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d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du mercredi 12 juin 1844
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétitions relatives aux droits
d’entrée sur les foins (Scheyven), à la loi sur les
droits différentiels (Osy, Nothomb,
Rogier), à l’impôt sur le tabac (de
Haerne)
2)
Motion d’ordre relative aux travaux arriérés de la chambre (codes civil, pénal
et de commerce et/ou traitements de la magistrature) (Savart-Martel,
d’Anethan, de Garcia)
3)
Projet de loi sur les tabacs (Mercier, Desmet, Mercier, Mercier,
Desmet, Lys, de
Mérode, (+équilibre des budgets) (Dumortier, Mercier, Dumortier, Mercier, de Garcia, Dumortier, de Mérode, Malou, Mercier, de
Mérode), Delehaye, Mercier,
Lys, Dumortier, Eloy
de Burdinne, Malou)
(Moniteur
belge n°165, du 13 juin 1844)
(Présidence de M.
Liedts.)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à midi et demi.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La rédaction est
approuvée.
M. de Renesse rend compte de la pétition suivante :
« Les membres du conseil communal de Waelhem demandent que les foins importés en Belgique par le
littoral ou la frontière hollandaise soient soumis au droit de 10 fr. les 1,000
kil.
M. Scheyven. - Conformément à ce qui s’est pratiqué lorsque des pétitions de cette
nature vous ont encore été adressées, je demande le renvoi à la commission
d’industrie. Les pétitionnaires se plaignent de l’augmentation considérable que
l’importation de foin a éprouvée surtout du côté de
Il est donc urgent qu’une mesure, en
faveur de la culture des herbages soit prise.
- La proposition de M. Scheyven est
mise aux voix et adoptée.
________________________
« Le sieur Verstraete-Lycke demande une modification au § 16 de l’art. 32 de la
loi du 27 juin 1842 sur les distilleries. »
- Renvoi la commission des pétitions.
________________________
« Le sieur Coulon,
capitaine pensionné, réclame l’intervention de la chambre pour qu’il soit donne
suite à sa réclamation qui a été renvoyée au département de la guerre. »
- Même renvoi.
« Un grand nombre d’armateurs,
négociants, industriels et courtiers de la ville d’Anvers demandent
l’ajournement de la loi sur les droits différentiels. »
M. Osy. - Messieurs, celle pétition du commerce d’Anvers a été signée hier,
lorsqu’on ignorait si la chambre se serait prononcée hier ou aujourd’hui sur la
loi relative aux droits différentiels. Le commerce d’Anvers déclare adhérer
entièrement à l’opinion exprimée par la chambre de commerce d’Anvers, dans la
pièce que j’ai déposée la semaine dernière. Je conviens que, pour le moment, la
chambre n’a pas un grand intérêt à connaître la pétition ; mais, comme il
serait possible que la loi nous fût renvoyée, amendée par le sénat, je demande
qu’il soit donné lecture de la pétition, qui est très courte. Je demanderai, en
outre, le dépôt au bureau des renseignements et l’impression au Moniteur.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Si, comme je le pense, la demande
de l’insertion au Moniteur est faite
uniquement dans un intérêt de publicité, je crois que nous pouvons y consentir.
Mais si la motion de l’honorable membre avait pour objet une protestation
contre le vote d’hier…
M. Osy. - Non, non.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Dans ce cas, je ne vois pas de
difficulté à ce que l’impression soit ordonnée. Mais s’il en avait été
autrement, j’aurais demandé l’ordre du jour.
M. Osy. - C’est loin d’être une protestation. C’est une pétition très motivée
et conçue en termes fort modérés : Si l’on voulait en donner lecture, la
chambre verrait qu’il ne s’agit nullement d’une protestation.
Plusieurs membres. - C’est inutile.
M. Osy. - J’insiste pour l’insertion au Moniteur.
M.
Rogier.
- Avec les signatures.
-
La chambre décide que la pétition avec les signatures, sera insérée au Moniteur.
« Les
fabricants de tabac de Courtray et d’Harlebeke
présentent des observations contre le projet de la loi sur les tabacs. »
M. de
Haerne. - Messieurs, les pétitionnaires font ressortir tout le préjudice qui
résulterait de l’adoption du projet de la section centrale pour la culture, la
fabrication et le commerce des tabacs. Comme cet objet est à l’ordre du jour,
je demanderai qu’il soit donné lecture
de la pétition et qu’elle soit ensuite déposée sur le bureau pendant la
discussion.
-
Cette proposition est adoptée.
M. de
Renesse, secrétaire, donne lecture de la pétition qui est ainsi conçue :
(Le Moniteur reprend ensuite le texte de la
pétition des négociants d’Anvers, texte non repris dans cette version numérisée.)
_______________________
« Les
médecins, chirurgiens ou accoucheurs établis dans le canton de Wavre, demandent
l’abolition de l’impôt patente auquel sont assujettis ceux qui exercent l’une
des branches de l’art de guérir. »
-
Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le projet de loi sur les
patentes.
M.
Savart-Martel. - Hier, messieurs, j’ai fait une motion concernant quelques
lois dont la discussion me paraissait urgente. La chambre a pensé qu’il ne
fallait pas s’occuper de cet objet avant l’arrivée de M. le ministre de la
justice. M. le ministre étant maintenant présent, je lui demanderai s’il a
quelque chose à répondre aux observations que j’ai eu l’honneur de présenter
hier.
M. le ministre de la justice (M.
d’Anethan) - Je regrette, messieurs, de ne pas m’être trouvé ici
au commencement de la séance d’hier, lorsque l’honorable M. Savart a parlé de
différentes lois, ressortissant au département de la justice, dont il désirait
que la discussion eût lieu le plus tôt possible. Je demanderai la permission de
répondre quelques mots aux questions faites hier par l’honorable M. Savart.
L’honorable membre a parlé d’abord de l’art. 442 du code de commerce qui exige
une loi interprétative attendue depuis longtemps ; je désire, comme l’honorable
M. Savart, que cette loi interprétative soit discutée le plus tôt possible ;
mais la chambre sait que le rapport n’est fait que depuis quelques jours, et
qu’il n’est pas encore imprimé. Du reste, je déclare que je suis prêt à
soutenir la discussion, dès que la chambre pourra l’aborder.
J’en
dirai autant de la loi interprétative de l’art. 821 du code civil. Le rapport
n’est pas encore fait, et je suis également prêt à soutenir la discussion quant
elle se présentera.
Une
loi vous a été présentée, messieurs, pour combler une lacune qui existe dans le
code pénal, par suite de l’interprétation donnée à l’article 334 de ce code. Je
fais aussi des vœux pour que la discussion de cette loi puisse avoir lieu au
plus tôt. Il est urgent de combler cette lacune dont je viens de parler ; il
serait même dangereux de la laisser subsister pendant un temps plus ou moins
long. La commission qui a été chargée d’examiner le projet, doit m’appeler dans
son sein l’un des premiers jours de la semaine prochaine, à l’effet d’obtenir
quelques explications. Je me rendrai au vœu de la commission, dès qu’elle aura
fixé le jour où elle désirera m’entendre ; je lui donnerai tous les
renseignements qu’elle pourra désirer.
L’honorable
M. Savart a parlé de l’augmentation des traitements de l’ordre judiciaire. Je
n’ai pas besoin de répéter ce que j’ai déjà dit à différentes reprises sur le
désir que j’éprouve de voir améliorer le sort de la magistrature ; mais les
raisons que j’ai données il y a quelque temps, à l’honorable M. de Garcia, qui
demandait la mise à l’ordre du jour de la loi relative à l’ordre judiciaire,
ces raisons subsistent encore et aussi longtemps qu’elles subsisteront, est
impossible de demander la mise à l’ordre du jour de cette loi.
L’honorable M. Savart a terminé en parlant de la nécessité de
présenter une loi sur la contrainte par corps ; il a déclaré que si le
gouvernement ne présentait pas une loi semblable, il userait de son initiative
et en présenterait une. L’honorable membre a mentionné la contrainte par corps
en matière commerciale et en matière civile, mais il existe également une
contrainte par corps en matière de répression, qui devrait aussi faire l’objet
d une nouvelle loi. Il y a donc trois points à régler : la contrainte par corps
en matière commerciale, la contrainte par corps en matière civile et la
contrainte par corps en matière de répression, c’est-à-dire pour le
recouvrement des faits de justice et des amendes. Je m’occupe de cet objet, et
un projet de loi sera présenté dans le cours de la prochaine session. Il m’est
impossible d’entrer maintenant dans l’examen des principes d’après lesquels
l’honorable M. Savart pense que la loi devra être faite. Nous tâcherons, autant
que possible, de concilier le respect dû à la liberté individuelle avec la garantie
et la protection qu’il convient d’assurer aux contractants de bonne foi.
M.
de Garcia. - Messieurs, l’honorable ministre de la justice vient de
faire allusion à une réponse qu’il m’avait adressée au commencement de la
présente session. Je crois que cette réponse n’est plus aussi applicable
aujourd’hui qu’elle l’était alors, Car depuis cette époque la situation de nos
finances s’est améliorée par suite de l’adoption de différentes lois. Nous
citerons d’abord la loi sur les droits différentiels, qui n’est pas encore à la
vérité adoptée par le sénat, mais qui est destinée à améliorer la situation du
trésor, auquel elle procurera une somme annuelle, qu’on peut évaluer à près
d’un million.
D’autres
ressources ont été données au trésor par la loi de conversion de l’emprunt,
ressource nouvelles qu’on peut évaluer à un million et demi. Je pense donc que
si nos travaux nous le permettaient, rien ne s’opposerait à la mise immédiate à
l’ordre du jour du projet de loi relatif à la magistrature. Je ne présume pas
que cela puisse avoir lieu avant que la chambre ne se sépare. Tout dépendra
cependant de la mesure que prendra le gouvernement de clore la session ou de la
suspendre. S’il adoptait ce dernier parti, je demanderais que le projet fût mis
à l’ordre du jour aussitôt la rentrée de la chambre.
Messieurs,
je n’ai pas bien compris M. le ministre de la justice en ce qui concerne
l’interprétation de l’art. 442 du code de commerce. La loi relative à cette
interprétation est de la plus grande urgence ; car ainsi que je n’ai cessé de
le répéter, il y a sous ce rapport un véritable déni de justice. Depuis dix à
douze ans il est impossible de liquider une faillite. Je ne sais pas pourquoi
les créanciers ne font pas entendre leur voix alors que tant d’intérêts divers
ne cessent de nous faire parvenir des pétitions. Quant à moi, je connais des
faillites ouvertes depuis un temps infini et où les créanciers ne peuvent pas
toucher leur dividende.
J’insiste
pour que le projet de loi soit mis à l’ordre du jour le plus tôt possible.
Discussion
générale
M. le président. - L’ordre du jour appelle
la discussion du projet de loi sur les tabacs. Le gouvernement s’étant rallié
au projet de la section centrale, c’est sur ce projet que la discussion est
ouverte.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - M. le président, vous
venez de dire que le gouvernement s’est rallié au projet de la section
centrale. Cela est vrai pour tous les points, sauf un seul, celui qui concerne
le droit sur le débit ; du reste, je consens à ce que la discussion s’établisse
sur le projet de la section centrale.
Messieurs,
lorsque j’ai présenté à la chambre le projet qui est en discussion, je n’ignorais
pas que les lois destinées à créer de nouveaux impôts sont toujours accueillies
avec défaveur ; je savais avec quelle incessante activité, avec quelle énergie,
je dirai même avec quelle violence, les intérêts privés se font entendre en
pareille circonstance, et, bien que j’eusse été encouragé par des voix
nombreuses qui, chaque année, se sont élevées dans cette enceinte, dans le
sénat et dans presque tout le pays, pour designer le tabac comme un objet
essentiellement imposable, comme devant fournir des ressources considérables au
trésor, je ne me suis pas dissimulé cependant tout ce qu’il y aurait de
difficile et de pénible dans la tâche que j’allais entreprendre. Si j’avais
écouté tout autre sentiment que celui de mon devoir envers le pays, j’aurais
reculé devant son accomplissement. Mais j’ai entrepris cette tâche parce que je
suis tellement pénétré des dangers qui doivent résulter pour l’Etat du
renouvellement annuel des déficits, qu’aussi longtemps que je siégerai dans
cette enceinte, soit comme ministre, soit comme député, je poursuivrai ce but
dont nous ne sommes déjà plus fort éloignés aujourd’hui, mais que nous avons
trop tardé peut-être à atteindre, j’entends parler du parfait équilibre dans
nos finances.
Si
je ne puis compter sur une bienveillance unanime dans cette discussion, je
demande du moins que le projet de loi soit examiné sans prévention, avec
impartialité ; non sous la préoccupation de quelques intérêts privés, sous
l’influence de nombreuses obsessions, mais au point de vue de l’intérêt public
et des nécessités gouvernementales.
Je
me présente dans cette discussion d’accord avec les sections de la chambre et
avec la section centrale. La majorité des sections adopte les bases du projet
de loi, sauf certaines modifications qui ont été indiquées quant aux
formalités. La section centrale a partagé en général l’avis des sections ; elle
a renouvelé les observations de ces dernières, sur quelques formalités du
projet de loi ; le gouvernement a eu égard à ces observations et il a écarté du
projet toutes les formalités qu’on avait considérées comme trop gênantes. C’est
pour cela que je déclare que je viens dans ce débat, appuyé de l’opinion des
sections et d’accord avec la commission centrale, sauf en ce qui concerne le
droit de débit. J’aime à croire qu’après des explications plus étendues, la
majorité de la section centrale et de la chambre se détermineront à accepter le
droit de débit, tel qu’il a été proposé en dernier lieu, c’est-à-dire sans
recensement dans les fabriques ni droit de débit, sans tenue de registres de
vente par les débitants.
Messieurs,
deux motifs causent principalement la crainte de ceux qui, jusqu’à ce moment,
se montrent peu disposés à accueillir la loi. D’une part, on appréhende que
notre commerce interlope ne vienne subir une trop forte atteinte, ne soit même
anéanti complètement ; d’un autre côté, on craint l’infiltration, la fraude des
tabacs étrangers. Je me fais fort de démontrer à la chambre que ces deux motifs
de crainte ne sont pas fondés.
Je
l’avoue, messieurs, moi-même, j’ai cru longtemps qu’un droit de 45 francs
devait porter une forte atteinte au commerce interlope. Toutefois, considérant
combien, sous certains rapports, ce commerce pourrait être dangereux ; que,
d’un autre côte, il ne dépendait pas exclusivement de notre volonté, qu’une
mesure prise à l’étranger pouvait nous l’enlever à chaque instant ; considérant
également que ce commerce crée une population vagabonde, immorale, quelquefois
criminelle même ; je croyais qu’en présence des nécessités dans lesquelles nous
nous trouvons, on devait se déterminer à porter quelque atteinte à ce commerce
qui, je le répète, pouvait nous échapper à chaque instant par un acte émané de
l’étranger.
Mais,
messieurs, un examen approfondi des détails de la question, des investigations
nouvelles sur les faits, une appréciation très exacte des conditions dans
lesquelles le commerce interlope opère, m’ont donné la conviction que ce
commerce ne subira qu’une très légère atteinte, surtout avec le droit réduit à
30 francs, tel qu’il est proposé par la section centrale, droit auquel le
gouvernement s’est rallié.
Pour
établir que le commerce interlope ne sera pas affecté d’une manière bien
considérable par le nouvel impôt, je dois indiquer quels sont les droits qui
frappent le tabac, ou plutôt quels sont les prix des tabacs en consommation
dans un pays voisin ; je dois comparer ces prix à ceux qui résulteront, en
Belgique, de l’augmentation qui est proposée.
Messieurs,
au-delà de notre frontière du Midi, les tabacs se vendent à des prix différents
selon les différentes zones, zones qui ont de deux à six lieues de profondeur
suivant les différentes frontières. Dans les zones les plus rapprochées, on
débite une espèce de tabac qui se vend à un prix très inférieur : c’est ce qu’un appelle le tabac de cantine :
il se vend au prix de 2 francs par kilogramme ; mais les autres espèces dans
les mêmes zones, se vendent au prix de 4 francs à 6 fr. 50 c. pour les tabacs
intermédiaires, et de 8 fr. pour les tabacs ordinaires.
