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d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du vendredi 22 mars 1844
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre
2)
Projet de loi relatif à la pension des ministres. Bases de calcul de la pension
(de Foere, Savart-Martel, Van Cutsem, de Garcia, Malou, Nothomb, Malou,
de Naeyer, Savart-Martel, Dumortier, de Naeyer,
(+paupérisme et l’industrie linière des Flandres) Rodenbach,
Malou, Desmet, de
Haerne, Savart-Martel, Dolez, de Mérode, de Naeyer, Dolez, Malou, Vandensteen,
Delfosse, Dumortier, Devaux)
3)
Projet de loi relatif aux pensions civiles et ecclésiastiques. Second vote des
articles. Conditions d’admission à la pension (âge, infirmités…) (Mercier, Malou), pensions des
membres de la cour des comptes (Mercier), pensions du
personnel des universités (Nothomb)
4)
Projet de loi relatif à la pension des ministres. Bases de calcul de la pension
(Malou)
5)
Nomination du bibliothécaire de la chambre des représentants (Delfosse, Dubus (Bernard), Cogels, Delfosse, Dubus
(Bernard), Dolez, Dumortier)
6)
Fixation de l’ordre du jour. Jury d’examen universitaire (Nothomb, Verhaegen), impôt sur
le tabac (Dumortier)
7)
Nomination du bibliothécaire de la chambre des représentants
(Moniteur belge n°83, du 23 mars 1844)
(Présidence
de M. Liedts.)
M. Huveners
procède à l’appel nominal à midi et demi.
M. de Renesse
donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est
approuvée.
M. Huveners
présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Quelques
élèves en droit de l’université de Gand déclarent adhérer à la pétition des
élèves de l’université de Liége, tendant à ce que la disposition transitoire de
l’art. 63 de la loi sur l’enseignement supérieur soit prorogée jusqu’à la fin
de la session de 1846. »
-
Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur le jury
universitaire.
________________________
Par
messages en date des 20 et 21 mars, le sénat informe la chambre qu’il a adopté
le projet de loi ouvrant des crédits supplémentaires aux budgets du département
des finances des exercices de 1843 et de 1844 et 9 projets de lois conférant la
naturalisation ordinaires.
-
Pris pour notification.
Discussion générale
M. de Foere. -
Messieurs, si j’ai bien compris le fond du discours que M. Dolez a prononcé
dans la séance d’hier, il m’a paru que ce discours se réduit à trois ou quatre
opinions fondamentales que l’honorable membre a posées en prémisses.
Un
ministre sortant, a dit l’honorable député de Mons, qui a rendu des services à
son pays, ne peut accepter une place sous un autre ministère. Sa position est
toute politique. S’il déviait de ce principe, il agirait contre sa propre
dignité, et il se compromettrait aux yeux du public. Au surplus, l’honneur et
la dignité du pays seraient également compromis. Il ne convient, d’ailleurs,
pas qu’un ministre, père de famille, reste engagé dans un combat entre le
besoin et sa position politique. C’est une pensée d’équité qui est au fond de
la proposition qui a été signée par 23 honorables membres de la chambre ; il
est donc équitable que les ministres sortants soient pensionnés par le pays
pour les services qu’ils lui ont rendus.
C’est
là, si je ne me trompe, l’analyse du discours de mon honorable adversaire,
appuyé, dans le même sens, par l’honorable M. de Brouckere.
Les
principes posés par des deux honorables orateurs sont trop absolus pour qu’il
soit possible de les admettre dans les vrais intérêts du pays. Erigés, comme
précédents, en loi du pays, ils renferment, dans le vrai sens parlementaire,
des conséquences dangereuses et nuisibles au pays.
Il
est au fond des idées générales et absolues, développées par ces honorables
préopinants, des distinctions de position très essentielles qu’ils n’ont pas
établies. Dans les principes parlementaires reconnus, ces distinctions sont
admises en pratique comme en théorie. Elles sont appuyées sur des faits
nombreux, faits que, de 1831 à 1844, notre propre histoire parlementaire nous
fournit aussi bien que celle d’autres pays constitutionnels.
La dignité des hommes politiques, ni celle du pays, n’est pas dans ces
positions. Elle est dans d’autres tout à fait dissemblables ; elle est
exclusivement dans ces positions que de vrais hommes d’Etat prennent toujours
pour conserver leur dignité aux yeux du pays, et c’est aussi à cette dignité
seule que celle du pays, liée à la dignité de ces hommes politiques se
rattache.
Je
regrette vivement, messieurs, que la séance d’hier ait été levée avant l’heure
ordinaire. Dans l’intérêt du pays, j’aurais beaucoup désire établir les
différentes positions de la thèse que je viens d’énoncer. Mais plusieurs
membres de la chambre ont cru qu’ils étaient suffisamment éclairés ; en
conséquence, ils ont manifesté le désir de clôturer la discussion générale. Je
renonce donc à la parole.
Cependant,
afin que la chambre ne se méprenne pas sur ma pensée et sur les conclusions que
j’aurais tirées de mes principes, en tous points différents de ceux de M. Dolez
je dois la prévenir de deux choses. La première, je me serais opposé à une loi
générale et absolue comme liant l’avenir et comme, en ce sens, contraire aux
intérêts du pays et même aux différentes positions parlementaires ; à une loi
surtout dont le vote aurait pu être dicté sous l’impression des idées émises
par l’honorable député de Mons. Cependant, si la chambre, mieux éclairée, s’était
montrée disposée à jeter en arrière des regards de bienveillance sur des
positions exceptionnelles, (erratum
Moniteur belge n°87, du 27 mars 1844 :) je ne m’y serais pas opposé,
mais sans compromettre pour l’avenir la question parlementaire.
La
deuxième : La proposition de la section centrale, quoique sous des rapports
moins importants, engage aussi l’avenir, dans un sens général et absolu. Je ne
puis donc l’admettre pour les mêmes motifs.
M. Savart-Martel. - Messieurs, dans la plupart
des circonstances, je me suis rangé parmi les adversaires les plus avancés
contre toutes dépenses dont la nécessité ne me paraît point démontrée.
Je
dois donc donner les raisons qui m’engagent à persister dans l’amendement que
j’ai signé, d’accord avec 23 à 24 de nos honorables collègues.
Placé
entre deux propositions, dont l’une ou l’autre, je le prévois, sera adoptée par
la chambre, j’ai dû m’arrêter à celle qui me paraît la plus juste et la moins
onéreuse pour le trésor public, suivant les probabilités humaines.
Dans
la discussion générale des pensions, je me suis expliqué à diverses reprises,
de manière à ne laisser aucun doute que je voterai le rejet de cette masse de
pensions dont on veut doter tous les employés de l’Etat rétribués par l’un ou
l’autre des départements ministériels.
Mais
si, comme je le prévois, l’on accorde, malgré moi, des pensions à la généralité
des magistrats, fonctionnaires et employés de l’Etat, peut-on en excepter les
ministres ?
La
question, ainsi posée, est devenue pour moi une question de droit et d’équité.
A la
rigueur les fonctionnaires et employés de l’Etat, rétribués pour
l’accomplissement de leurs devoirs, n’auraient droit à aucune retraite, si
l’usage et des sentiments de philanthropie, auxquels nous ne pouvons que rendre
hommage, en ont disposé autrement ; si l’arrêté de 1814, par lequel le prince
souverain, voulant peut être payer sa bienvenue, a érigé en lui la nécessité de
porter, chaque année, au budget les sommes destinées aux pensions de retraite,
au mous devait-on restreindre ses charges. Je n’ai point combattu le principe,
mais son extension seulement, qui m’a paru dépasser toutes limites ; la
retraite due aux chefs des départements ministériels est d’une tout autre
nature.
Ce sont
ces hauts fonctionnaires qu’avait principalement en vue l’assemblée
constituante, lorsqu’en 1791, elle proclamait le principe que l’Etat doit
rémunérer les longs et honorables services rendus au corps social.
Si
les termes mêmes dont se servait cette illustre assemblée repoussent l’idée
qu’elle ait voulu les appliquer aux services ordinaires, et toujours honorables
sans doute, que rendent les employés de tout grade dans le simple acquis de
leurs fonctions, il est au moins certain qu’ils s’appliquent positivement aux
chefs des départements ministériels dont les travaux sont toujours éminemment
honorables et dans l’intérêt général du pays. Comment, lorsque je suis certain,
qu’aujourd’hui même, et malgré moi, je le répète, on va décréter le principe
qui attribue des pensions à tous les fonctionnaires et employés de l’Etat,
pourrai-je en refuser aux chefs des départements ministériels, et les mettre
pour ainsi dire hors la loi ? Ou il fallait prescrire l’extension, dont je n’ai
cessé de me plaindre, ou, pour être juste, force est-il d’y admettre ces hauts
fonctionnaires.
J’ignore,
messieurs, comment le précédent gouvernement retraitait des ministres qu’il
nommait les serviteurs du roi.
Notre
régénération politique, notre indépendance ont rendu à ces hautes fonctions
toute la dignité qui leur appartient dans un gouvernement constitutionnel,
toute la dignité qu’elles avaient en France dans les premiers moments de sa
régénération.
Les
fonctions ministérielles n’exigent pas seulement de hautes connaissances, le
plus pur patriotisme, le dévouement le plus absolu ; mais elles exigent encore
une force de caractère qui n’est pas commune, elles exigent surtout
l’abnégation de tout intérêt personnel, de tout intérêt de famille, de
népotisme et de camaraderie ; et comme le dit énergiquement notre honorable
collègue M. de Brouckere, il faut avoir brûlé ses vaisseaux. Il faut pour
l’exécution des lois mêmes, de la circonspection et une prudence consommée ;
car il est plus aisé de faire des lois que de les exécuter.
Or,
quel sort faisons-nous en Belgique à ces hauts fonctionnaires ? Nous leur
allouons un modeste traitement, à peine suffisant pour les dépenses
qu’occasionne leur position sociale. Nous les logeons d’une manière princière,
il est vrai, mais avec l’expectative d’abandonner, d’un moment à autre, à leurs
successeurs ces riches mobiliers et ces palais somptueux dont les hôtes doivent
disparaître comme par enchantement. Pendant la durée de leurs fonctions
éphémères, nul commerce, nulle industrie, nulle profession ne sont permis aux
dépositaires du pouvoir, en sorte qu’ils ne peuvent rien amasser pour les
mauvais jours. A peine peuvent-ils donner un instant à leurs intérêts de
famille.
Accablé
de travaux et souvent de contrariétés, ils ne quittent le banc de douleur qui leur
est assigné dans cette chambre, que pour retrouver dans leur palais l’anxiété
et peut-être le chagrin.
Si
encore le ministre avait l’avantage des autres fonctionnaires, la certitude de
conserver sa position en faisant son devoir ; mais il n’en est rien. Par la
force même des choses, plus un ministère met de zèle dans la pratique de son
opinion, plus d’ordinaire il avance sa chute.
D
ailleurs, on ne postule pas un ministère, on l’accepte quelquefois malgré soi,
tandis que les autres fonctions publiques s’accordent d’ordinaire sur demandes.
Comment,
en présence de ces faits, n’accorderait-on pas à ces hauts fonctionnaires les
dotations qu’on paraît résolu d’accorder à tous les autres ? Rejetez la loi
générale dont la portée me paraît immense, je rejetterai, moi, tout ce qui
concerne le ministère.
Mais,
dit-on, ce que vous voulez pour les chefs des départements ministériels, c’est
une faveur ; c’est un privilège ; or, les privilèges sont odieux.
Je
réponds que la rémunération d’honorables services n’est point faveur, mais
équité, et que si cette rémunération était une faveur, il en serait de même de
toutes les pensions ; or, c’est moi qui constamment ait voulu les restreindre.
On
prétend que ce serait là un privilège, mais on fait ici un singulier abus de ce
qu’on doit entendre par privilège. Autant vaudrait-il dire que tout ordre
hiérarchique constitue une préférence ; la démocratie même constituerait des
privilèges.
Il y
a privilège, lorsqu’on traite différemment deux personnes étant dans la même
position ; il y aurait privilège si nous accordions plus à l’un des ministres
qu’à l’autre, mais il n’en est rien. Nous ne faisons point plusieurs classes de
ministres, nous les mettons tous sur la même ligne ; nous les traitons tous de
même par notre amendement.
On prétend
qu’à proprement parler, notre amendement serait un traitement d’attente plutôt
qu’une pension proprement dite ; soit, si un ministre sortant avait
l’expectative de rentrer au cabinet ; tandis que dans l’intervalle il soit sans
ressource aucune ! Si vous envisagez l’amendement comme traitement d’attente,
ce serait une raison de plus pour consacrer le principe. En cet état, la
proposition de la section centrale n’échapperait pas plus à votre critique. On
ajoute que la loi serait impopulaire. Cela est vrai ; si l’on ne veut pas
donner au peuple les raisons de notre opinion, qui est d’abord la conséquence
du principe absolu qu’admet la chambre, principe que nous voulons restreindre
sans avoir pu y parvenir. C’est parce que, malgré nous, vous créez des masses
de pensionnaires, qu’il est juste de ne point en excepter les chefs de
départements.
La
loi sera impopulaire si on laisse accréditer l’opinion qu’il en résultera des
charges considérables pour le pays, tandis que moi, je veux une loi juste et
immuable fixant modestement les retraites pour le passé et pour le futur, de
manière à éviter tout abus, et à proscrire toute nouvelle base de dépenses.
La
loi sera impopulaire si l’on ne dit point au peuple que, pour une période de 13
à 14 ans, la charge ne monte qu’à 16,000 fr. ; si on ne lui rappelle pas que le
cumul est interdit ; que presque toujours les ministres sortants seront pourvus
de fonctions publiques ; qu’il est dans la nature des choses que l’appel au
ministère roule sur quelques capacités qui se succéderont, et qu’il ne s’agit
que de pensions viagères. La loi sera impopulaire si l’on ne fait pas remarquer
que la fixation de la pension simple est un chiffre de 4,000 fr. ; le peuple,
en s’éclairant, nous rendra justice, et il n’y aura d’impopulaire que le
principe absolu que j’ai repoussé. Oui, le peuple veut des économies, de
grandes économies même, mais il veut aussi justice et dignité. Retirez toute la
loi des pensions, sinon subissez-en les conséquences.
Le
Belge est modeste, économe ; représentants de ce peuple, nous devons en suivre
les mœurs ; mais le Belge veut aussi rémunérer avec certaine dignité, sans luxe
ni profusion, les services qui lui sont rendus. Il veut une justice
distributive.
