pas dit que la surveillance de l'Etat, établie par les lois, devait cesser. Je dois le dire, je ne sais en vertu de quel pouvoir M. le ministre de la justice s'abstient d'exécuter les lois et les décrets, si ce n'est pour se soumettre aux exigences du haut clergé.

Messieurs, je n'ai pas critiqué les articles du décret de 1809, concernant les fabriques d'églises ; j'ai seulement voulu comparer ces articles avec ceux du décret de 1813 ; j'ai dit que si M. le ministre de la justice, de sa pleine autorité, considérait comme supprimé le décret de 1813, il devait, par la même raison, considérer comme supprimé le décret de 1809 : le décret de 1809 a, pour les communes, le même effet que le décret de 1813 a pour le gouvernement.

Quand M. le ministre de la justice est arrivé aux frais de secrétariat des évêchés, il a dit qu'il ne s'agissait pas de donner un traitement aux secrétaires ; mais que celle allocation était destinée, entre autres, aux frais de correspondance de l'évêché.

Mais M. le ministre a oublié de dire que les évêques ne se bornent pas à l'allocation de 4,200 fr. pour leurs frais de bureau, mais qu'ils perçoivent encore sur chaque fabrique un revenu annuel de 2 pour cent...

Une voix. - En vertu de quelle loi ?

M. Lys. — Par leur seule volonté. Voilà de quoi faire un joli revenu.

On est convenu maintenant que l'église de Sainte-Catherine à Liège et la chapelle de Saint-Lambert à Verviers sont administrées par des jésuites...

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je n'en sais rien.

M. Lys. - Il est de notoriété publique qu'un couvent de jésuites est attaché à l'église de Sainte-Catherine et que cette église est desservie par eux.

On avait érigé l'église de Ste-Catherine en succursale, sans doute parce qu'on avait reconnu le besoin de cette succursale ; mais cette transformation n'a pas convenu aux jésuites, et parce qu'elle n'a pas convenu aux jésuites, on veut de nouveau faire de l'église une chapelle. Voilà ce que vous a dit en substance M. le ministre de la justice.

Ainsi, on aura reconnu la nécessité d'ériger une succursale, on l'aura fait décréter par arrêté royal ; l'évêque change d'avis, et l'exécution du décret royal reste suspendue !

Quant à moi, je persiste à soutenir que le gouvernement est obligé de veiller à l'exécution des lois et des décrets en vigueur ; que M. le ministre de la justice ne peut pas se dispenser de faire exécuter ces décrets. J'ai démontré que la Constitution ne s'opposait nullement à ce que ces lois et décrets furent exécutés ; que la séparation de l'Etat et de l'Eglise n'y était pas non plus obstative, et que dès lors, si M. le ministre de la justice laisse exécuter le décret de 1809, concernant les églises paroissiales, il doit, à.plus forte raison, laisser exécuter le décret de 1813. J'ai démontré que le trésorier d'une fabrique, soit d'église, soit de séminaire, est un simple administrateur dont les fonctions n'ont rien de commun avec les fonctions sacerdotales proprement dites ; dès lors, je persiste à croire que j'ai eu raison de soumettre à la chambre les observations que j'ai eu l'honneur de lui faire tout à l'heure.

Quant au secrétaire de l'évêché de Namur, M. le ministre n'a rien dit qui prouve la nécessité de donner à cet évêché, je ne dirai pas un secrétaire, car tous les évêchés en ont un ; mais je ne vois pas pourquoi l'évêque de Namur aurait 5,460 fr. pour frais de secrétariat, tandis que Liège et Gand se contentent de 4,200 fr. Cela a toujours été ainsi, dit M. le ministre ; cela veut dire, c'est un abus, il doit continuer à exister ; je dis, moi, que d'ici à peu de temps, les autres évêques diront ; « Namur reçoit le traitement d'un secrétaire, à plus forte raison pareil traitement nous est dû. »

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, l'honorable (page 686) M. Lys dit qu'on avait érigé, par l'arrêté royal du 11 juillet 1842, une succursale à Liège, et qu'on avait reconnu le besoin de cette succursale ; mais que cela n'avait pas plu aux jésuites, et qu'alors l'arrêté du 11 juillet 1842 est resté sans exécution. Je suis étonné de ce reproche ; le grief qu'on a articulé le plus souvent à charge du gouvernement, sur quelques bancs de cette chanilire, est d'avoir érigé trop de succursales.

