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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 22 novembre 1845
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet d’adresse en réponse
au discours du trône.
a) Discussion politique générale,
question de confiance gouvernement, appel à l’unionisme et question des partis,
formation du nouveau gouvernement (de Muelenaere, Delfosse, de Renesse,
(+prérogative du Roi en matière de dissolution des chambres, acquisition de la
British-Queen) Dumortier, (+indépendance des
députés-fonctionnaires, acquisition de la Britsh-Queen) Van
de Weyer, de Theux, Fallon, Dumortier, Van de Weyer, de La Coste)
b) Discussion des paragraphes.
Octrois communaux (de La Coste), traité commercial avec
les Etats-Unis (Osy, Dechamps, Osy, Delehaye, de
Theux), droits sur les céréales (Osy, Malou),
situation agricole (récolte des pommes de terre) et situation de la classe ouvrière
(Lys, de Theux, d’Hoffschmidt, Dumortier, Malou, Desmet, Osy,
de Theux, de Brouckere, Mast de Vries, Osy), exposition industrielle
(Osy, Van de Weyer, Dumortier), enseignement universitaire, moyen et primaire
(Devaux, Dedecker, Van de Weyer, de Theux, Rogier, Delfosse, Dechamps, de La Coste, Rogier), comptabilité de l’Etat (Osy, Malou), concessions des chemins de fer (Osy,
d’Hoffschmidt), notamment de Tournay à Jurbise (Dumortier, d’Hoffschmidt, Savart, Dolez, d’Hoffschmidt, Sigart), confiance
à accorder au gouvernement (Verhaegen, de Baillet, Jonet, Pirson)
3) Fixation de l’ordre des travaux
de la chambre. Traitements d’attente et toelagen (Malou, Osy, de La Coste), code pénal (attentats
aux mœurs) (d’Anethan)
(Annales
parlementaires de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 85) M. de Villegas fait l'appel nominal à dix heures
et un quart.
M. de Man d’Attenrode donne lecture du
procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est adoptée.
M. de Villegas présente
l'analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Plusieurs habitants de Wavre demandent la réforme postale basée sur
le taxe uniforme de 10 centimes. »
« Même demande de plusieurs habitants de Dison. »
« Les sieurs Magherman, Declerck et autres membres du comité industriel de
Renaix, demandent un droit de sortie sur les lins et des primes d'exportation
pour les toiles. »
- Renvoi à la commission d'industrie.
PROJET D’ADRESSE EN REPONSE AU DISCOURS DU TRONE
Discussion générale
(page 86) M. le président. - La parole est à M. de Muelenaere, membre du
cabinet.
M. de Muelenaere, ministre d’Etat. - Messieurs, je comprends toute l'impatience de la chambre de voir se
terminer cette longue discussion. Aussi, je n'abuserai pas de votre
bienveillance. Je me bornerai à vous soumettre quelques observations, et je
tâcherai de les rendre aussi courtes que possible. Malgré tout ce que j'ai
entendu depuis cinq jours, je persiste à croire, messieurs, que le cabinet, dès
le début de cette discussion, a pris une attitude convenable et digne.
S'il avait été moins préoccupé des véritables intérêts du pays, s'il n'avait
eu en vue que son existence ministérielle, le cabinet aurait pu se déclarer
satisfait et adopter l’adresse telle qu'elle vous a été présentée. Mais il faut
en convenir, sa position eût été moins honorable, et cette conduite l'aurait
exposé tôt ou tard à des reproches fondés.
Le ministère a voulu éviter toute espèce d'équivoque dans l'avenir ; et quelles
que soient les dispositions dans lesquelles on se trouve vis-à-vis du cabinet,
je pense que les hommes de toutes les opinions doivent lui savoir gré de
dessiner nettement sa position et de vous mettre à même de vous prononcer immédiatement
avec franchise et loyauté.
Veuillez, messieurs, fixer un instant votre attention sur les événements
qui se sont passés en 1841. A cette époque des hommes sages, des hommes sérieux
et réfléchis croyaient que l'opposition n'avait pas le droit de juger un ministère
d'après l'esprit qui avait présidé à sa formation ; ils croyaient, à cette
époque, que l'opposition n'avait pas le droit de juger un ministère d'après ses
tendances et ses opinions, aussi longtemps que ces opinions n'avaient pas été
mises en pratique ou formulées dans les actes.
Eh bien, que voyons-nous aujourd'hui ? Un cabinet nouveau se forme ; fort
de ses intentions, ce cabinet, dès les premiers pas qu'il fait dans la carrière,
vient vous demander si vous approuvez le principe de sa formation, si les
éléments dont ce cabinet se compose méritent votre approbation, votre confiance.
Le but du ministère, messieurs, c'est la conciliation, la transaction entre
les deux grandes opinions qui divisent les chambres et le pays. Cette conciliation,
vous la voulez tous ; elle est, dit-on, au fond de tous les cœurs, au fond de
toutes les pensées. Eh bien, le ministère vous déclare qu'il est fermement
résolu à essayer cette conciliation, cette transaction entre les opinions, et à
la faire passer dans tous les actes de son administration. Vous avez donc à
vous prononcer sur le principe qui a présidé à la formation du cabinet et sur
les éléments dont ce cabinet se compose.
Un honorable membre qui occupe une large place dans les rangs de l'opposition,
vous a dit qu'il accorderait une grande confiance, je me sers de ses
expressions, qu'il accorderait une grande confiance à M. le ministre de l'intérieur,
si M. le ministre de l'intérieur d'aujourd'hui pouvait dire, comme M. le
ministre de l'intérieur de l'année dernière : « Le ministère, c'est moi. »
D'abord, messieurs, quelles que soient les antipathies politiques que l'on puisse
avoir contre M. le ministre de l'intérieur de l'année dernière, je crois que
tout le monde sera d'accord que l'honorable M. Nothomb avait trop de sens et
une trop haute raison pour vouloir ainsi parodier les paroles du grand Roi. J'ose
d'ailleurs espérer, messieurs, pour l'honneur de mon pays, que jamais un ministre
en Belgique ne pourra tenir un tel langage, et que celui qui aurait la ridicule
prétention de résumer en lui seul tout un cabinet, ne trouverait pas de
collègues qui voulussent s'associer à lui et subir un pareil joug. Loin de moi
cependant la pensée de vouloir, par ces paroles, atténuer la position que le
talent et les services rendus au pays par l'honorable M. Van de Weyer, lui assurent
dans les conseils de la Couronne.
M. Van de Weyer exercera dans ces conseils une autorité grande, une autorité
légitime ; et puisqu'à tout prix on veut établir une comparaison, je n'hésite
pas à dire qu'à mon avis l'influence de M. Van de Weyer dans le ministère ne
sera ni moins grande, ni moins forte, ni moins influente que celle de M.
Nothomb lui-même. Messieurs, c'est précisément cette position de l'honorable M.
Van de Weyer dans le cabinet, qui le met à même de stipuler utilement,
efficacement les intérêts de l'opinion libérale, et cette opinion ne me semble
avoir aucun motif pour s'alarmer de la composition du cabinet dans lequel se
trouve un homme que les libéraux déclarent eux-mêmes libéral, à qui quelques-uns
même supposent des opinions très avancées. Mais, comme l'a dit l'honorable M.
Van de Weyer, si vous croyez que sa position n'est pas encore assez forte dans
le cabinet, le meilleur moyen de la fortifier, c'est de lui venir en aide, de
lui prêter votre secours. Il me semble juste que le représentant reconnu et
avoué de l'opinion libérale dans le cabinet puisse compter sur le concours des
voix libérales dans le parlement.
C'est ainsi, messieurs, que le vœu d'un honorable député qui a parlé dans
la séance d'hier, serait rempli. C'est par cette conduite sage, prudente et
gouvernementale, que l'opposition, comme l'a désiré l'honorable député de Mons,
accomplirait ses progrès par des voies ordinaires et par le jeu régulier de nos
institutions. Mais, me dit-on, pourquoi M. le ministre de l'intérieur, le
représentant de l'opinion libérale dans le cabinet, s'est-il donc associé des
hommes qui appartiennent à une opinion que nous combattons dans cette enceinte
? La raison en est toute simple, c'est une conséquence toute logique du
libéralisme de M. le ministre de l'intérieur.
M. le ministre de l'intérieur se déclare franchement de l'opinion libérale.
Il appartient à cette opinion d'ancienne date ; il ne renie aucun de ses
principes, aucun de ses antécédents ; il veut les faire prévaloir, dit-il, dans
le cabinet ; c'est là le motif de son entrée dans le ministère. Mais, d'un autre
côté, par une conséquence logique d'un libéralisme éclairé, M. le ministre de
l'intérieur ne veut proscrire aucune opinion, il croit que la conciliation, la transaction est possible. C'est le but de
sa mission, et il ne croit pas que la conciliation qu'il veut faire passer dans
les faits et dans les actes soit impraticable entre les hommes raisonnables des
deux opinions.
Le gouvernement, comme l'a dit dans une autre enceinte M. le ministre de
l'intérieur, le gouvernement n'est d'aucun parti. Le gouvernement doit une justice
impartiale à tous les partis quels qu'ils soient ; mais il faut qu'il se place,
lui, au-dessus de tous les partis ; il faut qu'à l'occasion il puisse les
contenir tous dans de justes, dans de légitimes limites. Dès lors, il me semble
tout naturel que M. le ministre de l'intérieur, avec ses idées libérales, mais
avec ses idées libérales si éclairées, n'ait pas voulu de composition
exclusive, qu'il n'ait voulu la proscription d'aucune opinion, mais qu'il ait
recherché, même dans les personnes, la transaction, la conciliation.
Cette tentative de transaction, de conciliation produira-t-elle des résultats
utiles et durables ? Il m'est difficile, messieurs, de répondre à une pareille
question. Je désire de tout mon cœur qu'il en soit ainsi, mais il ne suffit pas
que l'on veuille faire le bien, il ne suffit pas qu'un homme veuille la
transaction et la conciliation ; il faut encore que ceux à qui on veut faire le
bien soient disposés à l'accepter. La paix n'est possible qu'autant que les deux
parties belligérantes la désirent à des conditions acceptables.
Eh bien, je n'hésite pas à dire que si les opinions libérale et
catholique veulent sincèrement une transaction, une conciliation, le moment de l'opérer
me semble très opportun ; de part et d'autre, cette conciliation peut être
sincère, honorable ; elle peut porter pour le pays les plus heureux fruits. Je
vois un honorable membre, dont je respecte beaucoup les opinions, me faire un
signe négatif. Il croit probablement (d'ailleurs, il l'a dit en toute
franchise) qu'un ministère mixte, un ministère composé d'éléments pris dans les
deux grandes fractions de la chambre, est incapable d'opérer cette réunion que
nous avons en vue entre l'opinion libérale et l'opinion catholique. L’honorable
membre a une prédilection plus ou moins prononcée pour un ministère composé
d'éléments pris dans une seule fraction de la chambre.
Eh bien, je pense qu'il est impossible (je l'avoue franchement) de faire
accepter de pareilles conditions par une opinion quelconque. Une opinion qui se
sent un peu d'avenir et de force, ne consent jamais à se laisser humilier. Je conçois
qu'on impose de pareilles conditions à une opinion, mais il faut préalablement
que cette opinion soit vaincue, et vaincue à tel point qu'il y ait
impossibilité pour elle-de se relever de sa défaite. Dans ce cas, cette opinion
subit ces conditions ; mais elle ne les accepte pas, et elle en appelle au
lendemain.
S'il y avait en dehors de cette chambre (car il y a des exigences dans toutes
les opinions) des hommes qui aimeraient mieux le triomphe de leur opinion que
le bien du pays, ceux-là devraient être de l'avis de l'honorable membre, qui
veut une composition exclusive. Ces hommes trouveraient peut-être dans cette
composition, sinon des motifs réels, tout au moins des prétextes pour présenter
cette opinion comme humiliée, comme opprimée, comme asservie.
Oh ! c'est alors que cette opinion catholique, qu'on calomnia en vain et
qui a de profondes racines dans le pays, se retremperait d'une manière vigoureuse
! C'est alors qu'en peu de temps vous la verriez arriver dans cette enceinte la
tête haute et fière ; c'est alors que vous la verriez entrer ici triomphante,
mais malheureusement peut-être exclusive à son tour. C'est là le danger que
nous voulons conjurer. C'est le danger que nous avons prévu. C'est pour
l'éviter que l'honorable ministre de l'intérieur, franchement libéral, mais
d'un libéralisme éclairé, vient se joindre à nous pour assurer le bonheur el la
tranquillité du pays.
Je ne prolongerai pas les observations que je
voulais présenter à la chambre. J'en ai dit assez pour vous convaincre que la ligne
de conduite que se propose de tenir le cabinet sera une conduite d'impartialité
la plus large envers toutes les opinions du pays.
Sans nous exagérer ce qui se passe au dehors, nous croyons qu'il faut tenir
compte à l'opinion libérale des progrès qu'elle a faits en Belgique. Mais il
faut que cette opinion soit assez sage, assez gouvernementale pour ne demander
que ce qu'un gouvernement peut légitimement lui accorder. Il ne faut pas
qu'elle exige, qu'elle fasse rien qui puisse paraître hostile à l'opinion qu'elle
a combattue jusqu'à présent.
Vous connaissez, messieurs, le but que le cabinet se propose : il ne peut
l'atteindre qu'avec le concours loyal et franc des chambres législatives.
M.
Delfosse. - J'ai demandé la parole
pour adresser une courte réponse à M. le ministre de la justice, qui m'a fait
l'honneur de s'occuper de moi.
M. le ministre de la justice s'est plaint de ce que j'avais fait peser sur
lui seul et sur M. le ministre des affaires étrangères la responsabilité des
actes du précédent cabinet. J'aurais dû, selon lui, associer à cette responsabilité
M. le ministre de la guerre et l'honorable comte de Muelenaere.
Je ne ferai pas ressortir tout ce que cette réclamation a de peu bienveillant
pour les deux collègues de M. le ministre de la justice. Je me bornerai à lui
répondre que si je n'ai pas parlé de M. le ministre de la guerre, c'est que
j'ai toujours considéré, el je considère encore l'honorable général du Pont comme
un homme en dehors de la politique, comme un homme spécial, qui se renferme sagement
dans les attributions du département qui lui est confié.
Quant à l'honorable comte de Muelenaere, je le voyais si rarement assis au
banc des ministres ; il avait jusqu'à ce jour pris une part si mince à nos débats,
même à ceux qui pouvaient paraître compromettants pour le (page 87) ministère, que j'avais presque oublié qu'il eût fait sous
le cabinet précédent, et qu'il fît encore sous celui-ci, partie du conseil des
ministres.
Du reste, si l'honorable comte de Muelenaere veut prendre sa part des reproches
que j'ai adressés au précédent cabinet, ce n'est pas moi qui l'en empêcherai.
L'honorable comte de Muelenaere vient de nous faire entendre de belles paroles,
des paroles de conciliation ; mais n'en avait-il pas fait entendre d'autres
belles, .en d'autres circonstances ? Comment les actes ont-ils répondu aux
paroles ? Que l'honorable comte de Muelenaere nous le dise ! N'est-ce pas après
avoir fait entendre de telles paroles qu'on nous a ravi des libertés qui nous
étaient chères, auxquelles nous tenions ?
On nous parle de conciliation. On nous demande de déposer les armes. Mais
que nous offre-ton pour cela ? Quelles concessions veut-on nous faire ? Quelles
libertés ravies veut-on nous rendre ? Tant qu'on ne nous l'aura pas dit, il
nous sera impossible de croire à la sincérité des paroles !
M. le ministre de la justice a paru affecté de ce que j'ai supposé que le
ministère serait réduit à mendier les voix de la droite. Je ne m'attendais pas,
je l'avoue, a tant de susceptibilité de la part de M. le ministre de la
justice. Quand on s'est montré aussi humble qu'il l'a été dans l'affaire du
jury d'examen ; quand on a consenti comme lui à passer sous les fourches
caudines de la majorité, on devrait accepter sans réclamation l'expression que
j'ai employée et même des expressions plus fortes.
Mais, dit M. le ministre de la justice, nous prenons aujourd'hui une
position bien plus digne ; nous sollicitons ouvertement, franchement un vote de
confiance, nous en taisons une question de cabinet.
Je vous en prie, M. le ministre de la justice, ne levez pas la tête si haut.
Vous avez posé une question de cabinet, oui sans doute ; mais avant de la poser,
n'auriez-vous pas par hasard compté les voix !
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je n'en sais pas encore le compte.
M. Delfosse. - Ne sauriez-vous pas d'avance dans quel sens
elle sera résolue ?
J'ai vu, dans je ne sais quelle pièce de théâtre, certain personnage trembler
comme une feuille en présence du danger ; puis, quand il était bien certain que
le danger avait disparu, faire le brave, et même tirer l'épée.
M. le ministre de la justice m'a accusé d'avoir émis une doctrine en quelque
sorte inconstitutionnelle, en déniant à mes collègues de Louvain, d'Ypres et de
Bastogne des droits qui appartiendraient à ceux de Liège, de Bruxelles et
d'Anvers.
Je n'ai pas, messieurs, dit un mot de cela. Je suis le premier à reconnaître
que, dans cette enceinte, nous sommes tous égaux ; nous y avons tous les mêmes
droits ; nous y représentons tous la nation au même titre.
Mais est-ce à dire qu'une démonstration électorale à Bruxelles, obtenue surtout
en dépit de toutes les influences du pouvoir, n'aurait pas plus d'importance,
n'exercerait pas sur le pays une influence plus forte qu'une démonstration
électorale à Bastogne ? Ce n'est pas sérieusement, sans doute, que M. le
ministre de la justice voudrait attacher la même portée à ces deux faits.
Mais, nous dit M. le ministre de la justice, si j'ai eu pour moi les influences
du pouvoir, vos amis ont eu pour eux d'autres influences. Oui, sans doute ; ils
ont eu l'influence de leur parti ; mais n'avez-vous pas eu aussi les influences
du vôtre ? Vous avez eu en outre celle du pouvoir ; et vous en connaissez la
valeur.
Dites-le franchement, M. le ministre, si le Roi ne vous avait fait l'honneur
de vous appeler dans ses conseils, croyez-vous que les électeurs de Louvain
vous auraient appelé à siéger dans cette chambre ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Cela prouve la confiance qu'on a dans le Roi.
M. Delfosse. - Permettez, ne mettons pas le Roi en cause.
La confiance du Roi pourrait être partout, alors que la confiance dans le
ministère ne serait nulle part.
M. le ministre des finances
(M. Malou). - Nous l'allons voir tout à l'heure.
M. Delfosse. - L'observation de M. le ministre des finances
me prouve que le ministère est sûr d'avance de la majorité. C'est ce que je
disais tantôt à M. le ministre de la justice.
Il me reste, messieurs, pour compléter ma réponse à M. le ministre de la
justice, à parler des poursuites qui ont été dirigées contre un de nos honorables
collègues.
Le journal l'Observateur avait
publié un article dans lequel on accusait certaines personnes exerçant des fonctions
dans l'un des hospices de Bruxelles, d'avoir poussé le zèle religieux trop
loin.
Il n'y avait rien dans cet article qui fût de nature à porter atteinte à
l'honneur de personne. Si les faits étaient inexacts, on pouvait les réfuter dans
un article que le journal aurait également publié.
Cependant, le conseil général des hospices n'a pas cru devoir suivre cette
marche qui semblait naturelle ; il a préféré porter une plainte en calomnie. Je
ne l'en blâme pas ; il a use de son droit.
L'éditeur du journal, appelé en justice, refusa de faire connaître l'auteur
et déclara en assumer toute la responsabilité.
Cette déclaration devait suffire ; car l'éditeur du journal était un homme
connu, solvable. On aurait dû se borner à diriger des poursuites contre lui, et
je suis convaincu que les auteurs de la plainte s'en seraient contentés.
Mais le parquet ne l'entendait pas ainsi. Il eut recours à des mesures qui
ne sont guère employées que lorsqu'il s'agit de délits plus graves. Une visite
domiciliaire eut lieu dans les bureaux de l’Observateur,
et peu de temps après, l'un de nos honorables collègues dont le mandat allait
expirer, qui devait bientôt comparaître devant le collège électoral, fut
impliqué dans les poursuites, comme auteur présumé de l'article.
La chambre du conseil, appelée à délibérer sur cette affaire, déclara qu'il
n'y avait pas lieu à suivre. Cela pouvait être fâcheux pour le ministère. Notre
honorable collègue allait comparaître devant le collège électoral tout à fait
pur de l'accusation qui avait été portée contre lui.
Cette décision de la chambre du conseil avait été prise un jour à trois heures
de l'après-dîner, et le lendemain, à onze heures du matin, la chambre des mises
en accusation, brusquement saisie de l'affaire par le procureur général, annula
la décision de la chambre du conseil et renvoya notre honorable collègue devant
la cour d'assises, sans qu'il eût même été appelé à faire valoir ses moyens de
défense.