On a
semble craindre que les capacités sortant du ministère refuseraient leur
concours à la prospérité de l’Etat, pour s’en tenir à la modeste pension de
4,000 fr. ; mais, messieurs, il suffit de connaître les hommes pour être
convaincu qu’il n’en sera point ainsi.
L’homme
d’Etat ne reste guère inactif volontairement.
Et
notre amendement est conçu dans un sens qui le forcera même à continuer ses
services à l’Etat, s’il veut une amélioration dans sa position.
Faire
dépendre la pension de l’âge d’un tel fonctionnaire qui n’a jamais
l’expectative de l’inamovibilité, mais dont la position dépend toujours de
questions politiques, ne serait point justice. Je craindrais abuser des
instants de la chambre, que de démontrer cette vérité.
Mais,
dit-on, le ministre sortant trouvera toujours facilement à continuer ses
services au pays dans des fonctions publiques, pour lesquelles son successeur
lui accordera probablement la préférence ; et si ses principes lui font un
devoir de ne rien accepter de son successeur, les autres professions lui
appartiennent, car l’homme à talent se place toujours.
Je
répondrai d’abord que toutes les fonctions publiques sont honorables, sans
doute. Que parfois l’on a vu des dictateurs, et les premiers magistrats de la
république romaine rentrer paisiblement dans leurs foyers, avec une rare
modestie ; qu’un membre du directoire exécutif de France est devenu simple juge
de paix, et que, de nos jours, si je ne me trompe, un homme éminent en Belgique
a aussi accepté ces modestes fonctions.
Mats
rappelons-nous que nous supposons ici un ministre sans fortune ; un ministre
qui aurait quitté le banc ministériel avec une noble pauvreté, comme le disait
hier l’honorable M. Dolez ; les exemples que nous avons cités ne remédieraient
point à l’impossibilité où il se trouverait de vivre avec une certaine dignité,
nécessaire même pour qu’un jour il puisse être rappelé à ses fonctions.
Qu’adviendrait-il,
d’ailleurs, si cet ancien ministre sans fortune se trouvait dans une position à
ne pouvoir rien accepter de son successeur ? Vous le renvoyez à l’exercice des
professions ordinaires de la vie civile. On a cité notamment le barreau ; c’est
vraiment consolant pour celui qui, avant son entrée au ministère, aurait
abandonné une profession lucrative destinée à se mettre, lui et sa famille, à
l’abri du besoin.
On a
cité le barreau comme si la clientèle appartenait de droit au talent ; comme si
cette carrière pouvait être commencée à tout âge, comme si tous les genres de
talent ouvraient cette carrière ; mais est là une vaine théorie qui ne résiste
point aux leçons de l’expérience et de la pratique.
Voyons
les choses telles qu’elles sont, et non pas telles qu’elles devraient être.
Messieurs,
on est assez généralement d’accord qu’il y a lieu à fixer enfin par une loi la
pension de retraite des ministres qui se sont succédé depuis 1830.
Dès lors je ne conçois pas pourquoi on ne réglerait pas aussi la
retraite des ministres futurs. Veut-on, comme on nous l’a fait entendre, qu’à
chaque retraite, il y ait des lois particulières ? Dans nos mœurs, cela serait
absurde ; mieux vaudrait-il prononcer dès à présent qu’il n’y aurait pas lieu à
la pension de retraite, car vous trouverez bien peu de retraités qui voulussent
s’exposer aux chances d’une loi personnelle ; ce serait presque toujours
d’ailleurs aux dépens de leur dignité. Et s’il était statué séparément sur
chaque pension, je prévois que le budget trouverait des charges bien
supérieures à celles qui résulteraient de la loi actuellement en discussion.
Or,
je crains, messieurs, que parfois on doterait ainsi de hauts fonctionnaires
déjà avantageusement traités par la fortune. Le vœu que j’avais exprimé lors de
la discussion générale remédiait à cet inconvénient et tendait, je l’avoue, à
populariser la loi, mais il a été reçu si défavorablement que je le
reproduirais sans succès ; à cet égard, je suis battu, je l’avoue, mais non
convaincu. Peut-être un jour y reviendra-t-on.
Messieurs,
l’amendement qui vous est proposé a une portée qui ne vous échappera pas. Cet
amendement n’est point une œuvre de parti. Il est signé par des membres
siégeant sur tous les bancs de cette chambre et appartenant à des opinions
souvent opposées.
Cette
réunion, cette unité de vues est de bon augure pour nos travaux futurs.
On
voit que s’il existe en Belgique une opposition vivace, une opposition telle
que l’exige le gouvernement constitutionnel, cette opposition n’est point
systématique ; elle n’est ni tracassière ni rancunière.
Quant
à moi, si l’on ne retire pas la loi générale, que je considère comme un malheur
pour le pays, loi que je prévois devoir être accueillie, malgré tous mes
efforts, je maintiendrai l’amendement des 24 députés comme œuvre de justice, et
parce que, dans mes prévisions, elle chargera moins le trésor que tout autre
projet.
M. Van Cutsem. - Je ne saurais, messieurs admettre la proposition de la section
centrale, parce que cette proposition ne met pas sur la même ligne ceux qui
auront été ministres avant la promulgation de la loi et ceux qui le seront
après. A cet égard, la section centrale s’exprime de la manière suivante :
« L’on
peut se demander encore pourquoi le projet, au lieu de reporter jusqu’à 1830
les effets des dispositions qu’il consacre, établit de profondes différences
entre les ministres passés et ceux qui occupent ou qui pourraient occuper à
l’avenir le pouvoir. Les premières années qui ont suivi la révolution ont, sans
doute, été marquées par des événements graves ; elles ont été signalées aussi
par d’éminents services rendus au pays ; mais il est impossible d’affirmer que,
dans un avenir prochain, des circonstances non moins difficiles ne se
produiront pas, que des services non moins dignes de la reconnaissance
nationale ne seront pas rendus. »
D’un
autre côté, messieurs, lorsque 23 de mes honorables collègues et moi, nous
venons proposer de faire cesser cette différence que M. le ministre des
finances établissait entre les ministres qui auront été au pouvoir avant la
promulgation de la loi et ceux qui dirigeront les affaires du pays après la
promulgation de la loi, la section centrale repousse notre système et le
remplace par un projet qui consacre la même différence. En présence de cette
contradiction, je crois devoir demander à l’honorable rapporteur ce qui peut
avoir porte la majorité de la section centrale à dévier de sa première
décision, par laquelle elle avait repoussé toute différence entre les ministres
passes et les ministres futurs.
Les
signataires de la proposition dont la chambre s’occupe ont partagé l’opinion
qui a motivé la première décision de la section centrale ; ils ont pense que
ceux qui seront ministres après la promulgation de la loi auront l’occasion de
rendre au pays des services aussi signalés que ceux qui lui ont été rendus par
des hommes qui ont contribué à fonder l’indépendance de la Belgique. Nous avons
dit que ceux, par exemple, qui doteraient le pays d’un bon système commercial,
que ceux qui feraient obtenir à
M. de Garcia. - Messieurs, je dirai quelques mots pour faire connaître quel sera mon
vote sur la loi qui nous est présentée.
Faut-il,
dans une loi, poser un principe absolu qui consacre que tout chef de
département, après deux années de fonctions ministérielles, aura droit à une
pension ? Voilà la véritable question, la seule question dont on devrait avoir
à s’occuper dans une loi organique. A ce point de vue, je regrette que la loi
actuelle ne soit pas dégagée d’une question qui ne peut être envisagée que
comme personnelle, que comme individuelle. Quant au principe qu’on veut
introduire dans la législation des pensions, il m’est impossible de l’admettre.
Quant à la question personnelle, individuelle, proposée dans la loi, je la
consacrerais volontiers par mon vote, si elle était présentée comme acte de
rémunération nationale pour services éminents rendus à la patrie. La loi qui
nous est soumise présente des dispositions essentiellement différentes, et qui
n’ont rien de commun entre elles. Dans cette position, que pourra-t-il arriver
? Complètement opposé au principe absolu du droit à la pension après 2 ans de
fonctions ministérielles, je voterais contre la loi si le principe était
consacré tel qu’il est proposé par le projet de loi des vingt-quatre députes.
Cependant, messieurs, en rejetant ainsi la loi, je regretterais
infiniment de voir ainsi rejeter la partie qui concerne la question
personnelle. Je veux faire connaître ma pensée à la chambre, parce que je
serais fâché que dans cette enceinte et en dehors, on interprétât mal ma
manière de voir et d’agir. Je désirerais assurer une pension honorable aux
ministres qui ont rendu, je dois le dire, dans des circonstances difficiles,
des services éminents au pays. Je ne voudrais jamais être ingrat ; je voudrais
même, si la loi est rejetée, qu’il fût présenté une loi spéciale à l’égard des
ministres dont il s’agit, je me ferais un devoir de prendre, au besoin,
l’initiative de la présentation de cette loi. Ainsi, nous entrerions dans le
système anglais, qui consiste à récompenser les services rendus à la patrie.
L’honorable
M. Van Cutsem vient de développer parfaitement cette pensée. Nous devons
encourager le dévouement et le zèle des hommes supérieurs. Il nous reste encore
beaucoup d’améliorations à réaliser pour satisfaire aux besoins du pays, pour
le doter de toutes les lois qui nous sont imposées par la constitution, de toutes
les mesures nécessaires à la prospérité publique. Il est certain que l’homme
qui parviendrait à mettre
Eh
bien, messieurs, réservons les pensions, on plutôt les rémunérations nationales
pour les grands hommes qui parviendraient à résoudre ces grands problèmes, il
m’est impossible de mettre sur la même ligne celui qui aurait rendu ces grands
services et celui qui n’aurait rien fait, celui qui ressemblerait à ce qu’on a
appelé les rois fainéants.
M. Malou, rapporteur. -
Messieurs, pour ne pas prolonger cette discussion, je me bornerai à répondre à
l’interpellation de l’honorable M. Van Cutsem. Si la section centrale est
revenue sur sa première décision, c’est précisément à raison du fait auquel
l’honorable membre a participé. La proposition de 24 députés qui a été renvoyée
à la section centrale, était un fait nouveau, et c’est en conséquence de ce
fait que la section centrale a soumis à la chambre une proposition nouvelle.
Discussion des articles
M. le président. -
La proposition à laquelle le gouvernement s’est rallié, et qui est, par
conséquent, la proposition principale, est ainsi conçue :
«
Tout chef de département qui, depuis les événements de 1830, comptera deux
années de fonctions ministérielles aura droit à une pension de fr 4,000.
« La
pension sera augmentée de fr. 500 par chaque année ultérieure de fonctions
ministérielles, et pour chaque année antérieure ou ultérieure d’autres
fonctions, de 1/60 du traitement qui leur est affecté.
« Elle
ne pourra, en aucun cas, dépasser le maximum de fr. 6,000. »
La
section centrale propose de remplacer cette proposition par les trois articles
suivants :
« Art.
1er. Le temps passé à la tête d’un département ministériel, à partir du 1er
octobre 1830, sera compté triple pour la liquidation des pensions. »
« Art.
2. Quiconque, à partir du 1er octobre 1830, aura été pendant trois années au
moins à la tête d’un département ministériel, aura droit, quel que soit son
âge, à une pension liquidée d’après la loi générale relative aux pensions
civiles, lorsqu’il se trouvera, quant à la durée des services, dans l’une des
positions prévues par la première section du chap. 1er de la même loi. »
« Art.
3 (disposition transitoire). Tout chef de département qui, depuis le 1er
octobre 1830 jusqu’à la promulgation de la présente loi, a exercé des fonctions
ministérielles pendant deux années, a droit à une pension de 4,000 fr.
« La
pension sera augmentée de 500 fr, par chaque année ultérieure de fonctions
ministérielles, et pour chaque année antérieure ou ultérieure d’autres
fonctions de 1/60 du traitement qui leur est affecté.
« Elle ne pourra en aucun cas dépasser le maximum de 6,000
fr. »
M.
de Corswarem propose de substituer les dispositions suivantes aux articles 1 et
2 du projet de la section centrale :
« Le
ministre qui, depuis le 1er octobre 1830, aura été deux années au moins à la
tête d’un département ministériel, sera admis de plein droit à la pension, à la
cessation de toutes fonctions salariées.
« Il
en sera de même du ministre qui, sans avoir été deux années à la tète d’un
département, aura, avant son entrée au ministère, rempli des fonctions
publiques rétribuées par l’Etat.
« La
partie de la pension à laquelle un chef de département aura droit à la
cessation ne ses fonctions ministérielles, sera liquidée séparément de la
partie à laquelle il aura droit pour fonctions ultérieures.
«
Ces parties de pension seront liquidées d’après les dispositions de la section
2 du chapitre 1er ; mais sur le traitement d’une année, si le ministre a rempli
pendant moins de 3 ans des fonctions publiques rétribuées, et sur le traitement
de la dernière année des fonctions remplies après sa sortie du ministère, si
elles ont aussi duré moins de 3 ans. »
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je ne sais pas, messieurs,
si nous touchons au moment du vote, mais je crois qu’il est bon, pour qu’il n’y
ait pas de surprise, que des à présent nous soyons rendus attentifs à la
position de la question. Je dirai d’abord que quant à l’amendement de
l’honorable M. de Corswarem, il y a eu méprise de la part de beaucoup de
membres ; beaucoup de membres ont pensé que l’honorable député voulait faire de
sa proposition la loi tout entière. Or, si j’ai bien compris son discours, que
j’ai relu ce matin dans le Moniteur,
l’honorable membre n’amende que les articles 1 et 2 du projet, qui constituent
ce que j’appellerai la législation permanente pour l’avenir, et il accepte les
dispositions transitoires. Voilà, je crois, la pensée de l’honorable M. de
Corswarem.
J’ai
surtout demandé la parole, messieurs, pour examiner la question de priorité.
Selon moi, il est incontestable que la priorité du vote doit être accordée à la
proposition des 24 députés. Si l’on procédait autrement, je n’hésite pas à dire
qu’il y aurait un piège. (Exclamation.)
Je ne prends pas ce mot d’une manière défavorable, je ne l’applique à personne,
mais il est évident que ceux qui veulent une pension pour les chefs des
départements ministériels, accepteront comme pis-aller la proposition de la
section centrale, si vous commencez par voter sur cette proposition. Il faut
donc ici messieurs, nous conformer aux précédents que nous avons invariablement
suivis et qui consistent à commencer par ce qu’on appelle la proposition la
plus large. Je demande donc, en vertu de ces précédents de la chambre, la
priorité en faveur de la proposition des 24 députés, qui est la proposition la
plus large.