M. Delfosse. - Reproche mérité !

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je ne pense pas que le reproche soit mérité, quoi qu'en dise M. Delfosse.

M. Lys. - Ce n'est pas vous, c'est le clergé qui a défait ce qui avait été fait.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - J'ai eu l'honneur de dire que rien n'est défait. Une succursale est créée ; s'ensuit-il qu'il faille la maintenir, alors qu'on jugerait qu'elle n'est pas nécessaire ?

M. Delfosse. - Il y a un arrêté royal ; on ne l'exécute pas ; pourquoi ?

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - J'ai déjà dit le motif pour lequel l'arrêté royal n'est pas encore exécuté. Quand il s'est agi de constituer un conseil de fabrique pour la succursale de Ste-Catherine, des observations ont été faites qui tendaient à établir que l'érection de cette église en succursale n'était pas nécessaire.

Je demande si, en présence de ces observations, je devais me borner, sans examen, à maintenir l'arrêté royal de 1842, et en provoquer l'exécution immédiate. Je ne le pense pas. Quand des observations sont faites sur un acte posé par moi ou mes prédécesseurs, mon devoir est d'examiner jusqu'à quel point ces observations sont fondées, et d'y faire droit, si elles paraissent fondées.

Voilà ce qui s'est fait ; des renseignements sont recueillis, non seulement auprès de l'évêque, mais encore auprès du gouverneur, pour avoir leur opinion sur la nécessité du maintien de la succursale.

Maintenant, quel grief peut-on articuler contre moi de ce chef ?

L'honorable membre semble croire que quand une succursale est établie, elle doit toujours subsister. Les tableaux que j'ai ici pourraient prouver le contraire.

On m'a donc fait un reproche immérité.

M. Delfosse. - Ce n'est pas pour celle-là, mais pour beaucoup d'autres.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - La succursale de Ste-Catherine avait donc un caractère tellement exceptionnel, et d'une utilité tellement évidente qu'elle échappait à toute critique.

M. Delfosse. - Je demande la parole.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Quant à la possibilité de créer ou de supprimer des succursales, il n'y a pas le moindre doute. Je ne vois pas dès lors pourquoi on n'examinerait pas si la succursale de Ste-Catherine doit être supprimée ou maintenue, comme on l'examine à l'égard d'autres succursales et des chapelles ; je ne vois ici aucune raison de différence. Ni les jésuites, ni les membres d'aucun ordre quelconque ne sont intervenus pour me décider à demander des renseignements sur la nécessité de la succursale dont s'agit ; mais ces renseignements étaient nécessaires, dès lors j'ai dû les prendre, et l'arrêté royal recevra son exécution si l'église de Ste-Catherine doit rester succursale.

M. Verhaegen. - Cet incident prouve une chose, c'est que souvent on nous donne des démentis à tort. C'est ainsi qu'à la dernière session, j'avais avancé un fait ; on m'a donné un démenti et cependant j'avais raison. Cet incident prouve que quand nous nous plaignions de ce qu'on érigeait inutilement des succursales, nous avions raison. Quelle est l'observation de M. Lys ? Il nous dit : « L'érection de l'église de Ste-Catherine en succursale, était tellement inutile que l'arrêté royal même n'a pas été exécuté.» De deux choses l'une ; ou l'érection de la succursale était utile ou elle était inutile. Si elle était utile, il fallait exécuter l'arrêté royal ; on ne provoque par des arrêtés royaux pour les laisser sans exécution. Mais la chose était tellement inutile qu'on n’a pas songé à exécuter l'arrêté royal, on n'a rien fait pour l'exécuter. Il fallait prendre des renseignements sur l'utilité de cette succursale avant de porter l'arrêté. Je n'adresse pas ce reproche à M. le ministre actuel, mais à ceux qui se sont occupés de cet objet ; il s'agit en un mot du gouvernement. Si l'érection était inutile il ne fallait pas porter d'arrêté royal, et quant aux renseignements qu'on va prendre, on aurait dû les prendre auparavant.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je n'étais pas ministre en 1842.

M. Verhaegen. - Vous condamnez donc votre prédécesseur M. Van Volxem.

Cependant on le justifiait l'année dernière, on montrait du mécontentement sur certains bancs, quand je faisais ces observations. Il en est arrivé de celles-là comme de beaucoup d'autres ; quand un abus est signalé, on montre de l'impatience, du mécontentement, et l'année suivante on est obligé de reconnaître que nous avions raison. Cela n'empêche pas de nous présenter toujours comme des hommes voulant empêcher l'exécution de choses utiles sauf à se voir obligé plus tard de reconnaître que nos observations étaient fondées.