Messieurs,
je me suis fait rendre compte des prix des tabacs qui font l’objet de ce
commerce interlope. Il y a des tabacs de différents prix. Ils se vendent en
gros à fr. 1 60, 1 50, 1 20, 1 10 et 80 c. Je viens d’indiquer les prix en gros
; voici maintenant les prix en détail : 1 fr. 85, 1 90, 1 50, 1 45, 1 20, 80 et
60 c. ; la moyenne serait d’un franc 29, mais vous
reconnaîtrez bientôt qu’alors même que cette moyenne ne serait pas rigoureuse,
en la rapportant aux qualités, les différences sont tellement fortes, que mon
raisonnement ne recevrait pas moins son application.
Messieurs,
si nous ajoutons à cette moyenne, les 30 c. d’augmentations par kilog. qui sont proposés par la section centrale, nous obtiendrons
un prix d’un fr. 59 c. Eh bien, messieurs, les différences de prix, seront
encore, par kilog. de :
41
fr. pour les tabacs dits de cantine.
211
fr. pour les tabacs à priser.
et 671 fr. pour les tabacs ordinaires.
Je
viens de parler de la première zone. Dans les zones suivantes, la différence
s’accroît pour les tabacs de qualité inférieure, à mesure qu’on s’avance dans
l’intérieur du pays ; de sorte que ces différences, relativement au prix des
tabacs en Belgique seront encore énormes, et qu’il est impossible d’avoir
aucune crainte que le commerce interlope vienne à être altéré par le fait de la
loi.
Je
ferai d’ailleurs observer que les tabacs qui font l’objet de ce commerce, ne se
consomme pas généralement dans la première zone, mais principalement dans
l’intérieur du pays. Aussi, c’est avec les prix de l’intérieur du pays qu’il
faut mettre en rapport ceux auxquels ces tabacs se vendront en Belgique avec
l’augmentation du droit.
Au
surplus, il y a un fait qui prouve que le commerce n’est pas exposé par une
élévation de droit de 50 c., c’est que pendant plusieurs années, les prix du
tabac ont excède les prix actuels, de 30 à 60 centimes ; cela s’est présenté
pendant les années 1839, 1840 et 1841, et malgré cette augmentation du prix des
tabacs, le commerce interlope n’en a pas moins continué, une augmentation de
droit même inférieure à l’augmentation de prix qui existait alors, ne doit pas
avoir un autre effet.
S’il
est vrai que, d’un côté, notre commerce interlope ne subira pas d’atteinte, par
une augmentation si légère de droit, il est vrai aussi que nous n’avons pas à
craindre l’infiltration du côté de nos frontières du Nord. Un droit de 30
francs ne donne pas assez d’appât à la fraude ; alors que notre douane parvient
à percevoir des droits qui excédent 200 francs, nous ne devons pas craindre
qu’elle ne pût assurer le recouvrement d’un droit de 30 francs par
Messieurs,
une question qui divise aussi quelques membres de cette chambre, c’est celle de
savoir si l’impôt consistera seulement en une augmentation du droit de douane,
ou s’il sera établi un droit d’accise. La section centrale avait cru un instant
qu’il serait plus convenable de se borner à une simple augmentation du droit de
douane, mais elle n’a pas tarde à revenir de cette opinion, et elle s’est
prononcée à une grande majorité pour un droit d’accise. La raison en est que le
régime de l’accise assure aux fabricants la jouissance d’un crédit ainsi que la
décharge du droit à l’exportation, en même temps qu’il permet dans le rayon des
douanes une surveillance plus efficace que le régime moins restrictif qui
s’applique aux marchandises de douane.
Je
sais qu’on a objecté que le régime de l’accise nuirait au commerce interlope,
mais le sucre et le sel y sont soumis, et l’exportation de ces deux denrées, on
en convient, ne sont pas entravées.
Si
l’on craignait cependant que ce régime appliqué aux tabacs pût entraver le
commerce interlope, et attendu que, d’un autre côté, il est indispensable, pour
éviter toute chance d’infiltration étrangère vers notre frontière du Nord, je
consentirai à ce que la disposition proposée dans la loi comme un droit formel,
fût convertie en une simple feuille, c’est à-dire que là où l’infiltration de
l’étranger ne serait pas à craindre, nous n’appliquerions pas ce régime, et que
nous ne l’appliquerions qu’aux frontières où cette crainte pourrait exister.
Messieurs,
l’on a aussi contesté le besoin qu’aurait le gouvernement de créer de nouvelles
ressources. On a parlé de l’économie qui résulte de l’opération de la
commission.
Mais,
messieurs, je ferai observer que cette économie était prévue, lorsque j’ai
présenté les budgets des recettes et des dépenses de l’Etat.
Si
je n’ai pas indiqué d’une manière très précise quelle était l’opération que
j’avais en vue, je n’en ai pas moins fait connaître que des économies seraient
faites sur la rente. Lorsque plus tard des membres m’ont reproché de n’établir
qu’un équilibre rigoureux sans présenter aucun excédant, au moyen des trois
millions, même, je ne pouvais pas faire cet équilibre, mais ne pouvant pas dire
quelles étaient mes vues sur l’opération de la conversion, j’ai préféré me
laisser attaquer, laisser supposer qu’il n’y aurait aucune réserve. Il faut
faire abstraction de cette économie, elle doit servir aux dépenses éventuelles,
à la réduction successive de la dette flottante et aux besoins pour la création
d’une réserve.
On
a indiqué aussi la capitalisation de la rente de 80 millions due aux Pays-Bas,
comme devant fournir également une économie. En effet cette opération doit être
favorable à l’Etat, mais elle ne doit pas fournir une économie dans les
budgets, parce que la réduction de la rente qui pourra en résulter, devra être
consacrée à un fonds d’amortissement, de sorte que dans les budgets la somme
portée en dépense devra rester la même.
On
a prétendu qu’on trouvait des ressources très considérables, dans la loi des
droits différentiels. Je me permets d’en douter. Il est vrai que le droit sur
le bois en grume a été considérablement augmenté ; mais on a donné une telle
protection aux établissements de sciage belges que je crains qu’il n’arrive
plus de bois scié ; on importe aujourd’hui beaucoup de bois scié qui est frappé
de droits assez élevés, de sorte que si nous percevons davantage sur le bois en
grume, nous ne recevrons plus autant sur le bois scié. Je n’attends pas une
grande augmentation de produits des droits différentiels Je sais que 10 p. c.
ne seront plus restitués pour les tissus importés par navires belges ; il
pourra en résulter environ un bénéfice de 150,000 fr. Mais il faut compenser la
perte que nous ferons sur les matières premières par la réduction qu’ont subie
les droits qui les frappaient, de sorte que, tout compte fait, je ne pense pas
que nous ayons plus de 150,000 fr. à espérer des droits différentiels.
M. Cogels. - Et les riz et les fruits
?
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - Je tiens compte de
l’augmentation sur ces objets.
Je
puis me tromper ; mais nous devons attendre le résultat de l’expérience pour
admettre que nous trouverons là une véritable ressource. Il serait imprudent de
compter sur un revenu aussi incertain. Par ces considérations, je demande que
la chambre veuille bien adopter le droit propose par la section centrale.
Il
me reste à parler du droit sur le tabac indigène. Dans la section centrale, il
a été question d’établir ce droit d’après l’étendue de la plantation au lieu de
se baser sur la production. Je crois que si je n’avais consulté que les
facilités du service de l’administration, je n’aurais pas hésité à accepter un
droit fixe d’après l’étendue de la plantation ; c’était ce qu’il y avait de
plus simple à faire. Mais ce droit serait injuste dans la répartition ; il sera
impossible de l’établir avec justice ; car de deux choses l’une ; ou le droit
sera tellement élevé qu’il ruinera certains cultivateurs, ou bien il donnera à
d’autres des primes exorbitantes.
Voici
quelle est la production moyenne de tabac par hectare suivant qu’on se livre à
la grande ou à la petite culture.
Il
y a une grande distinction à faire : si le droit était perçu d’après l’étendue
de la plantation, il serait le même pour la grande et pour la petite culture.
Cependant la production diffère beaucoup. La moyenne, prise sur une longue période
d’années, donne, pour la petite culture, une production de 3,500 kil., et pour la grande culture, 2,500 kil. Vous voyez
quelle immense différence. D’un autre côté, les terres de moyenne qualité
produisent moins que les terres de qualité supérieure. Si vous imposez d’après
l’étendue de la plantation, vous voyez à quelle inégalité vous arrivez pour la
perception du droit.
Ensuite,
d’une année à l’autre, il y a une grande différence dans la production. Là
encore se trouve un obstacle à l’établissement du droit d’après l’étendue de la
plantation. Force nous est donc d’en revenir au système proposé par le
gouvernement d’asseoir l’impôt sur la quantité de tabac récoltée. Nous avons
écarté, d’après les observations de la section centrale, plusieurs formalités gênantes
pour le cultivateur. Nous lui avons même accorde une faculté qui rend presque
nulles les formalités ; il suffira maintenant d’une simple déclaration à faire
dans un délai déterminé, non pas avant la plantation, mais après que celle-ci a
été faite, et seulement avant l’époque où l’on cesse généralement de planter.
C’est une chose fort simple ; les employés
constateront le nombre de plantes et le nombre de feuilles.
Les
cultivateurs auront droit de se faire prendre en charge, à raison d’un kilog. pour un nombre déterminé de feuilles. Aucune visite ne sera
nécessaire. Le projet est considérablement simplifié. C’est ce qui a décide la
section centrale à donner sa pleine adhésion à ce système et à le préférer à
celui d’imposer le tabac d’après l’étendue de la plantation.
Messieurs,
dans l’état actuel des choses, le tabac indigène, en le considérant d’après la
moyenne de la production, jouit par hectare d’une protection de 62 fr. 43 c par
hectare ; c’est ce qui résulte du droit actuel de 3 fr. 40. voilà
la protection accordée aujourd’hui à la culture du tabac indigène.
D’après
la proposition de la section centrale, qui établit une différence de quatre
francs, cette protection sera à l’avenir de 135 fr., de telle sorte que la
position du cultivateur sera améliorée malgré le droit dont sera frappé le
tabac indigène. La position du cultivateur sera positivement améliorée. Quand
on a demandé une loi sur le sucre, les fabricants de sucre indigène n’ont pas
demandé à ne pas être imposés, mais à ce qu’il y eût une grande différence de
droit entre le sucre étranger et le sucre indigène ; ils ont dit qu’ils
aimaient mieux payer 40 fr. de droit, pourvu que le sucre exotique payât 70 fr,
(car alors ils avaient une protection de 30 fr.) que de ne rien payer du tout
et de ne voir imposer le sucre exotique qu’à 20 fr., parce qu’alors la
protection n’était plus que de 20 fr.
Je
fais cette observation pour en tirer cette conséquence qu’on a tort de
s’inquiéter de l’établissement d’un droit ; qu’il faut voir surtout quelle est
la protection dont les produits de cette industrie jouissent. Je le répète : la
culture du tabac ne jouit aujourd’hui que d’une protection de 62 fr. 43 c. ; elle va être élevée, par l’effet de la proposition de
la section centrale, à 135 fr.
Messieurs,
quant au droit sur le débit, tel qu’il est proposé, dans les dernières
communications faites à la section centrale par le gouvernement, il n’y a plus,
dans la loi, aucune disposition onéreuse pour les débitants. C’est tout simplement
l’application de la loi des patentes aux débitants de tabac, sauf en un seul
point, c’est-à-dire que, pour l’exécution de la loi des patentes, on agit très
arbitrairement, on ne connaît pas le débit des détaillants, souvent on augmente
le taux des patentes d’office ; l’administration n’a aucun renseignement
positif. Maintenant si nous n’avions pas plus de renseignements que nous en
offre la loi des patentes, le produit du droit de débit serait insignifiant,
parce que nous rencontrerions dans les répartitions de chaque commune, comme
cela arrive pour les patentes, une très vive opposition.
C’est
pour cela que nous proposons une mesure qui permette aux employés de
l’administration de voir les livres de vente des négociants pour constater les
quantités de tabac fabriqué et de soumettre les débitants à une seule
obligation, celle d’inscrire les quantités de tabac reçues. Voila les seules
formalités que nous demandons pour le débit. Sont-elles exorbitantes ? Non.
Pendant trente ans, nous avons été sous ce régime pour beaucoup de marchandises
soumises aux accises, le sel, le vin, les eaux-de-vie étrangères. Il y a trois
mois, pour le sel, nous avions un régime bien plus sévère, puisque
l’administration connaissait non seulement le fabricant qui livrait la marchandise
et le débitant qui la recevait, mais même le consommateur qui l’achetait.
Mais
il fallait en outre que la marchandise fût accompagnée de documents. Ce sera
également mon système, sauf que la marchandise ne devra pas être accompagnée de
documents, que le débitant ne devra pas se donner la peine de lever les
documents ; il ne devra exhiber qu’un registre de vente.
Cette
condition n’était pas indispensable pour l’établissement d’un droit de débit ;
mais elle était essentielle pour que ce droit donnât un revenu quelque peu
considérable. Sans cette disposition, le produit ne s’élèverait pas à plus de
250,000 fr. Avec ce contrôle de plus, nous aurions une ressource de 200,000
fr., qui ne nuirait en aucune manière au commerce interlope, puisque ce droit
ne lui serait pas appliqué. Cela serait laissé à l’appréciation de
l’administration. C’est ce qui se fait en matière de patente, pour certaines
industries.
Je
viens à une dernière question que j’ai désiré traiter en prenant la première
fois la parole dans cette discussion, celle de savoir si les approvisionnements
considérables qui existent en ce moment doivent être soumis au droit nouveau
qui sera établi. Je n’ai pas hésité à faire cette proposition à la chambre, et
j’ai vu avec satisfaction que la majorité des sections l’a accueillie,
c’est-à-dire que celles des sections qui ont examiné la question l’ont résolue
affirmativement.
Trois
sections seulement se sont occupées de la question. Dans les autres sections on
a chargé le rapporteur d’examiner lui-même la loi ; on s’en est rapporté à lui
pour émettre une opinion à la section centrale. Ainsi, le rapporteur de ces
sections ne connaissait pas leur opinion, parce qu’elle n’avait pas été
manifestée.
Dans
la première section, la question n’a pas été résolue.
Dans
la deuxième, six membres étaient présents ; quatre ont voté pour le
recensement, un seul a voté contre, un autre s’est abstenu ou n’était plus
présent.
Dans
la troisième et dans la quatrième section, la question n’a pas été agitée.
Dans
la cinquième, les cinq membres présents ont décidé la question affirmativement.
Dans
la sixième, les sept membres présents on décidé la question affirmativement,
J’aime
à rappeler ce qui s’est fait dans les sections, parce que je sais avec quelle
violence on a quelquefois attaqué de semblables mesures.
Je
demanderai quelle est la situation du négociant vis-à-vis du trésor public ?
Est-ce lui qui supporte l’impôt ?
M. Cogels. - Oui.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - Moi, je réponds : Non ;
c’est le consommateur. Le négociant est l’intermédiaire entre le consommateur
et le trésor public. Le négociant perçoit l’impôt sur le trésor public, et
l’acquitte ensuite ou d’avance au trésor public. Qu’arriverait-il si vous ne
perceviez pas l’impôt sur les approvisionnements existants ? Il arriverait que
le peuple paierait dix fois le même impôt ; car si une ressource de deux
millions que peuvent produire les approvisionnements existants n’est pas perçue
sous cette forme, il faudra qu’elle soit perçue sous une autre forme.
Le
peuple acquittera cette contribution sous la forme d’impôt entre les mains du
négociant ; il l’acquittera une autre fois sous la forme d’un autre impôt,
parce que cette somme doit rentrer au trésor public. Il y aurait injustice
encore relativement à la production indigène. Cette production va
nécessairement être frappée de suite, parce qu’ici il n’est pas possible
d’augmenter subitement la production, comme on augmente subitement les
importations de tabac étranger.
Lorsqu’on
saura que les approvisionnements ne sont pas frappés, on se hâtera de faire de
grands approvisionnements.
Il
est de notoriété publique que les approvisionnements dépassent en ce moment de
huit millions de kilog. l’approvisionnement ordinaire
et normal.
M. Osy. - Les importations depuis
le mois de janvier n’ont pas été considérables.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - Cela est vrai ; mais
songez aux entrepôts flottants ; si vous décidez que les approvisionnements de
tabac ne seront pas frappés de droits, des masses de tabac vont être
introduites dans le pays, n’en doutez pas.