Le jour des élections était proche ; notre honorable collègue, au lieu de
se présenter devant les électeurs avec une décision favorable, devait
comparaître devant eux sous le poids d'un arrêt qui le renvoyait devant la cour
d'assises. Il faut convenir que cela servait à merveille les vues du ministère
qui combattait à outrance la réélection de notre honorable collègue.
La précipitation inouïe que l'on a mise dans cette affaire, le zèle étrange
que l'on a déployé, produisirent dans le public la sensation la plus pénible.
Chacun crut y voir une tactique électorale digne des plus mauvais temps de la
restauration française.
Le chef du parquet a-t-il agi de lui-même ou par suite d'ordres qu'il aurait
reçus ? Il me paraît impossible que ce magistrat, qui doit avoir des rapports
fréquents avec M. le ministre de la justice, ne l'ait pas au moins consulté sur
cette affaire. Il me paraît impossible que M. le ministre de la justice n'en
ait pas eu connaissance et ne s'en soit pas préoccupé. Quoi qu'il en soit, je
n'ai rien affirmé sur ce point. J'ai dit que M. le ministre de la justice avait
permis, ordonné peut-être. Qu'il ait permis, c'est ce qui ne peut faire l'objet
d'un doute ; car il n'a ni empêché ni blâme. A-t-il ordonné ? C'est ce qui est
probable, mais c'est ce dont je ne suis pas certain.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - C'est ce que je nie formellement.
M. Delfosse. - Si vous le niez, je dois vous croire ; mais
les apparences sont contre vous.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Il ne faut jamais juger sur les apparences.
M. Delfosse. - M. le ministre de la justice nous assure
qu'il n'y a pas eu de tactique électorale, et la preuve qu'il en donne, c'est
que cela a tourné, en définitive, contre le ministère.
Oui, sans doute, cela a tourné contre le ministère. Cela a tourné contre
le ministère comme la loi sur le fractionnement, comme la loi sur la nomination
des bourgmestres, loi que le ministère considérait comme une arme électorale très
puissante, et qui au contraire a produit, dans les esprits, une réaction fatale
aux candidats du gouvernement. Oui, cela a tourné contre vous, comme beaucoup
de choses tourneront contre vous. Car, sachez-le bien, lorsqu'on est dans une
fausse voie, les plus habiles ne le sont jamais assez.
On voulait pouvoir dire et on a dit aux électeurs des campagnes. Voyez cet
homme qui se présente devant vous, qui sollicite vos suffrages, qui aspire à
l'honneur de vous représenter, il va comparaître devant une cour d'assises ; il
va s'asseoir sur le banc des accusés. On attendait un effet prodigieux de ces
paroles ; si elles ont été stériles, c'est que les électeurs des campagnes sont
beaucoup plus clairvoyants que MM. les ministres ne se l'imaginent !
Je ne veux pas, messieurs, terminer sans dire un mot à M. le ministre de
l'intérieur.
M. le ministre de l'intérieur a eu, avant-hier, un succès qui m'a rappelé
les beaux jours de M. Nothomb, et qui rend plus frappante encore la ressemblance
que j'avais signalée entre ces deux hommes d'Etat.
Lorsque M. Nothomb trouvait la droite trop froide pour lui, il savait faire
un appel chaleureux à ses passions ; il cherchait à la déchaîner contre la
gauche ; el alors, c'étaient des trépignements, des applaudissements qui ne finissaient
pas ; rien de tout cela n'a manqué à M. le ministre de l'intérieur, ni les
trépignements, ni les applaudissements. Ils ne lui ont pas manqué surtout,
lorsque s'emparant malencontreusement de quelques paroles échappées à l'un de
nos collègues, il s'est permis de mettre en doute notre attachement aux libertés
consacrées par la Constitution. C’est là un triste début... pour un libéral, el
je n'en féliciterai pas M. le ministre de l'intérieur. Tout ce que je puis
faire, c'est de le féliciter sur le talent vraiment remarquable qu'il a montré
dans cette discussion, d'autant plus remarquable que, depuis quinze ans, M. le
ministre de l'intérieur est resté étranger à nos débats parlementaires.
Je voudrais partager les espérances que l'honorable M. Dolez a placées hier
sur la tête de l'honorable M. Van de Weyer ; mais je ne le puis.
Et d'abord M. le ministre de l'intérieur aura-t-il dans le cabinet la haute
influence sur laquelle mon honorable ami fondait ces espérances ? Les collègues
de M. le ministre de l'intérieur consentent-ils à le reconnaître pour le chef
du cabinet ? L'honorable comte de Muelenaere vient de nous faire connaître, sur
ce point, la pensée du cabinet, et elle n'est pas conforme à celle de
l'honorable député de Mons.
Ensuite, l'honorable M. Dolez vous l'a dit lui-même, nos défiances sont légitimes.
Nous avons été trop souvent trompés.
Oui, messieurs, nos défiances sont légitimes ; mais nous n'avons pas été
trompés. Celui qui a été trompé, c'est l'honorable M. Dolez, lui qui, cédant à des
illusions que nous ne pouvions partager, a placé sur d'autres têtes (page 88) encore que celle de M. le ministre
de l'intérieur des espérances qui ne devaient pas se réaliser.
Il y a deux ans, nous étions en face d'un cabinet qui avait les mêmes apparences,
qui nous faisait entendre des paroles telles que celles que l'honorable comte
de Muelenaere vient de prononcer. Nous combattions ce cabinet, nous prédisions
tout ce qui est arrivé ; mais l'honorable M. Dolez, plus confiant, ne trouvait dans
le cabinet qu'un ministre qui lui déplût. Tous les autres, indistinctement,
avaient ses sympathies. Je demanderai à mon honorable ami comment les actes ont
répondu à son attente.
Si M. le ministre de l'intérieur est l'homme dont on parlait hier, s'il est
digne d'être l'ami de Gendebien, nous le saurons bientôt.
M. le ministre de l'intérieur, il nous l'a dit, veut une majorité composée
des hommes modérés des deux opinions. Eh bien, je le prédis d'avance, telle ne
sera pas la majorité qu'il va obtenir.
Il aura pour lui, comme M. Nothomb les a eus, presque tous les fonctionnaires
de cette chambre. Il y a beaucoup de fonctionnaires dans cette chambre, il y en
a trop.
Il aura pour lui, à une ou deux voix près peut-être, toute la droite dans
ce qu'elle a de plus extrême comme dans ce qu'elle a de plus modéré. Il aura
pour lui ceux qui voulaient le rétablissement de la mainmorte. Il aura pour lui
ceux qui ne voulaient pas d'instruction aux frais de l'Etat, ceux qui conspiraient
la ruine des universités de l'Etat. Il aura pour lui ceux qui regardaient la
construction des chemins de fer comme un malheur, parce que les habitants des
campagnes, si heureux dans leur ignorance, viendraient se gâter au contact de
la civilisation des villes.
M. de Mérode. - Qui est-ce qui a dit cela ?
M. Delfosse. - Veuillez relire le Moniteur, M. le comte,
vous le saurez.
Voilà ceux que M. le ministre de l'intérieur aura pour lui.
Il aura contre lui l'opposition tout entière dans toutes ses nuances, il
aura contre lui les hommes modérés et gouvernementaux qu'elle renferme. Il aura
contre lui, sur l'amendement, l'honorable M. Dolez lui-même, homme dont le caractère
est tellement conciliant qu'il se disait hier las d'être dans l'opposition.
Si M. le ministre de l'intérieur est digne d'être l'ami de Gendebien, il
dira : je ne m'appuie pas sur une telle majorité.
M. le ministre de l'intérieur se reporte toujours aux souvenirs de 1830.
Oui, messieurs, il y avait en 1830 au sein du Congrès, une majorité catholique qui
nous a donné de grandes libertés, des libertés qui nous sont chères ; mais alors
elle était entraînée par les sentiments populaires. Le pays tout entier était
sous les armes, l'ennemi menaçait la frontière : il eût été imprudent de manifester
des prétentions qui ont surgi depuis... (Interruption.)
Ces prétentions, le pays les connaît, il ne les a pas oubliées.
Je vous le disais l'autre jour, messieurs, et
je crois devoir le répéter en terminant, parce que le mal est là ; il y a dans le
pays une idée généralement répandue, une idée qui a jeté de profondes racines et
qui a fait bien du mal au pouvoir. Cette idée, c'est que le clergé pèse d'un trop
grand poids sur le gouvernement, c'est que le clergé a des vues de domination
que le gouvernement manque d'énergie pour combattre.
Tant que cette idée subsistera, le gouvernement sera frappé d'impuissance,
ses protestations même les plus vraies seront accueillies avec incrédulité, ses
intentions même les plus pures seront méconnues, et ceux qui lui viendront en
aide se verront bientôt impopulaires et déconsidérés.
M. de Renesse. - Messieurs,
je n'ai demandé la parole que pour motiver mon vote.
Il n'entre pas dans mes habitudes parlementaires de voter systématiquement
contre un ministère, parce qu'il serait composé, plutôt de tels hommes
politiques ou de tels autres. J'examine avant tout s'il est formé de personnes
honorables à opinions modérées et conciliantes, désirant réellement s'occuper
des véritables intérêts du pays. Si le ministère actuel accepte le programme du
ministère de 1840, dont j'ai déploré la chute, je puis, sans manquer à mes
antécédents, lui accorder mon appui.
J'aime à croire que le nouveau ministère s'occupera activement de l'amélioration
des intérêts moraux et matériels du pays, qu'il proposera les modifications
jugées unies à nos lois, à notre système financier ; qu'il introduira des
économies dans les dépenses de l'Etal, et que, surtout, l'agriculture, la mère
de toutes nos industries, obtiendra une plus bienveillante et plus sérieuse
attention, de la part du gouvernement ; j'ose, ainsi, espérer, qu'il
s'empressera de présenter et de provoquer la discussion, notamment de projets
de loi sur un bon enseignement agricole, sur le défrichement des terrains
incultes, sur les irrigations, sur la réorganisation de l'école vétérinaire, et
sur l'art d'exercer la médecine des animaux, etc. Le ministère, en s’appuyant,
plus particulièrement sur les deux partis modérés du pays, peut être assuré de
mon bienveillant concours, pour appuyer la marche de son administration,
surtout s'il gouverne avec impartialité, et s'il met de la franchise dans ses
actes. Je désire dans l'intérêt du pays, comme sincèrement attache à nos belles
institutions politiques, que l'on s'occupe plutôt de ses véritables besoins,
que de questions de partis, de personnes ou de portefeuilles qui,
malheureusement, provoquent presque toujours de l'irritation à l'intérieur et de
la déconsidération à l'extérieur.
Je donnerai surtout mon appui au ministère, parce qu'il a déclaré
franchement, par l'organe de M. le ministre des travaux publics, qu'il
acceptait le programme du ministère de 1840 ; programme adopté alors par les
deux partis de la chambre, el surtout, par le parti libéral modèle, avec lequel
je n'ai cessé de voter, depuis que j'ai l'honneur d'appartenir à la
représentation nationale.
Ayant l'honneur de siéger à la chambre des représentants
depuis 1832, je crois, par suite de ma longue carrière parlementaire, pouvoir
faire un appel sincère au maintien et à l'union plus intime des deux partis
modérés de la chambre qui, depuis notre régénération politique, ont dirigé les
affaires du pays. Dans mon intime conviction, il me semble qu'un ministère doit
être composé des différents éléments modérés de la représentation nationale ;
s'il donne, en outre, les garanties de capacité, de moralité, de franchise, et
d'impartialité dans ses actes, il a droit d'obtenir l'appui de tous ceux qui
désirent que l'on s'occupe plus activement des véritables besoins du pays.
J'ose espérer que nos honorables collègues, qui partagent mon opinion politique,
voteront comme moi pour assurer l'existence, la force d'un ministère qui,
jusqu'ici, n'a posé aucun acte qui puisse nous donner de la défiance. J'ai dit.
M. Dumortier. - Messieurs,
j'ai cru devoir demander la parole pour présenter quelques observations en
faveur du projet d'adresse qui vous a été soumis par voire commission. Ayant vu
la plupart des membres de cette commission accepter ou au moins paraître
vouloir accepter la modification qui vous a été présentée par M. le ministre de
l'intérieur, j'ai regardé comme un devoir de justifier les propositions que la
commission d'adresse vous a présentées et qui, ce me semble, doivent obtenir
votre assentiment.
En me levant pour prendre la parole dans cette grave et solennelle discussion,
je n'ignore pas, messieurs, tout ce que ma position vis à vis du chef du
cabinet peut avoir de délicat devant vous. Plusieurs croiront peut-être que je
vais apporter à cette tribune certaines discussions étrangères à la chambre,
d'autres penseront peut-être que, précisément à cause de ces attaques injustes
je devrais rester étranger aux débats qui nous occupent en ce moment.
Messieurs, je ne veux accepter ni l'un ni l'autre de ces rôles.
Lorsqu'un membre de la représentation nationale entre dans cette enceinte, il
doit secouer à la porte la poussière du dehors. Il doit comprendre qu'il arrive
ici, non point pour représenter ses sentiments propres, non point pour venger
même son honneur outragé, mais pour représenter la pensée nationale la pensée
du pays. Voilà, messieurs, quel est le devoir d'un représentant de la nation,
et c'est ce devoir que j'ai à cœur de remplir devant vous.
C'est vous dire assez, messieurs, que mon intention n'est point de faire
de l'opposition systématique au cabinet, ni à M. le ministre de l'intérieur. Mais,
dans la circonstance actuelle, il s'agit d'accorder un vote de confiance au
cabinet. Nous avons donc à examiner quels sont les antécédents du cabinet, sur
quoi se fonde le vote de confiance qui vous est demande ; et, pour mon compte,
je dois le dire, tout ce qui s'est passé, tout ce qui s'est dit, tout ce qui
s'est fait ne me paraît pas de nature à modifier le système de réserve que
votre commission d'adresse, agissant en cela de la même manière que la commission
d'adresse du sénat, a cru devoir adopter.
Messieurs, depuis cinq à six jours, il s'est opéré un grand changement dans
l'atmosphère de cette chambre, si je puis m'exprimer ainsi. Lorsque nous sommes
venus, il y a aujourd'hui même huit jours, vous présenter le projet d'adresse,
notre système de réserve à l'égard du cabinet a été accueilli par l'assentiment
de toute l'assemblée. Cependant aujourd'hui un grand nombre de membres de cette
chambre, et principalement un grand nombre de membres de l'opinion à laquelle
j'ai l'honneur d'appartenir, paraissent vouloir accueillir une modification à
ce projet.
Qui a pu amener cette modification ? J'ai déjà eu l'honneur de dire, en parlant
sur un incident, dans lequel certainement je neveux point rentrer, que ce qui a
amené cette modification c'est le système suivi par le cabinet, système
complétement analogue à celui qui a duré pendant les 4 années précédentes et
qui consiste à jeter la gauche à la tête de la droite el la droite à la tête de
la gauche, afin de sortir blanc comme neige de la discussion. On a ainsi
détourne l'attention de la chambre de la question de confiance, posée devant
elle. On a présenté cette question sous un aspect tout à fait différent ou
plutôt on a substitué une question tout autre.
On est venu demander s'il fallait un ministère homogène ou un ministère mixte,
s'il fallait admettre la dissolution par blanc-seing. Voilà ce qui a modifié
toutes les opinions.
Au heu d'examiner la question de l'existence du ministère, les questions
qui se rattachent à sa composition ; en un mot tout ce qui doit être mis en cause
lorsqu'il s'agit d'une question de confiance, on s'est jeté dans des questions
de théorie, on a voulu frapper l'esprit des membres de la droite en leur
faisant comprendre que l'acceptation de certaines théories, de certains systèmes
aurait pour résultat de compromettre leur position dans une réélection. Voilà,
messieurs, comment on s'y est pris pendant 4 ans pour semer la division dans
cette enceinte, et voilà (je le dis avec infiniment de regret) ce qui s'est
fait encore dès le début de cette discussion, et ce qui a opéré le changement
subit d'une partie de l'assemblée.
Sans doute, messieurs, s'il était question, comme on vous l'a dit, de voter
sur le point de savoir si le pays doit être gouverné par un ministère mixte ou
par un ministère homogène, s'il fallait mettre aux voix si un ministère peut
demander à la Couronne un blanc-seing pour la dissolution, eh, mon Dieu, mon
opinion serait bien vite acquise au gouvernement. Mon opinion n'a jamais varié
sur la nécessité d'un ministère mixte. J'ai toujours partage la pensée que le
pays étant fractionné en deux partis qui sont à peu près égaux en force, il
fallait nécessairement, pour empêcher les collisions les plus vives, collisions
dont la nationalité pourrait se ressentir, il fallait nécessairement que le
gouvernement fût composé de représentants des (page 89) deux opinions, unis non point dans leur intérêt propre, unis
non point par l'ambition d'être ministres, mais par une communauté de vues conformes
à l'intérêt du pays, par le désir de faire prévaloir cet intérêt.
Messieurs, un honorable député de Liège est venu dire qu'un pareil gouvernement
aurait pour résultat de rendre impossible la conciliation des partis, de
démonétiser immédiatement le membre de la gauche qui consentirait à accepter
cette position. Eh bien, messieurs, à cela je répondrai que dans tout ministère
quel qu'il soit, tout membre de la gauche qui ne se prêtera pas à des vues
réactionnaires, aura toujours contre lui les exagérés de la gauche, car dans
tous les partis (et je ne parle pas ici des membres qui siègent dans cette assemblée),
dans tous les partis, vous le savez, ce qu'il y a de plus difficile à conduire,
c'est ce qu'on est convenu d'appeler la queue du parti.
Supposez la formation d'un ministère homogène pris exclusivement dans les
rangs de la gauche.
Eh bien, des deux choses l'une : ou ce ministère entrera dans des voies réactionnaires,
ou bien il gouvernera le pays avec modération. S'il gouverne le pays avec
modération, je ne lui donne pas six mois pour être renié par son propre parti.
Avant six mois, on viendra lui dire : « Nous ne vous avons pas porté aux
affaires pour satisfaire vos propres ambitions ; nous vous avons porté au
pouvoir pour faire nos affaires personnelles ! » Et alors ce ministère, se
trouvant dans la position de ne plus pouvoir compter sur la majorité de son parti,
est forcé de se rejeter dans les bras de ses adversaires. Mais pensez-vous que
le parti adverse, le parti ainsi effacé de la composition ministérielle, se
prête facilement à appuyer un ministère entièrement pris dans les rangs de ses
adversaires ? Pensez-vous qu'il ajoute une foi entière dans la modération
d'administration de personnes qui ont commencé par l'exclure ? Mais par le fait
même que vous avez commencé par l'exclure, n'avez-vous pas posé un acte qui lui
est hostile ? Et puis après avoir posé un acte qui a ce caractère, vous voulez
qu'il vous accorde son concours !
Vous devez croire que, parmi les membres de cette chambre, nul n'est
étranger aux conditions de l'humanité ; or, si vous commencez par exclure la
moitié de cette chambre de la direction des affaires, il serait par trop
commode de prétendre que cette moitié ainsi proscrite doit vous appuyer.
Ainsi donc si le ministère est homogène et s'il ne se porte pas à un système
réactionnaire, je dis qu'avant six mois d'existence, ce ministère aura contre
lui les éléments les plus avancés de son parti, et il ne trouvera pas dans
l'opinion adverse cette adhésion franche, loyale et sincère, sans laquelle il
ne pourrait maîtriser la queue de son parti Que si, au contraire, ce ministère
adopte une politique réactionnaire, alors, oh ! alors, ce sera vite fait de lui
dans tout le pays.
La Belgique, à mes yeux, ne peut donc exister sous un gouvernement homogène,
excepté dans des circonstances extraordinaires qu'il est impossible de prévoir.
J'ai entendu plusieurs membres de la gauche reconnaître qu'il était des circonstances
où il était possible, indispensable même d'avoir un ministère mixte : on est
allé jusqu'à dire que dans certains cas donnés, comme, par exemple, si des
éléments de trouble venaient à se développer dans le pays, ou bien si des
événements européens menaçaient nos frontières, le gouvernement mixte serait le
plus avantageux pour la chose publique.
Mais, messieurs, un ministère ne se crée pas pour le moment de sa formation
; il se crée pour les événements qui doivent la suivre, qui doivent se
présenter pendant sa durée.
Or, quel est celui de nous qui peut prévoir les événements qui peuvent surgir
pendant la durée d'un ministère ? Qui peut dire si l'ordre public ne sera pas
menacé à l'intérieur, si nos frontières elles-mêmes ne seront pas menacées ?
