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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 6 février 1845

(page 687) (Présidence de M. d’Hoffschmidt)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure et quart.

M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Jean Faivre, employé à la manufacture d’armes de l’Etat, à Liége, né à Paris, demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« le sieur J.-B.-J. Degrout, employé à Bruxelles, né à Comines, demande la naturalisation ordinaire. »

- Même renvoi.


« Le sieur de Cerf, cultivateur et propriétaire à Jandrain-Jendrenouille, demande que le gouvernement soit autorisé à faire remise du droit pour le sel destiné à l’agriculture. »

M. Eloy de Burdinne – Messieurs, une pétition est adressée à la chambre, tendant à obtenir un projet de loi qui affranchisse de l’impôt le sel employé à confectionner les engrais, ainsi que le sel nécessaire à l’élève des animaux. Les pétitionnaires s’étaient adressés à M. le ministre des finances ; ils en ont reçu la réponse qu’en l’absence d’une loi, il ne pouvait rien prendre sur lui ; que c’était à la législature à voter un projet de loi affranchissant de l’impôt le sel employé à l’agriculture. Je regrette que M. le ministre des finances ne soit pas présent. Je demanderai que cette pétition soit renvoyée à la commission avec invitation de faire un rapport le plus tôt possible

J’appuie de tous mes forces la demande faite par ces cultivateurs.

- Cette proposition est adoptée.


« Les conseils communaux de Neerhaeren, Lanaeken, Uyckhoven, demande la construction du chemin de fer d’Ans à Hasselt par Tongres. »

- Renvoi à M. le ministre des travaux publics.


« Le sieur Taylor se rendant à Londres pour vérifier l’exactitude des renseignements donnés sur la solvabilité des souscripteurs dont il a donné la liste, prie la chambre d’attendre son retour avant de statuer sur la concession du chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée de l’examen de la loi de crédits et de concession pour l’exécution de divers travaux publics.


« Quarante habitants de Diest demandent l’intervention de la chambre pour remédier au fléau des maladies épizootiques parmi le bétail, et indiquent, pour y parvenir le rétablissement du fonds d’agriculture. »

M. de Man d’Attenrode – Messieurs, quarante habitants de la ville de Diest se plaignent de ce que le fléau des maladies épizootiques continuer à décimer leurs troupeaux.

Ils en attribuent la cause à ce que les cultivateurs, loin de déclarer la présence de la contagion, la cachent, au contraire, soigneusement, portent le bétail infecté au marché pour le vendre, tâchent même de le débiter clandestinement aux bouchers pour la consommation.

Et quelle est la cause de ce mal d’après les pétitionnaires ? C’est que l’indemnité d’abattage est trop faible ; c’est que cette indemnité arrive au bout d’un an ou deux, trop tardivement pour les aider à remplacer ce qu’ils ont perdu.

Le remède indiqué par cette pétition est le rétablissement du fonds d’agriculture, entretenu au moyen d’une taxe par tête de bétail suffisante pour indemniser « intégralement et promptement » les propriétaires.

Ces observations me paraissent très-fondées, j’en demande le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

Dans la séance du 7 février 1843, il y a deux ans, j’ai prouvé, comme les pétitionnaires de Diest, que l’indemnité accordée par le gouvernement pour abattage, et qui s’élève annuellement à plus de 200 mille francs, manquait son but, et qu’il convenait de rétablir le fonds d’agriculture.

M. le ministre de l'intérieur a bien voulu me répondre alors qu’il ferait son profit de mes observations, qu’il examinerait cette question, ainsi que celle du rétablissement du fonds d’agriculture.

Je pense que deux années doivent avoir suffi pour résoudre une question semblable ; je lui demanderai donc quand il sera à même de nous faire des propositions pour régler cet objet important.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Quand nous serons arrivés au chapitre de l’agriculture, je rendrai compte à la chambre de l’examen qui a été fait de cette question.

M. Desmet – Sans doute, il faut que la loi que nous avons votée soit passée au sénat avant qu’on puisse faire des règlements ; cependant, en attendant, il me semble qu’on pourrait prendre des mesures aux frontières pour empêcher l’introduction des animaux infectés d’épizootie, comme on l’a fait en Hollande. Je demande que sans retard on prenne ces mesures et qu’on fasse visiter par un vétérinaire les animaux introduits, qu’on ne reçoive sur les marchés du pays que ceux qui porteront une marque de santé. Nous avons vu que la maladie avait déjà pénétré en Hollande ; il est donc urgent de prendre des mesures pour l’empêcher de pénétrer chez nous.

M. le président – Un projet de loi a été voté ; cependant l’honorable membre propose le renvoi au ministre de l’intérieur.

- Personne ne s’y opposant, le renvoi est ordonné.

M. Malou – C’est un précédent assez grave de renvoyer sans examen une pétition au ministre de l’intérieur. Je demande qu’on suive la marche ordinaire, qu’on renvoi cette pétition à la commission.

M. le président – Personne n’a demandé la parole contre le renvoi.

M. Malou – Je la demande

M. le président – Il y a décision prise.


« Plusieurs habitants de Thielt demandent que le gouvernement ouvre de négociations avec la France pour obtenir le retrait de l’arrêté de Lespaul. »

« Même demande des habitants de Wyngene. »

M. de Roo – La pétition dont on vient de faire l’analyse soulève une question qui intéresse à un haut point l’industrie linière et a trait à un chapitre du budget de l’intérieur.

Je demande le renvoi de cette pétition à la commission d’industrie, avec invitation de faire un rapport avant la discussion du chapitre XVIII du budget de l’intérieur.

M. Rodenbach – Tout en appuyant la demande des pétitionnaires de Thielt, je crois que la commission d’industrie est saisie de plusieurs autres requêtes du même genre. Tout ce que la commission pourra faire sera de proposer le renvoi au ministre des affaires étrangères, pour que le gouvernement négocie afin que l’amendement de Lespaul, qui a été si fatal à l’industrie linière, aux Flandres, disparaisse. C’est là tout ce que la commission d’industrie pourra faire.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – J’ai remarqué qu’on qualifiait d’ « arrêté de Lespaul » la mesure dont on se plaint dans la pétition. C’est un amendement qui a été proposé à la chambre des députés par un député du Nord, M. de Lespaul ; cet amendement forme une disposition de la loi du 6 mai 1841. Cette disposition, le gouvernement a vainement cherché à la faire modifier quand il s’est agi de la convention du 16 juillet.

M. de Haerne – Si j’ai bonne mémoire de ce qui s’est passé à l’occasion de ce fâcheux amendement, je crois que le gouvernement français ne semblait pas faire, à cette époque, les mêmes difficultés que maintenant pour retirer cette mesure…

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – C’est une disposition de loi.

M. de Haerne – Pour la retirer indirectement. Je conçois très-bien qu’il est difficile de retirer cet amendement, car il fait partie d’une loi. Le gouvernement n’ira probablement pas proposer le retrait d’une disposition législative qui doit passer par les trois branches du pouvoir législatif. Mais il y a un moyen indirect de se dégager du mauvais pas où nous sommes malheureusement engagés : c’est d’obtenir une diminution de tarif qui fasse compensation au préjudice que nous cause cette disposition qui est une dérogation à tous les précédents législatifs en matière de tarif, et contraire aux engagements pris en retour des concessions que nous avons faites à la France depuis 1830. Il y a là une injustice flagrante, contre laquelle je me suis élevé souvent dans cette enceinte, et sur laquelle je reviendrai lorsque la commission des pétitions fera son rapport.

M. de Roo – Le ministre peut très-bien, le tarif de 1836 à la main, soutenir que l’amendement est une mauvaise interprétation du tarif ; qu’il est en contradiction avec le texte de ce tarif. En effet, le tarif porte que les toiles de 8 fils payeront tant, et l’amendement de Lespaul dit que les toiles de 8 fils et un quart un cinquième, payeront le droit supérieur. Je crois qu’il est facile de démontrer que c’est là une fausse interprétation du tarif.

- La pétition est renvoyée à la commission d’industrie, avec demande d’un prompt rapport.


« Par dépêche du 1er février, M. le ministre de la justice transmet sept demandes en naturalisation, avec les renseignements y relatifs. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Par message, en date du 3 janvier, M. le ministre de l'intérieur adresse à la chambre des documents relatifs à la composition des jurys d’examen. »

« Par un message, en date du 5 février, le sénat fait connaître les noms des membres du jury d’examen désignés comme sortant, à la séance du sénat d’hier.

M. le président – Ces pièces seront imprimées et distribuées.

M. Dumortier – On pourrait également faire imprimer les noms des membres restants.


Rapports sur des pétitions

M. Zoude présente un rapport dont le renvoi au ministre des travaux publics, proposé par la commission, est ordonné. (Rapport de pétitions relatives à la construction du chemin de fer d’Ans à Hasselt, en passant par Tongres, repris dans les Annales à la page 715)

Motion d’ordre

Tenue de l'école vétérinaire de Cureghem

M. de Man d’Attenrode – Messieurs, j’ai demandé la parole pour adresser une demande à M. le ministre de l'intérieur.

(page 688) Le jury de médecine vétérinaire de 1841 a fait un rapport sur l’état de l’enseignement.

Ce rapport a été transmis à la section centrale.

Il a été déposé d’après la demande d’un de nos collègues sur le bureau ; mais il ne nous a été communiqué que sous une forme confidentielle.

L’enseignement, la tenue même de l’établissement que nous entretenons avec les deniers publics, a été violemment attaqué, jugé et même condamné.

« Cet établissement ne produira, dit le rapport, que des sujets qui augmenteront le nombre des empiriques. »

Nous connaissons l’acte d’accusation ; nous sommes appelés à en connaître, à statuer sur un enseignement donné par des hommes qui ont une réputation d’honneur et de capacité.

Pour le faire en connaissance de cause, il nous importe de connaître la défense ; et pour que la défense soit possible, les accusés doivent être instruits des charges qui pèsent sur eux ; c’est une justice que le gouvernement leur doit ; j’aime à croire qu’il ne la refusera pas.

Je demande donc que le rapport du jury de 1844 soit communiqué au corps enseignement de l’école vétérinaire de l’Etat.

M. le ministre de l'intérieur a dit à la section centrale, il y a deux mois, que le rapport du jury n’est que la première pièce d’une enquête qu’il poursuit.

La section centrale, pénétrée de la gravité des accusations, a prié M. le ministre de presse l’instruction de cette enquête, qui ne peut exiger beaucoup de temps, puisque l’établissement qu’elle concerne est situé aux portes de Bruxelles.

Je prie M. le ministre de vouloir nous dire où en est l’enquête qu’il a produite, et quand elle pourra nous être communiquée.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – L’honorable membre attribue au rapport du jury d’examen de l’école vétérinaire une portée qu’il n’a pas. On dit que l’école vétérinaire est accusée, jugée et condamnée. Telle n’est pas la portée de cette pièce. C’est un rapport fait à un ministre ; ce ministre poursuivra l’examen des faits cités dans ce rapport, et il entendra les professeurs. C’est là la seule marche à suivre. Une autre marche ôterait toute liberté d’action à l’administration. Si j’ai communiqué ce rapport à la section centrale, c’est parce que j’ai cru que cette communication n’avait pas d’inconvénient. L’honorable préopinant demande la communication du rapport aux professeurs ; c’est là une injonction que le gouvernement ne peut pas accepter, bien que mon intention ait toujours été de consulter les professeurs dans l’instruction qui se poursuit.

M. Desmet – Si le rapport auquel on a fait allusion n’avait été communiqué qu’à la section centrale, on ne devrait pas demander que ceux qui ont été attaqués pussent se défendre ; mais ce rapport ayant été déposé sur le bureau, à l’inspection de tous les membres, je crois qu’on doit autoriser ceux qui sont attaqués, calomniés, peut-être, à se défendre. M. le ministre de l'intérieur avait reconnu que le rapport contenait des faits personnels et qu’il y aurait des inconvénients à le déposer. C’est pourquoi, maintenant que le dépôt du rapport a eu lieu, je demande qu’on le communique à ceux qui ont été attaqués, avant que nous abordions la discussion relative à l’école vétérinaire. J’ai des notes sur ce rapport, des notes desquelles il résulte qu’il y a des allégations très injurieuses pour le corps professoral de cette école. Je demande donc que le rapport soit communiqué aux professeurs, afin qu’ils puissent répondre avant que nous abordions la question.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je persiste toujours dans mes premières intentions, de consulter les professeurs sur les faits qui les concernent. Ainsi, le rapport, en tout ou en partie, doit leur être communiqué.

M. de Renesse – C’est sur ma demande que le rapport du jury d’examen de l’école vétérinaire a été déposé sur le bureau. Ce rapport concerne des faits qui, s’ils étaient vrais, pourraient faire croire que l’école vétérinaire de l’Etat n’atteint pas le but pour lequel elle a été créée. On attaque, dans ce rapport, la manière dont les cours ont été donnés. Je pense qu’il est indispensable que les professeurs aient connaissance de ce document pour pouvoir y répondre.Si nous sommes appelés à examiner l’état actuel de l’école, il faut que nous ayons le contre-rapport des professeurs. Si je suis bien informé, ils se sont adressés au ministre, ils lui ont demandé communication du rapport. Comme il paraît leur être très-défavorable, il faut qu’ils puissent répondre aux allégations qui les concernent.

Je demande donc, comme l’honorable M. de Man, que communication du rapport soit donnée aux professeurs de l’école vétérinaire.

M. de Man d’Attenrode – Je concevrais qu’on ne communiquât pas le rapport du jury d’examen aux membres du corps enseignant de l’école vétérinaire, s’il était resté au ministère de l’intérieur ou à la section centrale ; mais maintenant qu’il a été déposé sur le bureau, que ce n’est plus une communication sérieusement confidentielle, puisque tout le monde connaît le fond, il me semble impossible de refuser de faire connaître aux professeurs ce dont ils sont accusés.

M. le ministre vient presque de reconnaître que cette communication était convenable ; il semble seulement qu’il ne veuille pas leur communiquer le rapport avec tous ses détails.

Moi, je demande qu’on le leur communique en entier. C’est le seul moyen pour que l’on sache si les attaques dirigées contre l école vétérinaire sont fondées.

Au commencement de la discussion, quelques membres avaient demandé l’impression ; je ne vais pas aussi loin ; il me semble que l’impression serait peu convenable. Mais j’insiste pour la communication au corps enseignant de l’école vétérinaire. Elle me semble convenable après la demi-publicité donnée à ce document.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – C’est hier que j’ai reçu de MM. les professeurs de l’école vétérinaire une lettre par laquelle ils demandent communication du rapport. J’ai immédiatement donné des ordres pour que ce rapport fût copié.