Il
est possible que dans l’appréhension d’une augmentation de droits, on
n’introduise pas de tabac étranger. Mais si vous n’admettez pas le recensement
des approvisionnements, dans l’intervalle qui s’écoulera entre le vote et la
mise à exécution de la loi, je suis persuadé qu’on importera une quantité
considérable de tabac. Ainsi mon raisonnement subsiste entièrement.
Pour
contester l’importance des approvisionnements, on a dit que la fabrication a
pris une grande extension. S’il en est ainsi, cette extension a été bien subite
; elle s’est manifestée tout d’un coup pendant deux ans, alors que depuis 1832,
cette industrie serait restée stationnaire.
La
moyenne des déclarations de mise en consommation a été, de 1832 à 1837, de 5,600,000 kil. La moyenne de 1838 à 1841 est inférieure de
600,000 kil, à la moyenne de 1832 à 1837.
Ainsi,
bien loin qu’il y ait progression jusqu’en 1843, il y a, au contraire,
diminution. Mais j’admets que la fabrication est restée à peu près la même.
M. Delehaye. - Avant la révolution, la
fabrication du tabac n’était pas considérable.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - Cela est vrai, parce que
les fabriques se trouvaient en Hollande. Depuis elles se sont établies dans le
pays ; mais elles n’ont pas attendu l’année 1843 pour prendre du développement.
Je
le répète, il est de notoriété publique (des négociants de bonne foi m’en ont
fait l’aveu il y a 3 mois), qu’il y a dans le pays des approvisionnements
considérables. Je ne crois pas que cela puisse être contesté.
Je
ne dirai que quelques mots d’une proposition faite par la section centrale, et
qui mitige l’application de la mesure dont je viens de parler ; elle consiste à
n’appliquer l’augmentation qui serait adoptée que jusqu’à concurrence des deux
tiers pour le tabac étranger, et de moitie pour le tabac indigène.
J’ai
cru pouvoir me rallier à cette proposition, parce c’est une transition. Si nous
suivions très rigoureusement le raisonnement que je viens de faire, on ne
pourrait même pas admettre cette transition ; car elle pourra prêter à
certaines inégalités, puisqu’il est des fabricants qui ont des
approvisionnements considérables, et d’autres qui n’en ont pas. Mais je crois
qu’il y a des considérations qui militent pour l’adoption de ha proposition.
Pour
simplifier autant que possible la discussion, je ferai imprimer les questions
que je viens d’examiner et qui, je crois, doivent être traitées dans la
discussion générale :
1°
L’impôt sera-t-il augmenté ? (C’est la question fondamentale.)
2°
Le tabac sera-t-il soumis à un droit d’accise ?
(J’ai
voulu prévoir toutes les hypothèses.)
3° L’augmentation consistera-t-elle en un accroissement de
droit de douanes ?
4°
Sera t- il perçu un droit sur le tabac indigène ?
5°
Le droit sur le tabac indigène sera-t il établi d’après la production ?
6°
Le droit sur le tabac indigène sera-t-il perçu en raison de l’étendue de la
plantation ?
7°
Sera-t-il établi un droit de débit sur le tabac ?
8°
Le droit sera-t-il fixé d’après l’importance du débit ?
9°
Le droit de débit consistera-t-il en un simple droit uniforme de licence ?
10°
(Question transitoire qui est indépendante du système de la loi.)
L’augmentation de droit sera-t-elle perçue sur les approvisionnements de tabac
existant au moment de la mise en vigueur de la loi ?
Je
fais observer que cette question est entièrement indépendante du système qui
sera adopté, que le droit peut être perçu sur les approvisionnements, quel que
soit le mode de l’impôt, c’est-à-dire que je maintiens la proposition tout
aussi bien, s’il s’agit d’une augmentation de droits de douane, que s’il s’agit
de l’établissement d’un droit fixe. Je la maintiens, parce que les raisons
fondamentales sont les mêmes.
M. Desmet. - M. le ministre des
finances vient de nous engager à traiter cette grave question avec
impartialité, sans passion et surtout au point de vue de l’intérêt général, et
non dans des vues particulières. Messieurs, mon intention est bien d’en agir
ainsi. Cependant je crois qu’une question aussi importante doit être discutée
en toute liberté, et je dois déclarer à la chambre que je ne pourrai le faire
comme je le désirerais, surtout pour ce qui concerne le commerce d’exportation.
Messieurs,
la discussion actuelle est extrêmement délicate ; je dois dire qu’on en a peu
traité d’aussi délicate à huis clos. Aussi, si l’on voulait immédiatement aller
aux voix, je renoncerais à la parole. Mais comme je suppose que telle n’est pas
l’intention de la chambre, je présenterai quelques observations.
Messieurs,
la rencontre est vraiment bizarre. Nous sortons d’une discussion qui a duré
sept semaines, et qui a eu pour objet l’avantage du commerce maritime et du
commerce national, et nous rencontrons immédiatement après un projet qui
viendra détruire ce que nous avons voulu faire en faveur du commerce national
et qui va le faire d’une manière si sensible.
Messieurs,
en détruisant un commerce aussi important, et je puis le dire, le seul commerce
qui nous reste, comment le fait-on ? on le fait avec
tout l’accessoire des droits réunis de l’empire, avec la seule différence que,
sous l’empire, nous avions la garantie de notre marché intérieur, tandis qu’à
présent nous rencontrons la concurrence destructive des produits étrangers, et
que le commerce comme l’industrie sont dans la plus grande détresse.
Il
me paraît, messieurs, que l’on veut douter de l’importance du commerce des
tabacs. Je crois pouvoir avancer que ce commerce est d’au moins 40 millions de
francs. Messieurs, la démonstration en est facile. Le chiffre moyen des
importations est de 10 millions de kil. ; ajoutez-y 5 à 4 millions de kil. de tabac indigène, vous aurez 13 à 14 millions. Soustrayez
de cette quantité la consommation, il vous restera 10 millions qui font l’objet
du commerce. Or, en établissant le prix moyen du tabac à 4 fr., on peut dire
qu’il s’agit d’un commerce de 40 millions de francs, et c’est ce commerce que
l’on veut détruire !
Messieurs,
qu’allons-nous faire par le projet en discussion ? Puisqu’on peut parler
librement, je le ferai. On va faire les affaires de
Messieurs,
j’attirerai votre attention sur ce qui s’est passé dans la section centrale.
Dans le projet primitif présenté par le gouvernement, le droit était établi
comme droit de fabrication et comme droit de douane. Mais qu’a fait la section
centrale ? elle a change les mots, elle a dit : droit
d’accise, droit de consommation, et cela, d’après moi, dans un but purement
fiscal. Vous savez très bien que lorsque vous aurez un droit de consommation,
le commerce avec les peuples voisins sera difficile ; comme produit assujetti à
un impôt d’accise, il doit subir des règles particulières, qui vont, sinon
détruire au moins arrêter fortement la libre sortie, et de la manière dont le
commerce de tabac se fait aujourd’hui est grandement à l’avantage du pays ; il
va en souffrir considérablement. Cette dénomination sera aussi un prétexte pour
faire agir rétroactivement le nouveau droit. Ce n’est pas un nouveau droit de
douane, vient dire M. le ministre, mais bien un droit de consommation ; ce
n’est pas le fabricant qui paye le droit mais bien le consommateur ; ainsi,
conclut-il, ce n’est pas agir rétroactivement, car la marchandise n’est pas
encore livrée à la consommation. Mais, messieurs, n’est-ce pas là un sophisme
inqualifiable ?
D’après
un tel raisonnement, il n’y a plus de commerce, il n’y a plus de spéculation
possible. Le négociant, le fabricant sera continuellement dans l’inquiétude, il
n’osera plus risquer aucune spéculation commerciale ; c’est vraiment détruire
tout commerce en Belgique. C’est réellement là la conséquence des raisonnements
du ministre.
Messieurs,
je ne dois pas craindre de le dire, car c’est dans la bouche de tout le monde,
le résultat de votre loi sera la destruction complète de la culture en
Belgique, et, en cela, vous aurez mérité de
En
premier lieu, le malheureux cultivateur, le pauvre paysan, qui a toute la
charge de la nation, qui vous donne, messieurs, de quoi étaler votre luxe, qui
vous donne la subsistance quotidienne et qui, en outre, entretient vos pauvres
; car, vous devez le reconnaître, le paupérisme n’a son effet que dans le plat
pays, et ce n’est que dans les campagnes que la mendicité sait supporter tout
son lourd fardeau ; eh bien, vous allez, par ce terrible projet de nouvel
impôt, refuser à ce malheureux quelque satisfaction, il ne pourra plus avoir la
consolation de fumer sa pipe. La loi ne lui accorde qu’une plantation de
Mais,
dit-on, on peut planter plus pour la consommation. Oui, messieurs, on peut
mettre quelques plantes de plus que je viens de dire, on pourra en planter 150
; mais à quelle condition ? celle de payer 3 francs 60
centimes.
L’article
7 du projet accorde cette autorisation, sous l’obligation de payer un droit de
36 centimes par kilogramme ; mais le poids, ajoute l’article, sera calculé à
raison d’un kilogramme par quinze pieds. Remarquez, messieurs, quand il s’agit
de la plantation pour la consommation propre du cultivateur, qu’on établit un
poids de 25 p. c. moins favorable que quand le tabac est livré au commerce, et
au lieu que le poids de
Ainsi
le malheureux qui n’a pas souvent d’argent pour acheter son sel, devra payer
pour 7 kilog. et demi de tabac qu’il aura cultivé, 3 fr. 60 c.
; c’est-à-dire, qu’il sera en général défendu de planter, pour sa propre
consommation, au moins pour les petits cultivateurs.
On
a parlé, messieurs de la culture. On a dit qu’elle aurait une protection 62 fr.
par hectare. Mais quand la culture payera un droit de près de 1,000 fr. par
hectare, une protection de 62 fr. sera bien peu de chose.
Messieurs,
on dit qu’on a beaucoup modifié le projet primitif, en ce qui concerne la
fiscalité. Vraiment, je ne conçois pas comment on peut être assez aveugle pour
ne pas apercevoir toute la fiscalité du projet.
D’abord
on exige du cultivateur une déclaration ; je dis qu’il arrivera souvent que le
pauvre cultivateur qui ne sait ni lire ni écrire, se mettra en contravention à
cause de la déclaration.
Il
y a plus, le gouvernement n’avait pas fixé, dans son projet, l’époque à
laquelle la déclaration devait être faite. La section centrale a insère dans
son projet une disposition en vertu de laquelle la déclaration devra être faite
au 15 juin. Mais comment cela se fera-t-il, cette année, par exemple, où les
semis sont très en retard ? Ainsi on veut que je fasse une déclaration, lorsque
le ne sais pas encore ce que je pourrai planter. N’est-ce pas absurde et
chagriner le cultivateur en le forçant à l’impossible ?
On
ne pourra plus déclarer moins de deux ares. Mais c’est une guerre que vous
faites au petit cultivateur. Connaît-on donc bien la culture du tabac ? C’est
surtout le petit cultivateur qui s’en occupe, et il ne le pourra plus ; il ne
pourra plus y avoir que de grands cultivateurs. Mais pesez donc la conséquence
de cette mesure ; les pauvres petits cultivateurs plantent souvent quelques
verges de tabac pour payer leur fermage, ils ne pourront plus le faire, ils
devront donc prendre la besace et augmenter le nombre des mendiants dans les
campagnes et surtout dans les Flandres, où déjà la mendicité est a un si haut
degré. En outre, de cela on demande un cautionnement. Mais comment voulez-vous
que le malheureux qui gagne à peine de quoi payer ses fermages puisse trouver
de quoi donner un cautionnement ? Vous arrêtez donc la culture du tabac.
Et
ce ne sont pas là toutes les vexations des droits réunis !
Ce
n’est pas tout, messieurs. Il faudra qu’à l’avenir le cultivateur ait soin de
planter les pieds de tabac au cordeau, et s’il n’observe pas l’angle droit, il
sera mis à l’amende, et à une amende assez forte, car elle peut aller jusqu’à
500 fr. Ce sont là les mesures qu’on dit ne pas être fiscales.
Il
faut aussi que les plantations de tabac soient sans mélange d’autre culture ;
cela prouve qu’on ne connaît pas la culture du tabac. Quel est le grand
avantage de cette culture ? C’est que, quand un produit a manqué, on plante sur
le terrain qu’il occupe des pieds de tabac. C’est ce qui a lieu
particulièrement pour les terrains plantés de houblon. Quand le houblon ne
réussit pas, on plante du tabac. C’est encore à quoi on s’oppose. On plantera à
l’avenir comme le veut le fisc, et pas autrement. Sinon on payera l’amende ; et
comme le cultivateur ne pourra payer l’amende, on le mettra en prison. Ce ne
sont pas là les droits réunis ?
On
parle souvent de la chute de l’empire ; mais quelle a été la cause que
l’empereur, dans ses jours de malheurs, et poursuivi de ses nombreux ennemis,
n’a pas eu le secours des populations de l’empire ? Uniquement par la haine
qu’on fait naître contre le gouvernement impérial les vexations de la régie. Ne
sont-ce pas aussi l’impôt mouture et l’abattage qui ont donné le coup au roi
Guillaume ? Et un fait que je dois faire remarquer dans cette circonstance,
c’est qu’à l’entrée des alliés ce sont les cosaques, l’hetman des cosaques qui
a supprimé ces droits réunis que la révolution du septembre voudrait rétablir !
Apres
ces fiscalités, messieurs, en viennent d’autres, qui étaient en usage dans la
régie, et qui étaient les plus criants : c’est la destruction des plantations
!...
Ainsi,
chaque fois qu’on aura mal planté, qu’on n’aura pas observé la loi, il faudra
détruire. Dès que le semis a atteint le 14 juillet, il faut détruire. Ainsi,
dans une époque malheureuse, lors même que les plantes ne pourront pas être
mûres, s’il s’en trouve une seule qui ne soit pas dans le champ, il faudra
recourir à la destruction. M. le ministre des finances avait dit qu’il fallait
brûler, mais, comme probablement la section centrale a pensé qu’il serait
difficile de brûler des plantes vertes, elle a dit qu’il fallait se borner à
détruire ! quand la première récolte est faite, on
doit aussi détruire les tiges et les souches, c’est vraiment trop fort, c’est
trop vexer le pauvre et malheureux cultivateur.
Ainsi,
messieurs, voici comment on fait la culture du tabac : quand les grandes
feuilles sont récoltées, on laisse subsister la plante qui fournit encore
ensuite ce qui est nécessaire à la consommation du cultivateur. Si la loi est
adoptée, au contraire, il faudra détruire la plante, l’arracher, l’enterrer.
Messieurs,
je crois avoir suffisamment prouvé combien la loi est fiscale et destructive de
toute liberté de culture. Elle ne laissera rien aux pauvres paysans ; on impose
d’une manière exorbitante le peu de sel qu’ils mettent avec leurs pommes de
terre ; maintenant on veut leur enlever encore le faible délassement que le
tabac leur procure.
Je
viens à la fabrication que l’on traite tout aussi mal que la culture. La
fabrication sera réduite à rien ou à presque rien. Vous n’avez plus
l’exportation en France ; vous aurez, d’un autre côté, l’infiltration des
tabacs hollandais et votre fabrication sera anéantie. Il y a ensuite le
drawback dont il résultera qu’indépendamment de l’infiltration hollandaise, vos
propres tabacs vous seront importés en fraude. Eh bien, messieurs, j’ose vous
prédire, que par suite de tout cela, votre fabrication qui s’élève aujourd’hui
à 12 ou 13 millions, sera réduite à 2 millions. Et qu’aurez-vous gagné pour le
trésor ? L’impôt, au lieu de rapporter 3 millions, rapportera un demi-million.
Il
y a plus, messieurs, pour obtenir ce demi-million, vous devrez quintupler le
nombre de vos employés, cet qui réduira encore considérablement vos recettes.
Quand on demande une augmentation du nombre des douaniers pour réprimer la
fraude, alors cette augmentation est refusée ; alors cependant il s’agit de
défendre l’industrie contre la concurrence étrangère, tandis qu’aujourd’hui,
c’est contre votre propre industrie que vous prenez ces mesures.
