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d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du samedi 23 mars 1844
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétition relative au jury d’examen
universitaire (Verhaegen)
2)
Motion d’ordre relative à l’aliénation du la forêt de Chiny (Delfosse, Smits)
3)
Projet de loi relatif au rendiguement du polder de Lillo (+indemnités par suite
des événements de 1830-1831 et navigation de l’Escaut)) (Huveners,
Osy, Dechamps, Mast
de Vries, Jadot, Cogels, Huveners, de Brouckere, Desmet, Malou, Rogier,
Huveners, Malou, Huveners, Dechamps, de Mérode, Smits, Lys,
Cogels, Rodenbach, Dechamps, Desmet, de Brouckere, Huveners, Dechamps, Desmet, Eloy
de Burdinne, Fleussu, Vandensteen,
Cogels, Lys, Rogier,
Nothomb, Rodenbach, Dechamps, Dumortier, Fleussu, Nothomb, Eloy
de Burdinne, Dumortier, Dechamps,
Nothomb)
(Moniteur belge n°84, du 24 mars 1844)
(Présidence
de M.
d’Hoffschmidt, vice-président.)
M. Huveners procède à l’appel nominal à
midi et quart.
M. de
Renesse
donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est
approuvée.
M. Huveners présente l’analyse d’une
pétition adressée à la chambre :
« L’université
de Bruxelles demande l’égalité de représentation des diverses universités dans
le jury d’examen et présente des observations contre l’intervention des chambres
dans la nomination du jury. »
«
Les élèves de l’université libre de Bruxelles demandent que les quatre
universités soient également représentées dans le jury universitaire. »
M.
Verhaegen. - Je demanderai que ces deux pétitions soient insérées au Moniteur, comme l’ont été celles des
universités de l’Etat, et qu’elles soient déposées sur le bureau pendant la
discussion du projet de loi sur le jury universitaire.
-
Cette proposition est adoptée.
M. Delfosse. - Il y a quelques jours,
j’ai annoncé à la chambre que j’aurais quelques observations à lui soumettre
sur l’affaire de la forêt de Chiny, mais que je croyais convenable d’attendre
la présence de l’honorable M. Smits ; je n’ai pas voulu interrompre la
discussion de la loi sur les pensions ; aujourd’hui qu’elle est terminée et que
l’honorable M. Smits est ici, je présenterai mes observations, si la chambre le
permet ; cependant si elle le préfère, j’attendrai jusqu’après le vote de la
loi sur le jury d’examen.
M. Smits. - Je demanderai à
l’honorable M. Delfosse si son intention est de faire une proposition
quelconque ; dans ce cas, il pourrait la faire dès à présent.
M. Delfosse. - Je n’ai pas, pour le
moment, de proposition à faire, mais je crois utile de soumettre à la chambre
quelques observations.
M. Smits. - Dans ce cas je demanderai
à l’honorable M. Delfosse de ne présenter ses observations que lorsque M. le
ministre des finances sera présent ; car je ne suis plus nanti d’aucun
document.
Discussion générale
M.
le président. - L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif au
rendiguement du polder de Lillo
La
discussion générale est ouverte.
M. Huveners. - Messieurs, le projet de
loi en discussion vous a été présenté le 8 février dernier. Pendant qu’on
l’examinait en sections, M. le ministre de travaux publics ouvrit un concours
aux entrepreneurs pour l’exécution des travaux de rendiguement du polder de
Lillo. Ce concours fut annoncé au Moniteur
du 13, et il fut dit qu’on recevrait les soumissions jusqu’au 29 ; ces
soumissions furent déposées (voir annexe C du rapport, p. 17) ; la plus basse
était de fr. 528,000.
Le
5 mars, la section centrale se réunit pour la première fois : on se borna à
faire le dépouillement des procès-verbaux des sections et à demander différents
renseignements.
« La
première section demande que la section centrale se fasse délivrer tous les
documents relatifs à la dépense, et qu’elle examine si les travaux ne doivent
pas faire l’objet d’un adjudication publique.
«
Le concours des propriétaires intéressés ayant été résolu par trois voix contre
une, la section désire que des renseignements soient pris sur la plus-value que
les propriétés pourraient avoir acquise par suite de l’inondation.
«
La deuxième section exprime, à l’unanimité, le vœu que le polder de Lillo soit
réendigué le plus tôt possible, sauf à examiner plus tard la question de la
dépense.
«
Elle décide, à quatre voix contre deux, que ce rendiguement ne se fera pas
exclusivement aux frais de l’Etat.
« Une
proposition ayant été faite ensuite de n’exiger le concours des propriétaires
que pour autant seulement que leurs propriétés auront acquis une plus value par
suite de l’inondation, cette proposition est admise par trois voix et rejetée
par les trois autres.
« La
troisième section désire connaître les intentions du gouvernement, relativement
à la propriété des terres inondées : s’il entend se les approprier, ou les
rendre aux anciens propriétaires ; dans ce dernier cas, la section est d’avis
que les propriétaires doivent concourir aux frais du rendiguement, cette
réintégration étant une faveur.
«
La quatrième section reconnaît la nécessité du rendiguement sous le triple
rapport de la défense de nos frontières, de la navigation du fleuve et de
l’assèchement des terres qui se trouvent encore inondées.
« La
question du concours des propriétaires ayant été examinée, sans donner lieu à
aucune résolution, est recommandée à l’attention de la section centrale.
«
La cinquième section n’adopte point le projet tel qu’il est présenté, parce
qu’elle ne saurait calculer jusqu’où l’Etat serait engagé ; elle ne
s’opposerait pas, par mesure d’équité, à ce qu’il fût accordé une somme
déterminée pour contribuer au rendiguement et à l’assèchement du polder.
« La
sixième section, au contraire, adopte le projet, et elle insiste sur les
considérations d’intérêt moral et politique, développées à la page 9 de
l’exposé des motifs. »
Je
vous ferai d’abord remarquer que les première, deuxième, troisième et cinquième
sections demandent que les frais de rendiguement des polders ne soient pas
exécutés exclusivement aux frais de l’Etat.
La
section centrale a d’abord demandé des renseignements.
Elle
a demandé :
« 1°
Quelle est la plus-value acquise par suite du rendiguement aux terres du polder
de Lillo déjà rendues à la culture ;
« 2°
Quelle sera la plus-value que pourront avoir acquise, par suite de l’inondation
même, les terres qui se trouvent encore sous eau ;
« 3°
Quel accroissement de valeur ces terres pourront acquérir par la construction
d’une écluse nouvelle, moins exposée au désastre qui a frappé l’écluse rompue ;
« 4°
Quelle est la quotité d’impôt qui incombait aux propriétés inondées du polder
de Lillo, avant 1830 ;
« 5°
Si le gouvernement entend s’approprier les terres inondées ou les rendre aux
propriétaires actuels ;
« 6°
Quels sont les résultats de l’adjudication qui a eu lieu récemment à Anvers
pour les travaux du rendiguement ? Quelles sont les conditions imposées aux
soumissionnaires ? Quel est le taux des diverses soumissions qui ont été faites
? »
A
la même séance, la section centrale avait demandé aussi :
« 1°
Le rôle des contributions du polder inondé, avant 1830, le nom des propriétaires
et la portion du terrain possédée par chacun d’eux, ainsi que le montant de
leur contribution respective ;
« 2°
La valeur des terres inondées, avant 1830, et celle des polders non
inondés. »
Cette
question paraît ne pas être parvenue à M. le ministre des travaux publics ;
mais elle est contenue dans la quatrième question qui avait été soumise à M. le
ministre.
Messieurs,
je ne sais quelle influence ces diverses demandes ont exercé sur l’affaire ;
mais le 18 de ce mois, une nouvelle soumission a été présentée par le plus bas
soumissionnaire et par laquelle il offrait un rabais de 20 mille fr. ;
c’est-à-dire qu’il réduisait sa soumission de 528 à 508 mille fr. Toutefois,
par la dernière soumission on fixe un terme fatal, il faut, que le contrat soit
conclu ayant le 31 mars.
Le
15 mars, la section centrale a eu une nouvelle réunion ; M. le ministre nous a
fait l’honneur d’assister à cette séance. On a pris connaissance de ses
réponses ; elles sont analysées dans le rapport page 3. On peut, en quelque
sorte les résumer en ceci : c’est qu’à défaut de documents nécessaires, il est
impossible à M. le ministre de donner les renseignements demandés, mais qu’il
s’engage à se les procurer le plus tôt possible et à les faire déposer sur le
bureau ; je ne sais si cet engagement a été rempli.
Malgré
l’absence des renseignements, l’urgence fut proposée et adoptée. Il a fallu
nous en tenir aux explications des deux députés d’Anvers, qui, heureusement
pour le polder de Lillo, faisaient partie de la section centrale. A peine
voulût-on agiter la question de concours, il y avait danger imminent ; le
moindre retard pouvait faire perdre au trésor 2 à 3 cent mille francs.
Messieurs,
s’il y avait urgence de rendiguer le poldre de Lillo, cette urgence n’était pas
telle qu’on dût nous mettre dans l’impossibilité d’examiner le projet avec
toute l’attention qu’il mérite, mais il y avait urgence pour le gouvernement
d’accorder une nouvelle faveur à certaines localités, il y avait urgence pour
leurs députés membres de la section centrale, de l’obtenir ; cette affaire ne
pouvant que perdre à être examinée, elle ne supportait pas un examen sérieux.
Les
renseignements fournis par le gouvernement sont incomplets ; ils sont tronqués
; la question n’a été examinée que sous une de ses faces : les sections, comme
la section centrale, se sont trouvées, par le fait du gouvernement, dans
l’impossibilité d’examiner le projet sous toutes ses faces, la question du
concours seule lui étant soumise. Je dois protester contre une telle manière
d’agir. On accorde des faveurs à certaines localités, tandis que d’autres ne
peuvent pas seulement obtenir justice.
Messieurs,
j’arrive au fond de la question, et j’espère vous faire partager mon intime
conviction que la mesure qui vous est proposée par le gouvernement constitue
une véritable dilapidation ; je vous prouverai que la question d’humanité n’est
pas là où l’on veut la placer, qu’il s’agit simplement de donner un
demi-million à ceux qui n’y ont aucun droit, et ce parce que vous leur avez
déjà donné plus de trois millions au même titre ; que les
Mais
je tiens à justifier d’abord le reproche que j’ai fait au gouvernement d’avoir
fourni des renseignements incomplets. Pourquoi n’a-t-on pas reproduit la
pétition de l’administration du polder de Lillo, ainsi que la convention
relative au subside de 5,000 francs à payer annuellement jusqu’en 1845 ?
Pourquoi n’a-t-on pas donné les cinq premiers articles de l’octroi du 13 mai
1650, concernant l’administration intérieure des polders, on verra bientôt
qu’ils ne sont peut-être pas d’un intérêt aussi secondaire qu’on le dit dans
l’exposé des motifs.
Pourquoi
s’est-on borné à donner les 28 premiers articles du décret du 16 janvier 1811
qui, pour les principes généraux en matière d’endiguements et de polders,
lorsque ce sont précisément les articles 29 et suivants qui résolvent toute la
question ?
Quoiqu’on
n’ait pas contesté et qu’on ait même reconnu qu’il n’existait aucun droit
positif en faveur des propriétaires, ni en vertu des anciens octrois, ni en
vertu des antécédents posés par le gouvernement belge, je crois devoir m’y
arrêter un instant ; je me bornerai à vous donner lecture de l’octroi du 30
avril 1728 qui contient l’exposé des précédents.
« Octroi du 30 avril 1728 (Extrait
textuellement du 19ème registre aux chartes de la chambre des comptes de
Brabant, 212 v°).
« Lettres
patentes d’octroy de prolongation pour les adhérités et intéressés des poldres
de Lillo, Staebroeck, Santvliet et Berendrecht
« CHARLES,
par la grâce de Dieu, empereur des Romains,, toujours roy d’Allemagne,
d’Espagne, de Hongrie, de Bohème, etc,, archiduc d’Autriche, etc.
A
tous ceux qui ces présentes verront salut,
Reçu
avons l’humble supplication et requête des adhéritez et intéressés des poldres
de Lillo, Staebroeck, Santvliet et Berendrech, contenante qu’après la paix de
Munster tous les intéressez des poldres inondés par l’Escaut, pendant la guerre
tant en Brabant qu’en Flandres auroient obtenu des octroys très favorables pour
les encourager à mettre en état les digues et écluses et mettre à sec les
terres si fertiles, les remontrans ayant pareillement obtenu un octroy pour le
terme de trente-six ans le treize may mil six cent cinquante, achevèrent leurs
digues et écluses en ladite année, après avoir employé à un ouvrage si
périlleux environ dix-huit cent mille florins, mais au lieu d’en jouir après
une dépence si considérable, leurs dits polders furent encore inondés en l’an
mil six-cent quatre-vingt-deux, dont le redicage outre la perte de deux ou
trois récoltes auroient couté plus de deux cent mille florins, en sorte que le
dit octroy fut encore prolongé pour un autre terme de vingt-cinq ans afin de
seconder les remontrants à réparer cette perte considérable, lequel octroy
étant venu à expirer le treize mai mil sept cent sept, ils obtinrent une
nouvelle prolongation pour le terme d’onze années et jouirent, en conformité de
leur primitif octroy, de toutes les franchises et exemptions y mentionnées,
sauf que la nécessité de fourni à la dépense d’une longue et cruelle guerre
engagea aussi les remontrants à nous accorder de tems en tems quelques subsides
qui ont importé plus de quatre-vingt sept mille florins. Mais comme cette
seconde prolongation venoit encore à expirer le treize may de l’an mil
sept-cent dix-huit, ceux des sept quartiers d’Anvers firent tous les devoirs et
remontrances imaginables pour empêcher pour empêcher toute ultérieure
prolongation et ôter par conséquent aux habitants des dits polder la jouissance
des dites franchises. (Il paraît que ces quartiers n’existent plus, sans cela
les polders ne trouveraient peut-être pas des défenseurs aussi chauds dans
cette enceinte.) Cependant les remontrants firent voit avant tout d’évidence
que notre service et l’intérêt public absolument qu’ils fussent maintenus dans
les dites exemtions comme l’unique moyen pour encourager les adheritez et
hahitans à conserver les dits polders contre les fréquentes tempêtes et
impétuosités de la mer, que nous accordâmes encore aux remontrans la nouvelle
prolongation pour dix années moyennant qu’ils payeroient un vingtième l’aide
l’impost sur les quatre espèces de consomption et la moitié des charges des
quartiers. Mais comme ces nouvelles impositions sont fort onéreuses aux
supplians et aux habitans des dits poldres par rapport aux sommes considérables
qu’ils doivent contribuer annuellement pour l’entretien des digues et écluses,
ils avoient espéré qu’après l’expiration de cette prolongation, on les auroit
laissé jouir de leurs anciennes franchises et exemptions en conformité du
primitif octroy ou du moins diminué le fardeau qu’on leur avoit imposé par la
dite dernière prolongation du treize may mil sept cent dix-huit, considérant
que les supplians pour l’entretien de leur digue qui s’etend de deux lieues
avec leurs écluses et autres réparations nécessaires, doivent pour le moins
contribuer une somme de dix-huit mille à dix-neuf mille florins par an, que
cette dépense deviendroit de jour en jour plus excessive, par rapport que
l’embouchure et la rivière, devenant plus large, les tempêtes et hautes marées
seraient plus fréquentes que du passé, que la fertilité de leurs terres seroit
fort diminuée quoiqu’elles ayent été ensemencées et portées des fruits depuis
l’an mil six cent cinquante, les censiers se trouvant obligés de les laisser
reposer de tems en tems ou de les engraisser et, par conséquent, le retenu
annuel seroit pour le moitis diminué d’un tiers, qu’il y auroit de la justice à
seconder les supplians, puisque leurs digues forment la barrière de tous les
poldres circonvoisins depuis Lillo et Santvliet jusqu’à notre ville d’Anvers,
et qu’il n’y auroit pas de poldre. dont les digues auroient plus d’étendue et
seroient plus exposées aux mauvais vents que les leurs, et qu’ayant le malheur
d’être inondés les eaux ne se pénétreroient pas seulement jusques au rampart de
notre ville d’Anvers qui nous priveroit ainsy que le publicq d’un territoire de
plusieurs mille bonniers de terre ; mais ces inondations pourroient aussy
détourner le cours de la rivière de l’Escaut, ou du moins la rendre innavigable
à la destruction entière du commerce, que les suppliant auroient encore le
malheur d’être voisins des forts de Lillo et Frederick Hendrick dont les
commandans étant maîtres des deux écluses pourroient entièrement inonder leurs
poldres pour garantir leurs forts à la moindre apparence de guerre ou
mesintelligence, ce qui priveroit les censiers et habitans de deux à trois
récoltes, outre le grand dommage que ces inondations causeroient à leurs
bâtimens et qu’enfin, ayant choisy pour leur demeure un terrain malsain et
impraticable aux mois d’hyver dans la vue de jouir des anciennes franchises et
exemtions, il y auroit de l’injustice de les en priver d’autant plus que leurs
vies et biens se trouveroient souvent exposés aux inondations et qu’ils
seroient souvent obligés de courir sur leurs vies quand l’impétuosité de la mer
les menace de quelque rupture tellement que tous ces périls et incommodités
contraindroient les meilleurs censiers d’abandonner les dits poldres s’ils
n’étoient soulagez d’ailleurs par quelque privilège qui diminuerait leurs
malheurs, cause qu’ils nous auroient très humblement supplié de prolonger pour
un terme de vingt-cinq ans leur primitif octroy du treize de may mille six cent
cinquante ou de diminuer du moins pour le dit terme les charges qu’on a imposé
aux supplians par la dernière prolongation du treize de may mil sept cent dix
huit, sçavoir faisons que nous, les raisons susdites considérées, eu sur ce
l’avis de nos très chers et feaux les trésorier général et commis de nos
domaines et finances inclinans favorablement à la demande et supplication des
adhéritez et intéressez des poldres susdits, leur avons à la délibération, de,
notre très chère et très aimée sœur Marie Elisabeth, par la grâce de Dieu,
princesse royale de Hongrie, de Bohème et des deux Siciles, archiduchesse
d’Autriche, etc., notre lieutenante et gouvernante générale de nos Pays-Bas,
prolonge et accorde, prolongeons et accordons de grâce spéciale par ces
présentes l’octroy que les supplians ont
obtenu le treizième may mil six cinquante sur les conditions plus amplement y
portées et exprimées par la dernière prolongation du troisième août mil sept
cent dix-neuf, mais que les impétrans serons tenus au paiement des droits
d’entrée et sortie, sauf qu’ils jouiront de l’exemtion pour l’entrée des
fachines, bois, chaux, pierres et de tous matériaux nécessaires à l’entretien
et conservation de leurs digues, qu’ils seront obligés de payer leur ancienne
quotee taxée dans les subsides ordinaires de même que tous droits et impôts mis
ou à mettre sur les vins, eaux de vie et autres espèces de consomptions.
