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1) Pièces adressées à la chambre
2) Traité de commerce et de navigation entre
(p. 367) (Présidence de M. Liedts)
M. Huveners fait l’appel nominal à midi et quart.
M. Scheyven lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
Pièces adressées à
M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
« Plusieurs pharmaciens de la province d’Anvers demandent des modifications à la loi sur l’art de guérir, afin qu’il soit défendu aux médecins et chirurgiens de vendre des médicaments. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
_________________
« Le sieur Van Eenchout, cultivateur à Herffelinghen, réclame l’intervention de la chambre pour faire exempter son fils du service militaire. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
_________________
« Messages du sénat, en date du 13 décembre, informant la chambre qu’il a adopté dans sa séance du même jour :
1° Le budget des voies et moyens pour l’exercice 1845 ;
2° Le budget de la dette publique et des dotations pour le même exercice ;
3° Le projet de loi ouvrant un crédit de 3,806,865 fr. 29 c. au budget de la dette publique pour l’exercice 1844. »
- Pris pour notification.
__________________
« Le sieur Rutgeers, professeur à Louvain, fait hommage à la chambre de plusieurs exemplaires de sa brochure renfermant quelques réflexions sur le projet de loi du 7 février 1843, relatif au ressort, à la résidence et au nombre des notaires.
- Distribution entre les membres de la chambre et dépôt à la bibliothèque.
Motion d’ordre
M. de Brouckere – Messieurs, jusqu’ici on n’a pas fixé l’ordre du jour du second vote du budget de la justice.
Des membres – Si ! si ! après la discussion du traité avec le Zollverein.
M. de Brouckere – Je n’étais pas présent au commencement de la séance d’hier ; voilà pourquoi j’ignorais cette circonstance.
M. Mast de Vries – Je crois que si la discussion du traité avec le Zollverein n’est pas terminée aujourd’hui, il faudrait mettre à l’ordre du jour de lundi le second vote du budget de la justice.
M. Delfosse – Je pense que le sénat devra examiner le projet de loi sur l’augmentation de traitement de l’ordre judiciaire avant le budget de la justice ; le vote de ce projet de loi est de nature à exercer de l’influence sur les chiffres du budget.
M. le président – C’est une erreur. Il a été décidé que le budget de la justice sera voté indépendamment de l’augmentation des traitements.
M. Delfosse – Si cela est ainsi, je retire mon observation ; une indisposition m’ayant empêché d’assister à la discussion du budget de la justice, je n’avais nulle connaissance de ce fait.
M. Devaux – Le budget de l’intérieur a été mis à l’ordre du jour après la discussion du traité avec le Zollverein et le second vote de la justice ; je demande qu’il y ait un jour d’intervalle entre le vote du traité du Zollverein et la discussion du budget de l’intérieur.
M. Rodenbach – Je demande qu’on attende l’arrivée de M. le ministre de la justice, pour fixer l’ordre du jour du second vote du budget de son département. M. le ministre nous a appris dans une séance précédente qu’il avait demandé de nouveaux renseignements, à la suite du vote de la chambre, qui a réuni en un seul article les trois premiers articles du chapitre du budget du culte catholique ; c’est pour ce motif que M. le ministre a demandé qu’on ne fixât pas, pour le moment, le second vote de son budget.
M. Lys – On pourrait mettre, entre le vote du traité et la discussion du budget de l’intérieur, la discussion du budget de la marine. (Adhésion.)
La chambre, consultée, décide que le second vote du budget de la justice sera mis à l’ordre du jour de lundi ; elle décide ensuite que le budget de la marine sera mis à l’ordre du jour après le vote du traité avec le Zollverein. Le budget de l’intérieur viendra immédiatement après.
Discussion générale
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, le gouvernement a satisfait aux interpellations faites à l’issue de la séance d’hier, par l’honorable M. Devaux. On a déposé sur le bureau une carte qui indique les différentes zones de transit ; on a joint à cette carte deux notices, l’une indiquant les routes ; l’autre, l’ancien tarif, quant au transit, et le tarif nouveau, tel qu’il résulte du traité du 1er septembre.
L’honorable membre a demandé, en outre, à quel jour la surtaxe sur les fontes et les fers belges était venue à tomber ; cette surtaxe a cessé le 9 septembre, de manière que l’ordre aura été probablement donné de Berlin vers le 7.
M. d’Elhoungne – Messieurs, dans la réponse que M. le ministre de l'intérieur m’a
adressée hier, il a déclaré appeler mon attention sur le droit qu’a
C’est en partant de là que j’ai dit hier
que les traités faits par
M. le ministre de l'intérieur a trouvé
étranger que moi, qui venais défendre dans cette enceinte notre rapprochement
le plus intime possible avec
Je passe maintenant à l’examen du traité du
1er septembre. Je le répète, messieurs, le double motif qui me fait
repousser ce traité, c’est que d’abord, dans les concessions que le traité
assure à
Messieurs, pour établir que le traité du 1er
septembre présente en faveur du Zollverein une série de concessions en dehors
de toute proportion avec les avantages qu’il assure à
Quant à l’intérêt maritime de
Cet intérêt, immense pour le Zollverein, le traité commence par le lui accorder ; il le lui accorde de manière à ce qu’il soit désormais facile au Zollverein de réaliser le projet qu’il médite depuis tant d’années : celui de décréter un grand système de droits différentiels, à l’aide duquel il puisse établir, avec les nations transatlantiques, des relations plus suivies, plus assurées, plus considérables qu’aujourd’hui.
La section centrale, messieurs, je le
crains, s’est fait complètement illusion en disant que : « par le
traité du 1er novembre,
Je le répète donc, la concession faite à l’intérêt maritime du Zollverein est immense. Cette concession, messieurs, elle est doublée, que dis-je ? elle est centuplée par la possibilité de l’accession des villes anséatiques.
M. le ministre de l'intérieur, je le sais,
a repoussé bien loin la pensée que les villes anséatiques pourraient
immédiatement se réunir au Zollverein. Mais qui donc, dans cette enceinte, n’a
pas aperçu tout d’abord que si le traité du 1er septembre a pour
effet de faire établi par
Une fois que les villes anséatiques seront
réunies au Zollverein, le traité deviendra onéreux pour
Remarquez donc, messieurs, combien cette
concession maritime a de portée pour le Zollverein ! Vous lui donner par
là tout ce qui lui manquait pour devenir une puissance maritime : vous lui
donnez ces ports de mer auxquels aspiraient en vain tous les hommes d’Etat qui
ont pris part à l’établissement de l’union ; vous lui donner le moyen et
le droit de créer, même contre vous, un vaste système de droits
différentiels ; vous lui donnez l’Escaut, moins le péage, qui pèse sur sa
liberté ! Et vous lui donnez tout cela, sans réciprocité, sans
compensation ! En effet, messieurs, la section centrale et les ministres
eux-mêmes, ont dû convenir que la réciprocité de navigation était ici un vain
mot ; que la marine belge n’avait rien à attendre de cette
réciprocité ; que tous les profits en étaient pour le Zollverein. Cet
intérêt maritime, cependant, on l’a encore augmenté par l’extension aux ports
situés entre l’Elbe et
Immédiatement après l’intérêt maritime de
l’union allemande (intérêt dominant pour elle, intérêt vital pour elle,
condition d’existence pour elle), immédiatement après cet intérêt vital vient
se placer son intérêt agricole. Cet intérêt agricole reçoit des concessions
nombreuses, des concessions considérables par le traité du 1er
septembre. Déjà l’on a parlé des bois. Mais ce qu’on a oublié de dire, c’est
que les provinces de
Et savez vous, messieurs, ce qu’on
demandait à l’Angleterre en faveur des bois de
Oui, messieurs, les consuls anglais déclarent que, grâce à ce droit de dix schellings par last, l’exportation du bois prendrait une extension considérable, une extension telle qu’un port qui exportait 1,500 lasts par année, porterait ses exportations à 50 mille lasts par année.
Ainsi, messieurs, si le traité avec le
Zollverein est venu au secours de
Mais on a contesté hier que le traité fasse
des avantages aux bois de
(page
369) M. le ministre de l'intérieur a dit que la position des bois de
Ensuite, veuillez le remarquer : lorsque vous avez voté la loi des droits différentiels, quelle a été votre pensée ? Avez-vous fait entrer dans vos calculs le droit que vous établissiez pour la marine nationale ? N’avez-vous pas, au contraire, basé vos calculs sur le droit que vous établissiez pour pavillon étranger ? La réponse n’est pas douteuse. Vous saviez, messieurs, que l’introduction sous pavillon national serait sinon impossible, du moins imperceptible, qu’elle se bornerait à quelques planches prises, par hasard, pour compléter une cargaison. Vous n’avez donc jamais pris pour règle que le droit imposé au pavillon étranger. De même, vous n’avez pu prévoir l’assimilation des pavillons étrangers.
La loi des droits différentiels n’admet
cette assimilation que pour les produits de l’Asie, de l’Afrique et de
l’Amérique : les produits de l’Europe sont exclus. Vous avez donc voté la
loi des droits différentiels en ne tenant compte que des seules importations qui
se feraient sous pavillon étranger ; vous n’avez prévu l’importation ni
par pavillon national, ni par pavillon étranger assimilé. Cependant, ce sont
ces deux faits que le traité du Zollverein vient réaliser ; par
l’assimilation du pavillon du Zollverein au pavillon national, l’entrée des
bois de
A cela, messieurs, on a fait deux réponses.
On dit :
Mais demandez-vous, messieurs, quel sera
l’effet de votre loi des droits différentiels combinée avec le traité du 1er
septembre ? D’abord, par l’assimilation de pavillon, vous donnez à
Je dis que
Ici se présente une autre objection :
si le traité produit au profit de
Mais, messieurs, vous n’êtes pas d’accord
avec le ministère sur ce nouveau tarif. Les honorables membres qui ont voté des
droits protecteurs, pour les bois, pensent qu’il est urgent de modifier
immédiatement le tarif, de telle façon que
Ainsi, vous le voyez, messieurs, sous le
rapport de leur intérêt agricole, les provinces prussiennes des bords de
Dans la séance d’hier, l’honorable M.
Desmet a également appelé votre attention sur les concessions nombreuses que le
traité contient au profit des céréales du Zollverein. C’est un autre avantage
offert à ces mêmes provinces prussiennes qui souffrent dans leur commerce de
grains tout aussi cruellement que dans leur commerce de bois. Le traité accorde
un droit différentiel non-seulement sur le froment, mais encore sur les lins,
sur les graines, etc. L’honorable M. Desmet a fait connaître la quotité de tous
ces droits de faveur. Je sais, messieurs, qu’on me répondra que les
importations de ce genre faites par
Il y a plus :
chacun de vous, messieurs, connaît le grand commerce de grains qui se fait dans
Or, vous le savez, messieurs, lorsque la spéculation, cette spéculation aléatoire surtout, pousse les intérêts surexcités, vous savez jusqu’où ils se laissent entraîner. Je rappellerai au souvenir des honorables membres, particulièrement soucieux de notre législation sur les céréales, qu’il est arrivé dans une circonstance assez récente que des spéculateurs ont fait hausser d’une manière factice les mercuriales, afin d’introduire en Belgique, sans droits, une quantité énorme de grains qui se trouvaient en vue du port. Eh bien ! avec le traité du 1er septembre, vous avez les mêmes dangers à courir, les mêmes inconvénients à essuyer.
