Accueil Séances
plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et
liens Note
d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du mardi 30 janvier 1844
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment pétition
relative au projet de loi sur le tabac (Rodenbach)
2) Projet de loi portant exemption de l’impôt sur les
vinaigres préparés avec des matières soumises à l’accise
3) Projet de loi relatif aux droits d’entrée sur les
fontes (+ droit d’entrée sur les machines) (David, Nothomb, Coghen, Nothomb,
David)
4) Projet de loi sur l’abolition du droit de transit
et de sortie des laines en masse) ((+négociations avec le Zollverein) David, Nothomb, ((+port de Nieuport)
Rodenbach, Eloy de Burdinne, Nothomb, Eloy de Burdinne, Nothomb), (+Zollverein) David,
(+Nieuport) Rodenbach)
5) Projet de loi tendant à établir un droit
d’enregistrement sur les actes de naturalisation (+droits des étrangers)
(A : graduation du droit ; B : cas d’exemption ; C :
question de principe ; D : grande naturalisation) (A (Verhaegen, Mercier, Dumortier), C (Pirmez, Verhaegen, Rodenbach, (+B,
officiers étrangers) de Mérode, (+D) Malou),
(grande naturalisation) (Mercier), C (Rogier),
(B, officiers étrangers) de Mérode, B (Delfosse), C (Fallon), B (Jadot), C (Rodenbach), (B,
officiers étrangers) (d’Hoffschmidt), B (Lys, Mercier, Malou,
(+officiers étrangers) de Mérode, Lys,
Dumortier, Malou, (+officiers
étrangers) de Villegas et de
Mérode, Mercier, Malou, Mercier, Dumortier, Lys, Dumortier, Mercier,
Malou, de Mérode, d’Hoffschmidt, Pirmez, de Villegas, (+décorés de la croix de fer) Dumortier, Jadot, Malou,
Jadot, Malou), grande
naturalisation (Mercier), publicité de l’acte de
naturalisation (Mercier, Malou, de Corswarem, Mercier, Fallon, Malou, Mercier,
Fallon, Malou), B (Delfosse, Malou)
6) Fixation de l’ordre du jour. Traduction flamande
des lois et arrêtés dans le Bulletin officiel
(Dedecker, Lebeau, de Foere, Nothomb, de Foere, Nothomb), grande
naturalisation (Chapelié) (de Renesse), limites du
droit d’interpellation des parlementaires (Nothomb, Dumortier, Nothomb, Lebeau, (Dedecker), Verhaegen, Nothomb), poste aux
chevaux (Vandensteen, Dechamps),
loi interprétative sur l’article 442 du code de commerce (de
Garcia), transit du bétail hollandais (Rogier)
(Moniteur belge n°31, du 31 janvier 1844)
(Présidence
de M. Liedts)
M.
Huveners
procède à l’appel nominal à midi et 1/2.
M.
Scheyven
lit le procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est adoptée.
M.
Huveners
présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A
«
Plusieurs habitants de Lautremange présentent des observations contre le projet
de loi sur les céréales. »
«
Mêmes observations des fermiers, propriétaires et cultivateurs de
Cortil-Noirmont, d’Ehin, de diverses communes du Condroz, de Gembloux et de
Wanfercée-Baulet. »
-
Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du projet.
_______________________
«
Le conseil communal d’Oombergen présente des observations contre le projet de
loi sur les tabacs. »
« Mêmes
observations des membres du conseil communal d’Elene, du sieur
Heyndrickx-Michiels, fabricant de tabac à St-Nicolas et des fabricants de tabac
de Menin. » .
-
Renvoi à la section centrale qui sera chargée de l’examen du projet.
_______________________
«
Le sieur Corbisier, maître de poste à Soignies, prie la chambre de s’occuper du
projet de loi sur la poste aux chevaux. »
«
Même demande du sieur Declercq, maître de poste à Grootenberghe. »
Dépôt
sur le bureau pendant la discussion.
_______________________
« Par
deux messages, en date du 29 janvier, le sénat informe la chambre que les
sieurs Albert-Marie de Villers du Tertre, major de place, et François
Petitmaître, maréchal des logis, étant décédés, leur demande en naturalisation
est devenue sans objet. »
-
Pris pour notification.
_______________________
M.
Castiau,
retenu chez lui par un accident qui, sans être grave, lui impose un repos
absolu, demande un congé de quelques jours.
M.
Rodenbach. - Je crois que la chambre a décidé hier, que le bureau
serait chargé de faire insérer au Moniteur
les pétitions les plus importantes relatives à la question des tabacs. Tout à
l’heure on nous a présenté l’analyse d’une pétition de Menin, c’est dans cette
localité que se trouvent les fabriques de tabacs les plus considérables du pays
; je prierai donc M. le président de bien vouloir examiner cette pétition et je
suis persuadé qu’il la trouvera digne de figurer au Moniteur ; il serait d’autant plus convenable de l’y insérer qu’il
existe à Menin trois fabriques de tabac montées sur une grande échelle. Ces
fabriques sont les plus considérables du royaume.
M. le président. - Il en sera tenu note.
PROJET DE LOI
PORTANT EXEMPTION DE L’IMPOT SUR LES VINAIGRES PREPARES AVEC DES MATIERES
SOUMISES A L’ACCISE
M. le président. - L’ordre du jour appelle
en premier lieu le vote par appel nominal sur l’ensemble du projet de loi
portant exemption de l’impôt sur les vinaigres préparés avec des matières
soumises à l’accise.
Il
est procédé au vote par appel nominal sur ce projet ; en voici le résultat :
51
membres sont présents.