Les professeurs auraient dû compter davantage sur ma justice ; ils n’avaient pas besoin de chercher un appui dans la chambre.

Je fais cette observation, sans vouloir rien dire de désobligeant pour les honorables membres qui ont pris la parole.

M. Maertens – La demande de l’honorable M. de Man me paraît prématurée. La section centrale n ’a alloué des fonds à l’école vétérinaire que pour le premier trimestre de l’année. M. le ministre, dans les renseignements qu’il avait donnés à la section centrale, avait promis de compléter l’enquête dont le rapport n’est que la première partie ; il avait promis un rapport définitif pour la session prochaine. La section centrale a pensé que M. le ministre pourrait compléter l’enquête dans les deux premiers mois de l’année. C’est pourquoi la section centrale n’alloue des fonds que pour le premier trimestre.

Jusqu’au moment où il sera décidé si M. le ministre devra présenter son rapport dans les deux premiers mois, ou dans la session prochaine, il est libre d’agir comme il le jugera convenable.

Ce n’est qu’en complétant l’enquête qu’il saura s’il y a lieu de communiquer le rapport au corps enseignant de l’école vétérinaire.

Il est évident que ceci est l’affaire du ministre.

Je crois que nous n’avons pas le droit d’exiger qu’il communique dès à présent ce rapport aux professeurs.

M. de Man d’Attenrode – Je me vois obligé de renouveler ma question : Quand le ministre distribuera-il son rapport supplémentaire ? sera-ce dans les deux premiers mois de l’année, ou dans la session prochaine ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Nous discuterons cela à l’article du budget relatif à l’école vétérinaire.

M. Desmet – Il aurait fallu, au contraire, avoir la réponse avant la discussion.

Pièces adressées à la chambre

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) dépose le rapport sur la situation des universités de l’Etat, pendant l’année 1844.

La chambre donne acte à M. le ministre de l'intérieur du dépôt de ce rapport ; elle en ordonne l’impression et la distribution.

Projet de budget du ministère de l’intérieur pour l’année 1845

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Article 3

M. le président – La chambre est parvenue à l’art. 3 ainsi conçu :

« Art. 3. Indemnités et frais de bureau d’un conseil supérieur de commerce, d’industrie et d’agriculture : fr. 20,000. »

- Cet article est retiré.

M. Desmet – Je l’ignorais.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – J’ai dit sous quelles réserves.

M. Desmet – Il me semble que samedi dernier on n’a rien statué sur l’article, on n’a rien décidé sur le fonds que le gouvernement pétitionne pour l’érection d’un conseil supérieur de commerce, d’industrie et d’agriculture ; cet article est resté sans discussion, sans vote. Mais si, dans la séance de samedi, j’ai bien compris M. le ministre de l'intérieur, il a dit qu’il se ralliait à la proposition de la section centrale, qu’il se réservait néanmoins de former ce conseil.

D’abord, messieurs, je dois vous faire remarquer que dans la section centrale on n’a pas positivement rejeté le projet d’établir un conseil qui serait consulté par le gouvernement sur les besoins de l’industrie, du commerce et de l’agriculture ; mais qu’il voyait la nécessité de décréter cet établissement par une loi spéciale. Je demanderai donc si M. le ministre a l’intention de présenter ce projet de loi.

Messieurs, il s’agit, comme vous le savez, d’un objet très-important, et je pense que le sénat a eu grandement raison de faire des instances pour que le conseil supérieur soit fondé ; ici il a justement apprécié les besoins du pays, et il a jugé que dans bien des circonstances nos affaires commerciales n’avaient pas été trop bien traitées.

Si le gouvernement pouvait ériger ce conseil sans que cela en coûtât au trésor, certainement je ne ferais pas des instances pour qu’une somme fût allouée au budget ; mais si l’établissement n’avait pas lieu, je craindrais que le commerce, l’industrie et l’agriculture n’en souffrissent beaucoup.

Messieurs, nous voyons tous les jours des conseils de ce genre se fonder sans l’intervention du gouvernement. Nous avons vu naguère s’établir un conseil d’industrie et de commerce ; tous les jours nous voyons se former des conseils d’agriculture, parce qu’on croit avec raison que cette branche importante de la richesse publique n’est pas assez soignée et protégée.

Je préférerai, quant à moi, messieurs, qu’il y eût un conseil dans la formation duquel le gouvernement interviendrait. Il est de fait qu’aujourd’hui les affaires qui concernent l’agriculture, comme celles qui concernent l’industrie et le commerce, sont abandonnées par le gouvernement à quelques employés. Il en résulte que ces branches si importantes de la richesse publique souffrent tous les jours. Il est certain que si, à défaut d’un conseil d’Etat, vous aviez eu un conseil supérieur de commerce, d’industrie et d’agriculture, le traité avec le Zollverein et plusieurs dispositions contraires à notre commerce et à notre agriculture n’auraient point été adoptées comme elles l’ont été.

Je demanderai donc à M. le ministre de l'intérieur, lorsque nous en serons arrivés au chapitre du commerce et de l’industrie, ce que le gouvernement (page 689) entend faire relativement à l’érection d’un conseil supérieur de commerce, d’industrie et d’agriculture.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, il faut distinguer entre l’allocation elle-même et le principe de cette institution. Je crois que le gouvernement peut instituer des commissions soit permanentes, soit temporaires près des ministres, que le principe est incontestable. Reste la seconde question : celle de la dépense.

Je crois, messieurs, que si le gouvernement institue une commission permanente ou temporaire de ce genre, la dépense sera peu considérable, et qu’elle pourra être prélevée sur les chapitres de l’agriculture, du commerce et de l’industrie.

Je crois, messieurs, que la première chose à faire, sera de réorganiser la commission d’agriculture. Il existe une commission de ce genre ; mais depuis cinq ans elle n’a plus été réunie et ses membres même regardent leur mandat comme résilié par le temps.

L’honorable préopinant s’est trompé lorsqu’il a supposé que les questions industrielles, commerciales et agricoles, sont uniquement abandonnées aux bureaux du ministère de l’intérieur. On consulte pour ces questions les chambres de commerce et les commissions d’agriculture. On a fait plus : il est arrivé qu’on a réuni à Bruxelles des délégués des chambres de commerce et des commissions d’agriculture. Si même on instituait un conseil supérieur de commerce, d’industrie et d’agriculture, on ne renoncerait pas à l’idée d’adjoindre, pour toutes les questions importantes, les délégués des chambres de commerce et des commissions d’agriculture à ce noyau en quelque sorte permanent de ce conseil.

Il y a un autre fait qu’il ne faut pas perdre de vue. La chambre est saisie d’un projet de loi relatif à l’institution d’un conseil d’Etat. Le sénat a exercé son initiative, et je crois que la chambre doit au sénat d’examiner cette question. Le rapport est fait.

M. de Theux – Il n’y a qu’à demander la mise à l’ordre du jour.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Jusqu’à présent nous avons eu d’autres travaux ; mais c’est là aussi une considération qui détermine le gouvernement à retirer, pour le moment, sa proposition, considérée comme allocation spéciale.

M. Dumortier – Messieurs, je n’entends point contester au gouvernement le droit de nommer pour l’instruction des affaires, des commissions temporaires, chaque fois que le besoin s’en fait sentir ; mais ici il ne s’agit nullement d’une commission temporaire, il s’agit de créer un conseil permanent et je ne pense pas que le gouvernement puisse, par un simple arrêté et au moyen de ce qui vient d’être dit dans cette discussion, instituer un conseil comme celui dont il s’agit. La section centrale repousse le crédit demandé pour ce conseil et, crainte de subir un échec devant la chambre, M. le ministre de l'intérieur retire sa proposition ; mais il ajoute qu’il prendra les fonds sur d’autres crédits, crédits qui seront inévitablement votés par la chambre. C’est là un moyen extrêmement commode pour éviter la discussion parlementaire ; mais je ne pense pas que la chambre puisse permettre une semblable manière de procéder. Comment, messieurs, la dernière chambre de commerce de la Belgique ne peut être organisée qu’en vertu d’une loi, et l’on instituerait par un simple arrêté royal un conseil suprême d’agriculture, d’industrie et de commerce ! mais ce serait créer une espèce de conseil d’Etat. Evidemment cela ne peut pas se faire sans que la question ait été examinée et résolue par les représentants du peuple.

On a parlé, messieurs, du projet de loi sur la création d’un conseil d’Etat et l’on a dit que, par respect pour les prérogatives du sénat, il faut mettre ce projet à l’ordre du jour. Je ne m’oppose pas à ce que l’on mette à l’ordre du jour un projet que le sénat nous a envoyé, il y a six ou huit ans, mais je pense, moi, que, par égard pour le sénat, il vaudrait beaucoup mieux ne pas mettre le projet en discussion que de lui faire subir un échec complet devant la chambre.

Il faut bien le reconnaître, messieurs, ce projet de loi est jugé ; il a été examiné dans les sections et toutes les sections, sans en excepter une seule, ont repoussé la création d’un conseil d’Etat, et, à mon avis, elles ont parfaitement bien fait. La section centrale a également rejeté le projet à l’unanimité, moins une voix.

Puisque M. le ministre de l'intérieur prend maintenant l’initiative à cet égard, puisqu’il demande la mise à l’ordre du jour de ce projet, je ne m’y oppose pas, mais je pense que le sort du projet sera promptement décidé.

Quand à l’institution d’un comité d’agriculture, d’industrie et de commerce, l’importance en est sentie, par chacun de nous, et, comme le fait remarquer un honorable membre, à côté de moi, si nous avions eu un semblable comité lors des négociations avec le Zollverein, bien des fautes auraient été évitées. Il existait un comité d’agriculture, mais on l’a laissé mourir ; cela ne peut s’expliquer que par le peu de sympathie qu’on a eu jusqu’à présent pour les intérêts de l’agriculture. Aujourd’hui, on veut réorganiser ce comité, et on fera parfaitement bien ; mais je pense que cette réorganisation ne peut se faire sans l’intervention des chambres. Ce serait réellement empiéter sur les attributions du pouvoir législatif que de créer sans son concours une institution aussi importante, une institution qui doit présider, en quelque sorte, aux destinées industrielles de la Belgique.

M. le président – Aucune proposition n’étant faite, nous passerons à l’art. 4.

Article 4

Il est ainsi conçu :

« Art. 4. Fournitures de bureau, impressions, achats et réparation de meubles, éclairage, chauffage et menues dépenses : fr. 30,000 »

M. Lys – Messieurs, cet article présente une augmentation de 6,000 fr. sur le chiffre de l’année dernière, et il me semble que cette augmentation n’a nullement été justifiée ; une note, insérée dans le rapport explique d’abord cette augmentation par un relevé comparatif des crédits alloués pour le matériel des autres ministères ; mais il me semble que ce n’est pas là un raisonnement que nous puissions admettre ; si l’on a trop pour d’autres ministères, il faut réduire les crédits alloués à ces ministères ; mais ce n’est pas une raison pour accorder davantage au département de l’intérieur.

Dans la même note, on invoque ensuite le nombre toujours croissant des affaires qui se traitent au département de l’intérieur, mais dans les renseignements fournis au département de l’intérieur, M. le ministre dit que l’augmentation est principalement nécessaire pour l’entretien des bureaux dont le mobilier se compose en grande partie des objets qui se trouvaient, en 1830, à l’ancien hôtel du ministère.

Il me semble, messieurs, que ce sont là deux raisons à peu près contradictoires ; dans tous les cas, elles ne me paraissent pas justifier l’augmentation demandée.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il a encore été donné d’autres renseignements à la section centrale. Je ne sais si l’honorable préopinant a jeté les yeux sur les passages du rapport où ces renseignements sont consignés. Il n’est pas même exact de dire qu’il y a quelque chose de contradictoire dans les observations qui se trouvent dans les développements du budget. On a d’abord fait un tableau comparatif entre le matériel du ministère et le matériel des autres ministères. L’honorable membre pense que le matériel des autres ministères doit être réduit : je ne partage pas cette opinion ; je pense que c’est avec raison qu’on a alloué pour les autres ministères les chiffres du matériel qui figurent aux différents budgets ; ces chiffres ont été votés annuellement et cette année encore sans réclamation. Eh bien, messieurs, le ministère de l’intérieur est à peu près celui qui a le chiffre le moins élevé pour le matériel.

On a fait ensuite cette observation, que le ministère de l’intérieur a vu, d’année en année, sa besogne augmenter. C’est là un fait très-important et qu’il fait sans doute prendre en considération, puisque l’augmentation de la besogne suppose un plus grand nombre de locaux à entretenir, ainsi que des frais de bureau plus considérables. Je n’insisterai que sur deux chiffres. Lorsque le ministère des travaux publics était réuni au ministère de l’intérieur, en 1836, les pièces entrées s’élevaient à 40,000 ; lorsque le ministère des travaux publics eut été érigé, en 1837, le nombre des pièces entrées au ministère de l’intérieur est tombé à 24,000 ; mais à partir de 1838, le chiffre s’en est continuellement élevé, et il se trouve, que, pour 1844, le nombre des pièces entrées s’élève à 49,985, c’est-à-dire à un nombre plus considérable qu’il ne l’était en 1836, lorsque le ministère de l’intérieur avait également dans ses attributions les travaux publics. Les affaires, messieurs, augmentent considérablement.

Je disais que le nombre de pièces entrées au ministère en 1844 s’élevait à 49,985 ; le nombre de pièces sorties à 41,000. Voilà environ 100,000 lettres. Vous voyez, d’ailleurs, messieurs, par le chapitre qui est relatif à l’administratif dans les provinces, que là la besogne a également augmenté. Le personnel du ministère et dès lors le matériel ne peut pas rester stationnaire ; il faut un rapport entre le personnel et le matériel.

On a fait, messieurs, une autre observation qui n’est nullement en contradiction avec l’observation précédente : c’est que le mobilier du ministère de l’intérieur a aussi besoin de réparations et de renouvellements. Le mobilier a été pris à l’ancien hôtel du ministère de l’intérieur, rue de la Montagne, c’est encore un fait connu de tout le monde. Je prie donc la chambre d’être bien persuadée que la somme de 6,000 fr. n’est pas demandée en vue des appartements destinés à l’habitation du ministre ; elle est principalement demandée en vue des frais de bureau devenus plus considérables, par suite de l’augmentation des affaires.

J’insiste donc pour que la chambre alloue la somme demandée ; si elle ne l’allouait pas, elle se mettrait en contradiction avec les votes précédents puisque le personnel a dû être augmenté, le matériel ne peut pas rester stationnaire.