Messieurs, sous le
point de vue de son agriculture, le Zollverein trouve également concession dans
la réduction des droits sur les vins. Cette concession n’est pas considérable
pour le moment, mais elle peut le devenir par la manière dont elle est
stipulée. Si l’on avait stipulé que les vins du Zollverein jouiraient toujours
du traitement de la nation la plus favorisée, au moins lorsque l’exception aurait
cessé pour
Je bornerai là mes considérations sur les stipulations du traité du 1er septembre, en ce qui concerne les avantages qu’il assure à l’intérêt agricole du Zollverein.
Mais non-seulement le traité du 1er septembre favorise la navigation prussienne au-delà de toutes les espérances qu’elle avait jamais pu former ; non-seulement il apporte un secours inespéré pour lui, inattendu pour vous, à l’agriculture du Zollverein ; mais il lui accorde également, pour son commerce, des concessions auxquelles je ne trouve aucune espèce de compensation dans le traité du 1er septembre.
Vous accordez, par ce traité, au Zollverein, la liberté la plus entière de transit.
C’est, messieurs,
la seule chose qui manquait à
La section
centrale, messieurs, a mieux entendu que nos négociateurs l’immensité de la
concession. Elle l’a signalée, d’une manière très-judicieuse, comme la plus
importante que le Zollverein pût demander à
Et, non-seulement, nous lui avons accordé la liberté la plus entière de transit ; mais il existait dans notre pays une exception pour les draps, les casimirs et les tissus similaires ; pour ces tissus il n’y avait de transit exempt de droits que par le chemin de fer. Lorsqu’ils transitaient par les routes ordinaires, un droit se trouvait établi. C’était là une espèce d’exception, moins au profit de notre industrie que de notre trésor ; Eh bien, on s’est encore empressé d’accorder au Zollverein la suppression de cette seule exception.
Quand je dis seule exception, je me trompe. Il y a encore les exceptions des écorces à tan et des ardoises, mais pour ces mêmes exceptions, une réduction de droits est accordée au Zollverein.
Pour ce libre transit, messieurs, qui est une condition d’existence commerciale et industrielle pour le Zollverein ; pour ce transit, sans lequel son commerce doit renoncer à embrasser les deux hémisphères ; enfin pour la suppression même de l’entrave qu’il y avait au transit des draps, des casimirs et des tissus similaires, qu’avons-nous obtenu du Zollverein, par le traité du 1er septembre ?
Malheureusement, la réponse à cette question n’est que trop facile.
D’abord, nous n’obtenons nulle part, nous, le libre transit. En second lieu, on maintient sur une catégorie d’objets le droit le plus élevé de 15 silvergros par quintal, et c’est précisément sur ces tissus de laine, entre autres, pour ces draps, casimirs, etc., pour lesquels nous avons détruit l’exception qu’il y avait chez nous à la liberté de transit.
Ainsi, chez nous, il y a liberté de transit ; il y a une seule exception : nous la détruisons au profit du Zollverein. Celui-ci, au contraire, ne nous donne nulle part la liberté du transit, et l’exception qu’il maintient contre nous porte précisément sur les tissus de laine pour lesquels nous avons détruit la principale exception qu’il y eût dans notre législation.
D’un autre côté,
messieurs, quand on a parlé du transit, on a, paraît-il, perdu de vue que, par
les voies perfectionnées de communication, qui sillonnent notre pays, ce
transit s’est en quelque sorte transformé. Autrefois, lorsque le transit ne se
faisait pas par les chemins de fer, il procurait à
Eh bien, messieurs, quand ainsi tous les bénéfices, même chez nous, sont pour l’étranger, c’est nous qui faisons toutes les concessions ; quand tous les bénéfices chez l’étranger sont encore pour lui, par la nature même de ses voies de communication, c’est encore lui qui entrave notre transit, (page 370) c’est encore lui qui impose des conditions, qui établit des exceptions, qu’il ne veut pas supporter chez nous.
Je demande si c’est là de la réciprocité ? si c’est, après avoir négocié un traité pareil, après avoir ainsi compris le principe de la réciprocité, qu’on pourra traiter avec d’autres puissances, et invoquer le même principe ?
Intérêt maritime, intérêt agricole, intérêt commercial, le Zollverein a ses désirs comblés sous ce triple point de vue. Eh bien, sous le point de vue industriel, tous les intérêts de l’union allemande, qui touchaient de loin ou de près aux négociations, trouvent, dans le traité, une satisfaction aussi complète.
Le traité assure au Zollverein des avantages pour les soieries, pour les tissus de coton, pour les instruments de fer et d’acier, pour les modes, pour les articles de Nuremberg, pour les eaux minérales.
Quant aux
soieries, encore une fois, dans la concession faite au Zollverein, on n’a pas
prévu le cas du retrait du traité du 16 juillet avec
Pour les soieries,
il en est de même : au lieu de stipuler simplement, au profit de
Messieurs, l’honorable
M. Mast de Vries, dans la séance d’hier, a abordé l’article de tissus de coton.
Mais cet honorable membre a commencé par oublier, messieurs, une remarque que,
dans la discussion des droits différentiels, avait faite mon honorable ami, M.
Manilius : c’est qu’en admettant à des droits réduits les tissus de coton
du Zollverein, on ne condamne pas seulement
A ce sujet, messieurs, permettez-moi une observation : l’article des tissus de coton, au moment où le traité a été conclu, était pour l’Allemagne l’article le plus insignifiant. Dès lors j’adresserai à la conscience de la chambre cette question : Est-il possible qu’un article aussi insignifiant pour l’Allemagne pût être une condition sine qua non du traité ? Est-il possible de supposer que les plénipotentiaires allemands, en présence des immenses concessions qu’on leur faisait, eussent voulu faire dépendre tout le traité de cette concession relative aux tissus de coton ? Je pense, messieurs, que vous reconnaîtrez tous que cela est impossible. Voyez ensuite tout ce qu’il y a d’étrange dans cette concession. Savez-vous ce que l’Allemagne nous défend ? Elle nous défend d’adopter, pour les tissus de coton, son propre tarif ; car l’arrêté du 13 octobre n’a fait qu’établir sur nos frontières le tarif du Zollverein. Mais bien plus, les droits établis avant l’arrêté du 13 octobre, l’Allemagne nous défend de les augmenter. Elle nous le défend, messieurs, alors même qu’elle augmenterait considérablement son tarif, déjà plus élevé. Elle nous défend de toucher à l’ancien statu quo ; elle nous lie, elle nous enchaîne, et c’est encore une fois sans aucune espèce de compensation, sans une ombre de réciprocité ! Je doute, messieurs, que vous puissiez voir dans de semblables stipulations, ce que M. le ministre de l’intérieur a voulu y voir, c’est-à-dire de l’équité. Pour moi, je renonce à les qualifier.
Cependant, messieurs, il y avait là quelque chose à faire. Je vous l’ai déjà dit, messieurs, pour les fils de coton, le marché allemand est le marché le plus important du continent.
En 1842,
l’Angleterre a importé dans le Zollverein
Ils avaient
presque réussi, en 1842, à obtenir du congrès de Stuttgard, une augmentation de
droits assez considérable sur le fil de coton venant de l’étranger. En 1843, au
congrès de Berlin, la même question a été produite, et ce n’est que par
l’influence prépondérante de
Eh bien,
messieurs, si, en ce qui concerne les fils et les tissus de coton, le
gouvernement avait, au moins, stipulé la réciprocité, le jour où le Zollverein
aurait augmenté son tarif, nous nous serions trouvés, à l’égard de l’Allemagne,
pour les fils de coton, dans la même position où nous sommes aujourd’hui à
l’égard de
Mais, je le
demanderai, messieurs, en faisant le traité sans réciprocité, sans
compensation, est-ce là prendre une bonne position vis-à-vis de
A nos reproches, on répond en disant, messieurs, que les importations de coton faites par le Zollverein en Belgique sont peu considérables. Mais ici, messieurs, je reproduis encore cette éternelle réfutation que j’ai présentée en ce qui concerne la marine et en ce qui concerne les produits agricoles ; je dis : Qu’en savez-vous ? Les importations étaient peu considérables, lorsque les cotons allemands devaient lutter sur le marché belge contre les cotons anglais ; mais aujourd’hui que le traité du 1er septembre et l’arrêté du 13 octobre ont accordé un privilège à l’industrie allemande, savez-vous si l’importation des cotons allemands n’augmentera pas en raison de cette faveur ?
Je passe, messieurs, aux concessions faites au Zollverein pour les instruments de fer et d’acier, pour la coutellerie, les modes, pour les articles de Nuremberg, pour les eaux minérales. Je remarque que, pour aucun de ces articles, il n’y a ni réciprocité, ni compensation. La coutellerie, les instruments de fer et d’acier, forment aussi une branche intéressante de notre industrie ; la coutellerie de Namur est célèbre ; cependant, en la condamnant chez nous à subir la concurrence allemande, vous n’avez rien stipulé en sa faveur sur le marché du Zollverein ; elle n’y a pas même le statu quo garanti. Libre au Zollverein d’augmenter les droits sur ces articles ; mais dussions-nous voir succomber l’industrie belge dans sa lutte avec l’industrie allemande, nous n’avons plus le droit de lui porter secours.
Messieurs, malgré
tant de sacrifices que stipule le traité, on ne s’arrête pas là encore. Il est
des concessions qu’il faut cherche en dehors du traité même. En effet, le
traité maintient la loi du 6 juin 1839 avec toutes ses faveurs pour le
Luxembourg. Cet article nous ramène, messieurs, à ce qui s’est passé dans le
dernier comité secret. Rappelez-vous ce que M. le ministre de l'intérieur a
bien voulu nous dire relativement à la loi du 6 juin 1839, à savoir, qu’à un
moment donné, cette loi avait joué un grand rôle dans les négociations entre le
Luxembourg et le Zollverein. Or, cela ne voudrait-il par dire que le Zollverein
a dû s’engager envers le Luxembourg, à maintenir la loi du 6 juin, lorsqu’il
ferait un traité avec
Récapitulons un peu, messieurs, les observations qui précèdent. Vous avez vu que l’intérêt maritime, que l’intérêt agricole, que l’intérêt commercial, que l’intérêt industriel, que l’intérêt politique, en quelque sorte, du Zollverein, relativement au Luxembourg, sont satisfaits dans le traité par un luxe inouï de concessions, de faveurs, d’exceptions de tout genre. Eh bien ! cette longue liste n’est pas épuisée encore. Le traité met en jeu un autre intérêt, et des plus importants, c’est l’intérêt du trésor prussien.
Messieurs, l’art.