Qui de nous pourrait assurer, par exemple, qu'un événement désastreux,
événement que je voudrais écarter de ma pensée, mais qui cependant doit
s'accomplir un jour ; qui pourrait assurer, dis-je, que le décès de S. M. le
roi des Français ne jettera pas l'Europe dans une grande perturbation ? Supposons
un événement semblable arrivant en Europe ; vous voudriez alors constituer un
ministère mixte pour maintenir la nationalité. Mais votre ministère serait tout
formé, il serait trop tard de le renvoyer, pour en prendre un autre, et vous
arriveriez à ce résultat déplorable, que le but que vous voudriez vous proposer
dans une pareille circonstance, vous seriez dans l'impossibilité de
l'atteindre.
Ainsi, messieurs, il est évident qu'au point de vue de la paix publique à
l'intérieur, au point de vue de l'intérêt de la sécurité nationale à l'extérieur,
le seule mode de gouvernement qui puisse convenir à la Belgique, c'est un
gouvernement mixte.
Messieurs, c'est par l'union des deux partis que la révolution s'est opérée,
c'est par l'union des deux partis que nous avons consolidé notre indépendance,
c'est par l'union des deux partis que nous pouvons la conserver.
Si donc la question était posée sur ce terrain, si le vote que nous aurons
à émettre tout à l'heure n'était relatif qu'à cette question de principe, je
vous le déclare, messieurs, mon vote serait immédiatement acquis à la
proposition qui nous serait faite. Mais ici, quoi qu'en ait dit le cabinet, ce
n'est pas une question de principe qui est en jeu ; la question de principe dont
on nous parle, n'est qu'un manteau dont on couvre la question de confiance.
Nous pouvons être parfaitement d'accord sur la position du principe, mais
nous devons, d'autre part, désirer d'attendre les actes du ministère, avant de
lui accorder notre confiance. C'est la position que la commission d'adresse a
cru devoir prendre.
On a agité encore une autre question sur laquelle je ne reviendrai également
que comme question de théorie. (Interruption.}
Puisque la discussion de la question de théorie a été soulevée, à mon grand regret,
dans cette enceinte, je crois que l'examen de cette question peut présenter la
plus grande utilité pour l'avenir. Il s'agit de la question de savoir si un
ministère quelconque, se formant, peut demander à la Couronne une dissolution
avec blanc-seing.
Messieurs, je crois que s'il fallait encore voter sur cette question, je
proclamerais immédiatement, par mon vote, qu'un pareil système est impossible.
En effet, d'une part, la Couronne serait amoindrie dans sa prérogative ;
d'un autre côté, le mandat de député deviendrait moins libre.
Ainsi, un pareil système n'aurait qu'un résultat, d'abord d'affaiblir la
prérogative de la Couronne, prérogative que nous voulons tous maintenir intacte
; puis de faire aussi du mandat de député un instrument mis à la disposition de
tous les caprices ministériels.
Or, ces deux choses sont également dangereuses. La royauté doit conserver
toujours sa liberté d'action ; elle doit surtout, en matière de dissolution,
pouvoir librement se prononcer entre le ministère et le pays représenté par les
chambres. C'est là sa seule prérogative ; la formation des cabinets et la
dissolution, voilà la prérogative essentielle de la royauté dans le jeu du
gouvernement constitutionnel ; vous ne pouvez donc pis modifier ce rouage sans
modifier la Constitution elle-même et sans la modifier dans ce qu'elle a de
plus conservateur dans l'exercice de la royauté. Je vous le demande, que
devient la royauté si, en cas de dissentiment entre le ministère et la chambre,
elle n'a pas même à examiner de quel côté doit pencher la balance.
D'autre part, au point de vue des institutions populaires, vouloir que les
députés soient toujours sous le coup d'une dissolution, sous le coup, je ne dirai
pas d'un appel aux électeurs, mais d'un appel aux manœuvres, aux intrigues
électorales, c'est vouloir compromettre singulièrement, c'est anéantir
l'indépendance des députés, c'est faire de la chambre un instrument à la disposition
des ministres, c'est établir le pire de tous les despotismes, le despotisme
ministériel.
Ainsi, sous aucun point de vue, je ne puis accepter ce système. Je me hâte
de dire, au reste, que les explications qui ont été données dans le cours de la
discussion, me paraissent des plus satisfaisantes, quant à l'honorable membre
dont il a été personnellement question dans ce débat.
Ainsi, messieurs, si la question que nous avons à résoudre était portée sur
ce double terrain, je vous le déclare, je n'hésiterais pas un instant à accorder
mon vote au ministère.
Mais là n'est pas la question. Il s'agit de savoir si le ministère actuel
nous donne des gages de stabilité, des gages pour assurer le triomphe de la
cause de la modération dans le gouvernement du pays.
On a adressé deux reproches au gouvernement, le reproche de ne pas avoir
tenu compte des élections de 1845, et celui de ne pas avoir présenté de programme.
Les élections de 1845 ont eu certainement un caractère de gravité que nul
ne peut méconnaître. Mais, messieurs, je crois que c'est exagérer les choses
que de résumer la représentation nationale dans les élections de deux de nos
localités.
Ainsi, ce n’est pas cela qui peut me toucher dans la combinaison actuelle.
Quant à la question de savoir si le gouvernement devait présenter un programme,
je pense, messieurs, que le meilleur de tous les programmes, c'est le programme
des personnes qui se trouvent aux affaires, et je n'en connais pas d'autre ;
hors de là, un programme est une généralité que tout le monde peut accepter ;
il n'est qu'une feuille de papier dont on fait ensuite ce que l'on veut ; ce
sont, je le répète, des généralités, et rien de plus. Le seul programme
possible dans un gouvernement constitutionnel, c'est le programme des noms
propres. Pour mon compte je n'en connais pas d'autre. Eh bien, c'est un programme
des personnes que nous sommes appelés à juger en ce moment, non pas sur des
paroles, ou des déclarations vagues, incertaines, mais sur les précédents
politiques des membres du cabinet actuel.
Messieurs, on dira sans doute que le discours prononcé par M. le ministre
de l'intérieur, il y a quelques jours, a pu rassurer pleinement les opinions à
cet égard et que c'est une profession de foi nette, claire, précise.
Messieurs, pour mon compte, je ne crois pas que ce discours puisse avoir
une autre signification que celle de l'embarras de la situation. Voilà, messieurs,
la seule signification que je puisse voir à ce discours ; et, en effet,
messieurs, le discours de M. le ministre de l'intérieur est trop en opposition,
je ne dirai pas avec ses principes philosophiques, je n'ai pas à m'en occuper,
mais avec les principes publiques de M. Van de Weyer, pour que je puisse avoir
une foi absolue dans sa sincérité. Je n'ai pas besoin d'ajouter que si on pouvait
me démontrer que je puis avoir une foi absolue dans sa sincérité, je
n'hésiterais pas à donner mon vote au projet d'adresse présenté par M. le
ministre de l'intérieur ; mais cela ne m'est nullement démontré.
On nous demande un vote de confiance. Mais, messieurs, je demanderai de confiance
en quoi ? Où sont les précédents qui peuvent commander cette confiance ? Je les
cherche partout ; et, je vous le déclare, je ne les trouve nulle part.
Depuis quinze années, le pays est privé à l'intérieur des services de M.
le ministre de l'intérieur actuel ; dans cet intervalle, que s'est-il passé pour
justifier notre confiance ? Je rends volontiers hommage à la conduite tenue par
lui au sein du congrès, lors des événements de la révolution ; mais je voudrais
voir s'il est reste fidèle aux principes qu'il professait alors. Quels sont les
actes principaux de sa gestion ?
(page 90) Ce seraient la négociation
des 24 articles et la négociation de la British-Queen. Je vous le déclare : ni
l'un ni l'autre de ces actes n'est de nature à m'inspirer une confiance
entière. Voilà pourquoi j'adhère à la rédaction du projet d'adresse. La
négociation des 24 articles, c'est la déception la plus amère que le pays ait
jamais pu éprouver. Comment ! nous avions un négociateur à Londres pour soutenir
nos intérêts et vous avez vu comme ils ont été tristement abandonnés ! Cette
négociation nous a été communiquée ; c'est la négociation la plus pauvre, la
plus déplorable, dont l'histoire de la diplomatie puisse fournir l'exemple, et
nous avons vu pour résultat la Belgique condamnée par la conférence à perdre des
enfants qui lui étaient chers, à perdre 300,000 de nos frères et la moitié de
deux de nos principales provinces, du Limbourg et du Luxembourg, condamnée à payer
une rente de 18 millions de francs, qu'elle ne devait pas ; et sans un membre
de cette chambre, qui reprit en sous-œuvre le travail de M. le ministre de
l'intérieur actuel, il est probable que cette dette pèserait encore sur le pays.
Sont-ce là des titres à la confiance qu'on nous demande ? Notre devoir est
d'examiner les précédents pour juger de l'avenir. Sont-ce là des titres pour
que sans aucun acte, qu'aucun principe nouveau soit posé, nous venions dire :
Nous avons confiance dans ce que vous pouvez faire. Je ne vois pas là de titre
à la confiance de la chambre, mais un titre pour attendre et voir venir. !
La négociation de la British-Queen a-t-elle été plus heureuse ? Vous
savez tous à quoi elle a abouti. Je me souviens encore d'un certain rapport,
présenté dans la séance du 5 décembre 1841, par le ministre de l'intérieur de
cette époque, et dans lequel on vous a communiqué le rapport de notre ministre
de l'intérieur actuel. Eh bien, qu'est-ce qu'on nous promettait dans cette
négociation ? A en croire l'honorable M. Van de Weyer, par l'acquisition de la
British-Queen, la Belgique devait s'assurer le monopole du transport rapide des
marchandises de l'Europe entière vers les Etals de l'Union ; les choses
devaient aller à tel point, que l'Angleterre elle-même devrait recourir à l'intermédiaire
de la Belgique.
Je cite textuellement les expressions. Vous avez vu jusqu'à quel point la
Belgique a eu le monopole du transport des marchandises de l'Europe entière vers
les Etats de l'Union ; vous avez vu jusqu'à quel point l'Angleterre a été obligée
de recourir à l'intermédiaire de la Belgique. Vous avez vu qu'une dépense de
trois millions a donné à sa vente pour tout produit la somme de 239 mille fr.
Je vous le demande, est-ce avec de pareils titres qu'on doit venir demander un
vote de confiance ?
Ce ne sont pas là des titres pour accorder de la confiance a priori. Si le
ministère persiste dans les principes qu'il a avancés dans une séance précédente,
il aura mon concours ; car, je le répète, je ne veux pas faire d'opposition
systématique ; mais je désire attendre ; je ne veux pas exprimer de confiance a
priori, quand tous les actes posés par M. Van de Weyer, pendant son séjour à
Londres, sont des actes que la chambre a bien pu accepter, parce qu'il était
impossible de les repousser, mais que la chambre n'a pas pu approuver au fond.
Je sais bien qu'on va me répondre : Mais vous-mêmes, vous avez voté l'acquisition
de la British-Queen. Oui, mais comment ? En formulant en même temps un vote de
non confiance, en accordant un bill d'indemnité, le seul qui ait jamais été
présenté dans cette chambre, c'est-à-dire que j'ai voté cette loi au moyen
d'une condamnation acceptée par le ministère d'alors.
Il serait inusité de venir se prévaloir d'un vote alors que ce vote est en
même temps un blâme.
Mais revenons au fait en lui-même. La chambre, en votant le bill d'indemnité,
le seul qu'elle ait voté depuis 15 ans, a prouvé qu'elle désapprouvait l'acte
d'acquisition. Est-ce là un motif pour demander un vote de confiance de la part
de cette chambre ? Je ne saurais le croire.
Un
membre. - Ce n'est pas une confiance illimitée.
M. Dumortier. - J'entends
dire qu'on ne demande pas une confiance illimitée ; alors nous donnerons une
confiance avec défiance, une confiance homéopathique, une confiance
allopathique.
M. Rodenbach. - Nous le
jugerons sur ses œuvres.
M. Dumortier. - Vous voulez
le juger sur ses œuvres, après avoir déclaré que vous avez confiance en lui.
Moi je me réserve de vtler la confiance ou la non confiance suivant que les
œuvres le mériteront.
Ceci me ramène involontairement vers une question qui a son caractère de
gravité.
Que vous a dit M. le ministre des affaires étrangères ? Nous avons besoin
d'un appui moral ; nous ne voulons pas être placés entre l'hostilité des uns et
l'indifférence des autres ; et mon honorable ami M. Dedecker a si bien compris
qu'il fallait éviter le tort qu'avait fait à la situation du pays le vote du 30
janvier dernier, qu'il a fait un appel à la majorité de se prononcer avec
franchise sur le point de savoir si elle voulait donner un concours loyal | au
cabinet.
Voilà comme j'entendrais la confiance, si je me trouvais dans la position
de mon honorable ami. Ces demi-confiances, ces quarts, ces huitièmes, ces
millionièmes de confiance, n'ont qu'un seul et unique résultat : déconsidérer
le pouvoir qui la reçoit, et la majorité qui la donne. J'aime beaucoup mieux la
franchise, un vote franc de réserve qu'un vote hypocrite de confiance. Je crois
qu'un ministère même doit le préférer.
Nous avons, dit-on, besoin d'un appui moral. Mais le ministère le trouvera-t-il,
cet appui moral ? J'ai vraiment peine à le croire. Si la majorité peut ajouter
foi aux déclarations faites il y a quelques jours, par M. le ministre de
l'intérieur, si elle peut ajouter foi à ses paroles chaleureuses, je crois
qu'elle doit lui donner sa confiance. Pour moi, je ne puis m'empêcher de
remarquer que ces paroles sont trop en opposition avec certain écrit bien
récent pour qu'il me soit possible de me décider entre les uns et les autres.
J'ai entendu le ministre de l'intérieur faire l'éloge de la conduite de la
majorité catholique dans le congrès, vous exposer sa modération, vous dire
comment elle a soutenu le gouvernement, comment elle a contribué à consolider
l'Etat. Mais alors veuillez mettre ces paroles d'accord avec cette singulière
déclaration :« qu'il est temps de débarrasser le pays de la tendre merci d'une
majorité catholique. »
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - (Erratum, inséré à la page 100)
Je n'ai pas dit cela.
M. Dumortier. - Non, mais
vous les avez écrites. Cela est-il conséquent ?
J'entends dire encore que l'opinion catholique mérite tous les égards, tout
l'appui du gouvernement ; mais je me demande : Comment mettre cela en harmonie
avec la phrase que je viens de citer ?
Il ne s'agit pas ici d'opinions philosophiques. S'il s'agissait d'opinions
personnelles, d'opinions philosophiques, ce serait pour moi un devoir de me
taire, et j'aurais la force de le remplir. Mais il s'agit d'une question
politique, il s'agit d'apprécier la portée de cette déclaration, en la mettant en
rapport avec d'autres. Qu'est-ce que je conclus de ce rapprochement ? J'en
conclus que M. le ministre de l'intérieur a deux langages : l'un lorsqu'il est
en présence du besoin d'un vote de la chambre, l'autre lorsqu'il est froidement
livré à ses pensées. En présence de cette double opinion, je suis en droit de
me demander, comme représentant de mon pays et de l'opinion à laquelle
j'appartiens : Où est votre opinion la plus vraie ? Est-ce celle que vous
émettez lorsque vous avez besoin d'un vote, ou est-ce celle qui s'échappe de
votre cœur lorsque vous êtes dans le silence du cabinet ?
En présence de cette double position, la réserve m'est plus commandée que
jamais, et j'éprouve le besoin d'attendre M. Van de Weyer à ses actes.
On a parlé dans toute cette discussion du mouvement libéral qui s'opère depuis
quelques années dans le pays. Pour mon compte, je n'ai jamais été de ceux qui
ont vu avec regret se former un parti libéral. Depuis bien longtemps, j'ai
regardé la formation du parti libéral, non seulement comme une nécessité, mais
comme un bonheur pour le pays ; car tout parti est naturellement entraîné à se
porter à des excès. S'il n'a pas un contrôle, il se perdra de lui-même. Ce contrôle
était nécessaire, afin que notre parti ne se portât pas à des exagérations que
nous devons tous déplorer et que, pour mon compte, j'ai toujours blâmées chaque
fois qu'il en a été question dans cette enceinte. Jamais (je fais un appel à
vos souvenirs) je n'ai blâmé la formation du parti libéral ; au contraire je
l'ai regardé comme un bien-être pour le pays, comme empêchant de recourir à des
mesures qui pourraient déconsidérer le parti adverse, auquel j'ai l'honneur
d'appartenir.
Cependant on ne peut méconnaîtra que le mouvement de l'opinion libérale que
l'on a appelé ascendant n'ait des causes (car jamais il n'y a de faits sans causes)
et qu'il ne puisse avoir de grands résultats.
Déjà nous avons vu dans une de nos provinces proclamer des principes tout
à fait antipathiques à notre Constitution ; je veux parler de la suppression du
cens électoral, ce qui serait la suppression d'une disposition de notre loi
fondamentale. Il y a donc un danger dans la situation actuelle, il y a un
danger que chacun a pu voir, dont nous pouvons apprécier la portée et que le
gouvernement doit chercher par tous les moyens à conjurer autant que possible.
Mais pour arriver à ce résultat, pour empêcher le développement de pareilles
prétentions, il n'est qu'un moyen à mes yeux, ce moyen c'est la composition du
ministère. Il faut un ministère qui non seulement offre des garanties au pays,
mais, comme le disait fort bien l'honorable M. Dolez dans la séance d'hier,
dont les noms inspirent la confiance au pays. Dans un gouvernement
constitutionnel, les questions personnelles sont d'une haute importance ; toute
idée a besoin d'un organe ; sans cela, c'est une idée métaphysique,
atmosphérique, si je puis m'exprimer ainsi. Les hommes représentant les idées,
les questions personnelles ont autant d'importance que les questions de
principes elles-mêmes. Je cherche donc dans le cabinet actuel l'influence des
noms et je ne puis l'y trouver.
Messieurs, je viens vous le déclarer en toute sincérité, je n'ai pas vu que
depuis la formation du ministère, dans aucune partie du pays, la question de
personnes ait rassuré l'opinion publique. Je fais abstraction ici de mes sentiments
particuliers pour certain membre de ce cabinet, j'examine seulement la chose
publique que nous devons seule examiner. Comment les choses se sont-elles
passées ? D'un bout de la Belgique à l'autre on n'a pu croire à la viabilité du
cabinet et, pour la première fois depuis la révolution, lorsque le gouvernement
vient demander aux deux chambres de déclarer à l'avance qu'elles ont confiance
dans le ministère, dans le gouvernement du Roi, pour la première fois, les
commissions d'adresse des deux chambres, agissant sous l'impression de
l'opinion publique dans leur province, et sans s'être entendus, présentent chacune
un projet qui ajourne la question de confiance. Il y a dans ce fait une immense
signification, et je désire vivement qu'il puisse arriver jusqu'au Trône. Je le
désire dans l'intérêt si vif que je porte à la patrie. Ainsi, il y a unanimité
dans les deux commissions d'adresse des deux chambres pour proclamer un fait
des plus graves dans l'intérêt de la chose publique. Aux yeux des deux
commissions d'adresse, organes du sénat et de cette chambre, le ministère est
insuffisant pour la situation du pays.
Ne croyez pas, messieurs, que la commission d'adresse ait fait acte de légèreté
en vous proposant la rédaction qu'elle vous a soumise. La commission d'adresse
a su ce qu'elle faisait ; elle a cru remplir le vœu de l'opinion publique. Si
elle n'avait pas su ce qu'elle faisait, il faudrait l'accuser d'une
inconcevable légèreté.
(page 91) Dans le sénat, la question
de confiance dans le gouvernement n'a pas été résolue. En réponse à la phrase
du discours du Trône, par laquelle le gouvernement demandait pour lui une
déclaration de confiance, le sénat sur la proposition de sa commission d'adresse
a répondu qu'il avait confiance en Sa Majesté. La commission de la chambre des
représentants, investie de la même mission, avant de savoir ce qui s'était
passé au sénat, a agi de même. Il y a dans ce double fait une double signification
que la Couronne, à mon avis, ne doit pas méconnaître.
II ne suffit pas en effet que le ministère obtienne,
au moyen d'une discussion habile, d'un système adroit, un vote de confiance de
la chambre ; il faut aussi qu'il ait la confiance de la nation. Dans les
circonstances ordinaires, la situation est moins grave, mais elle augmente de
gravité par les événements qui se passent chaque jour dans le pays. A cet
égard, je répète que la rédaction des commissions d'adresse des deux chambres,
adoptée sous l'impression d'un devoir, sans témérité ni légèreté, sans aucun
sentiment de haine ni de vengeance, est bien digne d'être pesée par la
Couronne. Car nous sommes dans une situation grave dont il faut bien sonder les
profondeurs.
Messieurs, j'ai eu l'honneur de vous le dire, et je le répète, en finissant,
mon intention n'est pas de faire une opposition systématique au ministère ;
mais je le déclare, je n'ai pas de motifs suffisants pour lui accorder dès
aujourd'hui un vote de confiance.