M. Malou, rapporteur. -
Je désire, messieurs, que nous ayons tous, dans la discussion et dans le vote,
une liberté entière, et je pense que, pour assurer cette liberté, il faut
procéder au moyen de questions ; la première de ces questions serait celle-ci :
Adoptera-t-on un seul principe pour le passé et pour l’avenir ? Si cette
question était résolue dans le sens de la section centrale, nous aurions à voir
ce que nous voulons faire pour le passé, ce que nous voulons faire pour
l’avenir. C’est là le moyen de laisser à chacun la plus grande liberté, la plus
grande facilité dans l’émission de son vote.
M. le président. -
Comme on ne s’est occupé jusqu’à présent que de l’ensemble de la loi, je dois
ouvrir la discussion sur l’art. 1er, c’est-à-dire, sur la proposition faite par
24 membres et à laquelle le gouvernement s’est rallié. A cette proposition se
rattachent les articles 1 à 3 du projet de la section centrale et le
sous-amendement de M. de Corswarem.
Article premier
(amendement présenté par 24 députés)
M. de Naeyer. - Messieurs, je ne me suis pas dissimulé la difficulté qu’il devait y
avoir à combattre une proposition signée par 24 membres de cette chambre ; mais
ce qui me rassure, c’est que ces 24 signataires n’attachaient pas le même sens
à l’amendement ; plusieurs d’entre eux, peut-être le plus grand nombre, n’ont
entendu adopter une proposition tendant à accorder des pensions ministérielles
qu’autant que la disposition s’appliquât exclusivement au passé. Je conserve
donc le plus grand espoir de faire rejeter la proposition, au moins dans le
sens absolu qu’on veut y attacher aujourd’hui.
Je
me bornerai pour le moment à discuter l’amendement, en tant qu’il s’applique à
l’avenir.
Pour
apprécier le mérite d’une disposition législative, il faut l’examiner dans ses
applications les plus ordinaires, les plus habituelles. Or, messieurs, quelles
seront, en règle générale, les applications de la disposition qu’on vous a soumise
?
Un
ministre aura été à la tête d’un département, pendant deux ans, pendant quatre
ans, pendant six ans ; il aura droit, de ce chef, à une pension de 4.000 francs
ou de 6,000 francs. Cependant il se retire des affaires, lorsqu’il est encore
dans la force de l’âge.
Il
arrivera très souvent que cet homme possède de la fortune personnelle. Eh bien,
cet homme, à la force de l’âge, trouve plus convenable de ne plus s’occuper des
fonctions publiques ; si le travail est devenu pour lui une espèce de besoin,
cette activité ne doit pas nécessairement s’exercer dans des fonctions
publiques, il peut lui convenir de l’exercer ailleurs. Ainsi, si le ministre
qui se retire a de la fortune, il placera avantageusement ses capitaux, il
soignera ses affaires personnelles.
Eh
bien, ses loisirs qu’il consacrera si utilement à l’amélioration de sa fortune,
seront encore récompensés par une pension de 4,000 ou de 6,000 francs sur le
trésor public. Je dis que c’est un scandale. Oui, oui, la disposition qu’on
propose doit entraîner de pareilles conséquences, et ces conséquences se
réaliseront fort souvent.
Prenons
maintenant d’antres applications.
Un
ministre, après la même durée de service, se retire des affaires, il n’a pas
une grande fortune personnelle ; mais avant son entrée aux affaires, il se
livrait à une profession lucrative dans la société ; c’était ou un avocat en
réputation, ou on médecin distingué, ou un financier, ou un chef d’un
établissement industriel ou commercial.
Eh
bien, ce même ministre, en sortant des affaires, reprendra son ancienne
profession, et il va réaliser annuellement des bénéfices considérables par son
travail ; mais peu importe parce qu’il aura été ministre pendant quelque temps,
il faudra qu’il cumule avec le produit de sa profession, de son industrie, une
pension de 4,000 ou de 6,000 fr. ? Je dis de nouveau que c’est un scandale…
M. Dumortier. -
Je demande la parole.
M. de Naeyer. - Ce n’est pas tout. Je viens de parler des conséquences les plus
ordinaires qui doivent nécessairement résulter de la proposition. Je me place
maintenant dans un autre cas moins favorable au sens des observations que je
viens de présenter.
Un
ministre se retire des affaires. Avant son entrée au ministère, ii n’avait pas
de position de fortune indépendante. Maintenant rassuré sur son avenir par sa
pension de 4 ou de 6,000 fr., il trouvera peut-être plus commode de ne plus
s’occuper des affaires publiques. C’est un cas qui arrivera très souvent. Cet
ancien ministre emploiera donc ses talents, consacrés jusqu’ici au service de
l’Etat, à se créer des moyens d’existence indépendants du pouvoir, et le plus
souvent il réussira dans cette entreprise ; car pourquoi supposer que celui qui
a pu gérer les affaires du pays, ne serait pas capable de réussir dans une
autre carrière ? Or, si cet ancien fonctionnaire encore dans la force de
l’âge, utilise ainsi sa retraite pour se faire une position indépendante,
sera-t-il bien édifiant pour la moralité publique qu’il continue à toucher en
même temps une forte pension sur le trésor public ? Voilà cependant un résultat
de la proposition que je combats, qui se pourra se réaliser bien souvent. Je
dis moi, que ce serait encore un scandale.
Messieurs,
on a invoqué la justice. Je me suis attaché, dans la séance d’hier, à prouver
qu’il n’y avait pas de motif d’utilité publique, et j’ai dit que lorsque ces
motifs d’utilité publique n’existaient pas, il ne nous appartenait point de
disposer des deniers de la nation.
Il y
a justice, selon nos adversaires ; mais vraiment, je ne les comprends pas.
Est-ce que, par hasard, les ministres n’ont pas accepté librement leurs
fonctions ? En est-il de ces fonctions comme des fonctions militaires ? Est-on
ministre, comme l’en est soldat, c’est-à-dire malgré soi ?
Non,
messieurs, un ministre accepte librement ses fonctions et quand, pendant tous
le temps qu’ils les a remplies, il jouit de tous les avantages qui y sont
attachés et qu’il savait y être uniquement attachés, on vient crier à
l’injustice, si on ne leur accorde pas une pension, alors qu’ils résignent
leurs fonctions.
L’on
parle de reconnaissance nationale. Au moins je comprends ce langage, et je
serais même disposé à l’appuyer dans certains cas exceptionnels ; mais ne venez
pas me parler de justice d’une manière générale et absolue ; il n’y a pas
d’acte de justice à exercer envers l’ex-ministre qui, pendant qu’il était aux
affaires, a joui de tous les avantages attachés à cette position. Mais, je le
répète, si un appel à la générosité nationale était circonscrit dans de sages
limites, si on invoquait la reconnaissance de la nation pour des cas spéciaux,
je serais le premier à m’associer à cette manifestation.
Oui,
je le reconnais, il peut y avoir des positions exceptionnelles,
extraordinaires, et je serai toujours disposé à avoir de grands égards pour ces
positions, mais alors, je voudrais procéder par des lois spéciales, puisqu’il
s’agit de circonstances toutes spéciales. Je ne veux pas poser un mauvais
principe, alors même qu’il doit amener un bon résultat partiel ; je le veux
d’autant moins qu’il est impossible d’arriver à ce résultat par des moyens plus
logiques, plus conformes à une bonne législation.
On a
dit qu’il y avait des inconvénients à faire des lois spéciales. Je demanderai
si jusqu’à présent un semblable système a donné lieu en Angleterre à des
inconvénients dans la pratique.
Quelques
personnes, semble-t-on craindre, rougiront d’accepter le bénéfice d’une loi
spéciale. Mais, messieurs, l’on paraît se méprendre étrangement sur le sens,
sur le caractère d’une semblable mesure. A mes yeux, ce serait le plus beau
titre de noblesse qu’on pût conférer à un citoyen, ce serait l’hommage le plus
éclatant qu’il fût possible de rendre à sa probité politique, et cet hommage
lui serait rendu par la nation.
L’honorable
comte de Mérode déclarait, dans la séance d’hier, qu’il serait opposé aux
pensions de ministre, si elles devaient s’élever à des sommes considérables.
Mais, a-t-il ajouté, de quoi s’agit-il ? il ne s’agit que d’une pension de
4,000 francs, et de 6,000 francs, tout au plus. Cela n’est pas exagéré, cela
n’est que raisonnable.
Messieurs,
l’honorable comte de Mérode n’est pas compétent en cette matière (on rit). L’honorable comte de Mérode né
dans l’opulence, élevé dans l’opulence, n’ayant jamais eu à lutter contre
l’adversité, je m’empresse de l’avouer, digne à tous égards de cette heureuse
position, puisqu’il fait un si noble et généreux usage de la fortune que le
Providence lui a donnée ; l’honorable comte de Mérode, dis-je, doit
naturellement trouver assez insignifiantes des sommes de 4,000 ou de 6,000
francs ; ainsi je le répète, messieurs, cet honorable membre n’est pas
compétent en cette matière.
Quoi
! ce n’est donc rien que 4 ou 6,000 fr ! Mais, pour l’amour de Dieu,
rendez-vous donc dans les provinces flamandes qui sont affligés par la misère ;
allez parler aux populations affamées qui les habitent, demandez-leur le prix
de 4 ou de 6,000 francs, et l’on vous répondra qu’une somme de 6,000 fr.
suffirait pour donner du pain à une partie de la population de tout un canton.
(Rires sur quelques bancs.)
Messieurs,
vous prouvez, par vos rires, que vous ignorez ce qui se passe dans une partie
notable du pays ; oui, avec les sommes qu’on regarde ici comme insignifiantes,
on pourrait dans les Flandres donner la nourriture du travail à des ouvriers
très nombreux. Cette nourriture du travail est sans doute la plus morale et la
plus conforme à la dignité de l’homme. Si les honorables membres dont mes
paroles ont excité l’hilarité savaient cela, ils s’abstiendraient sans doute de
rire...
M.
Rodenbach. - Je demande la parole.
M. de Naeyer. - Il
me reste à répondre à une autre observation. On a dénaturé hier mes paroles. On
m’a d’abord adressé un singulier compliment ; mais ensuite on m’a fait dire ce
que je n’avais pas dit, pour prouver que mes observations n’avaient aucun
fondement et que la chambre ne devait pas s’y arrêter. On a prétendu que
j’avais dit que les ministres, pendant qu’ils étaient en fonctions, pouvaient
faire des économies, et assurer par là leur position dans l’avenir. Je n’ai
rien dit de semblables. J’ai dit simplement que le traitement dont les
ministres jouissent pouvait suffire à leurs besoins ; qu’indépendamment de ce
traitement, ils avaient à leur disposition un hôtel somptueusement meublé. Cet
hôtel, dit-on, est une charge pour eux ; mais l’hôtel n’est-il pas meublé et entretenu
aux frais de la nation ? Quelle charge peut-il donc en résulter pour les
ministres ? J’ai dit ensuite qu’en sortant des affaires, les ministres
pouvaient trouver une ressource, ou dans leur fortune personnelle, ou dans leur
ancienne profession, ou dans la nouvelle carrière que leur talent leur
permettrait de se frayer. J’ai ajouté que s’il y avait des positions
extraordinaires et spéciales, il fallait y avoir égard, et que je serais le
premier à y avoir égard. Voilà ce que j’avais dit, et on aurait bien fait de ne
pas dénaturer mes paroles pour me combattre.
M. Savart-Martel. - Une seule chose m’a touché dans la réplique de l’honorable
préopinant. C’est l’inconvénient de doter des ministres sortants possédant une
grande fortune. Si quelques membres veulent m’appuyer, je suis prêt à rédiger
un sous-amendement dans le sens du vœu que j’avais émis lors de la discussion
générale, c’est-à-dire, qu’on n’accorderait point de pensions aux ministres,
magistrats, fonctionnaires et employés possédant une fortune indépendante. En
effet, nous devons être économes, avares même des deniers du contribuable...
Mais je vois que personne ne m’appuie, et que je ne serai pas plus heureux en
ce moment que dans la discussion générale ; que je ne serai pas plus heureux en
ce moment que ne l’a été l’honorable abbé de Haerne dans son amendement qui
cadrait avec les pensées que j’avais émises à cet égard. Je le répète, un jour
peut-être on y reviendra.
M. Dumortier. - Messieurs, j’ai demandé la parole quand j’ai entendu l’honorable
député d’Alost qualifier, à diverses reprises, la proposition des 24 députés de
scandale !
M. de Naeyer. - J’ai dit que les conséquences présenteraient des scandales.
M. le président. -
C’est, en effet, aux conséquences que la qualification de scandale
s’appliquait. J’aurais rappelé l’orateur
à l’ordre s’il avait taxé la proposition de scandale.
M. Dumortier. -
Cela se ressemble singulièrement. Ainsi je n’avais pas tort de dire qu’on avait
qualifié notre proposition de scandale.
M. de Naeyer. - Je n’ai pas dit cela.
M. Dumortier. -
Ne m’interrompez pas. Je ne souffrirai pas que vous m’interrompiez.
M. de Naeyer. - Je ne souffrirai pas que vous dénaturiez mes paroles.
M. Dumortier. -
Vous vous êtes attaché à démontrer que dans toutes les hypothèses notre
proposition amenait le scandale, n’est-ce pas comme si vous attribuiez le
scandale à la proposition elle-même ? Cela se ressemble beaucoup. C’est en
entendant ces expressions que j’ai demandé la parole pour répondre aux
observations de l’honorable préopinant. Il me semble que quand 24 députés
signent une proposition, elle devrait être reçue avec plus de bienveillance,
avec plus d’égard. Si nous sommes dans l’erreur, démontrez-le, mais ne nous
combattez pas avec malveillance, ne nous présentez pas comme des agents de
trouble et de désordre.
M. de Naeyer. - Vous voulez donc faire de ce débat une discussion personnelle !
M. Dumortier. -
Vous ne devez pas présenter notre proposition comme un scandale. Nous ne
pouvons pas le souffrir, nous ne le souffrirons pas.
M. de Naeyer. - Je ne souffrirai pas que vous m’imputiez un manque envers mes
collègues dont je ne suis pas coupable.
M. Dumortier. -
Voyons où est le scandale. D’après l’honorable préopinant, un ministre qui
n’aura pas travaillé viendra recevoir une pension ; ce sera un scandale public.
Si un ministre pareil pouvait se rencontrer en Belgique, il ne resterait pas
deux jours en fonctions.
La
chambre et le pays ne souffriraient pas un ministre qui ne s’adonnerait pas aux
devoirs que ses fonctions lui imposent.