49
adoptent.
2
s’abstiennent.
En
conséquence, le projet est adopté.
Ont
voté pour l’adoption : MM. Lys, Malou, Mercier, Nothomb, Pirmez, Pirson,
Rodenbach, Scheyven, Sigart, Simons, Thienpont, Thyrion, Troye, Van Cutsem,
Verhaegen, Verwilghen, Vilain XIIII, Zoude, Cogels, Coghen, David, Dechamps, de
Chimay, de Corswarem, Dedecker, de Florisone, de Foere, Delfosse, de Meester,
de Muelenaere, de Naeyer, de Nef, de Renesse, de Roo, de Saegher, de Sécus,
Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, d’Hoffschmidt, Dumont, Eloy de
Burdinne, Fallon, Huveners, Jonet, Lange, Lesoinne, Liedts.
MM.
Angillis et Jadot se sont abstenus.
M.
Angillis. - Je
me suis abstenu parce qu’une indisposition m’a empêché d’assister à la séance
d’hier et que par conséquent je ne connaissais pas le projet.
M.
Jadot. - Je me
suis abstenu par le même motif que M. Angillis.
M. le président. - L’ordre du jour appelle
en second lieu la discussion du projet de loi relatif aux droits d’entrée sur
les fontes.
-
Personne ne demandant la parole sur l’ensemble du projet, la chambre passe à la
discussion de l’article unique, qui est ainsi conçu :
Le
droit d’entrée sur les fontes de fer est modifié ainsi qu’il suit :
« Marchandises.
Fers. - Fontes de fer en gueuses,
quelle qu’en soit la forme, et telles qu’elles se trouent immédiatement au
sortir des hauts fourneaux : base des droits : 100 kil. ; droits d’entrée : 5
fr.
«
Il est entendu que l’exception faite par la loi du 6 juin 1839 en faveur des
fers et fontes provenant du grand-duché de Luxembourg, est maintenue. »
La
section centrale propose l’adoption.
M. David. - Messieurs, ce projet de loi me paraît pour ainsi dire
complexe, dans ce sens qu’il faudrait aussi un projet de loi sur l’introduction
des machines étrangères. Je pense qu’à cet égard M. le ministre de l’intérieur
a eu l’obligeance de me répondre, il y a quelque temps, qu’un projet de loi sur
cette matière s’élaborait, que l’examen en était à peu près terminé et qu’il
serait présenté dans un bref délai. Sans une loi qui établisse un droit sur
l’introduction de machines étrangères, il est impossible que la loi dont nous
nous occupons en ce moment ait des effets favorables pour le pays, car alors nous
perdrions la main-d’œuvre de la construction des machines, chose si précieuse à
conserver, puisqu’une masse d’ouvriers vivent de cette grande industrie.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, il existe une loi portant la date du 29
mars, qui expire le 29 mars prochain, et qui autorise le gouvernement à
permettre l’entrée en franchise des droits, des machines étrangères par un
arrêté royal motivé. Cette loi est donc sur le point d’expirer. Le gouvernement
se propose de vous demander le renouvellement de la faculté qui lui est donnée.
C’est alors que l’occasion se présentera d’examiner s’il ne faut pas augmenter
les droits d’entrée en général, sur les machines.
Cette
dernière question, la question d’un tarif général sur l’entrée des machines,
présente un caractère tout nouveau, je dois en convenir. Vous le savez,
messieurs, le dernier tarif anglais a permis la sortie des machines anglaises.
Jusque-là, la sortie des machines en Angleterre, était prohibée. C’est là un
fait nouveau qu’il faut sans doute prendre en considération.
Cependant
nous devons aussi nous demander si l’importation des machines étrangères en
Belgique a augmenté dans ces derniers temps. C’est là un autre fait qu’il faut
examiner, j’ai sous les yeux le tableau des importations et des exportations
des machines, je vais faire connaître ce tableau, non pas que ce soit le moment
de décider la question, mais parce qu’il est des faits qu’il est toujours bon
de constater. J’ai le tableau des importations et des exportations, depuis six
ans. Voici d’abord ce qui concerne les importations.
Les
importations de machines étrangères se sont élevées :
En
1837 à 2,865,000 francs
1838
4,576,000 francs ;
1839
3,433,000 francs ;
1840
1,629,000 francs ;
1841
419,000 francs ;
1842
543,000 francs.
Je
n’ai pas les relevés de 1844, mais je les aurai dans quelques jours.
Vous
voyez, messieurs, que depuis 1839 surtout l’importation des machines en
Belgique a singulièrement diminué. Elle est descendue aujourd’hui à 543,000 fr.
; elle était encore, en 1840, de 1,639,000 fr. et en 1838, elle s’était élevée
à 4,576,000 fr.
Je
le répète, je n’ai pas le chiffre de 1843, et j’avoue que c’est précisément ce
chiffre qu’il faudrait avoir, parce qu’il importe de savoir jusqu’à quel point
le nouveau tarif anglais a pu influer sur l’introduction des machines anglaises
en Belgique.
Quant
aux exportations, elles se sont assez bien soutenues. En voici les chiffres
pour les six années dont j’ai le tableau.
On
a exporté :
En
1837 3,273,000 francs ;
1838
6,136,000 francs ;
1839
2,812,000 francs ;
1840
4,004,000 francs ;
1841
4,611,000 francs ;
1842
3,372,000 francs.
Vous
voyez, messieurs, que, comme je le disais, les exportations se sont assez bien
soutenues. Le chiffre le plus élevé est celui de 1838, qui est de 6,136,000 fr.