Je dois le dire, messieurs, c’est avec répugnance que j’ai demandé cette augmentation ; il a fallu qu’on me démontrât à l’évidence que j’en avais besoin. Je dirai même que le ministère de l’intérieur a des dettes en ce moment. J’espère pouvoir liquider ces dettes avec l’augmentation que j’ai demandée, sans avoir besoin d’un crédit supplémentaire.

M. Eloy de Burdinne – Messieurs, une section (je crois que c’est la quatrième) a fait à l’égard de cette augmentation, des observations très-judicieuses. Sans contester la nécessité de l’augmentation de 6,000 fr. demandée pour le département de l’intérieur, elle a fait remarquer que les (page 690) autres départements paraissent avoir des crédits beaucoup trop élevés pour le matériel. On a fait remarquer notamment qu’il aurait été possible de transférer les 6,000 fr. dont il s’agit du budget des affaires étrangères à celui de l’intérieur. (M. le ministre des affaires étrangères fait un signe négatif.) Je vois l’honorable ministre des affaires étrangères faire un signe négatif, et je le conçois fort bien : on ne se dessaisit pas facilement des allocations que l’on a obtenues ; mais je crois que la chambre a été un peu large lorsqu’elle a voté le chiffre du matériel du budget des affaires étrangères. Je crois qu’avec 6,000 fr. de moins, le ministère des affaires étrangères pourrait très-convenablement faire face aux dépenses de matériel.

J’appellerai l’attention de la chambre sur ce point, lorsque nous nous occuperons du budget des affaires étrangères, pour 1846.

- L’art. 4 est adopté avec le chiffre de 30,000 fr.

Article 5

« Art. 5. Frais de route, de séjour, courriers extraordinaires : fr. 4,000 »

- Adopté.

Chapitre II. Pensions et secours

Article premier

« Art. 1er. Pensions : fr. 150,000 »

M. Desmet – Je crois que la loi générale sur les pensions oblige les ministres à joindre à leur budget un état des pensionnaires de leur département. Il paraît que celui du département de l’intérieur est incomplet. Nous voyons bien les professions que les pensionnaires remplissent en ce moment ; mais nous n’y voyons pas les diverses fonctions et les années de services qui constituent leur droit à la pension. C’est ainsi que je vois sur la liste un conseiller provincial. Ces fonctions (si ce sont des fonctions) ne donnent pas de droit à la pension. On ne sait pourquoi ce conseiller provincial est pensionné.

Pour que l’état fût complet, il faudrait qu’on y trouvât les indications dont je viens de parler.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il y a une erreur dans le tableau. Le pensionnaire dont parle l’honorable M. Desmet est membre de la députation permanente.

M. Desmet – Je fais cette remarque, parce qu’il me semble que beaucoup de pensions sont accordées à des individus qui n’y ont pas droit ; je veux parler des pensions accordées en vertu de l’arrêté-loi de 1814 : les pensionnaires devaient avoir 40 années de service et 60 ans d’âge, ou des infirmités qui les rendissent incapables de remplir leurs fonctions. Je vois beaucoup de pensionnaires qui ne sont ni dans l’une ni dans l’autre de ces catégories.

Si l’état indiquait la nature et la durée des diverses fonctions qui ont été remplies par le pensionnaire, nous pourrions vérifier si les dispositions de la loi sont exécutées. Je demande qu’on ajoute à l’état une colonne contenant ces indications.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Nous croyons avoir satisfait au voeu de la loi par le tableau qui est annexé, sous le littera A, au rapport de la section centrale.

Il y a 74 titulaires de pensions : on a indiqué les dernières fonctions, c’est-à-dire celles dont le titulaire était investi, lorsque le droit est venu à s’ouvrir.

L’honorable préopinant vient de dire qu’il faudrait que l’on indiquât toutes les fonctions qui sont entrées en ligne de compte pour la fixation de la pension, ainsi que le nombre d’années pendant lequel chaque fonction a été remplie. Ainsi il faudrait non plus un tableau dans le genre de celui qui est sous vos yeux, mais un tableau extrêmement détaillé. Ce serait la reproduction du préambule de l’arrêté royal qui accorde la pension.

Voici comment j’ai compris la disposition de la loi : la liste est une table alphabétique qui facilite les recherches dans le Bulletin officiel. Il faut qu’on insère au Bulletin officiel l’arrêté. Dès lors, quand on veut voir à quel titre un fonctionnaire a été pensionné, on a recours à l’arrêté royal dont la date est indiquée au tableau ; on y voit quelles fonctions a remplies le pensionnaire et pendant quel nombre d’années il les a remplies.

Si l’on veut aller plus loin, on aura un travail très-long et moins intelligible que celui qui est sous vos yeux.

M. Desmet – Quel est le vœu de la loi ? Que l’on puisse vérifier s’il y a eu erreur dans la collation de la loi. La deuxième colonne n’est pas un élément de cette vérification ; elle nous renvoie, dit-on, à l’arrêté royal. Mais s’il en est ainsi, nous n’avons pas besoin du tableau ; nous n’avons qu’à recourir aux arrêtés pour voir s’il y a eu erreur ; car on sait qu’il y a eu des erreurs, et récemment encore.

Les indications que j’ai réclamées sont, je pense, indispensables pour satisfaire au vœu de la loi.

M. Malou – Par la loi votée l’année dernière sur les pensions civiles, on a voulu rendre plus aisé à la chambre le contrôle des pensions à accorder.

Pour rendre ce contrôle facile, il fallait que l’arrêté fût inséré intégralement ; c’est ce que la loi ordonne ; il est inséré au Bulletin officiel.

On a de plus ordonné que l’arrêté royal serait inséré, par extrait, dans le Moniteur. On a voulu que chaque année le gouvernement présentât une liste des pensions accordées. Mais évidemment on ne pouvait exiger que le gouvernement publiât la liste des pensions anciennes déjà accordées, si je puis m’exprimer ainsi, ni qu’il insérât, dans cette liste, les arrêtés insérés au Bulletin officiel.

Ainsi, en présence du texte et de l’esprit de la loi, on ne peut demander la production d’un rapport plus étendu que celui joint au rapport de la section centrale.

Je crois même que dans ce tableau, M. le ministre de l'intérieur a été plus loin qu’il ne devait aller d’après la loi.

M. de Brouckere – Ce n’est pas pour critiquer les pensions qui ont été accordées, que je demande la parole ; c’est plutôt port me plaindre de ce qu’on en a refusé à des personnes qui avaient les mêmes titres que certains titulaires de pensions.

En effet, vous trouvez sur la liste des fonctionnaires pensionnés pour des fonctions qu’ils ont remplies avant la révolution. Or, il y a dans tous les ministères, et particulièrement au ministère de l’intérieur, une quantité de demandes de ce genre qu’on laisse sans suite. Il semble qu’on ne doit pas avoir deux poids et deux mesures, que quand on pensionne des fonctionnaires de cette catégorie, on devrait faire de même pour tous.

Je demande que les chefs des différents départements ministériels s’occupent de cet objet.

Il y a maintenant quatorze ans que ces anciens fonctionnaires vivent sans avoir aucune espèce de rémunération pour de longs et loyaux services.

C’est les avoir assez fait attendre, alors surtout que d’autres fonctionnaires qui sont dans la même position, ont obtenu ce qu’ils demandaient et ce à quoi, selon moi, ils avaient droit.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – La chambre voudra bien se rappeler que le gouvernement a présenté un projet de loi pour ce cas tout spécial.

Et en effet, messieurs, il s’agit d’un cas tout à fait spécial. Il me suffira de citer un exemple. En 1830, un fonctionnaire, un commissaire d’arrondissement, je suppose, n’a pu être conservé en place par le fait de la révolution. Ce fonctionnaire se trouvait ne pas remplir les conditions que supposait l’arrêté-loi de septembre 1814, c’est-à-dire que ce fonctionnaire public n’avait pas 60 ans, qu’il n’était pas infirme non plus, ce qui l’aurait dispensé de la condition d’âge, et qu’en second lieu ce fonctionnaire public n’avait pas non plus trente années d’exercice. Mais tenons-nous seulement à la première condition ; il n’avait pas soixante ans, il n’était pas non plus dans un des cas d’infirmités qui dispensent de cet âge. Le gouvernement peut-il liquider sa pension ? Je sais, messieurs, que plusieurs pensions de ce genre ont été liquidées et que la cour des comptes n’a pas refusé son visa.

M. de Man d’Attenrode – Ces pensions étaient illégales.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Enfin, il a été constaté, ou bien que ces personnes avaient 60 ans, ou bien qu’elles se trouvaient dans le cas d’impossibilité physique qui dispense de cet âge : on les a considérées comme étant dans l’un ou l’autre cas ; dès lors, la pension a été liquidée, et le visa a été accordé par la cour des comptes. Des difficultés, j’en conviens, se sont présentées, et dès lors, le gouvernement a cru devoir saisir la chambre d’un projet de loi. Le gouvernement a demandé à la législature l’autorisation de liquider toutes ces pensions, comme si les fonctionnaires révoqués en 1830 s’étaient trouvés dans l’un des cas formellement prévus par l’arrêté-loi de septembre 1814. A notre grand regret, la chambre n’a pas encore statué sur ce projet de loi.

Ce ne serait pas, messieurs, un grand sacrifice, et, pour me servir d’une expression dont on s’est souvent prévalu en semblables circonstances, ce serait fermer la dernière plaie…

M. de Brouckere – La dernière.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je crois que cette fois-ci on pourrait se servir de cette figure de rhétorique qui deviendrait une vérité (on rit) ; ce serait fermer la dernière plaie de la révolution.

M. Rodenbach – Je demande la parole.

M. de Brouckere – Je la demande aussi.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Et, en effet, messieurs, j’ai déjà eu l’honneur de vous le dire, et l’honorable M. de Brouckere vous l’avait fait remarquer avant moi, beaucoup de pensions de ce genre ont été liquidées. De deux choses l’une, pouvait ajouter l’honorable membre : il ne fallait en liquider aucune, ou il fallait vous mettre en mesure aujourd’hui de les liquider toutes.

En second lieu, messieurs, plusieurs de ces fonctionnaires, et je pourrais même dire tous ces fonctionnaires, ont perdu leurs fonctions par le fait même de la révolution…

M. de Brouckere – Sans avoir démérité.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Sans avoir démérité. L’honorable membre achève ma phrase. Ils n’ont nullement démérité, mais la révolution a créé, en quelque sorte, une impossibilité morale, et pour eux-mêmes de rester en fonction, et pour le gouvernement nouveau de les conserver.

Ces fonctionnaires, que je dirai dépossédés de leurs fonctions par une cause de force majeure, se sont ensuite présentés, ils ont fait offre de service au gouvernement ; mais le gouvernement n’a pu ou n’a pas voulu les employer. Il leur a dit : Vous n’aurez pas de fonctions nouvelles et vous n’aurez pas de pension.

Voilà, messieurs, ce qui s’est passé à l’égard de beaucoup de fonctionnaires publics. Je désire que la section centrale vous fasse son rapport sur le projet de loi dont j’ai parlé.

M. Savart-Martel – Messieurs, je voulais faire quelques observations à l’égard desquelles M. le ministre de l'intérieur vient de s’expliquer ; je me dispenserai de vous les présenter.

Mais il est une pension spéciale dont on vous a déjà parlé dans la session dernière : c’est celle d’un sieur De Gouy, qui a été receveur du canal de Pommeroeul à Antoing, canal que le gouvernement a repris. Je désirerais savoir où en est arrivée cette affaire.

Je recommande, messieurs, cet employé à la bienveillance du gouvernement ; il est de toute évidence qu’il a droit à une pension. L’année dernière notre honorable président, qui était gouverneur du Hainaut, avait bien (page 691) voulu quitter le fauteuil pour vous faire connaître les droits de cet employé.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Il y a peu de temps qu’il a été question dans cette chambre de la pension dont vient de parler l’honorable préopinant. J’ai dit alors qu’un travail se préparait au département des finances relativement à d’autres personnes encore qui se trouvaient dans une position analogue, et que, quand ce travail serait terminé, le résultat en serait présenté à la chambre. Je puis promettre à l’honorable membre que les titres de la personne dont il vient de parler ne seront pas perdus de vue.

M. de La Coste – Messieurs, dans la question qui a été soulevée tout à l’heure, il s’agit principalement de fonctionnaires avec qui j’ai eu autrefois des rapports, qui étaient placés sous ma direction. Il est naturel, messieurs, que plusieurs d’entre eux aient souvent recouru à moi, me demandant d’appuyer leurs réclamations. Je ne l’ai pas fait pour différents motifs, dont il me paraît inutile d’entretenir la chambre. Cependant, puisque l’occasion s’en présente, je crois ne pas pouvoir me dispenser de faire ici une seule observation.

Veuillez, messieurs, comparer la position de deux classes de ces fonctionnaires que je vais établir par pure supposition.

Je suppose d’une part des fonctionnaires très-compromis, très-odieux au peuple, et d’autre part des fonctionnaires qui pouvaient voir encouru quelque animadversion comme ayant appartenu à un gouvernement qu’on renversait, mais qui d’ailleurs n’étaient ni mal vus, ni l’objet d’aucun reproche. Quelle sera la position des uns et des autres ? Je procède toujours par supposition, ne voulant jeter de la défaveur sur personne. Qu’aura fait le fonctionnaire très-compromis, très-odieux ? Il se sera empressé d’aller à La Haye ; là on lui donne une pension ou un traitement d’attente ; et, en vertu du traité, vous payez cette pension ou ce traitement d’attente. Celui, au contraire, qui, n’ayant rien de défavorable dans sa position que d’appartenir à un gouvernement qu’on renversait, n’aura pas voulu renoncer à son pays et se mettre à la disposition d’un gouvernement qui lui devenait étranger, celui-là n’aura pas de pension, pas de traitement d’attente.

Qu’arrive-t-il encore, messieurs, quand ces deux hommes se présentent pour obtenir une place ? Celui qui a une pension ou un traitement d’attente a un titre pour obtenir une place ; car c’est une économie que l’on fait ; et l’autre a un titre a être renvoyé parce qu’il n’a rien.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, les observations de l’honorable membre tendent sans doute à faire mettre à l’ordre du jour le projet de loi que le gouvernement a présenté à l’effet d’accorder des pensions à d’anciens fonctionnaires qui ont été privés de leur emploi par suite des événements de la révolution.

Ce projet a été présenté le 19 janvier 1844 ; il se trouve maintenant en section centrale ; nous ne pouvons que prier M. le président de vouloir bien convoquer le plus tôt possible la section centrale.