« Qu’ils
seront tenus de payer annuellement en rédemption des subsides un vingtième
denier au comptoir du receveur des états de Brabant au quartier d’Anvers
portant pour le village de Lillo mile quarante florins, pour Santvliet quatre
cent cinquante florins, pour Berendrecht quatre cent trente florins et pour Staebroeck
sept cent quatre-vingts florins.
« Que
les impétrants passeront parmy payant tous les ans la moitié des charges des
batteaux, chariots, pionniers et toutes autres nommées charges des quartiers à
l’avantage et au profit des quartiers d’Anvers sous lesquels ils sont
ressortissans, sur le même pied et de la même manière qu’il est réglé et porté
par la prolongation accordée le trois aout mil sept cent dix-neuf.
« Le
tout pour le terme de vingt-cinq années à commencer le treize du mois de may
prochain jour de l’expiration de la dernière prolongation en fournissant
promptement en don absolut pour notre service à la recette générale de nos
domaines et finances la somme de trente mille livres du prix de quarante gros
monnoye de Flandres la livre, et comme les impétrans devront lever à intérêt la
dite somme de trente mille livres, nous les avons à cet effet authorisé et
authorisons par ces présentes, bien entendu qu’ils seront tenus de rembourser
le capital dans le terme de dix années compter du jour du commencement de cette
prolongation, et qu’avant de pouvoir jouir de l’effet de cette notre présente
grâce et prolongation d’octroy , ils seront tenus de les présenter tant aux
dits de nos finances qu’à nos amez et féaux les président et gens de notre
Chambre des comptes établie en Brabant pour y être respectivement vérifiées,
intérinées et enregistré et à la conservation de nos droits, hauteurs et
authorités. Si donnon en mandement aux dits de nos finances et à ceux de notre
Chambre des comptes en Brabant ainsi qu’à tous autres nos justiciers officiers
et sujet à qui se regardera que de cette notre présente grâce continuation et
prolongation d’octroy ils fassent, souffrent et laissent les impétrans
pleinement et paisiblement jouir et user en la forme et manière que dit est
cessans tous contredis et empêchement au contraire car ainsi nous plaît-il : en
témoin de ce que nous avons fait mettre notre grand scel à ces présentes
données en notre ville de Bruxelles le trentième jour du mois d’avril de l’an
de grâce mil sept cent vingt-huit, etc. »
« Acte déclaratoire du 16 avril 1731
« (Copie
conforme à l’original reposant aux archives générales du royaume)
« Acte
déclaratoire pour les adhérités et intéressés dans les polders de Lillo,
Stabroeck, Santvliet et Berendrecht
« Son
Altesse Sérénissime ayant considéré les représentations qui luy ont esté faites
par les Estats de Brabant, au sujet de l’octroy qui a esté accordé le 30
d’avril 1728 aux adhérités et interessez dans les poldres de Lillo, Stabroeck,
Santvliet et Berendrecht pour le terme de vingt-cinq ans moyennant la somme de
trente mille florins. que lesdits adhéritez et intéressez ont fourni en don
pour le service de Sa Majesté et ayant après la concession du dit octroy
reconnu par les raisons déduites dans les dites rerésentations des Estats de
Brabant, le dommage et le préjudice que souffrirait le service de Sa Majesté et
le bien de l.’Estat, en cas que l’octroy dont il s’agit dût subsister pendant
un si long terme que celluy de vingt-cinq ans, a pour et au nom de Sa Majesté
par avis du conseil de ses domaines et finances jugé convenir de déclarer,
comme Sa dite Altesse Sérénissime déclare par cette, que son intention, est,
que le dit octroy n’aura lieu que pour le terme de dix ans, dont le troisième
escherra le 13 may prochain, et en conséquence les dits Estats rembourseront à
ceux des dits poldres. la somme de dix-huit mille florins, moyennant quoy,
après l’expiration du dit terme de dix ans, qui finira le 15 may 1738, ceux des
dits poldres seront obligés de payer toutes les charges publiques sur le pied
que ceux des polders d’Austerweel les payent présentement. De plus les Estats
de Brabant payeront en outre promptement et gratuitement à la recette générale
des dites finances la somme de douze mile florins pardessus celle de dix-huit
mille florins dont il est fait mention cy-dessus, au moyen de quoy l’octroy en
question sera censé estre éteint et ne sortira plus aucun effet après
l’écoulement du dit terme de dix ans, ordonnant Sa dite Altesse Sérénissime à
tous ceux qu’il appartiendra de s’y conformer et se régler selon ce. Fait à
Bruxelles, le 16 avril 1731. »
Il est
inutile, me paraît-il, d’avoir recours aux autres documents pour ce qui
concerne la question de droit. Je me rallie complètement, sous ce rapport, à ce
qui se trouve dans l’exposé des motifs de M. le ministre, page 16. Voici les
conclusions du gouvernement :
« De
tous les actes qui viennent d’être analysés, le plus important est l’octroi du
13 mai 1650. Les octrois subséquents n’ont fait que le proroger, le plus
souvent, avec certaines restrictions.
« En
1650, les polders de Lillo, Stabroeck, Santvliet et Beerendrecht se trouvaient
sous eau, par suite d’un fait de guerre, la rupture des digues ordonnées, en
1584, par le duc de Parme.
« Les
propriétaires intéressés ne demandèrent pas au gouvernement d’alors de faire le
rendiguement. Ils se bornèrent à demander la confirmation, et à certains
égards, l’extension d’un octroi de 1614, dont on n’avait pas pu faire usage.
Par
l’octroi de 1650, le gouvernement restait complètement en dehors de l’exécution
des travaux ; il se bornait à accorder aux intéressés, à titre d’encouragement
et pour les seconder dans leur entreprise, l’exemption complète des impôts, y
compris les droits d’entrée et de sortie.
« Cette
exemption, fixée primitivement à 36 ans, et successivement prorogée, parfois
avec des restrictions, a duré 88 ans, de 1650 à 1738.
« Elle
constituait la seule concession faite par le gouvernement et encore les
intéressés ne l’obtenaient-ils pas gratuitement, puisqu’ils devaient payer un
droit de reconnaissance, fixé, par l’ordonnance de 1650, à
« Aucune
disposition des anciens octrois du polder de Lillo n’impose au gouvernement,
même implicitement, une responsabilité quelconque des cas de guerre. L’art. 43
de l’octroi de 1650 exclut au contraire l’idée d’une responsabilité de cette
nature, en statuant qu’au cas où l’endiguement viendrait à être rompu et envahi
par les eaux, par tempête, orage ou autrement, les, intéressés seraient
autorisés à faire un nouveau rendiguement, en vertu du même octroi et sans
devoir payer un nouveau droit de reconnaissance, pourvu que ce fût dans les 36
ans.
« Mais
il y a plus : le préambule de l’octroi de 1719 constate que, dans leurs
pétitions au gouvernement, les intéressés du polder de Lillo avaient
formellement prévu la possibilité de l’inondation de leurs terres par un fait
de guerre, et que la seule réserve qu’ils fissent pour cette éventualité,
tendait à obtenir l’exemption du vingtième denier, aussi longtemps que leurs
terres seraient inondées.
« Il
est donc bien constaté qu’à ne consulter que les anciens octrois, le
gouvernement n’est nullement obligé à rendiguer le polder de Lillo aux frais
exclusifs du trésor,
« En est-il
autrement aux termes de la législation actuelle sur les polders ?
« C’est
ce que nous allons examiner.
« Les
dispositions en vigueur sur les polders ont été établies par des décrets
impériaux, qui ont reçu une sanction nouvelle par l’article 113 de la
constitution.
« Le
plus important de ces décrets, celui qui pose des principes généraux en matière
d’endiguements et de polders, est le décret du 11 janvier 1811. (Voir l’annexe
n° 14 du présent rapport.)
« Ce
décret statue :
« Art.
5, que le revenu des polders et même la valeur du fonds sont affectés, par
privilège, à toutes dépenses d’entretien, réparation et construction de digues
;
« Art.
13, que tout polder envahi par la mer, depuis plus d’un an, cesse d’être la
propriété de ceux auxquels il appartenait et rentre par ce fait dans le domaine
public. »
La 3ème
section, qui m’avait fait l’honneur de me nommer son rapporteur, avait demandé
si le gouvernement avait l’intention de reprendre le polder. Cette question
était posée pour faire voir au gouvernement quelles étaient les obligations des
propriétaires. Nous savions très bien que l’intention du gouvernement n’était
pas de reprendre ces terres et de les joindre au domaine public ; mais nous
voulions faire constater d’autant mieux que les propriétaires devraient
concourir aux frais du rendiguement.
Enfin, M.
le ministre conclut :
« D’après
ces principes, que le décret pose dans les termes les plus généraux et sans
faire aucune exception, même pour le cas de guerre, les terres des polders ne
sont susceptibles que d’une propriété précaire et subordonnée à la conservation
des endiguements ; si les propriétaires des terrains envahis par la mer
négligent de les rendiguer, dans un délai déterminé, ils sont dépossédés par ce
fait, leurs terres rentrent dans le domaine public, et le gouvernement est
autorisé à en donner la concession à d’autres, à charge de rendiguement, ou à
faire le rendiguement à son compte et à
son profit.
« Cette
législation, loin de prêter quelqu’appui aux réclamations des propriétaires du
polder de Lillo, leur est manifestement contraire, ce n’est qu’en dehors de son
application, qu’il peut être question de séparer les charges et les bénéfices
du rendiguement ; d’imposer à l’Etat la dépense du travail et d’attribuer aux
propriétaires la jouissance gratuite des terrains reconquis sur la mer.
« Les
motifs qui déterminent le gouvernement à proposer le rendiguement aux frais de
l’Etat et sans le concours des propriétaires intéressés, ne sont donc puisés,
ni dans la législation actuelle sur les polders, ni dans les anciens octrois.
« Ce sont
des motifs de justice et d’équité, auxquels on ne peut refuser une grande
valeur. »
Il y a lieu
de revenir au décret du 11 janvier 1811 et d’examiner les dispositions que le
gouvernement a négligées ; il résulte de l’art. 2 :
« Art.
2. Tous particuliers, corps ou communautés, qui prétendraient droit à des
terres définies par l’art. 1er dans les départements de l’Escaut, de
Que ce
décret est applicable aux polders des Deux-Nèthes.
Je passe au
titre III.
Messieurs,
je ne connais pas ce règlement ; s’il existe, il était du devoir du
gouvernement de nous le communiquer. Ce ne peut être que l’octroi du 13 mai
1650 qui doit avoir fixe les règles de ces associations. Le gouvernement ne
nous a pas communiqué les 5 premiers articles de cet octroi. Il nous a dit que
c’étaient des dispositions d’un intérêt tout à fait secondaire et n’ayant pour
objet que l’administration intérieure des polders.
« Art.
31. Les polders qui auront entre eux des intérêts communs, seront formés en
associations pour leur défense mutuelle. »
Eh bien,
messieurs, les anciens octrois me donnent la certitude que les polders de
Lillo, de Stabroeck, de Zandvtiet, de Beerendrecht forment une association.
Pour s’en convaincre, on n’a qu’à parcourir les différents octrois et
considérer les dépenses énormes auxquelles ces polders étaient assujettis.
Evidemment, un seul de ces polders aurait été dans l’impossibilité de faire des
dépenses aussi considérables.
« Art.
32. Chaque polder sera considéré dans l’association comme un individu : toutes
les propriétés de chaque polder seront solidaires entre elles. »
Et l’art.
5, messieurs, est ainsi conçu :
« Le
revenu des polders et même la valeur du fonds sont affectés, par privilège, à
toutes les dépenses d’entretien, réparation et reconstruction des digues. »
Eh bien,
messieurs, cet article combiné avec l’art. 32, dont j’ai donné lecture tout à
l’heure, prouve à l’évidence que ce ne sont pas les
« Art.
33. L’étendue de chaque arrondissement de polder déterminée par une carte, les
règles constitutives de l’association, la division des polders en classes, la
proportion de la contribution de chaque classe, en raison de l’intérêt qu’ils
ont à la défense des polders calamiteux, seront fixées sur la proposition du
maître des requêtes, par un règlement d’administration publique, comme il est
dit à l’art. 30. »
TITRE IV. -
Des travaux et du mode d’entretien
«
Art. 34. Les travaux de simple entretien seront exécutés par les associations
particulières des polders. »
« Art.
35. Toutes, les fois qu’il s’agira de travaux s’exécutant au moyen du concours
des polders d’un arrondissement, les projets, les devis et détails seront
rédigés par les ingénieurs, et les adjudications passées par les préfets et
conseil de préfecture, dans les formes adoptées pour l’administration des
ponts-et-chaussées. »
« Art.
36. Les ingénieurs des ponts-et-chaussées seront chargés de la rédaction des
projets des travaux d’art, tels que constructions d’écluses ou de nouvelles
dignes, et toutes autres qui tendraient à changer les moyens de défense du
polder. Lorsque les travaux devront être payés sur les fonds d’une seule
association particulière, l’exécution lui en sera confiée ; mais ces travaux
seront soumis à la surveillance, à l’examen et à la réception des ingénieurs
des ponts-et-chaussées. »
« Art.
37. Il sera prononcé administrativement sur toutes les difficultés entre
particuliers ou associations de polders, relatives aux travaux de construction,
réparation ou entretien de digues et canaux d’écoulement, lesquels seront
considérés comme travaux publics, aux termes de la loi du 28 pluviôse an
VIII. »»
Messieurs,
je ne lirai plus que l’art. 40 de cette loi. Il est ainsi conçu :
TITRE VI. -
Dispositions générales et spéciales
« Art.
40. Le maître des requêtes, après avoir examiné les dispositions des règlements
usités qui ont eu pour but de prévenir ou réprimer les délits de dégradations
ou vols de bois et de fascinage commis sur les digues, donnera son avis sur les
dispositions desdites ordonnances qu’il croira convenable de renouveler, pour
en former un règlement général de police des polders.
« Il
sera ensuite statué par nous, en notre conseil, sur le rapport de notre
ministre de l’intérieur. »
Le
règlement général invoqué dans cet article a été décrété le 16 décembre 1811.
Je n’en donnerai que l’intitulé :
« Décret
contenant règlement de police des polders dans les départements de l’Escaut,
des Bouches-de-l’Escaut, de
Ce décret a
31 articles.
Après avoir
fait connaître la législation sur les polders,
je vais examiner les motifs qui ont déterminé le gouvernement à nous
proposer le rendiguement aux frais de l’Etat. Voici ce que porte à cet égard,
l’expose de motifs, page 17 :
« Les
motifs qui déterminent le gouvernement à proposer le rendiguement aux frais de
l’Etat et sans le concours des propriétaires intéressés, ne sont donc puisés,
ni dans la législation actuelle sur les polders, ni dans les anciens octrois.
« Ce
sont des motifs de justice et d’équité, auxquels on ne peut refuser une grande
valeur.
« Depuis
1830, le gouvernement a consacré près de sept millions aux travaux des polders
; il a rendigué le polder de Borgerweert, le polder de Doel et la majeure
partie du polder de Lillo ; ces travaux, qui ont eu pour conséquence de rendre
aux propriétaires la jouissance de leurs terrains ont été exécutés aux frais
exclusifs du trésor de l’Etat. »
Messieurs
le gouvernement dit qu’il est guidé par des motifs d’équité et de justice. Apres
avoir déjà dépensé des sommes aussi considérables, et cela tout à fait
gratuitement au profit des propriétaires intéressés, on nous demande encore un
demi-million sans exiger le moindre concours de leur part, et cela pour des
travaux qu’ils sont obligés de faire exclusivement à leurs frais. Pour
justifier cette proposition, l’on se base principalement sur les sommes déjà
dépensées. Or on a déjà donné au-delà de 3 millions aux propriétaires de Lillo,
savoir :
Depuis 1831
jusqu’en 1837,fr. 1,147,478 59
En 1838,
fr. 2,000,000
Et de 1838
à 1840, fr. 103,000
Ensemble,
fr. 3,251,227 59
Eh bien,
messieurs, faut-il donner encore après cela tout gratuitement un demi-million,
et ce, lorsque les propriétés dont il s’agit donnent un revenu de près de
300,000 fr. par an.
Mais,
dit-on, les intérêts privés ne sont pas seuls en cause, il s’agit, en premier
lieu d’atteindre plusieurs résultats d’intérêt général.
« Les
intérêts privés ne sont pas ici seuls en cause ; il s’agit, en premier lieu,
d’atteindre plusieurs résultats d’intérêt général, de pourvoir à ce qu’exige la
navigabilité du fleuve ; de conserver au fort Lillo les avantages de sa
position, comme point militaire ; de prémunir les provinces d’Anvers et de
J’admets
ces considérations dans toute la force des termes.
Mais,
messieurs, si cela est, comment se fait-il que nous lisions ce qui suit dans
une note insérée dans l’exposé des motifs, du 11 février 1842 :
(L’orateur
donne lecture de cette note.)
Quoi, qu’il
en soit, messieurs, je veux bien admettre tout à fait gratuitement que la
défense du fort de Lillo, la navigation de l’Escaut et surtout la conservation
de
Mais il y a
des considérations d’intérêt moral et politique. Voici ce que nous lisons :
«
L’inondation des polders a été un désastre matériel attaché aux événements de
1830.
« Les
polders des deux rives de l’Escaut sont aujourd’hui rendigués, sauf une faible
partie du polder de Lillo, et ils l’ont été au frais du trésor de l’Etat.. Au
point de vue moral et politique surtout, ces travaux ont produit un grand
résultat, résultat analogue à celui que les chambres et le gouvernement ont en
vue dans la loi des indemnités.