28 du traité assure la répression réciproque de la fraude. Cela paraît
très-bien. Mais nous, nous n’avons pas de monopole du sel ; nous n’avons
pas de droits élevés sur les tabacs. Au contraire,
Ainsi, ce que la
chambre n’a pas voulu faire pour la loi sur les tabacs, ce qu’elle n’a pas
voulu faire pour l’aggravation des accises sur les sel, ce double résultat, le
voilà réalisé vis-à-vis de
(page 371) Il me resterait, messieurs, à dire quelques mots sur l’intérêt politique. Mais tout le monde sait dans quelle pensée le Zollverein a été formé ; tout le monde sait quelle pensée pousse à son développement ; je ne traiterai donc pas ce côté de la question, je prierai seulement la chambre de se rappeler les expressions mêmes du rapport de la section centrale. Il y a là, messieurs, des mots qui en disent plus que beaucoup de commentaires, et je pense qu’il est impossible de mettre en relief d’une manière plus saisissante l’aspect politique du traité. Seulement le rapport est beaucoup plus significatif par ses réticences assez diaphanes que par ses indiscrétions.
Je viens, messieurs, de parcourir tout le cercle des concessions que le traité fait au Zollverein. Vous avez vu que tous les graves intérêts du Zollverein y trouvent une large et complète satisfaction ; vous voyez que les concessions ont été multipliées, prodiguées autour de tous ces intérêts.
Malheureusement, à
ce tableau si vaste, si rempli, j’ai maintenant à ajouter l’humble et courte
énumération des concessions que le traité veut bien octroyer à
Notre marine, elle n’a rien. Notre agriculture, elle a moins que rien, car si l’on nous permet, d’une part, le droit d’importer en Prusse 15,000 moutons du Luxembourg, d’un autre côté, je vous ai signalé les grands dangers qui menacent et nos bois et nos céréales, et nos graines et nos lins. Quant à notre commerce, on nous donne un transit entravé, chargé d’exceptions précisément pour de grands articles d’exportation et de transit. Pour notre industrie, messieurs, on nous accorde des concessions sur les fers, la réduction du droit de sortie sur les laines, la réduction du droit d’entrée sur les fromages.
Pour notre trésor, on nous impose le remboursement forcé du péage de l’Escaut.
La réduction du droit sur les laines est sans doute favorable à une industrie importante. Mais il ne faut pas vous exagérer la portée de cette concession ; il ne faut pas vous dissimuler que, dans un terme très-rapproché, le Zollverein abolira complètement le droit à la sortie des laines. Pour en être convaincu, il suffit de jeter les yeux sur l’accroissement rapide des troupeaux de moutons dans toute l’Allemagne. Aussi, en Angleterre, on s’attend généralement à la suppression de ces droits. Cette concession ne doit donc pas être prisée trop haut.
Restent les concessions sur les fers.
A ce sujet, je regrette que les honorables députés de Liége n’aient pas pris la parole pour expliquer à la chambre, par des chiffres et des pièces, que les concessions du Zollverein n’ont pas la portée et ne peuvent avoir les effets qu’on leur attribue.
On nous accorde
une réduction sur les fontes de
Pour la fabrication de nos machines (industrie très-importante), nous n’obtenons rien, pas même la garantie du statu quo ; de sorte que si le Zollverein cédait aux sollicitations nombreuses et instantes de ses constructeurs de machines et aggravait son tarif, l’industrie belge serait frappée du même coup que l’industrie anglaise.
Là encore, nous avons tout accordé au Zollverein, et nous n’avons pas eu de compensation réelle.
Reste à apprécier la réduction sur nos fers, prise en elle-même. Ces avantages, je le dis sans hésiter, ne sont pas de nature à nous assurer le marché allemand. Je ne parle pas de la production indigène de l’Allemagne. Celle-là, je crois, avec la section centrale, qu’elle n’est pas à craindre. Je déduis cette conséquence d’un fait que la section centrale n’a pas signalé : la proportion de l’accroissement de la production indigène avec les besoins de la consommation.
En 1834 on a importé dans le Zollverein :
Fers bruts, 207,203 centners.
Fers forgés, 149,493 centners.
En 1842, près de dix ans après, on a introduit dans le Zollverein :
Fers bruts : 1,195,925 centners.
Fers forgés, 930, 686 centners. (Documents officiels)
D’où il résulte que l’importation des fers sur le marché allemand a augmenté en dix ans de 600 p.c. Et savez-vous de combien, pendant cette période, a augmenté la production indigène ? Seulement de 28 p.c. Il ne faut donc pas s’occuper de la production indigène ; elle n’est pas sérieusement à craindre sur le marché allemand.
Mais il reste la concurrence anglaise. Pour celle-là, je vous demanderai si elle peut être écartée par un avantage de 1 fr. 33 c. sur les fontes et de 2 fr. 1 c. sur les fers forgés ? Pour moi, messieurs, je ne saurais l’admettre. Et savez-vous quelles sont les autorités que je puis invoquer à l’appui de mon opinion ? C’est d’abord M. le ministre de l'intérieur ; c’est ensuite un homme tout spécial, l’honorable M. Lesoinne ; c’est enfin l’opinion de la chambre elle-même. Rappelez-vous, messieurs, la loi que vous avez votée l’an dernier sur la proposition de l’honorable M. Nothomb, sur le rapport de l’honorable M. Lesoinne, relativement aux fontes.
Chez nous, les fontes étaient protégées par un droit de 2 fr. 12 c. sans les centimes additionnels ; or, cela n’a pas suffi. En France, nos fontes étaient protégées par un droit de 2 fr ; 40 c. ; cela n’a pas suffi non plus. Il a fallu élever la protection jusqu’à 5 fr. ! Et maintenant l’on vient dire, messieurs, qu’avec une protection de 1 fr. 33 c., notre industrie métallurgique peut lutter avec avantage sur le marché allemand contre la concurrence anglaise, alors qu’elle n’a pas pu lutter contre elle, sur notre propre marché, avec un droit de 2 fr. 12 c., ni sur le marché français, avec un droit de 2 fr. 40 c. !
On objectera, je
le sais, que l’industrie métallurgique se montre contente ; qu’elle vote
des remerciements, que le traité a déjà porté ses fruits. Mais qui donc ignore
combien l’intérêt privé peut se tromper sur les causes des bénéfices qu’il
réalise ? Savez-vous, messieurs, à quoi sont dues ces fortes importations
de fer que fait
La cause de cet
accroissement rapide de nos relations avec l’Allemagne réside toute entière
dans les faits qui se passent en Angleterre. Les nouvelles lois adoptées dans
ce pays, le nouveau régime financier et économique que sir Robert Peel y a
inauguré, les traités qu’il a conclus, surtout le traité avec
Mais vienne le moment où ces circonstances auront cessé d’agi ; vienne le moment où la concurrence anglaise ne se retirera plus du Zollverein ; vienne enfin le jour de la réaction, celui d’un engorgement de l’industrie métallurgique anglaise, et vous verrez que, malgré la protection qui nous est accordée par le traité du 1er septembre, nous ne pourrons pas nous défendre contre cette concurrence anglaise qu’on semble oublier aujourd’hui.
Messieurs, d’après ces considérations, je n’hésite pas à regarder la concession accordée à nos fers comme une trop faible compensation à tous les sacrifices que le traité nous impose.
Au surplus, ne perdez pas de vue que, d’après le cabinet belge, c’est l’intérêt métallurgique qui a dominé toutes les questions ; à cet intérêt ont été subordonnés tous les autres ; tous les autres intérêts, dit le rapport de la section centrale, sont venus se grouper comme appoint autour de cet intérêt dominant.
Or, vous voyez ce qu’on a fait pour cet intérêt dominant, ce que le traité lui assure. Vous voyez réduits à leur véritable expression les avantages que le Zollverein concède à l’industrie métallurgique belge ; et je demanderai si l’on peut donner son assentiment aux sacrifices que le traité consacre pour les autres industries et pour le trésor, et pour nos intérêts agricoles ?
M. le ministre des travaux publics vous a parlé hier des remerciements que lui avaient votés les propriétaires des établissements métallurgiques et des établissements houillers. M. le ministre des travaux publics, messieurs, aurait pu y joindre les acclamations unanimes de la presse germanique ; il aurait pu dire que le traité du 1er septembre a causé en Allemagne un véritable enthousiasme. La prudence germanique a cédé cette fois en l’entraînement de la joie ; et, pour moi, ce fait est un peu plus significatif que quelques remerciements de propriétaires, d’intéressés qui ne remontent pas aux véritables causes du bien dont ils sont heureux.
Ensuite,
messieurs, quand on parle de notre intérêt métallurgique, quand on parle de
l’intérêt de nos houillères, il ne faut pas avoir les yeux fixés sur
l’Allemagne seulement. Il faut aussi fixer ses regards sur
Et maintenant que
j’ai achevé ma tâche, je demanderai si j’ai eu tort de dire que, dans le traité
du 1er septembre, on n’a pas tenu d’une main ferme et équitable la
balance entre les intérêts belges et les intérêts allemands ? Ai-je eu
tort de dire que les intérêts du Zollverein sont satisfaits sous tous les
points de vue possibles, intérêt maritime, intérêt agricole, intérêt industrie,
intérêt politique, intérêt fiscal ; et que, du côté de
Toutes les autres
concessions en faveur de
Dès lors, je pense, messieurs, pouvoir suffisamment justifier aux yeux de la chambre le vote que j’émettrai dans cette circonstance, et qui sera contraire au traité du 1er septembre. (Très-bien ! très-bien !)
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Nous devons nous féliciter, messieurs, du discours qui vient d’être prononcé ; l’honorable préopinant s’est attaché à faire valoir les concessions que le traité du 1er septembre assure à l’Allemagne. Je regrette seulement d’être forcé de vous démontrer, dussé-je diminuer l’enthousiasme que ce traité, selon l’honorable membre, (page 372) parait avoir causé, outre-Rhin, est bien exagérée.
L’honorable préopinant a parfaitement compris qu’un traité repose sur un système de compensations. Aussi, si d’une part, il a pris tâche d’exagérer les concessions faites, il a senti que, d’autre part, il devait atténuer les concessions obtenues.
En jetant un regard sur l’ensemble du système de compensations qui constitue le traité, il y a un point qui semble avoir échappé à l’honorable préopinant et sur lequel je dois d’abord fixer toute votre attention.
Un traité consiste dans des concessions mutuelles. Mais on peut donner aux concessions un caractère exclusif, c’est-à-dire, messieurs, qu’on peut demander à une puissance non-seulement une réduction de droits, mais stipuler l’engagement, par cette puissance, de n’étendre cette réduction à aucun autre Etat.
C’est là, messieurs, une exigence que j’ose appeler exorbitante. Cette exigence, nous l’avons eue, on y a fait droit.
Nous avons voulu protéger une grande industrie belge. Nous avons demandé, en faveur de cette industrie, non-seulement des réductions, mais nous avons demandé à l’Allemagne de s’interdire le droit d’étendre les mêmes faveurs à d’autres pays. C’est là, messieurs, ce qui a complètement échappé à l’honorable préopinant.
D’après le traité, messieurs, non-seulement le tarif allemand est réduit quant aux fontes et aux fers belges ; mais il faut qu’à l’avenir, dans tous les changements que l’on fera au tarif allemand, il subsiste une faveur différentielle au profit des produits métallurgiques belges. Il faut que, quant aux fontes, il y ait une différences de cinq silbergros, et que, quant aux fers, il y a une différence de 7 ½ silbergros.