Quand j'émets un tel vote, je me crois lié par ce vote, je crois devoir agir
en conséquence. Je veux émettre un vote franc et loyal, ce sera un vote de réserve.
Je voterai donc pour le paragraphe que la commission a eu l'honneur de proposer.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - J'ai plus besoin que jamais de votre indulgence ; car, si je n'écoutais
que la simple prudence, je ne serais pas dans cette enceinte ; l'état de ma
santé ne me permet guère, aujourd'hui, de prendre part à cette discussion si
fatigante. Cependant, vous m'avez déjà montré beaucoup d'indulgence ; je compte
que vous me la continuerez encore.
J'ai quelques mots à répondre à deux honorables préopinants, d'abord à l'honorable
M. Delfosse, qui, comme il l'a déjà essayé, dans une séance antérieure, a fait un
parallèle entre mon honorable prédécesseur et moi, et m'a demandé si je
comptais continuer son système ; je ne serais donc, à ses yeux, qu'une espèce
de deuxième édition de ce système, mais non, à ce qu'il paraît, revue et
corrigée.
J'ai déjà eu l'honneur de le dire, il serait de la plus haute inconvenance
que je discutasse, ici, les mérites de mon honorable prédécesseur ; j'ajouterai
encore que le danger ou l'honneur de lui être comparé n'exerce sur moi aucune
influence. En tout cas, je n'ai pas contracté envers moi-même, pour ne pas lui
ressembler, l'obligation de ne pas avoir de succès parlementaires.
J'en demande pardon à l'honorable préopinant, mais le reproche d'avoir obtenu
ce succès n'est pas très sérieux de sa part.
On vous a dit, messieurs, que le ministère obtiendrait une majorité dont
on a cherché à diminuer la valeur, en la qualifiant d'une manière peu
honorable. Vous aurez, dit-on, une majorité composée des membres de la droite
et peut-être de certains fonctionnaires. Il importe, messieurs, qu'au début de
ma nouvelle carrière politique, au début d'un nouveau ministère, je déclare
quels sont, à l'égard des fonctionnaires, les principes dont le gouvernement ne
s'écartera pas. A ses yeux, il n'y a pas ici de fonctionnaires publics ; il n'y
a que des représentants de la nation, appelés à juger avec une complète
indépendance et le ministère et ses principes.
Je vous prie de croire, messieurs, que le gouvernement n'exercera sur le
vote de ses fonctionnaires aucune espèce d'influence, et je fais un appel à ceux
qui sont revêtus de ce caractère, je leur demande si, depuis l'ouverture de ces
débats, la moindre insinuation leur a été faite. (Non ! Non !) Ils sont tous parfaitement libres ; et si dans la majorité,
qu'on nous annonce, il se trouve des hommes revêtus de fonctions publiques, je
veux qu'il soit dès à présent bien constaté que ce vote, ils l'ont donné en
toute liberté et qu'ils l'ont donné après s'être consciencieusement rendu
compte de la situation, et non pas afin d'assurer le maintien de leur position
ou bien les faveurs futures du pouvoir. J'espère qu'après cette déclaration, il
ne restera plus aucune espèce de doute dans l'esprit de l'honorable préopinant.
M. Delfosse. - Je me suis borné à constater un fait qui, dans
mon opinion, se reproduira tantôt.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - L'honorable membre dit qu'il a constaté un fait ; comme si l'énoncé du
fait n'était pas exposé à l'interprétation que vous lui donnez dans votre esprit.
Si vous n'en eussiez tiré mentalement l'induction que tout le monde se faisait
déjà, je ne l'eusse point relevé. J'en appelle à la franchise et à la loyauté
de l'honorable préopinant.
On vous a dit que le ministre de l'intérieur, fidèle aux traditions de son
prédécesseur, avait fait un appel aux passions de la droite, et que la droite,
répondant à cet appel, avait, et par des trépignements et par des applaudissements,
appuyé, encouragé le ministre de l'intérieur. Je croyais, messieurs, avoir fait
un appel à la raison de la droite et non pas à ses passions. Je croyais que
lorsque l'honorable membre, et quelques autres de ses amis, avaient indiqué
comme le grand embarras de la situation actuelle les empiétements du pouvoir
religieux sur le pouvoir civil, j'avais, en portant cette question devant vous,
en exprimant clairement ma pensée, et en faisant un appel aux principes de la
droite même, invoqué autre chose que des passions. Qu'avez-vous vu dans cette
circonstance ? Les membres de la droite accepter les principes qu'il était de
mon devoir de poser comme représentant du pouvoir, et s'associer à la pensée de
ne point permettre ces empiétements, s'ils avaient lieu ; n'avez-vous pas
entendu les honorables membres de cette partie de la chambre protester, qu'eux
aussi, quoique soumis spirituellement au pouvoir ecclésiastique, ne
permettraient pas ses usurpations sur le pouvoir civil ? Je demande si c'est là
faire un appel aux passions ; si ce n'est pas, au contraire, poser la question
sur le véritable terrain gouvernemental, terrain où j'ai été bien aise de
rencontrer un si grand nombre de membres dont l'opinion ne vous était pas
connue.
Je ne rentrerai pas, messieurs, dans les débats historiques qui ont eu lieu
devant vous ; je n'examinerai pas si c'est la peur ou la conviction qui ont
déterminé les catholiques au congrès à poser dans la Constitution le principe
des libertés qui nous sont garanties. J'ai un trop haut respect pour cette
noble assemblée, qui conservera dans l'histoire le caractère le plus élevé,
pour attribuer à la peur ce qui était le résultat d'un patriotisme sincère et
profond. Qu'on ne vienne pas rabaisser ce que cette assemblée a fait de beau et
de grand ! Qu'on ne vienne pas ainsi démolir, pièce à pièce, l'édifice que nous
avons élevé, nous ravir nos titres au respect de nos contemporains et arracher
la plus belle page de notre histoire.
On m'a fait un reproche encore d'avoir abusé en quelque sorte de lambeaux
de conversation pour en faire l'objet de tirades à effet. Messieurs, je ne
cherche pas à faire des tirades à effet. Quand je parle, c'est avec une conviction
profonde ; si cette conviction ne m'animait pas, je ne trouverais pas une
parole à vous dire. Pourquoi ai-je relevé le mot ainsi échappé ? Parce que ce
n'est pas la première fois que des hommes politiques ont laissé entrevoir la
pensée que nos institutions fondamentales avaient un caractère dangereux ;
qu'il était prudent de prévoir le jour où elles pourraient subir des
modifications. Eh bien ! qu'ai-je fait ? Je me suis demandé quel est le devoir
des hommes qui sont pénétrés de cette conviction. N'est-ce pas de se faire les
représentants de cette pensée, franchement, courageusement ?
Il faut que l'on pratique en Belgique, messieurs, ce qui se fait en Angleterre.
Lorsque lord Grey conçut, à l'âge de 25 ans, le projet d'introduire, dans son
pays, la réforme électorale, il était seul de son avis. Cela ne le découragea
point, il présenta son projet. Qu'en résulta-t-il ? c'est qu'il resta isolé,
non seulement au sein de la représentation nationale, au sein de la société
anglaise, au sein même de sa famille. Il n'en reproduisit pas moins sa pensée
dans toutes les occasions, et ce vénérable vieillard eut, à l'âge de 70 ans, la
gloire de la réaliser.
Eh bien, je voudrais que cette noble conduite fût imitée en Belgique. Je
voudrais que tous les hommes politiques qui ont l'intention de modifier notre Constitution
(et j'admets qu'on puisse consciencieusement croire à l'utilité de ce projet)
vinssent le dire franchement, se posassent en réformateurs de nos institutions,
en poursuivissent l'exécution, ouvertement, à la face de la nation, et devant
cette assemblée même.
J'arrive maintenant au discours de l'honorable M. Dumortier.
L'honorable membre, dans un discours empreint d'une prudente modération,
vous a dit qu'il me refusait sa confiance, non parce que je fais actuellement partie
d'un ministère mixte, ministère dont le principe ne répugne pas aux convictions
de l'honorable membre, mais parce que ma vie politique se renferme en quelque
sorte, depuis quinze années,dans deux actes,, et deux actes qui paraissent à
l'honorable membre d'une gravité telle, que je ne puis aujourd'hui venir
réclamer ni la confiance de la chambre, ni celle du pays.
Le premier de ces actes, messieurs, c'est le traité des 24 articles.
La chambre ne s'attend pas à ce que je vienne de nouveau discuter devant
elle la question diplomatique. Mais l'honorable membre vous dit que dans cette négociation
je me suis montré si peu soucieux des intérêts du pays, je les ai si
imparfaitement connus, si mal défendus, qu'ils ont été réellement sacrifiés et
que dès lors il est impossible d'accorder sa confiance à-un pareil homme.
MM., je ne chercherai pas à faire ici ma propre apologie ; mais vous avez
aujourd'hui dans votre sein, comme députés, des hommes qui étaient alors, investis
de la confiance royale et aux mains desquels se trouvait le portefeuille des
affaires étrangères. Je demande à ces hommes si, pendant toute la durée de la
négociation, je n'ai pas défendu les intérêts du pays, non pas seulement avec
chaleur, mais avec une parfaite connaissance de cause.
L'honorable membre, qui paraît avoir la mémoire si fidèle lorsqu'il s'agit
d'attaquer le ministre de l'intérieur, aurait bien dû ne pas perdre le souvenir
des pièces officielles qui ont été déposées sur le bureau. Or, parmi ces
pièces, il existe un rapport que vous a présenté le ministre des affaires étrangères
à l'appui du projet des vingt-quatre articles, rapport dans lequel ce ministre
expose à la chambre que le ministre du Roi à Londres (moi-même, messieurs)
avait reçu de la Conférence une communication à laquelle le plénipotentiaire
belge ainsi que le plénipotentiaire hollandais étaient tenus de répondre dans
les deux fois vingt-quatre heures. Or, M. le ministre des affaires étrangères
ajoutait : Je suis heureux de pouvoir dire à la chambre, que M. Van de Weyer,
dans les deux fois vingt-quatre heures indiquées, a remis à la Conférence un
travail complet et remarquable (Messieurs, il ne m'est pas permis d'être
modeste dans cette circonstance, je dois citer les paroles mêmes du ministre),
un travail complet et remarquable, où tous les intérêts du pays avaient été
complétement défendus. C'est qu'en effet, messieurs, pendant ces 48 heures je
n'ai point quitté la plume d'une minute ; et je puis citer ce travail comme un
des actes dont je puis m'honorer. Je laisse à d'autres honorables membres qui
ont manié le portefeuille des affaires étrangères après celui dont je viens de
parler, de déclarer si jamais entre mes mains les intérêts du pays ont couru
quelque danger.
(page 92) J'arrive, messieurs,
à l'autre point, c'est-à-dire aux négociations relatives à l'acquisition de la
British-Queen.
Je suis heureux qu'on me fournisse enfin l'occasion de m'expliquer devant
la représentation nationale sur celle affaire. Aussi longtemps que les
accusations ne s'étaient trouvées que dans les journaux, aussi longtemps que
les imputations les plus odieuses n'avaient été portées contre moi, que dans la
presse, mon devoir était de me renfermer dans le silence. Agent du
gouvernement, j'avais la conscience d'avoir rempli la tâche qui m'était
imposée.
On a constamment parlé de cette négociation et de l'acquisition de la British-Queen,
comme si la pensée primitive m'en était due, comme si l'initiative avait été
prise par moi. Eh bien, messieurs, je déclare, et les hommes qui faisaient
partie du cabinet à cette époque sont ici pour réfuter ou pour confirmer mes
paroles, je déclare que le jour où m'est parvenue à Londres une dépêche par
laquelle on me chargeait de, procéder à l'acquisition de la British-Queen,
j'ignorais complétement que cet achat fût possible ; j'ignorais complétement
que la British-Queen fût à vendre. Je reçus du cabinet les instructions les
plus positives, les plus claires, les plus nettes pour acheter la British-Queen
avec la plus grande célérité et le plus grand secret possibles. C'est alors,
messieurs, que, dans l'intérêt même du gouvernement, je pris les plus grandes
précautions pour m'assurer du bon état du navire ; j'eus recours à des
ingénieurs, à des constructeurs de navires, à tous les hommes capables de
m'éclairer, et je rendis un compte détaillé de tout ce que j'avais fait, au
gouvernement d'alors.
Je vous avoue, messieurs, que, l'initiative ayant été prise par le gouvernement,
la pensée me parut belle, la conception me parut heureuse ; j'y donnai mon
approbation. J'aurais pu me dispenser d'applaudir à ce projet et d'entrer à cet
égard dans les détails qu'on vous a lus : agent du gouvernement, j'exécutais
ses ordres ; agent du gouvernement, je devais réaliser sa pensée. Si je
l’approuvais, c'était de ma part un zèle qu'on ne me demandait point.
Je pense, messieurs, qu'il est bien constaté maintenant que l'idée première
de cette acquisition n'est pas venue de moi. Mais la véritable responsabilité
que j'ai prise, la voici : charge par le gouvernement de faire l'acquisition de
la British- Queen, je reçus l'ordre ensuite de proposer à la compagnie qui
avait cédé ce navire, de lui proposer quoi, messieurs ? L'annulation du marché
? En aucune façon, mais une modification dans le mode de payement. Je me rendis
au sein de la compagnie, je lui soumis les propositions du gouvernement ; elles
furent vivement combattues ; mais, après deux ou trois jours de négociations je
parvins à obtenir ce que le gouvernement avait demandé.
Mais plus tard, messieurs, plus tard le gouvernement, renonçant à son idée
primitive, me demanda de déclarer à la compagnie que le gouvernement se proposait
d'annuler le marché. C'est alors que, fidèle à mes principes d'honneur et de
dignité, je répondis que le gouvernement ne pouvait pas exiger qu'après avoir
fait adopter une modification dans le mode de payement, c'est-à-dire, la
consécration du principe de l'achat (car offrir de payer de telle façon plutôt que
de telle autre, c'est en définitive ratifier le contrat), que le gouvernement,
dis-je, ne pouvait pas exiger de moi que je fisse déclarer l'achat nul. La
compagnie avait accepté mes propositions de payement, j'avais donc posé le
principe de l'approbation de l'achat, au nom du gouvernement. Pouvais-je
ensuite retirer l'offre, que l'on m'avait autorisé de faire ? Je déclarai donc
que je ne serais pas en cette circonstance l'interprète de nouvelles intentions
du gouvernement. Je vous le demande, messieurs, cette position n'est-elle pas
fort honorable ; et ne devez-vous pas m'approuver plutôt que de me blâmer ?
Voilà, messieurs, la participation
que j’ai eue dans l'acquisition de la British-Queen. Je suis bien aise d’avoir
eu enfin l'occasion de m'expliquer à cet égard en public, et devant la
représentation nationale.
Je ne rentrerai point, messieurs, dans le fond même du débat, à l'occasion
du discours de l'honorable préopinant. Je n'examinerai pas non plus si la
commission dans son projet d'adresse, a eu la pensée que l'honorable membre a
exprimée.
M. de Theux. - La commission n'a pas discuté la question.
M.
Fallon. - Elle a voulu éviter à la chambre un débat
politique.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). -Il semblait résulter des paroles de l’honorable préopinant que la commission
aurait voulu exprimer une espèce de défiance.
M. Dumortier. - Je prie
M. le ministre de l'intérieur de bien se rappeler ce que j'ai eu l'honneur de
dire. J'ai eu l'honneur de dire que la commission, à l'unanimité, avait entendu
émettre un vote de réserve. (Interruption.)
J'entends plusieurs membres de la commission dire : « Non, non ; » mais veuillez-vous
rappeler, messieurs, ce qu'a déclaré l'honorable rapporteur M. Dedecker dès
l'origine de la discussion. Je ne dis autre chose que ce qui a été dit par mon
honorable ami. Je n'ai pas parlé d'un vote de défiance, et si je m'étais servi
de cette expression, ce que je ne pense pas, je la retire bien volontiers. Tout
ce que j'ai dit, c'est que la commission d'adresse a voulu émettre un vote de
réserve, c'est-à-dire qu'elle n'a pas voulu préjuger la confiance.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Alors nous sommes parfaitement d'accord.
Quant à la simultanéité entre la présentation du projet d'adresse de la chambre
et la présentation du projet d'adresse du sénat, je me permets de faire observer
à l'honorable préopinant que celle simultanéité n'existe point, que le projet
d'adresse du sénat a été discuté avant que la commission de la chambre ne
formulât le projet qu'elle nous a présenté. (Interruption.)
M. le président. - Le rapport imprimé de la commission du
sénat a été distribué aux membres de la commission.
M. Dumortier. - Il me serait
excessivement pénible que l'on voulût faire croire (et ce n'est certainement
pas l'intention de M, le président) que j'aurais mal rendu la pensée de la
commission. Cette pensée a été exprimée à la chambre, dès le premier jour de la
discussion, par le rapporteur. Comment les choses se sont-elles passées ? Dans
la.première séance de la commission, nous avons lu, paragraphe par paragraphe,
le discours du Trône, et nous avons discuté la question de savoir dans quel
sens on répondrait à chacun de ces paragraphes. Eh bien, sur le dernier
paragraphe, la commission a émis à l'unanimité le vote qui posait le principe
de la réponse qui a été soumise à la chambre, un vote de réserve. Ensuite est
venue la rédaction, et une autre séance a eu lieu pour la lecture du projet
d'adresse. C'est dans l'intervalle de ces deux séances que le sénat a voté son
adresse, et que cette adresse est parvenue à notre connaissance, et alors nous
avons cru devoir exprimer la réserve dans les mêmes termes que le sénat. Il
n'en est pas moins vrai que, dans le second vote comme dans le premier, la
commission a voulu garder la position de réserve dont l'honorable rapporteur
nous a parlé.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Messieurs, je ne prolongerai pas inutilement ce débat. Ce n'est plus
le projet de la commission que nous avons à examiner, c'est l'amendement proposé
par le ministère.
Messieurs, j'ai reconnu en commençant que l'honorable préopinant avait empreint
son discours d'une sage et habile modération. Il.trouvera donc naturel que je
ne me place point ici sur un terrain autre que celui de la politique ; je ne
ferai donc aucune allusion à d'autres discussions qui ont eu lieu ailleurs.
Est-ce à dire que je recule devant mes principes
? Je vous l'ai déjà dit, messieurs, je ne recule devant rien ; je n'ai rien à
rétracter, rien à désavouer, rien à cacher. Mes collègues, connaissant et ma
position et mes principes, se sont associés à moi ; et nous vous avons présenté
de commun accord une série de mesures qui, suivant nous, répondent aux besoins
du pays. Pour l'exécution de ces mesures nous avons besoin de votre appui, de
votre confiance, de votre concours bienveillant.
Telle est la question que vous avez à discuter ; je n'en veux point d'autre
dans cette enceinte.
- La clôture est demandée.
M. de La Coste. (contre
la clôture). - Messieurs, mon but n'était pas de rouvrir la discussion politique,
mais permettez-moi de vous faire observer, que le discours du Trône vous a été
présenté d'abord, surtout sous l'aspect d'un programme d'affaires. C'était sous
ce rapport que je voulais présenter quelques considérations. Ou me dira,
peut-être : Mais attendez la discussion des paragraphes. Je répondrai que les
objets sur lesquels je voulais particulièrement fixer l'attention de la chambre
et du ministère, sont précisément tels, que, dans mon opinion, ils constituent une
lacune dans ce programme d'affaires.
Je demande un moment d'attention à M. le ministre de l'intérieur (M. le ministre de l'intérieur fait un signe affirmatif),
qui veut déjà bien me l'accorder, et à M. le ministre de la justice, que la
chose concerne particulièrement.
Après avoir fait sur ces objets quelques courtes observations, si la chambre
veut bien les écouter, je renoncerai à la parole.
- La clôture de la discussion générale du projet de l'adresse est mise aux
voix et prononcée.
On passe à la discussion des paragraphes.
Discussion des paragraphes
Paragraphe 1
« La chambre des représentants apprend
avec satisfaction que les rapports de V. M. avec les puissances étrangères,
conservent un caractère marqué de mutuelle confiance. »
- Adopté.
Paragraphe 2
« L’importance des relations
internationales sera d'autant mieux appréciée, leur stabilité sera d'autant mieux
garantie qu'elles reposeront sur les intérêts positifs des peuples.
M. de La Coste. -
Je puis placer ici mes observations, puisqu'il s'agit d'intérêts matériels. Je n'exige
pas toutefois que le ministère prenne en ce moment des engagements formels sur
les deux points sur lesquels j'ai à entretenir la chambre.