Voulez-vous connaître toute ma pensée ? On a érigé l'église de Ste-Catherine en succursale ; et on aurait exécuté l’arrêté royal sans les observations que nous avons faites et si on avait pu en laisser la jouissance au couvent qui est à côté.

Ne pouvant pas lui laisser la succursale, l'église étant indispensable aux jésuites, on a dit : Mieux vaut la leur donner comme chapelle que de les en priver en en faisant une succursale.

La tentative n'a pas reçu d'exécution, à cause des observations que nous avons faites. Si maintenant on n'exécute pas l'arrêté, si on revient sur ses pas, c'est qu'il n'y avait pas nécessité de faire cette érection.

Je ne sais vraiment de quelle manière on se conduit relativement à la royauté. On fait porter des arrêtés royaux et on les laisse là sans les exécuter ; ce n'est pas montrer beaucoup de respect pour les arrêtés royaux.

M. Delfosse. - Messieurs, un de nos honorables collègues, qui siège à droite, nous disait, dans la dernière séance : « Ne nous mêlons pas de théologie, ne nous érigeons pas en concile, occupons-nous plutôt de donner du pain et des pommes de terre aux classes pauvres. »

Je prends cet honorable collègue au mot, j'entre tout à fait dans ses vues et je vais lui indiquer, à lui et à ses amis, un moyen bien simple de donner du pain et des pommes de terre aux classes pauvres.

Appliquons aux dépenses du culte catholique la règle que nous avons suivie pour des dépenses d'une autre nature, rejetons l'augmentation de 60,000 fr. qui nous est demandée, nous trouverons dans cette économie, jointe à celles que nous avons déjà faites et que nous ferons probablement encore, de quoi soulager bien des misères.

Je ne conçois pas que, dans un moment où la misère est si grande, M. le ministre de la justice veuille accroître la dotation déjà fort élevée du clergé catholique ; une telle proposition, faite dans un moment aussi peu opportun, ne peut qu'accréditer de plus en plus cette idée que j'ai signalée dans la discussion politique de l'adresse, comme ayant jeté de profondes racines dans le pays, que le clergé obtient tout ce qu'il veut, que le gouvernement n'a le courage de lui résister en rien.

Nous devions, du reste, nous attendre à ce qui arrive. M. le ministre de la justice ne laisse pas passer une année sans nous proposer des augmentations pour le culte catholique ; l'année dernière, c'était pour le matériel ; cette année, c'est pour le personnel ; 173 séminaristes ont achevé leurs études, il faut les placer.

Lorsqu'un avocat ou un médecin a achevé ses études, le gouvernement ne leur procure ni plaideurs ni malades ; si les plaideurs et les malades ne se présentent pas d'eux-mêmes, l'avocat et le médecin se tirent d'affaire comme ils peuvent. Mais pour le théologien, c'est différent ; c'est un être privilégié, aux besoins duquel l'Etat doit pourvoir en tout temps.

On pourrait peut-être placer ces 173 séminaristes, sans accroître les charges de l'Etat ; il n'y aurait qu'a prendre quelques mesures contre le cumul de diverses fonctions ecclésiastiques. Il paraît qu'il y a des prêtres qui n'ont pas moins de trois fonctions salariées.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Lesquelles ?

M. Delfosse. - Il y a des prêtres qui sont à la fois curés ou desservants, aumôniers et inspecteurs des écoles primaires ; c'est là un abus qu'il faudrait faire cesser. Mais M. le ministre de la justice s'en gardera bien ; qui sait même s'il osera se permettre la plus légère observation sur ce point ? Il vaut bien mieux grever le budget de 173 traitements nouveaux que de déplaire le moins du monde à messieurs du haut clergé.

On me dira probablement que ces 173 séminaristes viennent prendre des places déjà créées, qui auraient été desservies plus tôt, s'il y avait eu un nombre suffisant de prêtres.