Mais aussi dans la même année nous avons reçu de l’étranger pour 4,576,000 fr.
Si donc vous mettez en regard les deux chiffres, vous trouverez que ceux des
dernières années sont encore les plus avantageux. Pour me servir de
l’expression usitée, ce sont les dernières années qui présentent la balance la
plus favorable. En 1842, nous avons reçu seulement pour 543,000 fr, et nous
avons exporté pour 3,372,000 fr.
Ces chiffres me paraissent assez avantageux. Toutefois, je le
répète ce n’est pas pour préjuger la question que je les ai fait connaître. Le
gouvernement examinera le point de savoir s’il faut saisir l’occasion très
prochaine du renouvellement de la loi qui l’autorise à accorder, dans des cas
exceptionnels, l’entrée des machines en franchise de droit, s’il doit saisir
cette occasion pour augmenter le tarif, en général sur les machines, de manière
que les deux dispositions servent en quelque sorte de compensation l’une à
l’autre.
J’ajouterai,
messieurs, car il faut tout dire, que si le tarif pour les machines est
maintenu, il y aura une sorte d’anomalie entre le tarif pour les machines et le
tarif pour les fers ; car le fer en barre paierait un droit plus élevé que le
fer ouvré, converti en machines.
Je
tenais à faire connaître ces faits pour prouver à la chambre que le
gouvernement examine la question et que l’occasion de la résoudre est très
prochaine.
M.
Coghen. -
Messieurs, la réclamation faite par l’honorable député de Verviers doit être
prise en sérieuse considération. Nous avons dans le pays d’immenses
établissements où l’on travaille le fer. Il est certain que cette industrie
occupe des milliers de bras ; elle doit donc trouver dans nos tarifs une
protection. Comme vient de le dire M. le ministre de l’intérieur, il y aurait
une espèce d’anomalie ; c’est que le fer non ouvré paierait plus à l’entrée que
les mécaniques mêmes.
Il
y a une chose à redouter : c’est que si nous ne prenons pas de disposition pour
protéger suffisamment notre main-d’œuvre, il n’entre nécessairement beaucoup de
ces objets fabriqués, l’Angleterre ayant permis la sortie de presque toutes les
mécaniques qui étaient prohibées jusque-là.
Cependant
je ne ferai aucune proposition formelle, apaisé que je suis parce que vient de
nous dire M. le ministre de l’intérieur, à savoir que le gouvernement aura
occasion d’examiner sous peu la question, et qu’il fera une proposition à la
législature.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, il ne faut pas
se faire illusion : le fait nouveau est celui-ci : Avant l’introduction du
nouveau tarif anglais, les machines anglaises étaient prohibées à la sortie,
les marchés étrangers étaient donc exploités par
M.
David. -
Messieurs, je ne voudrais pas voter la proscription des machines nouvelles, ce
serait certainement nous faire tort. Le gouvernement a la faculté, d’après la
loi, de laisser entrer certaines machines ; celle surtout qui peuvent faire
faire quelques progrès à notre industrie. Je désire sans doute que le
gouvernement conserve la prérogative de faire entrer en Belgique ces dernières
machines en franchise des droits ; ce serait vouloir la stationnarité de
l’industrie que de repousser l’introduction des machines.
Il
y a une chose à remarquer, c’est que la libre sortie des machines de
l’Angleterre coïncide exactement avec l’augmentation des droits sur les fontes,
que nous avons votée dans cette enceinte. On dirait que les Anglais ont fait
cette opération contre nous aussi, messieurs, je persiste à demander la loi sur
les machines.
-
Personne ne demandant plus la-parole, l’article unique du projet de loi est mis
aux voix et adopté.
On
procède à l’appel nominal sur l’ensemble du projet de loi, qui est adopté à
l’unanimité des 51 membres présents. Il sera transmis au sénat.
M. le président. - Ce projet consistant en
un article unique, est ainsi conçu :
«
Sont exempts de tout droit, la sortie et le transit ou par entrepôt des laines
en masse. »
M.
David, rapporteur. - L’arrêté royal du 13 juillet 1843, qui supprime les droits de transit
sur les laines en masse, est une faveur accordée non seulement à
Je
suppose 1 quintal de laine payant 1 thaler au transit par
Ces
laines à quel état sont-elles ? Elles sont toujours chargées de plus ou moins
de suint ou d’un déchet qui doit tomber au lavage à fond. Je crois qu’on peut
également accepter comme terme moyen 35 p. c. de déchets. Si on les admet,
voilà que vous aurez encore payé le thaler sur 35 liv. ou 17 1/2 kilog. soit 10
1/2 silbergros, ou environ le tiers du droit ci-dessus, qui est déjà de 3 1/3 p
c. C’est donc au minimum un nouveau droit de 1 p. c.
Ensemble,
le simple droit de transit par
Ce
qui, sur une matière première, est éminemment cher et nous place, sous ce
rapport, dans une position d’infériorité vis-à-vis de la concurrence allemande,
déjà si protégée par son tarif.
Si
maintenant, continuant de compter avec
Et
nos draps, messieurs, et nos cuirs tannés payent également un fort transit pour
emprunter ce coûteux territoire ! Il y a là évidemment, matière à une petite
négociation avec le Zollverein. Je ne veux pas aborder ici la grande question
du traité de commerce ou de réunion, etc. C’est une réclamation particulière
que je crois que la Belgique, à l’occasion d’un acte de libéralité, peut fort
bien se permettre de présenter à ses voisins. C’est important, au moins, pour
Verviers et les autres villes de
Vis-à-vis
des fabricants français, messieurs, la présente mesure est-elle moins
bienveillante ? Evidemment non. C’est donc encore pour la France une concession
toute gratuite. Nous avons bien peu de droit, j’en conviens et je le sens, de
compter sur sa reconnaissance.