« Le
rendiguement final de Lillo aura également ce caractère moral et politique ; il
l’aura peut être à un degré supérieur, en faisant cesser une regrettable
exception, en rendant générale l’application d’une mesure de réparation. »
Caractère moral,
je le nie ; caractère politique, il se peut, et par tout ce qui s’est passé, je
suis porté à croire que le gouvernement y attache un caractère ou un intérêt
politique, mais je déteste une pareille politique ; il ne nous faut pas de la
politique, mais de la justice.
Je termine
par une question qui jouera probablement un grand rôle dans ces débats ; la
question d’humanité. Eh bien, messieurs, c’est sur ce terrain que je provoque
les défenseurs du projet du gouvernement, mais je commencerais par désavouer
les renseignements qu’on a invoqués à la section centrale ; je rejette les
documents de l’administration locale comme tout ce que l’habile rapporteur de
la section centrale a invoqué en faveur de son système ; je me tiens à une
pièce officielle que personne dans cette enceinte n’arguera de fausse ou
d’inexacte.
Je vais
donner lecture d’un extrait du rapport du gouverneur d’Anvers, en date du 26
février 1837, mais je ferai remarquer qu’il ne s’agit pas seulement du polder
de Lillo ; qu’il s’agit également du polder de Beerendrecht, Santvliet et
Stabroeck :
« J’ai
consulté les administrations locales et plusieurs personnes très influentes,
sur la question de savoir, si parmi les familles qui souffrent le plus de ces
désastres, il en est qui consentiraient à aller se fixer dans d’autres parties
du pays ; toutes ont affirmé que ce serait vainement qu’ont chercherait à les y
déterminer. La raison en est fort simple : à l’exception d’une cinquantaine de
grands cultivateurs, la population de Lillo et des parties inondées des autres
communes, se compose d’ouvreurs qui, avant ces désastres, n’avaient d’autres
ressources que le salaire de leur travail journalier.
« Depuis,
l’ouvrage ne leur a point manqué, la construction de nouvelles digues et leur
entretien continuel leur ont offert des moyens d’occupation qu’ils n’auraient
pas trouvés ailleurs, où ils auraient aussi moins gagné.
« Les
subsides donnés aux établissements de charité les ont mis à même de soulager
les familles qui dans leur sein ne comptent point d’ouvriers, et quoique je ne
puisse dissimuler que la position de beaucoup de familles est pénible, ce
serait cependant parler contre la vérité, si je ne cherchais point à détruire
l’exagération des réclamations qui se sont élevées et des articles que les journaux
ont publiés.
« Le montant des pertes n’a pas été constaté d’une manière
régulière, et il sera difficile d’y parvenir, tous sont intéressés à le
grossir, et il ne serait même pas prudent de s’en rapporter avec trop de
confiance aux autorités locales, dont la plupart des membres plaideraient leur
propre cause.
« Aux
pertes éprouvées au moment de l’immersion, on ajoute successivement le montant
du revenu dont on se prétend privé, et c’est ainsi que le total des évaluations
va croissant d’année en année. »
Je dois ici
faire une remarque sur un passage du rapport de la section centrale, où il est
dit que la commune de Lillo contient au-delà de 1,100 habitants, et d’après
l’état joint au rapport du gouvernement, la population de toute la commune, y
compris les deux hameaux inondés, n’était que de 863 habitants, de manière que
la population serait augmentée depuis l’inondation.
Messieurs,
je disais tout à l’heure qu’on invoquait les sentiments d’humanité. Ce n’est
qu’un vain prétexte. D’après le rapport officiel du gouvernement, il n’y a que
50 grands propriétaires dans les différents polders dont il est question ; les
autres habitants sont des ouvriers qui, avant l’inondation, devaient vivre de
leur travail. Si l’Etat rendiguait le polder à ses frais, cela procurait-il un
soulageaient à ces malheureux ? Si l’on n’a pas assez fait par l’art. 8 de la
loi des indemnités, article qui a pour but de venir au secours des pauvres
cultivateurs, vous vous rappelez quelle peine on s’est donnée pour rendre
l’art. 8 général, et avec que talent un des plus chauds défenseurs du trésor
qui malheureusement ne se trouve plus à sa place, a repoussé ces prétentions ;
si l’on ne leur a pas procuré un soulagement suffisant, que le gouvernement
fasse une enquête, et s’il y a lieu, qu’il présente un projet de crédit, je
l’adopterai avec empressement ; 50,000 francs destinés aux pauvres cultivateurs
leur seront plus utiles que les 500,000 fr. qu’on nous demande aujourd’hui. A
qui 500,000 fr. profiteront-ils ? J’invoque à mon tour des considérations
d’humanité, et je demande s’il nous est permis de grever les contribuables,
pour donner à des hommes riches ce qui ne leur est pas dû.
M.
Osy. -
D’après l’exposé de M. le ministre des travaux publics et le rapport de la section
centrale, il reste vraiment, si on ne veut pas se répéter, peu de choses à dire
sur la question qui nous occupe.
Il est
certainement temps que nous prenions une résolution pour rendre à l’agriculture
le restant du polder de Lillo, d’autant plus que les
Comme ces
malheureux ne s’éloignent pas de leur patrimoine, ils ont dû chercher de
l’ouvrage dans les environs pour nourrir leurs femmes et enfants ; mais,
éloignés de toute commune, ils vivaient presque en sauvages, et vous sentez,
messieurs comment auront été négligées leur instruction et la connaissance de
leurs devoirs.
C’est donc
une affaire d’humanité de faire cesser cet état, de choses, mais après avoir plaidé
en peu de mots leur cause, il me reste à parler de l’intérêt général qu’a le
pays à rendiguer le restant du polder de Lillo.
Ces
considérations sont d’une nature très élevée : 1° La conservation du fort de
Lillo qui est menacé de ruine, et qui pourrait nous entraîner, par la suite, à
de très grandes dépenses ; souvent on vous a parlé de la situation de ce fort,
et si M. le ministre de la guerre était présent, il pourrait vous donner des
détails très intéressants ;
2° La
navigation. La carte qui vous a été distribuée, vous prouve qu’il s’est formé
un grand banc de sable et que la navigation de l’Escaut s’est déplacée, et
qu’on ne remonte ou descend la rivière, qu’en s’approchant de la rive gauche,
et, si cet état de choses continuait, la navigation pourrait en souffrir de
plus en plus.
3° Les
digues du Doel, rive gauche (Flandre orientale).
Les digues
depuis l’inondation et la rupture de la digue de Lillo, sont constamment
menacées, à cause du déplacement de la navigation et du banc de sable qui s’est
formé devant Lillo ; et si jamais il arrivait un malheur aux digues de
Vus voyez,
messieurs, que le polder de Lillo lui-même n’est que secondaire dans la
question, et qu’il y a trois intérêts très majeurs de compromis, si nous ne prenons
pas une décision pour faire commencer les travaux sans retard.
Le gouvernement et la section centrale avouent qu’il n’y a pas un strict
droit pour que toute la dépense retombe à la charge du trésor, mais le
gouvernement étant le principal intéressé dans la question, la majorité de la
section centrale a décidé de ne pas faire un appel aux propriétaires, tous les
rendiguements, depuis 1830, ayant été faits par l’Etat, serait-il juste de
suivre une autre marche ? d’autant plus que des 87 propriétaires, 76 sont des
fermiers et ouvriers qui ont tout perdu par l’inondation prolongée, et des 9
autres propriétaires, il y a encore des propriétés appartenant à la fabrique
d’église de Lillo et son bureau de bienfaisance, qui n’ont pas eu de revenus
depuis 14 ans.
L’expertise
du gouvernement pour les dépenses se montent à 900,000 fr., Mais il a trouvé
des entrepreneurs très connus et qui ont fait la digue de Borgerweert, qui ont
soumissionné pour la somme de 500 000 fr. ; ils garantissent d’achever leurs
travaux cette année, et de se contenter du payement un an après l’achèvement,
soit au 15 novembre 1845.
La dépense
ne doit donc pas vous arrêter et d’ici là, le gouvernement trouvera des moyens
de confier le restant de nos déficits, dont la moitié est trouvée par la loi de
la conversion, et si les circonstances nous sont favorables et si l’affaire est
bien menée, l’emprunt à faire nous donnera encore un bénéfice dont nous
jouirons dès l’année prochaine.
Les
entrepreneurs ont dû stipuler qu’ils ne sont engagés que jusqu’au 31 mars,
parce que, pour des ouvrages hydrauliques le choix de la bonne saison est tout,
tant pour les approvisionnements que pour les travaux mêmes. Si nous ne
décidions pas la question aujourd’hui, nous serions reculés peut-être d’une
année, ou nous aurions peut-être 2 ou 300 mille fr. de plus à dépenser.
Par toutes
ces considérations et celles que notre honorable rapporteur de la section ne
manquera pas d’ajouter, nous pouvons vous engager à prendre une décision non
seulement d’humanité, mais d’intérêt général pour le pays, tant pour sa défense
que pour ne pas compromettre la première artère de la prospérité du pays, et
pour éviter de plus grands malheurs dans une de vos plus belles provinces,
Les travaux
que nous vous demandons de faire à la charge de l’Etat clôtureront les derniers
malheurs de la révolution, et, d’après ce que vous avez déjà fait, je suis
persuadé que ce ne sera pas en vous demandant de guérir la dernière plaie, que
vous pourriez vous refuser à faire ce léger sacrifice, d’autant plus qu’il est
bien démontré que c’est principalement dans l’intérêt général du pays.
M. le ministre des travaux publics
(M. Dechamps) - Messieurs, l’honorable M. Huveners s’est
plaint de ce que les renseignements que la section centrale avait demandé au
département des travaux publics, n’avaient pas pu être complétés. La chambre
reconnaîtra que, dans l’expose des motifs de la loi même, j’avais pris soin de
réunir des documents nombreux et qui avaient exigé de très longues études.
Aux
demandes de la section centrale, je me suis empressé de faire une série de
réponses consignées à la page 3 du rapport, et qui étaient les seules que je
fusse en mesure de faire à cette époque. Depuis lors, j’ai réclamé du département
des finances des renseignements ultérieurs que la section centrale avait
demandés. Le seul document que le département des finances a pu fournir se
compose d’un dossier comprenant la matrice de rôles pour la contribution
foncière dans la commune de Lillo, dressée en 1806. Or, messieurs, ce document
peut servir très peu à la discussion même, car vous comprenez parfaitement bien
que depuis 1806 des mutations nombreuses ont dû avoir lieu dans les propriétés
de cette commune.
Un second
document a été envoyé, c’est le tableau représentant le revenu net cadastral,
d’après les évaluations arrêtés provisoirement en 1829, à la suite des
expertises faites à cette époque. Je trouve dans la note d’envoi du département
des finances le paragraphe suivant, qui seul peut éclairer la chambre :
« Il
est à remarquer, porte la note, que l’ensablement et la détérioration générale
de ces terrains, résultat de l’inondation en ont considérablement diminué la
valeur productive, servant de base à la contribution foncière ; quant à la
valeur vénale antérieure ou postérieure à l’inondation, il n’existe aucun
document qui puisse la déterminer, même approximativement. »
Ainsi,
messieurs, ces documents ne peuvent rien vous apprendre, sinon que la valeur
vénale des terres soumises encore à l’inondation dans le polder de Lillo, a
subi plutôt une dépréciation qu’une plus-value. Voilà le seul fait qui résulte
des documents que le département des finances a recueillis. Je dépose ces
documents sur le bureau.
Messieurs,
l’honorable M. Huveners nous a lu de nombreux documents relatifs à la question
de droit que le projet soulève. Mais, messieurs, dans l’exposé des motifs de la
loi, j’avais eu soin de déclarer que j’étais parfaitement d’accord sur ce point
avec les idées que l’honorable membre a soutenues. Selon moi, au point de vue
du strict droit, les propriétaires des terrains soumis à l’inondation dans la
commune de Lillo, n’ont aucune prétention à faire valoir.
Mais pour
le gouvernement, la question n’est nullement là. Il s’agit, dans cette occasion,
d’une dérogation aux principes généraux du droit, dérogation déjà consacrée par
les lois de crédit votées à partir de 1834, par les grands travaux de
rendiguement exécutés en 1838, lorsqu’il s’est agi de la loi des indemnités,
enfin lorsqu’il s’est agi de l’entretien des rives de
Pour ce qui
concerne les propriétaires des terrains inondés dans la commune de Lillo, la
question est celle de savoir pour quel motif on créerait à leur égard une
véritable exception. Lorsqu’on a rendigué le polder de Borgerweert en 1838,
lorsqu’on a limité les premières inondations générales de 1831 à 1837, on a
dérogé, comme je viens de le dire, aux principes généraux du droit, on a posé
un acte d’équité nationale, au point de vue des intérêts généraux qui
dominaient cette question.
Je le
répète donc, il faudrait que les honorables préopinants vinssent nous dire pour
quel motif on créerait aujourd’hui une véritable exception. Car, messieurs, il
faut bien le remarquer, l’inondation actuelle du polder de Lillo est le dernier
vestige des désastres causés par les événements qui ont amené notre
indépendance.
Je
comprends bien que les membres de la chambre qui ont combattu les décisions prises
en 1831 et en 1838, que les membres de la chambre qui n’ont pas voulu du
principe de l’indemnité, persistent dans leur opinion ; mais la chambre saura
maintenir aussi la décision qu’elle a prise dans ces dernières circonstances.
Je suis étonné de trouver l’honorable M. Huveners parmi les adversaires de la
proposition qui vous est soumise par le gouvernement ; car en 1842, l’honorable
membre reprochait amèrement au gouvernement de vouloir décider la question de
l’entretien des rives de
M. Huveners. - Je demande la parole.
M. le ministre des travaux publics
(M. Dechamps) -
La question n’est pas la mène, il est vrai, mais l’entretien des rives de
Voici ce
que disait l’honorable M. Huveners en 1842.
Eh bien,
messieurs, le même fait a été allégué comme un fait essentiel et capital pour
le gouvernement dans la question dont il s’agit aujourd’hui ; car vous ne
l’ignorez pas, c’est au nom des grands intérêts généraux qui se trouvent
impliqués dans cette question, que le gouvernement vous demande l’autorisation
d’opérer le rendiguement du polder de Lillo. L’honorable M. Osy vient de le
dire, trois intérêts généraux sont en cause. Il s’agit d’abord de faire cesser
le danger imminent auquel est exposée la digue de la rive gauche du fleuve, la
digue du Doel ; il s’agit en second lieu, de l’intérêt de la défense du fort de
Lillo, et en troisième lieu, de l’intérêt de la navigation du fleuve. Je me
suis rendu avec M. le ministre de la guerre sur les lieux, afin de pouvoir constater,
si les intérêts généraux auxquels je viens de faire allusion étaient aussi
engagés, si les dangers signalés étaient aussi imminents qu’on le disait.
Nous avons
reconnu que le cours du fleuve tendait incessamment à se déplacer, que le
chenal était contigu à la digue du Doel, que cette digue était sérieusement
menacée, qu’une grande partie des populations de
Ainsi, pour
le gouvernement, la question de l’intérêt des propriétaires, sans être sans
importance, n’est qu’une question accessoire ; ce qui le préoccupe surtout,
c’est un grand intérêt général ; il est impossible que le gouvernement laisse
la navigation de notre plus beau fleuve dans un danger permanent. Déjà
plusieurs vaisseaux sont venus échouer sur le banc de sable qui se trouve
devant le fort Lillo. La digue du Doel est incessamment menacée, et le
gouvernement assumerait une grande responsabilité, s’il négligeait de prendre
toutes les mesures que cette situation commande. La défense militaire du pays,
la défense de notre frontière maritime est compromise. Le département de la
guerre ne peut souffrir que des faits compromettants pour la défense du fort de
Lillo se prolongent, car l’envasement du côté du fort continue, le danger
augmente de jour en jour.
Veuillez réfléchir à un autre danger que l’inaction du gouvernement
pourrait amener, si une agression avait lieu contre le fort de Lillo ; j’aime à
croire que cette supposition ne se réalisera pas, mais il est clair que dans
l’état actuel des choses, les défenseurs du fort seraient obligés de rompre la
digne de contournement, construite en 1838, et de rejeter les populations
qu’elle protège actuellement dans les désastres dont on les a tirées avec tant
de peine et de dépenses. En réfléchissant qu’il ne s’agit pour le rendiguement
que d’une somme insignifiante, la chambre comprendra qu’elle ne peut pas
hésiter.
En effet,
vous pouvez vous convaincre en lisant la page 10 de l’exposé des motifs de la
loi, que, par le rendiguement du polder de Lillo, le gouvernement se libère de plusieurs
charges annuelles représentant un capital de plus de 400 mille fr. Ces chiffres
sont positifs.
L’ouverture
des soumissions a fait reconnaître que l’offre des moindres soumissionnaires ne
s’élève qu’à 508 mille francs. La chambre voudra bien remarquer que dans cette
somme se trouvent comprises les dépenses qui devaient incomber au département
de la guerre, notamment la construction d’une nouvelle écluse destinée à
remplacer le batardeau éclusé à l’aval du fort et montant à 15 ou 200,00fr. ;
et, en second lieu, le creusement d’une zone concentrique au fort exigée par le
département de la guerre, travail dont la dépense a été évaluée à 70 mille
francs.
La dépense
exigée exclusivement par l’intérêt de défense militaire est donc de 270 mille
fr. Si nous déduisons cette somme du total de la soumission, nous arrivons à ce
résultat que le rendiguement proprement dit, la partie des travaux plus
spécialement à la charge des travaux publies ne coûterait pas 300 mille francs.
Comme, d’une autre part, le gouvernement est libéré d’un capital de plus de
400,000 francs, il en résulte que cette dépense n’en est pas une, qu’elle a une
compensation suffisante. En présence de ces faits, je ne comprendrais pas
l’opposition que rencontrerait une mesure d’urgence, de haute utilité, de haute
moralité, dans laquelle les intérêts généraux sont en cause.
M.
Mast de Vries.