On dit
qu’un médecin, un avocat, un industriel, reprendront leur profession et
jouiront en même temps de la pension. Scandale ! Mais un médecin, un avocat, un
industriel qui acceptera les fonctions ministérielles, n’aura-t-il pas plus
sacrifié que celui qui entre au ministère pour finir sa carrière ? Voilà la
différence entre le système de la section centrale et celui de notre
proposition. La section centrale considère les fonctions ministérielles comme
le dernier échelon de la carrière administrative ; nous, nous accordons une
indemnité pour les fonctions antérieurement occupées. Voila la différence,
vainement, dit-on, un médecin distingué, un avocat, un industriel, qui aurait
été ministre pourrait reprendre sa profession. Le médecin qui sera entré au
ministère aura-t-il continué sa clientèle ? Un avocat ministre quittera-t-il le
portefeuille pour revêtir la toge ? Si le médecin ou l’avocat est obligé de
quitter sa clientèle pour entrer au ministère, ne fait-il pas un sacrifice plus
grand que le fonctionnaire qui est parti du plus bas étage, car celui-ci aura
amélioré sa position, tandis que celui-là aura sacrifié la sienne : Vous
accorderiez la pension à celui qui aurait amélioré sa position, et vous la
refuseriez à celui qui aurait sacrifié la sienne pour la chose publique. Voilà
l’iniquité, voilà le scandale public. Ce serait un encouragement pour tous les
fonctionnaires à escalader le banc ministériel, et une exclusion de toutes les
personnes qui devraient sacrifier le soin de leurs affaires pour accepter un portefeuille.
Vous
dites qu’il faut du dévouement. Beau dévouement ! que d’appeler des personnes
ayant une position à la sacrifier, sans rien leur offrir. C’est une prime
offerte aux vieux fonctionnaires. C’est le grand vice de la proposition de la
section centrale.
On
vient de parler du cumul et de la position des fortunes. Cela rentre dans la
disposition du somptuaire déjà écartée par la chambre. Si l’application en
était possible, je l’admettrais. En Angleterre, cela existe, mais un chef de
département qui se retire a une pension de 80 mille francs. Nous ne proposons
d’accorder qu’une pension de 4 mille francs. Si on proposait d’accorder à nos
ministres une pension de 80 mille francs, il ne se trouverait personne qui
voulût attacher son nom à une pareille proposition.
Notre
proposition se borne à assimiler un ministre, qui est resté en fonctions deux
ans, à un contrôleur des contributions. Parler de somptuaire à propos d’une
pareille proposition est un véritable scandale. S’il y a scandale c’est dans
les observations qu’on nous fait.
M. de Naeyer. - Je n’accepte pas le reproche de scandale que vous m’adressez, je le
repousse de toutes mes forces. J’en suis aussi incapable que vous, monsieur.
M. Dumortier. -
Je veux bien, dit l’honorable membre voter des lois de récompense nationale,
présentez-les, je les voterai. Eh bien, je le demande, est il un système qui
soit de nature à amener plus de scandales que celui-là ? On viendrait
éplucher la conduite d’un ministre, pour voir s’il faut lui accorder ou lui
refuser une pension.
Est-ce
la majorité qui aura renversé un ministère qui lui votera une loi de
reconnaissance ? Puisqu’elle l’aura renversé, c’est que ce ministère ne lui
aura pas plu. C’est là une proposition inexécutable.
Plusieurs voix. - Si ! si !
M. Dumortier. -
C’est se mettre à côté de la réalité, c’est vouloir voir les choses autrement
qu’elles ne sont. Cette majorité, en votant une loi de reconnaissance au
ministère qu’elle aurait renversé, déclarerait qu’en le renversant elle a
forfait à l’honneur ; ce serait une amende honorable. Jamais les représentants
du pays ne se placeraient dans une pareille position. Si une chambre adoptait
un système comme celui proposé par l’honorable député d’Alost, la discussion
qui surgirait serait toute personnelle, on discuterait les actes du ministre,
et cette discussion serait un scandale. Quand un ministère ne vous convient
pas, renversez-le, mais après l’avoir renversé ne le traînez pas dans la fange,
sous prétexte de lui accorder un morceau de pain.
Notre
proposition n’a pas les limites étroites qu’on voudrait lui assigner ; c’est
une question de convenance, de probité politique. Un homme qui a géré l’Etat,
qui a sacrifié sa position particulière pour entrer dans un cabinet, ne pourra
pas avoir son avenir assuré, quand vous venez d’accorder des pensions à tous
les fonctionnaires, quels qu’ils soient ! Je ne puis admettre un pareil
système, c’est un déni de justice.
Je
ne suis pas prodigue des deniers de l’Etat, personne plus que moi ne désire les
économies, j’ai fait mes preuves à cet égard ; mais aussi à aucune époque, je
n’ai cessé de déclarer que les premières fonctions de l’Etat ne devaient pas
plus être privées du bénéfice de la pension que les dernières.
On a
parlé de l’Angleterre et de
Si
on venait vous proposer d’accorder une pension, quelque minime qu’elle fût à un
homme qui n’aurait siégé qu’un jour au banc ministériel, je concevrais qu’on la
repoussât avec énergie ; mais celui qui a été deux ans aux affaires a rendu
autant de services au pays qu’un chef de bureau, qu’un scribe de ministère qui
a travaillé pendant 15 ans. En France, on a supprimé la pension des ministres à
cause de leur élévation et du peu de temps qu’il suffisait d’avoir été ministre
pour l’obtenir, car on a vu des ministres qui avaient siégé cinq jours avoir
une pension.
On a
bien fait de supprimer cette loi, mais on n’a pas tardé à reconnaître qu’il
fallait y revenir en partie, et une proposition de loi a été faite à la
chambre, ayant pour but d’accorder aux anciens ministres une pension de 12
mille francs. En Belgique, comme l’a dit l’honorable M. Dolez, le gouvernement
n’a pas de places à donner à ceux qui sortent des affaires, il est limité, il
n’a pas de nominations à la cour de cassation, il n’a pas non plus 80
départements comme en France. Vous voulez qu’un homme qui a abandonné sa
carrière, pour gérer les affaires de l’Etat, se relire comme Cincinnatus. Je
voudrais que beaucoup me ressemblassent, qu’on supprimât toutes les pensions,
alors nous aurions beaucoup de Cincinnatus.
Mais
ce n’est pas quand vous avez accordé des pensions avec largesse à tous les
fonctionnaires publics, que vous pourriez vous dispenser d’en accorder à ceux
qui occupent le plus haut degré de l’échelle sociale.
On a
parlé des économies que les ministres pouvaient faire : je viens d’entendre
dire par diverses personnes qui ont siégé au banc des ministres, que les
ministres devaient payer les contributions de leurs hôtels ; ils ont à payer de
ce chef sept ou huit cents francs. S’ils pouvaient aller dîner au restaurant,
peut-être pourraient-ils faire quelques économies ; mais ils ne peuvent en
faire, alors qu’ils doivent tenir un rang respectable, qu’ils doivent
représenter dignement l’Etat dont ils sont les agents. Je parlais de cela à un
ancien ministre qui m’a déclaré que, pendant son ministère, il avait dépensé,
chaque année, 8 ou 10 mille francs au-delà de son traitement. C’est en présence
de tels faits que vous voudriez refuser aux ministres une modique pension.
On
dit : Si vous trouvez les traitements des ministres insuffisants,
augmentez-les. Je ne suis pas de cet avis, je préfère assurer leur avenir ;
nous avons ainsi plus de garantie de moralité politique.
L’honorable
préopinant accueille le projet de la section centrale. Ce projet diffère du
nôtre principalement en ceci, que la section centrale regarde le ministre comme
le dernier échelon des fonctions publiques ; c’est donc un appel aux
fonctionnaires publics d’envahir cette chambre, afin de se procurer de grosses
pensions.
Voyez
ce qu’ont produit eu Belgique le dévouement et le désintéressement. On a parle
de clientèle ; on a dit qu’un avocat entré au ministère, pouvait, en en
sortant, reprendre son cabinet. Eh bien, nous avons eu un exemple sous les
yeux. L’honorable M. Gendebien a sacrifié sa position au pays ; quand il s’est
retiré des chambres, il n’a pu retrouver un seul client ; il a dû recommencer
sa clientèle. Voila ce qui attend les ministres ; vous voyez donc qu’il est
nécessaire d’assurer leur avenir.
Une autre observation : vous savez qu’il est dans la constitution une
disposition que nous avons eu plusieurs fois l’occasion de regretter et d’après
laquelle un membre de l’ordre judiciaire ne peut accepter de fonctions
publiques, s’il touche un autre traitement que celui de magistrat. Par suite de
cette disposition, il nous est souvent arrivé de ne pas voir des magistrats
siéger dans le cabinet. Il leur eût fallu sacrifier l’avenir de leur famille,
en donnant leur démission, ou se contenter de leur modique traitement de
magistrat qui ne leur eût pas permis de tenir, comme ministre, un rang
convenable. Ceci n’est pas une éventualité, un membre du cabinet, qui était
conseiller à une cour d’appel, a été obligé de donner sa démission afin de
pouvoir suffire aux charges de sa nouvelle position.
Au
moyen de la disposition proposée, nous porterons remède à cet article de la
constitution, que nous devons considérer comme fâcheux. Un membre de l’ordre
judiciaire pourra accepter un portefeuille, car, s’il joint à ses années de
fonctions ministérielles un certain nombre d’années de service dans la
magistrature, il aura droit à une pension, il n’aura pas sacrifié à l’Etat
l’avenir de sa famille.
Je
le répète, notre proposition est toute de moralité, elle n’offre pas une prime
aux fonctionnaires, elle met sur le même rang tous ceux qui sont appelés au
fonctions ministérielles ; sous ce rapport elle est plus juste, plus équitable
et plus économique que la proposition de la section centrale.
M.
Rodenbach. - Je répondrai quelques mots
à l’honorable préopinant : d’abord, il a dit qu’en Angleterre les anciens
ministres jouissent d’une pension ; or, il n’y a que ceux qui n’ont pas de
fortune qui jouissent de cette faveur, et leur nombre est limité à 4. Les
ministres qui ont de la fortune n’ont pas de pension.
Fox, quoiqu’il n’eût pas de fortune, n’avait pas de pension ; il y a eu
en sa faveur une souscription, et il n’a pas cru se déshonorer en l’acceptant.
Cet
exemple prouve que l’honorable M. Dumortier était dans l’erreur, lorsqu’il a
dit qu’en Angleterre tous les anciens ministres jouissent d’une pension.
En
France, les anciens ministres n’ont pas de pension. Il est vrai qu’il a été
présenté un projet de loi qui tend à leur en accorder une avec le titre de
ministre d’Etat ; mais ce projet, nous l’avons vu dans les journaux français,
rencontrer une forte opposition. Je crois, du reste, qu’il y aura une caisse,
et que, pour avoir droit à une pension, les ministres devront subir une
retenue.
Je
n’ai demandé la parole pendant le discours de l’honorable député d’Alost, dont,
soit dit en passant, je ne partage pas toutes les opinions, que parce que j’ai
entendu alors des rires sur quelques bancs. Lorsque cet honorable membre a
parlé de la misère des Flandres, lorsqu’il a dit que 6,000 francs pourraient
empêcher la misère dans un canton, j’ai été peiné d’entendre des rires sur
quelques bancs. Je suppose à mes honorables collègues trop d’élévation de
sentiments pour les croire capables de rire de la misère des Flandres. Ce que
disait l’honorable député d’Alost n’était d’ailleurs que l’exacte vérité, Je le
répète, j’ai été affligé de ces rires. J’aime à croire que ce n’est pas la
misère des Flandres, qui les a provoqués.
Plusieurs membres. - Evidemment non !
M. Malou, rapporteur. -
Si je suivais maintenant l’honorable M. Dumortier sur le terrain où il s’est
placé, je renouvellerais la discussion générale tout entière. Je me bornerai
donc d’abord à comparer entre elles les deux propositions ; car cette
comparaison n’a pas été faite, et elle est nécessaire pour faire voir en quoi
il y a de l’analogie entre la proposition des 24 signataires et celle de la
section centrale, à quelle époque se rapporte la divergence entre les deux
propositions, et en quoi elle consiste.
La
proposition de 24 de nos collègues, règle à la fois et de la même manière le
passé, depuis 1830, et l’avenir. La section centrale distingue entre le passe
et l’avenir. Quant au passé, nous sommes entièrement d’accord, la règle est
absolument la même ; seulement nous renvoyons aux dispositions générales de la
loi générale des pensions. Telle était l’intention primitive des honorables
auteurs de la proposition (on l’a déclaré au début de la discussion), s’il
s’agissait de faire une loi spéciale. Le passé ne doit donc plus nous diviser.
Mais
il faut s’entendre sur le sens que nous attachons à la disposition. Sous ce
rapport, il y a beaucoup à faire. Ainsi hier, aujourd’hui encore, on a dit
qu’il s’agissait exclusivement de trois personnes. Si la proposition pouvait
être entendue en ce sens pour le passé, je ne pourrais l’approuver ; elle
serait contraire à toute justice. Votre proposition aurait pour base, non pas
un principe, mais simplement un accident ; cet accident pourrait disparaitre
demain, alors que votre proposition subsisterait.
Telle
personne qui se trouve dans les conditions générales du projet peut avoir des
fonctions publiques, et ne plus les avoir dans quelques mois. Dès lors, pour
être juste, pour atteindre le but que nous nous proposons, il faut entendre la disposition
comme je viens de l’expliquer ; c’est-à-dire, que les personnes qui remplissent
les conditions de la loi spéciale, peuvent, conformément à la loi générale,
pendant trois ans, à partir du jour de la cessation de leur traitement
d’activité, réclamer la pension accordée à titre de leur carrière
ministérielle. S’il en était autrement, il y aurait une distinction
parfaitement injustifiable.
Le
dissentiment naît quant à l’avenir. Les honorables membres veulent que
désormais tout chef de département qui aura deux ans de fonctions
ministérielles ait droit à une pension de 4,000 fr., sauf augmentation
éventuelle. Nous, au contraire, nous voulons que celui qui a été ministre
depuis 1830, quelle que soit la durée de ses fonctions, puisse compter ce temps
triple ; et le temps, qu’il me soit permis de le faire remarquer, cet la base
de la liquidation des pensions.
Nous
voulons en outre (avantage, je tiens à le démontrer, très considérable) que les
anciens ministres, quand ils ont 30 ans de service, aient, à la différence des
autres fonctionnaires, quel que soit leur âge, le droit parfait de réclamer
immédiatement leur pension.
Voilà
le projet tel qu’il est. Il y a dans cette proposition une faveur très grande
attachée aux fonctions ministérielles.