Au
résumé, messieurs, je vois que l’admission du présent projet ne peut souffrir
la moindre difficulté, d’autant plus qu’au fond, s’il favorise nos voisins, il
ne peut nuire à
Naturellement, aujourd’hui,
à cause du bon marché des voies de navigation jusqu’à Cologne. elles passeront
de préférence par notre railway pour aller en Angleterre. Voilà, messieurs, les
réflexions que je voulais avoir l’honneur de vous soumettre.
Je
conclus donc à l’adoption du projet, et je désire que le gouvernement ne manque
pas de faire ressortir auprès de nos voisins les nouveaux avantages que vient
encore de leur faire
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je regrette que l’honorable préopinant
ait affaibli la valeur de ses premières observations par les dernières, ce qui
aura frappé chacun de vous. J’aurais voulu que l’honorable membre eût
sous-entendu ses dernières réflexions.
M.
Rodenbach. - Messieurs, je conviens avec l’honorable député de
Verviers que c’est un acte de libéralité que nous faisons en faveur de l’union
douanière allemande, mais ceci est le revers de la médaille. Cependant,
lorsqu’on envisage le projet de loi sous un autre rapport, il est avantageux à
On transporte hebdomadairement de Nieuport et d’Ostende une
grande quantité de laines anglaises pour les villes de Tourcoing et de Roubaix,
qui sont deux localités importantes pour la fabrication des laines. Or, si vous
exigiez ce faible droit de transit, ainsi qu’un droit à la sortie, les Anglais
expédieraient à Dunkerque toutes leurs laines. Outre le tort que vous feriez
par là à votre commerce maritime, vous perdriez le produit des frais de
transport de cette laine, depuis Nieuport et Ostende jusqu’à la frontière de
France.
Je
crois, en, résumé, que le projet de loi nous est plus favorable que
désavantageux, et je lui donnerai dès lors mon assentiment.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, je donnerai
mon assentiment au projet de loi, en ce qui concerne la suppression du droit à
la sortie des laines. Mais, messieurs, notre position financière nous
permet-elle de réduire nos ressources en présence du déficit du trésor ? Ne
devons-nous pas chercher à tirer parti de tous les moyens pour alimenter le
trésor ? Vous en conviendrez avec moi, nous augmentons tous les ans nos
dépenses et nous diminuons nos recettes.
Je
demanderai si, par suite de cette concession, nous obtenons de la part des
puissances en faveur desquelles nous la faisons, quelque dédommagement, quelque
avantage.
D’après
ce que l’honorable M. David vient de dire, nous n’en recevons aucune. C’est un
pur cadeau que nous faisons à la France et à
L’honorable M. Rodenbach vous a dit que, par suite de la
suppression du droit de transit, l’on favorisait le port d Ostende et celui de
Nieuport. Sans doute, la liberté illimitée favoriserait beaucoup plus encore
les ports de mer. Supprimez tous les droits, les ports de mer seront fortement
encouragés : Mais croyez-vous que si on maintenait un droit de transit modéré
sur les laines, Roubaix et Tourcoing ne continueraient pas à s’approvisionner,
à faire venir leurs laines par Ostende et Nieuport. Je pense donc qu’on
pourrait maintenir un droit léger, quelque léger qu’il fût. Nous avons besoin
de toutes nos ressources. Nous ne savons dans le moment actuel comment trouver
le moyen d’augmenter nos recettes. On a présenté un projet de loi sur le tabac
qui a besoin d’être élaboré, car, tel qu’il est, je ne pourrais lui donner mon
assentiment ; mais, s’il était bien élaboré, il pourrait produire beaucoup au
trésor.
Nous
nous trouvons dans la position la plus fâcheuse, si nous ne cherchons pas à
maintenir les droits perçus sur les produits étrangers qui traversent notre
pays. Si on prouvait que le transit a de grands avantages, je donnerais mon
assentiment au projet. Mais je trouve que nous faisons un métier de dupe en
supprimant un droit sans compensation.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il ne faut pas donner à cette disposition un
caractère général. Il y a ici une question de fait qu’il faut prendre en
considération. Je parle surtout de l’importation des laines qui transitent par
M.
David m’interrompt pour me dire qu’il ne faut pas proclamer cela ici. Cela est
très bien connu en France et tellement connu, que le gouvernement français, qui
s’occupe de ses ports avec la plus vive sollicitude, a été frappé de ce fait et
a pris les mesures les plus libérales pour que Tourcoing et Roubaix
s’approvisionnent de leurs laines dans le port français voisin. Nous avons
pensé qu’il n’y avait pas autre chose à faire que d’opposer des mesures
libérales à des mesures libérales. Dès lors, pour ne pas voir ce commerce de
laines transporté à Dunkerque, pour le conserver à Nieuport, nous avons dû
prendre des mesures libérales : entre autres, supprimer le transit. Voila tout
le secret de cette mesure.
Savez-vous ce que fera le gouvernement français, s’il n’a pas
épuisé toutes les mesures libérales qu’il peut prendre pour attirer à Dunkerque
le commerce des laines dont Tourcoing et Roubaix ont besoin ? Soyez bien
convaincus qu’il va redoubler d’efforts pour tâcher d’attirer ce commerce à
Dunkerque. De notre côté, faisons tout ce qui nous est possible de faire pour
conserver ce transit qui fait l’existence du port de Nieuport, petit port digne
de notre plus vif intérêt. Faisons tout ce que nous pouvons faire,
affranchissons le transit de tout droit ; il en résultera que la position sera
égale, plus avantageuse peut-être pour
L’honorable
M. Eloy de Burdinne trouvera ces faits succinctement indiqués aux pages 2 et 3
de l’exposé des motifs.