M. le président – La section centrale a été convoquée, et le rapporteur a été nommé.

M. Rodenbach – Messieurs, je ne m’oppose pas à ce que la chambre s’occupe du projet de loi dont il s’agit. Si dans la liste annexé au projet, on rencontre les noms de personnes fort honorables, on en trouve d’autres, portés par des individus qui n’ont aucun titre à la bienveillance du pays. Devons-nous, par exemple, récompenser des hommes qui ont déserté leur poste à la révolution, qui ont fait tous les efforts pour faire échouer la révolution, qui ont excité le peuple, qui enfin ont trahi ?

M. le ministre de l'intérieur a dit qu’il fallait fermer les plaies de la révolution. Eh bien, je ne pense pas que ces plaies doivent être cicatrisées, en ouvrant la porte aux traîtres. Ce ne serait pas un moyen bien moral de récompense. D’ailleurs, nous examinerons le projet de loi ; mais, je le répète, si parmi les personnes qui figurent sur la liste, il y en a de fort honorables, il y en a d’autres qui étaient à la tête des ennemis de la révolution. Nous avons culbuté un ministère qui voulait restituer les épaulettes au général Vandersmissen ; on devrait s’en souvenir ; la chambre, je n’en doute pas, n’adoptera pas le principe qu’il faut récompenser les traîtres. J’ai dit.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je ne pense pas que l’épithète dont s’est servi l’honorable préopinant à diverses reprises, puisse s’appliquer à un grand nombre de personnes qui figurent sur la liste. J’ai parlé en général et il faut voir la question en général.

Il faut nous demander si la Belgique peut abandonner complètement tous les individus qui en 1830 ont été dépossédés de leurs fonctions ; si ces individus l’ont été par un cas que j’appellerai de force majeure. Ils ont vainement depuis lors fait leurs offres de service au gouvernement belge, au gouvernement nouveau ; le gouvernement n’a pas cru devoir les employer. Je n’examinerai pas les motifs pour lesquels on a refusé leurs offres de service. Voilà, messieurs, la plupart des cas.

L’honorable M. de La Coste a fait une supposition qui malheureusement n’en est pas une ; nous devons savoir gré à l’honorable membre de la réserve qu’il a mise dans ses observations ; mais il est vrai de dire, comme l’honorable membre vous l’a fait sentir, qu’un individu qui se sera rendu à La Haye, et qui y sera resté jusqu’en 1839, se trouvera mieux traité que le fonctionnaire public, dépossédé en 1830, et qui aura continué à attendre paisiblement en Belgique.

L’honorable M. Rodenbach suppose qu’il s’agit de récompenses ; je crois qu’il ne s’agit pas précisément de récompense. La question est celle-ci : Faut-il tenir compte aux fonctionnaires publics privés en 1830 de leurs fonctions ; faut-il leur tenir compte, en leur allouant une pension, des services rendus par eux au pays, antérieurement à 1830 ? Voilà la véritable question.

Vous liquideriez leur pension, à raison du nombre d’années pendant lesquelles ils ont loyalement exercé des fonctions publiques avant 1830.

M. de Brouckere – Messieurs, j’ignore si sur la liste des personnes qui sollicitent une pension pour des services rendus antérieurement à la révolution, il se trouve d’anciens fonctionnaires qui méritent les reproches que leur a adressés l’honorable M. Rodenbach ; mais ce que je puis affirmer, et affirmer d’une manière bien positive, c’est que la plupart de ces personnes sont des fonctionnaires fort honorables et auxquels il serait impossible d’adresser le moindre reproche.

Mais voici dans quelle position la plupart de ces fonctionnaires se sont trouvés : Au moment de la révolution, ils occupaient des fonctions que j’appellerai plus ou moins politiques ; ils ont été révoqués, pourquoi ? Parce qu’ils avaient mal rempli leurs fonctions ? Nullement. Parce qu’on avait des reproches à leur faire ? Aucunement ; je puis affirmer le fait, je le sais de science certaine ; je pourrais citer des circonstances particulières qui sont à ma connaissance personnelle. On a révoqué ces fonctionnaires par mesure générale : on croyait qu’il était convenable, après un bouleversement politique comme celui de 1830, de ne mettre à la tête de l’administration des provinces et des arrondissements que des hommes nouveaux. Je puis même ajouter que, parmi les fonctionnaires qui sollicitent leur pension, il en est plusieurs qui avaient adhéré formellement au gouvernement provisoire, et qui demandaient uniquement à être continués dans leurs fonctions, ce qu’ils pouvaient faire très-honorablement, du moment où ils n’avaient pas trahi le gouvernement qu’ils servaient ; ils avaient servi le gouvernement des Pays-Bas jusqu’au moment où ce gouvernement a cessé d’exister. Le gouvernement a été renversé ; à ce gouvernement en a succédé un autre ; le gouvernement des Pays-Bas, en abandonnant ce pays, y a laissé ces fonctionnaires, sans leur donner aucun instruction quelconque ; ils pouvaient dès lors très bien offrir leur services au gouvernement provisoire ; ils l’ont fait. Que leur a-t-on répondu ? On leur a dit : « Vous ne pouvez servir le gouvernement belge ; c’est un malheur ; mais il nous faut des hommes nouveaux qui inspirent toute confiance ; vous devez momentanément vous retirer. » On les a révoqués. Ces hommes, depuis 14 ans, attendent qu’on leur donne, non pas une récompense, mais la modique pension que leur promettait l’arrêté-loi de septembre 1814, lorsqu’ils auraient acquis le nombre d’années de services que cet arrêté-loi exigeait pour l’obtention d’une pension : mais est-ce la faute de ces fonctionnaires, s’ils n’ont pas accompli les conditions d’âge et d’années de service requises par l’arrêté-loi ? Comme l’a dit M. le ministre de l'intérieur, il y a eu ici cas de force majeure, et je crois que nous devons avoir égard à une semblable circonstance.

M. de Garcia – Messieurs, je dirai quelques mots sur cette question. M. le ministre de l'intérieur l’a parfaitement résumée, en se demandant s’il fallait accorder une pension aux fonctionnaires publics dépossédés par le fait de la révolution.

L’honorable M. de Brouckere, s’appuyant sur ce qui a été fait à l’égard de quelques-uns de ces fonctionnaires mis à la pension depuis 1830, a prétendu que tous devaient être mis sur la même ligne, en disant : « Il faut les mettre tous à la pension, ou bien il n’en fallait admettre aucun. » Je ne puis adopter le dilemme de l’honorable M. de Brouckere ; les fonctionnaires de cette catégorie qui ont été pensionnés, se trouvaient dans les cas prévus par les lois et arrêtés-généraux qui réglaient la matière des pensions jusqu’à la révolution de 1830.

M. de Brouckere – Je vous demande pardon.

M. de Garcia – Du reste, la question sera examinée, et si, comme le dit l’honorable M. de Brouckere, je raisonnais sur une erreur, je me joindrais alors à l’honorable M. de Man d’Attenrode, pour soutenir que le gouvernement a commis une illégalité. En effet, les mesures prises à cet égard par le gouvernement ne reposant sur aucune loi, constitueraient de l’arbitraire absolu ; au surplus nous sommes saisis d’un projet de loi, ayant pour objet de régler le sort des fonctionnaires qui n’ont pas de droits à la pension, ni en vertu des lois existantes, ni en vertu des lois antérieures à 1830.

La section centrale chargée de l’examen de ce projet de loi m’a fait l’honneur de me nommer rapporteur, et j’avoue que, d’accord avec M. le président de cette section, je ne me suis pas pressé de préparer mon rapport sur une loi qui était repoussée par toutes les sections ; toutefois, après ce qui vient d’être dit, je crois pouvoir promettre à la chambre de déposer le rapport samedi prochain.

Il me reste à faire une observation : Dans la liste qui est jointe au projet de loi se trouvent une catégorie de personnes qui réclament la pension. Cette liste n’est pas nombreuse et semble ne devoir pas entraîner de grandes dépenses à charge du trésor. Mais il ne faut pas s’y tromper : il est une foule d’autres fonctionnaires qui ont les mêmes droits que ceux qui réclament. Je citerai, entre autres, l’ancien gouverneur et le greffier des états de la province de Namur, qui ont perdu leur position à la suite de la révolution et qui ne figurent pas dans la liste des fonctionnaires dont s’agit. Déciderez-vous ici une question de principe ? Oui, selon moi, parce que la chambre ne peut, en semblable matière, décider que des questions de principe et qu’il serait contraire à la dignité de la chambre de ne voir ici qu’une question de personne. Or, quand vous aurez décidé la question en principe, pensez-vous que la dépense sera aussi minime que celle indiquée dans le projet de loi ? Vous vous tromperiez beaucoup. Au surplus, messieurs, nous ne voulons rien anticiper sur cet objet, et lors de la discussion de la loi en question nous examinerons le fondement des réclamations qui vous sont adressées et nous examinerons leur portée sur le trésor.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – L’honorable M. de Man a dit (page 692) qu’on avait fait une chose illégale, en liquidant ces pensions. On n’a liquidé de pensions qu’en faveur des individus qui avaient 60 ans d’âge ou qui avaient établi, par des certificats en règle, qu’ils étaient dans l’incapacité de remplir désormais des fonctions publiques. Néanmoins, des observations ont été faites par la cour des comptes. Ainsi, la dernière pension de ce genre qui a été liquidée, l’a été en vertu d’un arrêté royal du 31 décembre 1840. Depuis ce temps, c’est-à-dire depuis plus de quatre ans, il n’a plus été liquidé de pension de ce genre. On a cru devoir saisir la législature d’un projet de loi et réclamer des pouvoirs extraordinaires pour faire rentrer ce cas dans les conditions prévues par l’arrêté-loi de 1814.

M. de Muelenaere – Je n’ai demandé la parole que pour faire observer que cette discussion est inutile. En effet, nous sommes saisis d’un projet de loi sur lequel un rapport de la section centrale ne tardera pas à être déposé. Il me semble, dès lors, convenable d’attendre que le projet soit mis en discussion ; alors chacun sera libre d’exprimer son opinion, dans cette enceinte et la chambre prononcera.

M. Orts – Messieurs, pour appuyer les observations, pleines de justesse, de l’honorable M. de Brouckere, je vous citerai un fait bien singulier, relativement à la position de ces fonctionnaires qui, par le fait de la révolution, se sont trouvés à la fois sans place et sans pension, qui sont restés paisiblement dans le pays, et qui, après leur élimination, comme fonctionnaires, sont rentrés dans leur première position, telle que celle d’avocat, se mêlant uniquement de leurs affaires, et ne prenant aucun part à des agitations politiques.

Lorsque le 1er octobre 1830, la première réforme fut portée dans les corps judiciaires supérieurs, la cour de Bruxelles se trouva réduite, par l’arrêté du gouvernement provisoire, (erratum, p. 714) de 38 à 14 membres. Si quelques-uns furent éliminés pour opinions politiques antérieures à la révolution, le plus grand nombre le fut pour cause de maladie ou de vieillesse. Il y en avait qui avaient atteint 80 ans.

L’arrêté portait :

« Art. 1er. Sont maintenus tels et tels au nombre de 14.

« Art. 2. Les membres non maintenus sont autorisés à faire valoir leurs droits à la retraite, conformément à l’arrêté-loi de 1814. »

En vertu de cet arrêté de 1814, qui avait force de loi, il suffisait aux membres non maintenus d’adresser une requête ainsi conçue au gouvernement :

« Je demande la liquidation de ma pension, aux termes de l’arrêté-loi de 1814. »

Des membres des tribunaux de première instance avaient été aussi éliminés ; dans le même corps l’un était qualifié destitué, un autre révoqué, un troisième à la disposition du gouvernement qui n’en a jamais disposé ; un membre de cette catégorie avait demandé sa pension ; il ne l’a pas obtenue ; bien qu’on disposât de lui on n’en a pas disposé ; il est mort.

D’autres, qui ont été révoqués ou mis à la disposition du gouvernement, viennent vous dire : Je n’ai jamais refusé d’utiliser mon temps et mes talents au service de la Belgique ; j’ai reconnu son indépendance au moment où elle a été proclamée Aujourd’hui, vous devez donner à ces hommes leur pension, puisque vous ne pouvez plus utiliser leurs services.

L’observation de l’honorable M. de La Coste est d’une grande justesse.

Ceux qui ont déserté la Belgique, qui se sont retirés à La Haye, obtiendraient leur pension en vertu du traité, et ceux qui n’ont pas voulu fuir la patrie, n’obtiendraient rien ! Ces réflexions, vous les pèserez quand le projet de loi sera soumis à vos délibérations. Je me réserve d’appuyer par des arguments les faits que j’ai énoncés. Je n’ai pas cité de noms, mais ces faits sont authentiques, ils résultent des arrêtés.

M. de Man d’Attenrode – Je me suis permis d’interrompre tout à l’heure M. le ministre de l'intérieur en disant que des pensions avaient été accordées d’une manière illégale. Je me crois fondé à maintenir ce que je viens de dire. Pour obtenir la pension d’après l’arrêté-loi de 1814, il faut justifier d’un service pendant un certain nombre d’années, avoir un certain âge, ou justifier d’infirmités qui empêchent de continuer à remplir ces fonctions. Des individus qui ne réunissaient ni les conditions d’âge ni les conditions d’années de service, ont pressé le gouvernement de leur accorder des pensions, 10 ou 12 ans après la cessation de leurs fonctions ; eh bien, le gouvernement leur a accordé des pensions, comme si c’était par cause d’infirmités qu’ils avaient été démissionnés, tandis qu’ils avaient cessé de remplir leurs fonctions depuis plus de 10 ans pour des motifs politiques.

La cour des comptes a réclamé, avec justice, contre ces concessions de pensions ; l’opinion publique a réclamé aussi ; on a tenu note de ces observations et depuis lors le gouvernement a cessé d’en conférer en pareils cas : ce qui prouve d’ailleurs qu’il a compris qu’il avait agi d’une manière illégale, c’est qu’il a présenté un projet de loi pour satisfaire ceux qui se croyaient des droits à la pension, qu’ils réclamaient avec instance et auxquels la loi ne lui permettait pas d’en accorder.

- L’article 1er est adopté.

Article 2

« Art. 2. Secours à d’anciens employés belges aux indes ou à leurs veuves ; fr. 5000 »

M. Savart-Martel – A l’occasion de cet article, je désire savoir si l’on paye la pension des militaires qui ont servi aux Indes, à qui, conformément à la législation d’alors, des fonctions avaient été accordées. Vous savez que différentes réclamations ont été adressées à la chambre à cet égard ; je désire savoir si on paye ou non ces pensions. Avant de donner des secours, il faut payer les pensions. Je ne conteste pas le chiffre de l’article dont il s’agit ; mais il faut savoir ce que deviennent les réclamations qui nous ont été adressées. Vous savez, au reste, que ces réclamations ne sont pas nombreuses.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je ne suis pas à même de répondre à la question qui concerne le budget de la guerre.