Pour
le démontrer, je citerai, sans nommer personne, un exemple que vous pourrez
contrôler.
Un
homme entre à 25 ans dans les fonctions administratives ; il reste 7 ans ; il
passe quelques années au ministère ; arrivé à 39 ans, il peut avoir ses 30
années de service. S’il a atteint ses 30 années de service, étant au ministère,
il atteindra nécessairement le maximum de 6,000 fr. de pension. S’il est dans
des fonctions supérieures, il l’atteindra encore. Il faudrait, messieurs, et
c’est un cas presque impossible, qu’il fût descendu très bas dans la hiérarchie
administrative pour n’avoir pas ce maximum après 30 années de service.
N’est-ce
donc rien accorder à l’avenir, que de permettre de pareils faits, que de
permettre que l’homme encore dans la force de l’âge et du talent, puisse jouir
d’une pension de 6,000 fr. ? N’est-ce pas là un avantage attaché aux fonctions
ministérielles ? Et on vient invoquer la position des postillons ou des
fonctionnaires les plus subalternes, pour dire que nous ne faisons rien en
faveur des ministres. Tout, au contraire, d’après le projet, celui qui aura
fourni une carrière politique aura droit à une forte pension, lorsqu’il sera
arrivé à peine à la moitié de sa carrière mortelle. C’est là un avantage qu’il
ne faut pas méconnaître.
J’ai
supposé, messieurs, un homme qui fournissait sa carrière politique très vite,
qui, a l’âge de 40, de 42 ou de 45 ans, peut-être, atteigne ses 30 années de
service. Je suppose le contraire ; je suppose un homme qui, ayant longtemps
servi le pays dans d’autres fonctions, arrive au ministère, Il y reste peu de
temps ; il clôt par là sa carrière, Evidemment, messieurs, celui qui a consacré
29 années, par exemple, au service du pays, qui trouve ensuite ce bâton de
maréchal très rare, (car on peut appeler ainsi le ministère), obtiendra tout ce
qui lui est dû, lorsque vous lui compterez pour triple le temps passé à la tête
d’un département, et lorsque vous laisserez réagir le traitement de ministre
sur la moyenne qui servira à liquider sa pension.
Il
n’y a nulle injustice, il y a, au contraire, nécessité de distinguer, quant à
la pension, celui qui a longtemps servi le pays, qui devient ministre, qui fait
liquider immédiatement sa pension, de celui qui ne fait que passer une couple
d’années au banc ministériel. Car enfin pourquoi la rémunération spéciale que
vous voulez accorder absorberait-elle l’autre ? Pourquoi aurait-on perdu tout
le fruit d’anciens services, parce qu’on aurait fini par devenir ministre ?
M. Dumortier. -
C’est tout le contraire dans notre proposition.
M. Malou, rapporteur. -
Vous me dites que c’est le contraire dans votre proposition. Je dis que non,
que ce n’est pas le contraire ; car vous n’admettez aucune différence entre
celui qui, ayant un très petit nombre d’années de service, passe deux ou trois
années au ministère, et celui qui a servi très longtemps le pays et qui ne
reste que peu de temps au ministère.
Ainsi
donc, avantage de compter triples les années ministérielles ; avantage de
dispenser de la condition de l’âge ; et cet avantage lui-même, veuillez le
remarquer, est proportionné à la durée des fonctions ministérielles. Ainsi
celui qui n’aurait jamais été fonctionnaire, qui, dans le cours de sa carrière,
serait dix années ministre, aurait, à raison de ces dix années, la pension de 6
mille francs ; il aurait ses 30 années de service. Il devient ministre à 35 ans
; à 45 ans, il pourrait avoir la pension de 6,000 francs.
Je
sais bien qu’on me répondra que la vie ministérielle moyenne n’est pas de dix
années. Je n’en disconviens pas ; mais là n’est pas la question. La question
est de savoir si l’on accorde aux fonctions ministérielles un avantage
suffisant lorsqu’on permet à celui qui les a occupées de compter triple le
temps qu’il a passé au ministère, et d’obtenir la pension d’autant plus vite
qu’il aura été plus longtemps ministre dans le cours de sa carrière.
Les
deux systèmes ainsi mis en présence, il reste, messieurs, a voir si nous ôtons,
par notre système, quelque chose à la dignité, à la moralité politique.
Je
sais toute l’influence que doit avoir dans la chambre la question de dignité et
de moralité politique ; aussi dois-je revenir sur ce point pour prouver quelle
est la moralité du système qu’on nous propose pour l’avenir.
Ce
système, j’ai déjà déclaré pourquoi je l’admettais pour le passé. C’est une
lettre sans adresse écrite, mais nous savons où elle doit aller. Pour l’avenir,
c’est autre chose ; c’est un mauvais principe que vous mettez dans la loi.
Et
d’abord, quelle est la base même du système ? C’est le temps. Eh bien ! le
temps est la base la plus irrationnelle, la plus fausse pour un système de
rémunération comme celui-ci. Ainsi que je l’ai déjà fait remarquer à la séance
d’hier, les temps peuvent être joints l’un à l’autre.
Qu’exigeait-on,
au contraire, dans les premiers projets qui vous ont été soumis ? On exigeait
ou des années complètes ou des budgets obtenus ; et là il y avait une carrière
ministérielle fournie, il y avait une adhésion durable de la part de la
législature. Je conçois un pareil système de rémunération. Mais ce que je ne
conçois pas, c’est qu’on puisse faire deux années en quatre fois quelques mois
et qu’alors il y ait un droit acquis à la rémunération nationale.
Votre
base est fausse sous un autre rapport. Vous supposez les services
proportionnels au temps, et vous accordez, à raison de deux années de
fonctions, une rémunération nationale. Mais faut-il donc, remonter si loin dans
notre histoire pour voir qu’un ministère très court peut être très glorieux,
peut rendre d’immenses services au pays ? Il suffit souvent d’une grande
question résolue pour qu’un ministère ail des titres très légitimes à une
rémunération nationale.
Or,
si vous perdez de vue cette idée de rémunération, je demande ce que devient
votre système ; si vous ne prenez pas en considération ces grands services
rendus au pays, je ne sais ce que veut dire cette idée de temps qui consiste à
faire considérer les services ministériels comme rendus jour pour jour, ainsi
que les services que rendent les ouvriers que vous employez dans vos campagnes.
J’entends
dire, si je comprends bien, que le système du projet de la section centrale
admet le même principe. Il n’en est rien. Dans le système de la section
centrale, on accorde une faveur à celui qui, dans le cours de sa carrière, a
fourni au moins trois années de ministère, et alors on proportionne
l’accélération de la rémunération, si je puis parler ainsi, à la durée des
services rendus ; mais on n’attache pas nécessairement la rémunération
nationale à deux années passées au banc ministériel, Voilà l’énorme différence
entre les deux systèmes.
La
base que l’on propose est également fausse, au point de vue de l’objection de
moralité et de dignité.
Et
d’abord, messieurs, s’il s’agit pour le ministre sortant d’avoir une pension
dans l’intérêt de cette dignité, je demande comment vous pouvez exiger deux
années de fonctions ministérielles. Quoi ! un ministre tombe après huit ou dix
mois ; sa conscience, sa dignité, sa moralité vous sont moins chers que
lorsqu’il s’agit d’un ministre qui tombe après deux ans ? Où est donc la base
de cette distinction ? Si vous voulez assurer ce qu’on a appelé quelquefois
l’inviolabilité de la conscience, l’indépendance, il n’y a qu’un seul système
rationnel ; c’est le système français, c’est-à-dire la rémunération attachée à
la qualité de ministre, l’homme n’en eût-il été revêtu que pendant vingt-quatre
heures. C’est là que conduit la logique, c’est là que conduit votre argument de
dignité.
La
dignité ! messieurs, mais jamais on n’a fait de proposition plus hostile à la
dignité politique que celle-ci. Comment donc ? Mais vous la supprimez. Il y
aura de la dignité ; mais à quel prix ? De la dignité à condition d’avoir au
moins quatre mille livres de rente viagère !
S’il
fallait cela pour que nos hommes politiques eussent de la dignité, ce serait à
désespérer du pays. La dignité politique, comme la dignité privée, est
précisément dans ce combat de l’intérêt et du devoir, glorieusement soutenu
dans toutes les positions de la vie. La dignité est précisément dans le
sacrifice de l’intérêt, et si vous supprimez cet élément de la dignité, vous la
supprimez elle-même. Etrange dignité ! en effet, que celle qui doit pouvoir se
retirer dans une rente viagère de 4,000 francs ! Mais, je le reconnais, vous ne
supprimez pas la dignité tout entière ; vous ne la supprimez que pour ceux qui
ont été ministres au moins deux années.
Il
est encore un argument, messieurs, qui reste au fond de beaucoup d’esprits,
quoiqu’il n’ait pas été reproduit dans la discussion actuelle. Des hommes qui
avaient participé à la formation de quelques-uns des ministères sous lesquels
nous avons vécu depuis 1830, ont dit que souvent ils avaient rencontré des
grandes résistances chez des hommes qu’ils désiraient s’associer. On a dit qu’il
fallait faciliter la formation des cabinets, qu’il fallait faciliter l’entrée
aux affaires des hommes qui étaient engagés dans d’autres intérêts.
Quoique
l’argument n’ait pas été reproduit, je tiens à y répondre, autant qu’il est en mon
pouvoir, et j’y répondrai en bien peu de mots.
L’homme
qui entre au ministère est-il sûr d’y rester deux années ?
Non,
les faits sont là pour le prouver, et dès lors, la perspective d’une pension
est complètement inutile comme moyen de formation des cabinets. L’avocat
distingué, le commerçant, le magistrat ne renonceront pas à leur position, pour
une perspective aussi mince, aussi incertaine dans ses résultats. Car, je dois
le répéter, il n’est personne qui, venant s’asseoir là, puisse dire : J’y resterai
deux ans.
La
proposition n’est pas seulement inutile comme excitation à occuper le pouvoir,
si tant est qu’une excitation soit nécessaire, mais elle est très dangereuse
comme excitation à le conserver ; et ici encore je reprends la question de
dignité.
Quelle
est la dignité de l’homme politique parvenu au ministère ? La dignité c’est la
liberté, c’est la spontanéité de ses actions, c’est la facilité avec laquelle
il doit pouvoir remplir ses devoirs, avec laquelle il doit pouvoir se dégager
de sa position pour les remplir.
Remontons quelque peu par nos souvenirs dans l’histoire des
gouvernements constitutionnels ; voyons chez nous-mêmes, quelque jeunes que
nous soyons, quelle a été la cause la plus généralement sentie du manque de
dignité. Le plus souvent ç’a été, je n’hésite pas à le dire, la difficulté
d’abandonner le pouvoir ; c’est le désir de le conserver lorsque l’intérêt du
pays ne l’exige pas ; c’est ce désir qui doit le plus contribuer dans les
circonstances données, l’homme étant ce qu’il est, à amoindrir la dignité des
hommes politiques qui sont au pouvoir.
Je
reviens donc encore sur cette considération que je présentais hier.
Figurez-vous un homme placé de cette manière entre son intérêt et son devoir ;
la perspective de quelques mois de ministère de plus, qui lui assurent une
forte pension ; figurez vous les combats que cet homme aura à soutenir ;
figurez-vous le sacrifice d’amour-propre qu’il faut savoir faire pour descendre
de ces bancs, et se joignant à cela cet intérêt auquel certaines positions de
fortune peuvent donner une très grande, une irrésistible puissance. Que
m’a-t-on répondu ? Cela est très rare. Mais an contraire, cela peut se réaliser
tous les jours. L’intérêt du pays exige, par exemple, qu’une session, arrivée
au milieu de son cours, continue, parce que d’importants travaux restent à
faire ; mais le ministère sent que le terrain lui manque, et, pour rester six
ou huit mois de plus aux affaires, il prononce la clôture de la session, et il
assure ainsi à ses membres des droits à la pension. On renversera, on blâmera
ce ministère, dira-t-on sans doute ; mais lorsque les chambres reviendront, le
ministère n’y sera plus.
Ainsi,
messieurs, pour le passé la section centrale est d’accord avec les honorables
auteurs de la proposition ; pour l’avenir, elle ne l’est pas ; elle est loin
cependant de refuser toute espèce d’avantage à ceux qui exerceront les
fonctions ministérielles, son projet leur accorde au contraire des avantages
dont j’espère avoir fait sentir toute l’importance. Si je ne veux pas aller
plus loin, c’est que je suis convaincu que l’intérêt du pays s’oppose à ce
qu’on dépasse ces limites.
M. Desmet. - Vous avouerez tous, messieurs, que nous sommes à une époque très
malencontreuse pour discuter une loi de pensions, et surtout une loi de
pensions aussi large que celle qui nous est soumise. Ce n’est pas lorsque le
travail manque partout, lorsque le commerce et l’industrie sont en souffrance,
que l’on devrait s’occuper de discuter des lois semblables.
L’honorable
M. de Naeyer a prononcé le mot de scandale
; certainement il n’a pas voulu appliquer cette expression à la proposition
faite par 24 de nos honorables collègues, mais il a vu qu’il s’agit de
sanctionner par une loi presque tous les abus qui existaient sous l’ancien
gouvernement ; je conçois qu’en présence d’un semblable état de choses, on
prononce le mot scandale. Il est
vraiment affligeant de penser que tant de pauvres contribuables devront
supporter des charges nouvelles pour payer des pensions que nous votons avec
tant de largesses. Un pareil système, messieurs, n’a jamais été connu dans
notre pays ; ce n’est que sous le régime précédent qu’il a été introduit.
On
vous a parlé de l’Angleterre ; mais messieurs, en Angleterre aucune pension
n’est accordée à un ministre, sans qu’il ne l’ait demandée et sans que le
parlement ait fait droit à sa demande par un bill spécial. C’est là le système
que l’honorable M. de Naeyer voudrait voir adopter.
En
France, on a proposé une loi d’après laquelle les anciens ministres recevraient
une pension de 12,000 francs ; mais faites bien attention, messieurs, qu’en
France ce n’est pas le trésor qui paie les pensions. En France, les pensions se
paient sur une caisse dont les principales ressources sont fournies par les
retenues que l’on fait sur les traitements des fonctionnaires.
Je
dis, messieurs, que la loi qui vous est soumise est contraire à l’esprit de la
constitution, Il a été entendu dans les discussions du congrès que les pensions
ne seraient conférées que par une loi, c’est le système qui est suivi en
Angleterre.
Il
n’y a, messieurs, qu’une seule proposition que j’aurais pu voter, c’est celle
qui avait été faite par l’honorable M. de Garcia. Cette proposition n’a pas été
adoptée, et dès lors je voterai contre les deux projets qui nous sont soumis en
ce moment.