On présente le drawback comme une mesure favorable à notre
commerce. Mais, messieurs, c’est là une véritable mystification. Quel bien le
drawback pourra-t-il faire à votre commerce, lorsque vous aurez entièrement
détruit ce commerce ? Le drawback servira surtout à faire rentrer le tabac
fabriqué et aura le résultat du grand drawback des sucres raffinés.
Quant
au recensement, messieurs, quoi qu’en dise M. le ministre des finances, c’est
là, selon moi, une chose inouïe. Comment ferez-vous ce recensement ? Sera-ce au
moyen d’un pesage ? Mais c’est impossible…
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - Mais vous pouvez voir par
la simple lecture de la loi, que lorsque le cultivateur le désire, le droit est
établi d’après des proportions données, proportions qui sont très modérées. (Interruption.) Parlez-vous du recensement
des tabacs exotiques existant dans les magasins ? Mais à cet égard, on opérera
comme on le fait pour toutes les marchandises qui sont soumises à des
inspections, à des vérifications de la part des employés de la douane ou des
accises.
M. Desmet. - M. le ministre des
finances dit qu’il n’y a pas de fiscalité en ce qui concerne les cultivateurs.
Je trouve, moi, qu’il y a une grande fiscalité à l’égard des cultivateurs.
Quant au recensement des tabacs existants chez les fabricants, je dis que ce
recensement est impossible. Il y a quatre ou cinq espèces différentes de tabacs
; il y a des tabacs en fermentation ; si vous voulez peser tout cela vous
bouleverserez tout, vous causerez un dommage inappréciable aux fabricants.
Quant
à l’effet rétroatif que l’on veut donner à la loi,
qu’a dit M. le ministre des finances ? Il a dit que les droits seront payés par
le consommateur. Cette réponse est facile à donner, mais il n’en est pas moins
vrai que, comme je l’ai déjà dit, vous détruirez tout moyen de commerce et de
spéculation et que vous chargerez le commerçant ou le fabricant, qui a fait les
achats sans s’attendre aux nouveaux droits, d’un impôt qu’il ne pourra pas
supporter. Comment donc, moi qui ai acheté du tabac à cause du bas prix, je
devrai payer 40 ou 50 mille fr. ! De quelle manière ferai-je payer cela au consommateur
? Evidemment c’est le commerce qui subira cette perte. Ou fait tout ce qu’on
peut pour détruire le commerce.
Le
grand argument des défenseurs du projet, c’est le déficit qui existe dans nos
finances, la nécessité de rétablir l’équilibre entre les recettes et les
dépenses. Je ne refuserai pas, messieurs, un impôt sur le tabac ; mais cet
impôt devrait être perçu sans être entouré de toutes les mesures vexatoires
dont on veut l’accompagner ; il devrait surtout être établi de manière à ne pas
anéantir le commerce. Du reste, avant de recourir à de semblables mesures, on
devrait bien examiner sérieusement s’il n’est pas possible de réaliser des
économies. J’aimerais mieux, par exemple, réduire l’armée de 5,000 hommes que
de détruire la seule branche de commerce qui nous reste. D’ailleurs, messieurs,
notre situation financière s’est considérablement améliorée. On a dit que, par
suite de la conversion et des lois d’impôt qui ont été votées, le trésor a
gagné 4 millions ; cela est très exact.
Messieurs, je ne pourrai pas donner mon vote à cette loi.
S’il était nécessaire d’augmenter les droits sur les tabacs, ce sont les droits
de douanes qu’il faudrait augmenter. Peut-être pourrait-on aussi établir une
licence pour les débitants. Je crois que la section centrale a très mal fait de
repousser ce moyen, c’était le seul qui n’aurait pas détruit le commerce
d’exportation. Les deux moyens ensemble auraient pu donner un million et demi
de revenu au trésor. Or, je pense que, lorsqu’on peut obtenir un million et demi
sans nuire au commerce, cela serait bien préférable à la proposition qui nous
est soumise. Je ne pourrais donc donner mon assentiment à ce projet : je ne
veux pas prêter la main à détruire le principal commerce que nous avons, la
seule arme qui nous reste pour traiter avec la France, et je ne veux pas voir
anéantir dans mon pays la culture du tabac ; je ne veux pas arracher au
malheureux et laborieux cultivateur la seule petite consolation qu’il a dans sa
pauvre vie ; je ne veux pas, surtout, le retour de l’infâme régie des droits
réunis. J’ai dit.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - L’honorable préopinant a
montré beaucoup de sympathie pour les cultivateurs ; eh bien, cette sympathie,
je la partage entièrement, mais je ne suis pas d’accord avec lui sur le point
essentiel, c’est qu’il suppose que les cultivateurs auront à se plaindre de la
loi proposée. Moi j’ai la conviction que la condition du cultivateur sera
améliorée. J’ai déjà dit que, relativement au tabac étranger, le cultivateur ne
jouit aujourd’hui que d’une protection équivalant à 62 fr. par hectare ; or,
cette protection va se trouver portée à 135 fr.
L’honorable
membre, à mon grand regret, a fort souvent répété les mots droits réunis. Il
croit voir dans le projet de loi tout le système des droits réunis. Ce système
n’est nullement appliqué dans le projet. Il est certain que lorsqu’on veut
imposer le tabac, il faut bien trouver quelques moyens pour assurer la
perception du droit ; j’ai expliqué pourquoi le moyen d’imposer d’après
l’étendue de la plantation me paraissait insuffisant et injuste. Que l’on
indique d’autres moyens ; si l’honorable M. Desmet peut trouver des moyens
efficaces, je les accepterai avec reconnaissance. Quant aux mots, messieurs,
ils ne font rien à la chose ; on aura beau répéter à satiété les expressions droits réunis, cela ne changera rien à la
réalité. Voici l’opération que fait l’administration : elle va constater sur le
terrain le nombre des plantes , ce qui est une chose très simple, puisqu’il est
dans les usages de planter régulièrement ; comme on laisse généralement le même
nombre de feuilles sur les plantes, il est aussi très facile de calculer le
nombre de feuilles ; eh bien, tout se borne là ; le nombre de plantes et de
feuilles étant connu, il ne s’agit plus que d’appliquer la proportion établie
dans la loi, et d’après cette proportion le cultivateur peut se faire prendre
en charge pour le droit. Or, il est reconnu par la section centrale et d’après
l’expérience acquise ailleurs, que la proportion établie par la loi est très
modérée sous ce rapport ; donc le cultivateur n’a pas à se plaindre ; il n’est
soumis à aucune espèce de vexation.
L’honorable
membre a parlé du cautionnement et des pauvres ouvriers ; mais s’il s’agit
d’une simple plantation pour la consommation du cultivateur, il n’est pas
astreint au cautionnement, il acquitte le droit de 30 centimes pour 1 kil., produit de 15 plantes. S’il s’agit, au contraire,
d’une culture de plusieurs hectares, eh bien, pour deux ou trois hectares le
cautionnement sera de 1,000 à 1,500 fr. Or, le cultivateur qui a plusieurs
hectares en culture peut bien trouver un cautionnement de 1,000 à l,500 fr., soit au moyen d’une caution personnelle, soit dans
ses propres ressources. D’ailleurs il fournit ce cautionnement pour ne pas
acquitter immédiatement le droit ; c’est une faveur qu’on lui fait, il ne faut donc pas tourner cette faveur contre la loi.
Quant
à la question dite de rétroactivité, elle n’est vraiment que transitoire, et je
ferai observer à l’honorable M. Desmet qu’elle ne tient pas essentiellement au
système de la loi. Cette question est une question à part. J’ai fait connaître
sur cette question quelle était ma conviction, conviction sincère, comme celle
de l’honorable M. Desmet l’est certainement aussi, mais je suis appuyé ici par
l’opinion de toutes les sections qui se sont occupées de la question, et par
l’opinion de la section centrale. C’est, selon moi, un sophisme de dire que
c’est la une rétroactivité réprouvée par les lois ; ce ne serait que par un
abus des mots que l’on prétendrait voir là une véritable rétroactivité.
Quant
aux économies, je les désire autant que l’honorable préopinant, mais nos
budgets ont subi successivement beaucoup d’économies. Dans les premières années
qui ont suivi la révolution, les budgets ont été discutés article par article
et ils ont subi toutes les réductions possibles. Je ne vois donc pas le moyen
d’apporter de nouvelles économies dans nos dépenses, et force nous est
d’augmenter nos ressources.
L’honorable membre a parlé aussi contre le drawback,
je crois que l’honorable préopinant est à cet égard dans l’erreur, L’honorable
M. Desmet a dit : Le tabac sera tellement cher dans l’intérieur que vous ne
pouvez pas espérer de l’exporter ; mais s’il est plus cher de 30 c. par kilog,
et que nous restituions ces 30 c., le commerce
d’exportation régulière se fera comme par le passé, et même je crois que le
drawback qui est proposé, donne un léger bénéfice. Si l’honorable M. Desmet
parle du commerce interlope, c’est une autre question que j’ai traitée à part ;
s’il parle de l’exportation régulière de nos tabacs, j’encourage cette
exportation par le drawbaick.
Il
est nécessaire de bien poser les questions, pour que la discussion ne s’égare
pas. C’est dans ce but que j’ai pris de nouveau la parole.
M. Desmet. - M. le ministre des
finances m’a reproché d’avoir parlé des droits réunis, à propos du projet de
loi en discussion. Que trouvez-vous dans loi ? exercice, procès-verbal, amende, destructions, etc., etc. Qu’est-ce que
tout cela, sinon les droits réunis ?
M. Lys. - Messieurs, lorsqu’en
Nous
devons aussi reconnaître qu’il a suivi la même règle de conduite en 1843 ; le
déficit du trésor a été évalué d’une manière franche et consciencieuse.
Alors,
messieurs, que disait-on à M. le ministre des finances ?
Les
mots d’économie, de réduction dans les dépenses publiques étaient dans toutes
les bouches, ils se trouvaient inscrits sur tous les drapeaux. Mais quel est
celui d’entre nous qui ne doive convenir que les budgets tels qu’ils vous sont
présentes chaque année, ne sortent de nos mains le plus souvent qu’avec des
augmentations de dépenses, ou plus tard sont surchargés par des crédits
supplémentaires, tandis que les voies et moyens peuvent ne pas réaliser toutes
les prévisions.
Il
y a donc quelque courage de la part d’un ministre, car la tâche est toujours
pénible et ingrate, de venir proposer un nouvel impôt, car on sait d’avance
qu’il amènera nécessairement une vive opposition de la part de l’intérêt
particulier ; tandis que l’intérêt général trouve difficilement des défenseurs.
Telle était, messieurs, la position de M. le ministre des finances, lorsqu’il
vous a présenté l’impôt sur le tabac.
Vous
lui aviez dit auparavant, lorsqu’il vous avait établi le déficit dans nos
finances, que son devoir était de présenter de suite des mesures efficaces,
pour nous tirer d’une situation qu’il devait trouver si périlleuse ; qu’elle
était assez effrayante pour le pays et les contribuables ; on parlait alors de
la décroissance successive des principales branches du revenu public ; on lui
disait qu’il fallait chercher à améliorer nos recettes : et que ces
améliorations devaient porter sur les objets de luxe, les douanes, les tabacs ;
vous l’interpelliez de vous dire s’il ne comptait pas faire en sorte que le
tabac contribuât aux ressources du trésor. Ce n’est pas seulement de cette
chambre, messieurs, qu’est parti le vœu d’un impôt sur le tabac ; le sénat l’a
demandé de la manière la plus formelle, et je pourrais citer bon nombre de ses
membres qui trouvaient cet impôt à l’abri de toute critique, et témoignaient le
désir de le voir établir pendant cette session.
On
entendait, messieurs, que cet impôt serait à l’abri de toute critique fondée ;
car il n’existe pas un seul impôt qui n’ait soulevé des plaintes, parce qu’il
n’y a pas d’impôt qui ne froisse quelqu’intérèt. Il
est dès lors impossible d’obtenir une nouvelle taxe, n’importe sur quel objet,
sans soulever une opposition, jamais cela ne se rencontrera.
Je crois,
messieurs, que personne ne soutiendra dans cette chambre que le tabac ne soit
bien réellement la matière la plus imposable, que le tabac ne soit une source
de revenus publics, dont on puisse s’emparer sans crainte de frapper la classe
pauvre.
Je
crois aussi qu’il y a un devoir pour la législature de frapper le tabac d’un
impôt assez élevé.
On
viendrait aujourd’hui me démontrer que nos ressources sont en ce moment
considérablement améliorées, qu’il n’existe pas de déficit dans nos finances,
que je n’en persisterai pas moins à soutenir la nécessité de cet impôt. Et, en
effet, messieurs, jetons un regard dans l’avenir, et voyons s’il ne faut pas
dès aujourd’hui préparer des ressources plus considérables, pour éviter
désormais la pénible nécessité de recourir à de nouveaux emprunts ; d’ailleurs
n’aurez-vous pas de nouvelles dépenses pour le chemin de fer ? Les lignes que
M. le ministre des travaux publics fait étudier me donnent lieu d’en admettre
la nécessité ; d’ailleurs, n’avez-vous pas des routes et des canaux, soit à
construire, soit à améliorer ? N’avez-vous pas de nouvelles dépenses et
notamment pour l’augmentation des traitements de la magistrature ?
Et
supposât-on même qu’aucune nouvelle dépense ne fût prévue, l’impôt sur le tabac
serait encore nécessaire, car il servirait alors à opérer des réductions sur
les impôts existants ; et en effet, messieurs, n’avez-vous pas des impôts très
élevés qui pèsent sur les classes inferieures ? je
citerai la bière et le sel.
Ce
dernier surtout est l’impôt le plus impopulaire, comme on vous l’a souvent dit,
l’impôt le plus odieux, l’impôt qui pèse le plus lourdement sur les classes
pauvres, sur un objet de consommation indispensable, pesant sur les familles
nombreuses, qui ont le plus de besoins, sur les familles qui ont le plus de
charges.
Tels
sont les motifs, messieurs, qui, comme membre de la section centrale, m’ont
fait adopter l’impôt sur le tabac.
La
seule question qui peut être douteuse, ne peut, selon moi, être autre que celle
de la quotité de l’impôt.
Je
conviens, messieurs, que les gros impôts ne sont pas toujours les plus
productifs, que l’impôt modéré est toujours le meilleur.
Il
faut donc ici que l’impôt n’empêche point le commerce de tabac avec l’étranger
et ne donne pas lieu à l’introduction en fraude du tabac vers nos frontières du
Nord. Je vous avoue, messieurs, que j’admets le maintien du commerce de nos
tabacs par infiltration en France et en Allemagne ; mon seul motif est celui
d’attendre une occasion favorable, pour obtenir des compensations par suite de
la suppression de cette fraude, car je n’admets point qu’elle puisse continuer
à exister.
Ce
genre de commerce est immoral, et vous ne devez pas en douter, le fraudeur qui
introduit vos tabacs en France, introduit aussi par la fraude en Belgique les
produits français.
Le
droit établi par la section centrale n’est pas trop élevé pour empêcher
l’infiltration à l’étranger, et j’en trouve la preuve dans ce qui s’est
pratiqué dans les dernières années.
Le
prix actuel du tabac, augmente du droit proposé, ne s’élèvera pas au prix moyen
des années 1833, 1836 et 1838, il sera moins élevé qu’en 1840 et 1841. Or, si
vos tabacs ont été infiltrés alors, ils pourront encore l’être aujourd’hui.
Le
prix se trouvant en-dessous de ceux de ces époques, laissera les négociants
dans une position plus favorable que celle où ils se trouvaient alors. Ayant
traversé ces périodes, sans souffrir d’obstacles, il est certain qu’ils n’en
rencontreront pas davantage actuellement.
Quant
au recensement, messieurs, si vous ne l’admettiez point, vous rendriez nulle la
perception de l’impôt et pour 1844 et pour 1845 au moins, attendu les
approvisionnements constatés.
Vous feriez ainsi la fortune de quelques riches commerçants
au détriment du trésor, au détriment même d’une partie du commerce qui n’a pu
faire des approvisionnements, et sans aucun avantage pour le consommateur.
Je
dirai aussi, messieurs, que s’il m’était démontré que le droit tel qu’il est
proposé, pourrait donner lieu à la fraude du coté de nos frontières du Nord, je
n’hésiterais pas de me ranger du côté de ceux qui auraient proposé une
réduction.