Cela est vrai, les places ont été créées, mais l'ont-elles été parce qu'elles étaient nécessaires au culte, ou bien parce que l'on se préoccupait de l'avenir des séminaristes ? Quand je pense au grand nombre de succursales qui ont été érigées en 1842, quelques-unes dans des communes d'une population extrêmement faible, il y a de ces communes qui ne comptent guère plus de 100 habitants, d'autres dans des communes qui étaient pourvues d'un nombre d'églises plus que suffisant, et je ne parle pas ici de ce qui s'est passé à Liège au sujet de Sainte-Catherine, je parle de ce qui s'est passé dans des communes rurales, par exemple, à Battices, à Sprimont, etc., je ne puis m'empêcher de dire qu'on a créé des places en vue des personnes qui se destinaient au culte, bien plutôt qu'en vue du culte lui-même. La Belgique n'est ici qu'un prétexte, l'intérêt personnel, l'intérêt de caste est le vrai mobile.

Depuis 1842 on a encore érigé d'autres succursales, et c'est là une des causes, la cause principale de l'augmentation qui nous est demandée. Je veux croire que ces nouvelles succursales sont utiles, plus utiles que la plupart de celles qui ont été érigées en 1842. Mais lorsque les évêques sont venus proposer l'érection de ces nouvelles succursales, M. le ministre de la justice, s'il avait eu à cœur les intérêts du trésor, aurait dù leur dire : « Je reconnais qu'il convient, qu'il peut être utile d'ériger ces succursales, mais pour ne pas trop aggraver les charges de l'Etat, supprimons quelques-unes de celles qui ont été créées en 1842 et qui ne sont pas du tout utiles. » Voilà le langage que M. le ministre de la justice aurait dù tenir, s'il avait eu à cœur les intérêts du trésor.

Je voterai cette année contre l'augmentation qui est demandée pour le personnel, comme j'ai voté l'année dernière contre l'augmentation qui était demandée pour le matériel. Je veux pourvoir convenablement, amplement même, à tous les besoins du culte ; mais je repousse les abus partout où j en trouve, ceux qui se couvrent du manteau de la religion, comme les autres.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - L’honorable M. Delfosse et l'honorable M. Verhaegen viennent de dire qu'ils voteraient contre la demande d'augmentation de 60 mille fr. que j'ai faite pour le culte catholique. Si cette augmentation n’est pas votée, il en résultera que des places nombreuses ne pourront pas être occupées, il en résultera qu'il ne sera pas satisfait aux besoins du culte, qu'il y aura des communes, et des communes en grand nombre, qui n'auront ni desservant, ni chapelain, ni vicaire.

M. Rogier. - Pourquoi les tableaux n'ont-ils pas été produits ?

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Ils ont été communiqués à la section centrale.

(page 687) M. Rogier. - Ce devrait être imprimé.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Les ministres n'ont pas l'habitude de faire imprimer les pièces qu'ils communiquent à la chambre. La section centrale pouvait les faire imprimer ; si elle ne l'a pas fait, on ne peut en fairt un reproche au ministère.

Les pièces sont là ; on peut les consulter.

Les besoins du culte exigeaient impérieusement les créations nouvelles. Je n'ai consenti aux créations que quand la nécessité en était évidemment démontrée, je me suis restreint dans les plus étroites limites.

Je ne pense pas. que ni l'honorable M. Delfosse, ni aucun membre de cette chambre puisse indiquer une commune n'ayant pas cent habitants et où l'on ait érigé une succursale. (Dénégation de la part de M. Delfosse). Il est possible que cela se soit fait avant mon entrée au ministère. Du moment que l'honorable M. Delfosse l'affirme, cela me suffit ; mais il est bien certain au moins que depuis 1843 aucune succursale n'a été créée, à moins de besoins réels et bien constatés.

Des succursales ont été créées, comme le veut la loi de l'an X, alors qu'il y avait accord entre l’évêque et le gouverneur.

Avant d'émettre une opinion favorable à la création de la succursale nouvelle, le gouverneur examine tous les motifs qui peuvent nécessiter cette création : 1° population de la commune ; 2° habitations plus ou moins disséminées ; 3° difficultés de communications, etc.

Sauf dans le Luxembourg, et dans un très petit nombre de communes de la province de Liège, où la population est très disséminée, je n'ai créé de vicariats que dans les succursales où il y avait 1200 habitants, c'est une proportion qui a été régulièrement observée.

L'honorable M. Verhaegen dit que la discussion qui a lieu maintenant est la justification de ce qu'il a dit l'année dernière et les années précédentes, au sujet de la création de succursales en 1842.