Voilà, messieurs, comment l’Allemagne s’est liée envers nous ; voilà dans quelle position forcée l’Allemagne peut s’être placée à l’égard d’autres Etats, entre autres à l’égard de l’Angleterre.
Pourquoi avons-nous formé cette demande que j’ai appelée tout à l’heure exorbitante ? Nous avons voulu non-seulement des réductions, mais nous avons voulu que nos produits métallurgiques fussent, pour toute la durée du traité, autant que possible, sur le marché allemand hors des atteintes de la concurrence étrangère.
Nous avons eu la
même exigence il y a trois ans ; non-seulement nous avons demandé à
L’honorable préopinant nous a dit ce qu’il aurait voulu : c’est l’abolition des surtaxes dont nos fontes et nos fers avaient été frappés à partir du 1er septembre. Ce qu’il aurait désiré, pour notre industrie métallurgique sur le marché allemand, c’est tout simplement le droit commun ; eh bien, il n’est pas exigeant ; tous les producteurs belges ont été plus loin ; ils nous ont dit : Il ne nous faut pas seulement ces réductions sur le marché allemand, il nous faut encore l’assurance que ces réductions ne seront pas accordées à ceux que nous regardons comme nos concurrents sur ce marché. C’est la chose exorbitante que nous avons demandée et que nous avons obtenue.
Ah ! messieurs, si nous avions pu ôter à la concession son caractère exclusif, si nous avions pu dire à l’Allemagne : Vous accorderez cette diminution à la métallurgie belge, mais il vous sera libre dans les traités que vous ferez d’accorder les mêmes avantages à la métallurgie d’autres pays, la négociation eût été beaucoup plus simple, beaucoup plus facile, et nous aurions pu grouper autour de la grande industrie métallurgique d’autres intérêts plus importants que ceux que nous avons pu rattacher au traité.
Ainsi, messieurs, fixez-vous bien sur un point important : c’est que l’industrie métallurgique obtient non-seulement des concessions, mais des concessions exclusives, des concessions que le Zollverein s’interdit d’accorder pendant la durée du traité à d’autres Etats. C’est là ce qui fait à la métallurgie belge une position vraiment privilégiée en Allemagne ; c’est là ce qui fait à la métallurgie belge une position semblable à celle que la convention du 16 juillet a faite à l’industrie linière belge en France.
Il m’importe d’insister sur cette considération dominante, d’autant plus que l’honorable préopinant avoue que nous n’avons pas à redouter, en Allemagne, la concurrence de l’industrie indigène ; probablement qu’il ne ferait pas le même aveu, et il ne peut pas le faire malheureusement, quant à l’industrie linière française sur le marché français. Ainsi, aveu, par l’honorable préopinant, que la métallurgie belge n’a pas à craindre la concurrence de la métallurgie allemande sur le marché allemand ; démonstration acquise, je le pense, car il suffit de lire le texte que la métallurgie étrangère, la métallurgie anglaise, par exemple, continuera à subir un droit différentiel sur le marché allemand ; ou bien, si l’on veut, que l’industrie métallurgique belge continuera à jouir d’une faveur différentielle en Allemagne sur toutes les industries similaires étrangères. (Interruption.) Je le répète, de l’aveu de l’honorable préopinant, nous pouvons accepter la concurrence de l’industrie métallurgique allemande, et quant à la concurrence de l’industrie métallurgique étrangère, en Allemagne, il y a une barrière dans le droit différentiel qui continue à nous protéger.
Les concessions que nous avons faites à l’Allemagne ne présentent pas ce caractère ; l’Allemagne n’a exigé rien d’exclusif ; toutes les concessions que nous faisons à l’Allemagne, nous pouvons les accorder à d’autres pays ; nous restons libres dans notre système de navigation, c’est-à-dire que l’Allemagne ne nous a pas demandé des concessions avec le caractère exclusif que nous avons voulu attacher à la grande concession que nous avons obtenue d’elle.
Et, messieurs, il importait au jeune Etat belge qu’aucune des concessions faites à l’Allemagne n’eût un caractère exclusif. Pourquoi ? Dans l’intérêt de notre système de négociations avec d’autres pays, il nous importe que notre liberté de négociations restât intacte, au moins en principe.
Si donc l’honorable
préopinant parlait à une tribune allemande, il pourrait s’écrier avec
raison : « Où est donc la réciprocité ? » (Interruption.) Oui, s’il parlait à une
tribune allemande, il pourrait dire : « Pour la grande industrie
métallurgique, vous vous êtes interdit d’accorder les mêmes diminutions à un
Etat quelconque, à l’Angleterre, par exemple, dût-on vous accorder les plus
grandes faveurs ; et vous, vous n’avez pas obtenu des concessions
exclusives ; vous avez laissé, en principe, à
L’honorable préopinant a passé en revue la plupart des intérêts allemands, qui se trouvent favorisés par le traité du 1er septembre.
Sans doute, messieurs, il fait qu’il y ait certains avantages en faveur de l’Allemagne ; car si certains avantages ne se trouvaient pas au profit de l’Allemagne dans le traité, pourquoi l’Allemagne aurait-elle traité ? Il faut donc que l’Allemagne trouve certains avantages matériels dans le traité ; il est donc loin de ma pensée de vouloir détruire tout ce que l’honorable préopinant vous a dit, en vous exposant les concessions faites à l’Allemagne ; ce serait une erreur et une faute de ma part ; je veux seulement enlever à son discours ce qu’il pourrait avoir d’exagéré.
L’honorable M. d’Elhoungne est revenu sur la question des bois, je crois qu’il exagère singulièrement la portée du traité du 1er septembre, quant au pavillon prussien.
Déjà en ce point,
vous allez voir quelle est la différence entre les concessions faites à
l’Allemagne et la grande concession que l’Allemagne vous fait. Je vous ai dit
hier que
On n’est pas allé jusque-là. Tout dépend, au contraire, de l’avenir ; nous verrons quelle sera la portée de la concession faite à l’Allemagne quant aux bois ; nous verrons jusqu’à quel point la protection que vous avez voulu accorder à la culture indigène sera annulée ; et quand de nouveaux faits se seront suffisamment révélés, nous examinerons quel changement devrait être fait au tarif, en maintenant, toutefois, un certain équilibre, comme je le disais hier, entre la production due à la culture indigène, et la faveur assurée au pavillon prussien.
Je ne reviendrai pas sur d’autres détails du traité ; je m’attacherai à deux points que j’appellerai capitaux : les concessions maritimes et les concessions de transit.
Il y a encore ici beaucoup d’exagération dans les discours de l’honorable préopinant, je suis au regret de devoir le dire publiquement, car j’aurais voulu que ce discours eut pu rester intact.
Au dire de l’honorable membre, les concessions maritimes faites au pavillon prussien sont telles qu’elles réalisent tous les rêves qu’ont pu concevoir la monarchie prussienne et le Zollverein ; on a été même au-delà, dit l’honorable préopinant, de toutes les espérances qu’on pouvait avoir. A l’aide de nos concessions, si j’ai bien compris l’honorable membre, le pavillon du Zollverein pourra concentrer, en quelque sorte, ses produits et tous les produits transatlantiques dans le port d’Anvers ; déverser les produits allemands d’Anvers sur le monde entier, attirer tous les produits du monde entier, d’Anvers sur l’Allemagne.
C’est là, sans doute, un magnifique langage ; malheureusement je suis forcé de consulter le texte du traité, et de vous dire quelles sont nos concessions maritimes.
Le monde maritime,
je pense, ne se rencontre pas dans
Eh bien on ne s’est occupé dans le traité que de la navigation directe, des rapports directs de port à port, rapports que l’on concentre sur les produits du sol, de l’industrie et des entrepôts des deux pays. (Interruption.) (page 373) Nous avons accordé au pavillon du Zollverein l’abolition des droits différentiels pour la navigation directe entre les deux pays, et pour les produits du sol, de l’industrie et des entrepôts des deux pays. Rien de plus.
Voyons quels sont
les produits du sol et de l’industrie allemande ? Ici, il ne suffit pas
d’examiner les possibilités, il faut examiner les faits ; ouvrez la
statistique commerciale, et vous verrez que les produits qui s’introduisent par
mer, c’est-à-dire de
Une voix – Et les entrepôts.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – J’y viens. Le pavillon prussien peut nous importer les produits du sol et de l’industrie ; pour nous importer des produits étrangers à l’Allemagne, il faut que ces produits aient été entreposés dans les ports du Zollverien ; mais dès lors ils supportent à l’importation en Belgique les droits d’entrepôt comme s’ils étaient introduits par pavillon belge.
L’art. 5 ne laisse aucun doute sur ce point ; il porte :
« Art ; 5. Les marchandises de toute espèce, sans distinction d’origine, importées directement des ports de Belgique dans ceux du Zollverein par navires belges, ainsi que celles qui seront importées directement des ports du Zollverein dans ceux de Belgique, par navires appartenant à l’un des Etats du Zollverein, ne payeront dans les ports respectifs, d’autres ni de plus forts droits d’entrée ou de sortie, et ne seront assujetties à d’autres formalités que si l’importation avait lieu par bâtiments nationaux. »
Les grands produits du Nord sont le bois, les graisses, certains graines (les graines oléagineuses) et les grains. Ainsi, fixons-nous bien sur les concessions maritimes telles qu’elles sont définies par l’art. 5 du traité : nous avons aboli les droits différentiels en faveur du pavillon prussien ; 1° pour les rapports directs des ports prussiens avec les ports belges ; 2° pour l’importation directe de ces ports, des produits du sol, de l’industrie et des entrepôts.
Recherchons ce que
En un mot,
En deuxième lieu,
Je vous ai montré
combien la stipulation de l’art. 5 en faveur du pavillon prussien est limitée.
Vous voyez, si cette stipulation était si menaçante pour l’indépendance du
monde entier, comme le suppose l’honorable préopinant, combien il serait facile
de l’atténuer en accordant la même faveur aux autres puissances de
Un membre – C’est ce que vous ne ferez pas.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Soit ; mais ce n’est pas le traité, c’est votre intérêt qui vous l’interdit.
Quant aux produits
de
Si donc le
pavillon prussien va chercher des fruits au lieu de production dans
Ainsi la loi des
droits différentiels, quant à
Mais, dit-on, les
navires prussiens pourront introduire en Allemagne, en transit, les produits
transatlantiques, les produits de
Est-ce que cette
situation est née du traité ? Nullement ; c’est le résultat de votre
législation sur le transit. Avez-vous voulu interdire à la marine étrangère le
droit d’apporter dans vos ports les produits destinés à transiter ? La loi
des droits différentiels, on l’a assez déclaré, a laissé intact votre système
de transit. Le traité ne change rien en ce qui concerne ce système de transit.
Avant et depuis le traité, les navires prussiens pouvaient apporter à Anvers du
café et du tabac, destinés à transiter par
Mais, dit-on, à cette législation ancienne vous avez ajouté des faveurs nombreuses. Remarquez d’abord que ces faveurs n’ont pas le caractère de nouveauté qu’on suppose.