M. de Haerne. - Je dois, messieurs, répondre à quelques expressions de l’honorable
M. Dumortier ; cet honorable membre nous a dit que la majorité de la chambre
serait incapable de rémunérer les membres d’un ministère qu’elle aurait
renversé. Je ne puis admettre une semblable supposition, je crois que dans
certains cas, l’assemblée qui aurait émis un vote dont la conséquence aurait
été la chute de ce cabinet, que cette assemblée serait animée d’assez de
générosité pour donner un témoignage de sympathie aux hommes dont elle aurait
repoussé les principes. Mais je suppose que la chose ne pût se faire, et ce
serait peut-être là le cas le plus général, alors la pension pourrait
s’accorder quelques années plus tard, lorsque plusieurs autres ministères se
seraient succédé au pouvoir. Je ne veux pas d’autre exemple à cet égard que ce
qui se passe aujourd’hui dans cette enceinte. Il est un point sur lequel nous
sommes tous d’accord, c’est la nécessité d’une rémunération pour les ministres
qui ont successivement dirigé les affaires du pays jusqu’à ce jour. Je me
rappelle, messieurs, ce qui s’est passé dans cette chambre avant que j’eusse
l’honneur de siéger parmi vous ; je me rappelle un événement qui a produit une
grande sensation dans le pays et qui, je dois l’avouer, a eu des conséquences
funestes ; eh bien, messieurs, n’avez-vous pas entendu l’honorable M. Dumortier
lui-même dire à cet égard qu’une faute avait été commise ? C’est ainsi,
messieurs, que s’oublient les dissentiments passés, c’est ainsi que l’on répare
les fautes passées, c’est ainsi qu’on voit les divers partis se donner la main
pour rémunérer des services incontestables, malgré les fautes que l’on pourrait
avoir à imputer à ceux qui ont rendu ces services. Je pars aussi de ce
principe, messieurs, et je me félicite d’avoir cette occasion de le proclamer.
C’est même là la principale raison qui me détermine à accepter le projet pour
le passé, tout en le repoussant pour l’avenir. Je l’accepte pour le passé,
parce que je connais les hommes auxquels il s’applique dans le passé, parce que
je vois parmi ces hommes différentes nuances, différentes opinions et que je
veux, par mon vote, consacrer l’union, cette union qui a été proclamée avant
1830, cette union sur laquelle est fondé notre édifice social, notre édifice
constitutionnel, cette union qui est la plus grande sauvegarde de notre
nationalité dans l’avenir.
Je ne puis pas admettre le
projet, en ce qui concerne les ministres qui occuperont le pouvoir après la
promulgation de la loi ; je partage à cet égard la manière de voir de la
section centrale et j’adopterai sa proposition.
- La
clôture est demandée.
M. Savart-Martel. - Je demande à déposer un
amendement.
M.
Dolez. - Je ferai remarquer à la chambre
que les trois derniers orateurs qui viennent d’être entendus ont combattu notre
proposition. Il me paraît équitable d’accorder la parole à un membre pour défendre
cette proposition. C’est sous ce point de vue que je m’oppose à la clôture. (Parlez, parlez.)
M. de Mérode. -
J’aurais voulu faire une proposition qui peut-être concilierait les différentes
opinions. La section centrale pourvoit suffisamment au passé, mais pour
l’avenir on pourrait peut-être assurer la position des ministres, surtout en
leur accordant pendant 3 ans, par exemple, le cinquième de leur traitement
comme rémunération des services qu’ils ont rendus.
M.
Dolez. - J’éprouve d’abord le besoin de
déclarer à l’honorable député d’Alost qu’il s’est étrangement mépris sur ma
pensée, s’il a cru que je voulais lui adresser une leçon. Les paroles dans
lesquelles il a cru la trouver n’avaient d’autre but que de faire connaître à
la chambre que j’envisageais la proposition qui l’occupe depuis hier comme
n’étant point de nature à soulever dans son sein un débat passionné, mais comme
méritant d’être traitée avec calme et modération.
Je
demande à la chambre la permission de revenir en quelques mots sur l’objection
qui a été faite au principe fondamental de notre proposition. J’avais l’honneur
de dire hier qu’elle avait pour base une pensée d’équité et de justice.
Pour
la combattre, que vous a-t-on dit dans cette séance ? Ou vous a dit : « Mais
pourquoi donc le pays a-t-il besoin de cette justice extraordinaire,
exceptionnelle envers les ministres ? Ne dirait-on pas qu’on est ministre,
comme on devient soldat, malgré soi. Celui qui devient ministre, a voulu le
devenir, et dès lors il n’a pas droit à une justice spéciale et privilégiée de
la part du pays. »
Est-il
bien vrai que, pour un homme politique, il soit toujours possible d’être de
n’être pas ministre à son gré ? N’est-il pas à la suite de nos luttes
parlementaires, de ces positions dont les exigences sont parfois telles que,
malgré lui, un homme politique doit accepter les travaux pénibles du ministère
?
Quant
à moi, je suis tenté de croire, messieurs, qu’il peut se trouver souvent dans
la carrière d’un homme politique des positions telles que, malgré lui, il
sacrifie son intérêt, ses désirs et son devoir politique, en allant s’asseoir
au banc ministériel.
S’il
en est ainsi, si l’homme public, engagé dans les luttes parlementaires, par le
seul intérêt du pays, doit quelquefois subir la position de ministre, n’est-il
pas juste que l’Etat lui assure au moins une position modeste, quand il a
résigné ses fonctions par des motifs semblables à ceux qui les lui ont fait
accepter ?
Nous
ne voulons pas, s’écrie-t-on, le cumul de la pension avec le produit de la
carrière lucrative dans laquelle l’ex-ministre rentrera.
Le
médecin distingué, l’avocat qui avait une clientèle nombreuse, pourront-ils,
pour me servir des hypothèses posées par les orateurs que je combats, en
sortant du ministère, retrouver, l’un ses malades, l’autre ses clients ? L’on a
déjà répondu à l’objection sous un aspect que je n’envisagerai plus ; mais ce
que je veux signaler à mon tour, c’est le danger grave qu’il pourrait y avoir à
ce que celui qui entre au ministère ne le fît qu’avec la pensée de reprendre, à
sa sortie, la profession qu’il exerçait d’abord.
Ne
serait-il pas à craindre qu’à côté des préoccupations si graves de la position
ministérielle, ne vînt se ranger celle de conserver la position qu’il occupait
? L’intérêt de l’Etat ne serait-il pas quelquefois sacrifié à cette
préoccupation ? Ne serait-on pas exposé à voir le scandale d’un homme public
travaillant à ses affaires personnelles sous le manteau des affaires de
l’Etat ?
Les ministres,
dit-on, ont presque toujours de la fortune personnelle.
Quoi,
messieurs, c’est dans cette chambre, c’est dans notre pays aux institutions
démocratiques qu’on vient préconiser une pensée aussi aristocratique que celle
que je rencontre en ce moment !
Il
faudrait avoir de la fortune pour aborder, sans crainte de son avenir, les
fonctions ministérielles. Moi, homme du tiers état, je n’accepte pas cette
pensée ; je crois, au contraire, que, pour rester fidèle aux principes de notre
organisation politique, nous devons désirer qu’un homme sans fortune, mais
honorant son pays par son talent, puisse marcher au banc ministériel, à l’égal
de l’homme qui doit sa richesse au hasard de la naissance.
Mais,
dit-on, des lois spéciales pourront pourvoir à des positions exceptionnelles ;
la chambre se montrera généreuse et grande envers des ministres qui auront
servi le pays et abandonneront le pouvoir sans fortune.
Messieurs,
je ne veux pas désespérer de la justice de la majorité de la chambre ; j’aime à
croire que souvent elle se montrerait juste ; cependant j’hésite à penser
qu’elle le serait toujours, et cela immédiatement après les luttes
parlementaires qui auraient renversé un ministre. Ces luttes excitent presque
toujours certaines passions politiques au sein des chambres, et ce n’est pas à
la suite de ces passions que nous verrions des idées de justice se produire.
Je
crois d’ailleurs qu’il y aurait un danger, et un danger grave pour l’homme
politique sortant du ministère, à être ainsi soumis au jugement de ceux qui
l’ont renversé. Il faut laisser au temps le soin de préparer le jugement
définitif du pays sur la conduite de ceux qui ont été chargés de la direction
de l’Etat.
Je
crois donc que des lois spéciales auraient les plus graves dangers ; je crois
que presque toujours ceux qu’on voudrait en rendre l’objet reculeraient devant
ces dangers.
Et,
pour nous-mêmes, n’y aurait-il pas d’inconvénient à voter de pareilles lois ?
Est-ce que parfois des antécédents parlementaires ne feraient pas obstacle à
l’émission de notre vote ? Est-ce que nous pourrions toujours émettre un vote
favorable, sans démentir les antécédents que nous aurions posés ?
Je
crois donc pouvoir persister dans la pensée que les objections qui ont été
faites contre le principe même de notre proposition, ne sont pas de nature à la
faire rejeter par la chambre ; je crois qu’un grand principe d’utilité
publique, un grand principe d’équité et de justice nationale doit au contraire
convier la chambre à l’accueillir.
J’ajouterai
maintenant quelques mots sur la comparaison des deux projets, à laquelle s’est
livré l’honorable rapporteur de la section centrale.
L’honorable
membre s’est demandé quelle était la portée de notre proposition à l’égard des
anciens ministres, qui, ayant rempli les conditions de temps exigées, se
trouveraient en fonctions au moment de la publication de la loi. Si votre
proposition a-t-il-dit, les repousse, elle est injuste ; si, au contraire, elle
les admet, elle a une portée plus grande que celle que vous lui assignez dans
votre discours d’hier.
Notre
proposition, messieurs, ne mérite ni l’un ni l’autre reproche exprimé dans le
dilemme que je rencontre.
Notre
proposition n’est pas injuste, parce qu’elle s’applique à tous les ministres
qui ont rempli les conditions requises. Mais encore bien que le droit à la
pension leur soit irrévocablement acquis, ils ne la toucheront pas en vertu du
principe que le traitement attaché à une fonction acquise, ne se cumule pas
avec la pension antérieurement obtenue, dans ce cas, pour me servir d’une expression
juridique, la pension dort, mais elle ne s’éteint pas.
Notre
proposition ne mérite pas, au point de vue financier, la réponse que lui
adresse l’honorable rapporteur dans la seconde partie de son dilemme. En effet,
la seule chose que nous ayons voulu constater, c’est qu’en fait le trésor
n’avait aujourd’hui à supporter la charge que de trois pensions ministérielles.
Il peut, sans doute, se produire d’autres circonstances, à la suite desquelles
les fonctionnaires actuels, qui avaient droit à la pension, quittent leurs
fonctions et viennent réclamer la liquidation de leur pension. Mais il ne faut
pas perdre de vue qu’il s’opérera presque toujours une compensation, car si un
ministre sortant viendra recevoir une pension qu’il n’avait pas jusque-là, par
contre il se trouvera souvent remplacé par un des anciens ministres pensionnés.
On
sait en effet que dans tous les pays constitutionnels, les fonctions
ministérielles, à chaque crise politique, s’échangent entre quelques hommes qui
ne varient, pour ainsi, dire jamais. Chaque époque, comme chaque opinion, a ses
candidats, et ces candidats ne sont pas excessivement nombreux. Il s’opère donc
un changement de position ; celui qui touchait la pension de ministre finira
par toucher le traitement de ministre, et celui qui touchait le traitement de
ministre deviendra lui-même titulaire de la pension. Voilà ce que l’expérience
du passé nous apprend, voilà ce qu’elle nous indique pour l’avenir.
L’honorable
M. Malou nous disait que, pour l’avenir, la proposition de la section centrale
est déjà un acte de grande générosité, et par les exemples qu’il a cités, il a
cru démontrer la vérité de son assertion. Eh bien, je m’empare de ces exemples,
pour vous prouver toute l’iniquité de la proposition de la section centrale.
Quelle
est la principale nature des fonctions ministérielles ? Ces fonctions sont,
avant tout, politiques. Ce n’est que secondairement que les fonctions
ministérielles doivent être considérées comme des fonctions administratives.
Quels sont donc les antécédents dont il faille surtout tenir compte en cette
matière ? sont-ce les antécédents administratifs ? Non, messieurs, ce sont les
antécédents politiques. Eh bien, permettez-moi de vous citer à mon tour deux
hypothèses.
Un
homme aura été juge de paix pendant 24 ans avec un traitement de 1100 fr. ; il
est ministre pendant trois ans...
M. Malou, rapporteur. -
C’est un bel avancement. Je suppose des choses possibles.
M.
Dolez. - L’honorable rapporteur me dit qu’il
ne faut supposer que des choses possibles ; mais il ignore sans doute que des
juges de paix ont siégé dans cette chambre, qu’il y en trouve encore
aujourd’hui, et qui auraient pu et qui pourraient avec honneur siéger au banc
ministériel. Voulez-vous un juge de première instance, un commissaire de
district ; eh bien, ces fonctionnaires auront rempli pendant 24 années des
fonctions modestes et purement administratives, et si ensuite ils occupent les
fonctions ministérielles pendant trois ans, la pension leur sera définitivement
acquise.
Au
contraire, un homme pourra pendant 24 ans, avoir servi son pays par ses travaux
parlementaires, il aura pris part à la discussion de tous les grands intérêts
de l’Etat, il l’aura fait avec dévouement, avec honneur il aura été l’un des
hommes politiques les plus utiles de son pays ; il deviendra ministre pendant
trois ans, et il n’aura pas la pension. Voilà l’iniquité que le projet de la
section centrale consacre. Est-il possible de soutenir que cette proposition
soit équitable ?
Mais,
disait encore l’honorable membre, vous parlez de rémunération et de justice
nationale, et vous vous arrêtez à une limite de temps, vous demandez deux
années de fonctions. Pourquoi les demandons-nous ? Parce qu’en réalité, il faut
bien s’arrêtera à quelque chose. Pourquoi pose-t-on la limite de 65 ans et non
64 ans et neuf pour le droit à la pension des fonctionnaires ordinaires ?
Parce qu’en toute chose la loi doit poser des bases invariables qui paraissent
rigoureuses dans tels ou tels cas extraordinaires, mais qu’il n’est pas moins
nécessaire de poser dans la loi. Au reste, pourquoi avons-nous exigé deux ans ?
Pour qu’il y ait en réalité d’importants services rendus et qu’on puisse tenir
celui à qui on accorde la pension pour un ministre qui a fourni une carrière
appréciable, en un mot, pour qu’un ministre de trois jours ne puisse pas venir
demander une pension à l’Etat.
