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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 5 décembre 1844

(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)

(page 269) (Présidence de M. Liedts)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à deux heures.

M. Huveners donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :

« le sieur Lambert Gillis, ouvrier cordonnier à Liége, blessé de septembre, demande un secours. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les aubergistes, cabaretiers et débitants de boissons distillées dans la commune de Lichtervelde, demandent l’abrogation de la loi du 18 mars 1838, qui établit un impôt de consommation sur les boissons distillées. »

- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport.


« Plusieurs blessés de septembre demandent qu’une pension de 100 francs soit accordée à tous les décorés de la croix de fer, qui se trouvent dans une position peu aisée, et qu’on accorde cette décoration aux blessés qui ont été omis dans le travail de la commission spéciale. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Par lettre en date du 29 novembre, la cour des comptes transmet à la chambre les observations qu’elle produit à l’occasion du compte définitif de l’exercice 1840, dressé par le département des finances. »

- La chambre ordonne l’impression et la distribution aux membres.


M. Delfosse informe la chambre qu’une indisposition l’empêche d’assister aux séances.

- Pris pour information.

Motion d'ordre

Présentation des rapports de la section centrale et des commissions

M. Osy – Nous avons aujourd’hui à l’ordre du jour le budget des affaires étrangères. Jusqu’à présent on a déposé, le jour même où commence la discussion, les pièces auxquelles se réfère le rapport. Je demande, par motion d’ordre, qu’à l’avenir, toutes les pièces soient déposées sur le bureau en même temps que le rapport. Car, avec le mode actuel de procéder, nous n’avons pas le temps d’examiner les pièces.

- La proposition de M. Osy est mise aux voix et adoptée. En conséquence, MM. les rapporteurs seront invités à déposer, en même temps que les rapports, les pièces auxquelles ils se réfèrent.

M. Manilius – Je ne sais si la motion d’ordre de l’honorable M. Osy (page 270) a bien été comprise. Ce ne sont pas seulement les pièces auxquelles se réfèrent les rapports, mais aussi les pièces que le gouvernement dépose ordinairement le jour de la discussion, que l’honorable membre désirerait voir déposer en même temps que les rapports. L’honorable membre désire que nous soyons saisis plus tôt de ces pièces, pour que nous ayons le temps de les examiner. Car, lorsqu’on les dépose seulement le jour de la discussion, il arrive souvent que celle-ci marche tellement vite qu’elle est terminée avant qu’on ait pu jeter les yeux sur ces pièces.

M. le président – J’avais cru que l’honorable M. Osy entendait parler des pièces qui se trouvaient entre les mains de MM. les rapporteurs.

M. Osy – J’ai entendu parler des pièces qui se trouvent entre les mains des rapporteurs, et qu’on annonce, dans le rapport, devoir être déposées sur le bureau.

M. Manilius – Alors je désire que l’on comprenne dans la motion de l’honorable M. Osy les pièces relatives au rapport que le gouvernement dépose ordinairement le jour de la discussion. Car, je le répète, il arrive trop souvent aujourd’hui qu’on n’ a pas le temps de déposer ces pièces.

M. le président – Une simple invitation suffira.

Projet de loi approuvant le traité de commerce et de navigation conclu avec le Zollverein

Rapport de la section centrale

M. Dedecker – J’ai l’honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le projet de loi relatif au traité de navigation et de commerce conclu entre la Belgique et le Zollverein, le 1er septembre 1844.

- Il est donné acte à M. le rapporteur de la présentation d ce rapport ; il sera imprimé et distribué.

M. Fleussu – Quelles sont les conclusions ?

M. Dedecker – La section centrale, par cinq voix contre une, propose l’adoption du projet. Un membre s’est trouvé empêché, par suite d’indisposition, de voter sur l’ensemble du rapport.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président – A quel jour la chambre veut-elle fixer la discussion ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – M. le rapporteur aurait-il la bonté de nous dire quel jour il croit que le rapport pourra être distribué ?

M. Dedecker – Je crois qu’il pourra être distribué samedi soir.

M. Vilain XIIII – Attendons que le rapport soit distribué pour fixer le jour de la discussion.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Nous espérons pouvoir demander samedi la fixation du jour de la discussion ; il n’est pas absolument nécessaire que le rapport soit distribué pour fixer le jour de la discussion. Il suffit, d’après le règlement, qu’il y ait un jour d’intervalle entre la distribution du rapport et la discussion.

Du reste, nous verrons samedi quelle proposition nous aurons à faire.

M. de Brouckere – Nous sommes tous d’accord qu’il est impossible de fixer, dès aujourd’hui, le jour où la discussion aura lieu. Mais il y a une chose que nous pouvons demander dès maintenant et que je demande pour ma part, c’est que, dans quelque hypothèse que nous nous trouvions, on nous laisse deux ou trois jours d’intervalle entre le jour de la distribution du rapport et celui où la discussion aura lieu. Je dirai pourquoi : c’est que nous pouvons avoir besoin, pour nous fixer sur le traité, de quelques renseignements que nous ne pourrons recueillir que lorsque nous aurons pris connaissance du rapport.

Messieurs, je parle avec connaissance de cause. Je déclare que, quant à moi, j’aurai besoin de quelques renseignements, et qu’il me faudra un intervalle de deux ou trois jours pour les obtenir. Plusieurs autres membres peuvent se trouver dans le même cas.

M. d’Elhoungne – Si j’ai bien compris M. le ministre de l'intérieur, il ne propose pas à la chambre de fixer dès aujourd’hui le jour de la discussion du rapport qui vient de vous être présenté. Mais M. le ministre de l’intérieur ne vous propose pas d’attendre la distribution du rapport pour fixer le jour de la discussion ; il veut attendre seulement jusqu’à samedi pour discuter sur le jour à fixer.

Il me semble, messieurs, que cette manière de procéder n’est pas logique. Si l’on veut fixer en connaissance de cause le jour de la discussion, il faut attendre que nous ayons le rapport sous les yeux. Si ce rapport n’est pas nécessaire, pour fixer le jour de la discussion, il ne faut pas attendre jusqu’à samedi ; car on sait bien que le samedi beaucoup de membres ne sont pas présents.

Ainsi, de deux choses l’une : si la connaissance du rapport n’est pas nécessaire pour fixer le jour de la discussion, fixons-le dès maintenant. Si au contraire, la connaissance du rapport est nécessaire, attendons que nous en soyons saisis.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – J’ai dit simplement que le gouvernement se proposait de faire peut-être une proposition samedi. Si M. le rapporteur vient nous dire, samedi, que le rapport sera distribué le soir, ne pourrait-on pas fixer le jour de la discussion, en laissant, si l’on veut, deux ou trois jours d’intervalle ?

M. d’Elhoungne – Dans ce cas, on peut fixer tout de suite le jour de la discussion.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Mais non. Si M. le rapporteur venait à nous dire samedi que le rapport ne sera distribué que lundi, nous devrions retarder le jour de la discussion. Je veux que M. le rapporteur, qui a eu la bonté de vous dire que le rapport serait peut-être distribué samedi, conserve la plus entière liberté. Lorsqu’il nous aura dit quand le rapport sera distribué, nous pourrons fixer le jour de la discussion. Il est même utile qu’il en soit ainsi, et que cette discussion à laquelle on semble, à bon droit, attacher une grande importance, ait lieu à jour fixe.

Il n’y a donc rien d’illogique dans les réserves que j’ai faites.

M. Mast de Vries – Pour terminer toute discussion, ne pourrait-on fixer le jour de la discussion à mercredi ? (Non ! non !)

Le rapport sera distribué samedi. Vous aurez donc quatre jours pour l’examiner. Lors même qu’il ne serait distribué que dimanche, vous auriez encore trois jours d’intervalle.

M. de Brouckere – Pour ma part, je suis rassuré, du moment où l’on m’assure que l’on laissera trois ou quatre jours entre le moment où le rapport sera distribué et celui où la discussion s’ouvrira. Car, je le répète, il faut que nous ayons lu le rapport pour demander les renseignements dont nous aurons besoin. Or, nous ne pouvons lire ce rapport en quelques minutes. Je crois donc qu’il est impossible de commencer la discussion avant jeudi.

Si l’on veut fixer la discussion à jeudi, pour le cas où le rapport serait distribué samedi, je ne m’y opposerai pas.

M. Dumortier – Il me semble que nous nous préoccupons d’une question et que nous en perdons une autre de vue. Nous sommes réunis ici d’abord pour voter les budgets. Dans les discours du Trône, le Roi nous a dit qu’on nous avait réunis avant l’époque ordinaire de l’ouverture de la session, afin que nous pussions voter les budgets avant le commencement de l’exercice. Il faut, d’une autre côté, que le sénat puisse aussi les examiner. Or, je le demande, si au milieu de la discussion des budgets, nous allons nous occuper de l’examen d’un projet aussi important que celui sur le traité avec le Zollverein, n’est-ce pas nous exposer à retomber dans les crédits provisoires pour la plupart des départements ministériels, et à manquer ainsi le but principal de notre réunion anticipée ?

M. Mast de Vries – Les rapports sur les budgets ne sont pas faits.

M. Dumortier – Les rapports ne sont pas faits. Mais je ferai remarquer que nous aurons des rapports sur les budgets, imprimés, distribués, et en état de discussion avant le jour où nous pourrons commencer l’examen du traité avec le Zollverein.

Le rapport sur le budget de la justice est présenté.

Un membre – Et imprimé.

M. Dumortier – On dit qu’il est imprimé. En voilà donc encore un qu’on peut mettre en discussion. J’ai aussi entendu dire que le rapport sur le budget de l’intérieur serait présenté avant la fin de la semaine.

M. Maertens – Probablement samedi.

M. Dumortier – On pourrait dès maintenant autoriser la section centrale à faire imprimer ce rapport par parties, et avant que vous n’eussiez terminé l’examen du budget de la justice, vous seriez ainsi saisis du rapport sur le budget de l’intérieur.

Si nous n’en agissons pas ainsi, évidemment nous rentrerons dans les crédits provisoires. Je prie la chambre de prendre mes observations en considération, et de voir s’il lui convient de voter les crédits pour 1845, lorsque déjà une partie de l’exercice sera écoulé.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Ce que nous perdons vraiment de vue, pour me servir de l’expression de l’honorable préopinant, c’est que le traité doit recevoir son exécution au 1er janvier prochain, aux termes d’un de ses derniers articles.

Si le rapport se trouvait imprimé et distribué, le gouvernement aurait cru de son devoir de faire dès aujourd’hui une proposition. Et je n’hésite pas à le dire : dès que le rapport sera imprimé et distribué, il vous fera une proposition pour que cette discussion obtienne la priorité sur toutes les autres.