M. le président. - La parole est à M. de
Mérode.
M. de Mérode. - Je voulais faire à peu
près les mêmes observations que l’honorable M. Lys ; je suis entièrement de
l’avis de cet honorable membre.
M. Dumortier. -
Messieurs, l’honorable M. Lys a fait allusion aux membres de la chambre qui,
dans le cours de la discussion du budget des voies et moyens, ont signalé
l’impôt des tabacs comme une matière imposable. Etant un de ceux qui se sont
exprimés dans ce sens, je crois devoir faire une courte réponse à l’honorable
préopinant.
Sans
doute, il est peu de matières qui soient imposables que le tabac. Mais d’abord,
avant d’établir l’impôt, il faut voir si le trésor public le réclame. Je ne
pense pas, avec l’honorable membre, que nous devions établir des impôts pour
les besoins futurs, nous ne devons établir des impôts que pour les besoins
réels. Or, il est un fait certain que la situation du moment n’est plus du tout
la situation où nous étions au mois de novembre dernier. Lors de l’ouverture de
la session, il y avait un déficit considérable dans le trésor public, déficit
qu’on évaluait à 3 millions. Depuis lors, les choses sont singulièrement
changées.
La
loi de la conversion a amélioré le trésor d’un million et demi. Nous avons voté
diverses lois sur le sel, sur les eaux-de-vie, qui augmenteront d’environ un
demi-million les revenus du trésor. Nous avons d’un autre côté apporté des
modifications au tarif des douanes ; nous avons pris d’autres mesures encore ;
toutes ces mesures comblent déjà le déficit qui existait au mois de novembre
dans les caisses du trésor public.
Ce
n’est pas tout. Les revenus du chemin de fer se sont considérablement
augmentés. Dans le cours des quatre premiers mois de cette année, le chemin de
fer a rapporté près d’un million de plus qu’il n’a rapporté pendant la même
période, l’année dernière, et comme il y a encore huit mois sur lesquels
l’augmentation progressive doit agir, on peut, sans exagération, évaluer à deux
millions le revenu que le trésor recevra en plus de ce chef, comparativement au
produit de l’année dernière.
L’honorable
M. de Mérode m’objecte qu’il y aura cette année une augmentation de frais. Je
lui répondrai que vous n’arriverez jamais à dépenser deux millions en travaux
de complément, résidant uniquement de l’augmentation de l’exploitation du
chemin de fer.
Je
n’examine, pour le moment, que la position de nos voies et moyens, mise en
regard de nos dépenses. Eh bien, si vous comparez les dépenses et les recettes,
vous reconnaîtrez avec moi que cette année nous aurons au moins un excédant de
recette d’un million sur les dépenses.
Je
ne pense pas qu’on doive accueillir l’observation de l’honorable M. Lys qui
prétend que quand même les recettes combleraient les dépenses, il faudrait
établir un impôt sur le tabac. Je ne pense pas qu’il faille aller puiser dans
les poches du contribuable un argent dont on n’a pas besoin ; je conçois qu’on
recoure à un nouvel impôt, quand la nécessité la plus impérieuse s’en fait
sentir.
D’un
autre côté, le projet qui nous est présenté est manifestement un projet tel
qu’il ne pouvait entrer dans les prévisions de personne. Ceux qui ont les
premiers signalé le tabac comme une bonne matière d’impôt, n’ont jamais pu
supposer que le gouvernement viendrait proposer le rétablissement des droits
réunis en Belgique. Il n’est pas une seule mesure qui, sous l’empire, ait
excité de plus vives réclamations que les droits réunis. Avec le système
libéral qui nous régit, avec notre constitution percée à jour de tous côtés,
nous ne pouvons pas souffrir que les particuliers soient soumis aux vexations
des agents du fisc. Je dis que le système des droit réunis, dans lequel se
résument et le système du gouvernement et celui de la section centrale est
antipathique aux mœurs nationales, et que ce système est inadmissible.
Je
ne pense pas non plus que la chambre veuille mettre un droit sur la culture du
tabac en Belgique. La culture du tabac est une des cultures que l’Etat devrait
le plus encourager ; et s’il était possible que
La
culture du tabac en Belgique est forcément resserrée dans des limites très
étroites, et elle n’est pas susceptible de prendre de l’extension. Je dis que,
quel que soit le système d’impôt que vous adoptiez, ce sera une vexation pour
le cultivateur. N’est-ce pas une chose éminemment déraisonnable que de vouloir,
alors que les cultivateurs de tabac payent déjà un impôt foncier plus élevé, de
vouloir, dis-je, leur faire payer un nouvel impôt pour cette culture ? Les
cultivateurs de tabac payent déjà un quart de plus que les autres, et vous
voulez les soumettre à une nouvelle surtaxe !
Toutes
les industries ne méritent-elles pas protection ? Vous venez de voter des
droits sur les bois étrangers, pour protéger la culture des forêts, et vous
iriez mettre des droits sur la culture des tabacs ! Pourquoi donc ne
mettriez-vous pas des droits sur les céréales, dans le but de faire venir de
l’étranger les céréales à meilleur compte ?
Messieurs,
il est un fait qu’on ne connaît généralement pas dans le pays, et sur lequel
j’appelle toute votre attention : c’est que le tabac cultivé en Belgique se
vend dans le pays un quart plus cher que le tabac d’Amérique de même qualité.
Et c’est en présence d’un pareil fait qu’on voudrait venir aggraver la position
de l’agriculture, en établissant un droit sur la culture du tabac. Prohibez la
culture du tabac, soit ; mais si vous ne voulez pas la prohiber, ne venez pas,
lorsque les tabacs indigènes n’ont déjà pas une protection suffisante ; ne
venez pas empirer leur position par l’établissement d’un droit nouveau. Ce
serait aller au rebours du système que nous avons suivi depuis la révolution,
système qui consiste à protéger suffisamment l’agriculture et l’industrie
nationales.
Maintenant
faut-il admettre le droit de consommation qu’on vous propose ? Si j’examine le
système du gouvernement, je trouve que ce système est beaucoup plus tracassier
que le système même des droits réunis… (Interruption
de M. le ministre des finances.) Vous avez dit que vous vouliez un droit de
consommation, et je vous réponds.
Je
dis que tous les systèmes qui sont présentés sont vicieux. On veut un droit de
consommation, (Interruption de M. de
Mérode.)
Je
ne sais pas pourquoi M. de Mérode montre une si vive
impatience ; je regrette de ne pas être d’accord avec lui, mais il m’est
impossible de ne pas dire que le système des droits réunis est antipathique aux
mœurs et aux institutions du pays. Si d’autres personnes pensent le contraire,
qu’elles veuillent avoir la patience de m’écouter jusqu’au bout, et elles
pourront alors me répondre.
On
veut donc un droit de consommation. Mais ce droit, comment le réglerez-vous ?
Vous mettrez un droit sur les détaillants, mais ce sont des vexations inutiles
et qu’il faut éviter, surtout quand le trésor public ne le réclame pas. Comment
! vous mettrez un droit sur les débitants de tabacs
pour augmenter le traitement de la magistrature ! Mais vous allez la rendre
odieuse ! Ce n’est pas le moyen de la rendre populaire. Pour augmenter des
traitements, vous voulez rétablir les droits réunis ! C’est trop fort ! Je
trouve que la magistrature est largement rétribuée. A l’exception des juges de
paix en faveur de qui j’ai été un des premiers à réclamer, je trouve que les
magistrats sont très bien payés. Je pense que, quand on arrivera à faire ce
compte-là, la chambre agira très sagement en maintenant ce qui existe. Ce
serait une chose déplorable que d’établir un impôt odieux, pour augmenter le
traitement de certains fonctionnaires de l’Etat. Par tous ces motifs, je ne
puis donner mon assentiment au système proposé : il est antinational, il est
contraire à tous les précédents, il frappe une industrie du pays que nous
devons protéger.
Parlerai-je
de la mesure de rétroactivité. C’est une chose révoltante ! Quoi ! on ira chez les particuliers rechercher la marchandise
qu’ils ont chez eux, pour leur faire payer l’impôt ! Je concevais de pareilles
mesures sous le régime de l’empire alors qu’on devait se courber sous le
despotisme du sabre, mais elles ne sont pas possibles sous l’empire d’une
constitution. On ne peut pas chez un peuple libre fouiller dans le domicile des
particuliers pour faire les affaires de l’Etat. D’ailleurs, s’il est une
industrie à laquelle ces mesures ne soient pas applicables, c’est surtout à la
fabrication des tabacs.
Il
faut plusieurs années avant que le tabac soit fabriqué, il faut le laisser en
fermentation plusieurs années. Si vous adoptez la loi qui vous est proposée,
vous allez frapper le commerce pour des faits qu’il lui a été impossible de
prévoir. Ces masses en fermentation, vous allez les peser ; en les
bouleversant, vous allez en faire de la pourriture.
Quoi
que vous disiez, ces mesures seront toujours odieuses. Jamais la chambre n’a
voulu les voter. Rappelez-vous l’affaire des vins ; alors on a soutenu qu’il ne
fallait pas adopter de mesure rétroactive, parce que ce n’était pas le système
du pays , c’est qu’alors le trésor était intéressé à ce qu’il en fût ainsi ;
mais aujourd’hui que le trésor a un intérêt différent, on vous propose des
mesures vexatoires, les visites domiciliaires, les recherches à l’intérieur ;
si la chambre les adoptait, elle voterait ce qu’elle a repoussé dans une
circonstance semblable.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - La chambre les avait
votées alors.
M. Dumortier. -
Oui, la chambre avait voté la rétroactivité, mais le gouvernement n’a pas
sanctionné la loi. Et comme nous reconnaissons la prérogative royale, nous nous
y soumettons. La chambre a émis son vote, le gouvernement n’y a pas donné sa
sanction, nous n’avons pas dit un mot, nous avons respecté un fait consommé.
Mais aujourd’hui ce serait mettre la prérogative royale en opposition avec
elle-même que de soumettre à son approbation ce qu’elle a repoussé
précédemment.
Vous
voyez, par les motifs que je viens d’indiquer, qu’il m’est impossible de donner
mon assentiment à la loi qu’on vous propose avec l’attirail de mesures
vexatoires qu’elle enferme pour l’agriculture, les fabricants et les
boutiquiers. Ces mesures ne sont ni dans le système de nos impôts, ni dans nos
mœurs ; nous ne pouvons les admettre.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - Au début de son discours,
l’honorable préopinant a cherché à établir que notre position financière
n’était plus la même qu’en novembre ou décembre dernier, qu’elle s’était considérablement
améliorée.
Il
est vrai, ainsi qu’on l’a déjà rappelé, que la loi de conversion a fourni
quelques ressources nouvelles, du moins qu’elle a diminué les dépenses. J’ai
déjà fait observer, mais alors l’honorable membre n’était pas présent, que cette
diminution de dépense était nécessaire pour cette réserve que lui-même a si
souvent recommandée, qu’il s’est même flatté d’avoir pris l’initiative de
recommander au gouvernement. Il faut avoir une réserve, répète-t-on toujours.
Mais
avec quoi la faire ? Avec des économies, me dit M. Osy. C’est ce que je demande
; qu’on fasse une réserve des économies qu’on peut faire sur la dette publique.
C’est avec des économies que je me suis toujours proposé de faire une réserve.
Mais n’y aurait-il pas de nouvelles dépenses ? Toutes les dépenses sont-elles
connues ? N’y en a-t-il pas d’imprévues ? C’est ce que nous ne pouvons pas
affirmer.
L’honorable
M. Dumortier pense qu’il n’est pas nécessaire d’avoir de nouvelles ressources.
Je veux établir que c’est indispensable. Le bénéfice de la conversion est
destiné à former la réserve souvent demandée par l’honorable député de Tournay.
L’honorable
membre a pensé qu’il y aurait une augmentation de ressources d’un demi-million
résultant des modifications apportées aux lois sur le sel et sur les
eaux-de-vie. C’est une erreur, l’augmentation de produits de la loi sur le sel
se trouve déjà comprise dans les prévisions du budget des voies et moyens,
c’est-à-dire celle qui provient de la diminution du déchet accordé par suite du
traité avec
Eh
bien, il faudrait, pour réaliser les prévisions de cette année, 10,600,000 fr., une augmentation de 1,700,000 fr. Je n’ai pas
la conviction que cet excédant sera dépassé. Je crois qu’il serait imprudent de
se baser sur les recettes opérées jusqu’à présent, pour inférer de
l’augmentation qu’elles présentent qu’il y aura un excédait de plus de 1,700,000 fr. Il serait imprudent surtout d’agir en
conséquence. L’état des choses est donc à peu près le même que lorsque le
budget a été présenté. J’avoue que peut-être les droits différentiels donneront
2 à 300 mille francs d’augmentation de ressources nouvelles ; en y ajoutant
150,000 francs pour le sel, nous arrivons à un demi-million environ. Voila le
seul changement intervenu dans les recettes de l’Etat.
On
nous parle du bénéfice qui pourra résulter de la capitalisation de la rente de
deux millions de florins. J’ai déjà fait observer, mais l’honorable membre
était absent, qu’il faut établir un amortissement, de sorte que dans nos
budgets on portera en dépense la même somme qu’aujourd’hui. Il n’y aura donc
pas de ressource nouvelle.
L’honorable
M. Dumortier a aussi pris la défense des cultivateurs ; je ne sais s’il a
entendu ma réponse à M. Desmet, j’ai dit que la position des cultivateurs
serait améliorée, en ce sens qu’ils ont aujourd’hui une protection plus faible
que celle qui leur est accordée par le projet de la section centrale.
J’ai
démontré que la protection était plus que doublée, qu’elle était aujourd’hui de
62 fr. 43 c., et qu’elle s’élèverait à 135 fr. Il y
aura donc amélioration pour le cultivateur.
Qu’est-ce
qu’ensuite ce système de droits réunis dont parle l’honorable membre ? Ce mot
n’est pas celui qu’on devrait employer pour les simples formalités qui seront
établies, car ce n’est pas là le système des droits réunis de l’empire ; mais
je comprends que comme tactique, on se serve de ce mot ; la population s’émeut
chaque fois qu’il est prononcé, parce que ce régime était odieux dans le pays ;
mais il n’y a rien de semblable dans le projet, surtout tel qu’il se trouve
modifié.
J’ai
expliqué qu’il n’y avait plus qu’une seule formalité : compter le nombre de
plantes et de feuilles, qu’il n’y avait plus de visite. Si le cultivateur
comprenait la loi, ou si loi se faisait comprendre il viendrait la demander
lui-même, parce que la protection dont il jouit maintenant sera doublée. La
protection se calcule sur la différence entre le droit sur le produit indigène
et le droit sur le produit similaire étranger.
Je
suis obligé de répéter mes arguments, parce qu’on reproduit les mêmes objections
sans tenir compte de ce qui a été dit précédemment. J’ai rapporté ce qui m’a
été dit relativement au droit sur le sucre par les fabricants de sucre de
betterave, qu’ils préféraient payer 40 fr. de droit, pourvu que le sucre
exotique en payât 70 ; plutôt que d’être exemptés et de voir le sucre exotique
ne payer que 20 fr. C’est un droit différentiel. Je prie M. Dumortier de faire
attention à cette distinction.
Quant
à ce qu’on appelle la rétroactivité, je soutiens qu’il n’y en a pas. Je
soutiens qu’il y aurait injustice criante à l’égard du peuple qui paye l’impôt,
si l’on ne percevait pas de droit sur les approvisionnements, parce que les
besoins du trésor sont déterminés ; il faut que ce dont le trésor a besoin soit
payé par le peuple. Si vous faites présent au fabricant d’un droit qu’il
perçoit sur le consommateur, et si vous êtes obligés de percevoir encore cette
ressource au profit du trésor, sur le peuple qui paye l’impôt, vous lui aurez
fait payer deux fois l’impôt, une fois au profit de quelques fabricants, une
autre fois au profit du trésor public. Cette distinction est réelle.
On
dit : Le négociant diminuera ses prix ; il n’exigera pas l’impôt ; il vendra sa
marchandise, comme si l’impôt n’était pas établi.
Il
n’en sera pas ainsi par deux raisons…
En vérité, je regrette que l’on n’écoute pas. On défend
l’agriculture ; eh bien, c’est dans son intérêt que cette disposition est
proposée.