Vous
avez à choisir. Vous êtes dans cette alternative : Si vous maintenez les
droits, la laine ne transitera plus, vous ne percevrez rien. D’après le projet
qui vous est présenté, vous ne percevrez rien, ce qui est un mal sans doute,
mais vous évitez un autre mal, qui est celui de rendre désert le port de
Nieuport.
M. Eloy de Burdinne. - J’ai quelques mots à
répondre à M. le ministre de l’intérieur. Sans doute il faut favoriser les
ports autant qu’on le peut, mais ce ne doit pas être au détriment du trésor
public. Nous n’en avons pas les moyens. M. le ministre a dit que le
gouvernement français cherchait à attirer à Dunkerque le commerce des laines
qui se fait à Nieuport. Si le gouvernement français persiste à vouloir que les
laines pour Tourcoing et Roubaix arrivent par Dunkerque, il en résultera que
vous n’aurez plus rien à Nieuport. Je demande si le gouvernement pour conserver
ce commerce à Nieuport, accordera des primes.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il n’est pas question de cela.
M. Eloy de Burdinne. - C’est comme si vous
accordiez une prime, puisque vous supprimez un droit établi. Au lieu de
recevoir et de donner, le trésor ne reçoit pas. Au reste, si le gouvernement
français veut attirer ce commerce à Dunkerque, il pourra imposer un droit plus
élevé par terre que par mer.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Si le gouvernement
français faisait cela, ce serait un acte d’hostilité, c’est ce qu’il ne fera
pas. Rendons-nous compte de la question : La laine transportée par Dunkerque ne
paye pas de droit de transit pour arriver à Roubaix et Tourcoing. Il faut que
le port de Nieuport se trouve dans la même situation. Vous l’y mettez en abolissant
ce droit de transit. C’est là ce que vous devez faire. Si vous ne le faites
pas, le commerce de laine se fera par le port de Dunkerque. Le gouvernement
français fera-t-il de nouveaux efforts en faveur du port de Dunkerque ? je
l’ignore ; mais de notre côté, nous devons faire tout ce nous pouvons pour
conserver ce commerce. Nous n’y perdons rien car nous sommes dans l’alternative
de perdre le transit, alors nous n’aurons pas de recettes, ou de conserver le
transit en renonçant au droit directement perçu ; mais, dans ce dernier cas,
nous conservons l’avantage des arrivages au port où la marchandise est
débarquée, et le profit du transport par notre territoire. Ce fait est évident.
Ce n’est pas à dire que, si la conservation de ce commerce était de nouveau menacée,
nous irions plus loin, nous irions jusqu’à accorder des primes. Il s’agit,
quant à présent, de savoir si vous voulez pour conserver au port de Nieuport le
commerce des laines, renoncer à un droit qui vous échappera avec ce commerce
même.
M. David. - L’honorable préopinant n’a envisagé la question que
relativement au port de Nieuport ; il ne faut pas perdre de vue que nous avons
toute l’Allemagne derrière nous et les grands entrepôts qui s’établiront
préalablement à Verviers. L’honorable M. Eloy n’a pas aperçu qu’il s’agissait
du transit de toute l’Allemagne, de la frontière de Prusse jusqu’à la mer. La
France elle-même se servira de
J’ai
été admonesté tout à l’heure par M. le ministre de l’intérieur, qui m’a dit que
j’avais affaibli mes premières considérations par les dernières. Je viens de
m’apercevoir qu’il était tombé dans la même faute, je suis charmé de me trouver
maintenant, sous ce rapport, sur la même ligne que lui.
M.
Rodenbach. - J’ajouterai quelques mots à ce qui a été dit. Je suis
persuadé que les fabricants de Roubaix et de Tourcoing donneront la préférence
au port de Nieuport. Si les arrivages avaient lieu par Dunkerque, ces
fabricants devraient se rendre dans ce port pour faire leur déclaration pour
les laines qui leur viennent d’Angleterre, tandis qu’en arrivant par Nieuport,
quand ces laines sont pour entrer en France, comme ils sont à l’extrême
frontière, ils n’ont pas besoin de se déplacer pour en faire la réception et la
déclaration.
Tout
porte à croire que, par la mesure que nous prenons, nous conserverons le
transit des laines.
-
La discussion est close.
L’art.
unique du projet de loi ainsi conçu : « sont exempts de tout droit, la sortie
et le transit direct ou par entrepôt, des laines en masse » est mis aux voix
par appel nominal.
51
membres sont présents.
2
(MM. de Mérode et Eloy de Burdinne) s’abstiennent.
49
prennent part au vote et se prononcent pour l’adoption.
La
chambre adopte.
Ont
voté pour l’adoption : MM. Lys, Malou, Meeus, Mercier, Nothomb, Pirson,
Rodenbach, Scheyven, Sigart, Simons, Thienpont, Thyrion, Van Cutsem, Van
Volxem, Verhaegen, Verwilghen, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Cogels, Coghen,
David, Dechamps, de Corswarem, Dedeecer, de Florisone, de Foere, Delfosse, de
Meester, de Naeyer, de Nef, de Renesse, de Roo, de Saegher, de Sécus,
Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Tornaco, de Villegas, d’Hoffschmidt,
Dumont, Dumortier, Huveners, Jadot, Jonet, Lange, Lesoinne et Liedts.