M. d’Elhoungne – J’ai l’honneur de proposer à la chambre de fixer le jour de la discussion du traité avec le Zollverein, après l’impression et la distribution du rapport. Je crois qu’il est inutile de développer cette proposition. C’est d’après le rapport, d’après les faits et les documents qu’il renferme que nous pourrons juger du jour auquel il conviendra de commencer la discussion. Si le rapport ne vous signale ni des faits ni des documents nouveaux, chacun peut être prêt à discuter immédiatement le traité ; mais si des faits nouveaux sont produits, il est juste que nous ayons le temps d’examiner ces faits. Je pense que la majorité des membres de cette assemblée partagera ma manière de voir à cet égard et votera pour ma proposition. (Assentiment).

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – La proposition de l’honorable membre est inutile ; j’ai déclaré tout à l’heure qu’on ne pouvait pas s’écarter du règlement, du moment qu’il y avait réclamation.

M. le président – Puisque aucune proposition n’est faite, la chambre fixera le jour de la discussion lorsque le rapport sera distribué.

Projet de loi portant le budget du ministère des affaires étrangères de l'exercice 1845

Discussion générale

M. de Tornaco – Messieurs, on s’est plaint déjà plusieurs fois, dans cette enceinte, d’une sorte de laisser aller qui règne parmi nos agents diplomatiques ; on s’est plaint de ce qu’ils quittent fréquemment leur poste, de ce que plusieurs d’entre eux ne remplissent leurs fonctions qu’avec peu d’assiduité. Un autre sujet de plainte est que les postes diplomatiques ont plusieurs fois été regardés en quelque sorte comme des appoints dans des transactions, dans des combinaisons de politique intérieure. Si mes renseignements sont exacts, ces plaintes peuvent être proférées avec autant de justice cette année que les années précédentes, ou à peu près avec autant de justice. Un tel état de choses me paraît fort regrettable ; il en résulte une sorte de discrédit qui tombe sur nos agents diplomatiques ; il se forme sur eux une opinion que je regarde comme très-erronée ; on s’habitue à ne voir dans les agents diplomatiques, que des personnages qui voyagent avec un certain (page 271) agrément aux frais du trésor public, ou qui se prélassent dans une élégante oisiveté. Je regarde, messieurs, cette opinion comme une très-grande erreur ; la diplomatie peut et doit rendre de grands services à notre pays ; il est peu d’Etats, je crois, où elle soit appelée à remplir un rôle aussi élevé que dans notre pays. Telle est mon opinion sur ce point, que je désirerais voir figurer dans notre diplomatie tout ce que la Belgique possède d’hommes les plus distingués par le savoir, la prudence et l’activité.

Lors de la discussion de la loi sur les traitements de l’ordre judiciaire, un honorable ministre appuyait ses propositions sur la nécessité d’attirer dans la magistrature les hommes les plus distingués ; mais, messieurs, si cet honorable membre du cabinet avait raison jusqu’à un certain point dans son sens, je suis sans doute bien plus autorisé à prétendre que les postes diplomatiques ne devraient être confiés qu’à des hommes éminents, capables de donner à l’étranger une haute opinion de leurs concitoyens.

Messieurs, la diplomatie embrasse tous les intérêts généraux du pays, soit politiques, soit commerciaux. Veiller sur ces intérêts, les servir, prévoir toutes les occasions de le faire et n’en laisser échapper aucune, c’est à coup sûr une grand et importante mission. Notre situation politique, d’ailleurs, est en quelque sorte toute diplomatique ; notre existence, à la considérer froidement, est le résultat de la balance des forces et des intérêts européens. Et qui donc tient cette balance, si ce n’est la diplomatie ? Nul doute, messieurs, que les qualités distinctives du gouvernement d’un Etat ainsi suspendu entre des intérêts rivaux et des forces rivales, nul doute que ces qualités ne doivent être la prévoyance et l’habilité. Or, messieurs, comme le gouvernement ne peut ici voir ni agir en tout lieu, il doit être à même de compter sur ses agents, qui ne sauraient être ni trop actifs ni trop clairvoyants.

Messieurs, je ne pousserai pas plus loin mes réflexions sur ce sujet ; en l’effleurant avec légèreté, je crois pourtant en avoir dit assez, pour justifier mon opinion sur l’importance de la diplomatie, pour justifier aussi le regret que j’ai exprimé de la voir tomber en discrédit par la faute du gouvernement.

Messieurs, d’autres abus ont encore été signalés par plusieurs sections ; ces abus sont d’une nature différente : on a fait remarquer notamment que les frais de route alloués à des agents diplomatiques ne sont pas autre chose qu’une augmentation de traitement qui leur est accordée. Je ne pourrais pas, messieurs, citer des chiffres ; je me suis présenté deux ou trois fois au bureau, et les pièces dont il est fait mention dans le rapport ne s’y trouvaient point déposées ; mais d’après les renseignements que j’ai, ces chiffres sont, dans plusieurs cas, exorbitants. Du reste, comme citer des chiffres, c’est, en quelque sorte, citer des personnes, dans cette circonstance, je ne regrette point de ne point avoir pu prendre connaissance des pièces dont il s’agit.

Messieurs, je dois blâmer ces transactions, ces arrangements qui sont faits avec des agents diplomatiques : ces arrangements sont contraires à la loi du budget qui n’admet point de faveurs, et je dois déplorer de voir ainsi le gaspillage des deniers publics envahir la moindre issue qui peut lui demeurer ouverte.

Messieurs, l’honorable ministre des affaires étrangères a donné à la section centrale, relativement à la légation de Constantinople, des explications dont M. le rapporteur a bien voulu nous communiquer le résumé. Nous avons pu juger, messieurs, par ces explications, que la légation de Constantinople ne demeure pas dans l’inaction. Il me paraît qu’une note semblable à celle qui a été donnée par cette légation, mais toutefois plus explicite, concernant chacun de nos agents à l’extérieur, aurait un haut degré d’utilité. De semblables notes auraient l’avantage de nous tenir en quelque sorte au courant de ce que font nos agents diplomatiques, et de nous mettre, par conséquent, à même de connaître l’importance et l’utilité des fonctions qu’ils remplissent. Il est à remarquer que la plupart d’entre nous ne peuvent prendre connaissance de ce qui se passe à l’étranger, et que dès lors nous sommes obligés de voter des fonds sans pouvoir en apprécier l’emploi.

Si nous ne pouvons obtenir des renseignements, ce n’est que par voie d’interpellation. Et il faut bien le reconnaître, nous sommes arrêtés souvent dans cette voie, par la crainte de paraître guidés par des motifs personnels.

Je demanderai donc à M. le ministre des affaires étrangères s’il y aurait des inconvénients à faire, chaque année, lors de la discussion de son budget, un exposé de la situation de nos agents, soit politiques, soit commerciaux à l’extérieur, et des résultats de leurs démarches, de leur travail durant l’année écoulée. Vous remarquerez qu’une mesure comme celle-là serait dans l’intérêt d’une bonne administration des deniers publics, dans l’intérêt de notre diplomatie, enfin dans l’intérêt du pays.

C’est dans ce but, et guidé par des intentions toutes favorables à la diplomatie, que j’ai appelé sur cet objet l’attention du gouvernement et de la chambre.

Je bornerai là mes observations sur ce budget. Mon vote dépendra des assurances qui seront données, quant au redressement des abus qui ont été signalés.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Goblet d’Alviella) – S’il faut en croire l’honorable préopinant, il régnerait au département des affaires étrangères un grand arbitraire dans la distribution des frais de route et des indemnités. Il n’en est cependant rien. Toutes les dépenses qui se font à ce département sont réglées par un arrêté royal qui prévoit les différents cas.

Je ne dis pas que l’expérience n’ait point fait découvrir la possibilité d’abus. Mais elle seule pouvait m’en avertir, et dès lors, je me suis empressé de m’occuper de nouveaux règlements qui ne tarderont pas à être arrêtés.

En jetant les yeux sur les dispositions spécialement relativement aux frais de route des agents diplomatiques, on peut se convaincre que le tarif est assez modéré dans les cas généraux, comparativement au tarif français. Les frais de route sont respectivement fixés comme suit, dans les deux pays :

Il est alloué par poste, en Belgique d’abord, en France ensuite :

1° Aux ministres plénipotentiaires et envoyés extraordinaires : fr. 14 ; fr. 30

2° Aux ministres résidents ou aux chargés d’affaires : 12 fr. ; 20 fr.

3° Aux premiers secrétaires de légation : 10 fr. ; 12 fr. 50 c.

4° Aux deuxièmes secrétaires de légation : 8 fr. ; 12 fr. 50 c.

5° Aux attachés de légation : 8 fr. ; 10 fr.

Malheureusement en Belgique on a excepté du tarif général deux natures de voyages : ceux des agents diplomatiques qui se rendent pour la première fois à leur poste, ou qui en reviennent définitivement. Ces frais de voyage sont liquidés sur déclaration des agents, avec pièces à l’appui ou par forfait entre les agents et le ministre, conformément aux articles cités précédemment.

Ces dispositions exceptionnelles peuvent facilement s’expliquer. On conçoit bien que pour se rendre une première fois à sa destination, surtout lorsque, comme en Belgique, il n’y a pas de frais de premier établissement, il peut y avoir des dépenses considérables à faire tant pour le transport de l’agent et de sa famille, que pour celui de différents objets, indispensables à son installation dans sa résidence.

Voilà le motif qui a déterminé à liquider les dépenses de cette catégorie sur déclaration, au lieu de faire un forfait avec le ministre.

Maintenant ce mode de rétribuer ces premiers voyages a l’inconvénient d’être envisagé, par les divers agents diplomatiques, d’une manière différente.

Pour certains d’entre eux, les limites ne sont pas suffisamment déterminées, quant aux objets qu’il leur est possible de transporter dans leur résidence ; il en résulte que les déclarations doivent être acquittées, quoiqu’elles puissent paraissent trop élevées, par la raison qu’elles satisfont à l’article du règlement, qui n’exige que les pièces à l’appui pour le payement.

Quant aux forfaits, ils ont quelquefois paru assez considérables, mais le ministre ne les concluait que pour ne pas être exposé à recevoir des déclarations avec des pièces à l’appui, plus considérables encore.

C’est pour obvier à cet inconvénient que l’on s’occupera d’un nouveau règlement. Ce règlement sera d’autant mieux contrôlé qu’il fera partie d’un règlement général à rédiger pour tous les départements, et que les frais de voyage, destinés aux agents extérieurs, seront arrêtés par les mêmes personnes qui détermineront le chiffre des frais de voyages à l’intérieur. J’aime cependant à croire que la commission qui sera spécialement chargée de ce travail, prendra en grande considération la différence qu’il y a entre les voyages qu’on fait à l’extérieur avec un caractère public, et les voyages que l’on fait dans le pays même, où l’on peut sans nul inconvénient adopter le mode de transport le plus économique.