A part l’abolition du droit de transit sur les draps et les casimirs, toutes les faveurs étaient accordées depuis plus de dix-huit mois. On avait simplifié, presque annulé les formalités de transit par le chemin de fer ; on avait aboli les droits de transit ; ces mesures n’avaient excité aucune opposition dans cette chambre ; elles ont été prises en vertu d’une loi temporaire, dont deux fois on a demandé le renouvellement, et ce renouvellement a été accordé sans aucune réclamation.
Je n’examinerai
pas si l’on n’a pas été, de prime abord, trop loin, si peut-être on n’aurait
pas bien de fait de maintenir certains droits de transit par le chemin de
fer ; mais enfin les droits de transit avaient été abolis ;
pouvions-nous dire à
Evidemment, la position était changée ; on ne pouvait rétablir l’ancien statu quo, et nous avons dû nous estimer heureux d’obtenir, non une réciprocité complète de la part de l’Allemagne, mais certaines concessions de transit indiquées au traité.
L’honorable
préopinant, en parlant du transit, s’est écrié : L’Allemagne est sans
issue ; elle est dans je ne sais quelle impasse ; elle est forcé de
passer par notre territoire. Mais depuis quand
On dirait que le chemin de fer a été construit pour barrer le passage à l’Allemagne. Je croyais qu’il avait été construit pour offrir à l’Allemagne une deuxième issue. Si vous la lui ôtez, elle est aura d’autres encore.
On s’est livré de nouveau à beaucoup de conjectures sur la probabilité de l’accession du Zollverein, du Hanovre, de l’Oldenbourg et des villes anséatiques. Je regarde comme un peu oiseux d’examiner toutes les conséquences possibles d’un événement de ce genre, qui, selon moi, aurait la plus grande portée. L’accession du littoral au Zollverein changerait tellement la constitution politique et commerciale de l’Allemagne que nul ne peut dire aujourd’hui quelles seraient les conséquences de ce grave événement, complément de la grande pensée du Zollverein.
Jusqu’à quel point
le Zollverein aurait-il alors besoin de
L’Allemagne, sans doute, doit désirer l’accession des villes anséatiques, du Hanovre et de l’Oldenbourg ; mais nous, comme Belges, nous devons désirer que cet événement s’accomplisse le plus tard possible. Quand cet événement s’accomplira, Dieu sait quelles seront les relations que nous aurons alors à former avec l’Allemagne et quelles concessions nous aurons à lui offrir.
Je crois donc avoir réduit à leurs véritables proportions, sans annuler tous les avantages, les concessions maritimes faites à l’Allemagne, les concessions de transit que nous avons, non pas faites, mais maintenues, quant aux chemins de fer.
L’Allemagne trouve des avantages dans le traité ; il le faut bien ; je pourrai y revenir si la discussion l’exige.
J’ai aussi voulu faire ressortir un point dominant dans le système de concessions sur lequel repose le traité ; c’est qu’aucune concession exclusive, pas même en matière de navigation, n’a été faite à l’Allemagne, tandis que l’Allemagne nous a accordé, pour notre industrie métallurgique, une concession exclusive.
M. de Theux – Messieurs, je déclare que je voterai
pour le traité. Cependant je ne puis accepter la réponse que M. le ministre de
l'intérieur a faite au discours de l’honorable M. d’Elhoungne, parce qu’en
défendant le traité conclu par le gouvernement, il l’a envisagé d’une manière
trop favorable au point de vue de
Cette observation
paraîtra peut-être étrange après la déclaration que je viens de faire que je
voterai pour le traité. Mais une partie des avantages faits au Zollverein ne
nous étant pas préjudiciable, je crois pouvoir, en toute sûreté, accepter le
traité, bien qu’il offre des avantages plus considérables à
Afin de faire cette démonstration, je dois faire quelques observations encore sur l’article « Bois », afin qu’il ne s’établisse pas dans cette chambre un préjugé à la suite de la déclaration faite hier par M. le ministre de l'intérieur. Il lui a paru qu’il y aurait inconvenance à augmenter maintenant le droit de douane sur les bois ; il lui a paru que la nécessité de l’augmentation n’était pas démontrée.
En ce qui concerne l’inconvenance d’augmenter le droit de douane sur les bois, je ferai observer qu’il ne s’agit pas d’apporter un amendement à la loi qui sanctionne le traité, mais qu’il y a lieu de présenter un projet de loi élevant ce droit de douane, projet qui fera l’objet d’une discussion toute spéciale. La question traitée de cette manière ne peut soulever aucune susceptibilité. En effet, chaque fois qu’une des parties contractantes a voulu lier l’autre partie relativement à certains avantages commerciaux, elle a eu soin (page 374) de stipuler que les droits existants seraient maintenus et ne pourraient subir aucune amélioration, ou que la concession faite par une partie à l’autre ne pourrait être étendue à d’autres Etats. Quand nous ne trouvons dans le traité aucune stipulation de cette nature, c’est que nous sommes parfaitement libres. Autrement, l’argumentation irait jusqu’à nous interdire d’apporter aucune augmentation de droits à l’entrée des céréales.
Je dis que, le
pavillon de
Il y a été établi que, malgré les droits différentiels, les navires belges ne pourraient jamais concourir avec les navires allemands pour l’importation des bois. Cette observations a été faite par l’honorable M. Donny, député d’un de nos ports, et qui est à même de connaître cette question.
Mais quel est le droit protecteur pour les bois venant par pavillon national ? Deux francs pour les bois en grume. C’est un droit de 4 p.c. Est-ce là une protection sérieuse ? Non, assurément. Le droit de 4 fr. par navire étranger était seul envisagé comme protecteur, parce qu’il était évident pour tout le monde que celui-là seul serait appliqué. Il est de 8 p.c. Si nous établissions un droit de 8 p.c. sur tous les bois par navires belges ou pavillons assimilés, il est évident que nous resterions dans les limites d’une protection très-modérée qui ne pourrait être l’objet d’aucune espèce de critique. Aussi, il n’est pas douteux, pour moi, que la question lorsqu’elle sera soumise à la chambre, sera résolue en ce sens.
Un autre motif pour qu’il n’y ait pas inconvenance à prendre cette mesure, c’est que rien n’empêche le gouvernement de conclure des traités d’assimilation de pavillon avec d’autres Etats qui pourraient lutter avec les navires prussiens pour l’importation des bois en Belgique. Il y a donc toute liberté.
Passons maintenant
à l’examen des dispositions du traité. Quatre concessions sont faites à
Je pourrais faire
remarquer, en passant, que la question de l’importation des fers en Allemagne
n’a pris de l’importance que depuis l’époque où de grands perfectionnements ont
été apportés à notre industrie métallurgique et qu’il y a eu une crise qui a
amené un grand encombrement dans les principaux établissements de cette industrie.
C’est là ce qui explique pourquoi cette question n’a pas été traitée auparavant
sous le même point de vue qu’elle l’a été depuis. Le second avantage fait à
M. de Brouckere – C’est ce qu’on les appelle des fromages du Limbourg.
M. de Theux – Précisément.
Le troisième avantage que vous offre le traité, c’est l’exportation de 15 mille moutons.
Voyons maintenant les avantages que le traité fait à l’Allemagne.
D’abord
l’assimilation du pavillon prussien au pavillon belge, avec réciprocité. Cet
avantage profite exclusivement au Zollverein, car nos navires n’entreront pas
en concurrence avec ceux du Zollverein. Cet avantage est très-important,
aujourd’hui qu’on a voté des droits différentiels considérables. Le deuxième,
c’est celui relatif à l’importation des vins et des soieries. Le troisième est
celui relatif à la sortie des écorces ; cet avantage est accordé au
préjudice d’une de nos industries : la tannerie. Un quatrième avantage,
c’est l’importation de merceries de l’Allemagne ; un cinquième avantage,
c’est l’introduction des fils de Westphalie. Cet avantage paraît mixte, il est
en partie favorable à l’Allemagne, en partie favorable à
Un dernier avantage pour l’Allemagne, ce sont les mesures répressives de la fraude. Cet avantage est immense, comme l’a fait remarquer l’honorable M. d’Elhoungne.
Vous voyez qu’en réunissant les différents avantages et en les mettant en parallèle, la balance penche du côté de l’Allemagne. Il était de toute nécessité de faire ressortir ces considérations, pour qu’on ne se fît illusion ni ici ni en Allemagne, pour l’époque où il s’agira de renouveler le traité.
Qu’il me soit permis de jeter un coup d’oeil rétrospectif sur les négociations antérieures au traité. Ici je dois être très-bref, car pour entrer dans de longs détails il faudrait compulser des dossiers qui sont aux archives du ministère.
Je ferai une seule
observation : c’est qu’en 1837
D’autre part, le
gouvernement prussien partait encore de cette idée, qu’il serait imprudent,
impolitique d’améliorer notablement la positon de
Depuis lors le temps a marché et les circonstances ont considérablement changé. Non-seulement ces obstacles ont disparu, mais le chemin de fer a reçu son achèvement ; des relations commerciales plus étroites se sont établies avec l’Allemagne ; et dès lors nous avons trouvé dans le sein de ce pays un appui beaucoup plus vivace.
En troisième lieu,
la convention de juillet, conclue avec
Voilà, messieurs,
quelles sont les circonstances qui ont amené la conclusion du traité, que je
suis loin de désapprouver, pour lequel je suis, au contraire, déterminé à
voter, sous prétexte que les avantages que nous en retirerons seront immenses
et que nos relations commerciales tendraient , en quelque sorte, à se déplacer
de
Je bornerai là mes observations.
M. Castiau – Messieurs, à diverses reprises déjà
il m’est arrivé de faire dans cette enceinte ma profession de foi sur notre
politique industrielle et commerciale. Toutes les fois que l’occasion s’en est
présentée, je n’ai cessé de déclarer que, dans mon opinion, en industrie comme
en politique,
Avec de telles convictions et de tels principes, vous comprenez, messieurs, que je suis porté tout naturellement à me montrer favorable à tout traité de commerce qui aurait pour effet d’amener la réalisation d’un de mes vœux les plus ardents, le principe de la liberté commerciale. C’est donc avec un véritable regret que je viens combattre le projet de traité qui vous est soumis. Je viens le combattre, parce que, ainsi que l’honorable M. d’Elhoungne, je le considère comme hostile à nos intérêts politiques autant qu’à nos principaux intérêts industriels.
Et, avant tout,
messieurs, j’éprouve le besoin, comme l’honorable M. d’Elhoungne, de répondre à
un étrange reproche, à une inconcevable accusation qui a été adressée à
diverses reprises déjà par M. le ministre de l'intérieur aux adversaires du
projet de loi. Depuis deux jour, M. le ministre de l'intérieur ne cesse de
faire retentir dans cette enceinte les mots d’indépendance de
C’est là,
messieurs, un étrange mode d’argumentation de la part de M. le ministre de
l'intérieur. Avec de tels moyens on est sûr de réduire ses adversaires au
silence. Mais est-ce que par hasard M. le ministre de l'intérieur prétendrait
être la représentation, l’incarnation en quelque sorte de l’indépendance et de
la souveraineté de
Il ne peut en être
ainsi, messieurs ; nous protestons de toutes nos forces contre de telles
insinuations et d’aussi blessantes accusations. Nous respectons l’indépendance
de
(page 375) Nous ne cesserons de l’accuser d’avoir fait dans l’occurrence un détestable usage de son droit de négocier, nous ne craindrons pas de l’accuser, non-seulement d’avoir compromis les intérêts du pays, mais aussi d’avoir compromis jusqu’à un certain point, ce qui est plus grave encore, la moralité du gouvernement vis-à-vis des nations étrangères.