Le premier de ces points est un intérêt local, mais très important dans la
circonstance présente. Il s'agit de l'administration de la justice dans l'arrondissement
de Louvain. Je n'ai pas besoin d'en dire davantage, pour M. le ministre de la
justice, il doit me comprendre parfaitement et je m'en rapporte à sa
sollicitude. C'est un point qu'il connaît mieux que moi, qu'il peut mieux apprécier,
et sur lequel cependant j'ai une conviction bien arrêtée : c'est que les moyens
d'administration de la justice dans l'arrondissement de Louvain sont insuffisants,
et dans ce moment surtout, il importerait qu'elle eût toute la force
nécessaire, car s'il faut secourir le peuple par le travail, il faudra bien
contenir la malveillance par la justice.
Le second point que je recommande a M. le ministre de l'intérieur, sans lu
demander aucun engagement, c'est la question des octrois. M. le ministre me répondra
peut-être : « Attendez les renseignements qui ont été promis et qui sont à
l'impression. » Mais je crains que cette question importante ne reste
ensevelie sous un amas de papiers, à moins que M. le ministre de l'intérieur,
avec la haute intelligence dont il nous a donné déjà tant de preuves, ne
s'empare de cette question, et n'entreprenne courageusement une réforme d'abus
évidents, non une utopie, (car je ne suis pas un homme d'utopies), mais une
reforme pratique. Si le gouvernement n'avait pas un temps suffisant à donner à
cette question, alors je réclamerais l'honneur de m'en occuper ; je réclamerais
de la complaisance de MM. les ministres (page
93) différents renseignements qui me mettraient à même de me livrer avec
fruit à cette étude ; et je serais heureux de consacrer le reste de ma vie
politique à la solution d'une question si importante pour la localité
principale qui m'a envoyé dans cette enceinte.
Mais ce que je demande, surtout au ministère dans cette circonstance, comme
dans toutes celles qui concernent les intérêts matériels, c'est qu'il ne suive
pas une pente naturelle dans sa position, généreuse même, c'est qu'il tienne la
balance égale et n'accorde pas une attention plus grande aux réclamations
faites par les voix énergiques des membres de l'opposition, qu'à celles
qu'élève ma voix plus faible peut-être, mais non moins patriotique.
- Personne ne demandant plus la parole, le paragraphe 2 est adopté.
Paragraphe 3
«La
chambre accueille avec faveur l'annonce des arrangements que le gouvernement
vient de conclure ; elle partage l'espérance que des traités nouveaux seront
bientôt le résultat des négociations commerciales avec d'autres Etats. »
M. Osy. - Je regrette avec l'honorable M. Delehaye
que le traité conclu avec les Etats-Unis n'ait pas été déposé sur le bureau
avant la discussion. Je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères de
me dire si cette convention ne renferme pas une modification importante à une
disposition de la loi des droits différentiels. Dans cette loi, nous avons
établi trois catégories pour les droits d'entrée. Le droit le moins élevé
s'applique aux importations directes des lieux de production ; un droit un peu
plus considérable a été fixé pour les provenances des entrepôts des Etats-Unis,
et en dernier lieu, le droit le plus élevé a été établi pour les provenances
des entrepôts d'Europe. Je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères,
si par la convention on accorde aux Etats-Unis la faveur d'importer de leurs entrepôts,
des produits de leurs colonies autres que les leurs, au même droit qui frappe
les provenances des pays de production. En cas d'affirmative, je demanderai au
gouvernement, après le dépôt de la convention sur le bureau, si les chambres de
commerce ont été consultées sur ce point.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire hier, le traité
conclu avec les Etats-Unis sera nécessairement déposé sur le bureau de la
chambre. Je ne sais si la chambre entend qu'on entre prématurément dans le fond
même du débat. (Non ! non !) Cependant
puisque cette interpellation m'est faite, j'y répondrai directement.
Le principe admis dans le traité, relativement aux provenances d'entrepôt,
est le même principe qui se trouve écrit dans le traité de 1840, c'est-à-dire
qu'on admet l'assimilation de part et d'autre pour les provenances des
entrepôts. J'ai lieu de m'étonner que cette disposition du traité ne reçoive
pas l'assentiment de l'honorable M. Osy, car cet honorable membre sait que le
commerce d'Anvers a demandé presque unanimement que ce système fût consacré dans
un traité à intervenir avec les Etats-Unis. La raison en est fort simple : Si
la Belgique s'était refusée à admettre l'assimilation pour les provenances des entrepôts
des Etats-Unis, le gouvernement américain aurait usé de réciprocité à l'égard
de la Belgique et aurait refusé d'admettre l'assimilation pour les provenances
des entrepôts de la Belgique. Je pense que cette disposition aurait frappé
directement sur le commerce d'Anvers.
Je ne veux pas entrer dans la discussion de ce point important ; je veux
seulement répondre à l'interpellation de l'honorable préopinant.
M. Osy. - Je ne veux pas non plus anticiper sur la
discussion de cette disposition importante que je ne blâme ni n'approuve quant
à présent. Je demande seulement à M. le ministre des affaires étrangères de
vouloir bien déposer sur le bureau, conjointement avec le traité, les avis des
chambres de commerce sur cette question, pour le cas où elles auraient été
consultées.
M. Delehaye. - Je savais
hier que l'assimilation était étendue aux produits d'entrepôt. Aussi était-ce
par ce motif que je pensais qu'il ne fallait pas accueillir avec faveur, comme
le fait la commission, l'annonce de la convention conclue avec les Etats-Unis.
On dit que la chambre n'a pas été appelée à statuer
sur cette convention, cela est vrai ; mais j'ai fait partie de la commission
chargée d'examiner la première convention. L'honorable M. de Theux qui
présidait cette commission pourra vous dire que cette partie de la convention a
été très mal accueillie dans la commission. Je sais que nous n'avons émis aucun
doute, mais comme plusieurs membres croyaient la convention peu avantageuse et
voulaient la rejeter, je pense que vous ne pouvez pas dire que vous accueillez
avec faveur une convention pareille.
Le gouvernement devait déposer d'abord la convention conclue ; il ne l'a
pas fait, parce qu'il savait que ceux qui sont à même d'apprécier la position de
la navigation nationale vis-à-vis de celle des Etats-Unis trouveraient une semblable
disposition contraire aux intérêts du pays ; c'est là le seul motif pour lequel
la conventionné vous a pas été communiquée. Je ne puis pas donner mon
assentiment à l'expression d'un accueil favorable à une convention que l'on nous
soustrait et que je sais renfermer une disposition que je ne puis approuver.
M. de Theux. - Il est vrai que dans le sein de la
commission chargée d'examiner le premier traité avec les Etats-Unis, il s'est
élevé des objections contre la disposition dont il s'agit, mais la commission
n'avait pas émis de vote sur ce traité. J'ai essayé plusieurs fois de réunir la
commission ; malgré mes efforts je ne suis pas parvenu à faire examiner le
projet. Voilà le véritable état de choses.
Quant au paragraphe de l'adresse, la commission n'a entendu approuver le
traité, ni dans son entier, ni dans aucune de ses dispositions, mais seulement annoncer
qu'elle ferait un accueil favorable à un traité indiqué, sauf à l'examiner dans
toutes ses dispositions. Une disposition de ce traité pourrait convenir à tous,
il ne s'ensuit pas que les autres leur conviendraient également. Le vote que
nous émettons ne préjuge en rien le vote sur le traité, nous nous bornons à
dire que nous faisons un accueil favorable à l'annonce du traité.
- Le paragraphe est mis aux voix et adopté.
Paragraphe 4
« La chambre examinera avec l'attention que réclame la gravité des questions
qu'il soulève, le projet annoncé par V. M. pour l'organisation d'une société
d'exportation.|»
- Adopté.
Paragraphe 5
« La prospérité de la plupart de nos industries et l'état généralement satisfaisant
de la récolte des céréales, sont pour le pays un gage de sécurité. L'empressement
mis par la législature à répondre à l'appel du gouvernement est un sûr garant
du dévouement avec lequel nous continuerons de prêter notre concours aux mesures
destinées à détourner les conséquences du fléau qui a frappé l'une des
substances alimentaires les plus précieuses. »
M. Osy. - Je ne propose pas de changement au
paragraphe dont il s'agit, cependant il exprime une confiance peut-être un peu
trop grande sur l'éatt généralement satisfaisant de la récolte. Car je crois
que positivement nous avons moins qu'une récolte moyenne ; nonobstant les
froments récoltés dans le pays, les arrivages de céréales dont vous voyez le
tableau dans le Moniteur d'aujourd'hui, les arrivages sont arrachés par les
consommateurs, parce que les besoins sont considérables.
Je ne veux pas, je le répète, proposer de changement ; je veux bien
laisser le paragraphe tel qu'il est rédigé, pour ne pas alarmer le pays. Mais à
cette occasion, je dois revenir sur la discussion du mois de septembre dernier.
Je demandais alors que le gouvernement voulût adopter un amendement pour
l'entrée des farines. Cet amendement a été malheureusement rejeté. Depuis lors,
les Hollandais et les Anglais ont fait des achats considérables de farines aux
Etats-Unis, à tel point que la hausse des farines en Amérique, entre notre
dernier vote et le 31 octobre, date des dernières nouvelles qui nous sont
arrivées, a été de 10 fr. par baril de 90 kilog. La même hausse s'est fait
sentir sur les grains ; mais ce que je crains le plus, c'est qu'après l'hiver,
les prix continuent à s'élever. Nous trouverons alors sur les marchés du Nord
et du Midi la concurrence de deux grandes nations, la France et l'Angleterre.
Je pense qu'il est plus que temps que le gouvernement s'occupe de l'objet de
l'amendement de M. Delfosse qu'il a adopté, car sur lui pèse la responsabilité
de tout ce qui peut arriver. Je crois qu'il doit, sans tarder, examiner la
situation exacte tant des besoins du pays que des arrivages et voir s'il n'est
pas temps de permettre l'entrée des farines, je ne dis pas libre de droits,
mais au droit de 2 fr. par baril, par exemple, ce qui représente le salaire du
meunier.
Je pense qu'il est nécessaire que le gouvernement s'occupe de cet objet.
J'appelle maintenant son attention sur ce point, parce que d'ici à longtemps ; je
ne pourrai pas le faire, et que d'ailleurs les ordres ne pourront arriver aux
lieux de production qu'en mars ou avril. Il est possible qu'en janvier ou février
la réaction sur les céréales s'opérera. Je suis persuadé qu'en mars et avril
vous aurez des prix plus élevés qu'aujourd'hui, et déjà le froment est à 20 fr.
et le seigle est à 18 fr., prix qui ne s'est jamais vu depuis la malheureuse
année 1817. Il est plus que temps que le gouvernement s'occupe des besoins qui
peuvent survenir.
J'ajouterai que le gouvernement ferait bien d'examiner s'il n'y aurait pas
lieu de présenter un projet de loi pour les semis de pommes de terre. Le commerce
a fait tout ce qu'il a pu pour introduire, dans le pays, cette nourriture
nécessaire à la classe ouvrière. Pendant toute l'année, il n'est entré que 160
mille hectolitres de pommes de terre, tandis que la consommation et les semis
montent à 20 millions ; je mets 16 si vous voulez, ce chiffre n'est pas
exagéré. Vous aurez un déficit de 12 millions qu'il faut remplacer par des
céréales.
Ce qui m'occupe, ce sont les semis ; je voudrais
que le gouvernement encourageât l’arrivage des pommes de terre pour les semis,
parce que sans cela le mal pourrait continuer pendant plusieurs années. Car
l'introduction des pommes de terre est un commerce extrêmement ingrat. Les
pommes de terre envoyées du Nord et du Midi par mer, sont arrivées gâtées ; on
a dû en jeter à la mer dans un port de relâche et dans les ports d'arrivée.
Je crois que le gouvernement ne doit pas perdre de vue le point de savoir
s'il n'y a pas lieu d'autoriser l'introduction des viandes salées et du poisson
sec, ce qu'il peut faire par arrêté royal. Je l'engage à s'en occuper.
M. le ministre des finances
(M. Malou). - Messieurs, à votre session extraordinaire, vous avez accordé au
gouvernement un vote de confiance dans l'ordre des intérêts matériels. Le
gouvernement a accepté la responsabilité qui résulte de ce vote. La chambre a
apprécié alors les motifs qui empêchaient le gouvernement d'entrer dans des
détails sur les mesures à prendre. Je prie la chambre, dans l'intérêt du pays
et de notre responsabilité, de nous permettre de conserver cette position. Si
je prends la parole, c'est pour empêcher que certaines exagérations ne
s'accréditent dans le pays.
Il n'est pas étonnant que dans la situation actuelle les prix se soient élevés.
Ce qui est étonnant, c'est qu'ils ne se soient pas élevés davantage.
Rappelez-vous ce qui s'est passé en 1816et 1817.
La moyenne du prix du seigle pour toute l'année a été de 35 fr. l'hectolitre :
le prix du froment s'est élevé jusqu'à 60 fr. Si dans les circonstances où nous
nous trouvons, les prix n'ont pas subi la hausse que nous craignions, c'est que
les mesures prises pendant la session extraordinaire ont produit un heureux
résultat. Les tableaux insérés au Moniteur prouvent que ces mesures n'ont pas
été (page 94) stériles et combien
les arrivages de toutes les denrées alimentaires ont été considérables,
M. Lys.-— Il me semble qu'on
pourrait joindre les deux paragraphes 5 et 6.
M. le président. - M. Lys propose de réunir les paragraphes 5
et 6 ; le paragraphe en discussion serait ainsi conçu :
« La prospérité de la plupart de nos industries et l'état généralement satisfaisant
de la récolte des céréales sont pour le pays un gage de sécurité.
L'empressement mis par la législature à répondre à l'appel du gouvernement est
un sûr garant du dévouement avec lequel nous continuerons de prêter notre
concours aux mesures destinées à détourner les conséquences du fléau qui a
frappé l'une des substances alimentaires les plus précieuses. »
- La proposition de réunir ces deux paragraphes est mise aux voix et adoptée.
M. Lys. - Je commence par vous
dire, messieurs, que je me rallie entièrement à la demande faite par l'honorable
baron Osy, pour obtenir l'entrée libre des farines, et engager le gouvernement
à faire les approvisionnements nécessaires, afin de pourvoir aux semis des
pommes de terre, en livrant les quantités nécessaires aux cultivateurs, à un
prix modéré ; j'ai déjà présenté pareille demande lors de la discussion de la
loi, pendant la session extraordinaire ; il est inutile d'en déduire de nouveau
les motifs, le gouvernement ne les aura pas perdus de vue.
C'est avec étonnement, messieurs, que je lis dans le projet d'adresse
que la prospérité de la plupart de nos industries et l'état généralement satisfaisant
de la récolte des céréales sont pour le pays un gage de sécurité, quand une
industrie aussi considérable que celle de la fabrication des draps et étoffes
de laine est dans un état de souffrance telle que les affaires sont dans une
stagnation déplorable.
On vous parle, messieurs, des avantages résultant des mesures prises par
le gouvernement, quand la misère n'est pas seulement à nos portes, mais est entrée
à l'intérieur. Nous ne pouvons, malheureusement, pas dire, comme l'a fait mon
honorable ami, M. Delehaye, en partant de la ville de Gand : L'industrie de
Verviers est prospère. Je dois dire, au contraire : L'industrie de la
fabrication des draps et étoffes de laine, dans le district de Verviers, est
souffrante, et, en effet, messieurs, nous voyons déjà une partie de nos ateliers
ne s'ouvrir qu'avec le jour et se fermer avec la nuit. Comment voulez-vous, des
lors, que l'ouvrier puisse se nourrir avec une journée qui commence à 8 heures
du matin et finit à 4 heures du soir, vu la cherté seule du pain, sans parler
des autres substances alimentaires ?
On doit s'attendre, messieurs, que ce malaise n'ira qu'en augmentant. Dès
lors le district de Verviers mérite bien certainement d'avoir une large part
dans les secours mis à la disposition du gouvernement.
Je dirai à MM. les ministres : Remarquez-le bien, un nombre bien considérable
de malheureux se trouveront dans le besoin, dans la misère, par le défaut
d'ouvrage et par la cherté des denrées de première nécessité. Je dirai à MM.
les ministres : Jamais des secours d'aucun genre n'ont été accordés aux ouvriers
du district de Verviers, jamais ils n'en ont demandé. C'est donc pour la première
fois, et à l'occasion d'une urgente nécessité, que nous sollicitons un pareil
secours.
L'arrondissement de Verviers est surtout frappé, messieurs, par le fléau
que présente la récolte des pommes de terre, qui sont la principale nourriture de
l'ouvrier. A ce malheur se joint nécessairement la cherté excessive du pain, ce
qui réduit, je le répète, à un état bien misérable le grand nombre des ouvriers
de fabrique dans le district de Verviers.
Si un million, messieurs, avait été employé (par un roulement continuel),
à faire des acquisitions en grains et à les jeter sur nos marchés, en temps
opportun, les grains ne resteraient pas entre les mains des détenteurs et des
gros fermiers qui spéculent sur la misère publique : et le prix des céréales,
au lieu d'être en hausse commue, serait souvent en baisse.
Si avec un état satisfaisant de la récolte des céréales, si avec l'entrée
considérable des grains étrangers, nous voyons le prix du pain s'élever de jour
en jour, je dois dire que le gouvernement n'a pas pris les mesures convenables,
au moyen du crédit qui lui a été accordé. Inutilement M. le ministre des
finances fait-il une comparaison avec l'état des choses en 1816 et 1817, car
elle n'est pas exacte, la récolte était alors mauvaise, aujourd'hui on la
déclare bonne.
Ordinairement le ministère crée facilement des commissions ; c'est ici, messieurs,
qu'une commission pour l'achat de grains, à l'effet de former des greniers, je
ne dirai pas d'abondance, mais de secours, était indispensable. En fournissant
des céréales sur divers marchés, à des prix convenables, on tenait le prix du
pain à un taux peu élevé.
Je terminerai, messieurs, par solliciter une part dans les sommes mises à
la disposition du gouvernement en faveur des ouvriers de fabrique du district de
Verviers.
Je demande à M. le ministre des travaux publics de mettre de suite en adjudication
les travaux des routes de Francorchamps et de l'embranchement de Jalhay.
Ces communes et celles voisines sont au nombre de celles qui souffrent le
plus par la privation de la récolte des pommes de terre ; car elle ne peut être
portée au dixième d'une récolte ordinaire, et c'est cependant leur principal
produit. La perte qu'essuient les malheureux cultivateurs est tellement grande
qu'ils restent sans ressource autre que celle que leur fournit la récolte des
avoines.
Je prie aussi M. le ministre de ne pas oublier
de statuer bientôt en ce qui concerne la route de la Planck, commune d'Aubel,
car les ouvriers des campagnes seront encore plus à plaindre que ceux des villes
et seront tout aussi nombreux ; car ils seront augmentés cet hiver de bon
nombre de cultivateurs, qui n'ont d'autre ressource pour leur famille que le
produit résultant de la vente des pommes de terre, produit dont ils sont privés.
La situation actuelle de nos
fabriques mérite toute l'attention du gouvernement ; il se gardera sans doute
de faire aucun changement à la législation existante, qui pourrait compromettre
davantage leur position.
Je n'entrerai pas dans des explications, le ministère doit me
comprendre.
M. de Theux. - J'approuve fort le zèle de l'honorable
député de Verviers, pour procurer du travail aux populations de son district ;
mais si nous entrons dans cette voie il n'est peut-être aucun d'entre nous qui
ne se trouve dans le cas de faire la même réclamation. Ce ne sera plus
l'adresse que nous discuterons, mais le budget du département des travaux
publics. Je demande que l'on s'en tienne à la discussion de l'adresse.
M. le ministre des travaux publics (M. d’Hoffschmidt). - Je suis prêt à répondre à toutes les interpellations qui me seront
adressées (Non, non) ; mais je crois,
avec l'honorable M. de Theux, que cela nous entraînerait dans de trop longues discussions,
si nous nous occupions de tous les travaux réclamés dans l'intérêt de la clause
ouvrière.
Je puis répondre cependant à l'honorable préopinant que les routes qu'il
a désignées seront mises incessamment en adjudication. Pour me conformer aux désirs
de la chambre, je n'entrerai pas dans d'autres détails.
M. le président. - J'invite les orateurs à se renfermer dans
l'objet du paragraphe en discussion.
M. Dumortier. - Après le
vote de confiance que la chambre aura tout à l'heure à émettre, il n'est aucun
paragraphe plus digne de votre sollicitude que celui qui vous occupe. Je dirai
même qu'au point de vue du pays, ce paragraphe est le plus important. Je crois
donc que la chambre ne manquera pas de l'examiner avec maturité. Il s'agit de
l'emploi du subside que nous avons voté il y a deux mois. Cela est digne de
toute la sollicitude de cette assemblée. Je présenterai donc sur cette question
quelques observations et je demanderai quelques explications au gouvernement.
Voilà deux mois passés que la chambre a voté un crédit de deux millions dans
le but d'empêcher les désastres qui pouvaient subvenir, par suite de la mauvaise
récoltle d'une des principales denrées alimentaires, si nécessaire à la classe
ouvrière.