L’honorable préopinant s’est plaint du nombre des agents diplomatiques qui se trouvent éloignés de leur poste par congé.

Je crois que ce reproche ne peut m’être adressé cette année ; un bien petit nombre de chefs de légation sont revenus dans le pays en 1844. En 1843, il en fut autrement ; les circonstances n’étaient pas les mêmes : c’est ce qui m’a déterminé à n’accorder, en 1844, que les congés qui étaient justifiés par la plus indispensable nécessité.

Répondant à une autre partie du discours de l’honorable préopinant, je dirai qu’il serait certes fort intéressant qu’on pût faire tous les ans, à la représentation nationale, un rapport sur l’état des travaux de chaque légation ; mais ce rapport aurait de grands inconvénients dans bien des circonstances. Il est dans la diplomatie beaucoup de travaux qui ne doivent pas parvenir à la connaissance du public, et je ne sais quelle influence exercerait sur les dépêches de nos envoyés la pensée que leurs communications pourraient devenir publiques.

Certainement des éclaircissements sur l’utilité plus ou moins grande de telle ou telle légation peuvent, dans certains cas, être donnés à la représentation nationale ; mais encore ils ne peuvent l’être qu’avec la plus grande réserve. Les dépêches des envoyés sont ordinairement le compte-rendu de conversations qu’ils ont avec les divers hommes politiques des Etats auprès desquels ils sont accrédités.

Je crois donc que ce qu’a proposé l’honorable préopinant, ne pourrait pas se pratiquer d’une manière générale, ni donner lieu à adopter l’usage de faire des communications régulières.

M. Osy – Messieurs, ce qui m’a le plus frappé dans le budget du ministère des affaires étrangères, c’est l’article unique du chapitre IV où figure un crédit de 70,000 fr. pour les frais de voyage de nos agents diplomatiques à l’étranger. A la section centrale, j’avais proposé de réduire ce chiffre de 13,000 fr. Si tous les membres avaient vu comme moi l’état qui vient d’être déposé sur le bureau, j’aurais présenté un amendement, et je pense qu’il aurait beaucoup de chances de succès.

On dirait vraiment que l’on ne cherche que des occasions pour dépenser les sommes que vous votez ; jamais sans doute on n’a dépensé, pour frais de route, autant d’argent qu’en 1844. Un agent a fait en 1843 un voyage d’Oldenbourg à Hambourg et de Hambourg à Hanovre, et on lui a payé pour ce voyage 1,600 fr. ; un voyage de Hanovre à Bruxelles lui a été payé 1,900 fr : ensemble 3,500 fr. En 1844, le même agent, pour un voyage fait dans les mêmes cours d’Allemagne ou il est accrédité, a reçu 5,160 fr, et en outre 2,800 fr. pour un voyage à Bruxelles. Ainsi le même agent en 1844, a reçu 7,900 fr. pour des voyages qui, en 1843, n’avaient coûté à l’Etat que 3,500 fr.

(page 272) Je demanderai si ce n’est pas là une augmentation de traitement déguisée. Nous avons toujours voté 15,000 fr pour le traitement d’un chargé d’affaires à Hambourg. On a jugé convenable de donner à cet agent le titre de ministre. On ne nous demande pas un traitement de ministre pour cet agent, parce qu’on sait bien que cette demande ne serait pas accueillie ; mais par des moyens détournés, on lui donne une augmentation de 4 à 5,000 fr. par an.

D’après les renseignements que j’ai pris à la cour des comptes, le même agent doit avoir cumulé en 1842 le traitement de chargé d’affaires à Hambourg, avec l’indemnité de 60 fr., allouée par jour à la commission d’Utrecht. Il lui a été impossible d’être à son poste, sinon pour se faire reconnaître !

Il y a encore d’autres abus. Ainsi des voyages qui, dans d’autres circonstances, n’avaient coûté que 3,000 fr. ont donné lieu depuis à une dépense de 6,700 fr.

Ces abus sont tellement évidents, il y a dans ce service une telle prodigalité, que je suis convaincu qu’une somme de 55,000 fr. suffirait.

Quant aux frais à rembourser, il y a des différences inexplicables : le chargé d’affaires à Madrid n’a que 1,000 fr. pour les frais à rembourser ; le chargé d’affaires à Washington 1,500 fr. ; tandis que celui de Hambourg a reçu 2,160 fr.

Il me paraît que si des légations aussi éloignées sont modérées dans leurs frais, il faudrait examiner si d’autres, si rapprochées de nous, n’envoient pas des mémoires trop élevés.

J’engagerai M. le ministre des affaires étrangères à prendre des renseignements sur ce qui se passe en Prusse à cet égard. Il y a là un tarif qu’on applique invariablement à tous les agents diplomatiques, tandis que chez nous les personnes favorisées ont presque tout.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Goblet d’Alviella) – Messieurs, je suis aussi ennemi des abus que qui que ce soit ; aussi, n’ai-je rien voulu dissimuler à la section centrale ; j’ai déposé les renseignements qu’elle m’a demandés, et je me suis rendu dans son sein ; j’ai prouvé que toutes les sommes qui avaient été payées ne l’avaient pas été arbitrairement, sauf une seule, comprise dans les nombreux frais de voyage qui ont été liquidés au profit d’un chef de légation. Il s’agit d’un somme de 4,000 fr. pour le payement de laquelle on ne s’est pas renfermé strictement dans les dispositions du règlement général ; on a mal appliqué celle qui permet de faire des forfaits ; on a payé de cette manière les frais d’un séjour de l’une des résidences assignées à un agent au lieu de les liquider d’après le tarif qui accorde douze francs pour frais de voyage et vingt francs pour frais de séjour. Je dois reconnaître que ce forfait a porté la somme à un chiffre supérieur à celui qui serait résulté des calculs faits d’après le tarif.

J’ai fait connaître à la section centrale les dispositions en vertu desquelles les divers payements avaient eu lieu. Ces dispositions, je vais vous les rappeler, puisque l’honorable préopinant ne peut pas s’expliquer pourquoi dans tel cas on paye une telle somme, et une somme différente dans tel autre. C’est que malheureusement, dans beaucoup de circonstances, le chiffre des sommes à rembourser dépendait des prétentions élevées par l’agent et fondées sur les termes du règlement. J’avoue que c’est là une cause d’abus à laquelle il faut obvier.

Voici les dispositions applicables dans l’espèce :

« Art. 9. Les frais de route et de séjour des chefs de missions ou agents consulaires rétribués, qui se rendent pour la première fois à leur poste, ou qui le quittent définitivement, seront remboursés sur mémoire appuyé, autant que possible, de pièces justificatives. »

« Art. 10. Les frais de voyage hors du continent seront, dans tous les cas, payés sur déclarations constatant la dépense et appuyés de pièces justificatives. »

« Art. 11. Il pourra, en vertu d’une disposition ministérielle, être dérogé aux articles qui précèdent, en accordant pour tous frais de route et de séjour une indemnité à forfait, dont le montant sera calculé d’après les distances à parcourir et les moyens de transport connus. »

Messieurs, ce règlement se trouve beaucoup moins complet et moins applicable depuis qu’on a de nouveaux moyens de transport. Maintenant qu’on peut dans certaines résidences se transporter par le chemin de fer ou par bateau à vapeur, il semble, quand, en vertu du règlement, on paye des frais de poste, qu’il y ait une sorte d’abus. Dans les dispositions à arrêter ultérieurement, on s’efforcera de remédier à cet état de choses.

J’ai donné ces explications pour qu’on sache que ce n’est pas arbitrairement , comme le pense l’honorable membre, que des sommes, qui sont quelquefois assez élevées, sont allouées aux agents diplomatiques pour frais quelquefois assez élevées, sont allouées aux agents diplomatiques pour frais de route ; ces sommes sont, je le répète, exigées aux termes du règlement par les intéressés sur états accompagnées de pièces à l’appui. Quand aux forfaits, je ne pense pas qu’on puisse me reprocher d’en avoir fait qui ne soient par de nature à être complètement justifiés.

Quelques autres observations ont été faites ; comme on a eu la discrétion de ne pas nommer les personnes qu’elles concernent, je ne sais pas à quels agents on a voulu faire allusion, et je ne puis dès lors y répondre.

M. de Brouckere – Il est très-fâcheux que les abus dont on a parlé soient réels, parce que ces abus ne profitent qu’à deux ou trois individus qui sont spécialement favorisés, et que cependant ils retombent sur une administration tout entière ; car, à entendre les honorables préopinants, ils avaient devant eux des pièces qui les autorisaient à tenir le langage qu’ils ont tenu ; à les entendre, les fonds du budget des affaires étrangères seraient prodiguées avec une extrême largesse à tous les agents du corps diplomatique. Mais il n’en est pas tout à fait ainsi. On met une extrême largesse, on pousse la prodigalité au dernier point à l’égard de deux ou trois personnes, parce qu’elles viennent demander beaucoup. Au département des affaires étrangères, c’est comme dans l’Evangile : on donne beaucoup à qui demande beaucoup, et les autres n’ont rien. Demandez et vous recevrez, dit-on dans l’Evangile, c’est la maxime pratiquée dans la diplomatie.

Je puis affirmer, parce que j’ai les pièces devant moi, que ceux qui ont demandé beaucoup ont beaucoup reçu. C’est une chose fâcheuse, car cela retombe sur toute l’administration, et cependant l’administration n’est pas coupable, mais deux ou trois personnes seulement. Ce qui est regrettable, c’est que M. le ministre des affaires étrangères ait traité si favorablement ceux qui ont fait des demandes exagérées : il aurait dû les réduire.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Goblet d’Alviella) – Les demandes étaient conformes au règlement.

M. de Brouckere – Il me serait facile de prouver que ce n’est pas tout à fait exact. M. le ministre aurait dû réduire ces demandes. Malgré tous les renseignements que je possède, je n’entrerai dans aucun détail. Je suis satisfait de la promesse que M. le ministre des affaires étrangères a faite à la section centrale et répétée devant la chambre, qu’il fera en sorte que ces abus ne se présentent plus, qu’on s’occupera de la rédaction d’un travail général sur les frais de voyage, travail d’ensemble qui comprendra toutes les administrations.