M. de Muelenaere – Je pense qu’on paye à tous les anciens employés aux Indes les pensions qu’ils ont obtenues avant la révolution. Je crois même que plusieurs sont revenus depuis la révolution et que leur pension a été liquidée. Aucune contestation ne s’est élevée à cet égard. Mais les employés aux indes jouissaient de deux pensions : d’abord de la pension ordinaire et ensuite d’un supplément de la pension comme employé des Indes. C’est sur ce supplément de pension qu’il y a contestation de la part du gouvernement et de quelques anciens employés. C’est là la question que l’honorable membre devra poser quand il s’agira du budget de la guerre, car la difficulté ne porte que sur le supplément de pension.

M. Savart-Martel – On m’a dit que les deux cinquièmes de la pension de ces employés n’étaient pas payés. Il est possible que le supplément dont parle l’honorable préopinant consiste dans les deux cinquièmes qu’on ne paye pas. Du reste, puisque la question ne concerne pas le budget de l’intérieur, mais le budget de la guerre, je la reproduirai lorsque nous en serons à la discussion de ce budget.

- L’art. 2 est adopté.

Article 3

« Art. 3. Secours à d’anciens fonctionnaires ou veuves de fonctionnaires, à d’anciens employés ou veuves d’employés, qui, sans avoir droit à la pension, ont néanmoins des titres à l’obtention d’un secours, à raison d’une position malheureuse : fr. 7,000. »

Chapitre III. Statistiques générales

Articles 1 et 2

« Art.1er – Frais de publication des travaux de la direction de la statistique générale, de la commission centrale, ainsi que des commissions provinciales : fr. 7,000 (charges ordinaires) »


« Art. 2. Part contributive du gouvernement dans les frais auxquels donnera lieu le recensement général de la population du royaume : fr. 15,000 (charges extraordinaires) »

M. Sigart – Le recensement que va ordonner le gouvernement est à plusieurs fins.

Un de ses résultats principaux doit être de mettre en mesure d’établir le rapport, aujourd’hui rompu, entre la population de Belgique et les chambres qui la représentent.

Ce rapport, à la rigueur, aurait pu être établi sans dénombrement. En voulez-vous des preuves, messieurs ? Le gouvernement provisoire a pu réunir le congrès, la loi électorale a pu être votée sans dénombrement.

Pour ce motif, le public soupçonne que le recensement pourrait bien n’être qu’une mesure dilatoire. M. le ministre de l'intérieur dissiperait des soupçons que j’aime à croire sans fondement, en imprimant une grande activité aux opérations de ses agents. Si j’en juge par quelques notes du budget, nous serions assez éloignés du terme. Je demanderai combien on compte qu’il faudra de temps pour y arriver.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – La somme qui est portée à l’art. 12 du chapitre III n’est qu’une première allocation nécessaire pour les opérations préparatoires ; le recensement ne pourra être achevé que dans le cours de l’année prochaine. Une deuxième allocation sera alors demandée.

Je remercie l’honorable membre d’avoir repoussé les soupçons dont il nous a fait part tout à l’heure.

- L’article est adopté.

Chapitre IV. Frais de l’administration dans les provinces

Articles 1 à 9

« Art.1er. Province d’Anvers (Ch. ord. fr17,477 ; Ch. extr. fr. 1,200) »


« Art. 2. Province de Brabant (126,275) »


« Art. 3. Province de la Flandre occidentale (130,757) »


« Art. 4. Province de la Flandre orientale (133,448) »


« Art. 5. Province de Hainaut (140,938 ; 5,000) »


« Art. 6. Province de Liège (131,330 ; 30,000) »


« Art. 7. Province de Limbourg (103,345 40 ; 1,000) »


« Art. 8. Province de Luxembourg (107,691 ; 3,000) »


« Art. 9. Province de Namur (104,263) »

Articles 10 et 11

« Art. 10. Frais de route et de tournée des commissaires d’arrondissement : fr. 18,500 »


« Art. 11. 1° Somme destinée à l’augmentation, à partir du 1er juillet 1845, des traitements des 39 commissaires d’arrondissements, en tenant compte de l’indemnité annuelle dite de milice, d’après les bases indiquées ci-après, avec suppression de tous avantages autres que les frais de bureau, de commis et de tournée. Il pourra y avoir 4 commissaires d’arrondissement à 6,000 francs. ; 10 à 5,250 ; 12 à 4,650 ; 13 à 4,200 : fr. 29,358. »

(page 693) « 2° Somme destinée à l’augmentation des frais de commis et de bureau dans les commissariats d’arrondissements, où l’insuffisance de ces émoluments a été constatée : fr. 10,000 »

M. Pirson – Dans presque toutes les discussions du budget de l’intérieur, on a fait entendre avec raison des plaintes sur l’inégalité injustifiable qui existe entre les traitements de plusieurs commissaires d’arrondissement. Cette année, la section centrale vous proposant l’adoption de la somme destinée à l’amélioration de la position de ces fonctionnaires, je crois opportun de présenter quelques observations sur les considérations qui doivent servir de base à la gradation de leurs traitements, et je prie M. le ministre de l'intérieur d’y avoir égard dans la nouvelle répartition qu’il aura à faire, si le crédit qu’il demande lui est accordé.

La loi provinciale, messieurs, a placé tous les commissaires d’arrondissement sur la même ligne, sous le rang du rang et des attributions. Si une différence est établie entre les appointements, elle doit surtout être déterminée par le plus ou moins de travail qui peut leur incomber.

Le travail des commissaires d’arrondissement dépend :

de la population ;

du nombre des communes ;

de l’espèce des communes ;

de l’étendue territoriale et des moyens de communication de l’arrondissement.

De la population : pour les affaires de l’état civil, et la distribution des secours ;

Du nombre des communes : en ce qui concerne les budgets, les comptes, les réparations des chemins, les affaires de l’église, l’envoi des circulaires et des lettres de rappel ;

De l’espèce des communes, parce que, dans les grandes communes, dans celles qui sont populeuses, l’administration communale y est composée d’ordinaires d’hommes assez instruits et assez intelligents pour comprendre et mettre à exécution les lois, arrêtés et règlements, et qu’alors la surveillance du commissaire se borne au contrôle des actes de ces communes, tandis que, dans les petites communes, au contraire, l’administration communale y étant souvent composée d’hommes dépourvus de connaissances administratives nécessaires, il en résulte que le commissaire d’arrondissement est obligé de modifier et de refondre quelquefois en entier les documents qu’on lui expédie, et que ce n’est qu’à force d’instructions, de rectifications, de renvois et de rappels, qu’il parvient à obtenir les renseignements statistiques ou autres exigés par l’administration supérieure.

De l’étendue territoriale et des moyens de communication de l’arrondissement, en ce que les tournées d’inspection exigent d’autant plus de temps, que les distances à parcourir sont longues, qu’il existe ou non des chemins de fer ou des chaussées dans l’arrondissement, que les communes sont plus ou moins distantes de ces chemins de fer ou de ces chaussées, et qu’elles sont plus ou moins disséminées. Ce sont ces considérations, tirées de la population, du nombre et de l’espèce de communes, de l’étendue territoriale et des moyens de communication de l’arrondissement, qui auraient dû servir de base à la rémunération des commissaires d’arrondissement. Cependant, messieurs, par je ne sais quel concours de circonstances que je ne m’explique pas, on n’en a pas tenu compte ; les droits du travail ont été méconnus, et d’année en année, on a perpétué à l’égard de certains d’entre eux une iniquité qui demande réparation.

C’est ainsi que, dans l’arrondissement de Namur où il y a 104,029 habitants et 121 communes, le commissaire est moins bien rétribué que ceux de Verviers où la population est de 75,731 habitants et le nombre de communes de 41, et de Huy où la population est de 64,088 habitants e le nombre de communes de 88.

C’est ainsi encore que, dans l’arrondissement de Dinant où la population est de 56,581 habitants et le nombre de communes de 135, le commissaire d’arrondissement est moins bien rétribué que dans ceux de Hasselt où la population est de 51,853 habitants et le nombre de communes de 62 ; de Maseyk où la population est de 32,163 habitants et le nombre de communes de 86 ; et de Waremme où la population est de 44,497 habitants et le nombre de communes de 86.

Cependant, messieurs, de tous les arrondissements du royaume sans exception, l’arrondissement de Dinant est celui qui comprend le plus grand nombre de communes, où les moyens de communication, entre beaucoup de ces communes, sont le plus difficiles, où les communes sont le plus disséminés, et où, par cela même qu’un grand nombre sont très-petites, puisqu’il y en a 135 sur une population de 56,581, les personnes appelés à former le collège des bourgmestres et d’échevins ne possèdent pas toujours les connaissances suffisantes pour l’exercice de leurs fonctions.

Il est une dernière considération qui ne doit pas être négligée, pour établir d’une manière équitable la gradation des traitements des commissaires d’arrondissement : c’est la cherté de la vie. Cette considération paraît également avoir été omise dans l’échelle des traitements actuels. Il ne me sera pas difficile de le prouver par quelques comparaisons. Certainement la vie n’est pas plus chère à Huy qu’à Namur ; eh bien, dans l’arrondissement de Huy, où la population et le nombre des communes sont moindre que dans celui de Namur, le commissaire y est mieux rétribué. De même, on peut affirmer que la vie n’est pas plus chère à Waremme qu’à Dinant ; et dans l’arrondissement de Waremme, où il y a 10,084 habitants et 49 communes de moins que dans l’arrondissement de Dinant, le commissaire y est aussi mieux rétribué.

Toutes ces inégalités de traitements, que rien ne justifie, et beaucoup d’autres que je pourrais citer d’après l’examen que j’ai fait du tableau synoptique distribué à la chambre en 1841, constituent une véritable injustice, qui, j’espère, sera réparée cette année. J’appelle sur ce point l’attention de M. le ministre de l'intérieur.

Si M. le ministre me donne l’assurance d’établir sur des bases plus équitables une meilleure gradation des traitements des commissaires d’arrondissement ; comme aussi, en cas d’adoption de la somme de 10,000 francs destinée à l’augmentation des frais de commis et de bureau, de ne pas perdre de vue que les écritures des commissaires sont en raison directe du nombre et de l’espèce des communes, je voterai les majorations demandées à l’art. 11 du chapitre IV.

M. de Renesse – Messieurs, déjà depuis plusieurs années des sections de la chambre ont attiré l’attention du gouvernement sur la convenance de mettre les traitements des commissaires d’arrondissement en harmonie avec l’importance de leurs fonctions ; et on ne pourra disconvenir que, jusqu’ici, ces places n’ont pas été rétribuées de manière à assurer à ces hauts fonctionnaires une position convenable au rang qu’ils occupent dans la hiérarchie administrative.

Par le tableau joint au rapport de la section centrale, nous voyons que les commissaires d’arrondissement obtiennent un traitement fixe dont le minimum est de 1,559 fr. 25 c. et le maximum de 3,780 fr. ; comme il n’y a actuellement que 39 de ces fonctionnaires, la moyenne du traitement est d’environ 2,600 fr.

L’on ne peut objecter avec quelque fondement qu’il faut, en outre, leur tenir compte de l’abonnement et des dédommagements qu’ils reçoivent en qualité de commissaire de milice ; ces deux rétributions ne sont réellement que des remboursements pour les frais d’administration et pour leurs tournées de milice ; l’on peut affirmer que les commissaires ne peuvent y trouver une certaine compensation pour augmenter, par ce moyen, le peu d’importance de leur traitement fixe. Pour tous ceux qui connaissent la marche ascendante des affaires administratives, il doit être démontré que les commissaires doivent suppléer à leur traitement pour faire face à leurs nombreux frais de bureau, qui augmentent presque chaque année par la multiplicité des affaires ; car, depuis 1830, le travail administratif a plus que triplé, si pas plus.

Le commissaire d’arrondissement, par sa haute position dans l’administration, doit jouir d’une certaine aisance ; ses fonctions doivent être mieux rétribuées qu’actuellement ; il est des occasions, où ces fonctionnaires doivent faire certaines dépenses, que d’autres, quoique plus fortement payés, ne doivent pas subir. Le commissaire est l’intermédiaire obligé des administrés avec l’autorité provinciale, il doit être constamment en relation avec les communes de son arrondissement ; il doit s’y rendre chaque année, à plusieurs reprises ; par sa présence, il peut souvent aplanir des difficultés et des contestations entre différentes communes ; il est le conseiller, le conciliateur administratif, si je puis m’exprimer ainsi des communes qui auraient des intérêts opposés ; il doit chercher, par son influence personnelle, à ramener la concorde entre les administrations communales et leurs administrés, s’il y a des divisions. En outre, par sa position, par la connaissance exacte des besoins de son arrondissement, il peut appuyer auprès du gouvernement, les intérêts de ses administrés ; il peut démontrer, à l’administration supérieure, la nécessité d’accorder les subsides réclamés pour l’amélioration morale et matérielle de son district ; l’on ne peut donc contester l’importance et l’utilité de ces fonctions.

Si l’on augmente le traitement des commissaires d’arrondissement, le gouvernement pourra alors exiger que ces fonctionnaires s’occupent réellement et uniquement des affaires administratives ; il est actuellement de ces commissaires qui sont de véritables agents d’affaires, qui font partie des administrations de sociétés, et qui ne peuvent, par conséquent, surveiller avec autant de soin les affaires de leur arrondissement ; leur chef de bureau est, dans ce cas, le véritable fonctionnaire administratif. Cet état de choses ne doit plus être toléré : c’est un abus auquel l’espère que M. le ministre de l'intérieur portera un prompt remède, surtout lorsque les chambres auront alloué l’augmentation de traitement, réclamée en faveur des commissaires d’arrondissement ; c’est aussi l’un de motifs qui m’engagent à appuyer le crédit postulé, pour l’amélioration de la position de ces fonctionnaires, afin que, dorénavant, le gouvernement puisse les astreindre à s’occuper tout spécialement des intérêts de l’administration et de leurs administrés, et de ne plus être les agents d’affaires de l’une ou de l’autre société ; il faut que les fonctionnaires publics s’adonnent entièrement à l’exercice de leur place, ils ne doivent pas négliger les intérêts de l’Etat, en faveur d’autres souvent tout personnels ; il faut, par conséquent, les rétribuer convenablement.