- Si l’honorable M. Huveners, qui a parlé le premier dans cette discussion,
avait été sur les lieux et vu l’état de misère des malheureux habitants du
polder de Lillo, son discours serait l’acte le plus cruel qui aurait eu lieu
dans cette enceinte, car leur misère est telle que si quelque chose pouvait y
être ajoutée, c’est la manière dont il en a parlé. Mais l’honorable membre n’y
a pas été, il n’a pas vu dans quelle triste situation sont les habitants. Il
parle de Lillo comme on peut le faire d’un pays éloigné, quand on ne connaît
pas les malheurs qui ont affligé ses habitants.
Quoi ! on
vous dit : la population n’est pas si considérable qu’on le prétend, il n’y a
pas 1,100 malheureux, mais seulement 873 habitants. Et de quoi se composent-ils
? D’ouvriers qui trouvent toujours du travail, de 52 fermiers qui ne sont pas
de pauvres gens, parce qu’ils ont droit à l’indemnité de 5 mille fr.
Savez-vous
à quoi se réduit cette indemnité ? Membre de la commission, je puis vous le
dire. Elle est pour quelques-uns de 5,000 fr., valeur nominale qui sera réduite
au marc le franc peut-être à 6 ou 7 p. c., c’est-a-dire à 2,500 ou 3,500 fr. au
3 p.c., ce qui fait 2,000 francs. Voilà l’aumône de 5,000 fr. que vous avez
accordée qui se réduit à 2,000 ou 2,500 francs. Ce sont, dit-on, les
propriétaires qu’il faut charger de refaire les digues. L’honorable M. Huveners
va plus loin, il a déterré dans quelques documents qu’il a devant lui, que
quand les polders sont envahis par la mer, c’est aux propriétaires à les
rendiguer et non au gouvernement. Voilà sur quoi repose l’argumentation de
l’honorable membre. Mais y a-t-il quelque chose de pareil ici ? Est-ce la mer
qui, par un cas fortuit, a envahi le polder de Lillo ? N’est-ce pas nous qui
l’avons mis sous les eaux pour notre défense ; peut-on appeler cela un
envahissement de la mer ? Soyons un peu plus généreux. Je ne vois pas comment
il serait possible après le vote de 1838, après avoir retiré
M. Huveners. - Pourquoi pas ?
M.
Mast de Vries.
- La partie que vous avez rendiguée, comment la ferez-vous contribuer ?
M. Huveners. - En vertu de la loi.
M.
Mast de Vries.
- Cela n’est pas possible. Je le répète, si vous aviez été sur les lieux, si
vous aviez vu le malheureux village de Paille, vous n’en auriez pas parlé comme
vous l’avez fait, vous seriez peut-être venu nous dire alors : Comment a-t-il
pu se faire que ces gens-là soient restés dans pareille situation ? Ils y sont
restés, monsieur, parce qu’ils ont espéré chaque année que vous viendriez les
en tirer. Il m’importe très peu que quelques riches propriétaires peuvent se
trouver au milieu des malheureux du polder de Lillo ; ce qu’il m’importe, moi,
c’est de voir disparaître une plaie qui ne saigne que depuis trop de temps. Il
me suffit qu’il y ait des malheureux et des malheureux par notre fait et par
suite des événements de 1830, pour que j’appuie la proposition de les relever
de la position où ils se trouvent.
Après avoir
voté le rendiguement des différents polders qui n’avaient pas plus de droit que
celui de Lillo, il est impossible que vous ne votiez pas également le
rendiguement de celui-ci.
J’ai une
autre observation à faire : M. le ministre des travaux publics en a déjà dit un
mot avant moi, c’est que les frais d’entretien de la digue montent à 25 mille
francs par an. Quand j’ai fait le rapport sur le budget des travaux publies,
j’avais demandé qu’une partie notable de l’allocation pour cet objet fut
retranchée, on a dit que cela ne serait possible que pour autant que la chambre
autorise le rendiguement du polder. Aujourd’hui, je ne mets pas en doute que le
rendiguement ne soit admis. Ainsi, je crois qu’il y aura 20,000 fr. à
retrancher par suite des travaux qu’on n’aura pas à exécuter à la digue du
polder de Lillo.
Je voterai
pour le projet.
M. Jadot. - Depuis longtemps le gouvernement
s’est lancé dans la voie des déficits ; on a beau lui crier de s’arrêter, il y
fait chaque jour un pas de plus, et tandis que le trésor public ne suffit pas à
payer ce qu’il doit, il vient vous proposer de charger de payer ce qu’il ne
doit pas.
C’est
lui-même qui a clairement établi, dans le projet en discussion, que rien dans
la législation actuelle, ni dans les anciens octrois, ne l’oblige à faire
rendiguer les polders aux frais de l’Etat ; ce sont, dit- il, des motifs de justice
et d’équité auxquels on ne peut refuser une grande valeur, qui l’ont déterminé.
Ce langage
serait noble et digne dans la bouche d’un particulier disposant de son
superflu, ce serait de sa part un acte de générosité ; mais de la part du
gouvernement, dont les ressources sont insuffisantes pour satisfaire à ses
propres besoins, c’est un acte de mauvaise administration, de prodigalité très
répréhensible, auquel je ne veux pas m’associer.
Pour se justifier, le gouvernement se demande : y a-t-il quelque raison
de traiter avec plus de rigueur la partie du polder de Lillo encore soumise à
l’inondation ? et il répond : nous ne le pensons pas.
Il est
assez étrange de voir le gouvernement prétendre qu’il a traité avec rigueur
ceux dont il a bien voulu payer les dettes, car pour être plus rigoureux dans
ce sens envers ceux qui doivent encore, il n’y a d’autre moyen que de leur
donner une gratification après les avoir libérés.
La question
qu’il devait se faire, est celle-ci :
De ce que
le pays a payé depuis 1830, pour les polders de Borgerveert et de Doel, sept
millions qu’il ne devait pas, s’ensuit-it qu’il doive également payer
aujourd’hui 508,000 fr. pour le polder de Lillo auquel il ne doit rien non plus
? Alors il aurait pu répondre : nous ne le pensons pas, et la majorité de la
chambre eût partagé son opinion.
La brèche
de 7 millions faite au trésor pour réparer les brèches faites aux digues des
polders, propriétés particulières, est bien assez grande comme cela, beaucoup
trop grande même, et je ne veux pas l’élargir.
Charité
bien ordonnée commence par soi-même ; le soi-même ici, c’est le pays tout
entier que j’ai l’honneur de représenter et dont il est de mon devoir de
défendre les intérêts. C’est assez vous dire que je ne reconnais pas que le
pays tout entier est intéressé au rendiguement du polder de Lillo, ainsi que
vient de le dire M. le ministre des travaux publics.
J’aime à
entendre faire un appel à l’équité, c’est un langage que j’ai toujours compris
et que je comprendrai toujours, mais il en est souvent de l’équité comme de la
liberté, je la vous en tout et pour tous, et je serai toujours sourd à la voix
de ceux qui l’invoqueront quand ils me donneront la mesure de leurs intérêts
politiques ou particuliers et de leurs passions.
Je voterai
contre le projet.
M. Cogels, rapporteur. - Voilà longtemps que j’ai appelé
l’attention de la chambre sur la question qui nous occupe. Je me trouve heureux
d’avoir à défendre le projet, qui était attendu avec impatience, non seulement
dans l’intérêt des malheureux dont j’ai souvent plaidé la cause, mais dans un
intérêt plus majeur, ainsi qu’on vous l’a fait voir.
Nous avons
d’abord l’intérêt de la défense de notre territoire. Il ne faut pas perdre de
vue que c’est par ce côté que notre territoire est le plus vulnérable. Nous
n’avons sur la rive droite que le fort Lillo et le fort Frédéric Henri qui
défendent notre frontière. Si le fort Lillo était détruit, on ne pourrait se
dispenser d’en construire un autre ; les frais seraient très considérables.
Ici
j’appellerai l’attention de la chambre sur ce qui a été dit par le département
de la guerre, relativement à l’inondation des terres qui forment le rayon de
défense du fort Lillo. « L’Etat (porte l’exposé des motifs, p. 5) est
intéressé à empêcher que le terrain formant son bassin ne continue pas à
s’exhausser par les dépôts que les eaux y apportent incessamment depuis la
rupture de la digue. » En attendant quelques années, loin de trouver une
économie, on aurait un surcroît de dépense.
Ainsi que
l’a fait voir M. le ministre des travaux publics, les dépenses qui concernent
le département de la guerre s’élèvent à 200,000 francs ; il ne reste donc
qu’une dépense de 300,000 francs pour les intérêts dont on a parlé, et pour
l’intérêt des malheureux qui jusqu’ici n’ont reçu aucune indemnité.
Nous avons
ensuite l’intérêt de la navigation ; jusqu’à présent la navigation n’est pas
compromise, c’est-à-dire, qu’à la passe qui existait une autre s’est
substituée, il n’en est pas moins vrai que la passe actuelle présente les plus
grands dangers. Déjà des navires ont échoué.
Ce n’est
pas la première fois qu’on invoque les intérêts de la navigation. En 1728, on a
fait valoir le même motif ; on a fait voir que si l’on ne procédait pas promptement
au rendiguement, la navigation du fleuve pouvait se trouver compromise.
Nous avons
ensuite les intérêts des Flandres. Ici, on nous a parlé de la solidarité qui
existe entre les polders. J’ai peine à comprendre la solidarité entre les
polders divises par un fleuve. Dans tous les cas, si l’on voulait appliquer le
principe du concours des propriétaires, ce seraient les polders les plus
intéressés au rendiguement qui se trouveraient exempts du concours ; car il
serait complètement impossible de les appeler au concours.
Quant à
l’intérêt financier, je n’en parlerai pas ; à cet égard, M. le ministre des
travaux publics à donné tous les développements nécessaires.
L’honorable
M. Huveners, qui a pris le premier la parole dans cette séance, pour donner au
rendiguement un caractère local encore plus prononcé, nous a dit qu’il y avait
dans la section centrale deux députés de Lillo ; ce seraient de malheureux
députés ; car ils n’auraient pas d’électeurs ; il n’y a pas d’électeurs dans
les polders submergés. Il n’y en a, si je ne me trompe qu’un seul dans le fort
de Lillo ; il serait facile d’être nommé à l’unanimité (on rit). Je ne parle ici, ni comme député de Lillo, ni même comme
député d’Anvers. Dans une circonstance semblable, c’est surtout comme député du
pays qu’on porte la parole ; car il s’agit ici d’une question d’intérêt
général, d’une question d’humanité qui doit être chère aux députés de toutes
les provinces.
L’honorable
M. Huveners, pour combattre la proposition de la section centrale, a invoqué la
législation de 1811. Mais il a perdu de vue que cette législation a été établie
en vue d’obliger les administrations des polders à bien entretenir leurs
digues. Sous le gouvernement impérial, l’entretien des digues avait été plus ou
moins négligé. Le génie civil et le génie militaire s’étaient emparés de la
direction, de la surveillance d’ouvrages qui exigeaient plutôt des
connaissances pratiques que des connaissances théoriques. Mais lors du voyage
de l’empereur dans la province d’Anvers et dans
Certainement
on a eu en vue les inondations par cas fortuit, mais pas le moins du monde
celles provoquées par le gouvernement même. Il y d’abord le point de savoir si,
comme M. Huveners n’a pas voulu le faire, mais comme il a dit qu’on pouvait le
faire, si l’on forcerait les propriétaires à rendiguer le polder, à leurs
frais, sous peine de déchéance ; mais, aux termes de la législation, pour que
cette disposition fût applicable, il fallait que les propriétaires fussent hors
d’état de prouver qu’il y avait eu pour eux impossibilité. Je vous le demande,
les propriétaires du polder de Lillo ont-ils été jamais exposés aux
conséquences de cette législation, eux qui ne pouvaient même pas approcher de
l’ouverture que les eaux ont faite la digue ! !
L’honorable
M. Huveners se plaint de la précipitation avec laquelle la section centrale a
examiné le projet de loi. La loi a été présentée le 8 février ; les sections se
sont réunies peu après ; la section centrale s’est réunie le 3, le 15 et le 16
mars, Voila onze jours d’examen à la section centrale, un mois et 8 jours
d’examen pour tous les honorables membres. Il est possible que ce temps n’ait
pas été suffisant pour l’honorable M. Huveners ; mais il l’a été pour ses
honorables collègues. Il est impossible que la majorité attende la minorité.
Si, pour tous les projets en un article, il fallait deux ou trois mois, je ne
sais comment nous pourrions finir les sessions.
M. Huveners. - Je demande la parole pour un
fait personnel.
M. Cogels, rapporteur. - L’honorable M. Huveners nous a
dit que ces
L’honorable
M. Huveners a dit encore, que les considérations d’humanité que nous voulons
faire valoir devant vous ne devaient pas vous toucher, qu’il n’y avait
d’intéressés ici que quelques grands propriétaires et des ouvriers qui étaient
dans l’indigence avant l’inondation, qui trouveraient de l’ouvrage aussi bien
maintenant qu’avant cet événement, enfin dont la condition n’était pas
matériellement changée. Mais la liste qui est déposée sur le bureau, la
connaissance que j’ai des localités ne prouvent-elles pas le contraire ?
Nous avons
vu des cultivateurs qui, outre les terres qui leur sont affermées, ont quatre
ou cinq hectares dont ils sont propriétaires, des journaliers qui avaient,
attenant à leur modeste demeure le petit champ dont ils avaient hérité de leurs
pères, que leurs pères avaient acquis à la sueur de leur front. Eh bien, ils
ont vu disparaître en un instant le fruit de cent années de labeurs.
J’ai vu un
fermier qui avait possédé un mobilier agricole de plus de vingt mille florins,
réfugié dans une cabane, n’ayant pas d’abri, obligé de traîner la brouette pour
donner du pain à sa famille.
J’en ai vu
un autre, réfugié à côté d’une propriété que j’occupe dans une commune voisine,
avec sa femme et ses huit enfants, n’ayant que deux bestiaux qu’il avait pu
sauver, réfugié dans une seule chambre, en attendant avec résignation qu’on lui
rendît les terres qu’il cultivait naguère.
Et ce ne
sont pas là des considérations d’humanité ! Ces malheureux ont des habitations
en chaume qui les mettent à peine à l’abri des intempéries des saisons ; leurs
enfants ne peuvent recevoir d’éducation eux-mêmes ne peuvent aller à l’office
divin. Mais où trouverez-vous des considérations d’humanité, s’il n’y en a pas
dans cette circonstance ?
Maintenant,
occupons-nous de la grande question ; car l’utilité, l’urgence du rendiguement
sont suffisamment reconnues.
Cependant,
quant à l’urgence, j’ai un mot à dire. L’honorable M. Huveners est surpris de
ce que les entrepreneurs ont fixé, dans leurs dernières soumissions, un délai
de rigueur au 31 mars. Cependant il a dû remarquer que les premières
soumissions impliquaient également un délai de rigueur ; car les travaux
doivent être achevés dans une seule campagne. Il faut que les travaux
commencent de suite pour que le rendiguement puisse avoir lieu promptement,
solidement et avec économie.
Certainement
si en retardant la discussion du projet de loi, vous occasionnez à
l’entrepreneur un retard de 2 ou 3 mois, il en résultera que celui-ci ne
s’engagera plus à terminer les travaux dans le terme voulu, qu’il exigera une
somme plus forte.
Ceci saute
aux yeux. Toutes les personnes qui ont quelque connaissance des travaux
hydrauliques, savent que la solidité, que la prompte exécution, que l’économie
de ces travaux dépend entièrement de la saison dans laquelle on les
l’entreprend.
Une autre
considération, messieurs, c’est que vous avez une garantie complète de la bonne
exécution de ces travaux ; car, chose extraordinaire et qui se voit rarement
dans de semblables entreprises, le premier payement ne doit se faire qu’au 1er
novembre 1845.
Examinons
maintenant, messieurs, la question principale, le concours des propriétaires.
D’abord il
est un fait que l’on semble avoir perdu de vue, quoique déjà, dans d’autres
circonstances, on ait souvent appelé l’attention de la chambre sur cette
considération.
Par la
convention du 21 mai,
Il est une autre
considération ; lors de la discussion de la loi des indemnités, vous vous
rappelez tous, messieurs, que lorsque nous avons insisté fortement pour qu’il y
eût indemnité en faveur des propriétaires des polders, tant pour la
non-jouissance que pour la détérioration de leurs terrains, la principale
considération qui a fait rejeter notre proposition, c’est que le gouvernement
avait déjà assez fait par les rendiguements, que les frais considérables qu’il
avait faits pour le rendiguement des différents polders pouvaient être
considérés comme une indemnité. Dès lors tous les propriétaires des polders
rendus à la culture, ont reçu leur indemnité ; il n’y a d’exceptés que les
propriétaires des
On a invoqué encore les anciens octrois ; mais, messieurs, on a perdu de
vue que la situation était alors bien différente, et que, par suite de ces
anciens octrois, les habitants des polders obtenaient des franchises dont il
serait bien difficile maintenant de calculer l’importance ; car il faudrait
savoir quel était le montant des impôts dont on les affranchissait, et savoir
combien ces impôts capitalisés pendant 88 ans représentaient de capital ; et
peut-être trouverait-on que le gouvernement d’alors a accordé aux propriétaires
un secours bien plus fort que celui qu’on réclame aujourd’hui.
Messieurs,
je ne prolongerai pas davantage ce débat ; car tout a été dit et dans l’expose
des motifs et dans les différents discours que vous ayez entendus.
Je dirai
donc seulement, en me résumant, que pour la défense de nos frontières, que pour
l’intérêt de la navigation d’un des plus beaux fleuves du monde, que pour la
préservation de polders bien plus considérables, dont l’existence se trouverait
compromise et que surtout (car ici, messieurs, je vous l’avouerai franchement,
ce sont les considérations qui ont le plus d’empire sur moi), que surtout pour
les considérations d’humanité que j’ai fait valoir, je voterai pour la loi,
désirant qu’elle soit mise à exécution le plus tôt possible.
M.