M. le président. - Les membres qui se sont
abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. de Mérode. - Je vois dans ce projet de loi une petite réduction
des voies et moyens. S’il s’était agi de la voter après le vote des projets de
loi de voies et moyens annoncés, je n’aurais pas hésité a l’adopter. Mais je n
ai pas cru pouvoir l’adopter maintenant.
M. Eloy de Burdinne. - D’une part j’admets
l’abolition du droit de sortie sur les laines, parce que le pays produit de la
laine ; mais je ne puis admettre l’abolition du droit de sortie, parce que nos
moyens ne nous le permettent pas.
Discussion générale
M. le président. - La discussion est
ouverte sur l’ensemble du projet.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) déclare ne pas se rallier
au projet de la section centrale.
M.
Verhaegen. - Je ne puis pas laisser ce projet, sans faire quelques observations.
Je désire rester d’accord avec les principes que j’ai eu l’honneur de
développer, lors de la discussion du budget des voies et moyens. Certes il faut
venir au secours du trésor : Les lettres de naturalisation sont susceptibles
d’être frappées d’un droit d’enregistrement, j’en conviens, mats il faudrait
une gradation d’après les ressources de ceux qui les demandent.
J’attaque
l’injustice de l’assiette de l’impôt, comme j’ai attaqués lors de la discussion
du budget des vois et moyens, l’assiette de plusieurs impôts odieux et
notamment des impôts de consommation.
Toutes
les fois que le gouvernement voudra frapper le pauvre comme le riche, je
croirais devoir repousser son système, comme je l’ai repoussé, d’une manière
générale, lors de la discussion du budget des voies et moyens. J’ai, à cet
égard, une opinion formée depuis longtemps, et je suis résolu à ne pas en
dévier.
On
veut établir un droit uniforme d’enregistrement (qui serait de 500 fr. d’après
le projet du gouvernement et de 300 fr. d’après le projet de la section
centrale) sur toutes les lettres de petite naturalisation : que la naturalisation
soit accordée à des étrangers qui n’ont pas de fortune ou à des étrangers qui
possèdent une fortune considérable, on les met sur la même ligne. C’est une
injustice que je ne veux pas consacrer par mon vote.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - Mais le moyen de l’éviter
?
M.
Verhaegen. - C’était à vous à trouver le moyen ; mais surabondamment, je vous en
indiquerai un tout à l’heure.
Un
homme qui n’a pas de fortune, ou qui n’a qu’une petite fortune, peut, d’après
1es circonstances, avoir autant de droits à la petite naturalisation que
l’homme riche. Pourquoi accorder à celui-ci ce que l’on refuse à celui-là ?
Je
n’admets pas le raisonnement de la section centrale qui, dans son rapport,
vient nous dire que la naturalisation se réduit à une simple faveur et que dès
lors on peut la refuser à ceux qui n’ont pas le moyen de payer un droit
d’enregistrement déterminé. Singulière faveur que celle qui est accordée à prix
d’argent et sous certaines conditions fixées par la loi !!
Ce
n’est pas de la théorie que je fais ; c’est de la pratique. Si je consulte les
nombreuses demandes de naturalisation, je vois que plusieurs sont faites par
des gardes-champêtres, par des douaniers, des employés des accises depuis
longtemps en fonctions. Tous ces malheureux devront-ils renoncer à obtenir la
naturalisation, parce qu’ils ne pourront payer un droit de 500 francs ?
Il
y a d’ailleurs dans le projet de la section centrale une contradiction
palpable. La grande naturalisation est certes beaucoup plus importante que la
naturalisation ordinaire, et cependant la section centrale consent à faire une
exception pour la première, alors qu’elle la refuse pour la seconde !
La
fixation d’un droit uniforme constitue une injustice. Je l’ai dit en commençant
; je le dis en terminant : une gradation est indispensable, d’après les
ressources de ceux à qui la naturalisation est accordée.
Ce
n’est pas à moi à indiquer au gouvernement les moyens d’être juste. Cependant
je lui indiquerai un premier moyen qui consisterait à prendre pour base les
contributions personnelle et foncière que paie l’étranger qui demande ; M. le
ministre pourra en trouver d’autres.
M.
David. - Et
pour ceux qui ne paient pas de contributions ?
M.
Verhaegen. - Eh bien, ils seront exempts de tout droit.
Un
étranger est venu en Belgique ; il a fait un très bon mariage. Ce mariage lui a
donné 50,000 francs de rentes ; il a des enfants, il est établi dans le pays
depuis plusieurs années. Il est dans les conditions de la loi ; il demande la
naturalisation ; il l’obtient en payant 100 francs. Un autre étranger est venu
dans le pays ; il a fait un mariage très ordinaire. Sa femme n’a rien. Il n’a
rien non plus ; à force de soins et de travail, il est parvenu à créer un petit
commerce qui lui permet d’élever ses enfants ;
il devra payer 500 francs s’il veut jouir de la faveur de la
naturalisation, et sera mis sur la même ligne, quant au droit d’enregistrement,
que celui qui a 50,000 francs de rente.
Quand un pauvre est obligé de faire enregistrer un acte dont
il a besoin en justice, il jouit du pro Deo : pourquoi n’en jouirait-il pas
quand il s’agit de naturalisation ? La chambre a toujours le moyen d’écarter la
demande même, s’il n’y a pas de motifs suffisants pour l’accueillir.