D’ailleurs, M. le ministre des affaires étrangères avoue qu’il y a une allocation toute à fait arbitraire de 4,000 fr., qu’il serait impossible de justifier. Je le dis encore, parce qu’un agent diplomatique a osé se permettre de faire une pareille demande, il en résulte que tous les agents diplomatiques sont accusés à la fois. Il faut que de semblables abus soient réprimés parce qu’ils retombent sur tout un corps qui ne doit pas souffrir parce qu’un membre s’est écarté de la règle de modération qu’il aurait dû suivre.

On nous a parlé du tarif en vigueur qu’on a dit n’être pas exagéré. C’est le tarif de 1828. Cependant M. le ministre a reconnu que cet arrêté laissait des lacunes, et contenait des dispositions qui devraient être réformées. Mais selon lui, et il a fallu attendre que l’expérience démontrât la nécessité de la réforme. Il y a quatre ou cinq ans déjà, que j’ai démontré combien cet arrêté prêtait aux abus. Je suis loin de prétendre que les agents diplomatiques doivent être tarifés quant aux frais de route comme les fonctionnaires voyageant dans l’intérieur du pays. Il faut les traiter d’une manière convenable ; il faut que les agents diplomatiques des différents degrés puissent vivre à l’étranger d’une manière conforme à leur rang.

Je laisse M. le ministre des affaires étrangères juge de la question que je vais lui adresser. Trouve-t-il juste que le fonctionnaire du degré le plus infime de son administration, une espèce de surnuméraire, soit mieux traité, en ce qui concerne les frais de route et de séjour, que l’employé le plus élevé en grade d’un autre département ? Il en est ainsi ; le tarif à la main, je vais le démontrer. Un attaché d’ambassade, qui est une espèce de surnuméraire, touche, M. le ministre le dit, 8 fr. de frais de poste et 15 fr. de frais de séjour. Ordinairement il voyage avec le ministre ou le chargé d’affaires auquel il est attaché. Huit francs par poste, c’est 5 francs par lieu. Prenez les tarifs des autres départements, vous verrez que l’employé le plus supérieur touche 4 fr. par lieue quand il ne peut pas voyager par le chemin de fer, et que, quand il y a possibilité de voyager par le chemin de fer, cette indemnité est réduite de moitié. Ainsi, le fonctionnaire le plus infime du département des affaires étrangères est mieux traité que le fonctionnaire le plus élevé en rang d’un autre département. Je laisse à M. le ministre des affaires étrangères le soin de me répondre si cela est juste. Quant aux frais de séjour, il est traité sur le même pied.

Messieurs, je bornerai là mes observations pour aujourd’hui. Cependant je dois encore en ajouter une relativement à un abus que, j’en suis persuadé, M. le ministre s’empressera de réformer. Quand on présente à la section centrale ou à la cour des comptes, à un membre de la chambres, des états comme on nous en a donnés, nous ne savons pas encore tout ce que touchent les agents diplomatiques, parce qu’on a, au département des affaires étrangères, une certaine caisse dans laquelle on met, au commencement de l’année, une certaine somme, et qu’on puise, pour donner à certains agents, dans cette caisse dont on ne rend compte qu’à la fin de l’année. Je demanderai à M. le ministre : Y a-t-il des agents qui, après avoir reçu des frais de route considérables, figurent dans le compte que rend l’employé du département des affaires étrangères de l’emploi de l’encaisse dont je viens de parler ?

M. le ministre des affaires étrangères (M. Goblet d’Alviella) – Ce serait une irrégularité, cela ne m’est pas connu.

M. de Brouckere – J’étais convaincu que M. le ministre des affaires étrangères reconnaîtrait que c’est une irrégularité et qu’il y porterait remède. Je fais ces observations, parce que je ne veux pas qu’un corps entier soit victime d’abus dont deux ou trois de ses membres se rendent coupables.

M. Verhaegen – Messieurs, je ne veux pas aller plus loin que mes honorables collègues et faire de la question qui vous est soumise une question de personne. Tout le monde paraît d’accord pour reconnaître qu’il y a eu des abus. M. le ministre vient de le dire lui-même tout haut. Mais s’il a eu des abus en 1844, nous faisons le budget pour 1845 ; voulez-vous, par l’adoption du même chiffre, proclamer que vous voulez perpétuer les abus ? Il est indispensable, d’après ce qui vient d’avoir lieu, de réduire le chiffre de 70,000 francs. Il n’y a pas moyen de répondre à ce que je vais avoir l’honneur de dire. En 1844, le chiffre était de 70,000 fr. Tout le monde est d’accord, le ministre lui-même, pour reconnaître qu’il y a eu des abus ; on vient de vous dire que deux ou trois individus sont venus puiser à (page 273) pleines mains dans la caisse du département des affaires étrangères ; on se plaint de ce qu’il y a des individus qui sont plus exigeants que d’autres et qui obtiennent quand d’autres n’ont pas. On vous dit que ce sont des abus. Si ce sont des abus, certainement vous voulez tous y mettre fin. Il ne s’agit pas de dire ici : On a contracté des engagements, il faut les remplir, car les engagements de 1844 vous les avez payés sur le budget de 1844 ; c’est une affaire terminée.

Vous nous présentez un budget pour 1845. C’est en 1845 qu’on voyagera. Puisque dans l’emploi de l’allocation pour frais de voyage, il y a eu des abus, j’ai trop bonne opinion de M. le ministre des affaires étrangères pour croire qu’il veuille donner les mains à d’autres abus. Tout le monde étant d’accord sur ce point, je propose une réduction de 20,000 fr.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Goblet d’Alviella) – On s’est plaint d’irrégularités consistant dans la mauvaise répartition pour frais de voyage entre les différents agents diplomatiques. J’ai reconnu que quelques demandes étaient exagérées ; mais j’ai fait observer qu’elles étaient justifiées par les dispositions existantes. Je ne puis croire que l’intention de l’honorable député de Bruxelles ait été de prétendre que tous les agents diplomatiques avaient reçu des sommes trop élevées pour frais de voyage.

M. de Brouckere – C’est précisément pour empêcher qu’on ne croie cela que j’ai pris la parole. Je me suis expliqué catégoriquement ; j’ai dit que les abus concernaient trois ou quatre agents et que je parlais parce que je ne voulais pas que les autres membres du corps diplomatiques fussent victimes des abus dont trois ou quatre personnes se rendent coupables. Je n’ai nullement entendu attaquer les autres membres du corps diplomatique ; au contraire, je me suis constitué leur défenseur, parce que je ne voulais pas qu’il tombât du blâme sur eux.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Goblet d’Alviella) – C’est ainsi que j’ai compris la pensée de l’honorable député de Bruxelles, et c’est en me fondant sur cette pensée que j’ai trouvé que l’argument de l’honorable M. Verhaegen manque de fondement ; car on peut faire une meilleure répartition et avoir encore besoin de la même somme.

Quant à la caisse dont il a été fait mention et dans laquelle on puiserait à pleines mains, il en existe de semblables dans tous les départements ; ces caisses renferment quelques fonds pour les besoins courants. Il est très-possible que l’agent chargé de cette caisse au département des affaires étrangères ait pris sur lui d’avancer à quelques agents diplomatiques, obligés de se mettre en route, des sommes dont il était certain d’obtenir le remboursement quelques jours après. Voilà comment je puis concevoir ce dont a parlé l’honorable M. de Brouckere.

M. de Brouckere – M. le ministre voudrait-il me permettre d’expliquer ma pensée ?

M. le ministre des affaires étrangères (M. Goblet d’Alviella) – Volontiers

M. de Brouckere – Ma pensée est celle-ci : les agents qui ont obtenu des sommes si fortes pour frais de route et de séjour ont reçu en outre certaines allocations qui sont affectées sur la caisse particulière dont j’ai parlé ; le compte de l’agent chargé de cette caisse porte : « Remis à tel agent diplomatique la somme de … » Voilà comment il est rendu compte des sommes remises à ces agents diplomatiques.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Goblet d’Alviella) – Ces sommes doivent être remplacées dans la caisse dont il s’agit par des déclarations de frais de route ou d’autres dépenses. Il n’est pas possible qu’il en soit autrement. Il n’est pas permis à un employé de prendre des fonds pour les donner à qui que ce soit. C’est tout simplement une avance que l’employé, chargé de cette caisse, fait à ses risques et périls, et ce sont toujours de très faibles sommes.

M. Osy – M. le ministre des affaires étrangères a confirmé ce que j’ai eu l’honneur de dire ; il a promis de faire un règlement pour mettre un terme aux abus que j’ai signalés, mais je pense, messieurs, qu’il ne faut pas un an pour faire ce règlement, qu’il peut très-bien être fait assez à temps, pour être exécuté dès l’année 1845. Je proposerai donc une réduction sur le chiffre demandé, mais je n’irai pas aussi loin que l’honorable M. Verhaegen. Sur le chiffre de 70,000 fr. qui figure au budget de l’exercice courant, on a dépensé jusqu’ici 64,000 fr. et les 6,000 fr. qui restent seront probablement absorbés avant la fin de l’année ; mais cette année il y a eu des dépenses extraordinaires, nous avons eu de nouveaux ambassadeurs et des mutations, ce qui a occasionné une dépense exceptionnelle de 29,000 fr. ; je pense donc que nous pouvons, sans gêner en rien le gouvernement, réduire le crédit demandé à 55,000 fr., et je proposerai un amendement dans ce sens, lorsque nous en serons à la discussion des articles. Cette réduction a été proposée dans la section centrale, mais celle-ci a cru qu’il fallait attendre le budget de 1846, afin de laisser au gouvernement le temps de faire un nouveau tarif. Je crois, messieurs, que ce tarif peut très-bien être fait d’ici à une couple de mois ; si nous imitions ce qui se fait en Prusse…

M. le ministre des affaires étrangères (M. Goblet d’Alviella) – En Prusse les agents diplomatiques sont mieux payés qu’ici.

M. Osy – S’ils sont mieux payés, ils sont aussi payés avec plus de justice.

Je veux que chacun soit sur le même pied et sache à quoi s’en tenir. C’est ce que veut le tarif prussien. Je ne veux de faveur pour personne. Je veux que le gouvernement trouve dans le tarif la règle qu’il doit suivre à l’égard de tous les agents diplomatiques.

J’ai demandé la parole pour que le blâme qu’on encouru deux ou trois agents diplomatiques ne retombe pas sur le corps diplomatique tout entier dont les déclarations sont en général très-modérées. Ainsi je vois qu’il y a des frais très-faibles pour un voyage de Madrid à Barcelone qui doit coûter plus cher qu’un voyage de Hanovre à Hambourg.

J’ai fait mes observations en acquit de conscience et en laissant de côté toute considération personnelle.