Huveners (pour
un fait personnel). - Messieurs, je ne relèverai pas toutes les inexactitudes
qu’a commises l’honorable M. Cogels et tous les faits qu’il m’a attribués à
tort. Je méprise ces insinuations ; je répéterai seulement que le temps que
nous avons eu pour examiner le projet en section centrale a été insuffisant, et
j’en appelle sur ce point à tous mes collègues. N’est-il pas vrai qu’on a invoqué
l’urgence, en disant que par un retard on exposait le gouvernement à une perte
de 2 à 300,000 fr. ? N’est-il pas vrai, d’un autre côté, que nous avions
demandé la liste des propriétaires et la quantité de terrains que chacun d’eux
possédait dans le polder, et que nous n’avons pas obtenu ces renseignements qui
nous étaient indispensables pour examiner la question de concours. J’ai dit, et
je le répète, que je serai le premier à appuyer une demande de crédit en faveur
des malheureux, des pauvres qui ont souffert par l’inondation ; mais ce que je
ne veux pas, c’est que l’on donne gratuitement à de riches propriétaires des
avantages auxquels ils n’ont pas droit.
M.
de Brouckere. -
Je demande la parole pour la rectification d’un fait assez important.
Messieurs,
dans les pièces que le gouvernement a fournies et dans le rapport de la section
centrale, la population de Lillo avant
Messieurs,
je vais vous prouver, par la pièce même que l’honorable M. Huveners a citée,
que c’est lui qui s’est trompé.
Voici comment
s’exprime le rapport cité par l’honorable M. Huveners :
« Le
territoire de Lillo est entièrement submergé ; tous les habitants, à
l’exception de ceux qui résident dans le fort, et de quelques familles qui
demeurent encore sur la butte du vieux Lillo, ont dû, au nombre de 863,
chercher un asile dans les communes voisines ou dans l’assemblage de baraques
appelé le village de Paille. »
C’est-à-dire,
messieurs, qu’aux 863 habitants que l’honorable M. Huveners a cru composer
toute la population de Lillo, il faut ajouter ceux qui demeurent dans le fort,
et ceux qui se sont refugiés sur la butte du vieux Lillo, et ils portent cette
population à plus de 1100 habitants.
L’honorable
M. Huveners, à qui j’avais fait cette observation tout à l’heure, a cru me réfuter
en m’indiquant un tableau qui précède ce rapport. Mais ce tableau condamne
encore l’honorable membre, je vais le démontrer.
« Récapitulation
des états indiquant les personnes qui se trouvent dans une situation
malheureuse par suite de l’inondation du polder de Lillo. »
Et en
effet, messieurs, il est porté dans ce tableau pour la commune de Lillo, un
chiffre de 863 ; mais ce chiffre représente non celui de la population, mais
celui des habitants qui se trouvaient dans une position malheureuse ; il y a
donc à Lillo 863 personnes qui sont dans un état de souffrance, sur une
population qui est vraiment de 1,100.
Pour vous
prouver encore davantage combien l’honorable M. Huveners s’est trompé, je vous
lirai une note qui se trouve dans le tableau qu’il a invoqué à l’appui de son
opinion. La voici :
Il y a
évidemment erreur dans l’indication du nombre d’individus appartenant à
Beerendrecht, attendu que la population entière de la commune ne s’élève qu’à
1561 âmes.
Vous voyez
donc que ce n’est pas la population entière qu’on a indiquée ; mais la partie
de la population qui est devenue malheureuse, par suite des inondations,
Voulez-vous
voir, messieurs, dans quelle proportion les habitants de Lillo sont devenus
malheureux en comparaison de ceux des autres communes inondées ? Je vais vous
le démontrer par deux chiffres.
A Santvliet
le nombre des personnes indiquées comme malheureuses, par suite des
inondations, s’élève à 1,164, et on leur a fait distribuer en secours 6,785 fr.
39 c.
Dans la
commune de Lillo, an lieu de 1,164 habitants indiqués comme malheureux, il y en
avait 863, et on leur a distribué 22,103 fr. 43 c, uniquement pour qu’ils ne
périssent point de faim et de froid. Car je puis le dire avec l’honorable M.
Mast de Vries, si l’honorable M. Huveners avait été sur les lieux, il aurait
peut-être pu conclure à ce que les propriétaires contribuassent dans la
dépense, mais j’ose affirmer qu’il ne se serait pas exprimé comme il l’a fait.
M. Desmet. - Messieurs, l’importante question
qui nous occupe a été portée par quelques orateurs sur le terrain de la
commisération. On ne s’est pas borné à reprocher à mon honorable collègue et
ami M. Huveners, qu’il n’avait pas de sentiments de sensibilité et ne voulait
pas secourir le pauvre malheureux ; on a fait plus, on a prétendu qu’il avait
jugé de choses qu’il ne connaissait pas, qu’il n’aurait pas tenu le même
langage, s’il s’était rendu sur les lieux.
Je crois,
messieurs, qu’on n’a pas compris l’honorable M. Huveners ; il vous a dit tout
le contraire ; il vous a dit que lorsqu’il s’agirait d’indemniser ou de
secourir les malheureux dont on parle, il serait le premier à accorder ce qu’il
faudrait, et quoique la minorité de la section centrale ne se soit pas rendue
sur le lieu du litige, je pense cependant qu’elle est à même de juger la
question de principe, et si elle avait pu s’y rendre, je crois que ce n’eût pas
été en faveur de ses adversaires, elle aurait pu, je pense, encore mieux
asseoir son opinion et la faire comprendre à la chambre.
Mais
puisqu’on parle de commisération, ignorez-vous, messieurs, le gouvernement
ignore-t-il ce qui se passe ; ne savez-vous pas que dans ce moment une dizaine
d’autres communes se trouvent dans la même situation que Lillo ? Le gouvernement
ne sait-il pas à quel état est réduite la population de
Je fais ces
observations pour qu’on ne vienne plus porter la question sur le terrain de la
commisération.
Je reviens
encore au reproche qu’on fait à la section centrale, de ne pas s’être rendue
sur les lieux. Mais je suis certain que si la section centrale s’y était
rendue, elle aurait reconnu que toutes les wateringues composant quatre
villages sont solidaires, l’une pour l’autre, et elle aurait pu s’assurer que
l’argument de l’honorable rapporteur tombe à faux.
Quand, tout
à l’heure, il a prétendu que ce serait la dernière partie du polder à rendiguer
qui devrait concourir à la dépense, il sait aussi bien que nous que c’est toute
la wateringue.
Messieurs,
j’ai été assez étonné d’entendre l’organe du gouvernement dire qu’il était
surpris qu’on se montrât si difficile à résoudre cette question. Je dois
déclarer que, pour ma part, je suis étonné que le gouvernement mette autant de
légèreté à résoudre une question aussi importante et qui pourrait réellement
compromettre de grands intérêts, ceux du trésor public. On dirait vraiment
qu’on ne doit plus faire cas de l’argent du pays. Arrive-t-il si facilement
dans les caisses publiques ?
Messieurs,
je sais qu’il y a procès ; je sais ce qu’on demande au gouvernement. Mais vous
savez que très souvent on s’occupe de la question de droit, et qu’on laisse de
côté la question de fait, et surtout quand on est si facile à poser des
précédents.
Le procès
n’est pas intenté par les malheureux habitants des polders. Quant à moi, c’est
parce qu’il y a procès que je voudrais qu’on ne résolût pas si légèrement la
question. Je voudrais qu’on pesât les conséquences de ce qui peut arriver aux
polders et les charges qui devraient en résulter pour le gouvernement et
prouver ici que ni la justice ni l’équité n’exigent que l’Etat prenne cette
charge, mais qu’elle soit supportée par ceux à qui elle incombe.
Messieurs,
on a parlé d’agression ; on a dit qu’une agression pouvait arriver et qu’on ne
serait pas pourvu de moyens de défense suffisants. Mais c’est précisément en
présence de la possibilité de ces agressions que vous devez résoudre la
question comme elle l’a toujours été, et déclarer que le rendiguement doit être
à la charge des propriétaires. Car, messieurs, vous devez savoir qu’il n’y a
rien plus facile pour
Messieurs,
je regrette qu’une question de cette importance soit traitée avec cette
légèreté, mais j’espère qu’on ne la résoudra pas aujourd’hui. Elle est trop
importante pour l’Etat, pour qu’elle soit résolue par un si petit nombre de
membres.
Messieurs,
non seulement pour l’instruction du présent, mais pour l’avenir, permettez-moi
d’examiner ce que ce sont que les polders. Cette question n’a pas encore été
traitée, et cependant elle est importante, on verra combien toujours les
gouvernements ont pris de précautions pour que les ouvrages des polders et de
leurs digues ne tombassent pas à charge de l’Etat.
Messieurs,
que sont les polders ? Les polders, comme vous le savez tous aussi bien que
moi, sont des terrains d’alluvions, dont la propriété a été cédée par le
souverain qui en était le propriétaire primitif. J’ai ici deux octrois qui
existent dans les archives de l’Etat, l’un est de 1271, l’autre de 1292 ou de
1293 ; ces chartes prouvent que les terrains dont il s’agit ont été cédés à
titre onéreux, qu’ils ont été cédés à charge de construire les digues et de les
entretenir. Toujours on a tenu la main à l’application de ce principe, toujours
on a évité avec soin de poser un antécédent dont il aurait pu résulter qu’un
jour on vînt mettre cet objet à la charge de l’Etat. Jamais, avant la
révolution, le gouvernement n’a fait le moindre travail dans les polders ; je
citerai un exemple à cet égard. Alexandre de Parme, dans l’intérêt de la
défense du pays, inonde une quantité de polders ; il ouvre lui-même les digues
; ces polders demeurent sous les eaux depuis 1582 jusqu’en 1639, c’est-à-dire
pendant 60 ans, et cela par le fait direct du gouvernement.
Eh bien,
messieurs, malgré cela, ce sont les propriétaires qui ont dû opérer le
rendiguement ; ils ont obtenu seulement de ne pas devoir payer des
contributions pendant une période de 36 ans, mais ils ont dû supporter une
dépense qui s’élevait à 21 mille florins courants, somme énorme pour cette
époque. Cela prouve bien que le gouvernement n’a pas contribué pour beaucoup au
rendiguement, et, en effet, il ne devait pas y contribuer puisque les chartes
concédant les terrains dont il s’agissait, portent que dans tous les cas, soit
de tempête, soit de mauvais vent, soit de guerre, la restauration des digues
doit se faire aux frais des propriétaires.
Cela est
tellement évident, messieurs, que les administrations des polders, les
administrations des wateringues exercent une quasi-souveraineté ; ces
administrations ont même toujours eu le droit d’établir des impôts. Pourquoi
leur a-t-on donné ce droit ? Précisément pour qu’on ne pût, sous aucun
prétexte, mettre les dépenses à faire pour les polders, à la charge de l’Etat.
De plus, ces administrations portaient une décision souveraine sur toutes les
contestations qui s’élevaient ; c’est toujours pour le même motif que cette
juridiction leur était accordée. Cette législation a été maintenue sous le
régime français. Si je ne me trompe, en l’an VI de la république, une
contestation s’éleva sur le pouvoir qu’avaient les wateringues d’établir des
impôts ; cette contestation fut portée devant le directoire exécutif. Eh bien,
le directoire exécutif reconnut que ces corporations avait toujours eu le droit
d’établir des impôts, et il décida qu’il fallait maintenir cet état de choses,
qu’il fallait laisser aux wateringues le droit de lever des impôts pour
exécuter les travaux dont elles étaient chargées. Il y a encore un décret de
1811 qui prouve que l’entretien et la reconstruction des digues ont toujours
été à la charge des wateringues. D’ailleurs, cela est parfaitement juste : ceux
qui avaient reçu presque pour rien 2, 3, 4 mille mesures de terre pouvaient
bien faire quelque chose. C’est par cette considération que la cession avait
été faite à titre onéreux.
Maintenant
que les propriétaires ont joui, pendant plusieurs siècles, des terrains qu’ils
ont ainsi obtenus gratuitement, mais à charge de faire et d’entretenir les
digues, extérieures comme intérieures, maintenant on voudrait mettre à la charge
de l’Etat les obligations qui leur incombaient. Evidemment cela n’est pas
juste. C’est un sacrifice gratuit qu’on exige de nous.
Quel est le
grand argument qu’on nous oppose ? Vous avez commencé à restaurer les digues ;
il faut donc continuer. Eh bien, messieurs, c’est précisément ce dont j’ai peur
: vous avez un procès à soutenir, et vous voulez vous-mêmes poser un précédent
contre vous ! Mais chaque fois qu’une digue sera rompue par une tempête ou par
une cause quelconque, on viendra vous demander de réparer le dommage ; on vous
dira : Vous l’avez fait pour Borgerweert, vous l’avez fait pour le Doel, vous
l’avez fait pour Stabroek, vous l’avez fait pour Lillo, vous devez donc le
faire aussi pour nous.
Un membre. - On répondra.
M. Desmet. - On répondra comme on répond
toujours, on viendra nous demander des fonds pour faire les travaux.
On croit
quelquefois que les dépenses qui ont été faites pour les polders ne l’ont été
que par nécessité, par urgence, dans l’intérêt général, dans l’intérêt de la
navigation, par exemple. Eh bien, messieurs, si l’on veut consulter les états
qui nous ont été fournis dans le temps par M. le ministre de l’intérieur, on
verra que la plus grande partie de ces travaux ont été faits non pas dans l’intérêt
général, mais dans l’intérêt des particuliers.
Ainsi,
messieurs, le polder de Borgerweert nous a coûté 3,016,652 fr. 52 c. ; or, les
travaux avaient été entrepris par MM. Cousin, du Château, pour la somme de
934,909 fr., mais il est arrivé que les travaux ont été mal dirigés ; que les
travaux n’ont pas tenu et qu’il a fallu faire des travaux supplémentaires ; ces
travaux supplémentaires, entrepris par M. Willems ont coûté 40,200 fr. ; la
dépense totale, pour fermer l’ouverture s’est donc élevée à 1,334,500 fr. Eh
bien, que sont devenus les 1,681,053 fr. restants ? Ils ont été dépensés pour
des travaux intérieurs, travaux faits dans l’intérêt des propriétaires.
Le polder
du Doel a coûté 119,000 fr. ; sur cette somme, 55,881 fr. seulement ont été
dépensés pour les grands travaux de la digue ; le reste encore a été employé à
des travaux intérieurs tout à fait étrangers à l’intérêt général, c’est-à-dire
63, 336 fr.
J’arrive au
polder de Lillo. Le polder de Lillo a déjà coûté 3,764,552 francs ; eh bien, il
n’y a que 1,979,674 fr. qui ont été dépensés aux travaux de la digue de mer, le
reste a été employé à des digues intérieures, à des travaux de rigolage
intérieur, c’est-à-dire, encore à des travaux d’un intérêt particulier. Encore
une somme de 1,766,877 francs.
Ces trois
polders ont déjà coûté à l’Etat 6,922,000 fr, dont il n’a pas été dépensé un
tiers à des travaux d’intérêt général, tels que ceux qui ont pour objet
l’intérêt de la navigation ou de la défense militaire. Ainsi, plus des deux
tiers de la dépense ont été faits dans l’intérêt des particuliers, et cela pour
des polders qui, d’après les octrois primitifs, devraient faire exception même
à la loi des indemnités.
Je le
répète encore, messieurs, j’insiste sur ce point, parce que je crains les
conséquences de ce système, vous êtes en présence d’un procès, d’une demande en
indemnité. Et la chose est encore plus importante quand on considère que ces
immenses dépenses à quelques polders ont été faites sans le concours des
propriétaires ; il est vrai cependant, et je dois le faire remarquer, que dans
la loi du 6 octobre 1831 et au budget de 1834, il a été fait la réserve du
recours du gouvernement contre les propriétaires. Cette réserve, j’ignore s’il
y a eu quelques tentatives pour la réaliser, mais ce que je sais, c’est qu’elle
cadre très mal avec la convention du 21 juin 1839, que le gouvernement a faite
avec la wateringue du polder de Lillo.
Cette
convention, sanctionnée par l’arrêté du 21 septembre 1839, reconnaît
implicitement des droits contre l’Etat, que les wateringues des polders n’ont
jamais eues par elle ; l’Etat accorde un subside de 47,000 francs à la
wateringue de Lillo, pour qu’elle ne réclame plus rien à charge de l’Etat, et
avec cette somme, elle se tiendra pour satisfaite et renonce à toute nouvelle
réclamation du chef des travaux faits ou à faire. Cette convention contient
encore une clause assez étrange, c’est celle que la wateringue touchera une
rente de 5,000 francs par an jusqu’à ce que la rupture soit fermée ou jusqu’à
1845.
On a fait valoir
des motifs d’intérêt général, on a parlé de la navigation.
Nous savons
très bien que lorsqu’il y a une ouverture dans la digue, il y a ensablement de
l’autre côté. Cela a toujours eu lieu à chaque cas de guerre. Que faisait alors
le gouvernement ? Il obligeait les propriétaires à exécuter les travaux, ou,
s’ils s’y refusaient, le gouvernement prenait les terrains, et faisait faire
les travaux aux frais de l’Etat. C’est ce qui est arrivé sous Philippe II. Le
même cas de guerre s’est présenté. Quelques propriétaires voulaient faire les
réparations, d’autres s’y refusaient ; ils voulaient même céder les mauvaises
parties de leurs terres, et conserver les autres ; mais le gouvernement leur
déclara que s’ils ne se chargeaient pas des travaux, il prendrait leurs
propriétés et ferait faire les travaux à leur place. On ne pourrait citer aucun
cas où ces souverains aient fait faire ces réparations aux frais de l’Etat.
Ce que je
dis de la navigation, je le dis de la défense du pays, et je soutiens que le
gouvernement a aujourd’hui, comme il a toujours eu, des moyens pour faire
exécuter les travaux à faire aux digues des polders, et je répète que c’est
très dangereux de changer cet ordre de chose et d’abandonner si légèrement les
droits de l’Etat.
Messieurs,
le gouvernement vous propose un projet de loi qui l’autorise à faire exécuter
le rendiguement du polder de Lillo. Il est vrai que vous avez ici des
soumissions, mais en 1837 vous aviez aussi une soumission.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Elle
était conçue en d’autres termes.
M. Desmet. - Qu’a dit l’entrepreneur ? Il a
dit que si on avait fait un forfait, on aurait eu un bon ouvrage.
Aujourd’hui,
vous ne savez pas la portée du vote qu’on vous demande.