Tout n’est pas encore fini, en effet, à l’occasion de cette accusation accablante qui a été adressée par l’organe du gouvernement prussien à M. le ministre de l'intérieur. Vous savez, messieurs, que dans une de vos dernières séances, en présence de cette accusation qui tendait à déclarer qu’il y avait eu, de la part du ministre, oubli de la parole donnée, violation d’un engagement formel, M. le ministre de l'intérieur, pressé, harcelé par les impitoyables interprétations de l’honorable M. Devaux, avait fini par opposer, et assez crûment encore un démenti à l’assertion du plénipotentiaire prussien. Depuis lors, on s’est ravisé ; la nuit a porté conseil. On est venu hier matin dans cette enceinte faire une sorte d’amende honorable.
Hier, en effet, vous avez entendu M. le ministre de l'intérieur vous déclarer qu’il ne voulait pas jeter sa personne entre les deux gouvernements, rétracter son démenti et vous dire qu’il consentait à être méconnu. Permis à lui de se présenter comme un Decius et de pousser le dévouement presque jusqu’au sacrifice de son honneur, en acceptant, de sa part, le démenti qui lui avait été infligé. Mais M. le ministre de l'intérieur n’a pas vu que, s’il pouvait ainsi faire bon marché de sa personne et de sa moralité politique, il ne pouvait en être de même de l’honneur et de la considération du gouvernement, dont il était ici le représentant, et qu’il a si imprudemment compromis dans ces circonstances.
Je n’insisterai
pas davantage sur cette considération, qu’il est douloureux pour nous de devoir
rappeler sans cesse, parce que, je le répète, elle est accablante pour M. le
ministre de l'intérieur, compromettant pour la dignité du gouvernement belge.
Aussi sans examiner plus longtemps la question de savoir si c’est véritablement
à un acte de déloyauté du ministère belge qu’on doit attribuer la rupture des
négociations avec
C’est, en effet, à
la suite du retrait de l’arrêté du 28 août 1842, que le conflit a éclaté entre
Eh bien, après
avoir ainsi constaté l’immense importance que
Ainsi, voici l’alternative pour le ministère : déloyauté d’une part, maladresse et impéritie de l’autre ; qu’il choisisse entre l’une ou l’autre de ces positions.
Après s’être ainsi
précipité dans des difficultés qui, un instant, paraissaient insolubles, on a
mis autant d’imprudence et d’irréflexion dans les brusques négociations qui ont
suivi. Enfin, à force de concessions et de sacrifices, on a désarmé
J’ai dit que ce
traité du 1er septembre était hostile aux intérêts politiques de
Il y a messieurs,
une pensée politique dans ce traité du 1er juillet. Il faut le
reconnaître, cette pensée politique est évidemment la pensée qui a présidé à la
formation du Zollverein Cette pensée, elle n’est un mystère pour personne,
c’est une pensée d’agrandissement et d’influence pour
Les faits,
messieurs, les faits sont là pour confirmer cette prévision. C’est la politique
prussienne qui a constitué le Zollverein ; c’est la politique prussienne qui
chaque jour travaille à le fortifier et à l’étendre. C’est encore une pensée
toute prussienne qui préside aux traités qu’on pourrait négocier avec le
Zollverein. Derrière tous ces traités se cache cette pensée, toujours la même,
toujours envahissante et toujours persévérante. Cette pensée, pour
Voilà donc,
messieurs, la pente sur laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Le traité
n’est, en dernière analyse, qu’un acheminement à subir l’influence prussienne
et la loi de l’association allemande. Eh bien, je le demande, quels rapports
politiques peut-il exister entre
Que serait-ce donc
si cette pensée d’absorption, qui est au fond de la politique prussienne, était
déjà partagée par quelques-uns de nos hommes d’Etat ? M. le ministre de
l'intérieur ne s’est pas encore expliqué sur les éventualités de l’accession de
Cette sympathie
pour
« La section centrale est partie de ce principe, que, dans une convention de ce genre, l’une ou l’autre des parties contractantes ne doit pas être nécessairement ou triomphante ou victime. Elle a pesé les inconvénients et les avantages matériels du traité, pour autant qu’ils soient susceptibles d’une appréciation positive ; mais elle y a vu aussi, dans un autre ordre d’idées, un acte de haute politique, destiné à consolider notre nationalité et contenant le germe d’un système auquel l’avenir réserve sont développement et sa justification. »
Comme ces paroles sont, paraît-il, un peu moins explicites que celles qu’on a attribuées à l’organe officiel du gouvernement belge, je prierai M. le rapporteur de vouloir bien nous donner quelques explications sur le sens et la portée de ce paragraphe. Je le prierai de vouloir nous donner le mot de cette énigme diplomatique, de vouloir nous dire quel est cet autre ordre d’idées, quel est cet acte diplomatique de haute politique destiné à consolider notre nationalité, quel est surtout ce germe d’un système auquel l’avenir réserve son développement et sa justification ? »
Je ne pousserai
pas plus loin l’examen de la partie politique du traité, et je me hâte de
l’examiner dans ses rapports avec nos intérêts industriels et commerciaux.
Messieurs, m’en tenant à des considérations générales, je dirai qu’il était
difficile, à peu près impossible au ministère, de contracter avec
Nos relations
commerciales et industrielles avec
Mais, messieurs, rappelez-vous en présence de quel peuple vous vous trouvez, rappelez-vous surtout quelle destinée est réservée à l’industrie allemande. L’Allemagne est le pays où l’abaissement du salaire est arrivé à sa dernière limite. C’est le pays du bon marché de la main-d’œuvre, c’est le pays de la persévérance, de l’ordre et de l’économie ; c’est le pays aussi où se montre toute l’exubérance de population. Eh bien, tous ces éléments réunis feront que, dans un avenir assez rapproché, l’industrie allemande prendre, par la force des choses, un essor tel qu’il sera impossible à l’industrie belge de rivaliser avec elle pour les produits similaires.
(page 376) Ce qu’il faut ensuite à nos industries, c’est la stabilité. Or, quelle stabilité avec des traités comme celui qu’on nous soumet en ce moment ? La durée de ce traité est de six ans seulement, et pour le renouvellement de ce traité, il nous faudra réunir l’assentiment unanime des dix-neuf parties contractantes. Remarquez, en effet, que vous ne traitez pas ici avec une seule puissance, mais avec tous les membres d’une nombreuse association. Le nombre des puissances formant l’association allemande ne s’élève pas à moins de 19 ; ainsi que je l’ai dit, il faut donc réunir l’assentiment de ces dix-neuf puissances pour le renouvellement de ce traité.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Oui, il y a 19 ratifications.
M. Castiau – D’après la déclaration de M. le ministre, je vois que je ne me suis pas trompé. Il faudra dix-neuf ratifications pour la prorogation du traité.
Eh bien, messieurs, que l’on ait obtenu une première fois ces 19 ratifications pour un traité qui assurait tant d’avantages à l’Allemagne, je le comprends, mais quand l’époque du renouvellement du traité arrivera, je demande s’il sera possible encore d’obtenir ces 19 ratifications ; vous ne pourrez les obtenir alors qu’à la condition de faire de nouveaux sacrifices.
Ceci, messieurs, mérite d’être pris par vous en sérieuse considération.
Dans six ans, il suffira du simple veto d’une des personnes contractantes pour faire crouler tout le traité et livrer l’industrie belge aux perturbations résultant d’un pareil événement.
Après ces considérations
générales sur l’ensemble du traité, je devrais bien, messieurs, à mon tour,
aborder l’examen détaillé des divers articles de ce traité. Je pourrais aussi
les parcourir avec vous pour vous démontrer qu’à chaque pas et dans chaque
article les intérêts de
Je m’attacherai donc uniquement aux deux points principaux que M. le ministre a traités dans sa réplique, la question métallurgique et la question maritime.
La seule
concession de quelque importance faite à
Maintenant,
l’avantage accordé ici à
Notre position, de ce chef, loin d’être améliorée, est, au contraire, malheureusement empirée par le projet de traité.
Est-il donc vrai, ainsi que l’a prétendu M. le ministre de l'intérieur, qu’avec ce droit de 1 fr. 33 nos fers n’auront pas à craindre la concurrence de la métallurgie en Allemagne ?
Tout à l’heure on vous a dit, messieurs, quelles étaient les circonstances exceptionnelles qui maintenaient, en ce moment, le haut prix des fers anglais. Ces circonstances, purement accidentelles, venant à disparaître, les variations et l’abaissement des prix reparaîtront aussi, et nous aurons de nouveau à combattre sur le marché de l’Allemagne la redoutable concurrence de l’Angleterre. Et cette concurrence ne sera pas la seule. Quoi qu’on en pense, nous nous trouverons aussi en présence de la concurrence que nous fera la métallurgie allemande, dont le développement grandit de jour en jour et qui va prendre un nouvel élan au contact de la protection que le nouveau tarif lui assurer. Cette perspective est-elle bien rassurante ?
Mais voyez donc et appréciez l’importance de la concession, vous disait il n’y a qu’un instant M. le ministre. Cette concession en faveur des fers belges est exclusive, l’Allemagne s’est enchaînée ; elle nous a fait une concession qu’elle s’est interdit d’accorder à toute autre nation. Je pense, messieurs, que M. le ministre de l'intérieur a exagéré quelque peu la portée de cette clause du traité. Le traité ne s’oppose pas à ce que l’Allemagne accorde aux autres nations et à l’Angleterre une réduction sur le droit qui frappe leurs fers ; il y est dit seulement que, dans ce cas, il y aura lieu à des compensations.
Quelles seront donc ces compensations ? De quelle nature seront-elles ? Que deviendra l’industrie métallurgique belge, pendant que les gouvernements seront occupés à rechercher quelles peuvent être les compensations dont il est parlé ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Lisez le traité.
M. Castiau – Ces compensations n’y sont pas déterminées.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Vous êtes dans l’erreur.
M. Castiau – Je vais lire l’art. 19 du traité :
« Cependant, si,
par les réductions du tarif du Zollverein, il arrivait que l’avantage de cinq
silbergros quant à la catégorie A, et sept et demi-silbergros quant à la
catégorie B, ne fût plus réalisable qu’en descendant, en faveur des fers belges
désignés ci-dessus, au-dessous du tarif général antérieur au 1er
septembre 1844, alors les deux hautes parties contractantes s’entendraient sur
les compensations à accorder à
Quelles seront ces compensations ?
Vous voyez qu’il est question ici d’accord sur les compensations, et que cet accord entre dix-neuf puissances n’est pas chose facile. Il n’est pas dit que ces compensations seront accordées en faveur de l’industrie métallurgique ; elles pourront porter sur d’autres industries. Le traité n’est donc pas de nature à rassurer l’industrie métallurgique sur le sort qui l’attend dans le cas où l’Allemagne abaisserait son tarif en faveur des autres peuples.