Je me propose de présenter à l’amendement de l’honorable M. Verhaegen un sous-amendement tendant à réduire l’allocation à 55,000 francs. M. le ministre sera obligé alors de faire un tarif.

M. de Garcia – On a critiqué les dépenses qui se font au département des affaires étrangères du chef d’indemnités pour frais de voyage, accordées aux agents diplomatiques. Cette critique n’a pas été générale ; loin de là. Les observations des honorables MM. Osy et de Brouckere prouvent, au contraire, qu’ils ne considèrent pas la diplomatie belge comme trop rétribuée. Je partage cette opinion.

L’honorable M. de Tornaco a démontré, selon moi, l’utilité d’engager les capacités à se livrer à cette carrière importante, et, pour atteindre ce but, l’on doit accepter le système de traitement suffisant. Aussi la chambre n’a-t-elle porté aujourd’hui sa critique que sur la répartition des allocations consenties pour rétribuer les agents diplomatiques.

J’ai entendu avec peine M. le ministre des affaires étrangères, en reconnaissant qu’il y avait eu certains abus, déclarer qu’il avait fait des concessions aux importunités. (Dénégation de la part de M. le ministre des affaires étrangères.)

L’honorable ministre a dit que la différence dans la quotité des frais de route provenait des exigences, des prétentions de certains agents diplomatiques (Nouvelles dénégations de la part de M. le ministre des affaires étrangères) ; j’ai recueilli les paroles de M. le ministre, je les tiens encore écrites devant moi. Au surplus, si j’ai mal compris, je m’en félicite, et, dans ce cas, mon observation sera inutile. Mais ce qui semblerait prouver que M. le ministre s’est expliqué comme je l’ai entendu, c’est qu’il a reconnu la nécessité d’avoir un tarif pour résister à ces exigences.

Pour moi, je crois qu’un ministre peut toujours, même sans tarif, résister à des prétentions exorbitantes, telles que celles qui ont été signalées par plusieurs membres de cette assemblée.

Ces honorables membres se sont attachés surtout à combattre l’inégalité dans le mode de distribution et de répartition des frais de voyage et de séjour, et dans cet état, il ne me semble pas qu’il puisse y avoir lieu à admettre leur proposition de réduction dans le chiffre proposé par le gouvernement.

Nous sommes d’accord, aujourd’hui, sur un point : c’est que le corps diplomatique n’est pas trop rétribué, et qu’il faut engager les capacités à se porter vers cette carrière. Dès lors il faut laisser au gouvernement les moyens de satisfaire à ce que réclame cette branche du service public. Tout ce à quoi nous devons nous tenir, c’est à l’engagement de M. le ministre, de nous présenter un tarif portant répartition équitable de la somme allouée pour frais de route et de séjour.

Une autre observation que je dois rencontrer, c’est celle présentée par l’honorable M. de Brouckere, dont je ne partage pas l’opinion.

Il a dit que les attachés de légation reçoivent des frais de voyage et de séjour plus forts que ceux des fonctionnaires de l’ordre le plus élevé voyageant à l’intérieur ; il a critiqué cette mesure, il s’est demandé si elle était juste et rationnelle, et il a fait le ministère même juge de ce fait. L’honorable ministre des affaires étrangères n’a pas répondu. Ne partageant pas l’opinion de l’honorable M. de Brouckere à cet égard, je crois devoir la combattre. La différence signalée n’est ni injuste ni peu rationnelle. Elle repose sur la force des choses, puisqu’on sait que les attachés aux légations et aux ambassades sont soumis à des frais considérables. Si vous voulez engager les capacités à se porter dans cette carrière, il faut qu’elle offre des moyens d’existence. Sans cela, vous n’aurez que des fonctionnaires qui ont ou doivent avoir de la fortune. Est-ce ainsi que vous aurez des capacités ? Je n’hésite pas à dire que non.

Cette différence entre les frais de route des agents diplomatiques à l’étranger et des fonctionnaires à l’intérieur ne me choque pas. Je la trouve juste. Si vous voulez attirer des capacités, vous devez la maintenir. J’espère donc que M. le ministre, dans le nouveau tarif de frais de voyage et de séjour, qu’il a promis de nous présenter, n’aura pas égard aux observations de l’honorable M. de Brouckere, et qu’il maintiendra la proportion existante.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Goblet d’Alviella) – Je n’ai pas dit que j’aurais cédé à des importunités ; je n’y ai jamais cédé, quoiqu’il soit souvent très-difficile de s’y soustraire entièrement. Mais j’ai dit que les règlements m’avaient mis dans l’impossibilité de me refuser aux demandes qui m’avaient été faites.

M. de Tornaco – Je ne demande la parole que pour rectifier l’opinion de M. le ministre des affaires étrangères, sur une demande que j’ai eu l’honneur de lui adresser. J’ai demandé si M. le ministre ne pourrait pas donner chaque année un exposé de la situation de nos agences à l’extérieur et de leurs travaux. Il a supposé que j’avais voulu, par là, réclamer la communication des diverses notes diplomatiques. Ce désir est loin de mes intentions. Je connais toute la réserve qu’exige la communication des pièces diplomatiques. Mon but n’est pas autre que d’obtenir et de connaître les résultat des efforts et des démarches de nos agents à l’extérieur, dans l’intérêt soit de notre commerce, soit de notre industrie. Je le répète, mon intention n’est aucunement d’obtenir la communication de pièces qui ne peuvent point être exposées au grand jour.

Je prie M. le ministre de vouloir bien encore fixer son attention sur cet objet.

M. de Mérode – Je voulais dire un mot dans le sens des observations (page 274) de l’honorable M. de Garcia. Ainsi qu’il l’a dit, il convient de faire une différence entre les frais de route des agents à l’étranger et ceux des fonctionnaires qui voyagent à l’intérieur. Ceux-ci, non-seulement ont le chemin de fer, mais encore règlent leurs dépenses comme ils l’entendent, tandis que celui qui est en mission à l’étranger est assujetti à certaines dépenses de représentation.

Je ne dis pas qu’il faille aller trop loin. Je suis loin d’aimer la magnificence. Mais on comprend que ces agents sont dans une autre position que les fonctionnaires qui voyagent à l’intérieur.

Une autre observation, c’est que les attachés n’ont aucun traitement. Ces indemnités ne seraient donc qu’un faible dédommagement des fonctions gratuites qu’ils remplissent.

M. de Haerne – Dans la section centrale à laquelle j’appartenais, pour la discussion du budget des affaires étrangères, une demande a été faite par M. le ministre des affaires étrangères ; elle ne se rapporte pas à la question en discussion ; mais elle se rapporte à la discussion générale du budget qui nous occupe.

Il s’agissait, messieurs, de connaître les résultats de la mission dont ont été chargés certains envoyés spéciaux, qui sont allés en Espagne dans l’intérêt de nos relations commerciales.

La demande qui a été faite par la section à laquelle j’appartiens, a été examinée par la section centrale, et celle-ci s’est adressée à M. le ministre des affaires étrangères pour avoir des explications à ce sujet. M. le ministre a répondu d’une manière qui a paru incomplète ; car, si je suis bien informé, deux agents spéciaux ont été envoyés en Espagne, dans l’intérêt du commerce.

Messieurs, je fais cette observation, parce que je crois que l’objet est très-important. Plus d’une fois j’ai pris la liberté d’attirer l’attention de la chambre sur nos relations avec l’Espagne. A mesure que nos relations commerciales se rétrécissent dans certaines contrées, que les débouchés pour nos produits liniers et surtout pour nos toiles y diminuent, il me semble qu’il est du devoir du gouvernement de faire tout ce qui lui est possible pour élargir les débouchés dans d’autres contrées. C’est à cet égard que plus d’une fois j’ai parlé de l’Espagne, et de la nécessité de renouer nos relations commerciales avec ce pays, sur un pied plus convenable que celui sur lequel elles se trouvent dans ce moment. Car le commerce avec ce pays est à peu près impossible à cause des droits exorbitants qui frappent nos produits liniers.

Comme vous le savez, messieurs, un projet de convention avec l’Espagne a été conclu dans le temps ; c’est le projet Olozaga. Les événements qui ont eu lieu dans ce pays, les troubles auxquels il a été en proie, ont empêché peut-être qu’il fût donné suite à cette convention. Mais je crois que le gouvernement doit faire tous ses efforts pour amener le projet à bonne fin. Car, je le répète, messieurs, l’Espagne, qui a été pour vous un débouché considérable, est devenue un débouché presque nul. Je crois que, par des moyens diplomatiques, et surtout en employant les armes que nous avons entre les mains, et en ayant recours aux droits différentiels que nous avons votés dans la session précédente, il y aurait moyen d’amener ce pays à une convention équitable.

Je demande donc à M. le ministre des affaires étrangères, s’il n’y trouve pas d’inconvénients, de bien vouloir donner des explications sur la question qui lui a été adressée par la section centrale au nom de la section à laquelle j’appartenais.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Goblet d’Alviella) – Quand la section centrale m’a interrogé sur la question de savoir quels résultats nous avions obtenus de la mission de nos agents commerciaux en Espagne, j’ai cru qu’il s’agissait de la mission d’un agent qui est revenu en 1843, dans les premiers mois de mon ministère, et j’ai répondu dans ce sens.

Mais la section centrale m’a fait observer qu’il y avait eu une mission plus ancienne qui s’est terminée en 1841. Etant complètement étranger à cette mission, je me suis adressé à M. le ministre de l’intérieur qui, étant alors chargé des affaires commerciales, en a connu tous les détails. S’il a quelques éclaircissements à ajouter, il s’empressera, je pense, de vous les donner.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il a été plusieurs fois question dans cette enceinte de cette mission, qui est très-ancienne, et qui, je dois le dire, à été très-utile ; elle est antérieure au projet de convention qui a été conclu avec un homme d’Etat espagnol, qui était venu dans ce pays comme plénipotentiaire. Cette mission a été, entre autres, utile, parce qu’elle nous a fait mieux connaître la politique commerciale de l’Espagne et les projets qui existent dans ce pays en matière commerciale.

C’est tout ce que je puis dire sur cette mission qui, je le répète, a été très-bien remplie.

Il est à regretter que l’Espagne n’ait pas encore trouvé à l’intérieur ce point d’arrêt qui est nécessaire pour qu’on puisse s’occuper de questions commerciales. Le gouvernement a, en effet, tenté de renouer des relations commerciales avec l’Espagne, mais les événements qui s’y passent vous sont connus aussi bien qu’au gouvernement ; vous pouvez reconnaître par vous-mêmes l’impossibilité où l’on est de traiter en ce moment d’affaires commerciales avec ce pays. Dès que les événements à l’intérieur le permettront, le gouvernement s’empressera de renouer des négociations commerciales, soit en demandant l’approbation, par les cortès, de la convention, soit en proposant la conclusion d’une nouvelle convention. En attendant que cet heureux jour arrive, le gouvernement a recueilli tous les renseignements, et il sera prêt dès que le moment de négocier sera venu.