La chambre se rappellera que, la première fois que j'ai eu l'honneur de prendre la parole pour la discussion de mon budget, il m'a été impossible de justifier toutes les spécialités de l'arrêté de 1842 pris sur la proposition de mon honorable prédécesseur. Mais, lorsqu'il s'est agi depuis de créer des succursales nouvelles, j'ai suivi l'avis émis aujourd'hui par l'honorable M. Delfosse, j'ai demandé un tableau général de manière à connaître tous les besoins des populations catholiques ; j'ai demandé aux évêques et aux gouverneurs non seulement quelles étaient les succursales à créer, mais aussi celles qu'on pouvait supprimer.

M. Delfosse. - En a-t-on supprimé ?

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je vous demande pardon ; on a supprimé des succursales et un grand nombre de chapelles.

M. Delfosse. - Combien ?

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je n'ai pas le nombre présent à la mémoire ; je pourrai le dire demain.

Des chapelles en très grand nombre ont été érigées en succursales...

M. Delfosse. - Mettez-vous ces chapelles-là au nombre de celles qui ont été supprimées ?

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Certainement. En effet, cette suppression n'est pas indispensable pour la création de succursales ; ne peut-il pas arriver, en effet, de maintenir la chapelle et d'ériger une succursale dans un hameau voisin ?

L'honorable M. Delfosse me dit : » Vous avez créé des succursales, des chapelles et des places de vicaires, uniquement parce qu'il y avait 173 séminaristes à placer. »

Nous sommes encore bien loin du moment où il faudra créer des places pour des séminaristes, nous devons au contraire désirer voir augmenter le nombre de prêtres pour pourvoir les places de titulaires effectifs.

M. Delfosse. — Je le crois bien, on les crée d'avance.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - C'est un argument très facile ; mais quand on a créé des places, on ne savait pas qu'au dernier semestre 1843 il y aurait eu 173 séminaristes à placer. En créant des places on n'a fait attention qu'aux besoins des populations catholiques.

C'est sur ce terrain que je voudrais appeler mon adversaire. Il faudrait qu'il établît que les places ne sont pas nécessaires ; or, je ne pense pas qu'il parvienne à faire cette preuve, à moins de récuser le témoignage des conseils communaux, des évêques, des gouverneurs. Or, il est impossible au gouvernement de s'en rapporter à d'autres témoignages que ceux-là.

M. Delfosse. - On n'a pas toujours suivi les avis des conseils communaux.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Presque toujours.

M. Delfosse. - Je parle de 1842.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - La chambre n'attend pas de moi, assurément, que je justifie tous les actes posés en 1842, pas plus que ceux posés en 1840 ou années antérieures. Je dis que depuis 1843 que je suis au ministère, j'ai observé les proportions que j'ai indiquées tantôt ; et, pour les créations nouvelles, je me suis uniquement déterminé par les besoins du culte des populations catholiques.

Si en 1842 on a créé des succursales inutiles, qu'on me les signale, je ferai faire une instruction nouvelle, et si leur inutilité est démontrée, d'accord avec le chef diocésain, j'en provoquerai la suppression.

Enfin, l'honorable M. Delfosse a parlé de cumul ; il a cité des ecclésiastiques qui remplissent à la fois diverses fonctions. Cela est vrai ; mais je suis loin de reconnaître que ce soit illégal.

M. Delfosse. - Je n'ai pas prononcé le mot illégal ; je n'ai pas examiné cette question ; j'ai dit que ces ecclésiastiques prenaient la place d'autres.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Fort bien ; je me bornerai en ce cas à une observation concluante. Dans l'administration des prisons, nous avons des aumôniers qui sont en même temps desservants ou vicaires ; ils reçoivent alors une indemnité de 150 ou 200 fr., au lieu d'un traitement de 1,000 ou 1,200 fr. qu'ils recevraient s'ils se consacraient exclusivement au service religieux de la prison, ce qui serait assurément préférable dans l'intérêt des prisons.

M. Delfosse. - Et les aumôniers de régiment !

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - C'est la même chose ; les aumôniers de régiment, qui sont en même temps desservants, reçoivent une modique indemnité, tandis qu'ils devraient recevoir un traitement beaucoup plus élevé s'ils étaient exclusivement aumôniers de régiment.

Mon collègue de la guerre et moi, avons donc agi dans l'intérêt du trésor ; nous ne pouvons encourir de ce chef aucun reproche de la part de la chambre.

- La discussion est continuée à demain ; la séance est levée à 4 heures trois quarts.