M. de Man d’Attenrode – Messieurs, quoique le système d’administration qui nous régit, ait éprouvé de notables modifications depuis 30 ans, on ne peut cependant méconnaître que le point de départ de ce système soit l’organisation administrative de l’Empire français, dont la Belgique a fait partie jusqu’en 1814.

La subdivision du pays est restée à peu près la même ; c’est la subdivision départementale ; seulement les noms antiques de nos provinces ont remplacé les dénominations françaises de département de la Dyle, des Deux-Nèthes, etc.

Les préfets ont fait place aux gouverneurs, les sous-préfets ont été remplacés par des commissaires. Le conseil provincial, avec des attributions très-étendues, a été substitué au conseil général ; la députation permanente au conseil de préfecture ; le maire a pris le nom de bourgmestre, etc.

Ces divers rouages administratifs ont continué à marcher jusqu’à ce jour, mais leurs attributions ont été notablement modifiées par suite de l’extension de l’élément électoral, qui a même atteint l’action administrative.

Je n’ai pas à discuter ici si la pays a gagné à cette prédominance si marquée (page 694) de l’élément électoral, qui paralyse souvent l’administration tout en multipliant d’une manière effrayante ses travaux bureaucratiques ; je me borne à rappeler cette circonstance.

Les sous-préfectures furent donc organisées par la loi du 28 pluviôse an VIII ; leurs traitements furent fixés à la même époque, et ils sont encore la base de ceux des commissaires d'arrondissement d’aujourd’hui. D’après l’art. 23 de cette loi, le traitement des sous-préfets dans les villes dont la population excédait vingt mille habitants, était de 4,000 fr. et de 3,000 dans les autres. En 1814 ils prirent le nom de sous-intendant ; vers 1820 ils prirent celui de commissaire de district ; mais à cette époque l’organisation administrative fut notablement modifiée, et à la suite de ces modifications qui partageaient le pays en ordre des campagnes, en ordre des villes, et en un ordre équestre, les attributions des commissaires de district cessèrent de s’étendre sur les villes, leur action se borna aux communes rurales. Enfin une autre mesure plus inexplicable, plus anti-administrative que la première, partagea, fractionna dans une partie des provinces, car la mesure ne fut pas générale, les arrondissements d’organisation française en district de 17 à 25 communes ; et comme la somme allouée pour le service administratif de chaque province ne fut pas majorée, les titulaires de ces petits districts n’obtinrent que de chétifs traitements, disproportionnés avec le rang qu’ils occupaient.

C’est ainsi que la Flandre occidentale et le Luxembourg furent partagés en 8 ou 10 districts, au lieu de l’être en 4 arrondissements, etc.

Les provinces de Brabant, d’Anvers, de Namur, de Limbourg, échappèrent seules à cette mesure absurde, qui est en grande partie cause des plaintes sur la modicité des traitements de ces fonctionnaires, et qui amoindrit leur considération d’une manière fâcheuse.

A la suite des événements de 1830 une réduction d’un dixième fut opérée sur leurs traitements par arrêté du 15 mars 1831, à cause de la pénurie où se trouvait le trésor ; et la nouvelle loi électorale basée sur la circonscription administrative du royaume des Pays-Bas vint donner à cette circonscription une sanction regrettable.

Les commissaires de district devenus commissaires d’arrondissement par la loi provinciale, dont le ressort n’a pas été fractionné par le gouvernement hollandais, ont un traitement qui équivaut à peu près au traitement des sous-préfets avant 1814, moins les avantages d’une habitation, dont ces fonctionnaires jouissent en France.

Il est inutile de rappeler ici combien la valeur de l’argent s’est modifiée depuis 30 ans.

Le prix des moyens d’existence, des loyers est doublé depuis cette époque.

Les commissaires d'arrondissement ne jouissent d’aucune indemnité de logement. Quand, après leur nomination, ils se rendent à leur résidence, ils ne trouvent à se loger que chèrement, s’ils veulent faire honneur à leurs fonctions ; car on spécule souvent dans les petites villes sur la nécessité où ils sont de se procurer une habitation pour leur faire de dures conditions.

S’ils sont révoqués ou déplacés, ils restent chargés d’un loyer onéreux.

Aussi que résulte-il de ce système ? C’est que ces fonctionnaires souvent peu fortunés se logent d’une manière peu convenable ; et je me rappelle d’avoir vu le siège de l’administration d’un arrondissement établi au premier étage dans un magasin d’épiceries.

Ces formes extérieures déconsidèrent l’administration, lui font le plus grand tort, et lui enlèvent toute autorité.

Messieurs, si les traitements de commissaires d'arrondissement, loin d’avoir été augmentés depuis 30 ans, ont été diminués, il n’en a pas été de même des affaires ; leur nombre s’accroît chaque année à la suite des lois que nous votons ; et je suis fondé à dire que ces fonctionnaires, malgré la perte de leurs attributions sur les villes de plus de 5,000 habitants, ont vu leurs occupations doublées depuis 25 ans. Ils ont continué à s’occuper, d’ailleurs, dans les villes comme dans les communes, des travaux concernant la milice et la formation des listes électorales, besogne qui a été très-augmentée par la loi du 1er avril 1843.

Les traitements des chefs des arrondissements qui n’ont pas été mutilés par le gouvernement hollandais varient, pour le moment, de 3,780 francs à 2,598, non compris le dédommagement pour le travail qu’exige la milice.

Et ceux des commissaires, qui administrent des fractions des anciens arrondissements, varient de 3,591 fr. à 1,559. Il est de ces districts qui ne comptent que 17 communes, comme ceux de Thielt et d’Eecloo ; d’autres ont un ressort s’étendant à 25 communes et un peu plus.

On a reconnu maintes fois, dans cette enceinte, que les traitements de ces fonctionnaires, qui représentent le gouvernement, qui sont chargés de fonctions importantes, et qui ont à assumer quelquefois une grave responsabilité, n’étaient pas en harmonie ni avec le rang qu’ils occupent, ni avec les travaux dont ils sont chargés ; que certains d’entre eux étaient mis au niveau des commis et ces expéditionnaires des ministères.

Cependant l’intérêt du gouvernement du pays exige que le choix de fonctionnaires qui entretiennent des rapport direct avec les administrés, qui sont à même d’exercer une grande influence sur l’opinion publique, ne tombe que sur des hommes d’élite ; l’intérêt du pays exige que l’on n’y attire que des hommes jouissant de beaucoup de considération.

Mais qu’a-t-on fait jusqu’ici pour parvenir à ce but ? Je dis, moi : Rien du tout.

Les traitements sont restés au-dessous du médiocre, ils ont été même diminués, tandis que tous les autres ont été augmentés.

Ces fonctions ont été déconsidérées en réduisant certains ressorts à l’administration d’une vingtaine de communes rurales, et en leur retirant toute action sur les villes.

La position de ces fonctionnaires est devenue ambiguë, souvent pénible du moment où ils ont été obligés d’habiter une résidence où on a eu le soin de leur retirer toute autorité, où ils ne peuvent rien pour le bien, et où ils ne peuvent empêcher le mal qu’en le dénonçant ; et s’il survenait quelque grave événement tendant à compromettre l’ordre public, il ne peuvent que regarder passer, sans pouvoir intervenir d’une manière quelconque. Et, le croirait-on, dans bien des localités leur rang est mis en question dans les solennités publiques ; et si, dans l’intérêt de la dignité du gouvernement qu’ils représentent, ils ne consentent pas à accepter le rang que leur assigne l’autorité municipale, il ne leur reste qu’à rester chez eux ; car, malgré de vives réclamations, le gouvernement n’a jamais rien fait pour faire rendre à ses agents les égards qui leur sont dus.

J’ajouterai à ce que je viens de dire que la carrière administrative est sans avenir en Belgique ; que les fonctions de commissaire d’arrondissement n’offre aucune chance d’avancement, car les hautes positons servent à faciliter le dénouement des crises parlementaires, et les honneurs sont réservés pour ceux qui parlent des affaires ; quant à ceux qui les préviennent, qui les empêchent de surgir et de venir embarrasser le gouvernement, quant à ceux qui les connaissent et qui les expédient, il n’y a rien à espérer pour eux ; ils peuvent passer leur vie dans un arrondissement, à moins de livrer leur avenir aux chances électorales.

Messieurs, la combinaison la plus simple qui s’offre d’abord pour relever ces fonctions, sans qu’il en coûtât beaucoup au trésor, serait de revenir du fractionnement des arrondissements, d’en constituer de dignes de ce nom ; mais cette amélioration, qui serait incontestable, selon moi, est liée aux combinaisons électorales, et je doute qu’il soit possible de l’obtenir ; il faudrait des temps plus calmes, un pouvoir plus fort.

Il ne nous reste qu’à accepter, pour le moment, les propositions du gouvernement ; vous les adopterez, j’en suis convaincu, car la dignité de l’administration l’exige, et la majoration des traitements de l’ordre judiciaire nous en fait en quelque sorte un devoir. Vous ne pouvez tout faire pour l’autorité qui punit le mal, et ne rien faire pour celle qui est appelée à le prévenir.

Quant au classement des arrondissements, nous serons obligés de nous en remettre à l’appréciation du gouvernement, car une discussion parlementaire sur cet objet serait, il faut en convenir, interminable.

Je me crois cependant obligé de faire une observation à M. le ministre de l'intérieur concernant le classement.

D’après les développements produits à la section centrale, il n’y aurait que quatre arrondissements de 1er classe pour les traitements, et j’ai lieu de croire qu’on destine cet avantage à des arrondissements où est situé le chef-lieu de la province.

Il me semble que pour être juste, il faudrait avant tout examiner l’importance relative des divers ressorts.

Les ressorts les plus importants ne sont pas toujours ceux du chef-lieu de la province.

C’est ainsi que l’arrondissement rural d’Anvers ne se compose que de 55 communes, et ne compte que 88,190 habitants, tandis que celui de Louvain se compose de 106 communes, et compte 113,286 habitants ; aussi l’arrondissement de Louvain a-t-il été de tout temps de première classe.

Le nombre des communes est ce qui complique le plus l’administration, surtout quand elles sont d’une petite importance ; car ces petites communes sont administrées par des fonctionnaires peu éclairés, et le chef de l’arrondissement se trouve obligé de leur renvoyer leur travail à plusieurs reprises et finit par être obligé de le faire à leur place.

Je ferai remarquer que les fonctions administratives sont plus importantes à remplir, exigent plus de responsabilité dans un arrondissement éloigné de la capitale de la province, que dans celui du chef-lieu.

La position, la responsabilité du commissaire d’arrondissement, chef-lieu de la province, est amoindrie, effacée par le gouverneur ; il n’est obligé à aucune représentation ; il peut se loger comme il l’entend, se contenter d’un modeste appartement ; personne ne trouvera à y redire, on ne s’en apercevra pas.

Le commissaire d’un arrondissement, où ne réside pas le gouverneur, représente ce haut fonctionnaire ; il assume une toute autre responsabilité. S’il veut faire honneur à sa fonction, il est tenu à des frais inévitables. Sa demeure étant censée le siège de l’administration, sur laquelle les regards sont ouverts, il est obligé de se pourvoir d’une habitation d’une apparence honorable, de faire quelques dépenses de représentation.

En France, l’importance des fonctions des sous-préfets dans les chefs-lieux de départements a été jugée si secondaire, que ce rouage a été jugé inutile à côté du préfet, et qu’il a été supprimé depuis longtemps.

J’abandonne ces observations à la justice de M. le ministre de l'intérieur.

M. de Muelenaere – D’après l’accueil fait par les sections et par la section centrale à la proposition du gouvernement, j’aurai peu de choses à dire.

Sans revenir sur les observations qui viennent d’être présentées, je me bornerai à dire qu’il était devenu d’une nécessité absolue d’améliorer la position des commissaires d’arrondissement, et surtout de répartir d’une manière plus équitable le traitement dont ils jouissent.

Je ne m’occuperai pas de la manière dont les traitements nouveaux (si la somme est votée) sera répartie par le gouvernement. Je suis persuadé que le gouvernement prendra en sérieuse considération tout ce qui milite en faveur de certains commissaires d’arrondissement, c’est-à-dire, l’étendue des arrondissements, la population du chef-lieu de district, le nombre et surtout l’importance des communes.

(page 695) Mais je vous demanderai la permission de vous soumettre une observation qui est toute particulière à la province dont l’administration m’est confiée.

Vous avez vu, dans le rapport, qu’il existe dans le royaume 41 commissariats d’arrondissement. Cependant l’augmentation n’est calculée que sur le nombre de 39 commissariats d’arrondissement. Il résulte de là que l’on considère deux arrondissements comme définitivement supprimés. En effet, il y a dans la Flandre occidentale deux commissariats actuellement vacants, qui le sont devenus par la promotion des titulaires. Ces deux commissariats sont provisoirement gérés par le commissaire le plus voisin.

A différentes reprises, les sections de la chambre avaient exprimé le désir de voir diminuer le nombre des commissariats d’arrondissement, là surtout où leur nombre n’est pas en rapport avec les véritables besoins de l’administration.

C’est afin d’arriver à ce résultat sans léser des intérêts particuliers, et sans charge nouvelle pour le trésor, que provisoirement on n’a pas remplacé dans la Flandre occidentale les deux titulaires qui on été promus à d’autres fonctions.

Je crois que la suppression de ces deux commissariats d’arrondissement peut avoir lieu sans aucun inconvénient. Ainsi, je ne viens pas demander une augmentation pour les titulaires de ces deux commissariats que l’on pourrait nommer. Mais je viens demander que l’on ne perde pas de vue que lorsqu’on n’a pas nommé de nouveaux titulaires c’était uniquement parce que l’on voulait arriver à une meilleure répartition des arrondissements administratifs.

Il n’est jamais entré dans ma pensée que ces arrondissements dont on fait gérer l’administration par d’autres commissaires dussent être supprimés plutôt que d’autres.

Les deux arrondissements dont les commissariats sont vacants sont ceux de Thielt et de Dixmude. L’arrondissement de Thielt est d’une assez haute importance sous le rapport de l’industrie. Il y aura nécessairement à examiner si c’est l’arrondissement de Thielt qui doit être supprimé ou un autre arrondissement de la province. (M. Rodenbach s’agite sur son banc.)

Je ne fais pas allusion à l’arrondissement de Roulers, comme paraît le croire un honorable collègue. Je crois que l’arrondissement de Roulers ne peut être supprimé dans aucune hypothèse.

Je crois qu’il serait difficile de supprimer l’arrondissement de Thielt.