M. le ministre des finances, interpellé tout à l'heure sur l'emploi de ce
subside, a eu l'honneur de vous dire qu'il désirait que le gouvernement pût garder
le silence dans l'intérêt de la responsabilité ministérielle. Je ne pense pas
que ce soit le cas de parler de la responsabilité ministérielle. Il s'agit de
pain et non pas de responsabilité ministérielle en cette circonstance.
Pour moi je vous le déclare, avant de voter le paragraphe en discussion,
je désire vivement savoir, ainsi que je viens de le dire, quel emploi a fait le
gouvernement des fonds alloués par la législature. Je désire savoir surtout si le
gouvernement a fait emploi de ces fonds ; et s'il m'est démontré qu'il n'en a
fait aucun, je regarde comme un devoir de le presser de faire usage de ces fonds
dans le plus bref délai possible.
Voici le motif sur lequel j'appuie celle opinion.
La récolte des pommes de terre n'a pas totalement manqué. Dans certaines
parties de la Belgique, on a fait un quart de récolte ; dans d'autres une demi-récolte
; d'autres ont été mieux favorisées, mais dans certaines localités on n'a pas
récolté le vingtième d'une récolte ordinaire. On est aujourd'hui occupé à
consommer le peu qu'on a récolté. D'un autre côté le peuple a encore, pour subsister,
les légumes d'automne qui seront bientôt consommés ; mais après cela que
restera-t-il au peuple pour vivre ? Les mois de mars et d'avril se présentent à
mes yeux sous les plus sombres couleurs. Il est incontestable qu'il s'opérera
une très grande hausse sur les céréales, parce que toute la consommation devra
se porter exclusivement sur les céréales.
Si les approvisionnements ne sont pas faits à l'avance, je crains que dans
beaucoup de villes on n'éprouve de grands embarras pour la classe ouvrière, je
crains qu'elle ne soit dans une très fâcheuse situation. Je m'en suis beaucoup
préoccupé et je suis demeuré convaincu que la question des approvisionnements
pour les mois de mars et d'avril est de la dernière importance au point de vue
de la tranquillité publique. J'aurais voulu que le gouvernement profitât du
moment où les ports du Nord sont encore ouverts pour en tirer le plus de grains
possible. J'aurais voulu qu'on achetât des céréales, non sur notre marché, ce
qui amènerait une hausse rapide qu'il faut éviter, mais sur les marchés
étrangers.
D'un autre côté j'aurais voulu que le gouvernement
engageât les grands centres de population à se procurer de grands approvisionnements
de riz parce que c'est le seul aliment qui puisse remplacer les légumes quand
nous arriverons entre mars et avril, quand la végétation nouvelle ne produira
pas encore de quoi pourvoir à l'alimentation du peuple.
Je demande quel emploi on a fait des fonds alloués. Je le répète, il ne s'agit
pas là de responsabilité ministérielle, ce serait une erreur de croire qu'avec
ce mot on pourrait tranquilliser le pays. Si l'emploi des fonds n'a pas été
fait, j'adjure le gouvernement de le faire le plus tôt possible et d'encourager
tous les établissements de charité de nos grandes villes à s'attacher à faire
venir des approvisionnements qu'on sera heureux de trouver au prochain
printemps, lorsqu'il n'y aura plus aucuns légumes et que toute la consommation
devra se rejeter sur les céréales.
M. le ministre des finances
(M. Malou). - La loi que vous avez votée pendant votre session extraordinaire porte
que le gouvernement devra vous faire un rapport sur l'emploi du crédit du deux
millions que vous avez voté (page 95)
et sur les mesures qu'il aura prises en vertu des pouvoirs extraordinaires que
vous lui avez donnés. Si maintenant je suivais l'honorable membre sur le
terrain où il s'est placé, je rouvrirais une discussion immense et très
difficile, et je vous donnerais ainsi une partie du rapport que nous devrons
faire lorsque les éléments en seront complets.
Permettez-moi d'ajouter qu'il y aurait quelque
danger à suivre l'honorable membre sur ce terrain ; permettez-moi de le dire :
il n'y a pas de matière plus difficile à traiter en public que celle des subsistances
; parce qu'un mot prononcé avec les meilleures et les plus patriotiques
intentions peut faire naître des craintes parmi les populations qui sont
d'autant plus faciles à alarmer qu'il s'agit de leur premier, de leur plus cher
intérêt.
J'indique franchement à la chambre pourquoi je n'entre pas dans le débat
que l'honorable membre a soulevé. En le faisant, je croirais manquer à mes devoirs.
Je ne me prononce pas sur ses observations, je ne dis pas si elles sont oui ou
non fondées, mais je pense que cette discussion est inopportune, qu'elle serait
contraire aux intérêts du pays.
Lorsque j'ai parlé de noire responsabilité, je n'ai pas voulu prononcer un
grand mot, mais faire allusion à une chose grande et sérieuse.
M. Desmet. - Messieurs,
j'avais demandé la parole quand j'avais entendu dire, par un honorable député
d'Anvers, que cette année il n'y avait eu qu'une demi-récolte de grains, et
pour vous dire que ce n'était pas là mon opinion, du moins pour ce qui concerne
celle qui a été faite dans les Flandres, où la récolte a été, pour la quantité,
comme dans une année ordinaire : mais pour ce qui regarde la qualité, elle a
été moindre ; le grain est, en général, moins farineux que l'an dernier.
Messieurs, dans la délicate question des céréales et de la rareté des subsistances,
je me garderai bien d'émettre une opinion publiquement à cette tribune ; je
veux seulement faire quelques observations sur cette matière, et cela dans
l'intention unique d'y attirer l'attention du gouvernement.
On est généralement étonné de l'élévation des prix des grains et surtout
du seigle, qui cependant est la principale nourriture de la classe pauvre et des
habitants de la campagne des Flandres. On remarque que les marchés sont mal fournis.
On remarque aussi que les grains étrangers se placent en petite quantité. On
soupçonne que les cultivateurs ne veulent pas encore vendre, dans l'incertitude
où ils se trouvent des besoins extraordinaires en grains, que la détresse des
pommes de terre pourrait occasionner. Mais on dit aussi que le battage ne se
fait pas encore en grand, et on pense que, quand les grands cultivateurs se
mettront à battre, alors le prix des grains pourra bien diminuer.
On vient de vous dire que les prix des grains étaient plus élevés en 1816
et 1817 qu'aujourd'hui ; cette assertion est bien exacte ; mais il y a grande
différence entre les deux époques.
En 1816 et 1817, il y avait réellement dans le pays une mauvaise récolte
de céréales, et c'est ce que l'on ne peut pas dire de la récolte dernière ; on peut
ajouter qu'en 1815 tous les greniers étaient vidés pour les subsistances des
armées qui venaient de passer dans le pays.
Messieurs, le paragraphe que nous discutons dit que la plupart de nos industries
sont eu prospérité ; il est vrai que quelques-unes le sont, mais pas toutes,
tout le monde le sait ; mais ce n'est pas le moment d'en parler avec détail ;
tout ce que je veux en dire, et cela aussi dans la seule intention d'attirer
encore une fois l'attention du gouvernement, c'est que, par suite du fléau de
la détresse dans la récolte des pommes de terre, il est à craindre qu'il y aura
quelque temps peu de débit de quelques produits industriels, et qu'il serait
peut-être à craindre que des établissements se trouveraient obligés de renvoyer
quelque partie de leurs ouvriers.
Ce serait une mesure déplorable et il est à espérer qu'elle n'aura pas lieu,
que les industriels, prenant en considération les besoins de la classe ouvrière,
auront compassion d'elle et qu'ils n'arrêteront pas du tout leurs travaux.
Comme la discussion est aussi ouverte sur le sixième paragraphe, je dirai
quelques mois sur la pauvreté qui règne. On ne doit pas le cacher, et même je
dirai qu'il n'y a aucune imprudence d'en parler ici ouvertement, et surtout
qu'il y a moyen de remédier à cette situation déplorable, qu'il y a moyen de
venir au secours des nécessiteux.
A quoi j'engage tout particulièrement le ministre, c'est que l'Etat vienne
en aide aux communes, à leurs bureaux de bienfaisance ; on ne peut mettre en
doute qu'ils ont besoin de secours ; mais il y a même un besoin de leur
procurer ce secours le plus tôt possible ; à présent on met partout beaucoup de
zèle pour assister les pauvres, pour leur procurer du travail et des
subsistances ; mais on compte sur l'aide de l'Etat. Si donc le gouvernement remettait
trop longtemps à donner des subsides, l'élan et le zèle des communes diminueraient
beaucoup et pourraient peut-être s'arrêter entièrement. C'est encore un point
sur lequel j'attire l'attention du cabinet.
Messieurs, on ne peut mettre en doute que, quand
les subsistances manquent pour la classe pauvre, alors il y a plus fréquemment
du maraudage et que les vols se multiplient ; je fais cette observation pour
engager le gouvernement à faire marcher les patrouilles dans les campagnes ;
c'est une mesure, je pense, qui fera beaucoup de bien et tranquillisera
beaucoup les habitants du plat pays.
Je ne peux terminer sans attirer l'attention toute particulière de l'administration
sur le district d'Audenarde, où la pauvreté est très grande ; j'en parle
surtout parce que les mendiants de ce district font invasion dans le district
d'Alost qui a ainsi la double charge d'entretenir ses propres indigents et de
devoir donner beaucoup à ceux qui lui sont étrangers,
- La clôture est demandée.
M. Osy. (contre la clôture). - Messieurs, il me
paraît que l'on ne peut clore aussi promptement la discussion sur une question
de cette importance. Quand aurons-nous encore occasion de traiter cette
question ? Probablement lorsque nous nous occuperons du budget de l'intérieur.
Mais je crois qu'il y aurait de graves inconvénients à remettre jusqu'alors les
observations que nous avons à faire pour éclairer le gouvernement et lui
indiquer les moyens de procurer de la nourriture à bon marché à la classe
ouvrière.
Je proteste donc formellement contre la demande de la clôture, et si elle
est adoptée, je demande qu'il soit dit dans le procès-verbal que j'avais demandé
la parole.
M. de Theux. - Je ne m'opposerais en aucune manière à ce
qu'il s'établit une discussion sur les mesures à prendre, si le gouvernement
pouvait prendre part à cette discussion. Mais il a annoncé l'intention formelle
de ne pas y prendre part. A quoi donc pourrait servir cette discussion ?
M. de Brouckere. - Messieurs, je comprendrais parfaitement que l'on voulût continuer la
discussion si l'on avait des reproches formels à adresser au gouvernement sur la
marche qu'il a suivie jusqu'à présent. Mais je prie la chambre de remarquer que
personne n'adresse de reproches au gouvernement, mais qu'on se contente de lui
donner des conseils. Eh bien ! je dirai à ceux qui ont des conseils à donner,
que ces conseils seront plus efficaces et plus utilement donnés dans le cabinet
de MM. les ministres qu’en public ; je crois que MM. les ministres accueilleront
avec reconnaissance les conseils de tous les membres de la chambre. Mais, M. le
ministre des finances a eu parfaitement raison, c'est une matière qu'il ne faut
pas traiter en public dans ce moment-ci.
M. Mast de Vries. -
J'ajouterai à ce que vient de vous dire l'honorable préopinant, que les
observations que vous a présentées l'honorable M. Osy pourront déjà avoir ce
résultat d'amener une augmentation dans les prix des grains. Il vous a dit que
ces prix s'élèveraient aux mois de mars et d'avril ; c'en est assez pour que
plusieurs de ceux qui possèdent des grains, les conservent jusqu'à cette époque.
M. Osy. - Mes observations porteront sur un autre
point. Je veux engager le gouvernement à revenir sur un amendement qui a été
rejeté à la session dernière et sur lequel je m'étais réservé de prendre la
parole.
Il me paraît, messieurs, que loin de vouloir faire augmenter les prix des
denrées, je fais tout ce que je puis pour les faire diminuer. Si l'on veut me
permettre deux mots, on verra que je dis la vérité. Je désire engager le gouvernement
à revenir sur l'amendement du 1er juin. C’est une affaire assez intéressante
pour que vous m'accordiez quelques minutes. D'autant plus que la Hollande a dû
revenir sur la première proposition du gouvernement.
Si, malgré ma réclamation, la chambre clôturait, je demanderai que cette
réclamation soit insérée au procès-verbal.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
Les paragraphes 5 et 6 sont mis aux voix et adoptés.
Paragraphe 7
« La chambre applaudit aux efforts du gouvernement de Votre Majesté,
pour atténuer le malaise dont l'industrie linière souffre encore, et pour
améliorer la condition morale et matérielle des classes indigentes. »
- Adopté.
Paragraphe 8
« Les projets de loi ayant pour but
d'assurer et de développer nos intérêts agricoles, auxquels se lient tant d'autres
intérêts, recevront l'accueil qu'ils méritent de la part des représentants
d’une nation qui a toujours considéré l'agriculture comme le premier élément de
sa prospérité et de son bien-être. »
- Adopté.
« L'exposition des beaux-arts vient
de prouver, et la prochaine exposition industrielle attestera, sans aucun doute,
quel essor peuvent donner à l'intelligence d'un peuple le souvenir d'un passé
glorieux et le sentiment de son indépendance. »
M. Osy. - Je demanderai au gouvernement si c'est par
économie qu'il ne fera pas d'exposition de l'industrie nationale en 1846. Si
c'est là le motif, je l'approuve complétement. Car je crois que, dans cette
session, nous devons tous être aussi économes que possible des deniers de
l'Etat.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Messieurs, l'économie est bien un des motifs qui ont déterminé le gouvernement
à ne pas faire d'exposition l'année prochaine ; mais d'autres considérations
nous y ont aussi décidés, et l'honorable membre semble les approuver toutes.
Car, si j'ai bonne mémoire, j'ai eu occasion de traiter cette question avec
lui.
M. Dumortier. - Messieurs,
je demanderai si, dans une adresse à la Couronne, il convient bien de parler
d'une exposition qui n'aura lieu que dans deux ans. Ordinairement les discours
du Trône ne parlent que des événements qui doivent se passer dans le cours de
l'année.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Une des raisons qui ont déterminé le gouvernement à mentionner, dans
le discours du Trône, la future exposition, tout en ne l'annonçant pas pour l'année
actuelle, c'est de prévenir les intéressés afin qu'ils ne fussent pas pris au
dépourvu.
- Le paragraphe est mis aux voix et adopté.
Paragraphe 10
« Une lacune existe dans l'organisation de l'enseignement public. Le
projet de loi, dont la chambre est saisie, et les développements que le gouvernement
de Votre Majesté nous annonce, seront examinés avec le désir sincère de
compléter ce système d'institutions libérales qui fait l'honneur de la Belgique
régénérée. »
M. Devaux. - Messieurs,
ce paragraphe peut laisser subsister quelques doutes sur les intentions qu'on a
eues en le rédigeant.
Si par les mots compléter ce système d'institutions libérales qui fait l'honneur
de la Belgique régénérée on veut faire l'éloge le plus complet des lois que
nous avons faites sur l'instruction publique, des lois qui concernent l'enseignement
supérieur, l'enseignement moyen et l'enseignement primaire, (page 96), si ce sont là les intentions de
la commission, je ne puis accepter cet éloge, et je ne puis le voter. Je ne puis
dire que les lois qui régissent l'enseignement supérieur, l'enseignement moyen,
l'enseignement primaire font la gloire ou l'honneur de la Belgique régénérée.
Si l'on a voulu, au contraire, rendre hommage au principe de la liberté d'enseignement
qui est sanctionné par la Constitution, alors je m'associe à la commission,
mais pour cela il faut que la rédaction soit changée. Je dis que je ne puis
regarder comme devant être rappelées en termes presque emphatiques toutes les
lois qui régissent l'instruction publique, et vous en comprendrez la raison.
Quant à la loi sur l'enseignement supérieur, elle est, messieurs, sujette
à révision. Déjà ses auteurs mêmes, déjà le ministère, il y a plusieurs années,
vous a présenté un projet de loi pour la réviser. Dans l'opinion de l'honorable
M. de Theux, cette loi devait être révisée, cette loi présente de nombreuses
défectuosités.
Une autre loi régit l'enseignement supérieur ou s'y rattache ; c'est la loi
du jury d'examen. Je ne pense pas que la commission ait voulu faire décider d'avance
à la chambre que la loi du jury d'examen était l'honneur de la Belgique
régénérée, c'est-à-dire rendre en quelque sorte définitive une loi dont on a
jugé le mérite si peu sûr qu'on l'a rendue provisoire et temporaire.
Enfin la loi sur l'instruction primaire, nous ne l'avons adoptée, messieurs,
de ce côté-ci de la chambre que par un vote de concession, comme une loi
d'essai, mais nous ne nous sommes pas dissimulé les vices qu'elle présentait dans
plusieurs de ses dispositions, et l'exécution est loin de les avoir fait
disparaître.
Nous ne pouvons donc pas dire que l'ensemble des institutions qui régissent
l'instruction publique font l'honneur de la Belgique régénérée.
En un mot, si vous voulez reporter l'hommage sur le principe de la liberté
d'enseignement, nous sommes prêts à le faire et je crois que de ce côté de la
chambre on saisira avec empressement l'occasion de répondre aux paroles par
lesquelles M. le ministre de l'intérieur a jeté du doute sur notre respect pour
une des libertés constitutionnelles. Nous ne demandons pas mieux que de confirmer
ce respect par un vote formel.
Je vous propose donc, messieurs, de substituer
à la fin du paragraphe de la commission, ces mots : « avec le désir sincère
d'aider aux progrès de l'instruction en respectant les principes que la Constitution
a rendus inviolables. »
De cette manière, l'intention de la commission, quant à la liberté de l'enseignement,
se trouve exprimée et nous ne nous trouvons pas forcés de donner une
approbation sans réserve à la loi sur l'instruction supérieure, jugée depuis
longtemps imparfaite, à la loi du jury d'examen, qui est temporaire et à la loi
sur l'instruction primaire qui est à l'essai et à laquelle tout le monde ne
reconnaît pas la perfection.
M. Dedecker, rapporteur. - Messieurs, l'honorable préopinant a donné, aux termes dont s'est servie
la commission d'adresse, une interprétation restrictive qui n'est pas conforme
à la pensée de la commission. Par les mots : « Institutions libérales, » la
commission d'adresse n'a pas entendu parler exclusivement des lois qui se rapportent
à l'enseignement ; elle a voulu parler de l'ensemble de nos libertés nationales
; voilà quelle a été la pensée de la commission tout entière.
Quant à moi, messieurs, après cette explication publique que je viens de
donner, je pense qu'il devient inutile de changer la rédaction proposée par la commission.
Toutefois, si l'honorable préopinant persiste dans son amendement, je ne m'y
opposerai pas, parce qu'au fond c'est la même pensée exprimée en termes
différents.
M. le ministre de l’intérieur
(M. Van de Weyer). - Nous nous rallions à
l'amendement de l'honorable préopinant.
Plusieurs membres. - Oui, oui, c'est la même chose.
M. de Theux. - Il m'est parfaitement indifférents que la
chambre vote la proposition de la commission ou celle de M. Devaux ; l'une et
l'autre expriment au fond la même pensée, et je n'ai demandé la parole que pour
répondre à un passage du discours de M. Devaux, dans lequel cet honorable
membre disait que j'avais proposé moi-même la modification de la loi sur
l'enseignement supérieur. Il est bon de faire observer à la chambre que ces
modifications portent sur des dispositions purement accessoires et nullement
sur des dispositions fondamentales, Du reste, je ne m'opposerai jamais à des
modifications dans la loi sur l'enseignement supérieur, quand ces modifications
seront réclamées dans cette enceinte et reconnues utiles.
M. Rogier. - En appuyant
l'amendement de mon honorable ami, je crois pouvoir dire, messieurs, que je
parle au nom de l'opposition tout entière. L'opinion libérale, a pris une trop
grande part et au mouvement libéral de 1830 et à la confection de nos lois
constitutionnelles, l'opinion libérale a joué un trop grand rôle dans la fondation
de la nationalité belge, dans le développement de cette nationalité, dans
l'établissement de toutes les libertés du pays, pour qu'elle n'ait pas à cœur
de se montrer tout aussi susceptible sur toutes les grandes questions constitutionnelles
que toute autre partie de cette chambre. Tout ce que nous demandons, messieurs,
c'est que nos libertés constitutionnelles soient respectées, non pas seulement
dans leur texte, mais aussi dans leur esprit, par toutes les opinions.