Il y a une
question à traiter, c’est la question du concours des propriétaires. Pour moi,
la question d’argent n’est rien ; je donnerais volontiers un demi-million, si
l’on y met pour condition le concours des propriétaires. Si l’on veut admettre
le concours, si l’on veut sauver le principe, je vote immédiatement la somme.
Je
demanderai donc qu’il y ait concours, et j’attendrai la fin de la discussion
pour proposer un amendement, ou pour me rallier à un amendement qui serait
présenté.
M.
le président. -
Voici un amendement qui vient d’être transmis au bureau :
« Je
propose d’ajouter à l’article unique du projet la réserve suivante :
« Sauf
le recours du gouvernement contre les propriétaires, s’il y a lieu.
« Malou. »
M. Rogier. - Messieurs, je partage à certains
égards l’opinion des adversaires du projet de loi ; je crois avec eux qu’il
serait bon de sauver le principe en vertu duquel les propriétaires des polders
doivent concourir au rendiguement des digues, lorsque les digues sont venues à
disparaître par un accident naturel. Sous ce rapport, j’appuierai aussi
l’amendement qui vient d’être proposé. Mais je crois que pour le cas spécial
qui nous occupe, l’amendement ne peut pas être admis.
La question
qui s’agite est très grave et très importante, je ne le nie pas, mais cette
question très importante et très grave a déjà été résolue plusieurs fois par la
chambre.
Depuis
1831, le polder qu’il s’agit d’assécher est sous les eaux ; de nouveaux faits
n’ont pas surgi. A quatre reprises différentes, le gouvernement s’est charge de
rendiguement sur les deux rives de l’Escaut, sans qu’on ait jamais imposé aux
propriétaires l’obligation de concours qu’on réclame aujourd’hui ; quatre fois,
je le répète, la question a été résolue sans le concours des propriétaires.
Aujourd’hui on vient demander ce concours, et vis-à-vis de quels propriétaires
? Vis-à-vis des propriétaires qui sont restés les derniers inondés, vis-à-vis
de ceux qui ont le plus souffert. N’y aurait il pas une souveraine injustice à
frapper ceux qu’on devrait, au contraire, ménager plus que tous les autres,
puisqu’ils ont le plus souffert ?
Appliquez
votre principe à l’avenir, cherchez à réveiller les anciennes dispositions qui
exigent le concours des propriétaires, je le conçois ; mais ne commencez pas à
appliquer ce principe rigoureux à ceux pour lesquels il faudrait faire une
exception, par cela seul qu’ils ont plus souffert plus longtemps que les
autres. Frapper les derniers inondés ce serait commettre à leur égard la plus
criante injustice, il faudrait alors revenir sur tout ce qui à été fait, et
exiger le concours des propriétaires qui ont été les premiers délivrés des eaux
; ce sont ceux-là qui devraient, les premiers aussi, concourir au rendiguement
définitif qu’on vous demande. Mais revenir sur le passé est chose impossible,
et personne ne viendra sans doute faire une pareille proposition.
Du reste,
je ne m’inquiète pas pour le moment de la question des propriétaires, je ne m’inquiète
que de la situation du fleuve et des devoirs du gouvernement ; le
gouvernement n’est-il pas dans l’obligation actuelle, immédiate de pourvoir a
la bonne navigation du fleuve et en même temps aux moyens de défense du fort de
Lillo ? Sous ce dernier rapport, les ingénieurs militaires ont trouvé que
les ingénieurs civils n’étaient pas assez pénétrés de l’urgence des travaux.
Lisez le rapport de M. le ministre des travaux publics, vous verrez que les
ingénieurs militaires insistent depuis deux ans sur l’urgence des travaux dans
l’intérêt du fort. Je laisse de côté l’intérêt des propriétaires, mais je dis
qu’intéressé ou non, il faut que le gouvernement ferme au plus tôt la rupture
de la digue. Cette réparation profitera, il est vrai, à des propriétaires qui
depuis 13 ans ne touchent pas un centime de leur revenu, mais l’obligation de
réparer en incombe-t-elle moins pour cela au gouvernement ? Faut-il exiger de
ces propriétaires un concours qu’on n’a pas exigé précédemment de propriétaires
qui étaient dans le même cas ? Encore une fois, non.
Si des
faits nouveaux surgissent, pour ces faits nouveaux, faites une législation
nouvelle, ou faites revivre l’ancienne. Mais, pour le passé, la question a été décidée
par la législature, elle l’a été non seulement pour l’Escaut, pour des
désastres résultants de la guerre, mais pour
Je le
répète, il faut faire des réserves pour l’avenir. Je crois qu’en droit les
propriétaires des polders sont tenus de concourir aux réparations des digues.
Cette obligation n’a jamais été considérée comme abolie, mais dans le cas
particulier d’une rupture par le fait d’une guerre, d’une guerre qui a fondé
notre nationalité, guerre qui ne doit pas se renouveler, les principes ont dû
céder.
Quant aux propriétaires, j’ai dit que nous n’aurons pas à nous en
occuper. Toutefois, au point de vue de l’équité, je répéterai que non seulement
ils auraient droit à votre sollicitude particulière, par cela même qu’ils ont
plus longtemps souffert, mais aussi en raison de leur position particulière. On
croit qu’il s’agit de faire ici à quelques propriétaires la libéralité du
rendiguement, on se figure que la loi est destinée à faire les affaires de
quelques riches propriétaires, cela ne m’empêcherait pas, si elle est équitable
au fond, de voter pour la loi ; il faut être juste envers les riches comme
envers les pauvres. Mais dans le nombre des propriétés qui doivent être
asséchées, autant que je puis connaître les localités, je ne vois pas plus de
quatre ou cinq grands propriétaires. Le bourgmestre de Lillo a remis une liste
qui porte à 87 le nombre des intéressés. Cette liste a été déposée sur le bureau,
nous devons lui croire un caractère authentique. Ce sont des ouvriers, des
bateliers, des laboureurs, des cabaretiers, des boutiquiers.
C’est sur
cette dernière catégorie que vous voulez faire tomber la rigueur de la loi.
J’admets le concours en principe, mais je demande qu’on en réserve
l’application pour l’avenir.
M.
le président. -
M. Huveners propose l’amendement suivant :
« Le
rendiguement du polder de Lillo sera exécuté par l’Etat. Un tiers de la dépense
incombera à l’Etat et les deux autres tiers seront à la charge des
propriétaires. »
M.
de Brouckere. -
Nous pourrions fermer la discussion générale.
M. Huveners. - Je demande la parole pour
répondre quelques mots aux membres qui ont dénaturé mes paroles. Je ne me suis
pas opposé à ce qu’on vînt au secours des malheureux, mais à ce que les riches
profitent des libéralités de l’Etat.
M. de
Mérode. -
L’amendement a été suffisamment motivé tout à l’heure, je ne vois pas ce que
l’honorable membre pourrait nous dire de neuf.
M. Huveners. - Je ne m’oppose pas à la clôture,
mais je demande à pouvoir, dans la discussion de l’article, rétablir le sens de
mes paroles.
- La clôture de la discussion générale est mise aux voix et prononcée.
M.
le président. -
M. Malou a la parole pour présenter un amendement.
M. Malou. - J’ai voté contre la loi des
indemnités, j’ai craint de poser un principe extrêmement dangereux.
Aujourd’hui, les considérations d’équité et d’humanité invoquées en faveur des
propriétaires et habitants du polder de Lillo m’ont touché ; mais je crains que
si nous votons le projet de loi sans réserve pour le concours des
propriétaires, nous ne compromettions ce principe pour l’avenir. J’ai recherché
les rétroactes de rendiguement, et j’ai trouvé que dans les premiers actes de
rendiguement, on a fait la réserve que je propose, et qui est conçue en ces
termes :
« Sauf
le recours du gouvernement contre les propriétaires, s’il y a lieu. »
Je propose
de reproduire cette réserve, parce que l’utilité en est plus évidente
aujourd’hui que jamais. En effet, la loi de 1842 ouvre une action en indemnité
devant la commission. On réclame devant elle du chef de catégories qui auraient
été exclues par la loi de 1842. On réclame du chef de non-jouissance.
M.
Mast de Vries.
- La commission en a fait justice.
M. Malou. - Une deuxième action est portée
devant les tribunaux ; elle a également la non-jouissance pour objet.
Elle est
portée par des propriétaires dont les propriétés ont été gratuitement retirées
de dessous les eaux. Aujourd’hui nous allons compléter notre œuvre de
générosité. Pour moi, je le déclare de nouveau, je m’associe à cette œuvre,
mais il ne faut pas aller jusqu’au point de laisser ouverte, de renforcer
l’action portée devant les tribunaux. Tel serait l’effet d’une loi votée sans
aucune réserve.
Tels sont
les motifs bien simples de l’amendement que j’ai proposé. J’espère qu’expliqué
ainsi, il ne rencontrera pas d’opposition de la part des intéressés eux-mêmes.
M. Huveners. - On a invoqué l’intérêt général.
On a dit que l’Etat était intéressé à exécuter les travaux dans l’intérêt de la
défense du fort de Lillo et de la navigation de l’Escaut, et de la conservation
de la digue du Poel. J’ai été le premier à le reconnaître ; j’ai dit que le
gouvernement aurait dû exécuter cet ouvrage, mais qu’il faisait faire supporter
la charge non seulement par les
Messieurs,
on a invoqué les sacrifices précédents que vous avez faits pour vous engager à
en faire un nouveau en exécutant le rendiguement aux frais de l’Etat tout seul.
C’est sur ces précédents que je me suis appuyé. J’ai dit que déjà dans
l’intérêt des propriétaires des polders on avait dépensé au-delà de trois
millions ; que j’aurais été curieux de voir la pétition de la direction du
polder de Lillo, pour voir si elle était assez déraisonnable pour demander
l’exécution des travaux aux frais de l’Etat seul.
On m’a dit
que si j’avais été sur les lieux, si j’avais vu l’état de ces misérables, je
n’aurais pas élevé la voix contre les malheureux. Mais je n ai pas élevé la
voix contre eux. J’ai dit que, si l’on n’avait pas assez fait pour eux, le
gouvernement pouvait faire une enquête. Je suis persuadé qu’avec un secours de
50,000 fr. on serait plus utile à ces malheureux que par ces 500,000 fr. qu’on
vous propose, qui ne profiteront qu’aux propriétaires riches. En citant le
rapport du gouverneur, j’ai fait remarquer qu’il y avait 50 grands
propriétaires, et que les autres étaient des ouvriers. Les ouvriers ne
possèdent pas des bonniers de terrains. D’après les renseignements qui nous ont
été donnés à la section centrale par un honorable député d’Anvers, il y a dans
les polders des hectares de terre qui se sont vendus jusqu’à 7,000 fr. (M. Cogels fait un signe négatif.) Il est
positif que l’honorable membre l’a dit, lorsque je fis l’observation qu’à cause
de la situation précaire de ces terrains, il ne devaient pas être bien chers.
D’après la
loi des indemnités, un cultivateur pourra réclamer jusqu’à 5,000 fr. Un membre
de la commission a dit qu’ils auraient beaucoup de peine à les obtenir. Je l’ai
pensé ; c’est pour cela que j’ai voté contre les indemnités. J’ai pensé que là
encore les riches auraient tout, et les pauvres rien.
M. le
ministre a dit qu’il s’agissait ici de fermer la dernière plaie de la
révolution ; il y a encore d’autres plaies de la révolution à fermer, mais
parce que c’est dans des localités dont les députés ne sont pas si nombreux, on
n’obtient rien. La ville de Maeseyck, que je représente, a eu sa caisse volée
par le duc de Saxe-Weimar. M. le ministre de l’intérieur le sait très bien ;
cependant elle n’a pu rien obtenir, On n’en tient aucun compte à cette
malheureuse ville dans tout ce qu’on réclame en sa faveur. De cette manière, il
y a deux poids et deux mesures.
On m’a fait dire que je voulais faire intervenir les polders au-delà du
fleuve. Je n’ai pas dit cela. Ce n’est que lorsque les différents polders
forment un seul arrondissement que chaque polder doit concourir à toutes les
charges de I arrondissement.
Quant à la
législation de 1811, l’honorable M. Cogels a tout à fait dénaturé ce que j’ai
dit. J’ai dit que le décret du 11 janvier 1811 contient la législation
générale, les principes généraux applicables dans le département des
Deux-Néthes, qu’il y avait des décrets particuliers pour régler les polders de
quelques autres départements français.
M. le
ministre est revenu sur ce que j’ai dit en 1841. Mais lui-même a bien voulu
ajouter quelle était mon opinion. En effet, j’ai même soutenu que les riverains
de
J’ai présenté un amendement. Je ne fais contribuer les propriétaires que
pour les deux tiers, parce que, d’après les renseignements que le gouvernement
nous a donnés, l’Etat est intéressé dans la question. Je ne mets que les 2/3 de
la dépense à charge des propriétaires. Je ne trouve pas que cette charge soit
trop grande pour une association qui a un revenu de 300,000 fr.
M. le ministre des travaux publics
(M. Dechamps) -
Je ne rentrerai pas dans le fond de la discussion. Je crois que les opinions
doivent être complètement formées. Je n’ai demandé la parole que pour déclarer
que je ne vois aucun inconvénient à l’amendement de l’honorable M. Malou.
Cet
amendement, comme on l’a fait remarquer, n’est que la reproduction de la
réserve exprimée dans les mêmes termes, dans les lois relatives au rendiguement
des polders, et votées en 1831 et 1834. Si, en 1838, lorsqu’il s’est agi du
polder de Borgeweert, cette réserve n’a pas été insérée dans la loi, c’est
parce qu’il était entendu que rien ne serait changé à l’ancien état des choses.
Cette
réserve, chacun en a compris la portée : on a voulu ne rien préjuger à l’égard
des propriétaires.
M. de
Mérode. -
Messieurs, ceux qui n’ont pas eu sous les yeux les misères qui résultent de
l’inondation du polder de Lillo, n’éprouvent pas pour ceux qui en sont victimes
l’intérêt que ressentent les personnes dont les yeux ont pu voir leur triste
situation. Or, cette situation est l’effet non pas d’une tempête, d’un
événement physique, non pas d’une guerre étrangère, mais d’un mouvement
politique qui a divisé un royaume par une révolution, révolution que nous
considérons comme heureuse pour la généralité du pays. Eh bien, je le demande,
est-il convenable de laisser consommer la ruine entière d’une fraction de nos
compatriotes, quand leur fortune a été sacrifiée au bien-être public et qu’ils
souffrent depuis quatorze années ?
Personne
plus que moi ne réclame l’équilibre des recettes et des dépenses. Je sais
combien il importe de ne pas se précipiter aveuglément dans les dettes et les
déficits, mais ici l’Etat peut être entraîné dans diverses dépenses plus
grandes que le rendiguement proposé soit pour la défense des forts soit pour la
sûreté de la navigation du fleuve : De plus l’Etat paye un surcroît d’entretien
des digues actuelles qui cessera après la fermeture de la véritable digue de
l’Escaut. Nous regagnerons donc une partie des frais.
Vous avez
commencé à faire, il faudra continuer, vous dit-on, et vous continuerez ainsi à
réparer toutes les brèches que les tempêtes produiront à l’avenir, ou qui
résulteront d’autres événements. Oui, vous continuerez à fermer une plaie qui
résulte d’un affranchissement politique dont le pays jouit depuis 14 ans. Vous
payerez cette joyeuse entrée de votre indépendance pour qu’elle ne soit pas une
cause indéfinie de souffrances et de larmes. Mais on ne pourra inférer de votre
conduite dans une circonstance si rare, si particulière qu’elle ne s’est pas
encore produite depuis des siècles, on ne pourra pas en inférer, dis-je, que
vous voulez abandonner des règles justement établies, et que personne ne veut
supprimer imprudemment.
Messieurs,
parmi les possesseurs des trois cents hectares du polder, moitié, peut-être,
sont dans l’aisance. Eh bien ceux-ci ne seront pas plus favorisés que les
propriétaires des polders précédemment rendigués ; pour ceux-ci 7 millions ont
été dépensés ; faut-il, pour cinq cent mille francs, c’est-à-dire, pour un
quinzième de la dépense totale, créer la plus singulière anomalie, dont on ne
cessera de se plaindre ?
M. Smits. - Deux amendements ont été
présentés. Quant à moi, j’admets celui de l’honorable M. Malou et je suis
autorise à déclarer, au nom de deux de mes collègues, qu’ils l’adoptent
également. Nous trouvons utile qu’il y ait dans la loi certaine réserve pour
l’avenir. Quant à celui de l’honorable Huveners nous ne pouvons l’admettre ;
car il place
Par suite
des guerres de la révolution qui ont amené l’indépendance nationale,
Je sais
qu’il a développé son amendement dans ce sens, que ces frais seraient répartis
sur l’association générale des polders. Mais il n’en est pas moins vrai que les
On a
invoqué le strict droit ; on a dit qu’un décret de 1811 obligeait les
propriétaires à rendiguer les digues à leurs frais ; ce décret, en effet, avait
été porté pour obliger les propriétaires, dont la négligence était extrême à
cette époque, à veiller eux-mêmes à la conservation des digues ; mais ici il ne
s’agit pas de cela ; aujourd’hui, c’est par suite des événements de la guerre
que l’inondation a eu lieu. Le cas est donc entièrement différent.
Pour
prouver que la chambre et le gouvernement n’ont jamais applique le décret de
181l, je citerai le polder de Borgerweert ; il a été rendigué, en 1837, à la
suite d’une rupture de la digue qui avait eu lieu non par les événements de la
guerre, mais par un ouragan. Le gouvernement a rendigué le polder aux frais de
l’Etat. Pourquoi ne pas en agir de même dans la circonstance actuelle ?
Aurions-nous deux poids et deux mesures ? Si l’on a rendigué le polder de
Borgerweert, en 1837, alors, je le repète, que la digue avait été rompue par
suite d’une tempête, ne devons-nous pas à plus forte raison décréter le
rendiguement de la dernière partie du polder de Lillo, qui reste encore à
exécuter, qui forme le dernier acte des réparations nationales que la chambre a
successivement décrétées ?