Vous
parlez de dignité, nous dit-on, c’est une étrange dignité que celle qui se
retire dans une rente viagère de 4 mille francs. Cette objection n’est pas
sérieuse. Notre pensée, et celle de la législature quand elle se préoccupe de
la dignité des hommes publics, est d’éviter au pays de fâcheux exemples. Loin
de moi la pensée qu’il n’y aurait plus de dignité à espérer des ministres
sortants sans la faible rémunération de la pension ; mais je dis qu’il pourra
se produire des circonstances telles que la dignité politique succombe.
C’est
ce danger que le législateur doit éviter.
La
proposition est dangereuse, a-t-on dit, parce qu’elle établira chez les
ministres l’envie de conserver leurs fonctions assez longtemps pour avoir droit
à leur pension. Ce danger est le plus grave qu’on ait à redouter chez les
ministres ; l’exemple l’atteste, a ajouté l’honorable membre. Mais si, de l’aveu
de M. Malou, ce mal existe déjà, la perspective d’une pension ne le ferait
point naître. Je ne crois pas non plus qu’elle soit de nature à rendre ce mal
plus grave. Combien de temps, d’ailleurs, cela peut-il durer, un mois ? Un ou
deux mois peut-être ? Serait-ce là un bien grand mal ?
Je ne l’entrevois donc pas ce danger. Il ne peut en aucun cas se
perpétuer de telle sorte qu’il puisse devenir sérieux pour les intérêts du
pays, et d’ailleurs, comme on me le fait remarquer, il existe dans le projet de
la section centrale, comme dans le nôtre. Le ministre qui aura été
fonctionnaire 20 ans et qui sera au moment d’atteindre le terme qui doit lui
donner droit à la pension aura, lui aussi, intérêt à continuer son existence
ministérielle. Le danger, s’il est réel, existe dans votre proposition comme
dans la nôtre.
En
terminant, je crois pouvoir dire que les objections faites contre la
proposition que nous avons eu l’honneur de faire, ne sont pas de nature à
ébranler la conviction de ses auteurs. Je crois pouvoir espérer que les motifs
que nous avons fait valoir doivent au contraire lui mériter votre accueil. Je
désire qu’il en soit ainsi parce que j’ai la conviction qu’en l’adoptant la
chambre aura fait chose éminemment utile pour le pays et pour la dignité de nos
hommes d’Etat. (La clôture ! la clôture !).
M. de Corswarem. -
Je ne veux pas parler sur le fond de la question, mais je désire qu’on explique
le sens de la proposition.
M. de Naeyer. - Je demande la parole contre la clôture. Je désirerais expliquer
quelques expressions que M. Dumortier a dénatureés.
M. le président. -
Je crois avoir expliqué votre pensée quand M. Dumortier vous a accusé de vous
être servi d’expressions antiparlementaires.
M. de Naeyer. - L’imputation est assez grave ; je n’ai jamais qualifié de
scandaleuse la proposition de mes collègues, je tiens, dans l’intérêt de ma
dignité parlementaire, à protester contre de semblables imputations. Je
respecte les signataires et la proposition, en tant que je la crois dictée par
des intentions pures, mais j’ai pu discuter les résultats probables de la
proposition.
M. le président. -
Il reste à statuer sur la question de priorité.
M. le ministre de l’intérieur
(M. Nothomb) demande qu’on donne la priorité à la proposition des
24 membres, à laquelle le gouvernement s’est rallié.
M. Malou, rapporteur, propose de voter d’abord sur la question de principe : établira-t-on
des règles différentes pour l’avenir et pour le passé.
M.
Dolez. - Le seul ordre de délibération
possible est celui proposé par M. le ministre de l’intérieur, il faut commencer
par notre proposition, qui est en réalité la proposition principale ; si elle
n’est pas adoptée, on mettra aux voix celle de la section centrale.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Procédera-t-on par la question de principe ou directement sur le
projet ?
M.
Malou, rapporteur. - J’ai indiqué le vote par question
de principe, comme nous laissant à tous la plus grande liberté pour énoncer
notre vote. La question sera ainsi posée :
« Etablira-t-on
des règles différentes pour l’avenir et pour le passé ? »
Si
cette question est résolue négativement, il restera à voter sur la proposition
des 24 députés.
M. Vandensteen. -
Je pense qu’il y a d’autant plus de raison pour admettre le mode proposé par M.
Malou, que, comme l’a dit M. de Naeyer, parmi les membres qui ont signé la
proposition, il en est qui avaient cru n’en faire porter les effets que sur le
passé.
M. Delfosse. -
Je dois m’opposer à ce que l’on pose la question de principe indiquée par
l’honorable M. Malou. Trois opinions peuvent se produire sur cette question. Il
y a des membres de cette chambre qui veulent des pensions pour le passé et pour
l’avenir ; il y en a qui n’en veulent que pour le passé ; il y en a aussi, et
je suis de ce nombre, qui n’en veulent ni pour le passé ni pour l’avenir ; si
la question de principe était posée, je devrais m’abstenir ou bien voter avec
ceux qui ne partagent pas mon opinion ; on me ferait une espèce de violence ;
je demande que l’on mette d’abord aux voix la proposition signée par 24 de nos
collègues ; si elle est rejetée, on passera à celle de la section centrale.
M. Dumortier. -
Je voulais faire la même observation. C’est qu’il fallait mettre d’abord aux
voix la proposition la plus large. Ceux qui ne veulent pas accorder des
pensions aux ministres ou qui veulent du système de la section centrale,
voteront contre. Chacun sera libre de son vote. C’est la seule manière de
connaître la majorité.
M. de Brouckere. -
Je voulais parler dans le même sens que l’honorable M. Dumortier. Nous devons
voter comme quand nous votons sur des chiffres, par le plus élevé et en
descendant ; ici, ce qui représente le chiffre le plus élevé, c’est la
proposition des 24 députés.
M. Malou, rapporteur. -
Je n’insiste pas pour le mode que j’ai proposé.
M. Pirmez. -
Pour satisfaire à l’observation de M Delfosse, on pourrait poser ainsi la
question : Y aura-t-il une pension pour les ministres ? Viendraient ensuite les
autres questions.
- La
chambre consultée donne la priorité à la proposition des 24 députés.
Cette
proposition est ainsi conçue :
«
Tout chef de département qui, depuis les événements de 1830, comptera deux
années de fonctions ministérielles, aura droit à une pension de 4,000 fr.
« La
pension sera augmentée de 500 francs pour chaque année ultérieure de fonctions
ministérielles, et pour chaque année antérieure ou ultérieure d’autres
fonctions de 1/60 du traitement qui leur est affecté.
« Elle
ne pourra en aucun cas dépasser le maximum de 6,000 fr. »
M. Malou, rapporteur. -
Je ferai observer que si cette proposition est adoptée, il restera toujours de
notre projet l’art 1er et l’art 4.
- Il
est procédé à l’appel nominal sur la proposition dont il vient d’être donné
lecture.
En
voici le résultat :
Nombre
des votants, 80.
44
votent pour l’adoption.
36
votent contre.
Ont
voté pour l’adoption : MM. Jonet, Kervyn, Lange, Liedts, Mast de Vries, Meeus,
Mercier, Nothomb, Orts, Pirson, Savart, Sigart, Smits, Thyrion, Troye, Van
Cutsem, Van Volxem, Vilain XIIII, Brabant, Cogels Coghen, David, de Baillet, de
Brouckere, de Chimay, d’Anethan, de Man d’Attenrode, de Mérode, de Muelenaere,
de Renesse, de Saegher, de Meeus, de Terbecq, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart,
Dolez, Donny, Dumont, Dumortier, Duvivier, Fleussu, Goblet, et Jadot.
Ont voté
contre : MM. Lejeune. Lesoinne, Lys, Malou, Morel-Danheel, Osy, Pirmez,
Rodenbach, Scheyven, Simons, Thienpont, Vanden Eynde, Vandensteen, Verhaegen,
Verwilghen, Wallaert, Castiau, Coppieters, de Corswarem, de Florisone, de
Garcia de
Articles 2 et 3
M. le président. -
La chambre passe aux articles 1er et 4 de la section centrale auxquels le
gouvernement se rallie.
« Art.
1er (qui devient l’art. 2). Le temps passé à la tête d’un département
ministériel, à partir du 1er octobre 1830, sera compte triple pour la
liquidation des pensions. »
-
Adopté.
« Art.
4. (qui devient l’art. 3). Les dispositions du chapitre 1er du titre III, et
les articles 50, 51 et 52 de la loi générale sur les pensions civiles, sont
applicables aux pensions qui seront accordées en vertu de la présente loi. »
M. Devaux. -
Je demanderai un mot d’explication à l’honorable rapporteur. Il y a une
disposition du chapitre auquel renvoie cet article, qui porte qu’on n’a droit à
la pension que quand on ne laisse pas écouler trois ans après le jour où l’on
ne touche plus de traitement. Je suppose qu’on entend ne pas appliquer cette
disposition au projet. Il ne peut y avoir déchéance pour ceux qui n’avaient pas
droit à la pension.
M. Malou, rapporteur. -
Ce même fait m’a frappé. Il ne s’agit que d’un droit nouveau qui ne peut naître
que de la loi. Des lors le doute n’est pas possible.
-
L’art. 3 est mis aux voix et adopté.
Sur
la proposition de M. le président, la chambre, à cause des
articles de la loi générale mentionnés dans ce projet, en ajourne le vote
définitif après le vote définitif du projet de loi générale des pensions.
Second vote des articles
M. le président. -
La chambre a mis cet objet à son ordre du jour ; mais comme il ne s’est pas
écoulé 24 heures entre les deux votes, je consulterai la chambre sur l’urgence.
La
chambre consultée décrète l’urgence.
« Art.
1er. Les magistrats, fonctionnaires et employés, faisant partie de
l’administration générale et rétribués par le trésor public pourront être admis
à la pension, à soixante-cinq ans d’âge et
après 30 années de service. »
M. le
ministre des finances (M. Mercier) -
Si le gouvernement était de conserver en fonction les fonctionnaires âgés de 60
ans et ayant perdu l’aptitude nécessaire pour remplir convenablement les
devoirs de leur emploi, cette disposition ainsi interprétée mettrait le
gouvernement dans la nécessité de conserver des fonctionnaires qui ne
posséderaient plus les qualités indispensables pour bien le servir, et de les
renvoyer sans pension. Je demanderai donc à l’honorable rapporteur s’il entend
que, dans le cas d’affaissement des facultés intellectuelles, on pourra
appliquer l’art. 3 qui porte :
« Tout
magistrat, fonctionnaire ou employé, reconnu hors d’état de continuer ses
fonctions, par suite d’infirmités, pourra être admis à la pension, quel que
soit son âge, s’il compte au moins 10 années de service. »
M. Malou, rapporteur. -
Ce qui m’avait frappé dans la première discussion, c’est que M. le ministre des
finances, en s’opposant au chiffre de 65, paraissait croire que le mot
infirmités était restreint aux infirmités physiques ; mais tel ne peut être le
sens de la loi. S’il en était ainsi, le fonctionnaire âgé de 40 ans et tombé
dans un état d’idiotisme ou d’imbécillité, devrait être maintenu en fonctions
jusqu’à ce qu’il eût atteint l’âge de 65 ans. Le mot infirmités dans les lois relatives aux pensions a toujours été
appliqué aux infirmités physiques et morales, il suffit que ces infirmités
soient telles qu’elles empêchent le fonctionnaire de remplir convenablement ses
fonctions.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) -
D’après cette explication, je n’insiste pas pour qu’on revienne sur
l’amendement adopté au premier vote.
-
L’art. 1er est définitivement adopté.
M. le président. -
La chambre passe à la section relative aux fonctionnaires électifs supprimée au
1er vote.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) -
Je n’essayerai pas maintenant de faire revenir la chambre sur sa décision. Mais
je fais à cet égard toutes réserves ; c’est-à-dire que le gouvernement pourra
soumettre ultérieurement à la chambre un projet de loi spécial relatif aux
fonctionnaires électifs.
- La
chambre, consultée, supprime définitivement la section Fonctionnaires électifs.
M. le président. -
L’art. 22 du projet du gouvernement a été supprimé ; il était ainsi conçu :
« Art.
2. Les dispositions de l’article précédent s’appliquent aux
administrateurs-inspecteurs des universités de l’Etat. »
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je ne prétends pas reproduire maintenant les arguments que j’ai fait
valoir et que d’honorables membres ont fait valoir en faveur des
administrateurs-inspecteurs, qui sont au nombre de deux seulement. Je me borne
à déclarer que j’insiste pour le maintien de l’article.
- La
chambre consultée supprime définitivement l’art.22, après deux épreuves, la
première étant douteuse.
Article 39 (article 43 du projet du gouvernement)
« Art.
39. Aucune pension ne sera accordée qu’en vertu d’un arrêté royal rendu sur le
rapport du ministre, au département auquel ressortit l’intéressé.
«
Chaque arrêté énoncera les motifs et les bases légales de la liquidation de la
pension ; il mentionnera les certificats et les noms de ceux qui les ont
délivrés ; il sera inséré au Bulletin
officiel et, par extrait, au Moniteur. »
-
Adopté.
Article 48 (article 52 du projet du gouvernement)
« Art.
48. Toute personne jouissant d’une pension sera tenue, sous peine de déchéance
de résider dans le royaume, à moins d’une autorisation expresse du Roi.
«
Dans ce cas, il sera fait une retenue de 1/3 sur toute pension de 2,000 fr. et
au-dessus. »
-
Adopté.
Article 54 (article 59 du projet du gouvernement)
L’art.
59 du projet du gouvernement et l’amendement de la section centrale, qui forme
l’art. 54 de son projet, n’ont pas été adoptés. Ces dispositions étaient
conçues en ces termes :
« Art.
59 (du projet du gouvernement) :
« Les
dispositions de l’art. 52 sont applicables aux veuves et orphelins
pensionnés. »
« Art.
54 (du projet de la section centrale) :
« En
cas de non-résidence des veuves dans le royaume, il sera fait une retenue d’un
tiers sur toute pension de 1,500 et au-dessus. »
-
Cette suppression est définitivement prononcée.
Article 59 (article 64 du projet du gouvernement)
« Les
fonctionnaires et employés ressortissant au ministère des finances ou à
l’administration des postes, actuellement en fonctions, conservent la faculté
de faire liquider éventuellement leur pension d’après les bases de l’arrêté
royal du 29 mai 1822. Toutefois, les services postérieurs à la présente loi ne
seront pas pris eu considération pour dépasser les limites établies par l’art.