Il est maintenant, messieurs, parfaitement établi que personne, au moins
dans cette enceinte, n'en veut à la liberté de l'enseignement, telle qu'elle a été
consacrée par la Constitution. Mais en admettant la liberté d'enseignement, messieurs,
il est des opinions qui n'ont pas abdiqué les prérogatives de l'Etat. Ces
opinions sont celles que je professe, et il m'importe, à l'avènement d'un
nouveau cabinet, de connaître si, dans les questions d'enseignement public, les
prérogatives de l'Etat seront suffisamment défendues par tous les membres du
cabinet qui se présente comme homogène. Cette question, messieurs, a un intérêt
immense à mes yeux. S'il m'était démontré que tous les membres du cabinet sont
décidés à défendre sincèrement et efficacement dans la loi d'enseignement moyen
les prérogatives du pouvoir civil, alors, messieurs, ce ministère, je dois le
dire, aurait fait un pas vers la confiance que je ne puis lui accorder
aujourd'hui. Il me reste des doutes à cet égard, des doutes que j'ai à cœur
d'éclaircir et sur lesquels j'attends de M. le ministre des affaires
étrangères, en particulier, une réponse catégorique.
An point de vue de l'enseignement supérieur, M. Van de Weyer montre un zèle
qui n'est équivoque pour personne. Nous sommes convaincus sur ces bancs, et
nous lui en savons gré, des efforts qu'il fera pour maintenir l'enseignement de
l'Etat sur des bases solides, pour l'encourager, pour le perfectionner.
Je n'entends pas cependant par là justifier tout ce qui a été fait jusqu'ici
; mais quant aux intentions de M. le ministre de l'intérieur, en ce qui concerne
l'instruction supérieure, je les crois bonnes et j'espère qu'il tâchera de les
réaliser. Mais M. le ministre des affaires étrangères joue un rôle important
dans la nouvelle combinaison ministérielle. Que ce rôle soit en harmonie avec
sa capacité, c'est ce que je ne conteste point ; à part un moment d'oubli, à
part sa singulière persistance, à chercher des contradictions, des inconséquences
dans la vie politique de ses adversaires, à part ces légers torts, que je ne
lui reproche pas même, dans cette discussion si vive, je dirai qu'il n'a eu
pour moi que des paroles bienveillantes, que des procédés dont je lui sais gré.
Je ne cherche donc point à le placer dans une position embarrassante, j'attends
de lui seulement une déclaration franche et nette.
M. le ministre des affaires étrangères a été chargé, en 1835, du rapport
sur la loi de l'enseignement supérieur, dont on détacha le titre du projet complet
que j'avais eu l'honneur de présenter à la chambre. Ce rapport, que j'ai
souvent lu, renfermait, en matière d'enseignement public, des idées que je ne
puis admettre, des idées qu'il est impossible que M. le ministre des affaires
étrangères ait conservées entières le jour où il est entré dans les fonctions
ministérielles. La compétence de l'Etat en matière d'enseignement était
virtuellement niée. En ce qui concernait l'enseignement des universités, voici
quelle était l'opinion exprimée par M. le rapporteur :
« L'enseignement public, pour lequel le peuple est forcé de verser d'énormes
sommes au trésor, est en réalité si peu national et a acquis si peu la
confiance des parents, qui cependant en font les frais, que les deux opinions
qui divisent la Belgique (avril 1835) ont dû élever, avec leurs deniers, deux
universités libres pour les représenter chacune.
« La confiance publique pourra entourer les institutions libres de telle
façon que les universités de l'Etat, par exemple, deviennent à peu près désertes.
Cette prévision, tous ceux qui ont foi dans la liberté, doivent la nourrir. »
Cette prévision, M. le ministre de l'intérieur, qui a foi dans la liberté,
ne la nourrit pas, j'en suis sûr...
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Je l'ai dit hier.
M. Rogier. - M. le ministre
de l'intérieur ne pense pas non plus que l'enseignement donné aux frais de
l'Etat soit en effet si peu national.
Mais cette prévision qu'on nourrissait alors, de voir les universités de
l'Etat complétement désertes, la nourrit-on encore aujourd'hui ? Si l'on a sacrifié
cette opinion, j'ai presque dit ce préjugé, sur l'autel de la conciliation,
qu'on veuille bien le dire.
Ces opinions, messieurs, je veux bien le reconnaître, ont 10 années de date
; elles ont pu se modifier au contact des affaires ; l'expérience, l'âge peuvent,
messieurs, corriger ce qu'on a pu avoir d'absolu dans certaines idées, et si je
demande aujourd'hui à M. le ministre des affaires étrangères des explications à
cet égard, ce n'est point pour en tirer parti contre ce qu'il y aurait de
contradictoire et d'inconséquent entre deux époques de sa carrière. Malheureusement,
messieurs, cette opinion qui fut manifestée en 1835 se manifesta encore plus
tard. Nous avons de M. le ministre des affaires étrangères des opinions plus récentes
en matière d'enseignement public, opinions qui ne me rassurent pas plus que
celles qu'il a exprimées en 1835. Dans la grande lutte ministérielle de 1841,
il fut beaucoup question d'enseignement public. Il fut surtout question de
l'enseignement moyen. L'honorable M. Dechamps attaqua avec beaucoup de violence
l'institution du concours ; il considéra cette institution comme illégale,
inconstitutionnelle, entachée même d'immoralité. Je demande à M. le ministre
des affaires étrangères s'il a conservé sur l'institution du concours, je ne
dirai pas le même préjugé, mais la même opinion.
Quant à M. le ministre de l'intérieur, je n'ai pas besoin de dire que j'ai
la conviction, confirmée d'ailleurs par des témoignages publics dont je saisis
l'occasion de le remercier ; que j'ai la conviction, dis-je, qu'il regarde le
concours comme une chose bonne, légale et parfaitement constitutionnelle.
Il y a plus. Ce n'était pas seulement le concours de l'enseignement moyen
qui était attaqué par l'honorable M. Dechamps, c'étaient les bases mêmes du
projet de loi sur l'enseignement moyen. On vient nous dire aujourd'hui, et c'est
M. le ministre des affaires étrangères lui-même qui en a fait la déclaration,
qu'on adopte les bases du projet de loi de 1834 ; que non seulement le cabinet
adopte ces bases, mais qu'il les étendra au profit du pouvoir civil. Voilà dans
quels termes l'honorable M. Dechamps s'est expliqué, au nom du ministère.
Eh bien, messieurs, je ne demande pas mieux que de voir le gouvernement adopter
pour l'enseignement moyen les bases du projet de 1834 ; je (page 97) ne demande pas mieux que de voir
ces bases élargies, au profit du pouvoir civil, toujours en respectant la liberté
constitutionnelle.
Mais en 1841, l'honorable M. Dechamps, était loin de nous faire pressentir
l'opinion à laquelle il se rallie aujourd'hui.
Voici ce que nous disait, au sujet de notre projet de loi sur l'enseignement
moyen, l'honorable M. Dechamps :
« Sous le rapport de l'instruction religieuse et morale, c'est-à-dire de
la base d'un bon enseignement primaire et moyen, la Belgique serait placée par la
loi au dernier échelon par les nations civilisées. »
Il ajoutait :
« Je dis que cette loi est telle qu'elle placerait la Belgique, parmi les
autres peuples, dans une exception inqualifiable. » Voilà l'opinion qu'on exprimait
en 1841.
En présence d'une telle opinion, il nous est assurément permis d'avoir des
doutes, de faire des réserves, de conserver de la défiance sur la sincérité des
déclarations qui nous sont faites aujourd'hui, sur la sincérité de l'engagement
que l'on prend non seulement de suivre fidèlement les bases du projet de loi de
1834, mais encore de les étendre au profit du pouvoir civil.
Messieurs, dans beaucoup de questions analogues, mais particulièrement dans
celles de l'enseignement, où le gouvernement trouvera-t-il probablement ses
premiers, ses plus fermes défenseurs ? Ce sera, messieurs, sur ces bancs de l'opposition
où, à en croire ses adversaires, ne siégeraient que des hommes exagérés,
ingouvernables, tandis qu'on semble réserver les éloges pour d'autres bancs où,
à ce qu'il semble, l'on ne trouve que la modération la plus parfaite, l'esprit
de conciliation le plus évangélique.
Si le gouvernement est sérieusement décidé à faire respecter les prérogatives
du pouvoir civil dans les lois de l'enseignement supérieur et moyen, tout en
respectant la liberté constitutionnelle, je ne crois pas trop m'avancer, en
disant que, sur ce terrain, notre concours est acquis au gouvernement. Ce n'est
certes pas là de l'exagération : c'est de la justice, c'est de la vraie
modération, et c'est être conséquents avec nous-mêmes.
Mais ce même concours sera-t-il promis à M. le ministre de l'intérieur par
l'autre côté de la chambre ? N'aurons-nous pas à craindre le renouvellement de
cette scène pénible, où le gouvernement, après avoir compromis l'initiative royale,
l'abandonna, hélas ! si misérablement, et où l'opposition qu'on accuse d'être
ingouvernable, intraitable, dut s'emparer du rôle du gouvernement ? Oui, il
fallut alors que l'opposition prît en main la cause du gouvernement qui, se manquant
à lui-même, s'associait alors aux contempteurs de la prérogative royale.....
M. de La Coste. -
Je demande la parole.
M. Rogier. - Voilà quel
genre de modération nous avons montré ; voilà quelle espèce d'opposition nous
avons faite ; voilà dans quel système nous persévérons.
Messieurs, il faut s'entendre sur la modération. Entend-on par modérés des
hommes qui, sans vouloir donner au gouvernement le concours sympathique et actif
qu'il réclame, lui accordent, à la dernière extrémité, un ou deux discours bien
froids ; qui, lorsqu'on leur demande une confiance complète, répondent : « Je
vous surveille » ; qui, dans tout grand danger politique du ministère, gardent
le silence le plus absolu, et permettent à l'opposition de le battre en brèche
? Est-ce là l'exemple de modération qu'on nous engage à suivre ?
Nous, messieurs, nous ne pratiquons pas cette modération. Nous sommes vifs
parfois dans notre opposition. Ah ! si nous avions sur le banc ministériel des
hommes qui eussent notre confiance, nous serions heureux d'employer à les défendre,
une chaleur que nous mettons à les attaquer. Voilà, messieurs, comment nous
entendrions notre rôle de majorité, voilà comment l'opposition l'a pratiqué ;
car enfin, cette opposition qu'on dit ingouvernable, cette opposition a été
majorité, elle a été ministérielle. Et rappelez-vous, messieurs, le rôle
qu'elle joua alors ; comparez les circonstances, les positions.
Nous étions vivement attaqués comme ministres ; nous l'étions pour des griefs
qu'on a reconnus depuis injustes ; nous l’étions pour des raisons que l'auteur
principal de la lutte a proclamées depuis mal fondées, gémissant lui-même, il y
a deux jours encore, sur les suites de ces attaques.
M. de Mérode. - Ce n'est pas moi.
M. Rogier. - Ce n'est
pas de vous que je parle, M. le comte, c'est de l'honorable M. Dechamps. Je
crois, du reste, que vos accusations, en cette circonstance, n'ont pas beaucoup
pesé dans le débat.
Eh bien, l'opposition alors était ministérielle ; un côté de la chambre nous
attaquait ; l'autre côté nous défendait avec chaleur ; tous ceux à qui le don
de la parole n'était pas refusé, s'empressaient de se lever pour nous soutenir,
pour nous donner ce concours énergique et sympathique, qu'un de vos amis
particuliers, MM. les ministres, a vainement réclamé de la majorité qui va voter
silencieusement pour vous, et qui vous conduira, sans doute, au même résultat
où sont arrivés vos prédécesseurs.
Aujourd'hui, j'avais à cœur de venger l'opposition
des attaques injustes dont elle a été l'objet, et contre lesquelles M. le
ministre de l'intérieur lui-même aurait dû se lever, s'il est vrai qu'il aspire
à représenter l'opinion libérale.
Je n'ai plus que quelques mots à dire.
L'opposition soutiendra le gouvernement dans les questions d'instruction
publique, si le gouvernement reste fidèle aux prérogatives du pouvoir civil.
M. Delfosse. - Je partage sur beaucoup de points l'opinion
de l'honorable M. Rogier ; mais je veux rester libre d'examiner les questions
quand elles se présenteront.
M. Rogier. - Je pense
que l'honorable M. Delfosse prendra sans peine l'engagement de faire respecter
les libertés inscrites dans la Constitution, et si le gouvernement vient
défendre les prérogatives du pouvoir civil dans les questions d'enseignement,
je suis persuadé que l'honorable membre ne le combattra pas...
M. Delfosse. - J'examinerai jusqu'où je dois aller.
M. Rogier. - Quant à
moi, j'y mets moins de réserve. Et parlant ici en mon nom personnel, je dirai en
finissant que tel j'ai été dans l'opposition tel je m'y maintiendrai ; si des
exagérations venaient à s'y manifester, je ne m'y associerai pas ; si au contraire
les amis de la modération et de la conciliation trouvent que je vais trop loin,
je ne leur en voudrai pas pour cela, je leur demande seulement de respecter la
position que j'ai prise et dont je ne dévierai pas.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, mon intention n'est nullement de rentrer, à la suite de l'honorable
membre, dans la discussion générale ; je viens seulement répondre aux questions
relatives à l'instruction publique, qui ont formé, de la part de l'honorable
préopinant, l'objet des interpellations qui me concernent personnellement,
quoique je ne sois pas chargé, dans le ministère, de ce qui concerne
l'instruction publique.
L'honorable M. Rogier, en faisant l'histoire de mes opinions en matière d'instruction
publique, a rappelé plusieurs faits : le rapport que j'ai présenté en 1835 sur
l'instruction supérieure et les paroles que j'ai prononcées dans les
discussions politiques de 1841 ; mais il a oublié de parler de mon rapport plus
récent sur l'instruction primaire et de la conduite que j'ai tenue dans la
longue discussion de cette loi ; je me permettrai de compléter à cet égard les
faits rappelés par l'honorable M. Rogier.
En 1835 j'ai présenté un rapport dont l'honorable membre vous a lu un passage
isolé. Je reconnais que dans ce rapport, présenté il y a 10 ans, j'ai insisté
d'une manière trop absolue peut-être sur les principes relatifs à la liberté
d'enseignement, sans donner les mêmes développements à ce qui concerne l'intervention
de l'Etat. Je suis même prêt à reconnaître que quelques-unes des opinions
consignées dans ce rapport, ne sont plus tout à fait les miennes aujourd'hui.
Ce rapport, je l'ai présenté à mon entrée dans cette chambre, et les opinions
que j'y exprimais ont pu certainement se modifier aux lumières de nos
discussions et au contact des affaires publiques. Cependant je dois dire qu'on
a exagéré la pensée générale de ce rapport. Je n'en veux pour preuve que les
conclusions auxquelles ce rapport aboutit. Si j'avais voulu nier la compétence
du gouvernement en matière d'instruction, comment aurais-je soutenu l'établissement
de deux universités de l'Etat, fondées sur de très larges basés ?
Je rappellerai un autre souvenir : peu d'années après, quand la chambre a
discuté une autre loi relative à l'instruction publique, la loi organique de l'école
militaire, la chambre s'en souviendra, j'ai uni mes efforts, dans la minorité,
à ceux de l'honorable M. Devaux, pour appuyer un système dont le but était de
fortifier l'enseignement des universités de l'Etat.
Dans le passage que l'honorable M. Rogier a lu, passage concernant les débats
politiques qui ont amené la retraite du cabinet dont l'honorable membre faisait
partie, je traitais spécialement la question de l'instruction primaire dont le
caractère social est plus marqué que celui de l'instruction secondaire. Lorsque
j'ai parlé de l'insuffisance de la loi de 1834, c'était de l'instruction
primaire que j'étais préoccupé.
On m'avait souvent prêté des opinions que je n'avais pas relativement à l'instruction
publique ; j'ai eu occasion d'exprimer quelles étaient ces opinions dans la
solennelle discussion de la loi sur l'instruction primaire, de cette loi qu'on
regardait comme insoluble. On me croyait des prétentions exagérées, je me suis
mis d'accord cependant avec l'honorable M. Rogier, puisque nous avons voté
ensemble pour cette loi de l'instruction primaire.
Quand j'ai parlé du concours des établissements d'Instruction moyenne en
1841 c'était surtout au point de vue de la légalité.
L'honorable membre se rappellera que j'ai soutenu
cette thèse que le concours aurait dû être établi par une loi et non pas par
arrêté royal. Cette opinion je la professe encore.
Je pense que ces explications suffisent pour démontrer que mes opinions ont
pu sans doute être modifiées en quelques points, mais que celles que j'ai professées
sont conformes aux principes de la liberté de l'enseignement et aux droits de
l'Etat.
Un grand nombre de voix. - La clôture ! la clôture !
M. de La Coste. -
Je demande la parole pour un fait personnel.
Messieurs, rapporteur de la loi dont les partisans viennent d'être signalés
comme des contempteurs de la prérogative royale, il me semble que la chambre
qui m'a chargé alors de défendre son passé quoique j'y fusse, en grande partie,
étranger, doit me permettre de dire quelques mots.
- La chambre, consultée, ne ferme pas la discussion.
M. le président. - La parole est à M. de la Coste.
M. de La Coste. -
Je demande, et je soumets avec confiance cette question au jugement calme de l'honorable
M. Rogier, si une semblable expression est parlementaire, si elle est
admissible. Pour moi, je crois et j'ai toujours cru que la proposition contraire
est évidente. En effet, la prérogative royale, pour laquelle nous avons tous le
plus profond respect, est déterminée par la Constitution. Il est impropre
d'appeler prérogative royale un pouvoir qu'on peut ôter ou donner par une loi
au chef de l'Etat. La prérogative royale n'était donc pas en cause. Au surplus,
nous n'avons pas à délibérer sur les lois faites, parce qu'elles ne sont plus
en discussion, ni sur les lois à faire, parce que le moment de les discuter
n'est pas venu.
Si j'ai voté pour la loi dont il s'agit, c'est
que j'avais la conviction qu'il fallait une.garantie quelconque, autre que l'intervention
unique du (page 98) pouvoir royal, à
la liberté de l'enseignement dont l'honorable M. Rogier se montre un si chaud
partisan ; que sans cela elle courrait un grand danger. Si, quand cette loi
reviendra devant nous, cette conviction, comme je le crois, n'est pas modifiée,
aucune considération ne me fera reculer et je la soutiendrai encore. Mais si on
présente une autre garantie aussi forte que celle que contient la loi actuelle,
si on nous présente une transaction loyale acceptable par tous les hommes de
cœur sur tous les bancs de cette chambre, je serai heureux de m'y rallier.
M. Rogier. - Il
s'est agi de l'intervention du gouvernement dans l'instruction publique ; j'ai
dit qu'elle avait été appuyée par ces bancs ; s'il y a eu dans mes expressions
quelque chose de blessant pour les membres de l'opinion contraire, je le retire
bien volontiers.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
L'amendement proposé par M. Devaux est mis aux voix et adopté.
L'ensemble du paragraphe ainsi modifié est également adopté.
« Plusieurs parties de la législation ont besoin d'être révisées ; le concours
de la chambre ne fera point défaut pour la solution de toutes les questions qui
s'y rattachent. »
M. Osy. - A la dernière session, on vous a fait le
rapport tant désiré sur la loi d'organisation de la comptabilité de l'Etat.
Comme ce rapport a été fait plus ou moins avec le concours de l'ancien
ministère, je demanderai à M. le ministre des finances s'il a examiné ce
rapport, et si bientôt on pourra le mettre à l'ordre du jour.
M. le ministre des finances
(M. Malou). - Messieurs, le discours de la Couronne a rappelé comme un objet digne
de votre attention et qu'il est désirable de voir décider dans la présente
session, le projet de loi sur la comptabilité générale de l'Etat. II ne
m'appartient pas de dire quelle sera l'époque que la chambre jugera la plus
opportune pour aborder cette grave discussion. Mais je ferai en sorte d'être
aux ordres de la chambre.
Le paragraphe est adopté.
Paragraphe 12
« La situation prospère des chemins de fer de l'Etat est de nature à nous
faire désirer la prompte et rigoureuse exécution des travaux sur les lignes
récemment décrétées, et destinées à étendre notre réseau national. Si une instruction
complète, prudemment appréciée, vient démontrer au gouvernement l'utilité de
nouvelles concessions, elles seront examinées sous l'impression des devoirs que
nous impose l'étude des besoins du pays. »
M. Osy. - Messieurs, lors de la discussion du budget
des travaux publics, je demanderai à M. le ministre de vouloir nous faire un
rapport sur la situation des concessions qui ont été accordées dans la session
dernière, parce que la situation malheureuse qu'a amenée le jeu effréné que
nous avons prévu sur les actions des chemins de fer....
M. d’Huart. - Pas chez nous.
M. Osy. - Non, mais à l'étranger.
Parce que cette situation malheureuse, dis-je, pourrait faire craindre
que plusieurs de ces travaux ne s'exécutassent pas.
Il est une autre observation que me suggère le paragraphe en discussion.