Si
vous frappez le tabac indigène d’un droit et si vous exemptez du droit les
grands approvisionnements du tabac étranger, il en résultera un grand préjudice
pour le tabac indigène, qui ne pourra soutenir la concurrence contre le tabac
étranger affranchi de droits.
Une
deuxième distinction à faire est celle-ci : Il y a des négociants ayant de
grands capitaux et par suite de grands approvisionnements il y en a d’autres
qui n’ont que de petits capitaux, et qui n’ont guère d’approvisionnements. Si
les premiers ne font pas payer l’impôt au consommateur, les derniers seront
infailliblement réunis. Mais il n’en sera pas ainsi ; ils feront payer l’impôt
au peuple, qui, ainsi, le payera deux fois.
M. Dumortier. -
Je crois que M. le ministre des finances a singulièrement atténué les services
qu’il a rendus au trésor public dans cette session. Pour moi, je m’en fais une
plus haute idée. Je me plais à lui rendre cet hommage : ce qui confirme mes
observations sur l’inutilité du projet de loi qui nous est soumis ; en effet,
puisque les services rendus par M. le ministre des finances ont amélioré la situation
du trésor public, puisqu’ils ont satisfait aux besoins, il est évident que
cette loi est inutile.
M.
le ministre des finances a fait plus d’un double emploi dans sa réponse ; il
faut, dit il, vous créer une réserve. Mais qu’avons-nous fait dans la loi de la
conversion ? Evidemment une réserve dont on pourra disposer dans dix ans. Je
m’y suis opposé : je voulais une réserve qui ne fût pas aux dépens de
l’amortissement. La chambre, à la demande de M. le ministre des finances, en a
jugé autrement. Toujours est-il qu’on ne peut prétendre qu’un impôt sur le
tabac est nécessaire pour créer une réserve, puisque nous l’avons créée, en
sacrifiant l’amortissement.
D’un
autre côte, M. le ministre des finances dit qu’il faut établir un fonds
d’amortissement ; ce serait un double emploi ; car vous l’avez établi, en
créant une réserve. Vous ne pouvez dire ni qu’il faut une réserve, ni qu’il
faut un fonds d’amortissement ; car nous avons voté quelque chose ; ce quelque
chose, c’est une réserve qui servira dans dix ans à l’amortissement.
Quant
aux produits du chemin de fer, M. le ministre des finances cherche beaucoup à
les atténuer. Il est positif que le produit du chemin de fer dépassera cette
année de deux millions le produit de l’année dernière ; sur les premiers mois
de l’année, qui sont la mauvaise saison, il y a un excédant de huit à neuf cent
mille francs ; on aura donc certainement sur toute l’année un excédant de deux
millions, par conséquent un million au-delà des prévisions.
D’ailleurs,
le déficit de trois millions dont on a toujours parlé, n’est pas, en réalité,
un déficit car si l’on fait attention à tout ce que nous avons voté en fait de
voies et moyens, on reconnaîtra que le déficit n’est que de trois à quatre cent
mille francs.
Nous
n’avons pas besoin de la loi sur les tabacs pour combler et au-delà ce déficit.
En effet, nous avons dans l’avenir de magnifiques ressources : En 1846, nous
aurons à amortir l’emprunt dont le terme d’amortissement sera arrivé ; cet
amortissement nous rapportera 420,000 fr.
En
1848, même opération, qui nous rapportera 140,000 fr.
Total
à réduire sur notre budget : 560,000 fr.
L’application
de la mesure votée cette année doit donner ce résultat d’ici à 3 ans.
M.
le ministre des finances prétend que la loi aura pour résultat d’améliorer la
position du cultivateur ; c’est ce qu’il est impossible d’admettre : Quelle
serait, en effet, la position du cultivateur ? Chaque hectare cultivé en tabac
paierait un impôt de 572 fr. au lieu de 26 fr. que l’on paye maintenant. C’est
là ce qu’on appelle une amélioration ; les cultivateurs vous en remercient
infiniment et vous dispensent de telles améliorations.
Il
suffit de lire l’exposé des motifs pour comprendre que cette prétendue
amélioration n’en est pas une. En effet, nous y voyons qu’en Prusse, le droit
sur le tabac étranger est de 10 fr., le droit par hectare cultivée de 66 fr. En
Belgique, le droit ne serait que de moitié sur le tabac étranger ; mais le
droit serait de 572 fr. chaque hectare cultivée. On
appelle cela une protection doublée. Je ne conçois pas une protection de ce
genre. Assurément les cultivateurs préféreront à une telle protection aucune
protection.
Parlerai-je
du système qui consiste a compter le tabac, plants par
plants, feuilles par feuilles. Conçoit-on rien de plus vexatoire ? Mais c’est
une monstruosité ! Mieux vaudrait établir les droits réunis ; car alors il y
aurait un bénéfice pour le trésor public. Le monopole du tabac produirait au
trésor de 9 à 10 millions. Mais que, pour produire un revenu de 50,000 fr., on
établisse toutes les mesures vexatoires que nécessiterait le monopole, c’est ce
que je ne puis comprendre.
En
Prusse, il est stipulé, par l’ordonnance du 8 février 1819, que la culture de
cinq verges en tabac ne donnera lieu à aucun droit.
En
Belgique, pour la moindre culture il faudra payer. Les habitants des campagnes
ne sont-ils pas assez malheureux ! Ainsi les tisserands des Flandres, dont la
situation déplorable excite chaque jour votre compassion, vous allez les
soumettre à l’impôt pour quelques plants de tabac qu’ils cultiveront au bord de
leur champ ! C’est une étrange protection.
Quant
à la rétroactivité, M. le ministre des finances prétend qu’elle est nécessaire
à l’agriculture. Si l’on frappe le tabac indigène, et qu’on n’impose pas les
approvisionnements de tabac étranger, on causera un préjudice à l’agriculture.
Je conclus de là qu’il ne faut établir d’autre droit qu’un droit d’entrée ;
alors vous ne blessez personne.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - Mais vous aurez un
déficit.
M. Dumortier. -
Vous n’aurez pas de déficit ; cela est évident.
Il
n’y a donc aucun motif pour voter le cortège de calamités que l’on veut faire
peser sur le pays. Il est impossible de porter une loi qui excite des plaintes
aussi unanimes. Quand elle a été présentée, il n’y a eu qu’un cri contre cette
loi ; nous ne pouvons y donner notre assentiment.
Si
l’on proposait une augmentation de droit d’entrée, et qu’il y eût déficit, nous
devrions la voter ; mais le déficit diminue chaque année ; bientôt il aura
entièrement disparu. Je ne conçois pas comment les chambres pourraient voter
une loi aussi vexatoire, aussi odieuse, qui compromettrait au plus haut point
le gouvernement dans le pays.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, l’honorable
membre persiste à soutenir que la position est telle maintenant que nous
n’avons plus besoin de nouvelles ressources. Rappelez-vous, dit-il, que le
déficit n’était que de 3 à 400,000 francs. Certes, j’aurai pu dire également
que le déficit n’était que de 3 à 400,000 fr. mais en disant cela, j’aurais
trompé la chambre, parce qu’en effet ce n’était là que le déficit
apparent. N’ai-je pas fait observer que,
dans notre budget des voies et moyens, il se trouvait encore porté en recette
environ 1,800,000 fr. du prix des domaines vendus et
de remboursement de capitaux ? C’est là autre chose qu’une simple insuffisance
de 200,000 fr.
M. Dumortier. -
Quand cette recette disparaîtra, on y pourvoira.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - On a toujours blâmé, et
avec raison, le gouvernement de porter comme voies et moyens ordinaires les
produits des domaines ; et je crois que l’honorable M. Dumortier est du nombre
de ceux qui ont adressé sur ce point des reproches au gouvernement.
Messieurs,
en parlant d’une réserve, je n’ai pas fait confusion : je n’ai pas fait double
emploi, comme le suppose l’honorable membre. Je sais bien que les mesures
prises pour l’amortissement tendent comme but final à créer une réserve. Mais
quand aurons-nous cette réserve ? Nous ne sommes pas sur le point d’arriver à
ce résultat. Il faut d’abord éteindre la dette flottante ; c’est seulement
lorsque cette dette flottante n’existera plus que commencera la formation d’une
réserve. Mais je soutiens qu’il faut, outre cela, un excédant de recettes sur
les dépenses. Or, c’est au moyen de la conversion de l’emprunt de 1831, qu’au
mois de novembre, lorsque j’ai présenté les budgets, j’ai espéré obtenir un
excédant de recettes, et cet excédant doit servir en premier lieu à couvrir les
dépenses éventuelles, les dépenses imprévues et, en second lieu, à la formation
d’un fond de réserve, si, tout compte fait, cela reste possible.
Quant
aux recettes du chemin de fer, l’honorable député de Tournay pense qu’elles
excéderont les prévisions. Il base son opinion sur les résultats obtenus dans
les premiers mois de cette année. Mais, messieurs, il ne faut pas perdre de vue
que, cette année la saison a été extrêmement bonne et qu’elle a exercé une
grande influence sur les recettes du chemin de fer. On paraît aussi oublier
que, dans les premiers mois de l’année dernière, plusieurs lignes n’étaient pas
encore en exploitation. Je dis donc que nous devons agir avec beaucoup de
prudence et que nous pourrions avoir un grave mécompte, si nous agissions
maintenant comme si les recettes du chemin de fer devaient excéder de beaucoup les
prévisions.
Je
ne nie en aucune manière les effets de la loi de conversion. Mais je déclare
que la loi sur le sel donnera peu de nouvelles ressources, Cette loi a surtout
été faite dans l’intérêt de l’industrie et du commerce ; mais les dernières
modifications qu’elle a subies ne rapporteront qu’un revenu minime au trésor.
J’ai établi, dans le temps, quel pouvait être ce revenu il ne dépassera pas, je
crois, 150 à 200 mille fr., car, suivant moi, on a fait confusion ; on a ajouté
aux ressources qu’on devait attendre celle qui résulterait de la diminution qui
devait être faite par suite de la remise pour déchet.
J’ai
établi tout à l’heure, messieurs, que la position du cultivateur serait
améliorée sous le point de vue financier. Voici comment les faits se présentent
: Il existe aujourd’hui un droit de 3 fr,. 40 c. sur
le tabac exotique.
L’honorable
préopinant a supposé qu’un hectare rapportait 2,200 kil. de
tabac. J’admets ce chiffre. En appliquant le droit de
Si
nous établissons un droit de 26 fr. par 100 kil. sur le tabac indigène et un droit de 30 fr. par 100 kilog.
sur le tabac étranger, nous aurons une protection de 4 fr. de plus par 100 kil., et la protection qui résultera de ce nouvel état de
choses sera au lieu de 74 fr. 80 c. de 162 fr. Voilà ce que j’ai voulu établir.
Je
soutiens donc que, sous le point de vue financier, sous le point de vue de
l’intérêt pécuniaire, la position du cultivateur sera essentiellement
améliorée, el que, s’il la comprend, il étendra sa culture.
Quant aux réclamations, messieurs, nous savons bien que
jamais une loi d’impôt ne se présentera en Belgique sans qu’elle soulève les
plus vives réclamations. Si nous devions nous arrêter il devant ces
réclamations, il faudrait se résigner à avoir chaque année un déficit et à
marcher dans cette voie jusqu’au terme fatal. Jamais, messieurs, l’intérêt
privé ne manquer de réclamer vivement et d’autant plus vivement qu’on présente
souvent ces réclamations comme un motif. Il faut envisager les lois par
elles-mêmes, abstraction faites des réclamations des intéressés.
Quant
aux consommateurs qui sont ceux qui paient le droit, je n’en n’ai pas rencontré
un seul qui se plaignît de l’impôt, tandis que j’en ai rencontré beaucoup
avouant que le tabac pouvait être imposé.
Je
veux bien qu’on critique certaines dispositions de la loi, qu’on entre dans les
détails de la loi, qu’on les examine ; je ne prétends pas que ce que nous avons
présentons maintenant, d’accord avec la section centrale, soit tout ce qu’il y
a de mieux à faire ; nous pouvons améliorer sans doute le projet ; mais je ne
crois pas que, parce qu’il existe des réclamations, nous devions nous abstenir de
créer de nouvelles ressources pour le trésor. Car si nous obéissions à cette
considération, il n’y aurait jamais un système d’impôt voté en Belgique.
M.
de Garcia. - Messieurs, la loi sur le tabac présente des questions
d’une haute importance, soit au point de vue commercial, soit au point de vue
de l’industrie agricole, soit au point de vue des intérêts du trésor. On s’est
surtout attaché à traiter celles qui concernent les besoins du trésor et les
intérêts agricoles.
Messieurs,
je ne puis partager l’opinion de l’honorable M. Dumortier, que la loi qui vous
est présentée sera plus nuisible à l’agriculture que celle qui existe. Il me
semble évident, d’après les considérations déduites par M. le ministre des
finances, que la loi nouvelle, sous le rapport de l’impôt à prélever sur les
tabacs exotiques et sur les tabacs indigènes, sera plus avantageuse que l’ordre
de choses actuel.
Je
crois aussi que l’honorable M. Dumortier s’est trompé lorsqu’il vous a dit que
la loi nouvelle rétablissait le hideux des droits réunis. Messieurs, il y a
quelques mots qui sont en quelque sorte magiques dans cette assemblée, et dont
l’emploi semble dispenser de toutes démonstrations. S’agit-il de nominations de
bourgmestres ? Ce sont les maires de l’empire qui ont renversé l’empire.
S’agit-il de la milice nationale ? C’est la conscription militaire qui a
renversé l’empire. S’agit-il de quelque chose qui ressemble aux droits réunis ?
Ce sont les droits réunis qui ont renversé l’empire. En vérité, messieurs, il
est curieux de voir toutes ces causes nouvelles du bouleversement du plus
puissant empire qui ait jamais existé. Le grand homme a été bien petit, si ces
allégations pouvaient être vraies. Quand à moi, impossible d’admettre ces
causes.
L’honorable
M. Desmet vous a dit qui avait renversé l’empire. Ce sont les Cosaques ; j’y
ajouterai l’imprudence à s’enfoncer dans les frimas et les glaces du Nord. A la
vérité, les armées envahissantes criaient au peuple : plus de conscription,
plus de droits réunis ; les maires de l’empire ont été oubliés. Cependant,
messieurs, la plupart de ces choses nous sont restées ; nous avons encore la
conscription et même les droits réunis existent jusqu’à un certain point pour
les distilleries, pour les brasseries et pour les sucreries. Ces mots n’ont été
qu’une amorce pour prendre le peuple, mais rien qu’une amorce.
Messieurs,
peut-on considérer comme vexatoire la mesure qui consiste à constater dans un
champ, pour assurer les revenus du trésor public, l’objet qui doit payer
l’impôt ?
Quant
à moi, je ne puis considérer une telle mesure comme une vexation ; et si vous
deviez repousser toutes les mesures de ce genre je vous défierais de percevoir
encore un impôt. Mais votre impôt personnel, comment le percevez-vous ? Ne
peut-on pas entrer chez vous chaque année, y venir constater le nombre de vos
domestiques, le nombre de vos croisées, de vos foyers, de vos chevaux ? Si cet
impôt n’était pas établi et qu’on vous le proposât, il est bien certain,
d’après les considérations qu’on fait valoir, qu’il faudrait rejeter ces
mesures fiscales comme vexatoires, et comme rappelant les droits réunis qui ont
renversé le grand empire.
Messieurs,
il faut se défier de ces exagérations. Quant à moi, je crois qu’au point de vue
de l’agriculture, la perception de l’impôt sur le tabac ne présente pas tous
les inconvénients et les vexations qu’on signale. La seule vexation sera de
devoir payer ; or, il faut payer puisque nous dépensons.
Quant
au résultat de la loi, sous le point le vue commercial, je vous ai déjà dit que
cette partie m’était peu familière ; je laisse donc à d’autres, plus capables
que moi, le soin de la traiter.
Il est une autre question que je dois examiner, c’est celle
des besoins du trésor. C est là une grave question ; et je suis fâché de ne
pouvoir encore, sous ce rapport, partager l’opinion de l’honorable M.
Dumortier, que dans ce moment il n’y a plus de déficit, que le trésor n’a pas
besoin de se remplir.