13 ci-dessus.
« Ceux
qui ont des services admis aux termes de l’art. 60 du règlement du 29 mai 1822,
ou admissibles de plein droit suivant l’art. 59 du même règlement, sont
maintenus dans la jouissance des droits qu’ils ont acquis de ce chef.
« Néanmoins
aucune pension ne pourra dépasser la somme de 6,000 fr. »
-
Cet article est définitivement adopté.
Vote sur l’ensemble du projet
Il
est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet : en voici le
résultat :
75
membres répondent à l’appel nominal.
58
votent pour le projet.
14
votent contre.
3
s’abstiennent.
En
conséquence, le projet de loi est adopté ; il sera transmis au sénat.
Ont
voté l’adoption : MM. Jonet, Kervyn, Lange, Lejeune, Lesoinne, Liedts, Lys,
Malou, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Osy, Pirson,
Scheyven, Sigart, Smits, Thyrion, Troye, Van Cutsem, Vandensteen, Van Volxem,
Verwilghen, Vilain XIIII, Wallaert, Brabant, Cogels, Coghen, Coppieters,
d’Anethan, David, de Baillet, de Brouckere, de Chimay, de Haerne, Delehaye, de Man
d’Attenrode, de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, de Nef, de Renesse, de Roo,
de Saegher, de Sécus, de Terbecq, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dolez, Donny,
Dumortier, Duvivier, Fleussu, Goblet, Henot, et Huveners.
Ont
voté le rejet : MM. Orts, Pirmez, Rodenbach, Savart,
Simons, Thienpont, Vanden Eynde, Verhaegen, de Corswarem, de Meester, Desmet,
de Villegas, Dubus, et Jadot.
Se
sont abstenus : MM. de Garda, Delfosse et Eloy de Burdinne.
Les
membres qui se sont abstenus sont invités à en faire connaître les motifs.
M. de Garcia. - Messieurs, je n’ai pas voulu donner mon assentiment à la loi
actuelle, parce qu’elle ne réalise pas les améliorations dont la matière était
susceptible, parce qu’elle ne réalise pas surtout les principes d’économie qui
sont réclamés par les besoins du trésor. Je n’ai pas voulu voter contre cette
loi parce que, selon moi, elle n’est pas tellement mauvaise qu’elle ne soit
préférable à l’ordre de chose existant.
M. Delfosse. -
Messieurs, je me suis abstenu parce que la maladie de ma femme ne m’a permis
d’assister qu’à une partie de la discussion.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, j’aurais voté pour le projet de loi, s’il était moins
onéreux pour le trésor. J’ai pour principe de ne jamais contracter de dettes
sans avoir les moyens de les payer. Selon moi, le trésor se trouve dans une
position telle qu’il est à craindre que nous ne pussions satisfaire à toutes
les dépenses dans lesquelles nous nous engageons.
Discussion des articles
Article 3 (erratum)
M. le président. -
Il nous reste à voter par appel nominal sur le projet de loi relatif à la
pension des ministres.
M. Malou, rapporteur. -
M. le président, un honorable collègue de la section centrale m’a fait observer
qu’il s’était glissé une erreur dans l’art. 4 du projet de la section centrale,
devenu l’art. 3 du projet adopté. La chambre voudra bien l’excuser ; il m’a
fallu faire très vite cette rédaction.
Ce
ne sont pas toutes les dispositions du chap. 1er du titre III qui sont ici
applicables, mais seulement les dispositions de la première section et d’une
partie de la seconde section de ce chapitre.
Les
honorables membres qui ont sous les yeux le projet tel qu’il a été voté,
remarqueront que les articles 36 à 45 contiennent toutes les règles les plus
générales, et que la deuxième section, formée des anciens articles 50 et
suivants, rège le cumul et le cas de déchéance. Il y a deux cas de déchéance :
une condamnation et la démission. Déjà, dans le rapport de la section centrale,
on avait fait remarquer que l’art. 50 relatif à la démission ne pouvait être
applicable à la pension des ministres. Dès lors la mention de l’art. 50 doit
disparaître.
La
disposition pourrait donc être rédigée de la manière suivante :
«
Les articles 36 à 49 inclusivement de la loi générale sur les pensions civiles
sont applicables aux pensions qui seront accordées en vertu de la présente
loi. »
-
L’art. 3, ainsi rédigé, est mis aux voix et adopté.
Vote sur l’ensemble du projet
Il
est procédé au vote par l’appel nominal sur l’ensemble du projet ; en voici le
résultat :
77
membres répondent à l’appel nominal.
44
votent pour le projet.
29
votent contre.
3
s’abstiennent.
En
conséquence, le projet est adopté ; il sera transmis au sénat.
Ont
voté l’adoption : MM. Jonet, Kervyn, Liedts, Mast de Vries, Meeus, Mercier,
Nothomb, Ors, Osy. Pirson, Savart, Sigart, Smits, Thyrion, Troye, Van Cutsem,
Van Volxem, Vilain XIIII, Brabant, Cogels, Coghen, d’Anethan, David, de
Baillet, de Brouckere, de Chimay, de Man d’Attenrode, de Mérode, de Muelenaere,
de Renesse, de Saegher, de Sécus, de Terbecq, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart,
Dolez, Donny, Dumont, Dumortier, Duvivier, Fleussu, Goblet, et Jadot.
Ont
voté le rejet : MM. Lejeune, Lesoinne, Lys,
Morel-Danheel, Pirmez, Rodenbach, Scheyven, Simons, Thienpont, Vanden Eynde,
Vandensteen, Verhaegen, Verwilghen, Wallaert, Coppieters, de Corswarem, de
Garcia de
Se
sont abstenus : MM. Malou, de Nef, et Eloy de Burdinne.
Les
membres qui se sont abstenus, sont invités à en faire connaître les motifs.
M. Malou. - Messieurs, ces motifs sont
très simples , ils résultent des paroles que j’ai prononcées dans la discussion
même du projet.
J’éprouvais,
comme sans doute plusieurs de mes collègues de la majorité éprouvent le désir
de reconnaître les services rendus an pays à l’époque où il s’est constitué.
D’un autre côté, je craignais de compromettre l’avenir, je ne pouvais donc que
m’abstenir.
M. de Nef. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.
M. Eloy de Burdinne. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs et par ceux que j’ai énoncés
pour la loi générale des pensions.
M. le président. -
L’ordre du jour appelle maintenant la nomination du bibliothécaire.
M. Delfosse. - Je demanderai, messieurs, qu’au lieu de nommer un bibliothécaire, on
nomme un commis à la bibliothèque ; pendant un grand nombre d’années nous
n’avons eu qu’un commis à la bibliothèque. Ce commis a tout à fait suffi et la
bibliothèque n’a pas été mieux dirigée lorsque nous avons eu un bibliothécaire
que lorsque nous n’avions qu’un commis. Si nous avons cru devoir nommer un
bibliothécaire il y a deux ans, c’était pour récompenser d’anciens services,
c’était en considération des services que M. Bourcier avait rendus jusqu’alors
; mais nous avons vu qu’après cette nomination les affaires n’ont pas mieux
marché. Nous avons un questeur qui paraît s’occuper avec beaucoup de
sollicitude de la bibliothèque, je pense que, tant que nous aurons ce questeur,
un commis peut suffire.
Ce
qui m’engage à faire cette proposition, c’est d’abord le désir d’empêcher que
des conflits de la nature de ceux qui se sont élevés entre le questeur et le
bibliothécaire ne se reproduisent.
C’est
ensuite une autre considération, également très forte pour moi, une
considération d’économie. Voue savez, messieurs, que le budget de la chambre
est déjà assez élevé ; il ne faut pas négliger l’occasion qui se présente tout
naturellement de faire une économie. Pendant plusieurs années, nous nous sommes
contentes d’un commis à la bibliothèque, nous pouvons nous en contenter encore,
d’autant plus que si ce n’avait pas été pour récompenser d’anciens services,
nous n’aurions probablement jamais songé à nommer un bibliothécaire.
M.
B. Dubus. — Messieurs, lorsque la chambre a
décidé qu’elle nommerait un bibliothécaire, elle l’a fait, je pense, pour
d’autres motifs que pour récompenser les services de l’employé qui remplissait
alois les fonctions de commis à la bibliothèque. Vous savez, messieurs, que le
règlement exige qu’il y ait un bibliothécaire ; lorsque le règlement a été
fait, il n’y avait pas de bibliothèque, mais on a prévu l’époque où la
bibliothèque serait formée, et c’est pour cette époque que l’on a inséré dans le
règlement la disposition relative au bibliothécaire. Voilà, messieurs, le motif
pour lequel la chambre a décidé qu’elle nommerait un bibliothécaire.
Quant à la question d’argent, je ne pense pas, messieurs, que ce soit un
motif pour adopter la proposition de l’honorable M. Delfosse, attendu que le
traitement du bibliothécaire, tel qu’il existe aujourd’hui, n’est guère plus
élevé que celui que l’on pourrait donner à un commis capable de diriger la
bibliothèque. Un traitement de 2,800 fr. est certainement minime pour un homme
qui doit avoir des connaissances étendues.
M. Cogels. -
On comprend facilement, messieurs, que dans le principe la chambre a pu se
contenter d’un simple commis ; alors la bibliothèque n’avait pas le
développement qu’elle à pris depuis. Maintenant la bibliothèque est très
considérable, le classement des documents parlementaires, par exemple, que nous
recevons de différents Etats, exige des soins qu’il est impossible de confier à
un simple commis. Je crois, du reste, qu’il est de la dignité de la chambre
d’avoir un bibliothécaire. On ne peut pas d’ailleurs charger d’une manière
permanente M le questeur du travail minutieux auquel il veut bien se livrer
aujourd’hui par dévouement.
M. Delfosse. - On fait intervenir la dignité de la chambre dans toutes les
questions, tantôt il était de la dignité de la chambre d’accorder des pensions
aux ministres ; maintenant voilà qu’il est de la dignité de la chambre d’avoir
un bibliothécaire. Je pense, messieurs, que la dignité de la chambre n’est pas
dans ces choses-là, la chambre aura tout autant de dignité avec un commis à la
bibliothèque qu’avec un bibliothécaire.
M. le questeur invoque le règlement ; mais comment se fait-il, si le
règlement s’oppose à ce que nous avons un commis à la bibliothèque, que nous
n’ayons eu que cela pendant plusieurs années ? M. le questeur, et je l’en
remercie, donne beaucoup de soins à la bibliothèque ; il fait presque tout ;
dans cet état de choses, un simple commis peut suffire, un bibliothécaire se
sent à l’étroit avec lui ; c’est là une des causes du conflit fâcheux qui s’est
élevé, il importe qu’elles ne se reproduisent pas à l’avenir.
M. B. Dubus. - Je remercie l’honorable membre de ce qu’il veut bien me dire. Si je
me suis tant occupé de la bibliothèque, c’est que j’ai senti la nécessite de le
faire, mais je vous avoue, messieurs, que pour mon compte personnel je serais
enchanté qu’il y eût un bon bibliothécaire, capable de faire une partie de ce
que maintenant je suis obligé de faire moi-même.
M. Dolez. -
Je désire faire une seule observation, je tiens assez peu à ce qu’il y ait un
bibliothécaire ou un commis à la bibliothèque, mais je dois faire remarquer à
la chambre que si elle décidait qu’il n’y aura qu’un commis à la bibliothèque,
il faudrait ajourner l’opération, car beaucoup de candidats à la place de
bibliothécaire ne seraient pas disposés à accepter celle de commis à la
bibliothèque.
M. le président. -
Si la chambre décidait qu’il n’y aura qu’un commis à la bibliothèque, il n’y
aurait pas d’élection à faire, car cet employé devrait être nommé par le
bureau, réuni à la questure.
M. Dumortier. -
Il m’importe peu de savoir si la dignité de la chambre exige qu’il y ait un
bibliothécaire, mais ce qui m’importe, c’est de savoir s’il y a utilité à la
nomination d’un semblable fonctionnaire. Or, je pense qu’il suffit de placer la
question sur ce terrain pour la décider. Il est indispensable que nous ayons à
la bibliothèque un homme possédant des connaissances très étendues, des
connaissances que l’on ne rencontrerait pas chez celui qui accepterait une simple
place de commis. Je pense donc que nous devons maintenir ce qui a été décidé
précédemment et passer à la nomination du bibliothécaire.
- La
chambre décide qu’elle procédera immédiatement au vote pour la nomination du
bibliothécaire.
M. le président. -
Avant de procéder au scrutin nous pourrions fixer l’ordre du jour de demain.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Nous avons pour demain le projet de loi relatif au rendiguement du
poldre de Lillo.
M.
Verhaegen. - Je demanderai si, dans le cas ou
ce projet exigerait plusieurs jours, on remettrait la discussion de la question
du jury d’examen, qui a été fixée à lundi.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L’ordre du jour de lundi doit dans tous les cas être maintenu.
M.
Verhaegen. - Ainsi il est entendu que dans
tous les cas on commencera lundi la discussion du projet de loi sur le jury.
M. le président. -
Il est entendu que l’ordre du jour de lundi reste fixé irrévocablement.
M. Huveners. - Je demanderai à M. le ministre de l’intérieur s’il pourra nous
donner les renseignements que M. le ministre des travaux publics nous avait
promis.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je les fournirai.
- La
chambre décide qu’elle s’occupera demain du projet de loi sur le rendiguement
du poldre de Lillo.
M. Dumortier. -
Il est un projet, messieurs, dont la discussion est vivement réclamée par
diverses provinces et particulièrement par une partie du district que j’ai
l’honneur de représenter, c’est le projet de loi sur le tabac. Les cultivateurs
ne savent à quoi s’en tenir. Je demanderai que la section centrale veuille bien
présenter son rapport dans le plus bref délai possible. Ce projet est de la
plus grande urgence pour le trésor public ainsi que pour les intérêts des
cultivateurs et du commerce.
NOMINATION DU BIBLIOTHECAIRE DE LA CHAMBRE
Il
est procédé au vote au scrutin secret pour la nomination du bibliothécaire de
la chambre.
Voici
le résultat du scrutin :
Nombre
des votants, 70,
Majorité
absolue, 36.
M.
Bernard, ancien professeur, obtient 47 voix.
M.
Masquilier, 17
M.
Sancon, 1
M.
Portelange, 1
M. Jamar, 1
M. Schiffers, 3
En
conséquence, M. Bernard ayant obtenu, au premier tour de scrutin, la majorité
absolue des suffrages, est proclamé bibliothécaire de la chambre des
représentants.
- La
séance est levée à 4 heures et 1/2.