Mais il est un autre arrondissement de la province qui, selon moi, peut être supprimé sans aucun inconvénient.

C’est uniquement pour qu’on sache dès à présent qu’il n’y a pas eu un système arrêté de ma part, ni de la part du gouvernement de supprimer les arrondissements provisoirement gérés par d’autres commissaires que j’ai pris la parole. On n’a qu’un but : c’est d’amener plus tard une nouvelle division administrative de la province.

Je recommande vivement ces observations à l’attention de M. le ministre de l'intérieur.

Comme l’augmentation proposée ne doit prendre cours qu’à dater du 1er juillet 1845, il y aura peut-être possibilité, avant cette époque, de procéder à la nouvelle division administrative de la province en arrondissement.

Tout au moins, M. le ministre de l'intérieur peut se régler d’après cela dans la fixation des traitements.

M. de Roo – Je veux parler de l’assimilation, que fait la section centrale des procureurs du Roi avec les commissaires d’arrondissement ; cette idée ne me paraît pas très heureuse. En effet, dans ma province, nous avons quatre procureurs du Roi et huit commissaires d’arrondissement. Le travail des uns serait par conséquent double de celui des autres.

Je trouve donc que le traitement de 6,000 fr. proposé pour quelques commissaires de district est trop élevé, surtout lorsqu’on considère qu’en y joignant les abonnements on arrive, pour les commissaires des arrondissements de ma province, autres que le chef-lieu, au chiffre de 10,227 fr. et qu’à Gand le commissaire d’arrondissement aura 11,242 fr. C’est presqu’autant qu’un gouverneur. Je crois, messieurs, que de pareils traitements sont trop élevés, et qu’il faudrait au moins diminuer de 1,000 fr. ceux des commissaires de première classe.

Messieurs, j’ai pris principalement la parole pour vous présenter une observation que vient déjà de vous faire l’honorable comte de Muelenaere, gouverneur de notre province

Il paraît que le gouvernement aurait pris l’engagement de supprimer dans la Flandre occidentale deux commissariats de district, et de les réunir à d’autres. Il est de fait qu’actuellement deux commissariats sont supprimés ; c’est, comme on vous la dit, celui de Thielt, qui est administré par le commissaire d’arrondissement de Roulers, et celui de Dixmude, qui est administré par le commissaire d’arrondissement de Furnes.

Mais, messieurs, on vous a déjà démontré que le commissaire d’arrondissement de Thielt est un des plus importants du pays. On n’a, pour s’en assurer, qu’à ouvrir la statistique ; on verra que cet arrondissement à une population de 70,000 âmes, c’est-à-dire une population trois fois plus forte que celle du district d’Ostende, et aussi forte que celle des districts de Dixmude et de Furnes réunis.

J’espère donc, messieurs, que ce ne sera pas ce district que l’on privera d’un commissaire d’arrondissement.

D’autres considérations militent en faveur du maintien, à Thielt, d’un commissariat d’arrondissement. Cette ville, d’après la statistique, est la 4e, au moins la 5e de la province. Sa situation topographique est d’ailleurs des meilleures ; elle se trouve au centre de quatre grandes villes, qui sont Gand, Bruges, Ypres et Courtray. Elle l’emporte, sous ce rapport, sur beaucoup d’autres chefs-lieux de district.

Depuis deux ans, l’administration locale se plaint amèrement, et avec raison, de ce qu’elle est privée de son commissaire de district. Les administrés se plaignent aussi de ce que, lorsqu’ils se rendent au chef-lieu de leur district, ils n’y trouvent pas leur commissaire d’arrondissement, et qu’ils soient obligés de faire encore deux ou trois lieues pour arriver à la résidence de celui qui administre le commissariat.

J’espère que M. le ministre de l'intérieur voudra bien faire droit à ces justes plaintes, et qu’il nommera le commissaire de district à Thielt le plus tôt possible.

M. de La Coste – Messieurs, s’il y a certains motifs pour rapprocher les traitements des commissaires de district, de ceux des procureurs du Roi, il n’y en a aucun, selon moi, pour établir une assimilation entre eux dans les mêmes localités. Ainsi, par exemple, on conçoit que le tribunal d’un chef-lieu de province, appartenant même à un arrondissement peu important, soit d’une classe supérieure à un tribunal d’un arrondissement beaucoup plus considérable, parce que dans le premier se tient la cour d’assises.

Mais il est évident qu’une semblable contradiction n’a plus la moindre importance lorsqu’il s’agit d’un commissaire de district.

Il ne sera pas inutile, messieurs, de rechercher quel est le motif de la grande disparité qui existe entre les positions de ces différents commissaires.

L’honorable M. de Man vous a fait l’historique de la législation relative aux commissaires de district, en commençant par la législation française. Mais que s’est-il passé, lorsque le gouvernement des Pays-Bas s’est établi ? Il y avait alors deux opinions : l’une qui tendait à maintenir l’administration et la centralisation française ; l’autre qui tendait à décentraliser, à rapprocher l’administration des administrés.

Le gouvernement des Pays-Bas n’a pas voulu prendre parti entre ces deux opinions en ce qui touchait les commissaires de district ; il a dit à chaque province : Choisissez celui de ces deux systèmes qui vous convient le mieux mais quant à moi je ne ferai pas plus de dépense, si vous adoptez le système de la décentralisation, que si vous maintenez l’ancien système.

Ainsi, c’est très-volontairement que les provinces qui ont préféré voir leurs arrondissements morcelés, se sont résolues à avoir des commissaires de district faiblement rétribués.

Messieurs, je ne veux pas néanmoins m’opposer à ce que, dans les districts ainsi morcelés, on améliore la position des commissaires de district. Cependant je préférerais que l’on adoptât le principe dont l’honorable comte de Muelenaere a parlé, c’est-à-dire que l’on réunit, autant que possible, ces petits arrondissements ; car il en est d’une dimension tellement exiguë que c’est à peine si l’on peut y reconnaître la même nature des fonctions que dans d’autres arrondissements. Ainsi, peut-on comparer des arrondissements qui ont une population de plus de 300,000 âmes et une étendue de 100,000 à 140,000 hectares, avec des arrondissements qui n’ont qu’une population de 24,000 âmes et une étendue de 30,000 hectares ? Il s’agit, je le répète, de fonctions pour ainsi dire différentes. J’appuierai donc l’idée d’opérer l’amélioration des commissaires par des réunions de districts, nul doute que ces réunions peuvent avoir lieu sans nuire à la circonscription électorale, puisque cela a déjà eu lieu dans la Flandre occidentale.

J’appuierai également les observations de l’honorable baron de Man, relativement au commissaire de district de Louvain.

Voici quelle est maintenant la classification des commissaires de district sous le rapport des traitements. Vous en avez trois qui ont plus de 4,500 francs, en y comprenant l’indemnité comme commissaires de milice ; ce sont ceux de Bruxelles, Louvain et Gand.

Vous en avez trois qui ont de 4,000 à 4,500 francs ; ce sont ceux d’Anvers, Mons et Liége.

Vous en avez ensuite sept qui ont de 3,500 à 4,000 francs : c’est à Malines, Turnhout, Nivelles, Audenarde, Alost, Tournay et Tongres.

Vous en avez neuf qui ont de 3,000 à 3,500 francs : c’est à Courtray, Huy, Waremme, Verviers, Hasselt, Maeseyk, Namur, Dinant et Philippeville.

Vous en avez sept qui ont de 2,500 à 3,000 fr. : c’est à Bruges, Ypres, Charleroy, Ath, Thuin, Soignies et Neufchâteau.

Vous en avez huit qui ont de 2,000 à 2,500 fr. : c’est à Roulers, Thielt, St-Nicolas, Termonde, Eecloo, Virton, Arlon et Marche.

Vous en avez quatre qui ont 2,000 fr. et au-dessous : ce sont ceux de Dixmude, Furnes, Ostende et Bastogne.

Je comprends dans cette énumération les commissariats de district qui sont provisoirement réunis à d’autres.

Messieurs, ces différences ne sont pas sans motifs ; car si vous considérez ces arrondissements sous le rapport de la population, vous trouvez :

De plus de 150,000 âmes : Anvers, Bruxelles, Louvain, Gand, Liége.

De 100 à 150 mille : Malines, Nivelles, Bruges, Courtray, Ypres, Alost, Audenaerde, St-Nicolas, Charleroy, Mons, Tournay.

De 50 à 100 mille : Turnhout, Roulers, Thielt, Eecloo, Termonde, Ath, Soignies, Thuin, Huy, Verviers, Hasselt, Tongres, Dinant.

De moins de 50,000 : Dixmude, Furnes, Ostende, Waremme, Maeseyk, Arlon, Bastogne, Marche, Neufchâteau, Virton, Philippeville.

Si maintenant vous considérez les commissariats de districts sous le rapport de l’étendue, vous avez :

De 100,000 hectares et au-dessus : Turnhout, Bruxelles, Louvain, Nivelles, Huy, Neufchâteau, Dinant, Namur

(page 696) De 50 à 100,000 hectares : Malines, Bruges, Ypres, Gand, Charleroy, Mons, Soignies, Thuin, Tournay, Liége, Verviers, Hasselt, Maeseyk, Tongres, Bastogne, Marche, Virton, Philippeville.

De moins de 50,000 hectares : Courtray, Dixmude, Furnes, Ostende, Roulers, Thielt, Alost, Audenarde, Eecloo, St-Nicolas, Termonde, Ath, Waremme, Arlon.

Messieurs, indépendamment des considérations que je vous ai déjà soumises, la conclusion que je crois encore pouvoir tirer de ceci, c’est qu’en améliorant la situation de tous les commissaires de district, il serait cependant fâcheux et il ne serait pas juste, selon moi, que Louvain qui a toujours été dans la première classe, et qui doit y être sous le rapport de la population et de l’étendue, subît une classification inférieure. Or, c’est ce qui aurait lieu d’après la nouvelle classification dont fait mention le rapport de la section centrale. Mais je suppose que cette classification n’est donnée que par manière d’exemple, que le gouvernement ne sera pas lié et qu’il fera un examen attentif de la chose. J’espère aussi que les considérations que je viens de développer entreront en ligne de compte dans cet examen et dans la décision à prendre.

M. de Brouckere – Messieurs, jusqu’ici aucune voix ne s’est élevée dans cette chambre contre la demande faite par M. le ministre d’une allocation de 17,500 fr. pour améliorer la position des commissaires d’arrondissement et établir une proportion plus équitable dans leurs traitements ; et il est très-probable qu’aucune voix ne s’élèvera contre cette allocation, parce qu’elle est véritablement fondée en justice et en raison.

M. Eloy de Burdinne – J’ai demandé la parole pour cela.

M. de Brouckere – En ce cas je me suis trompé. Il y aura donc au moins une voix qui s’élèvera contre cette demande.

M. Eloy de Burdinne – Peut-être même deux.

M. de Brouckere – Mais, messieurs, plusieurs des orateurs qui ont parlé avant moi, se sont appliqués à démontré à M. le ministre comment il devait s’y prendre pour faire la répartition de cette somme de 17,500 fr. Je crois que M. le ministre de l'intérieur a adopté une ligne de conduite fort sage en ne répondant pas publiquement à ces observations et en ne prenant aucun engagement. Je crois que M. le ministre doit peser toutes les considérations que l’on a fait valoir, mais qu’il pourrait regretter de s’être engagé ici vis-à-vis d’un commissaire de district plutôt que d’un autre.

Ce n’est pas seulement au travail qu’il faut s’attacher, messieurs, pour régler la répartition à faire, c’est aussi à la localité qu’habite le commissaire d’arrondissement, à la considération de savoir si la vie y est plus ou moins chère, si le logement peut s’y procurer plus ou moins facilement ; enfin, messieurs, à une foule d’autres considérations qu’il est inutile de développer ici.

Messieurs, lorsqu’on aura augmenté les appointements des commissaires d’arrondissement, ce ne sera cependant qu’une demi-justice qu’on leur aura rendue, si en même temps on ne fixe pas quel est le rang de ces fonctionnaires ; et ici j’appuie de tout mon pouvoir les observations fort judicieuses qui ont été faites par l’honorable M. de Man. La position des commissaires d’arrondissement est une position ambiguë ; ils ne savent pas quel rang prendre dans l’ordre de préséance, et dans certaines villes on leur refuse toute espèce de rang.

Nous sommes encore, en ce qui concerne l’ordre de préséance, régis par les décrets impériaux. Ces décrets ont bien attribué un rang aux sous-préfets ; mais les commissaires d’arrondissement ne peuvent pas être précisément considérés comme remplaçant les sous-préfets, puisqu’ils n’ont aucune juridiction, aucune autorité dans les villes, ou au moins dans la plupart des villes où ils résident.

Au reste, messieurs, cette observation ne s’applique pas seulement aux commissaires d’arrondissement ; il est d’autres fonctionnaires encore qui ne savent quel rang prendre et auxquels on ne sait quel rang donner. Cette question n’est pas si peu importante qu’elle le paraît ; il résulte de l’état actuel des choses, que dans beaucoup de villes il y a zizanie entre les fonctionnaires, par suite des prétentions que chacun d’eux forme à passer avant les autres. Sans sortir de la capitale, je pourrais citer un grand nombre de fonctionnaires haut placés qui n’assistent plus aux cérémonies publiques, qui ne se montrent plus au Te Deum, ni à d’autres solennités semblables, parce qu’ils ne savent où se placer. Les décrets impériaux ne peuvent plus s’appliquer aujourd’hui, d’abord parce que beaucoup de fonctionnaires ne se trouvent plus dans la même position que ceux dont parlent ces décrets, ensuite parce que notre organisation est tout à fait différente de celle de l’Empire. Ainsi, il y maintenant, partout, lutte entre les fonctionnaires électifs et les fonctionnaires nommés par le gouvernement. Je voudrais que le gouvernement fît cesser toutes ces luttes qui sont une cause de désunion, une cause de zizanie, et qui font plus de mal que ne pourraient en faire des choses beaucoup plus importantes au premier coup d’œil.

J’espère que le gouvernement voudra bien s’occuper d’ici à la session prochaine de régler, d’une manière définitive l’ordre des préséances. Si, dans les premiers moments, les dispositions qu’il prendra donnent lieu à quelques récriminations, à quelques mécontentements, je n’hésite pas à dire que le bien à résulter d’une semblable mesure sera assez grand pour qu’il ne s’arrête pas devant quelques petits désagréments.