Messieurs,
je désire que l’honorable M. Dumortier ne se fasse pas illusion. Quant à moi,
je crois que nous avons besoin de créer de nouvelles ressources pour le trésor,
que dans l’état actuel des choses, il y a encore un déficit, et qu’avec les
tendances de la chambre il y aura, et dans très peu de temps, des déficits nouveaux.
Quant à moi, messieurs, lorsqu’il s’est agi de budgets et de lois nouvelles
entraînant dans des dépenses, j’ai toujours repoussé les augmentations. On se
rappelle ma proposition lors de la discussion de la loi des pensions, et quelle
a été la conduite de l’honorable M. Dumortier dans cette circonstance.
M. Dumortier. -
Que voulez-vous dire par le mot conduite ?
M.
de Garcia. - Vous êtes un des 24 qui ont fait une proposition en faveur
des ministres.
M. Dumortier.
- Pas de personnalité, s’il vous plait.
M.
de Garcia. - Vous pouvez demander la parole ; je ne vous reconnais pas
le droit de m’interrompre.
M. Dumortier. -
Qualifiez mon opinion, mais non ma conduite.
M. le président. - L’orateur n’a pas
attaché de qualification à votre conduite.
M.
de Garcia. - Si l’honorable M. Dumortier le permet, je continuerai.
On
connaît, messieurs, la conduite que je tiens toutes les fois qu’il s’agit de
dépenses. J’ai rejeté à peu près toutes les augmentations que l’on demandait.
Mais je crois avec l’honorable M. Lys, qu’en vain on s’opposera aux dépenses
nouvelles ; qu’on les fera, et que les budgets, au lieu de diminuer,
augmenteront chaque année. Je désire me tromper, l’avenir nous apprendra si
j’ai raison.
Dans
cet état de choses, messieurs, n’est-il pas nécessaire de créer quelques
nouvelles ressources pour le trésor ? Incontestablement il le faut ; surtout si
vous prenez en considération les propositions de beaucoup de membres qui, tout
en criant économie, demandent des
chemins de fer nouveaux, demandent des routes empierrées, qui, je le reconnais,
manquent encore dans beaucoup de localités. Car, il faut le dire, ce n’est
qu’au détriment des routes empierrées qu’on a fait d’énormes dépenses pour le
chemin de fer. Tout le pays a concouru à faire le chemin de fer ; mais cette
voie ne relie généralement que les grandes cites de
Depuis
quelques années, que fait-on pour les routes empierrées ? Vous votez un million
ou deux millions et vous laissez en souffrance les besoins des localités qui
sont isolées. Je n’en dirai pas davantage sur ce point, car je crois avoir
démontré qu’il y a réellement déficit aujourd’hui et qu’il y aura déficit à
l’avenir, à moins que nous ne créions des ressources nouvelles.
Une
autre disposition du projet a été attaquée, c’est celle qui concerne le
recensement du tabac existant dans le pays au moment de la mise à exécution de
la loi. On a parlé, à cet égard, de rétroactivité. Je dois le reconnaître,
messieurs, ce mot a aussi quelque chose de malsonnant ; mais voyons la portée
de ce mot en matière fiscale. Certainement la rétroactivité est une chose
odieuse dans les lois civiles ; mais quand il s’agit d’impôt, en est-il de même
? Je ne puis l’admettre, le but d’une loi fiscale est de faire payer ce qui
entre dans la consommation ; ceci me paraît incontestable.
Eh
bien, qu’un négociant riche achète pour quelques centaines de mille francs de
tabac, si vous ne faites pas payer le droit à ce tabac, ce négociant va
exploiter le pays et le trésor ; comment voulez- vous que le petit fabricant
qui se sera trouvé dans l’impossibilité de faire des approvisionnement, et qui
devra par conséquent payer le droit, comment voulez-vous qu’il soutienne la
concurrence de celui qui n’aura rien payé du tout au trésor ?
A l’occasion de cette disposition de la loi, on a invoqué ce
qui s’est passé lorsqu’il s’est agi des marchands de vins On a dit qu’alors le
gouvernement n’avait pas voulu de la rétroactivité qui avait été admise par la
chambre, et que, par conséquent, il se trouve en opposition avec lui-même en
venant réclamer aujourd’hui cette rétroactivité. Examinons, messieurs, si cela
est bien exact. Il s’agissait alors d’une diminution des droits et dès lors les
marchands de vins n’avaient naturellement pas fait de provisions ; il n’y avait
pas eu spéculation ; aujourd’hui, au contraire, si la proposition n’était pas
admise il y aurait spéculation : on achèterait de grandes quantités de tabac
d’ici à l’époque où la loi sera promulguée. La comparaison, messieurs, n’est
donc nullement juste, et l’on ne peut argumenter d’un cas à l’autre. L’on a
aussi fait un reproche au gouvernement de formuler toujours ses résolutions en
faveur du trésor et contre les intérêts du contribuable. Au fond quelle est la
portée de ce reproche ? Ce reproche n’est et ne constitue qu’un sophisme.
Qu’est-ce,
en effet, que le trésor public ? Mais le trésor public, c’est notre trésor,
c’est le trésor de la nation ; il n’y entre rien qui ne nous appartienne, il
n’en sort rien sans que nous le permettions. Le gouvernement ne peut pas
dépenser un centime sans notre consentement. En remplissant le trésor, nous ne
faisons donc que nous mettre en mesure de payer les dépenses faites dans
l’intérêt de tous.
M. de Mérode. - Messieurs, si l’on
refuse de discuter sérieusement la loi qui nous est présentée, il faut
désespérer de l’équilibre des recettes et des dépenses ; car si le tabac ne
doit fournir au trésor que la somme insignifiante qu’il produit actuellement,
je ne sais quel est l’objet que la contribution pourrait frapper
ultérieurement, car partout le tabac sert d’aliment au fisc et nous avons
imposé déjà tout ce qui peut procurer des ressources au trésor.
Une
chose me frappe dans cette discussion, c’est que l’on ne répond pas un mot aux
observations de M. le ministre des finances. Ainsi M. Mercier a prouvé que si
le projet de la section centrale était adopté, les bénéfices des cultivateurs
de tabac seraient plus considérables que dans la situation présente, puisque le
prix de la substance augmentera plus que l’impôt payé par le cultivateur.
M.
Malou. - C’est une plaisanterie.
M. de Mérode. - Comptez-vous donc que le
prix du tabac restera ce qu’il est aujourd’hui ?
M.
Malou. - Me permettez-vous de donner une explication ?
M. de Mérode. - Sans doute.
M.
Malou. - Contrairement à mes habitudes, je me suis permis,
messieurs, d’interrompre l’honorable comte de Mérode, et je suis charmé de
l’avoir fait, puisque cela me fournit l’occasion de répondre à un argument de
M. le ministre des finances. M. le ministre des finances a tant insisté sur la
grande protection que le projet accorderait aux cultivateurs, qu’il m’est
échappé de dire que c’était une plaisanterie.
En
effet, quelle est la conséquence de l’argument de M. le ministre des finances ?
C’est qu’il serait avantageux d’établir sur le tabac indigène un droit de mille
francs, par exemple, alors qu’on frapperait le tabac étranger de 1,200 fr.
Mais, messieurs, si nous voulions entrer dans de semblables considérations,
nous pourrions établir des lignes de chiffres d’ici au bout de la salle, sans
arriver à un résultat quelconque.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - Eh bien, messieurs,
puisque plaisanterie il y a, c’est l’hypothèse posée par l’honorable préopinant
qui est une plaisanterie. Nous sommes restés dans des chiffres très modérés,
puisque nous ne fixons le droit qu’au dixième de ce qu’il est en France et au
vingtième de ce qu’il est en Angleterre. La plaisanterie consiste à exagérer
les choses. Mais lorsqu’on reste dans la plus grande modération, alors on est
dans la vérité.
M. de Mérode. - L’impôt aura pour effet
nécessaire d’augmenter le prix du tabac, et comme le droit sera plus fort sur
le tabac étranger que sur le tabac indigène, la différence entre le prix qui
s’établira lorsque l’impôt existera, et le prix actuel, s’élèvera à une somme
plus forte que le montant de l’impôt payé par le cultivateur. Eh bien, si
celui-ci paye 200 francs au trésor, et s’il vend son tabac 300 fr. plus cher,
il gagnera 100 francs. Mais supposons même qu’il ne le vende que 200 fr. plus
cher, il récupérera encore le montant de l’impôt, et, comme après tout, le
cultivateur est contribuable, il est intéressé à ce que le pays ne marche pas
de déficit en déficit, et ne soit pas conduit dans la situation où se trouve
aujourd’hui
C‘est
cette situation dont, pour mon compte, je ne veux à aucun prix. On nous parle
de droits réunis évidemment pour tuer les arguments péremptoires avec des mots,
car l’impôt sur la bière exige un exercice semblable à celui dont il s’agit. Il
en est de même de l’impôt sur les distilleries, de l’impôt sur les sucres de
betterave, tout cela peut s’appeler droits réunis, droits séparés ; car les
noms sont faciles à donner. Celui qui observe les plus simples pratiques de la
religion est aujourd’hui par ceux qui n’en veulent plus appelé clérical ; ainsi
l’honorable M. Dumortier est clérical, comme la loi qu’il baptise de droits
réunis mérite le nom dont il l’affuble pour la rendre odieuse.
Messieurs,
rappelez-vous ce que vous disait il n’y a pas longtemps un de nos collègues
très compétent sur les finances, qui dirige le plus grand de nos établissements
financiers : y a-t-il le moindre espoir pour nous de rétablir l’équilibre entre
nos recettes et nos dépenses sans voter de nouvelles ressources ?
On
parle constamment de l’augmentation des traitements de la magistrature. Quant à
moi, je l’ai déjà déclaré plusieurs fois, je suis partisan de cette
augmentation, mais je n’y donnerai mon consentement que lorsqu’on aura créé des
voies et moyens.
L’honorable M. Dumortier a dit que les magistrats sont
suffisamment rétribués. Quant à moi, je ne le pense pas ; je crois qu’il y a
quelque chose à faire en faveur de la magistrature, mais pour pouvoir améliorer
sa position, il faut créer des ressources, car personne ne nous fera cadeau de
la somme nécessaire pour cet objet.
Par
tous ces motifs, je pense messieurs, que nous devons discuter sérieusement la
loi présentée par M. le ministre des finances, d’accord avec la section
centrale ; s’il y a des amendements à y introduire, qu’on les présente ; si
l’on veut permettre aux petits cultivateurs de planter une certaine quantité de
tabac pour leur propre usage, qu’on le fasse ; mais ce n’est pas une raison
pour ne pas faire payer un impôt à celui qui cultive plusieurs hectares. Je
crois qu’il est très facile de faire une loi profitable pour le trésor, et qui
ne soit ni vexatoire, ni injuste pour le contribuable.
M. Delehaye. - Messieurs, nous nous
sommes plaints souvent du peu d’efficacité des négociations diplomatiques, et,
en effet, ces négociations n’ont jamais rien produit d’avantageux pour le pays.
Il n’y a à cela rien d’étonnant ; les puissances qui nous avoisinent ne doivent
guère être tentées de nous faire des concessions, puisqu’elles obtiennent tout
ce qu’elles désirent de la faiblesse du gouvernement et de la facilité avec
laquelle la majorité de la chambre adhère aux mesures proposées par le
ministère.
Vous
savez, messieurs, que le gouvernement français attache la plus haute importance
à faire produire à la régie des tabacs des sommes plus fortes que celles qu’il
en retire aujourd’hui ; eh bien, précisément au moyen du projet de loi qui nous
est soumis aujourd’hui, il sera satisfait à tous les désirs du gouvernement
français. Savez-vous, messieurs, ce que le gouvernement français attend de
l’adoption de ce projet ? Je vous citerai, à cet égard, un écrit, non pas d’un
Belge, hostile au ministère, mais d’un Français, je veux parler de l’ouvrage de
M. Léon Faucher, ouvrage qui a été publié avant qu’il ne fût question du projet
de loi. Eh bien, messieurs, d’après Léon Faucher, l’adoption de la loi en
discussion procurera à
Je
pense que Léon Faucher s’est trompé dans la hauteur du chiffre, mais il ne
s’est pas trompé de beaucoup, car en admettant les chiffres du gouvernement
lui-même, le bénéfice qui résulterait pour
Eh
bien, messieurs, je le demande : sommes-nous dans une position à donner
gratuitement à
Messieurs,
le projet de loi doit encore être envisagé sous un autre point de vue. Je ne
repousse pas seulement le projet parce qu’il nous enlève un moyen de
négociation, je le repousse aussi à cause du mal qu’il doit faire à l’industrie
nationale.
C’est
une chose vraiment étonnante : tous les projets de loi qui vous ont été
présentés par l’honorable M. Mercier, en qualité de ministre des finances, ou
sur lesquels, comme simple député, il a fait rapport, ont eu pour résultat de
ruiner complètement l’une ou l’autre de nos branches d’industrie.
Ainsi,
vous vous rappelez tous la loi des sucres. Le projet de loi sur cet objet a
ruiné les deux industries. Il s’agit aujourd’hui d’une industrie qui peut être
encore la seule vivace en Belgique ; avant la révolution, elle n’importait que
1,200 boucauts de tabac ; depuis les événements de 1830, elle est parvenue à
importer 12,0,0 boucauts, c’est-à-dire, qu’elle a
décuple son importation. Sous ce rapport, elle méritait la sympathie du
gouvernement.
En
présence d’un semblable résultat, que vient-on proposer aujourd’hui ? Rien moins
que sa ruine inévitable. Non seulement on veut faire consacrer dans la loi une
série de vexations repoussées par notre époque, vexations que nous ne concevons
plus ; mais on vient encore nous demander.. - quoi ? la recherche…
Un membre. - Vous avez demandé
l’estampille dans une autre circonstance.
M. Delehaye. - Oui, j’ai demandé
l’estampille, et je continue à en être le partisan ; mais n’y a-t-il pas
quelque chose d’extraordinaire dans la conduite que le gouvernement tient
aujourd’hui ? Quoi ! lorsque l’industrie réclame à
grands cris des mesures indispensables de protection, lorsqu’elle consent à se
soumettre à des mesures vexatoires qui la doivent atteindre seule, lorsqu’elle
ne demande pas mieux que de soumettre ses produits à un examen sévère, le
gouvernement recule ; mais lorsque l’industrie repousse avec énergie l’emploi
de mesures vexatoires, le gouvernement vient vous les proposer, parce qu’il y
voit un intérêt fiscal.
Ainsi,
le gouvernement a recours à des mesures vexatoires pour ruiner l’industrie, et
il n’en veut plus quand il s’agit de la sauver... Voilà quelle est la conduite
du gouvernement : mesures vexatoires en faveur du trésor ; mais rien en faveur
de l’industrie.
Le
gouvernement, ai-je dit, se laisse guider ici par un intérêt fiscal. Je ne nie
pas les besoins du trésor public, et j’avoue même, qu’eu égard aux nécessités
du trésor, si l’on me démontre cette nécessité, je donnerai un vote approbatif
à une augmentation de droit sur les tabacs, que j’envisage comme susceptibles
de supporter un impôt ; mais je reculerai toujours devant des mesures
vexatoires, alors surtout qu’elles sont parfaitement inutiles. Cette inutilité
me porte à croire que l’idée première du projet de loi n’est pas conçue par le
désir d’améliorer notre position financière ; que cette conception doit venir
d’ailleurs.
Si
la loi a été présentée dans le but réel et unique d’améliorer la situation du
trésor, vous n’avez nul besoin de prescrire ce grand cortège de mesures
vexatoires. Pourquoi ne pas adopter le système de droit qui est établi en
Prusse ? Je veux parler du droit de douane, droit que vous auriez pu augmenter
dans une proportion assez considérable, sans exciter de réclamation. Tout le
monde aurait accepté ce moyen de faire face aux besoins du trésor ; moi, pour
ma part, j’aurais volontiers donné mon assentiment à un projet de loi formulé
dans ce sens ; eût-on même demandé 10 fr. d’augmentation pour 100 kil., je les aurais accordés. Je suis convaincu que si, dans
la loi des droits différentiels qui vient d’être
votée, le gouvernement avait demandé, en vue des besoins du trésor, un droit de
douane plus considérable sur le tabac, personne ne s’y serait opposé.
Ne
pouvait-on pas, dès lors, se borner à un droit de douane ? Mais il ne fallait
pas frapper d’un droit la culture du tabac. (Interruption.)