L’honorable
M. Desmet disait tantôt que jamais aucun souverain n’avait permis le
rendiguement d’un polder à charge de l’Etat, et il cite à ce sujet les
événements qui se sont passés sous Philippe II. Mais lorsque le duc de Parme a
fait inonder les polders des deux rives de l’Escaut, pour forcer la reddition
d’Anvers, que s’est-il passé ? On a demandé le rendiguement aux frais de l’Etat
; on s’y est refusé ; par suite de ce refus, les propriétaires ont consenti à
rendiguer les polders ; mais ils ont été exempts de tout impôt, même de ceux
d’accise, pendant 88 ans.
M.
Desmet. - Non
pas aussi longtemps.
M. Smits. - Oui, pendant 88 ans, parce que
les octrois ont toujours été renouvelés. L’Etat, ne percevant pas l’impôt,
payait donc indirectement. C’était de sa caisse que sortaient les sommes
nécessaires pour l’exécution des travaux. Or, que l’Etat paye directement ou
indirectement, le résultat est le même.
Ainsi l’on
ne trouve ni dans les siècles passés, ni à l’époque actuelle, aucun fait qui
prouve que de telles dépenses doivent être supportées par les propriétaires,
lorsque les ruptures des digues ont lieu dans des circonstances semblables à
celles où le pays s’est trouvé en 1830.
Je repousse
donc l’amendement de l’honorable M. Huveners et j’appuie l’amendement de
l’honorable M. Malou.
M. Lys. - Tout ce qui a été dit sur le
projet de loi nous a démontré qu’en stricte justice il n’est dû aucune
indemnité. Il est établi par les pièces annexées à l’exposé des motifs que la
rupture des digues, qu’elle ait lieu pour la défense du territoire ou pour
toute autre cause, ne donne aucun droit aux propriétaires des poldres qu’il
s’agit de rendiguer.
Je conçois
que l’on vienne au secours des malheureux qui ont souffert de l’inondation du
polder de Lillo ; nous y sommes d’autant plus obligés que nous avons appliqué
ce principe d’équité aux autres parties qui ont été inondées.
Je suis
tout à fait disposé à voter des secours pour les malheureux. Mais dans l’état
de nos finances, je ne suis nullement disposé à voter des sommes considérables
pour faire un cadeau aux riches propriétaires du polder de Lillo, je dis que
c’est un cadeau à de riches propriétaires. En effet, sur la liste des
propriétaires des polders, vous voyez, avec les noms de quelques grands
propriétaires, une quantité d’ouvriers. Mais que possèdent-ils ! Une
malheureuse hutte et quelques pieds de terrain.
Ce seront les grands propriétaires qui profiteront des travaux ; car,
remarquez-le bien, les listes devraient indiquer les quantités des terrains
appartenant à chaque propriétaire. Là vous ne voyez rien, parce que ce sont 7
ou 8 grands propriétaires qui possèdent la presque totalité des terrains. Je
dois le présumer ainsi, puisque nous ne pouvons obtenir l’extrait du cadastre
concernant les propriétés de Lillo.
Je suis, je
le répète, tout à fait disposé à voter des secours aux malheureux. Il est plus
que temps d’indemniser ceux qui peuvent avoir souffert. Mais on ne doit donner
qu’à ceux qui sont véritablement dans le besoin.
C’est
pourquoi je présente l’amendement suivant :
« Tout
propriétaire de plus de
Cet
amendement ferait, je crois, assez d’avantage aux petits propriétaires ; car
tout propriétaire qui posséderait moins de
Je ne puis
me rallier à l’amendement de l’honorable M. Malou, parce que ce n’est là qu’un
préservatif contre les exigences, qui ne produirait absolument rien à la caisse
de l’Etat.
M. Cogels,
rapporteur. -
J’ai demandé la parole, d’abord pour rectifier une erreur de l’honorable M.
Huveners. Je n’ai pas dit qu’on avait vendu 7,000 fr. l’hectare des terres du
polder de Lillo. J’ai dit qu’il y avait dans le poldre d’Ordam des terres dont
la valeur allait jusqu’à 7,000 fr. le bonnier, et non pas l’hectare, ce qui
fait une différence d’un quart.
J’ai dit au
contraire que dans le polder de Lillo, récemment rendigué, des terres qui se
vendaient 1,600 l’arpent, avant l’inondation, ne se vendaient plus que 600 fr.
Puisque
j’ai la parole, je répondrai deux mots à l’honorable M. Lys. D’après cet
honorable membre, les propriétaires auraient à contribuer pour un tiers de la
valeur de leur propriété ; or, les membres de la section centrale qui étaient
le plus exigeants n’avaient pas demandé un concours plus considérable que celui
fixé en dernier lien pour le canal de Zelzaete et pour le canal de
Cette
contribution n’équivaut pas au vingtième du revenu. Ainsi ce serait les plus
malheureux qu’on frapperait des contributions les plus exorbitantes. Ainsi on
exigerait plus pour une réparation imparfaite que pour des travaux
d’amélioration importants, et cela après que la loi des indemnités a porté
quelque remède à toutes les autres infortunes.
Ne
serait-ce pas avoir deux poids et deux mesures ? S’il faut avoir deux poids et
deux mesures, est-ce dans la circonstance présente ?
Plusieurs membres. - La clôture !
M. Rodenbach. - Je crois que l’on ne peut
prononcer la clôture. On n’a pas suffisamment discuté les amendements ; ils
devraient être renvoyés à l’examen de la section centrale, et ensuite discutes
; car il s’agit d’un principe très dangereux.
L’honorable
M. de Mérode, dans son discours, a paru accuser certains honorables membres de
la chambre. (Dénégations de la part de M.
de Mérode.) L’honorable membre a eu l’air de dire que nous rendrions
victimes de malheureux ouvriers des polders. Je pense que les membres qui ont été
vos adversaires ont été très généreux ; car l’honorable M. Desmet a dit :
demandez un subside, nous voterons un demi-million. Egalement un honorable
collègue qui siège à ma droite a dit : nous voterons un subside, il n’y a pas
lieu à nous accuser ; car il n’y pas un seul membre qui ne soit prêt à venir au
secours des malheureux. J’ai dû prendre la parole pour réfuter sur ce point
l’honorable comte.
On dit
qu’il faudra indemniser, parce que les inondations sont le résultat de la
guerre. C’est un principe très dangereux. Car s’il y avait une guerre avec
Vous savez
ce qui s’est passé lors des guerres de
Je demande
qu’on examine mûrement. Je demande qu’on imprime les amendements. On ne peut
voter aujourd’hui ; la question est trop grave.
M. le ministre des travaux publics
(M. Dechamps) -
Depuis quelques instants, la question me paraît complètement déplacée.
Au
commencement de la discussion, j’ai eu soin (et plusieurs orateurs après moi)
de placer la question sur le terrain des intérêts généraux. Sans doute, la
question des propriétaires a son importance. Mais elle s’évanouit devant une
question d’un ordre plus élevé, que j’ai eu l’honneur de signaler.
Le
gouvernement a été surtout frappé d’un fait, qu’il est de son devoir d’empêcher
que la navigation de notre fleuve commercial ne soit compromise ; or, elle
l’est par la formation de bancs de sable devant le polder de Lillo.
En deuxième
lieu, je vous ai prouvé que la digue de Doel, sur la rive gauche de l’Escaut,
serait menacée, que les propriétaires de la rive gauche de l’Escaut, seraient
toujours en présence d’un désastre éventuel.
L’honorable M. Huveners l’a démontré tantôt.
Comment !
pour éviter le danger qui menace la navigation du fleuve, qui menace les
propriétaires de la rive gauche de
Ainsi, je
le répète, nous avons à veiller à trois intérêts : D’abord la question
militaire. Il ne faut pas que le gouvernement perde de vue la défense de cette
frontière maritime.
Ensuite, il
est impossible que le gouvernement néglige de prendre les mesures nécessaires
pour empêcher que la navigation de notre fleuve commercial ne soit compromise.
Il est aussi de son devoir de conjurer les dangers auxquels est exposée la rive
gauche du fleuve, vers le Doel.
Le
gouvernement ne peut prémunir le pays contre tous ces dangers autrement que par
le rendiguement du polder de Lillo. Là est le seul remède. La somme que le
gouvernement devra dépenser pour ces travaux a sa complète compensation dans
une réduction de charges annuelles qui représente un capital au moins égal au
coût d’exécution des travaux.
La question
des propriétaires dont on vient de s’occuper, est la question véritablement
accessoire. Le gouvernement doit remplir un devoir ; il a une responsabilité à
couvrir, c’est de prévenir les dangers qui menacent la navigation du fleuve et
la rive gauche de l’Escaut.
Je pense
que l’amendement de l’honorable M. Malou répond à toutes les craintes.
Par cet
amendement, vous sauvez complètement l’avenir.
Mais,
vis-à-vis des faits que j’ai signalés, il est impossible de se préoccuper avant
tout de la position du concours des propriétaires.
M. Desmet. - Messieurs, j’appuie l’impression
des amendements. Le principe du concours est trop important pour que la
question soit décidée sans un mûr examen. M. le ministre des travaux publics,
organe du gouvernement, invoque l’urgence, l’intérêt de la navigation et de la
défense du pays. Eh bien, le gouvernement avait entre les mains les moyens de
faire exécuter les travaux immédiatement ; il devait en vertu des anciens
octrois, sommer les propriétaires de remplir leurs obligations. Si donc il se
produit de nouveaux dommages, si la rive gauche du fleuve vient à être inondée,
ce sera le fait du gouvernement : il devait forcer les propriétaires à faire
leur devoir.
On parle de faire contribuer les propriétaires du Doel et de
Liefkenshoek, mais personne n’a dit ni pensé cette absurdité, on sait de quoi
sont constituées les wateringues, comme on sait quelles sont ses charges, mais
on sait aussi que toute la wateringue du polder de Lillo doit contribuer à la
dépense à faire pour fermer la dernière rupture.
Je dirai un
mot de l’amendement de l’honorable M. Malou, qui est si fortement appuyé par le
gouvernement. Chaque fois qu’il s’est agi d’une semblable question, une clause
de cette nature a été introduite dans la loi ; mais quel usage le gouvernement
a-t-il fait de cette clause ? Pour le polder de Borgerweert on a dépensé plus
de trois millions, et j’ai déjà fait remarquer à la chambre que les 2/3 de
cette somme ont été employés à des travaux d’intérêt particulier. Voilà l’usage
que le gouvernement a fait de la réserve proposée par l’honorable M. Malou ; si
nous adoptons la loi, on agira encore dé la même manière.
Je ne
m’étendrai pas sur l’amendement de l’honorable M. Lys ; je ferai seulement
remarquer que c’est là la disposition que nous devrions adopter ; on a parlé de
commisération, eh bien, celui qui a
L’honorable
M. Cogels vient de dire que l’endiguement ne procurera pas aux propriétaires de
Lillo des avantages plus grands que ceux qui ont été accordés aux riverains du
canal de Zelzaete et du canal de
Certainement
le séjour de l’eau de mer, de l’eau saumâtre fera du tort pour quelques années,
mais il est indubitable que le rendiguement procurera aux propriétaires de
Lillo beaucoup plus d’avantages que le canal de Zelzaete et le canal de
D’après ces
considérations, je demande, messieurs, que les amendements soient imprimés et
la discussion renvoyée à une autre séance, car une question aussi importante ne
doit pas être traitée avec tant d’accélération et surtout en présence d’un si
petit nombre de membres.
M.
de Muelenaere.
- Si la chambre ordonnait l’impression des amendements, je me réserverais de
prendre la parole plus tard. (L’impression,
l’impression.)
M.
de Brouckere. -
Messieurs, on demande que les amendements présentés aujourd’hui soient imprimés
et que la discussion du projet soit ajournée, mais on oublie que le terme
fatal, le 31 mars, est très près de nous. Si le gouvernement n’est pas mis à
même d’accepter définitivement la convention faite, avant le 31 mars, cette
convention tombe…
Un membre. - On fera une adjudication
publique.
M.
de Brouckere. -
Eh bien, messieurs, vous verrez alors quels seront les résultats d’une
adjudication publique. J’espère que la chambre ne forcera pas le gouvernement à
recourir à cette mesure.
D’ailleurs,
messieurs, l’impression des amendements est complètement inutile : l’amendement
de l’honorable M. Huveners est tellement exorbitant qu’il n’a aucune chance
d’être accepté par la chambre. Déjà M. le ministre des travaux publics et
d’autres orateurs, avant lui, ont combattu cet amendement d’une manière
tellement victorieuse que l’impression en est complètement inutile. Quant à
l’amendement de l’honorable M. Lys, il paraît au premier aspect devoir
rencontrer quelques partisans de plus, parce que le résultat n’en serait
onéreux qu’aux propriétaires auxquels on suppose quelque fortune, mais je
voudrais bien que l’on m’expliquât comment cet amendement serait mis à
exécution ; il ne tend à rien moins qu’à frapper quelques personnes d’un impôt
individuel ; eh bien, messieurs, je vous donne le défi d’exécuter une semblable
mesure. Il faudrait commencer par obtenir le consentement des propriétaires que
vous voulez ainsi frapper, Or, ce consentement, vous ne l’obtiendrez jamais. Je
concevrais, par exemple, que vous disiez dans la loi que l’administration du
polder supportera une partie des frais, mais que ces frais soient supportés par
certains individus exceptionnellement, c’est ce qui est de toute impossibilité.
Il
faudrait, je le répète, obtenir l’assentiment des propriétaires, et certes vous
ne l’obtiendrez pas. (Interruption.)
Je vois l’honorable M. Desmet se réjouir parce que je dis que vous
n’obtiendriez pas l’assentiment des propriétaires. Mais il faudrait qu’ils
eussent perdu la raison pour accepter une semblable transaction. Comment, pour
les 9/10 des polders, le rendiguement se sera fait aux frais du gouvernement, et
pour le dixième restant, vous voudriez qu’il se fît aux frais des propriétaires
? Je le répète, il faudrait qu’ils eussent perdu la raison pour souscrire à de
pareilles conditions.
Mais voyez
donc, messieurs, quelle injustice la disposition consacrerait ; un homme aura
On répète toujours que ce qu’on veut sauver le principe, que la question
d’argent n’est rien. Mais, messieurs, la question de principe est sauvée par
l’amendement de l’honorable M. Malou, cet amendement sauve complètement les
droits que le gouvernement peut exercer contre les propriétaires ; d’ailleurs,
messieurs, le rapport de la section centrale fait une réserve non moins
explicite voici ce qu’il porte :
« La
section centrale déclare qu’elle n’entend en aucun manière, par la résolution
qui précède, préjuger la question de principe ou reconnaître la moindre
obligation de la part de l’Etat, pour les inondations qui pourraient avoir lieu
à l’avenir. »
Eh bien,
messieurs, s’il ne suffit pas de l’insertion de cette réserve dans le rapport,
que la chambre décide (et cette décision sera prise à l’unanimité), que la
chambre décide que cette réserve sera insérée soit au procès-verbal, soit dans
la loi elle-même.
L’honorable
M. Rodenbach a fait valoir un argument auquel il est impossible de ne pas
répondre. Il a dit que si vous indemnisez les habitants du polder de Lillo, ce
sera un encouragement donné à vos voisins, que ce serait les engager, en cas de
guerre, à détruire les digues, parce qu’ils sauraient que ce ne sont pas les
particuliers qui payeront, mais que c’est la nation.
M.
le président. -
Je prie l’honorable M. de Brouckere de se renfermer dans la question de
l’impression des amendements.
M.
de Brouckere. -
M. le président, je termine. Je dis que cette considération était applicable à
tous les autres projets qui ont été adoptés relativement aux polders auxquels
il a été fait des travaux.
Je conclus, messieurs, en disant que l’impression des amendements n’est
pas seulement inutile, mais qu’elle est encore impossible dans l’état actuel
des choses.
M. Huveners. - Je n’ai demandé la parole,
messieurs, que pour poser une question à M. le ministre des travaux publics, et
je crois que par là je répondrai à toutes les considérations qu’il a fait
valoir contre mon amendement, lorsqu’il a insisté sur la nécessité du
rendiguement. Je lui demanderai si le rendiguement ne sera pas aussi bien fait
dans l’intérêt général lorsqu’il sera effectué en partie aux frais des
propriétaires que lorsqu’il sera fait aux frais de l’Etat ? Il suffit de
consulter l’art. 5 du décret du janvier 1811.
M.
le président. -
Je ferai remarquer à l’orateur qu’il s’écarte de la motion d’ordre.
M. Huveners. - Ce que je dis, M. le président,
tend à prouver qu’il est nécessaire que la question soit mûrement examinée. Je
voulais seulement dire que le gouvernement peut contraindre les propriétaires à
construire les digues ou à les entretenir, que, lorsqu’ils négligent de le
faire, il peut saisir les récoltes et exproprier les terres.
M. le ministre des travaux publics
(M. Dechamps) -
Messieurs, je répondrai immédiatement à la demande de l’honorable M. Huveners.
L’honorable membre demande si le rendiguement se faisant avec le concours des
propriétaires, ne s’opérera pas aussi bien dans l’intérêt général que lorsqu’il
sera fait par l’Etat. Ma conviction profonde est que, si l’on décrète le
concours des propriétaires, le gouvernement ne se fera pas ou se fera de telle
manière qu’il n’y aura aucune espèce de garantie de bonne exécution.
M. Huveners. - L’Etat exécuterait les travaux,
mais il aurait son recours contre les propriétaires. Les travaux seraient donc
exécutés aussi bien avec le concours des propriétaires que sans ce concours.
M.
Desmet. - Je
dois, messieurs, répondre un mot à l’honorable M. de Brouckere qui a attaqué si
fortement l’amendement de l’honorable M. Lys. Il a dit qu’il défie le
gouvernement d’exécuter cet amendement Mais, messieurs, quel est le but de
l’amendement de l’honorable M. Lys ? C’est de faire contribuer tous les
propriétaires qui ont plus de cinq hectares de terres. Au reste, l’amendement
devra être modifié ; je crois donc que la chambre doit ordonner l’impression
des amendements ; il faut absolument que cette discussion soit un peu plus
mûrie. Mais il est très clair que l’amendement de l’honorable M. Lys est très
exécutable, car il n’impose pas les individus, mais bien les propriétés ; et
certainement quand un seul individu possède plus de cinq hectares, il ne doit
pas passer pour pauvre. Or, le but de l’amendement est de faire concourir la
propriété, mais d’en soustraire les possesseurs des propriétés qui seraient
moindres de cinq hectares.