M. Manilius – J’ai demandé la parole sur une autre question ; elle est relative au tarif de nos consulats hors d’Europe.

Une maison de commerce très-respectable m’a remis le compte de vente d’une expédition de produits belges faite à Manille. Dans ce compte figure une taxe de 8 p.c. sur le total du produit, en faveur du consul. J’ai cherché vainement dans les tarifs qui sont à notre connaissance une semblable taxe. Je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères s’il y a eu une autorisation donnée à nos consuls pour prélever une taxe aussi exorbitante.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Goblet d’Alviella) – Messieurs, je n’ai pas sous les yeux les tarifs consulaires, mais j’ai bien de la peine à croire qu’un consul ait pu lever une taxe de 8 p.c. sur une cargaison ; cela ferait la somme énorme de 80,000 fr. sur une cargaison de 1,000,000. Il est impossible qu’un consul ait exigé une taxe pareille.

Je dois faire remarquer, messieurs, que nous sommes encore sous le régime des tarifs consulaires des Pays-Bas. Ces tarifs sont fort incomplets ; ils sont le résultat d’ordonnances successives qui laissent beaucoup de lacunes. Le gouvernement a reçu à ce sujet beaucoup de réclamations et il s’est empressé de s’occuper de la formation d’un nouveau tarif. Je puis annoncer que je serai à même de présenter le projet relatif à ce tarif dans le cours du présent mois.

M. Osy – Messieurs, je viens d’entendre ce que vous ont dit M. le ministre des affaires étrangères et M. le ministre de l'intérieur, sur nos relations avec l’Espagne.

Après l’adoption de la loi sur les droits différentiels, vous avez vu, messieurs, que nous avions immédiatement assimilé le pavillon américain au pavillon national pour les produits des Etats-Unis. Je demanderai au gouvernement s’il a fait des propositions dans le même sens au gouvernement espagnol.

Par suite des droits différentiels qui existent à la Havane et à Manille et qui vont jusqu’à 25 p.c., il nous est impossible d’y introduire des produits de notre industrie et de notre sol sous pavillon national. Nous sommes obligés d’envoyer ces produits par des navires espagnols, et il en vient rarement en Belgique.

Je demanderai donc au gouvernement s’il a fait quelques efforts pour faire cesser cet état de choses.

L’honorable M. Manilius vient de vous parler de droits exorbitants qui auraient été perçus par un consul. Je ne connais pas le cas spécial auquel il a fait allusion, mais M. le ministre doit se rappeler les réclamations incessantes qu’il a reçues de nos courtiers d’assurance relativement aux droits consulaires. Pour un navire qui s’est perdu dans la Méditerranée, on a fait à Constantinople des papiers d’avarie qui ont coûté 7,000 fr. aux assureurs. M. le ministre de l'intérieur qui a dans ses attributions les affaires commerciales et M. le ministre des affaires étrangères doivent se rappeler ce fait. Il est réellement exorbitant de voit comment les consulats se font payer le peu de services qu’ils rendent.

Je ferai remarquer, messieurs, qu’on a encore trouvé un moyen détourné d’augmenter le traitement de notre envoyé à Constantinople. Avant 1843 le pays ne payait pas les 7,000 francs qu’on nous demande aujourd’hui pour un drogman et pour la chancellerie ; ces 7,000 francs étaient pris sur le traitement. Mais le traitement qu’on accordait en 1843 était destiné à un ministre résident ; et on a trouvé bon de prendre un envoyé d’un grade plus élevé qu’on nomme ministre plénipotentiaire et envoyé extraordinaire.

Cependant, messieurs, ces 7,000 fr. qu’on nous fait payer pour un drogman et pour la chancellerie ne suffisent pas ; on soumet encore le commerce à des droits exorbitants.

J’insiste donc pour qu’on établisse, le plus promptement possible, un tarif pour les consuls. Je réclame ce tarif depuis quatre ans ; il est bien temps que le commerce sache à quoi s’en tenir.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, la question que l’honorable M. Osy a soulevée, quant au pavillon espagnol, est celle-ci, il me permettra de l’indiquer plus clairement, car elle est très-important.

L’Espagne maintient dans ses colonies, et notamment de celles que l’honorable membre a citées, des droits différentiels en faveur de son pavillon. Ces droits différentiels sont trop-élevés ; c’est-à-dire que l’Espagne maintient dans ses colonies à peu près son ancien régime colonial.

J’ai dit tout à l’heure pourquoi on n’avait pas encore pu renouveler les relations commerciales avec l’Espagne. Ce n’est pas à dire que le gouvernement ait négligé de saisir toutes les circonstances pour témoigner sa bonne volonté au gouvernement espagnol. Mais le gouvernement espagnol a été dans l’impossibilité de commencer des négociations.

Cependant, il ne faut pas se faire illusion quant à l’assimilation des pavillons dans les colonies espagnoles. Je crois que l’Espagne ne renoncera pas de longtemps à son système colonial. Elle aura tort peut-être, mais elle le maintiendra encore longtemps.

Je parle ici non-seulement d’après des renseignements écrits que nous avons reçus de Madrid, mais des conversations que j’ai eues avec des hommes politiques de l’Espagne, et notamment avec le négociateur signataire du traité du 25 octobre 1842. L’Espagne n’a pas renoncé à l’idée de refaire son ancienne marine, et de la refaire en maintenant tout son système de droits différentiels et tout son système colonial.

Néanmoins, une tentative pourra être faite, mais je prie l’honorable préopinant de ne pas se faire illusion sur cet espoir d’arriver à l’assimilation des pavillons. (Interruption.)

Ce qu’on voudrait, c’est l’assimilation des pavillons, ou un réduction assez forte pour rendre les colonies espagnoles très-accessibles au pavillon belge. Eh bien, ce sera une chose très-difficile à obtenir ; néanmoins le gouvernement a étudié la question, et lorsque le moment opportun sera (page 275) arrivé, nous ferons tous les efforts possibles pour arriver au but que se propose l’honorable préopinant.

- Personne ne demandant plus la parole sur l’ensemble du budget, la chambre passe à la discussion des articles.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Articles 1 et 2

« Art. 1. Traitement du ministre : fr. 21,000 »

- Adopté


« Art. 2. Traitements des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 62,000

- Adopté

Article 3

Art. 3. Frais des commissions d’examen : fr. 2,000

M. Devaux – Il s’agit ici, messieurs, de la commission instituée pour examiner les titres de ceux qui demandent à passer secrétaires d’ambassades ou secrétaires de légation. Je demanderai au gouvernement si son intention est de respecter l’arrêté qui établit ces examens ; je ne dis pas qu’il en soit autrement, mais si je ne me trompe pas, il a été fait une ou plusieurs exceptions à cet arrêté. Je crois, quant à moi, que cet examen est fort utile ; mais si l’on fait une seule exception à l’arrêté, cet arrêté n’existe plus, car une exception en amène nécessairement plusieurs autres ; la première année on fera une seule exception ; l’année suivante on en fera quatre ou cinq ; l’année suivante encore on en fera 10 ou 20, et ainsi au bout de quelques années l’arrêté ne recevra plus aucune espèce d’exécution.

Je crois, messieurs, je le répète, que cet examen est très-utile, surtout si la commission veut y apporter une certaine sévérité ; sous ce rapport, je crois qu’elle n’est pas allée au-delà de ce qu’elle devrait faire, mais que nous devons, au contraire, désirer de sa part une sévérité plus grande que celle dont elle a fait preuve jusqu’à présent.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Goblet d’Alviella) – Je crois, messieurs, que ce que vient de dire l’honorable préopinant se rapporte à une personne qui avait été antérieurement employée dans le corps diplomatique et qui, par des circonstances particulières auxquelles il convenait d’avoir égard, a manifesté le désir de rester dans la même carrière, aussi longtemps que le chef de la légation à laquelle elle était attachée conserverait ses fonctions. Le titre qui lui a été donné est purement honorifique et ne lui donne point rang dans le corps diplomatique, c’est un titre momentané qui ne lésera pas les autres attachés à la légation, puisque l’ancienneté de l’agent qui le porte est supérieure à celle de ses collègues.

M. Devaux – C’est donc un titre qui ne donne ni traitement ni rang ?

M. le ministre des affaires étrangères (M. Goblet d’Alviella) – Ni traitement, ni rang.

M. Devaux – C’est un singulier titre.

- L’article est mis aux voix et adopté.

Article 4

Art. 4. Pensions à accorder à des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 12,800

- Adopté.

Article 5

Art. 5. Matériel : fr. 32,000

M. Verhaegen – Tous les ans, messieurs, nous voyons figurer à cet article une somme assez forte pour des publications faites à l’étranger ; je voudrais obtenir à cet égard quelques explications. Si, par exemple, ces sommes étaient destinées à payer l’insertion d’articles comme ceux que nous avons vu naguère dans les journaux allemands et dans les journaux français, articles laudatifs du ministère, et où il était porté plus ou moins atteinte à la dignité de la chambre tout entière, alors je m’opposerais de toutes mes forces à l’allocation demandée. Je désire obtenir à cet égard une observation.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Goblet d’Alviella) – Dans tous les articles que nous avons fait publier par la presse étrangère, il ne s’est jamais agi de questions de personnes ; on n’y a jamais traité que des affaires positives, des affaires commerciales ; on a fait des efforts pour éclairer l’opinion dans les pays étrangers, sur l’intérêt que ces pays pouvaient avoir à conclure avec la Belgique tel ou tel arrangement ; mais on ne s’est jamais occupé du genre d’articles dont vient de parler l’honorable préopinant.

- L’article est mis aux voix et adopté.

Article 6

Art. 6. Achat de décorations de l’ordre de Léopold : fr. 10,000

-Adopté.

Chapitre II. Traitements des agents politiques

Articles 1 à 17

« Art. 1. Autriche : fr. 40,000


« Art. 2. Confédération Germanique : fr. 40,000


« Art. 3. France : fr. 60,000


« Art. 4. Grande-Bretagne : fr. 80,000


« Art. 5. Pays-Bas : fr. 50,000


“Art. 6. Italie : fr. 40,000


“Art. 7. Prusse : fr. 50,000


“Art. 8. Turquie : fr. 40,000


« Art. 9. Brésil : fr. 21,000


« Art. 10. Danemark : fr. 15,000


« Art. 11. Espagne : fr. 15,000


« Art. 12. Etats-Unis : fr. 15,000


« Art. 13. Grèce : fr. 25,500


« Art. 14. Hanovre, villes libres et Anséatiques de Hambourg, Brème et Lubeck : fr. 15,000


« Art. 15. Portugal : fr. 15,000


« Art. 16. Sardaigne : fr. 15,000


« Art. 17. Suède : fr. 15,000 »


- Ces articles sont successivement adoptés sans discussion.