On
me dit que moi-même j’ai atteint la culture de la betterave, que j’ai aidé à la
frapper d’un droit. Mais la différence est grande, elle est du tout au tout.
Pourquoi avez-vous frappé d’un droit la culture de la betterave ? Parce que
l’industrie du sucre de betterave faisait concurrence à l’industrie du sucre
exotique. Mais pour les tabacs, il n’existe pas de concurrence. Cela est
tellement vrai, que personne n’a demandé que la culture du tabac fût frappée
d’un droit. En effet, le tabac indigène et le tabac étranger se prêtent un
mutuel secours dans la fabrication. Les deux espèces de tabac sont employées
pour les mêmes produits. Et pourquoi iriez-vous frapper la culture du tabac ?
Mais cette culture supporte déjà des frais considérables, elle n’est pas
exemple de droits. Les contributions foncières sont, je pense, assez élevés.
Je
ferai une autre observation, c’est que la culture du tabac, dans quelques
contrées de
Je
finirai par deux mots, en ce qui concerne le recensement.
Je
regarde le recensement comme une calamité, comme une injustice criante ; c’est
la violation du principe le plus saint, du principe de la non-rétroactivité.
Comme on l’a déjà fait observer, le gouvernement a donné un exemple du fait
contraire ; il est vrai qu’il croyait alors avoir intérêt à repousser le
recensement ; aujourd’hui, on agit sous l’influence d’un autre intérêt, et on
vient vous proposer le recensement.
On
vous a dit que si on ne faisait pas le recensement, ce serait le consommateur
qui paierait le droit. Cet argument n’a pas la moindre valeur. Je conçois que
le recensement aurait lieu au profit des fabricants, et au détriment du
consommateur, s’il n’y avait en Belgique qu’un seul individu vendant du tabac
et possédant le monopole du débit ; mais il y a dans le pays une foule de
fabricants, et ces fabricants se font concurrence entre eux, et par là le
consommateur profitera du droit qui n’aura pas été payé.
Si,
par impossible, la chambre admettait le recensement, l’équité exigerait alors
au moins que vous donniez aux fabricants la faculté de fournir à la
consommation les tabacs qu’ils ont maintenant, ou de les exporter avec le
retour du droit.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - Ce droit leur sera
restitué.
M. Delehaye. - Je suis heureux de voir
que M. le ministre des finances partage mon opinion à cet égard dans ce cas.
L’injustice sera moins criante.
On
a parlé de quantités considérables de tabac qu’on avait introduites dans le
pays, pour échapper au droit. Je sais pertinemment que la quantité de tabac qui
se trouve actuellement dans le pays n’est pas aussi considérable que celle qui
a été introduite en Belgique il y a quelques mois.
Je
pourrais prouver cette assertion par des documents authentiques. Ainsi, c’est
un épouvantail auquel on a eu recours, pour vous faire prendre le change.
Messieurs, envisageons les choses comme elles sont ; consultons les besoins du
trésor, mais pour y satisfaire, n’allons pas introduire inutilement dans le
pays des mesures de vexation qui feront crier, et qui feront crier à bon droit.
Si le but dans lequel le gouvernement nous dit avoir présenté le projet de loi
est réel, qu’il se borne à demander un droit de douane de 8 à 10 p. c. ; c’est un droit qui sera accepte sans répugnance par le
commerce. J’ai dit.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, l’honorable
préopinant s’est trompé dans l’appréciation qu’il a faite de la loi que nous
discutons. C’est le point de vue d’un intérêt étranger. Un écrivain français,
dont l’honorable préopinant a cité le nom, a supposé que l’adoption d’un autre
système d impôt sur le tabac en Belgique pouvait valoir à
L’honorable
membre nous a indiqué comme une possibilité l’augmentation des droits de
douane, droit qu’il consentirait à porter de 8 à 10 fr. J’admets même le droit
de 10 fr., en supposant que la moyenne d’importation actuelle se maintient,
cela nous donnerait un produit de 600,000 fr. Mais ce produit est bien
insignifiant, eu égard à nos besoins ; il faut une ressource plus considérable
pour atteindre le but que nous nous sommes proposé, je veux parler de
l’équilibre de nos recettes et de nos dépenses.
L’honorable
membre nous dit : Faut-il-frapper la culture ? Le tabac indigène ne fait pas
concurrence au tabac étranger, contrairement au sucre indigène qui pouvait faire
concurrence au sucre étranger.
Jusqu’à
un certain point la concurrence n’est pas la même. Je sais que, d’après les
habitudes actuelles, les mélanges se font dans une certaine proportion ; mais
il me paraît évident que si une protection démesurée était donnée à la
production du tabac indigène, la culture s’étendrait infailliblement, et ainsi
se perdrait le produit que nous obtiendrions même d’une simple augmentation de
10 fr.
Je
soutiens que bien qu’en effet on mélange le tabac indigène avec le tabac étranger
et que ce soit dans l’habitude de certains consommateurs, je soutiens, dis-je,
que si le tabac indigène avait une protection plus large, cette production ne
manquerait pas de prendre un grand développement dans le pays ; et comme il
arriverait moins de tabacs soumis à l’impôt, le produit ne deviendrait pas
insignifiant.
L’honorable
membre dit que la concurrence entre les fabricants ne permettra pas de
percevoir l’impôt sur les quantités actuellement en magasin. Je dirai que tous
les fabricants n’ont pas proportionnellement à leur vente une même quantité
d’approvisionnements, qu’il en est qui ont de très grands approvisionnements,
qu’il en est d’autres qui n’en ont que de médiocres, que d’autres enfin n’en
ont pas du tout. Si ceux qui ont des approvisionnements ne payent pas le droit,
ceux qui n’en ont pas sont ruinés ou doivent cesser leur commerce.
Il
est évident, cela est arrivé dans toutes les circonstances, que quand un droit
a été établi, la marchandise qui en était frappée a augmenté
à peu près dans la proportion du droit. Si le droit n’était pas perçu par le
trésor sur la marchandise en magasin, ce serait le fabricant qui le percevrait
au détriment du trésor ; et comme l’a très bien fait remarquer l’honorable M.
de Garcia, le trésor, c’est le trésor du pays ; ce serait au préjudice de la
richesse nationale qu’on enrichirait quelques particuliers. Là serait, selon
moi, la véritable injustice.
Pénétré
de cette idée, je soutiens que le droit doit frapper les approvisionnements qui
existeront au moment de la promulgation de la présente loi. Je conviens qu’ils
sont moins considérables aujourd’hui qu’ils n’étaient il y a six ou huit mois.
Mais cela provient de ce qu’aujourd’hui, on craint que le droit nouveau ne soit
appliqué aux approvisionnements. Si la loi était décrétée demain dans cette
chambre sans application aux approvisionnements, de grandes quantités de tabac
afflueraient dans le pays, on peut en avoir la certitude. Bien que les
approvisionnements soient moindres qu’ils n’étaient il y a 6 mois, ils sont
infiniment au-dessus de l’approvisionnement normal. C’est un fait
incontestable.
Messieurs, l’honorable M. Delehaye, chaque fois qu’il prend
la parole, semble accuser le gouvernement de ne rien faire pour l’industrie.
Cependant la loi du 6 avril 1843, pour la répression de la fraude en matière de
douane, n’a-t-elle pas été votée dans l’intérêt de l’industrie ? N’ai-je pas
indiqué les résultats très favorables obtenus de cette loi ? J’ai déclaré que
je ne me refuserais pas à un nouvel examen des dispositions qui pourraient être
jugées utiles pour la répression de la fraude. Si on craint des vexations de la
loi qui nous occupe, c’est en partie à cause de cette loi du 6 avril qui gêne
certains mouvements dans le rayon des douanes ; je me suis empressé de déclarer
qu’un amendement pourrait être introduit dans ce sens ; que là où ces mesures
sont inutiles à cause des droits plus élevés, qui existent à l’étranger, elles
pourraient n’être pas appliquées. Si on donnait au gouvernement la faculté
d’appliquer ce régime là où il le jugerait utile et à ne pas l’appliquer là où
il ne le jugerait pas nécessaire, il l’appliquerait à la frontière du Nord et
non à la frontière du Midi où nous n’avons pas à craindre l’introduction de
produits étrangers.
M. Lys. - Quand j’ai rappelé que
plusieurs membres dans cette chambre avaient invité M. le ministre des finances
à proposer un droit sur le tabac, on s’est récrié et on m’a demandé qui avait
prononcé ces paroles. C’était une manière d’exprimer un doute peu honorable
pour moi. Je viens lever ce doute en vous disant que c’est entre autres
l’honorable M. d’Hoffschmidt qui a parlé ainsi dans la discussion du budget des
voies et moyens.
L’honorable
M. Dumortier s’est borné à venir soutenir aujourd’hui qu’il n’y avait pas
déficit au trésor. Je dois dire que cet honorable collègue a singulièrement
change d’avis depuis la discussion du budget des voies et moyens.
Alors
l’honorable membre ne voulait plus de bons du trésor, il reconnaissait que c’était
une nécessité indispensable de supprimer la dette flottante, il disait même
que, si on voulait assurer l’avenir de
L’honorable
M. Delehaye a cité un auteur qui a écrit sur la matière et le projet de loi
avant qu’il vous fût connu, d’après lequel il a annoncé que nous ferions un
cadeau de 20 millions par an à
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - C’était dans la supposition où l’on établirait le
monopole.
M. Lys. - C’est l’observation que
j’allais faire. L’honorable membre a soutenu que, d’après la loi actuelle
encore, il y aurait un bénéfice de 10 millions pour
M. Dumortier. -
Je demande la parole pour un fait personnel. Je regrette que l’honorable membre
ait cherché à me mettre en opposition avec moi-même.
J’ai
eu l’honneur de dire que la position n’était plus la même aujourd’hui que lors
de la discussion du budget des voies et moyens. Venir m’opposer aujourd’hui ce
que j’ai dit alors, c’est perdre de vue tout ce que nous avons fait depuis. La
conversion vous a présenté une ressource d’un million et demi, l’augmentation
des droits sur les bois nous donnera une augmentation de produits de 400 mille
fr. Le sel, les eaux-de-vie et le sucre 820 mille fr. ; ensemble, 2,720,000 fr. Ajoutez à cela l’augmentation d’un million sur
le chemin de fer, vous aurez 3,720,000 fr. Venir opposer les paroles que j’ai
prononcées quand le déficit était réel, à ce que je dis aujourd’hui que le
déficit est comblé, n’est pas raisonnable.
M.
Eloy de Burdinne. - J’ai réclamé des droits sur le tabac, mais je vous prie
de vous rappeler la position dans laquelle nous nous trouvions. C’est quand je
réclamais une réduction de l’impôt sur le sel. J’ai toujours dit que le tabac
et le sucre étaient des denrées imposables en première ligne, et que, quand on
ne les imposait pas, ou seulement faiblement, il était odieux de mettre sur une
denrée aussi indispensable que le sel, un impôt équivalent à 450 p. c. de la
valeur, qui pèse particulièrement sur les malheureux.
D’accord
avec ce que je vous disais alors, je veux un droit sur le tabac, mais en tant
que le droit à percevoir sur le tabac indigène soit un droit modéré, car je ne
m’écarterai jamais de ce principe qu’une protection efficace doit être accordée
à l’industrie de mon pays. Par exemple, je crois qu’on pourrait imposer le
tabac étranger à raison de 30 fr. par 100 kil., ce qui
revient environ à 30 p. c. Quand on perçoit 450 p. c. sur le sel, on ne
trouvera pas trop un droit de 30 p. c. sur le tabac. Mais quant au tabac
indigène, je ne veux pas qu’on fasse à son égard ce qu’on a fait à l’égard du
sucre de betterave, qu’on rapproche trop le droit dont on le frappe de celui
perçu sur le produit étranger. Je veux un droit modéré, 10 fr. par exemple, ce
qui revient à 20 fr. par hectare de terre.
Messieurs,
on nous a parlé tout à l’heure de l’impôt sur le sucre, on a dit que le
gouvernement et le rapporteur de la section centrale de la loi sur le sucre
avait proposé des mesures telles qu’elles devaient entraîner la ruine des
raffineurs de sucre. Je vous ferai remarquer que les sucres de betterave sont
une production indigène, et, loin de partager l’opinion de M. Delehaye, qu’on a
frappé les sucres de betterave pour favoriser une industrie du pays, la
raffinerie, je suis d’avis qu’on les a frappés pour favoriser la production du
sucre étranger. Voilà quel en a été le résultat.
L’honorable
M. Delehaye vous a parle de l’estampille ; il vous a dit que le gouvernement se
refuse à accorder à l’industrie le moyen de protection qu’elle réclame et qui
doit le plus la gêner. Mais ce ne seront pas les fabricants, ce seront les
commerçants que l’estampille gênera ; car ils seront soumis à des visites
continuelles que l’on fera chez eux pour vérifier si leurs étoffes sont
estampillés.
L’honorable
M. de Mérode vous a dit aussi que l’impôt sur le tabac serait supporté par le
consommateur. Nous avons une preuve du contraire. N’avez-vous pas augmenté considérablement
le droit sur le sucre, il y a deux ans ? Le sucre a-t-il renchéri ? Pas d’un
centime. Quand vous frappez les produits étrangers, c’est toujours en grande
partie le producteur étranger qui supporte l’impôt. C’est ce qu’on a très bien
senti chez nos voisins ; ils se procurent des ressources en imposant les
produits étrangers. C’est ce que nous n’avons pas fait ; c’est ce que je n’ai
cessé de réclamer, li faudra que nous en venions là, si nous ne voulons ruiner
le pays.
L’honorable
M. de Mérode a fait remarquer qu’on ne doit pas faire un épouvantail des droits
réunis, puisqu’il y a des droits de ce genre sur la bière, le sucre, même celui
de betterave, les eaux-de-vie de genièvre et autres matières. Mais parce qu’il
y a des dispositions que je considère comme vexatoires, faut-il les aggraver ?
Je
ne suis pas partisan de la prétendue protection du projet de loi. Je voudrais
un droit de douane et de production, calculé de manière à ne vexer personne. Ce
n’est pas avec des vexations qu’on se fait des amis, qu’on s’entoure de
considération et de dévouement.
M.
le ministre des finances nous a dit que les besoins du trésor réclamaient des
augmentations d’impôt. Comme il est très possible que la proposition que j’ai
eu l’honneur de vous faire, de porter le droit à 30 fr. par 100 kilog. sur le tabac exotique et à 10 fr. sur le tabac indigène,
comme ce droit pourra ne pas combler le déficit, vous avez un autre moyen,
c’est d’élever de 45 à 50, 60 et même 70 fr. le droit sur le sucre exotique,
matière qui peut très bien supporter une augmentation d’impôt.
Alors vous verrez que, loin de tuer l’industrie du sucre
indigène (ç’a été le résultat de votre loi, comme l’a fait observer l’honorable
M. Delehaye), pour favoriser la main-d’œuvre de l’étranger, vous ferez prospérer
l’industrie indigène, comme c’est votre devoir ; car de deux choses l’une : ou
nous devons renoncer à produire du sucre, ou il faut protéger cette industrie à
l’égal des autres ; il faut les donner les moyens de produire avec avantage,
concurremment avec le producteur étranger. Vous avez une population ouvrière à
laquelle vous devez du travail et du pain. Il n’y a pas d’industrie qui donne
plus de travail que celle-là à la classe ouvrière. Si vous n’y faites attention
votre législation aura pour résultat de mettre à la mendicité des milliers
d’ouvriers ; ils viendront à la porte du palais de
M.
Malou. - Je me propose de prendre part à la discussion, mais non
pas aujourd’hui, parce que l’heure est trop avancée. Je me bornerai à demander
à M. le ministre des finances s’il pourrait faire connaître le chiffre des importations
de tabac par les bureaux d’Anvers et Ostende, depuis le 1er janvier ; car on
nous fait un épouvantail de ces importations, puis aussi des entrepôts
flottants, question que je croyais épuisée, et que nous examinerons plus tard.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - Je donnerai demain ces
renseignements.
DEMANDES EN
NATURALISATION ORDINAIRE
M.
Malou, au nom de la commission des naturalisations, dépose deux
rapports sur des demandes de naturalisation ordinaire.
-
La chambre ordonne l’impression et la distribution de ces rapports.
La
séance est levée à 4 heures et demie.