Je
soumets ces observations à M. le ministre des finances et à la chambre. Quant à
moi, je ne prendrai pas l’initiative ; il me suffit d’avoir signalé l’injustice
qui domine dans le projet, pour que je ne puisse pas y donner mon assentiment.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - Les observations que
vient de faire l’honorable préopinant n’avaient pas échappé au gouvernement.
Nous savons très bien qu’il serait désirable de pouvoir établir un droit
gradué, s’il était possible d’appliquer ce droit d’après les facultés de ceux
qui obtiendraient des lettres de naturalisation. Mais c’est précisément parce
que le gouvernement a reconnu qu’il était impossible d’asseoir sur des bases
rationnelles un pareil droit gradué, qu’il y a renoncé.
L’honorable
membre nous dit qu’il ne lui appartient pas d’indiquer le mode à employer pour
arriver au résultat qu’il désire. Mais là est toute la difficulté. Nous sommes
bien d’accord en principe avec lui ; mais nous ne trouvons aucun moyen propre à
en faire une juste application.
Beaucoup
d’étrangers qui s’établissent dans le pays, quoiqu’ayant certaine fortune, ne
paient aucun impôt. Ils n’ont pas, en général, de propriétés foncières ;
souvent même ils ne sont pas soumis à la contribution personnelle. C’est le
grand nombre. Si l’on voulait jeter les yeux sur les demandes de naturalisation
qui ont été soumises à la chambre depuis plusieurs années et si l’on faisait
quelques recherches, on verrait que la plupart de ceux qui ont formé ces
demandes ne sont pas soumis à des contributions dans notre pays. Cette base
nous manquerait donc, nous nous sommes demandé s’il était possible de livrer à
l’appréciation de la chambre les titres qu’auraient ceux qui demandent la
naturalisation, à être exempts du droit ou à n’en acquitter que telle ou telle
fraction. Mais nous avons pensé qu’une délibération sur un tel sujet dans la
chambre ne pouvait être convenable. Il a donc fallu renoncer à cette idée ; et
de la est venue la nécessité de proposer un droit fixe.
L’honorable
préopinant prétend que l’octroi des lettres de naturalisation n’est pas une
faveur, et qu’elle peut être dans certains cas un droit. Je ne puis être
d’accord sur ce point avec l’honorable membre. Lorsque nous voulons bien
accorder à un étranger les prérogatives de citoyen belge, il est certain que
nous accordons par là une faveur, et que nous ne pouvons reconnaître à qui que
ce soit le droit de faire partie de la société belge. Si ce droit pouvait
exister, il serait déterminé dans la loi. Or, la loi ne prévoit aucun cas où un
étranger doive être nécessairement considéré comme Belge.
L’honorable
membre nous fait encore cette observation qu’il y a contradiction à exempter de
tout droit les grandes naturalisations, alors que nous soumettons les petites
naturalisations à un droit d’enregistrement. En cela la section centrale se
rapproche plus que le gouvernement des idées de l’honorable membre.
Le gouvernement a pensé que la grande naturalisation ne
devait être soumise à aucun droit, parce qu’en règle générale elle ne s’accorde
que pour des services éminents rendus à l’Etat Or, il s’agit là d’un acte de
gratitude nationale, Je ne dirai pas que ceux qui rendent des services éminents
à l’Etat ont droit à la naturalisation ; mais je dirai que de la part du
gouvernement belge leur octroi est un acte de reconnaissance vis-à-vis de ceux
qui ont rendu des services éminents au pays, et dès lors je pense qu’il serait
peu rationnel d’exiger un droit en raison d’un tel acte.
En
règle générale donc, il me paraît qu’on ne peut pas exiger un droit
d’enregistrement sur les grandes naturalisations Quant aux deux cas
exceptionnels dont il est fait mention dans le rapport de la section centrale,
c’est-à-dire, en ce qui concerne les Belges qui auront pris du service en pays
étranger sans l’autorisation du Roi, et ceux qui auraient négligé de remplir
les formalités prescrites par l’art. 9 du code civil, peut-être y aurait-il
lieu à discussion. Mais ces cas sont tellement exceptionnels, ils se
reproduiront si rarement, qu’en vérité, je ne pense pas qu’ils doivent être
prévus dans la loi et c’est par ce motif que nous n’avons proposé aucun droit
sur les grandes naturalisations, même dans ces cas d’exception.
M.
Dumortier. -
M. le ministre vient de vous présenter une partie des observations que je
voulais faire à la chambre. Je pense, comme lui, que la naturalisation ne
constitue pas un droit, que c’est une faveur que l’on accorde à l’étranger que
l’on admet dans la famille belge. Je suis d’ailleurs aussi de cette opinion,
que si l’on examinait la position de la plupart des personnes qui demandent la
naturalisation, on verrait que presque toutes ne paient aucun impôt au trésor,
et ne demandent la naturalisation que pour occuper des emploi dont les Belges
se trouveraient fort bien.
Je
pense que nous nous montrons beaucoup trop larges dans la collation des listes
de naturalisation, Je doute fort qu’aucun gouvernement, quel qu’il soit, n’ait
accordé autant depuis cinq ans que les chambres belges. Je pense que si un
gouvernement voulait accorder autant de lettres de naturalisation, il
encourrait une très grande censure de la part de l’assemblée des représentants
de la nation.
Sous
ce point de vue, vous comprenez que je suis favorable au projet. J’y suis aussi
favorable sous le point de vue du droit, car je trouve juste que la faveur
accordée par la naturalisation engendre avec elle la nécessite d’un impôt
quelconque. Dans tous les gouvernements il y a un droit de sceau pour les
naturalisations ; c’est ainsi que, sous le gouvernement des Pays-Bas, ce droit
s’élevait jusqu’à 1,200 francs.