Chapitre III. Traitement des agents consulaires

Article unique

« Article unique. Traitement des agents consulaires et indemnités à quelques agents non rétribués : fr. 110,000 »

M. Osy – Messieurs, je vote avec grand plaisir le crédit porté à cet article parce que, bien réparti, il pourra être très-utile à l’industrie et au commerce ; mais je crois qu’il y a de grandes réformes à opérer sous ce rapport. Je ne veux pas entrer dans des détails à cet égard, mais j’appelle toute l’attention du gouvernement sur la question de savoir si cette somme ne pourrait pas être employée de manière à procurer beaucoup plus d’avantages au pays qu’elle n’en procure actuellement. Déjà l’année dernière, j’ai parlé d’un consul général qui avait parfaitement rempli la mission dont il avait été chargé ; j’ai insisté sur la nécessité d’envoyer de nouveau ce consul dans un poste où il pût rendre des services ; cependant il est toujours à Bruxelles, bien qu’il désire lui-même se rendre utile au pays. Le gouvernement a malheureusement des idées de colonisation, que j’appelle des chimères ; je voudrais qu’il laissât ces entreprises aux particuliers, et qu’il ne s’en mêlât point ; le gouvernement ferait beaucoup mieux d’employer d’une manière vraiment utile les sommes qui sont portées au budget. Je l’engage vivement, pour ma part, à examiner la situation de différents consulats et à ne pas laisser dans l’inaction des personnes qui peuvent rendre des services, et qui ne demandent pas mieux que de le faire.

M. Lys – Messieurs, dès l’année dernière, j’ai appelé l’attention de M. le ministre des affaires étrangères sur le classement des consuls rétribués et des consuls non rétribués. J’aurai désiré que, dans les grands centres commerciaux, dans les pays lointains, on établit des consuls rétribués.

Vous savez tous, messieurs, qu’il existe une différence immense entre les consuls rétribués et les consuls non rétribués ; vous savez que les fonctions de consul non rétribué sont, en quelques sorte, des places d’honneur que les négociants ou les commis-négociants sollicitent pour inspirer la confiance.

Vous savez tous que lorsqu’ils sont consuls non rétribués, ils peuvent exercer le commerce, soit pour leur propre compte, soit pour le compte des maisons dont ils sont les représentants. Ainsi, l’intérêt général n’est, dans cette circonstance, qu’un intérêt tout à fait secondaire ; le premier intérêt du consul non rétribué, c’est de soigner ses affaires ou les affaires des maisons qui l’emploient. Il est même vrai de dire que souvent le consul non rétribué, mû par son intérêt ou par l’intérêt des maisons dont il fait les affaires, devient pour ainsi dire l’ennemi des autres maisons de commerce, parce qu’elles ne se servent point de son intermédiaire pour le placement de leurs marchandises ; dans tous les cas, les affaires générales ne sont que l’accessoire.

Il est donc essentiel d’avoir, dans certains pays, des consuls rétribués au lieu de consuls non rétribués. Cependant, depuis l’année dernière, où j’ai fait des observations à cet égard, il n’a été apporté aucun changement à l’état de choses dont je me plaignais. J’aime à croire que M. le ministre des affaires étrangères ne se laisse pas guider dans cette affaire par des considérations de personnes ; car il s’agit ici des intérêts du commerce et de l’industrie : lorsqu’on établit des consuls non rétribués là où il faudrait des consuls rétribués, c’est un tort que l’on fait aux intérêts généraux pour favoriser l’intérêt particulier.

Un consul rétribué fait des explorations dans les pays dépendant de son consulat et même dans les pays voisins, et par là il se rend très-utile au commerce ; il adresse des rapports, qui, par l’intermédiaire du gouvernement, parviennent aux chambres de commerce que ces documents intéressent. Je crois que le consul belge à Singapore est peut-être le seul employé d’un gouvernement d’Europe, qui le premier soit entré en Chine ; et si je ne me trompe, M. le ministre des affaires étrangères doit avoir reçu de cet agent un rapport depuis peu de temps. Je lui demanderai si ce rapport a été adressé à la chambre de commerce que la chose peut concerner, car tout ce qui vient de ce consulat doit être fort intéressant, et particulièrement pour l’industrie du district de Verviers. Obtenir des renseignements positifs sur les besoins de cette contrée, sur le genre de fabricats qui y sont recherchés, sur ceux qui y sont préférés, peut être chose fort utile ; ils servent même à diriger le manufacturier dans la manière de confectionner la marchandise, d’après le goût du pays auquel elle est destinée.

Je n’entends pas soutenir, messieurs, qu’il n’y ait pas eu de consuls non rétribués, qui aient été utiles au pays, mais je me borne à soutenir que ce sont là des exceptions, car leur premier devoir est de faire les affaires des maisons qui les ont établis dans ces contrées lointaines, et de là il s’ensuit que l’intérêt général devient toujours l’accessoire et jamais le principal.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Goblet d’Alviella) – Les observations de l’honorable préopinant sont fort justes. Mais si nous n’avons pas plus de consuls rétribués, c’est que les fonds destinés à cette branche du service ne sont pas suffisants. Je m’occupe avec M. le ministre de l'intérieur d’une nouvelle répartition des consuls rétribués, et si l’étude que nous faisons de cet objet, nous démontre la nécessité d’augmenter le nombre des consuls rétribués, le gouvernement pourra alors faire une demande de fonds à la chambre.

Je ne puis que confirmer ce qu’a dit l’honorable M. Lys, relativement au consul belge à Singapore ; j’ai reçu de cet agent un excellent rapport ; je l’ai transmis à M. le ministre de l'intérieur, par l’intermédiaire duquel les (page 276) rapports sont ordinairement envoyés aux chambres de commerce. Je présume que celui dont il s’agit a suivi la même voie que tous les autres.

M. Cogels – Messieurs, je suis charmé d’apprendre que le gouvernement s’occupe du remaniement de nos consulats. Je ne me suis jamais opposé aux crédits demandés pour nos consuls ; au contraire, j’ai appuyé et voté les majorations qui nous ont été demandées dans des budgets précédents. Mais j’ai toujours eu occasion de faire quelques observations sur la répartition du crédit. J’ai parlé spécialement d’un consul rétribué qui absorbe à lui seul le quart du crédit que nous accordons ; c’est le consul de Lima.

La somme qui est allouée à ce consul n’est pas trop forte, si l’on considère la cherté de la vie à Lima. Mais si l’on a égard, d’un autre côté, à la parfaite inutilité de ce consulat, on reconnaîtra qu’on peut sans inconvénient supprimer cette place de consul, et qu’on fera une chose bien plus utile, en répartissant les 25,000 francs attachés à cette place, entre quatre ou cinq nouveaux consuls.

Je ne crois pas que depuis 1830 trois navires belges aient touché à Lima. D’après l’état actuel de nos relations commerciales, et même d’après ce que nous pouvons espérer pour l’avenir, il n’est pas probable que le commerce belge ait jamais des rapports très-suivis avec le Pérou.

Je recommande donc cet objet à l’attention du gouvernement, car je crois que les 25,000 francs affectés à la place de consul à Lima, forment une dépense complètement inutile.

M. David – M. le ministre des affaires étrangères nous a, à la vérité, appris qu’il avait reçu un rapport de M. Moxhet, notre consul à Singapore, et qu’il avait transmis ce document à M. le ministre de l'intérieur ; mais l’honorable M. Lys avait demandé aussi qu’un mémoire aussi intéressant fût communiqué le plus promptement possible à la chambre de commerce que la chose pouvait intéresser. Je prie donc M. le ministre de l'intérieur de nous dire ce qu’il a fait du rapport de M. Moxhet, et s’il se propose de le publier.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Ce rapport m’a été, en effet, transmis par M. le ministre des affaires étrangères, comme tous les autres documents du même genre ; et probablement à l’heure qu’il est, si l’examen en est achevé dans mes bureaux, est-il envoyé en communication à une chambre de commerce, pour être ensuite adressé successivement à toutes les autres chambres de commerce que le rapport pourrait intéresser.

Quant à la publication même du rapport, est-il de l’intérêt du pays qu’elle ait lieu ? Je ne le crois pas, surtout à en juger par les sollicitations dont nous sommes l’objet de la part de gouvernements étrangers. En effet, beaucoup de gouvernements étrangers nous ont fait l’honneur de s’adresser à nous pour obtenir communication des rapports de quelques-uns de nos consuls.

La publication des documents de ce genre ne peut être faite que dans les cas où elle ne donnerait lieu à aucun inconvénient. En règle générale, on doit se borner à communiquer les rapports commerciaux manuscrits aux chambres de commerce.

L’honorable M. Cogels a contesté l’utilité d’un consulat à Lima. Il faut vous rappeler, messieurs, que cette mission consulaire avait principalement pour objet l’exploration de cette partie de l’Amérique méridionale, exploration qui est faite aujourd’hui.

Reste une autre question, celle de savoir s’il ne faut pas un consul à résidence fixe sur un des points de la côte occidentale de l’Amérique du Sud. Je crois que déjà nous pouvons dire qu’il faut un consul à résidence fixe sur cette côte, et cette résidence ne serait pas Lima, mais Valparaiso.

Je ne m’associe pas à toutes les observations qui ont été faites sur l’inutilité de certains consulats. Il y, a des résidences où il faut des consuls d’une manière permanente, et il faudrait même qu’ils fussent rétribués. Il y a d’autres parages où il faut plutôt des missions consulaires momentanées pour faire des explorations. Le gouvernement a renoncé, quant à présent, au consulat-général rétribué d’Alexandrie. Cependant, il ne peut pas prendre d’engagement définitif sur ce point. Nous ne contestons nullement la capacité du consul qui s’y trouve maintenant et qui n’est pas rétribué ; mais je vais faire une observation qui ne doit avoir rien de désobligeant pour personne : si un consul devenait simplement un agent de quelques maisons en Europe, procurant ainsi à ces maisons une sorte de monopole, la question se présenterait de savoir s’il ne vaudrait pas mieux avoir, à Alexandrie, par exemple, un consul rétribué, à qui tout commerce serait interdit et qui se trouverait dans une position entièrement indépendante vis-à-vis de toutes les maisons en Europe. C’est n’est qu’une hypothèse que je fais. C’est ainsi que des maisons de Verviers se sont adressées au gouvernement pour qu’on nommât un consul rétribué à New-York, parce que le consul non rétribué à New-York est, selon les réclamants, l’agent exclusif de certaines maisons.