M.
Eloy de Burdinne.
- L’honorable M. de Brouckere vous a dit que l’amendement de l’honorable M. Lys
était sujet à contestation ; il y a donc là un point de droit qu’on ne peut
juger qu’autant que nous ayons un rapport de la section centrale sur cet objet.
J’appuie donc le renvoi à la section centrale.
M. Fleussu. - Messieurs, en matière de
finances, nous sommes sur une pente extrêmement rapide, et je crois que nous ne
trouvons point un temps d’arrêt. Maintenant qu’il s’agit d’exercer un acte non
de justice, mais simplement d’équité envers les propriétaires du polder inondé
de Lillo, voilà qu’on ne veut plus nous permettre d’examiner la question sous
toutes ses faces, on veut emporter d’emblée une somme de 500,000 fr. C’est là
une dépense considérable ; car il me semble que, par respect pour l’opinion
publique, on doit s’abstenir de la voter, en présence d’un si petit nombre de
membres. J’appuie la motion tendant à faire imprimer les amendements et à les
renvoyer à la section centrale.
M.
Vandensteen. - Messieurs, ayant fait partie de la minorité de la section centrale,
je désire m’éclairer, parce que depuis que la discussion a eu lieu, la question
a pris une tout autre face.
Les
rapporteurs des sections à la section centrale, hormis celui de la 6ème
section, avait reçu le mandat d’exiger le concours d’une manière impérative.
J’ai été un peu étonné de voir qu’il ne s’agit plus du tout de ce concours dans
le débat, et je me suis ébranlé. Je désire donc m’éclairer sur ce point et je
crois qu’il est important de renvoyer l’amendement à la section centrale.
En second lieu, un renseignement n’a pas été donné à la section
centrale, et ce renseignement nous est indispensable. Au début de la séance, M.
le ministre des travaux public a déposé la matricule du rôle cadastral de la
commune de Lillo pour l’année 1806. Je crois qu’il n’eût pas été difficile de
nous faire connaître, depuis que la section centrale s’est livrée à ses
premiers travaux, les véritables propriétaires, ainsi que l’étendue des
différentes parcelles qu’ils détiennent. Cette communication aurait peut-être
empêché la présentation de l’amendement de l’honorable M. Lys.
On a dit
qu’il y avait une question qui dominait toutes les autres, c’était le délai
fatal qui a été spécialement fixé par l’entrepreneur. D’après l’exposé des
motifs, le chiffre de la dépense devait s’élever à environ un million. Il y a
plusieurs soumissions. L’une de ces soumissions réduit la dépense à 506,000 fr.
Je ne pense pas, moi, que si le vote de la loi était reculé de quelques jours,
cette même soumission ne serait plus reproduite. Il n’y a pas dans ce moment
une si grande masse d’ouvriers occupés.
M. Cogels. - Messieurs, l’honorable membre a
dit qu’il n’y avait qu’une seule section où le concours n’ait pas été exigé ;
dans la 6ème section il n’a pas été question du concours ; dans la 4ème, le
concours a été soulevé, mais la question n’y a reçu aucune solution, et dans
une autre section, il y a eu partage de voix. D’ailleurs, le rapport a donné
fidèlement le résumé de ce qui s’était passé dans les sections, et ensuite, comme
cela arrive toujours, les rapporteurs sont venus à la section centrale avec des
opinions extrêmement libres.
M. Lys. - Messieurs, lorsque j’ai présenté
un amendement, j’ai démontré que nous voulions venir au secours des malheureux
et que nous ne voulions pas faire de faveur à des personnes riches. Il est très
possible que mon amendement soit susceptible d’être modifié, et peut-être le
modifierai-je moi-même, mais quand l’honorable M. de Brouckere dit qu’on ne
pourrait faire contribuer les propriétaires, je lui répondrai qu’alors le
gouvernement ne peut pas user de son droit, car, n’avons-nous pas les octrois,
les règlements sur les polders ? Ne peut-on pas mettre ces grands propriétaires
en demeure ? Et, après qu’on aura rendigué le polder, ne sera-ce pas un
véritable cadeau qu’on fera à ces propriétaires, en leur donnant les deux tiers
des terres rendiguées ? Qu’on ne vienne pas nous dire qu’il s’agit ici de
malheureux, mon amendement ne les atteint pas, car il est certain que celui qui
a cinq hectares de terre n’est pas dans une situation misérable.
M. Rogier. - Je ne peux appuyer le renvoi à
la section centrale des amendements qui viennent d’être déposés. Quelles que
soient les opinions de la chambre sur la question du concours des
propriétaires, tout le monde doit être d’accord sur l’urgence des travaux ; si
l’on veut que les travaux puissent être entrepris utilement cette année, il
faut qu’ils commencent dans un très bref délai. Si nous allons livrer le projet
de loi aux éventualités de l’avenir, il est fort à craindre que cette année
encore les propriétaires continueront à être inondés, et les dangers qu’a
signalés M. le ministre des travaux publics ne feront que s’aggraver.
On croirait
vraiment qu’il s’agit d’une question tonte nouvelle ; mais les observations des
honorables préopinants ont été présentées depuis longtemps, elles ont trouvé en
M. Dubus un organe très érudit, très éloquent. Il y a des années qu’on a fait
valoir tous les arguments d’aujourd’hui, et la chambre a passé outre ;
seulement, pour ne pas trop engager l’avenir, elle a posé dans la loi première
la réserve que l’honorable M. Malou voudrait voir introduire dans le nouveau
projet. La question qu’on propose de renvoyer à la section centrale a déjà fait
l’objet de l’examen de la section centrale ; dans quel but, dès lors
demanderait-on ce renvoi ?
Quant aux
résultats du renvoi, ils présentent les plus grands inconvénients, puisqu’il
entraînerait inévitablement la prolongation d’un état de chose que nous devons
tous déplorer, et désirer de voir cesser.
Par une
circonstance heureuse, il arrive qu’une soumission actuellement présentée offre
un rabais extraordinaire sur les devis des ingénieurs ; eh bien, dans une année,
cette circonstance peut-être ne se reproduira plus. N’y aura-t-il pas, par
suite de la prolongation de l’inondation, de nouveaux dégâts ? M. le ministre
de la guerre a déclaré dès 1842 qu’il fallait, dans l’intérêt du fort,
commencer les travaux d’urgence. M. le ministre des travaux publics invoque
aujourd’hui les mêmes motifs d’urgence, l’intérêt du fleuve ; il faut commencer
les travaux. Est-ce donc le moment de subordonner les travaux à la question du
concours des propriétaires ?
Ne nous attachons, messieurs, qu’à l’intérêt du fleuve, à l’intérêt de
la défense du fort. Pour ces deux grands intérêts nationaux, les ministres
l’ont déclaré, il y a urgence ; si vous ajournez le vote du projet, la chambre
prendra sur elle la responsabilité de dépenses beaucoup plus fortes peut-être.
Vous pourrez insérer dans la loi l’obligation du concours, mais vous ne
l’obtiendrez pas pour cela, les propriétaires pourront plaider et suspendre
ainsi indéfiniment l’exécution des travaux.
Messieurs,
c’est le dernier acte de réparation des désastres de la révolution qu’il s’agit
de poser. Rappelez-vous la discussion de la loi des indemnités ; lorsque
l’article des inondations est venu dans la discussion, les adversaires de la
loi ont argumenté pour repousser l’indemnité demandée de ce chef propriétés inondées de la nécessité
d’achever l’endiguement de Lillo. Cette circonstance a contribué à faire
écarter les indemnités qu’on voulait accorder aux propriétaires de terrains
inondés ; mais il avait été entendu dès lors que le gouvernement serait tenu
d’achever, l’endiguement de Lillo. Je crois pouvoir faire un appel au souvenir
de mes collègues.
Le principe
du concours des propriétaires aux travaux qui sont de nature à augmenter la
valeur de leurs propriétés, est, sans aucun doute, un principe fécond en bons
résultats. Je ne désire pas qu’on s’en départît à l’avenir. Mais, vouloir
l’appliquer aux circonstances actuelles, c’est lui donner des conséquences
forcées, c’est blesser la justice et l’équité ; et voilà pourquoi je le repousse
; et voilà pourquoi je me prononce contre le renvoi des amendements à la
section centrale.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - La
motion d’ordre est l’impression des amendements. Elle doit avoir un but. Il
faut clairement poser la question. Veut-on, oui ou non, voter la loi
aujourd’hui ?
Plusieurs membres. - Non ! Non ! (Agitation.)
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) -
Procédera-t-on aujourd’hui au vote de la loi ?
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Je
fais la motion de poser cette question : Procèdera-t-on aujourd’hui au vote,
oui ou non ? Cette motion n’a rien d’inusité, elle se fait souvent ailleurs ;
il y a des chambres où elle se fait toujours. Je crois que ce qu’il y a de plus
simple, c’est de poser cette question à la chambre, telle qu’elle est
constituée : La chambre se trouve-t-elle assez éclairée pour procéder au
vote ?
M. Rodenbach. - Vous voyez bien la disposition
de la chambre, elle ne veut pas voter.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Il y
a différentes manières de procéder, si vous renvoyez les amendements à la
section centrale, la loi n’est plus à l’ordre du jour. Ou pourrait ordonner
l’impression et laisser la loi à l’ordre du jour de plein droit.
Mais avant
tout, je demande qu’on consulte la chambre sur la question de savoir si on
veut, oui ou non, voter aujourd’hui.
M. Rodenbach. - Vous voyez qu’on ne veut pas
voter !
Plusieurs voix. - Non ! non !
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) -
Messieurs, on oublie le terme fatal du 31 mars !
M. Rodenbach. - Il est impossible de voter, on
s’en va.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) -
Quand on est présent et qu’on ne veut pas prendre part à une délibération, on
s’abstient, c’est pour cela que l’abstention est prévue par notre règlement. Se
présenter, se retirer subitement, n’est-ce pas, par une voie de fait, mettre
l’assemblée dans l’impossibilité de prendre une décision ?
M. Rodenbach. - Quant à moi, je resterai, mais
beaucoup de membres se retirent.
M. le
ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Si la chambre décide qu’elle ne veut pas
voter le projet dans la séance de ce jour, on atteindra l’époque du 31 mars,
cela est inévitable. Si nous n’étions pas en présence de la discussion du
projet relatif au jury d’examen, discussion qui est fixée à lundi et peut être
de longue durée, je comprendrais une telle décision de la chambre. La chambre a
dû comprendre que la soumission que le gouvernement est parvenu à obtenir
change la position dans laquelle on se trouvait ; ce marché renferme des
avantages tels que la chambre ne peut pas prendre la responsabilité de les
compromettre par un ajournement. Car le moindre ajournement vous fera atteindre
le terme du 31 mars.
La question
est donc de savoir si le rendiguement se fera ou ne se fera pas dans l’année
courante. Voilà le fait devant lequel nous sommes placés. L’époque fatale ne
fût-elle pas d’ailleurs fixée au 3l mars, un ajournement quelconque suffirait
pour mettre obstacle à l’exécution de travaux qui doivent se faire en une
campagne et pendant la belle saison. Aussi décider qu’on ne votera pas
aujourd’hui, c’est prononcer l’ajournement à une année. La chambre aura la
responsabilité de l’augmentation de dépense que ce travail important, ainsi
postposé, pourra rendre indispensable.
M.
Dumortier. -
Nous sommes dans un véritable embarras. D’une part, un contrat provisoire a été
fait avec les entrepreneurs, duquel il résulte une véritable amélioration dans
la dépense à faire pour le rendiguement du polder de Lillo. D’autre part,
beaucoup d’honorables collègues expriment de justes et légitimes vœux pour que
les propriétaires ne soient pas affranchis de la contribution qu’ils doivent
par suite des dispositions qui ont régi les polders. Voilà l’embarras. Je ne
sais pas s’il n’y a pas moyen d’en sortir. La difficulté réside en ce que les
réserves insérées dans les diverses lois de rendiguement n’ont amené aucun
résultat. Si ces réserves avaient amené un résultat, je ne pense pas qu’on
verrait s’élever les réclamations qui se reproduisent aujourd’hui, car les
principes qui ont été adoptés par le passé le seraient encore pour l’avenir.
Ce qu’il y
a à faire, c’est de régulariser la position, c’est de demander, en insérant
dans la loi, que le gouvernement, après les travaux terminés fasse un rapport
sur les résultats des dispositions adoptées dans les dernières sessions ; nous
aurons quelque chose pour le polder qu’il s’agit de rendiguer et nous
retirerions quelque chose des sommes antérieurement dépensées.
M.
le président. -
Je vais mettre aux voix la proposition de M. le ministre de l’intérieur.
M. Fleussu. - A quoi nous conduira cette
proposition ? Ce n’est pas que je sois embarrassé, car je déclare dés
maintenant que je dirai non. Il y a d’excellentes raisons pour que nous nous
opposions à ce qu’on vote aujourd’hui. Nous ne voyons pour adversaires que les
ministres et les députés de la province d’Anvers. Je demande s’ils veulent
emporter un pareil vote en présence de la répugnance que manifeste la chambre.
J’ai déjà fait connaître mon opinion. M. de Muelenaere est inscrit pour parler
au fond, je suis inscrit aussi ; l’heure est avancée, il vous sera donc
impossible d’en venir aujourd’hui. De toute nécessité, vous devrez remettre la
discussion. Il est donc inutile de soumettre à la chambre la question posée par
M. le ministre de l’intérieur.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J’ai fait une motion d’ordre qui n’a rien
d’étrange. L’honorable M. Fleussu dit que les membres éprouvent des répugnances
à voter aujourd’hui. Si telle est l’intention des membres, ils voteront contre
la motion. Moi, je ne connais ni manifestation individuelle ni répugnance
individuelle, je ne connais que les votes publics.
Il faut
savoir sur qui retombera la responsabilité, si le projet n’est pas voté. Si
l’honorable M. Fleussu n’est pas assez éclairé, je regrette qu’il n’ait pas
demandé pus tôt la parole pour exprimer ses doutes, on aurait pu lui donner des
explications. Je demande que la chambre se prononce sur la question de savoir
si on votera aujourd’hui, c’est-à-dire, s’il y a une majorité suffisamment
éclairée pour voter aujourd’hui. Je ne puis reconnaître aux absents le droit de
nous empêcher de délibérer. Ce serait un singulier droit ! Il y a trois jours
que j’ai fait la motion de mettre à l’ordre du jour la question du rendiguement
des polders ; j’ai dit pourquoi : c’est qu’il y a un terme fatal, le 31 mars,
et que nous sommes à la veille d’une grande discussion.
M.
Eloy de Burdinne.
- M. le ministre de l’intérieur est dans une grave erreur quand il pense
pouvoir faire peser une responsabilité sur les membres qui ne seraient pas
disposés à voter son projet. Je ne veux pas l’adopter, parce que je crois qu’on
ne peut faire mieux que ce qu’il propose. Je ne puis donner un vote approbatif
à la loi.
Au surplus,
nous avons toujours jusqu’au 1er avril ; si nous ne pouvons examiner cette
question lundi ; nous pouvons avoir pour cela une séance demain. Mais la
question est trop importante pour qu’il nous soit possible de la résoudre
aujourd’hui.
- La
question posée par M. le ministre de l’intérieur « Procédera-t-on aujourd’hui
au vote ? », est mise aux voix par appel nominal.
52 membres
sont présents :
30
répondent oui ;
22
répondent non.
En conséquence,
la chambre décide qu’elle procédera aujourd’hui au vote.
Ont répondu oui : MM. Goblet, Lebeau, Mast de Vries, Meeus, Mercier,
Nothomb, Osy, Rogier, Savart, Scheyven, Smits, Troye, Verwilghen, Vilain XIIII,
Cogels, Coghen, de Brouckere, Dechamps, Dedecker, d’Anethan, de
Ont répondu
non : MM. Fleussu, Huveners, Jadot, Lange, Lys, Malou, Morel-Danheel,
Rodenbach, Sigart, Vandensteen, Wallaert, David, de Corswarem, Desmet, de
Moorsel, de Muelenaere, de Naeyer, de Renesse, de Roo, de Meer de Moorsel, de
Villegas, Duvivier, Eloy de Burdinne.
M.
de Muelenaere
et M. de Brouckere renoncent à la parole.
M.
Dumortier. -
J’ai indiqué tout à l’heure un moyen qui me paraissait très bon et très
légitime, non seulement pour résoudre la difficulté, mais encore pour faire
entrer au trésor public les sommes qu’il a droit de faire rentrer, par suite
des réserves insérées dans les différentes lois relatives au rendiguement des
polders. Nous avons toujours pensé que si l’Etat rendiguait les polders, il
était juste que les polders rendissent à l’Etat une partie de la plus-value des
propriétés. Je demande que le gouvernement fasse à la chambre un exposé des
droits que le trésor public peut avoir de ce chef. Je suis convaincu que nous
pouvons trouver là une somme équivalente à la dépense à faire.
L’amendement
que je propose est ainsi conçu :
« Le
gouvernement, dans la prochaine session, rendra compte aux chambres des sommes
que le gouvernement a droit de récupérer sur les propriétaires, par suite des
réserves apportées aux lois relatives aux rendiguement des polders. »
M. le
ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Je me rallie à cet amendement.
- Il est
procédé au vote.
L’amendement
de M. de Lys est mis le premier aux voix comme s’écartant le plus du projet de
loi.
L’appel
nominal sur cet amendement constate que la chambre n’est plus en nombre.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) -
Messieurs, la chambre n’est plus en nombre, nous ne pouvons plus que constater
ce qui résulte de notre règlement, et je demande la permission de le faire.
De plein
droit, nous avons à l’ordre du jour de lundi la discussion du projet de loi sur
le jury universitaire mais de plein droit aussi, et aux termes du règlement, le
vote sur le projet du rendiguement du poldre de Lillo, forcément interrompu,
reste à l’ordre du jour (Oui ! oui !)
Enfin, de
plein droit toujours, il y a lieu d’imprimer, les amendements. Quant à leur
renvoi à la section centrale, il faudrait être en nombre pour le décider.
M.
le président. -
Les amendements seront imprimés et distribués.
- La séance
est levée à 5 heures.