J’en viens à la question maritime qui vient aussi d’être traitée dans le discours de M. le ministre de l'intérieur. M. le ministre a prétendu que les attaques, dirigées par l’honorable M. d’Elhoungne contre les stipulations du traité, étaient empreintes d’exagération ; il vous a dit que les avantages attribués à l’industrie prussienne ne pourraient jouir de ces avantages qu’autant qu’ils auraient passé par les entrepôts prussiens avant d’arriver en Belgique.
Mais M. le
ministre de l'intérieur a oublié, en ce moment, une considération qui
renversait toute son argumentation ; cette considération, c’est la liberté
du transit qui a été accordée d’une manière absolue et illimitée à
Mais, nous dit M. le ministre de l'intérieur, cette faculté de transit, qui est si grande dans les circonstances actuelles, ne résulte pas du traité ; elle résulte de la législation elle-même. Une loi vous a été présentée pour régler ce droit, et, à deux reprises différentes, vous avez donné votre assentiment à cette loi.
Eh bien, puisque
L’Allemagne, a
ajouté M. le ministre, avait, après tout, d’autres communications que celles
que lui offre
Mais, remarquez
que cette voie de communication est bien moins facile, bien moins rapide et
beaucoup plus dispendieuse que celle que nous lui offrons. Les ports de
C’était là la voie
artificielle tracée par vous-mêmes au commerce de
Je n’en dirai pas
davantage sur la question maritime qui déjà été traitée par tant d’orateurs. Il
en est des stipulations relatives à cette question comme de celles relatives
aux intérêts purement industriels. Toutes ces stipulations sont en faveur de
Ainsi, question de navigation et questions industrielles, toutes les questions de quelque importance sont résolues contre nous dans le projet de traité. Pour une concession fort problématique en faveur de nos fers, nous accordons des privilèges aux vins, aux soieries, aux modes, aux fils, aux cotons, aux instruments de fer, aux articles de Nuremberg et à plusieurs autres articles de l’industrie allemande.
Le port d’Anvers, ce port qui faisait notre orgueil et qui était pour les autres peuples un objet d’envie, le port d’Anvers va devenir, en réalité, le port de l’association allemande.
La plus importante de nos créations, notre chemin de fer, en unissant Anvers et Cologne, va devenir une sorte d’annexe du territoire prussien.
Enfin nos négociants vont descendre au rôle de commissionnaires de l’association allemande.
Voilà à quels résultats doit conduire le traité qui est soumis en ce moment à vos délibérations.
Et c’est en
présence de ce traité, en présence des conséquences déplorables qu’il doit
avoir pour le pays, en présence des faveurs et des privilèges qu’il accorde à
Mais qu’est donc en réalité cette politique commerciale qui excitait ainsi l’orgueil, l’enthousiasme de M. le ministre ? Ne la considérons pas dans trois ou quatre petits arrêtés qui ont été rappelés hier par M. le ministre des travaux publics, mais considérons-la dans son ensemble, considérons-là dans ses faits les plus saillants ; nous verrons bientôt ce que c’est que cette politique du ministère, qu’on nous présentait comme empreinte du sceau de l’infaillibilité et du génie.
Rejetons-nous de
trois mois seulement en arrière. Où en était alors cette (p. 377) merveilleuse politique ? Où elle en était ? Elle
en était aux abois. Elle était alors aux abois, il faut le dire ; soit par
sa déloyauté, soit par sa maladresse, le gouvernement avait provoqué une
rupture violente avec
A côté de
Qu’a fait encore
la sagesse de nos hommes d’Etat ? Ils ont été provocateurs vis-à-vis de
A cette occasion, M. le ministre de l'intérieur vous disait hier d’un air de triomphe : « On nous avait annoncé une tempête effrayante qui devait éclater sur nos têtes : qu’est donc devenue cette tempête ? que sont devenues les menaces de l’opposition ? »
Cette tempête sans
doute n’a pas éclaté ; mais si elle n’a pas éclaté, c’est grâce à la
prudence, à la raison de la chambre ; si elle n’a pas éclaté, c’est que le
ministère lui-même a reculé devant sa propre création. Le cœur lui a manqué au
moment d’engager la lutte. On a fat une exception en faveur de
Restait enfin un
seul pays, restait
C’est ainsi qu’en
1842 on lui a fait, par un traité, acheter assez chèrement la faveur d’un droit
différentiel pour ses soieries et sur ses vins ; on lui a laissé en même
temps ignorer qu’on se réservait d’accorder gratuitement la même faveur à
l’Allemagne, et quinze jours après la signature de la convention du 14 juillet,
on se hâte de concéder à l’Allemagne, et gratuitement, et sans compensation,
cette faveur qu’on avait vendue, et chèrement vendue à
En 1844, nouvelle
déception. Dans ses démêlés avec
Le gouvernement français ne s’est pas plaint, vous a dit M. le ministre ; il n’a adressé ni notes écrites, ni représentations verbales. S’il en est ainsi, j’admire, en vérité, la longanimité du gouvernement français. Mais si le gouvernement ne s’est pas plaint, il y a derrière le gouvernement français,des chambres qui, elles, pourraient bien se plaindre des mauvais procédés de notre gouvernement.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Et vous les encouragez à le faire.
M. Castiau – Et derrière les chambres, l’opinion publique.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Que vous vous efforcez d’exciter.
M. Castiau – Non, M. le ministre ; la susceptibilité française n’a pas
besoin d’être excitée.
Permis maintenant à M. le ministre des travaux publics, en présence de ces complications et de ces imprudences, de s’enorgueillir du prétendu triomphe de sa politique commerciale ; permis à lui de se donner l’innocente satisfaction de faire venir dans son cabinet, à tour de rôle, tous les industriels du pays, fabricants de draps, de cotons, de machines, que sais-je ? jusqu’aux fabricants de fromages pour recevoir leurs hommages et leurs félicitations (On rit) ; permis à quelques industriels en faveur desquels on veut rétablir aujourd’hui les monopoles et les privilèges, permis à eux d’environner de leurs éloges et de leurs adulations M. le ministre ; je doute que les consommateurs belges, qui sont aussi intéressés dans la question et sur lesquels vous faites peser des charges nouvelles, je doute qu’ils se joignent au cortège triomphal de M. le ministre ; je doute que le pays ratifie ces éloges exagérés accordés à une politique qui, à plusieurs reprises déjà, a failli compromettre l’avenir de nos principales industries.
Que restera-t-il
en définitive, de cette négociation, pour le ministère ? On vous l’a
dit : les ovations de l’Allemagne et les acclamations de la presse
allemande, car ce traité du 1er septembre a été accueilli en
Allemagne avec un véritable enthousiasme. C’est, en effet, un important
triomphe pour ce pays et pour sa politique. Aussi déjà les services que nos ministres
ont rendu à
M. Osy – Messieurs, après le discours plein de raison et de faits de mon honorable ami M. d’Elhoungne, j’aurai très-peu à ajouter pour faire ressortir les fautes commises par le traité qui nous est soumis.
M. le ministre des
travaux publics, dans son discours d’hier, a voulu me répondre par un mémoire
qu’il a reçu du commerce d’Anvers ou de la chambre de commerce d’Anvers.
Messieurs, je ne viens pas ici avec un cahier ou des instructions du
commerce ; je suis député de
M. le ministre a voulu me répondre sur les observations que j’avais faites relativement à l’art. 5 de la convention. J’ai dit que, par cet article, vous détruisiez entièrement les avantages que vous accordiez au cabotage par la loi votée à la session dernière, établissant des droits différentiels. Qu’avez-vous fait pour les Etats-Unis ? Vous avez assimilé le pavillon américain au pavillon national, pour les produits de son sol et de son industrie. Pour l’Allemagne, vous avez été un peu plus loin que vous ne pouviez le faire par arrêté royal, vous l’avez fait alors par un traité. Vous avez assimilé les entrepôts prussiens au pavillon national.
Dans l’état actuel
du Zollverein, il y a peu à craindre de cette concession, mais il faut voir
l’avenir. Vous-même, M. le ministre, vous avez dit que l’accession des villes
anséatiques au Zollverein serait fâcheuse pour
M. le ministre de l'intérieur
disait que la loi des droits différentiels était l’acte de navigation de
L’Angleterre ne se départ pas de son acte de navigation ; les puissances qui traitent avec elle savent à quoi s’en tenir ; mais vous, vous agissez de telle manière qu’aucune puissance ne peut savoir à quoi s’en tenir. Si vous aviez un traité à faire avec le Brésil, on vous dirait : mais à quoi bon nous sert de traiter avec vous ? Vous accordez les mêmes avantages aux entrepôts d’Europe ? Le brésil pourrait-il songer à traiter avec vous ? Cet article 5 est beaucoup plus grave qu’on ne le pense.
Je ne comprends que pas M. Dechamps, qui a approfondi la question, ait pu donner son assentiment à cet article. Quant à M. le ministre de l'intérieur, c’est différent, nous sommes habitués à le voir trouver des moyens de se tirer d’embarras. J’avais confiance dans le caractère de M. Dechamps, mais je suis persuadé que s’il reste longtemps dans ce cabinet, entraîné par les exemples de M. le ministre de l'intérieur, il ne conservera pas son caractère. C’est l’exemple et le contact de M. le ministre de l'intérieur qui gâtent les autres ministres.
Ce n’est peut-être pas l’opinion de la majorité de la chambre, mais si on consultait le pays entier, je suis persuadé que la grande majorité serait de mon avis.
Vous avez entendu avec quelle chaleur M. Dechamps a défendu le traité, chaleur que M. d’Elhoungne a parfaitement qualifiée. Je suis étonné qu’il ait passé sous silence un article d’une haute importance, je veux parler de l’art. 20 relatif aux laines. On nous accorde, par cet article, la réduction de la moitié du droit de sortie sur les laines aussi bien sur celles destinés à l’industrie que sur celles destinées au commerce ; il n’y a aucune restriction. Quand nous avons connu le traité, nous avons pensé à établir un grand (page 378) marché de laines aussi bien pour l’industrie belge que pour l’industrie des autres pays ; mais l’article qu’avait obtenu M. Dechamps a été détruit par l’art. 4 des articles supplémentaires. Je n’ai vu nulle part aucun motif pour détruire à si peu de jours de distance une concession avantageuse qu’on avait obtenue. Je demanderai à M. Dechamps s’il peut approuver l’art. 4 additionnel où il est dit que la réduction de droit sur la laine n’est accordée que pour celle qui sera strictement nécessaire pour notre industrie, et qu’on prendra des mesures pour assurer l’exécution de cette restriction.
Je vous demande si
un article pareil pouvait être accepté. Une grande fabrique de Verviers fera
une commande à l’étranger ; peut-on savoir si ses voisins n’en feront pas
une demain ? Il peut arriver que les quantités fixées par les deux
gouvernements auront déjà été achetées par quelques maisons, alors les autres
devront payer l’intégrité du droit. Je vous le répète, je ne comprends pas
comment cet article
J’ai relu les
réponses faites par M. le ministre de l'intérieur à l’honorable M. Lesoinne.