Vous voyez donc, messieurs, qu’un consul rétribué peut quelquefois être nécessaire dans une résidence importante, si l’on veut y avoir un agent qui soit dans une position plus impartiale vis-à-vis du commerce belge.

Je reconnais cependant, qu’en règle générale, le grand but des consulats, c’est l’exploration des contrées lointaines ; et, sous ce rapport, il faut admettre une certaine mobilité dans la résidence des consuls. C’est aussi dans ce sens que le gouvernement a toujours examiné la question. Lorsque l’Asie Mineure s’est trouvée explorée, on n’a pas hésité à regarder le poste de Smyrne comme momentanément inutile. La loi des droits différentiels a aussi donné un nouveau caractère d’importance à certains points qui ont pu attirer moins l’attention jusqu’ici. Toutes ces considérations doivent engager le gouvernement à faire de nouvelles répartitions des consuls, sans perdre de vue cependant que quelquefois la présence d’un consul rétribué sur un point donné est une garantie pour le commerce belge.

M. David – Si j’ai bien entendu M. le ministre de l'intérieur, le rapport de M. le consul Moxhet a été communiqué à une chambre de commerce du pays. L’auteur du rapport s’étant principalement occupé de la branche de la draperie, je suis étonné qu’on n’a pas fait cette première communication à la chambre de commerce de Verviers.

M. le ministre de l'intérieur m’a paru douter ensuite si ce rapport peut ou ne peut pas être communiqué…

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je vous demande pardon ; vous aviez parlé de « publication », et j’ai dit que cette publication pouvait offrir des inconvénients.

M. David – D’après ce que nous a appris M. le ministre de l'intérieur, des gouvernement étrangers ont demandé communication des rapports de nos consuls. Le pays doit aller, je pense, avant tout ; et si l’on n’a pas cru devoir communiquer ces documents à l’étranger, on ne devrait pas du moins s’abstenir de les communiquer à la Belgique.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je m’assurerai dans les vingt-quatre heures où est actuellement ce rapport ; peut-être est-il encore dans les bureaux de mon département, ; où l’on doit aussi en prendre connaissance. Et si, comme le suppose l’honorable M. David, le rapport intéresse particulièrement l’industrie drapière, il est juste d’accorder la priorité à la chambre de commerce de Verviers, qui est le siège de cette industrie.

M. Dumortier – Messieurs, je partage l’opinion de M. le ministre de l'intérieur. Il faut laisser de la latitude au gouvernement, en matière d’agents commerciaux. Il faut indispensablement qu’on puisse faire aller certains de ces agents d’un pays à l’autre ; mais faut-il pour cela placer des agents commerciaux dans des localités où nous n’avons aucun commerce ? Je ne puis le croire. Ainsi une somme de 25,000 fr. est payée, depuis 10 ans, pour un consul à Lima. Déjà, il y a plusieurs années, j’ai eu l’honneur de faire observer à la chambre, qu’il n’était pas nécessaire d’avoir un consul dans un pays avec lequel nous n’avions pas et ne pouvions pas avoir de commerce, vu le petit nombre de nos vaisseaux. Voilà dix ans que ce consul est établi à Lima ; il a donc touché, sur le trésor public, 250,000 fr. Or, savez-vous, messieurs, combien de navires sont partis d’Anvers pour Lima dans cet intervalle ? Un seul navire, la Flora, d’après ce que vient de m’affirmer un honorable collègue, député d’Anvers. Ainsi, pour faciliter peut-être les opérations d’un navire qui est allé une fois à Lima, nous avons dépensé 250,000 fr., c’est-à-dire beaucoup plus que la valeur de la cargaison.

Vous conviendrez que cela n’est pas justifiable. En réalité il ne peut y avoir des agents rétribués que dans les localités où le commerce à une importance sérieuse, où il y a des intérêts majeurs à traiter. Dans d’autres localités où 10 ou 20 navires au plus ont paru en dix ans, je serai toujours d’avis qu’un consul pur et simple suffit. Nous ne devons avoir des agents rétribués que là où nous avons des relations commerciales actives. Le gouvernement hollandais n’avait que de simples agents commerciaux, et cependant le commerce hollandais était bien autrement florissant que le nôtre, puisqu’ils réunissait les affaires de la Belgique et celles de la Hollande.

La Hollande n’avait que cinq agents commerciaux rétribués, et nous en avons dans des lieux où peu ou point de navires belges se rencontrent. Il me semble qu’au lieu d’avoir des consuls rétribués, il serait plus sage d’établir des comptoirs dans les contrées transatlantiques, où des jeunes gens, appartenant à nos principales maisons de commerce, feraient le commerce des fabricats nationaux. Il y aurait à cela un plus grand avantage qu’à avoir des consuls rétribués, qui font un ou deux rapports par an et qui coûtent à l’Etat, sans lui rendre de services réels.

Un député d’Anvers a fait allusion à notre agent du corps diplomatique à Alexandrie. Je suis d’accord avec lui sur l’importance de cette mission ; c’est certainement une des plus importantes dans les Echelles du Levant, et ceux d’entre nos collègues qui connaissent comme moi l’honorable agent diplomatique à qui elle est confiée, peuvent rendre témoignage de sa haute capacité, de la supériorité de son intelligence et des services qu’il a rendus au pays au péril de ses jours ; je suis d’avis que le gouvernement doit se hâter d’utiliser le talent de cet agent distingué. M. le ministre me fait un signe affirmatif, je n’ajouterai donc rien de plus ; mais j’ajouterai que ses projets de colonisation me paraissent très-importants, et dignes de la plus sérieuse attention. Pour le présent, je me borne à l’observation que j’ai faite relativement aux agents rétribués ; il ne faut en avoir que là où nous avons un commercer réel.

Quant à Lima, je ne vois pas la nécessité de dépenser 250 mille fr. pour voir passer un navire en dix ans ; il n’en faut pas davantage à Valparaiso. Il n’y a pas assez de navires qui fréquentent l’océan Pacifique pour avoir un agent rétribué dans ces parages. Sans doute, il faut avoir un agent, mais beaucoup de négociants étrangers qui habitent des ports de l’océan Pacifique accepteraient volontiers les fonctions de consul pour avoir dans le lieu de leur résidence une position officielle qui ne coûte rien à l’Etat, et le service est fait. La Belgique a une marine peu considérable, de sorte que nous ne pouvons pas espérer une grande activité de relations avec l’océan Pacifique et les grandes Indes au moyen de nos navires. Mais nous pouvons en établir avec l’océan Atlantique, parce qu’un navire pourrait en un an y faire deux ou trois voyages, tandis qu’il n’en ferait qu’un s’il devait doubler le cap Horn ou le cap de Bonne-espérance. C’est sur ce point que nous devons diriger nos vues, parce qu’en multipliant les services, nous pourrons multiplier nos relations.

Je crois donc qu’il serait aussi inutile d’avoir un agent à 25,000 fr. à Valparaiso (page 277) qu’à Lima, et que mieux vaudrait emploi ce crédit à payer des agents belges soit dans l’Atlantique, soit dans la Méditerranée où nos rapports commerciaux sont plus fréquents. Je ne propose pas de réduction, mais j’appelle toute l’attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les observations que je viens de présenter.

M. de Brouckere – Je ne nie pas l’exactitude du fait allégué par les honorables préopinants, qu’un seul bâtiment belge se serait rendu à Lima. Mais si mes renseignements sont exacts, le consul de Lima n’est pas resté là à poste fixe, il a fait de fréquentes excursions dans les régions qui l’entourent. Je puis ajouter qu’il a transmis au gouvernement des renseignements très-circonstanciés sur le commerce du Pérou et les affaires que la Belgique pourrait avoir avec ce pays. Cet agent n’a donc pas touché ses appointements sans rendre de services. Je laisse au gouvernement le soin de décider s’il faut laisser à Lima ou à Valparaiso un agent consulaire avec ces appointements. Mais je dois dire qu’à Lima il est impossible d’avoir un agent rétribué avec des appointements moindres, car c’est à peine si un consul peut y exister avec 25,000 fr.

- L’article unique est mis aux voix et adopté.

Chapitre IV

« Article unique. Frais de voyage des agents du service extérieur et de l’administration centrale ; frais de courriers, estafettes, courses diverses : fr. 70,000. »

M. Osy propose de réduire ce chiffre à 55,000 fr.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Goblet d’Alviella) – Je ne puis me rallier à cet amendement. J’ai promis d’introduire une réforme dan cette dépense.

- Le chiffre du gouvernement est mis aux voix ; il est adopté.

Chapitre V. Frais à rembourser

Article unique

« Article unique. Frais à rembourser aux agents du service extérieur : fr. 75,000 »

- Adopté.

Chapitre VI<. Missions extraordinaires, agents en inactivité, dépenses imprévues

Article unique

« Article unique. Missions extraordinaires, traitements d’agents politiques et consulaires en inactivité et dépenses imprévues »

Le gouvernement avait demandé 50,000 fr.

La section centrale a proposé de réduire le chiffre à 40,000 fr.

Le gouvernement s’est rallié à cet amendement.

L’article unique du chapitre VI, réduit à 40,000 fr. est mis aux voix et adopté.

Vote des articles et sur l'ensemble du projet

M. le président - Nous passons au texte de la loi.

« Le budget du département des affaires étrangères pour l’exercice 1845 est fixé à la somme de 986,300 fr., conformément au tableau ci-annexé.

La présente loi est obligatoire le 1er janvier 1845. »


Comme il n’y a pas eu d’amendements, il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du budget.

En voici le résultat :

62 membres répondent à l’appel.

61 membres ont répondu oui.

1 membre (M. Castiau) a répondu non.

En conséquence, la chambre adopte le projet de loi.

Il sera transmis au sénat.

Ont répondu oui : MM. Osy, Pirmez, Savart-Martel, Sigart, Simons, Smits, Thyrion, Troye, Vanden Eynde, Van Volxem, Verwilghen, Cogels, Coghen, Coppieters, David, de Brouckere, de Corswarem, Dedecker, de Florisone, de Garcia de la Vega, de Haerne, d’Elhoungne, de Man d’Attenrode, de Meer de Mortel, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Renesse, de Roo, de Saegher ; de Sécus, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, Donny, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Goblet, Henot, Huveners, Kervyn, Lejeune, Lesoinne, Lys, Maertens, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts et Liedts.

La séance est levée à 4 heures ¾.