M. Eloy de Burdinne – Messieurs, si notre situation financière était meilleure, je serais tout disposé à accorder l’augmentation demandée par M. le ministre de l'intérieur ; mais nous ne devons pas perdre de vue que chaque fois que nous votons une augmentation de dépenses, nous devons chercher de nouvelles ressources pour les couvrir : c’est-à-dire, imposer de nouvelles charges aux contribuables. D’après cette considération, messieurs, je proposerai un amendement qui donnerait une économie de 35,800 fr. sur le chiffre proposé par M. le ministre de l'intérieur, tout en améliorant la position des commissaires d’arrondissement.

M. le ministre de l'intérieur nous propose de rétribuer les commissaires d'arrondissement de la manière suivante :

4 à 6,000 fr ;

10 à 5,250 fr.

12 à 4,650 fr.

et 13 à 4,200 fr.

On vous a fait remarquer que certains commissaires d’arrondissement n’ont aujourd’hui que 2,000 fr., je pense donc qu’en portant le minimum du traitement de ces fonctionnaires à 3,500 fr., nous améliorerions convenablement leur position.

Je proposerai en conséquent l’amendement suivant :

4 commissaires d’arrondissement à fr. 5,000 (fr. 20,000)

10 commissaires d’arrondissement à fr. 4,000 (fr. 40,000)

12 commissaires d'arrondissement à fr. 3,800 (fr. 45,600)

13 commissaires d'arrondissement à fr. 3,500 (fr. 45,500)

Total : fr. 151,100

Je crois, messieurs, que de cette manière la position des fonctionnaires dont il s’agit sera notablement améliorée. Ensuite si l’année prochaine la situation de nos finances nous permet d’accorder au gouvernement la somme qu’il demande, nous serons très-disposés à le faire, mais je crois, moi, que les prévisions que l’on a présentées à cet égard ne se réaliseront pas ; je crois qu’il y aura déficit, et dès lors si nous adoptions aujourd’hui les chiffres du gouvernement, nous serions peut-être forcés de faire des réductions l’année prochaine ?

M. le président donne lecture de l’amendement.

M. Savart-Martel – Est-ce que l’indemnité comme commissaire de milice est comprise ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il ne faut pas supposer, messieurs, que nous sommes arrivés de prime abord aux bases qui nous sont proposées. Nous avons essayé différents systèmes. Nous avons même essayé un système à peu près semblable à celui que propose l’honorable M. Eloy de Burdinne. Nous avons reconnu qu’il était convenable d’adopter comme point de départ les traitements accordés aux procureurs du Roi, sans cependant arriver à cette conséquence qu’il faudrait faire coïncider les traitements par résidence. Si vous admettiez l’amendement de M. Eloy de Burdinne, vous vous exposeriez à n’accorder aucune augmentation à certains commissaires d'arrondissement ; car remarquez bien, messieurs, que vous supprimez les plantons et les indemnités de milice, qui sont de véritables suppléments de traitement. On supprime toutes les indemnités et l’on sort ainsi du système extrêmement arbitraire qui existe maintenant. Si vous voulez jeter les yeux sur la page 56 du rapport de la section centrale, vous verrez quelle disparate offrent les traitements et indemnités des commissaires d'arrondissement. Nous voulons faire cesser ce système arbitraire. A l’avenir, les commissaires d'arrondissement, indépendamment de leurs frais de route qui sont payés sur état et qui sont assez faibles ; indépendamment de ces frais de route, les commissaires d'arrondissement n’auront autre chose qu’un traitement fixe et un abonnement. Toutes les autres indemnités, y compris les frais de plantons ou de messagers, seront supprimées. Eh bien, messieurs, avec un système si rigoureux, si vous admettiez l’amendement de M. Eloy de Burdinne, il y aurait beaucoup de commissaires d'arrondissement qui n’auraient en réalité aucune augmentation.

Un autre membre a supposé que les commissaires d'arrondissement seraient traités beaucoup mieux que les procureurs du Roi. C’est là une erreur, car je pose en fait que beaucoup de commissaires d'arrondissement ne parviendront pas à couvrir leurs frais de bureau et de commis au moyen de leur abonnement. Ainsi le gouvernement a-t-il dû repousser, dans l’intérêt du trésor public, les réclamations des commissaires d'arrondissement, qui voudraient être traités, quant aux frais de bureau et de commis, comme les procureurs du Roi, c’est-à-dire que leurs frais de bureau et leurs commis seraient payés par le gouvernement. Nous croyons qu’il faut maintenir le système des abonnements. Les commissaires d’arrondissement continueront à être chargés de tout ce qui concerne leurs frais de bureau, leurs frais d’écritures, leurs frais de commis. Si l’on sortait de ce système, je n’hésite pas à dire qu’il en résulterait un accroissement considérable de dépenses. Chaque commissaire d’arrondissement aurait un secrétaire, des commis, des messagers, tous directement payés par le trésor public. Le système que nous proposons est un système fixe, un système économique ; il nous permet d’être justes envers les fonctionnaires dont il s’agit, tout en ménageant les finances de l’Etat.

A l’avenir, les commissaires d'arrondissement auront un traitement fixe ; pour déterminer le chiffre de ce traitement, il fallait bien une base ; cette base se trouve dans la loi relative à l’ordre judiciaire. Ils auront, en second lieu, un abonnement, qu’il acceptent à forfait, et moyennant lequel ils doivent se charger de tous leurs frais de bureau et de commis. Nous supprimons tous les autres genres d’indemnités, y compris les plantons, et, je le répète de nouveau, si vous adoptiez l’augmentation de M. Eloy de Burdinne, il n’y aurait, en réalité, aucune augmentation de traitement pour beaucoup de commissaires d'arrondissement ; ou bien, vous seriez forcés de maintenir le système disparate qui existe aujourd’hui, c’est-à-dire de maintenir, entre autre, les plantons.

M. d’Elhoungne – Je n’avais pas demandé la parole et je ne croyais pas prendre part à cette discussion ; je pensais que d’autres orateurs s’élèveraient contre le chiffre demandé par M. le ministre de l'intérieur. Je vous avoue, messieurs, que j’ai vu avec regret solliciter de la chambre cette augmentation de traitement pour les commissaires d’arrondissement. J’ai (page 697) vu avec plus de regret encore que l’on motivait cette augmentation par la loi qui a été votée récemment sur les traitements de l’ordre judiciaire ; on verra, par là se réaliser ce que prédisaient les adversaires de cette loi, lorsqu’ils la considéraient comme un précédent dont on se prévaudrait pour les demandes d’augmentations qui pourraient surgir de toutes les parties de l’administration du pays.

Ne croyez pas, en effet, messieurs, que les commissaires d’arrondissement soient les seuls qui réclameront ; il y a des fonctionnaires qui sont bien plus fondés à demander des augmentations de traitement. Voyez, par exemple, les greffiers provinciaux, ils ont un traitement inférieur à celui que l’on propose maintenant pour les commissaires d'arrondissement des chefs-lieux de province. Cependant il est à la connaissance de toute le monde qu’il n’y a aucune comparaison entre le travail des greffiers provinciaux et celui des commissaires d'arrondissement.

Une autre observation que j’ai à présenter, messieurs, c’est que l’augmentation dont il s’agit est abandonnée entièrement à l’arbitraire du gouvernement.

L’honorable M. de Man nous a parlé de la dignité des fonctionnaires publics, de la dignité administrative ; il me semble, messieurs, que la dignité administrative devrait surtout s’opposer à ce que les commissaires d'arrondissement fussent à peu près exclusivement des agents électoraux. Car il résulte de là, entre autres choses, que l’augmentation qui est demandée par M. le ministre de l'intérieur et qui n’est soumise à aucune règle de répartition quelconque, pourra devenir une véritable prime d’encouragement ou une récompense accordée aux commissaires d’arrondissement qui, dans la prochaine lutte électorale, auront déployé le plus d’activité et de zèle en faveur des candidats du ministère.

Je ne dis pas que cela sera. Je ne dis pas que telle est l’intention de M. le ministre. Mais ce pourrait être, et c’est assez.

L’année dernière, plusieurs honorables membres se sont élevés contre l’arbitraire que notre législation laisse au gouvernement pour la fixation d’un grand nombre de traitements administratifs. Ils ont manifesté le voeu qu’une loi générale pût régler les traitements des fonctionnaires administratifs. Je pense même que le gouvernement nous a promis de s’occuper de cet objet dans un projet de loi…

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Non pas dans un projet de loi !

M. d’Elhoungne – Maintenant nous n’avons aucune base déterminée d’avance. Les honorables membres qui appuient l’augmentation proposée, ne sont pas d’accord avec M. le ministre de l'intérieur sur la répartition à faire de la somme, car si j’ai bien compris les honorables membres qui ont pris la parole, ils ont successivement fait des recommandations en faveur de telle ou telle ou telle catégorie de commissaires d'arrondissement, recommandations qui m’ont semblé quelque peu contradictoires entre elles.

Je m’opposerai donc à l’allocation, telle qu’elle est demandée, d’abord, parce qu’elle n’est pas suffisamment justifiée, et ensuite parce que la répartition en est laissée à l’arbitraire du gouvernement. Je voudrais, au moins, que les catégories des commissaires de district qui jouiront d’une augmentation de traitement fussent nettement déterminées à l’avance, sinon par le texte de la loi du budget, au moins par les explications précises de M. le ministre de l'intérieur.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, il fallait nous attendre à cette objection : il faut une loi pour fixer les traitements des commissaires d'arrondissement. Nous avons indiqué les bases qui, selon moi, doivent être suivies dans l’arrêté d’administration publique, arrêté qui sera pris d’une manière générale, permanente, sans acception de personnes.

Il y aura 4 commissaires d'arrondissement à 6,000 fr.

Il y aura 10 commissaires d'arrondissement à 5,250 fr.

Il y aura 12 commissaires d'arrondissement à 4,650 fr.

Il y aura 13 commissaires d'arrondissement à 4,200 fr.

Je dis qu’une loi est impossible, je parle d’une loi par laquelle on fixerait, commissariat par commissariat, le traitement du titulaire ; je dis qu’une semblable loi est impossible, et dès lors vous devez vous contenter de l’indication des base telle qu’elle est fait dans le libellé du budget.

Je n’hésite pas à dire que la chambre ne sortirait pas d’une pareille discussion. Et récemment encore, lorsqu’il s’est agi de la loi des traitements de l’ordre judiciaire, vous vous êtes estimés heureux de vous en tenir au statu quo, vous réservant de revenir un jour sur le classement des tribunaux par des lois spéciales.

Vous avez dû faire une loi pour les traitements de l’ordre judiciaire, parce que la Constitution vous en faisait un devoir ; la Constitution portait que les traitements de l’ordre judiciaire seraient fixés par la loi. Mais la Constitution ne renferme pas de prescriptions de ce genre pour les fonctionnaires de l’ordre dont nous nous occupons. Nous comprenons cependant qu’il convient, pour la dignité de l’administration, que les traitements des fonctionnaires de cet ordre soient fixés en principe par un arrêté général et permanent ; cet arrêté interviendra ; il sera publié ; le gouvernement le prendra sous sa responsabilité.

M. Savart-Martel – La circonscription actuelle des commissariats de district est vraiment déplorable et bizarre.

L’arrondissement de Tournay, par exemple, a trois commissaires de district ; celui de Tournay, celui d’Ath et un troisième qui siège à Soignies, arrondissement de Mons ; ce qui complique singulièrement les affaires et augmente les embarras de la bureaucratie.

Je pense qu’il serait à désirer que l’on fît coïncider le district avec l’arrondissement judiciaire ; le trésor y gagnerait, et le public n’en serait que mieux servi. Comme on ne peut pas improviser cette amélioration, on pourrait, jusqu’à la prochaine session, conserver le statu quo ; le ministère nous proposerait une nouvelle circonscription des districts, et une loi fixerait les traitements.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, il faut tenir compte des faits ; il ne faut pas venir supposer qu’il serait facile de faire une autre circonscription des districts administratifs. Les districts administratifs sont en même temps des districts électoraux, et je crois, messieurs, qu’il est impossible de faire une nouvelle circonscription des districts administratifs : nous l’entreprendrions vainement. On avait eu la même idée pour une nouvelle circonscription des cantons judiciaires : on avait supposé que rien ne serait plus facile que de changer les cantons judiciaires.

La loi provinciale a été faite : le canton judiciaire est devenu, à son tour, canton électoral pour les élections provinciales ; et bientôt l’idée qui semblait si réalisable de changer la circonscription des cantons judiciaires s’est affaiblie ; on peut dire qu’aujourd’hui elle est à peu près abandonnée. (Interruption.)

L’honorable M. Savart dit qu’il partage mon avis, quant à l’impossibilité de changer la circonscription des cantons judiciaires, et il se berce de l’espoir de changer la circonscription des districts administratifs ; eh bien, pour être conséquent avec lui-même, il doit regarder l’une de ces idées comme aussi peu réalisable que l’autre.

Il ne faut pas raisonner comme si le monde était encore à créer. (On rit.) Deux faits existent : le canton judiciaire est devenu la base des élections provinciales ; le district administratif est la base des élections générales. Voilà deux faits qu’il ne faut pas perdre de vue. Si vous vouliez changer le canton judiciaire, base des élections provinciales, si vous vouliez changer le district administratif, base des élections générales, je n’hésite pas à le dire, vous ébranleriez tout le pays.

Nous pourrions aussi soutenir que les provinces sont mal limitées. En effet, rien n’est plus bizarre que la circonscription des provinces ; si nous touchions aux provinces, nous verrions même surgir la prétention de créer une province nouvelle. (On rit.)

Vous voyez donc qu’il ne faut pas ici tenter ni se promettre l’impossible. Je crois que, quoi que nous fassions, quelle que soit la circonscription que vous adoptiez même a priori, il y aura toujours des bizarreries. Nous devons nous tenir aux faits, tels qu’ils existent. On fera peut-être quelques modifications aux cantons judiciaires, quoique ce ne soit pas l’avis de l’honorable M. Savart, mais cela ne vous a pas empêchés d’augmenter les traitements des juges de paix.

Je demande maintenant pourquoi dans l’espoir non réalisable, selon moi, d’une nouvelle circonscription des districts administratifs, on ajournerait l’augmentation des traitements des commissaires de district, tandis qu’on n’a pas cru devoir ajourner l’augmentation des traitements des juges de paix. Il fut aussi un temps où l’on disait : « N’augmentons pas les traitements des juges de paix ; attendons une nouvelle circonscription cantonale ! » L’idée d’une nouvelle circonscription cantonale est aujourd’hui abandonnée à peu près par tout le monde. Je repousse donc tout ajournement ; je pense que, moyennant les bases indiquées, il y aura des garanties suffisantes pour la législature et pour les commissaires d’arrondissement eux-mêmes.

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.