Il paraît que le ministère compte nous présenter dans la session actuelle de nouveaux
projets de concession. Je demanderai à M. le ministre des travaux publics
d'examiner avec la plus grande attention les demandes qui lui seront faites et
de ne les accepter qu'avec la garantie de forts cautionnements. Car si des
travaux concédés ne s'exécutaient pas, nous exciterions chez les populations
qui se flattaient d'avoir de nouvelles voies de communication, des exigences
qui feraient retomber à la charge de l'Etat des dépenses énormes ; car ces
populations demanderaient l'exécution de ces voies de communication aux frais
de l'Etat.
Messieurs, puisque j'ai la parole,
je dirai à la chambre que l'on a découvert dans la Campine anversoise des
minerais de fer. Déjà j'ai eu l'honneur de remettre à M. le ministre des travaux
publics une demande pour qu'il accorde, à un taux réduit, le transport par
chemin de fer de ces minerais vers les lieux de consommation. J'engagerai M. le
ministre à bien vouloir examiner cette demande le plus tôt possible. Si elle
était accueillie, l'extraction du minerai pourrait donner du travail dans la
Campine à plusieurs centaines d'ouvriers.
M. le
ministre des travaux publics (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, l'honorable préopinant a témoigné le désir qu'un compte
soit rendu à la chambre, lors de la discussion du budget des travaux publics,
sur l'exécution des lois relatives aux concessions de chemins de fer. Si la
chambre le désire, je m'empresserai de lui faire ce rapport. Mais dès
aujourd'hui je puis lui donner l'assurance que les compagnies qui ont obtenu
des concessions en Belgique, exécutent scrupuleusement les engagements qu'elles
ont contractés vis-à-vis du gouvernement et du pays.
M. Sigart. - Toutes
sans exception ?
M. le
ministre des travaux publics (M. d’Hoffschmidt). - A une exception près.
Ces compagnies ont viré les cautionnements auxquels elles étaient atteintes
; elles font étudier les projets définitifs qui leur sont demandés ; enfin,
jusqu'à présent elles ont accompli toutes les conditions qui leur ont été
impostes dan» les conventions et dans les cahiers des charges.
L'honorable préopinant a parlé des jeux de bourse qui ont lieu dans d'autres
pays. Je crois ne pas devoir, dans ce moment, entretenir la chambre de cet
objet ; mais par suite des sages dispositions que le gouvernement et les chambres
ont adoptées dans les lois qui ont été votées à la dernière session, vous savez
que la Belgique a été mise complétement à l'abri de ces jeux de bourse.
Quant aux concessions qui sont demandées, ainsi
qu'il a été exprimé dans le discours de la Couronne, celles qui seront de nature
à être présentées aux chambres pendant cette session devront au préalable avoir
été soumises à l'instruction que les dispositions sur la matière exigent. Or,
vous savez, messieurs, que cette instruction est fort complète. L'instruction
exigée par les règlements sur la matière, demande un examen approfondi et de la
part du corps des ponts et chaussées et de la part des commissions d'enquête et
des députations permanentes des conseils provinciaux.,
L'honorable préopinant vous a parlé d'une demande qu'il m'a remise, en effet,
il y a quelques jours, relativement au transport par le chemin de fer, des minerais
de fer découverts dans la Campine. Je me suis empressé de soumettre cette
demande à une instruction régulière. C'est là une question purement de tarif de
chemin de fer, et je crois que d'ici à peu de jours il pourra être pris une
décision à cet égard.
M. Dumortier. - Messieurs,
je viens d'entendre M. le ministre des travaux publics nous dire que les
sociétés à qui le gouvernement avait concédé des lignes de chemins de fer, remplissaient
complétement leurs engagements- Dans ce cas je désirerais savoir comment il se
fait (car ici vous sentez que chacun doit parler de ce qui se passe dans sa
localité), qu'en ce qui concerne le chemin de fer de Jurbise qui, vous le
savez, avait été complétement étudié dans toutes ses parties, non seulement
aucun travail n'ait été entrepris, mais que même on n'ait pas encore commencé
l'expropriation et l'achat des terrains.
On parle, messieurs, de la classe ouvrière et des moyens de lui donner du
travail pendant l'hiver. Certainement l'exécution du chemin de fer est un excellent
moyen de donner du travail pendant l'hiver à la classe ouvrière.
Je conçois que, pour la compagnie à qui la concession a été accordée, cette
question est fort insignifiante ; mais, pour nous, elle a une très grande portée
; et dans la contrée que doit traverser cette ligne, on se plaint vivement de
ce qu'on n'ait pas encore commencé, je ne dirai pas les travaux, mais même les
acquisitions de terrains.
Je demande donc que M. le ministre des travaux publics veuille bien me faire
l'honneur de me donner un mot de réponse sur ce point. J'espère qu'il voudra
bien faire en sorte que les travaux commencent immédiatement sur cette ligne,
d'autant plus que, comme je l'ai dit, lorsque le projet de loi approuvant la
concession nous a été présenté, les études étaient complètes, et ainsi, pendant
l'hiver, nos ouvriers qui seraient sans travail, particulièrement les ouvriers
des campagnes, pourront trouver des moyens de subsistance.
D'un autre côté, messieurs, je dois engager le gouvernement à être extrêmement
prudent quant aux concessions dont on vient de parler ; je l'engage surtout à
être très sévère pour les cautionnements qui ont été versés. Si je suis bien
informé, il y a déjà telles lignes qui ont été concédées, dont les actions ont
été d'abord vendues à grandes primes à la bourse de Londres, et ne valent plus
aujourd'hui que 7/10 de livre sterling, c'est-à-dire infiniment moins que ce
qui a été versé. Vous voyez donc que nous avons été un peu vite dans l'ordre
des concessions.
Que va-t-il arriver, messieurs
? C'est que, si les compagnies n'exécutent pas leurs engagements, les localités
qui ont obtenu des promesses, viendront en demander l'exécution aux frais de
l'Etat. Eh bien ! pour éviter de pareils inconvénients, je demande que le
gouvernement se fasse fournir les cautionnements et qu'il soit extraordinairement
sévère dans l'application des principes qui ont été portés dans les chartes de
concessions.
Messieurs, je réitère ma demande principale ; il s'agit de savoir si vous
donnerez du travail à la classe ouvrière et principalement aux ouvriers des
campagnes, pendant l'hiver au moyen de l'exécution des nombreuses lignes qui
ont été concédées. Lorsque nous nous sommes occupés des projets de loi accordant
les concessions, on nous faisait entrevoir que ce serait un moyen de donner des
moyens d'existence pendant l'hiver à la classe ouvrière. Je demande ce qu'on
peut espérer à cet égard ?
M. le
ministre des travaux publics (M. d’Hoffschmidt). - L'honorable préopinant a appelé votre attention sur la ligne de
chemin de fer de Tournay à Jurbise. Tous les projets définitifs concernant
cette ligne, sauf la question de l'emplacement de la station d'Ath, sont
maintenant définitivement approuvés par le gouvernement.
Quant au commencement des travaux, il dépend exclusivement
des concessionnaires, car par le cahier des charges que vous leur avez imposé,
il leur est accordé une année entière pour le commencement des travaux. Jusqu'à
l'expiration de cette année, le gouvernement n'a aucune action sur la compagnie
pour lui imposer l’obligation de mettre la main à l'œuvre. Dès lors vous
comprendrez, et l'honorable M. Dumortier comprendra lui-même que l'action du
gouvernement est purement persuasive ; et cette persuasion, j'ai cherché, dans
toutes les occasions, à l'employer. En effet, je désire aussi vivement que
l'honorable préopinant que l'exécution de ces travaux puisse procurer des
moyens de subsistance à la classe ouvrière.
M. Savart-Martel. -
De manière qu'on ne travaillera pas de sitôt !
M. le
ministre des travaux publics (M. d’Hoffschmidt). - J'ai lieu de croire qu'on travaillera très incessamment sur cette
ligne, mais je ne puis donner aucune affirmation à cet égard.
Pour d'autres lignes on m'a fait concevoir la
même espérance. La plupart des compagnies ont montré de l'empressement et ont donné
l'assurance au gouvernement qu'elles seconderaient ses vues sur ce point. Mais
il y a beaucoup de formalités à remplir avant de pouvoir mettre la main à l'œuvre.
Il faut procéder aux expropriations, à la confection des plans définitifs, etc.
Du reste, je le répète, j'ai lieu d'espérer que d'ici à peu de temps (page 99) plusieurs de ces compagnies pourront
procurer du travail à la classe ouvrière.
- La clôture est demandée.
M.
Dolez. (contre la clôture). - Je n'aurai que deux
mots à dire, ou plutôt qu'une simple interpellation à adresser à M. le ministre
des travaux publics, à l’occasion du paragraphe dont on s'occupe. C'est pour un
intérêt majeur. Je prie la chambre de croire que, sans cela, je n'insisterais
pas. (Parlez ! parlez !)
- La clôture est mise aux voix et rejetée.
M.
Dolez. - Messieurs, la chambre se rappellera que,
dans sa session dernière, un système complet de communications nouvelles a été
voté pour la province du Hainaut. La chambre se rappelle encore qu'il a été
reconnu par le gouvernement et par elle que ce système devait être exécuté dans
toutes ses parties, afin de conserver entre les différents bassins houillers
l'équilibre qu'on a toujours cherché à y maintenir.
Cependant, messieurs, on m'assure que pendant que la plupart des communications
nouvelles qui ont été votées sont en voie d'exécution, il y a une de ces voies
à l'exécution de laquelle les concessionnaires se refusent.
Je demande au gouvernement s'il est bien formellement disposé à user de la
rigueur la plus complète et surtout la plus pressante, afin de contraindre ces
concessionnaires à l'exécution des obligations qu'ils ont contractée.
II y a, messieurs, un double
intérêt à agir ainsi. Il y a d'abord l'intérêt de la province, l'intérêt de
localité, qui commande de ne pas exécuter une partie d'un système sans en exécuter
en même temps l'autre partie. Mais il y a un autre intérêt, et cet intérêt est
plus grave encore, si c'est possible, attendu que c'est un intérêt de moralité.
Il importe que l'on sache bien que les votes que la chambre a émis n'étaient
pas des votes de concours à des manœuvres d'agiotage, que tout ce que nous
avons fait était éminemment moral, éminemment sérieux, et que ceux qui ne sont
guidés que par l'espoir des avantages qu'ils trouveront dans des jeux de bourse,
ne peuvent trouver dans le gouvernement ni dans cette chambre aucun genre de
sympathie et d'appui.
Je désire donc que le gouvernement comprenne le devoir qui repose sur lui
dans cette occasion, et j'espère qu'il saura rappeler ceux auxquels j'ai fait
allusion, au respect des contrats et de la foi promise.
M. le ministre des travaux publics (M. d’Hoffschmidt). - L'intention du gouvernement est formelle à cet égard. Il cherchera,
par tous les moyens à sa disposition à faire exécuter les volontés de la loi
par les concessionnaires auxquels l'honorable préopinant vient de faire
allusion. Je puis lui annoncer que les demandeurs en concession ont été
déclarés concessionnaires des voies de communication dont il s'agit par arrêtés
royaux du 13 de ce mois.
M. le président. - La parole est à M. Sigart. (La clôture ! la clôture !)
M. Sigart. - En
présence de l'impatience de la chambre, je crois devoir renoncer à la parole.
- Le paragraphe est mis aux voix et adopté.
Paragraphe 13
« Nous exprimons de nouveau le vœu, que le gouvernement de Votre Majesté
puisse présenter le compte général de l'emploi des divers emprunts affectés à
la construction des chemins de fer de l'Etat. »
- Adopté.
Paragraphe 14
« L'armée connaît la sympathie que
n'a cessé de lui montrer la représentation nationale. Cette sympathie, qui s'est
manifestée si vive dans la discussion et le vote de la loi d'organisation définitive,
était due à sa fidélité, à ses sentiments d'ordre et de patriotisme. »
- Adopté.
Paragraphe 15
« Les propositions qui nous seront faites pour améliorer la législation
des sucres, seront examinées avec la sollicitude que commandent les besoins du trésor
et les divers intérêts des deux industries. »
- Adopté.
Paragraphe 16
« Nous sommes heureux d'apprendre
que l'équilibre entre les revenus et les dépenses pourra être maintenu. Toutefois,
dans l'ignorance des sacrifices que les circonstances nous imposeront
peut-être, l'obligation d'opérer de rigoureuses économies emprunte à ces
circonstances mêmes un caractère plus impérieux.
- Adopté.
Paragraphe 17
« Sire, ce n'est point sans une émotion profonde que nous avons entendu V.
M. évoquer le souvenir des quinze années de travaux consacrés à la consolidation
de notre indépendance et de notre prospérité nationales. Ces heureux résultats,
auxquels V. M. a si puissamment concouru, lui assurent la continuation de notre
dévouement et de la confiance dont le pays entoure le Roi qui s'est associé à
ses destinées. »
Le gouvernement propose, par amendement, de remplacer ce paragraphe par le
suivant :
« La chambre aime à se rappeler que la Constitution
sur laquelle s'appuie la nationalité belge, est l'œuvre de la conciliation
entre les hommes modérés de toutes les opinions. Persuadés comme vous, Sire,
que ce même esprit de conciliation doit, pour le bonheur du pays, présider à la
direction de ses plus chers intérêts, nous venons offrir à Votre.Majesté
l'assurance du concours bienveillant que nous sommes disposés à prêter au
gouvernement dans l'examen des mesures qui nous seront soumises. »
M. le président. - Cet amendement va être mis aux voix par
appel nominal.
M. Delfosse. - Je prie la chambre de me laisser donner
lecture d'une lettre que m'adresse à l'instant l'honorable M. Verhaegen :
La voici :
« Samedi, 2 1/2 heures.
« Mon cher collègue !
« Je me trouve en ce moment à la cour d'assises chargé, conjointement avec
mes confrères. MM. Orts et Roussel de la défense du sieur Dandoy, accusé de
tentalive d'assassinat ; et la parole va m'être accordée pour répliquer à M. le
procureur général.
' « Ne pouvant pas abandonner mon client dans ce moment décisif, je vous
prie de dire à la chambre que j'eusse voté contre l'amendement du ministère, et
même contre l'adresse en cas d'adoption de cet amendement, s'il m'avait été possible
d'arriver à temps.
« Tout à vous,
« Verhaegen. »
- L'amendement présenté par le gouvernement est mis aux voix par appel nominal.
88 membres répondent à l'appel nominal.
59 votent l'adoption.
25 votent le rejet.
4 s'abstiennent.
En conséquence l'amendement est adopté. Il remplacera le dernier paragraphe
du projet d'adresse.
Ont voté l'adoption : MM. d'Anethan, de Breyne, Dechamps, de Chimay, de Corswarem,
Dedecker, de Garcia de la Vega, de Haerne, de la Coste, de Man d'Attenrode, de
Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, de Renesse,
de Roo, de Saegher, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de
Villegas, d'Hoffschmidt, d'Huart, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Albéric), Dumont,
Duvivier, Fallon, Henot, Huveners. Kervyn, Lejeune, Liedts, Maertens, Malou,
Mast de Vries, Mercier, Orban, Pirmez, Rodenbach, Scheyven, Simons, Thienpont,
Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Verwilghen, Vilain XUII,
Wallaert, Zoude, Biebuyck, Brabant, Clep, Coppieters.
Ont voté le rejet : MM. David, de Bonne, Delehaye,
Delfosse, d'Elhoungne, de Tornaco, Devaux, Dolez, Dumortier, Fleussu, Lange,
Lesoinne, Loos, Lys, Manilius, Orts, Osy, Rogier, Savart, Sigart, Thyrion,
Veydt, Anspach, Cans, Castiau.
Se sont abstenus :
MM. de Baillet, de Brouckere, Jonet et Pirson.
Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs
de leur abstention.
M. de Baillet. - Je me suis abstenu parce que, d'un côté, je ne voulais pas refuser
mon appui au chef libéral du cabinet ; parce que, d'un autre coté, je ne crois
pas pouvoir appuyer un cabinet où il ne m'est pas démontré que M. le ministre
de l'intérieur peut avoir une influence prédominante, et qu'on ne nous a pas
fait connaître à quelle condition on prétend opérer une conciliation réelle.
M. de Brouckere. -
Je m'en réfère au discours que j'ai prononcé dans une des séances précédentes.
M. Jonet. - Je n'ai
pas voulu voter pour l'amendement, parce que, sans mentir à ma conscience, je
ne pourrais pas dire que j'ai confiance dans le ministère composé comme il l'est.
Je n'ai cependant pas voulu voter contre, car il serait possible que je me
trompasse dans l'objet de mes craintes ; il serait possible que, contre certaines
apparences, ce ministère fût propre à faire le bien du pays, en conservant la
Constitution intacte, en donnant à chacun ce qui lui vient, et aussi en ne
cédant à personne ce qui ne lui appartient réellement pas ; et si cela devait
arriver, je serais aux regrets d'avoir entravé sa mission, en lui ôtant les
moyens et le temps de développer ses projets de liberté pour tous, et d'indépendance
pour le pouvoir civil.
M. Pirson. - Quoique
sans défiance pour le ministère actuel à qui je prêterai mon concours s'il
tient les promesses qu'il a faites dans cette assemblée, ne pouvant cependant
m'engager à le soutenir, alors qu'il n'a pris aucun engagement envers nous, et
qu'il n'a posé aucun acte caractéristique d'où je puisse induire quelle sera sa
conduite politique, je me suis abstenu.
Vote sur l’ensemble du projet d’adresse
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble de l'adresse ; en
voici le résultat :
89 membres sont présents.
65 adoptent.
25 rejettent.
1 (M. Jonet), s'abstient. En conséquence le projet d'adresse est adopté.
Ont voté l'adoption :
MM. d'Anethan, de Baillet, de Breyne, de Brouckere, Dechamps, de Chimay,
de Corswarem, Dedecker, de Garcia de la Vega, de Haerne, de la Coste, de Man d'Attenrode,
de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, de
Renesse, de Roo, de Saegher, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de
Theux, de Villegas, d'Hoffschmidt, d'Huart, Dolez, Donny, Dubus (aine), Dubus
(Albéric), Dumont, Duvivier, Fallon, Henot, Huveners, Kervyn, Lejeune, Liedts,
Maertens, Malou, Mast de Vries, Mercier, Orban, Pirmez, Pirson, Rodenbach,
Scheyven, Simons, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen,
Verwilghen, Vilain XUII, Wallaert, Zoude, Biebuyck, Brabant, Clep, Coppieters.
Ont voté le rejet : MM. David, de Bonne, Delehaye, Delfosse, d'Elhoungne,
de Tornaco, Devaux, Dumortier, Fleussu, Lange, Lesoinne, Loos, Lys, Manilius,
Orts, Osy, Rogier, Savart, Sigart, Thyrion, Verhaegen, Veydt, Anspach, Cans,
Castiau.
M.
Jonet. - Je m'en rapporte, pour motiver mon
abstention à ce que j'ai dit tout à l'heure.
FIXATION DE L’ORDRE DES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
M. le président. - Il va être procédé, par la -voie du sort, à
la nomination d'une commission qui sera chargée, avec le président, de
présenter l'adresse au Roi.
M. le ministre
des finances (M. Malou). - Je crois qu'il serait bon de fixer d'abord l'ordre du jour de la
prochaine séance. Je demanderai à la chambre de bien vouloir s'occuper du
projet de loi sur les traitements d'attente et les toelagen. Il importe que ce
projet soit promptement discuté, car plus tard la position des parties ne
serait peut-être plus la même.
M. Osy. - J'appuie la proposition de l'honorable
ministre des finances ; mais je demanderai que la chambre mette également à son
ordre du jour le rapport de M. de Garcia sur certaines pensions arriérées. Ce
sont de ces questions qu'il faut vider par un oui ou par un non, car tous les
jours il nous arrive des réclamations.
M. de La Coste. -
Je demanderai que cette deuxième affaire, qui a une portée beaucoup plus politique
que financière, ne soit pas traitée seulement en présence de M. le ministre des
finances, mais d'autres membres du cabinet et notamment de MM. les ministres de
la justice et de l'intérieur.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je demande à la chambre de mettre également à l'ordre du jour le projet
de loi sur les attentats aux mœurs sur lequel il a été fait rapport par M. Van
Cutsem. Il est urgent que ce projet soit discuté, car d'après les rapports qui
me sont parvenus il est fort désirable de combler le plus tôt possible la
lacune qui existe maintenant dans la législation.
- Les propositions de M. le ministre des finances, de M. Osy et de M. le
ministre de la justice sont successivement mises aux voix et adoptées.
- La chambre fixe ensuite sa prochaine réunion à mardi à 2 heures.
NOMINATION DE LA DELEGATION DE L’ADRESSE AU ROI
M. le président procède au tirage au
sort de la commission qui sera chargée, conjointement avec lui, de présenter
l'adresse au Roi.
Cette commission est composée de MM. Goblet, Dumont, Wallaert, Pirmez, de
Man d'Attenrode, Rogier, Lesoinne, Dolez, Orban et Biebuyck.
La séance est levée à 3 heures et 1/2.