Cet honorable membre demandait s’il était bien entendu qu’on pouvait importer
dans le Zollverein les fers par
Les industriels de
Liége, qui sont près du chemin de fer, pourront expédier les fers par terre.
Mais les industriels du Hainaut ne pourraient expédier les leurs par terre
qu’avec des frais énormes. Ils sont obligés d’exporter par le Rhin et
M. le président – Cette insertion au procès-verbal a eu lieu.
M.
Osy – Je fais cette
observation parce que, quand nous avons voté le traité avec
Il pourrait bien
se faire que le Zollverein prétendit que par les frontières de terre, il faut
entendre le chemin de fer et non
L’honorable M.
d’Elhoungne a fait observer que la concession concernant les sucres et les vins
était une grande faute. J’aurais compris qu’on stipulât que cette concession
serait faite à
Enfin, messieurs, je finirai par dire qu’après mûr examen, après toutes les observations qui vous ont été présentées dans la séance d’hier et dans celle d’aujourd’hui, je crois que nous devons reconnaître que les commissaires prussiens ont été très-adroits et que notre gouvernement a été très-imprévoyant.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – L’honorable préopinant s’associe aux considérations présentées par l’honorable M. d’Elhoungne ; mais il ne s’associe pas à la conclusion. Je ne ferai pas un appel à la franchise, bien que ce soit le mot favori de l’honorable préopinant ; je ne ferai qu’un appel à la logique. Il aurait du s’associer à la conclusion de l’honorable député de Gand. (C’est vrai ! c’est vrai !) L’honorable député de Gand critique le traité ; mais conséquent avec lui-même, il vote contre le traité. L’honorable préopinant, au contraire, s’attache à disséquer le traité article par article, à le critiquer disposition par disposition, et ensuite il vient nous apporter son vote approbatif. (On rit.)
M. Osy – Je demande la parole.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – L’honorable préopinant critique le traité point par point ; sa critique n’est pas partielle ; il n’y trouve aucun avantage, en quelque sorte, de notre côté. D’autres membres l’on déclaré ; nous-mêmes nous le déclarons ; le traité ne renferme pas tout ce qu’il pourrait renfermer en notre faveur ; il constitue un système de compensation, et tout ce que vous avez à examiner, c’est s’il y a des avantages suffisants de notre côté.
L’honorable préopinant vous rappelle sans cesse la discussion de la loi des droits différentiels. Je ne sais, en vérité, pourquoi. Est-ce pour qu’on n’oublie pas le singulier revirement qui s’est opéré chez lui ? D’ardent défenseur du système des droits différentiels, nous l’avons vu après l’adoption à l’unanimité moins une voix d’un amendement qui lui avait d’abord souri (ce sont ses expressions), changer tout à coup d’opinion et voter contre la loi.
Cet amendement, qui a obtenu l’unanimité de vos suffrages moins la voix de l’honorable préopinant, était-il une si grande inconséquence ? Ou bien n’était-il que le résultat des nécessités que nous avait de bonne foi révélées, et à vous et à nous, l’ensemble de la discussion ? C’est là ce qu’il ne faudrait pas perdre de vue. Ou bien est-ce que cet échec d’être resté seul dans cette chambre à voter contre cette exception, pèserait à la mémoire de l’honorable préopinant ?
M. Osy – Je m’en fais gloire.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – L’honorable préopinant regrette que l’art.
5 se trouve dans le traité. Mais était-il possible de ne pas accorder au moins
cette dérogation à la loi des droits différentiels ? Je vous ai indiqué
tout à l’heure jusqu’à quel point cette expression est limitée. D’abord, c’est
une exception pour les rapports directs de port à port ; en second lieu,
c’est une exception non pas pour tous les produits de
Est-ce que, messieurs, cette exception, ainsi limitée à trois cas, offre de si grands dangers ? Le danger, où est-il ? Il est dans une éventualité bien improbable.
Le danger est dans l’accession possible du Hanovre, de l’Oldenbourg, et surtout des villes anséatiques au Zollverein. Voilà où est le danger.
M. Delehaye – Il fallait le prévoir.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Mais prévoit-on à ce point toutes les possibilités ? Il fallait le prévoir ! Et pour obtenir une restriction sur ce point, une restriction dont vous n’aviez pas besoin, une restriction contre une éventualité improbable, vous auriez pu faire échouer toute la négociation, ou vous auriez dû vous imposer des sacrifices qui se trouvent aujourd’hui sans motif !
M. Delehaye – Je demande la parole.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Lorsqu’un danger est aussi lointain, lorsqu’un danger est aussi improbable, on peut négocier en sauvant les intérêts actuels, cela suffit. Soyons prévoyants, mais n’exagérons pas la prévoyance ; car, à force de vouloir être prévoyant, de vouloir conjurer toutes les éventualités possibles, on compromettrait singulièrement le présent.
J’ai d’ailleurs dit quels pouvaient être les dangers de cette éventualité. Croyez-vous que les navires hambourgeois trouvent de grands avantages à nous importer de Hambourg, au droit d’entrepôt avec remise de 10 p.c. des cafés qui y auraient été entreposés ? je ne le crois pas. Je crois que les navires hambourgeois préféreront nous importer directement dans le port d’Anvers des cafés venant des lieux de production. En un mot, ils aimeront mieux payer 11 de. 50 que de payer 15. fr. ou même 13 fr. 50. Les navires hambourgeois peuvent nous importer dès maintenant du Brésil ou de Java du café en payant 11 fr. 50.
J’ai dit, parce que je veux être sincère, que cette éventualité pouvait se réaliser. J’ai dit que, cette éventualité se réalisant, le traité aurait une autre portée. Mais je vous ai prié de ne pas exagérer cette portée nouvelle ; et vous exagérez singulièrement l’application nouvelle qu’offrirait l’accession au Zollverein des villes anséatiques.
Messieurs,
l’honorable préopinant s’est attaché à un autre point tout spécial. Nous avons
obtenu une réduction de moitié sur les droits de sortie des laines. Il est dit,
dans un article additionnel inséré dans le procès-verbal d’échange des
ratifications, qu’il faut que ces laines soient destinées à être employées par
l’industrie belge. La concession n’est donc qu’industrielle ? Oui, elle
est faite en faveur de l’industrie belge. Elle n’est pas commerciale ;
c’est-à-dire que les laines qui sortiront du Zollverein pour transiter par
L’honorable préopinant désire de nouveau une explication. Je la lui ai donnée hier. Il était entré dans l’intention des parties de ne donner satisfaction qu’à l’industrie belge. C’est sur la demande de la chambre de commerce de Verviers, en un mot, qu’on avait depuis fort longtemps sollicité du Zollverein cette réduction. On avait adressé au gouvernement une réclamation industrielle, elle venait de la chambre de commerce de Verviers, et non pas une réclamation commerciale, venant, par exemple, de la chambre de commerce d’Anvers. La loyauté nous forçait à reconnaître qu’il en était ainsi et dès lors on a mis dans l’article additionnel que ces laines devaient être destinées à la consommation de l’industrie belge.
Et peut-être, messieurs, a-t-on bien fait ; car une autre objection nous aurait attendus. On serait venu nous dire : Il aurait mieux valu que la réduction ne fût applicable qu’à la laine destinée à l’industrie belge, parce qu’il importe de ne pas dégrever l’industrie étrangère concurrente. Nous voulons, serait-on venu nous dire (vous voyez comme toutes ces questions ont deux faces) que les industries étrangères qui demandent leurs laines au Zollverein continuent à payer deux thalers et non un thaler. Pourquoi avez-vous stipulé en faveur de l’industrie lainière à l’étranger ? De quoi vous préoccupez-vous ? Voici l’objection qu’on serait peut-être venu nous faire ?
Ainsi, messieurs, c’était une réclamation qui était venue de Verviers. Verviers nous expose depuis longtemps qu’il est à désirer que les droits de sortie pour les laines qu’elle demande à l’Allemagne soient diminués. Nous avons obtenu une diminution de moitié. Aucune réclamation commerciale ne nous est venue, en ce sens que personne ne nous a demandé que l’on obtînt le même dégrèvement sur les laines que notre commerce livre aux industries lainières concurrentes à l’étranger.
(page 379) Voilà, messieurs, notre explication, et je désire que l’honorable préopinant la trouve plus claire qu’hier.
Messieurs, je ne crois pas devoir répondre, en détail, au discours que vous a prononcé l’honorable M. Castiau. J’ignore jusqu’à quel point, d’après la péroraison de ce discours, je dois prendre au sérieux ce qu’il a dit.
M. Castiau – C’est très-sérieux.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Cette péroraison vous aura sans
doute bien étonnés ; elle est, certes, d’un genre tout nouveau. Nous avons
dit, messieurs, que nous serions au regret de voir donner un caractère
anti-français au traité du 1er septembre. C’est pourtant ce qu’a
cherché l’honorable préopinant. Si ces appréhensions étaient fondées, il
faudrait en conclure que
M. Castiau – Vous dénaturez ma pensée et mes paroles.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – La position de
Il fallait donc
démontrer que des intérêts matériels français se trouvent lésés et c’est ce
qu’on n’a pas démontré. Je l’ai dit hier, je le répète aujourd’hui,
Si j’ai dit qu’il ne fallait pas grandir cet acte, c’est parce que je veux rester dans les habitudes que j’ai toujours suivies depuis quatorze ans, que je prends part aux affaires publiques. Si j’ai cru, en cette occurrence, cette recommandation nécessaire, c’est pour qu’on ne tombât pas dans cet écart, qui consiste à signaler cet acte comme le triomphe de la politique d’une nation sur la politique d’une autre nation, c’est pour qu’on n’arrivât pas à donner à cet acte un caractère antifrançais.
M. Castiau – Et les paroles de votre collègue ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Mon collègue n’est pas sorti de
cette réserve. Il a parlé de notre politique commerciale en général, mais
uniquement au point de vue intérieur. Il s’est permis de rappeler trois actes
commerciaux posés par le gouvernement depuis dix-huit mois, le troisième avec le
concours des chambres, la loi sur les droits différentiels ; voilà tout ce
qu’il a fait. Il a cité des actes, il n’a pas été dire : « Montons au
Capitole ». il nous suffit, à nous, de rester entre
M. Osy – Je demande la parole pour un fait personnel.
M. le président – Il n’y a rien de personnel dans les observations de M. le ministre ; si vous insistez pour avoir la parole, je devrai consulter la chambre. Je dois même vous dire qu’après les paroles qui vous sont échappées, j’aurai dû vous rappeler à l’ordre pour remplir rigoureusement mon devoir. Vous avez été jusqu’à dire qu’un ministre a gâté son caractère à côté de son collègue.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – L’honorable membre s’est servi d’expressions dont on ne servirait pas dans une société privée.
M. le président – La parole est à M. le ministre des travaux publics.
Plusieurs membres – A lundi.
M. Dumortier – Messieurs, le memorandum du gouvernement prussien et la réponse du gouvernement belge ont été insérés au Moniteur. Je demanderai que ces pièces soient imprimées dans la forme des documents parlementaires.
- Cette proposition est adoptée. La séance est levée à 4 heures.