Messieurs,
je reconnais qu’il y a dans les objections de l’honorable M. Verhaegen quelque
chose de fondé et qu’il serait à désirer que l’on pût graduer le droit suivant
la position des individus. Je doute fort que le moyen indiqué par notre
honorable collègue soit exécutable dans la pratique ; mais j’avoue qu’il serait
à désirer qu’on pût nous en présenter un qui fût praticable.
Messieurs, je maintiens qu’il faut établir un droit
d’enregistrement, d’abord pour obtenir quelques revenus en faveur du trésor, en
second lieu pour écarter une foule de demandes. Car aujourd’hui que coûte le
naturalisation ? Elle coûte la peine d’adresser une pétition à la chambre sur
un papier de 25 centimes, et cette naturalisation amène souvent avec elle une
position pécuniaire profitable. Car il est certain que la plupart des personnes
qui ont obtenu la naturalisation depuis 1830, ne l’ont demandé que pour occuper
des emplois que des Belges auraient fort bien pu remplir.
Vous
voyez donc que je suis favorable au projet. Mais, je le répète, si l’on pouvait
trouver un moyen de graduer le chiffre selon les positions, je voterais pour
l’amendement qui est proposé.
M.
Pirmez. -
Lorsque vous considérez les contrées qui nous environnent, vous remarquez
qu’elles éprouvent toutes une très grande difficulté à donner la subsistance à
leurs populations. Il y a longtemps que, dans tous ces pays, on a établi des
impôts sur les naturalisations, expressément pour écarter ceux qui voudraient
venir augmenter ces difficultés.
On
a donc demandé à ceux qui désiraient avoir la naturalisation une garantie, et,
cette garantie, c’est la fortune. Vous pouvez conclure que celui qui ne peut
payer une certaine somme à l’Etat (et je trouve que celle que l’on propose n’est
pas assez élevée), prouve par là qu’il devient une charge et non un avantage
pour le pays, et c’est pour cela qu’on doit le repousser.
On
a dit qu’il fallait établir un impôt gradué ; mais si on établissait un droit
gradué, ce devrait être plutôt dans un sens inverse à celui indiqué par
l’honorable M. Verhaegen. Ainsi, s’il se présente en Belgique un étranger qui a
une fortune de 100,000 fr. et qui vient la dépenser dans ce pays, évidemment
cet homme ne sera pas une charge ; au contraire il partagera son revenu avec
une foule de Belges.
Si, au contraire, l’homme qui se présente ne possède
absolument rien, évidemment il vient prendre une part de la richesse des autres
Belges.
Je
ne puis donc admettre le système de l’honorable M. Verhaegen.
On
a parlé de personnes qui auraient déjà un emploi et qui ne pourraient payer les
droits d’enregistrement ; on a cité les gardes champêtres, les douaniers.
Peut-être que, pour ceux qui ont une position acquise, on pourrait faire une
exception. C’est à M. le ministre des finances à s’en expliquer. Mais pour
l’avenir je ne voudrais pas de cette exception. Les droits d’enregistrement sur
les naturalisations sont faits pour garantir les régnicoles contre les
étrangers qui viendraient occuper des positions à leur détriment.
M.
Verhaegen. - Messieurs, je ne puis pas admettre les principes d’économie sociale
que vient de professer l’honorable M. Pirmez. La richesse d’un pays ne consiste
pas seulement dans ses capitaux ; elle consiste aussi dans son industrie et
dans son travail. un homme qui n’a pas de revenus, mais qui a une industrie,
qui a un travail, peut être tout aussi utile à un pays que celui qui y apporte
des capitaux. Ainsi un étranger a une invention ; il vient mettre à exécution
le fruit de ses méditations de plusieurs années ; il obtient du succès. Cet
homme est utile au pays. Dès lors, n’est-il pas dans les conditions voulues
pour obtenir la naturalisation, bien qu’il n’ait pas de capitaux ? Son travail,
son industrie, n’augmentent-ils pas la richesse nationale ? Et parce qu’il ne
peut payer une somme de 500 fr. vous lui refuserez une faveur que vous
accorderez au riche !
Messieurs,
il ne faut pas équivoquer sur les mots. Je n’ai pas prétendu qu’un étranger pût
avoir des droits à la naturalisation, dans la signification absolue de ce mot.
J’ai dit que ce n’était pas une simple faveur que la naturalisation ; j’ai
ajoute que la loi fixe des conditions pour son obtention, et que lorsqu’un
étranger se trouve dans ces conditions, il peut à juste titre réclamer la
faveur qu’elle lui accorde.
D’ailleurs,
messieurs, prenez-y garde, si la naturalisation est une faveur, et si vous la
frappez d’un droit d’enregistrement de trois ou de cinq cents francs, ne
craignez-vous pas qu’on dise à l’étranger que vous vendez vos faveurs ?
Le
mot faveur n’est pas plus propre que le mot droit ; il y a quelque chose de
l’un et de l’autre, et c’est dans ce sens que j’ai voulu m’expliquer.
M.
le ministre des finances avoue que nos observations sont fondées, mais il prétend
qu’il n’y a pas de moyen d’établir une gradation ; dans ce cas, l’impôt ne vaut
rien. Chaque fois qu’on ne pourra pas être juste dans la répartition d’un
impôt, je dis qu’il sera mauvais. Je reste d’accord avec mes principes. Dans la
discussion du budget des voies et moyens, j’ai attaqué tous les impôts de
consommation, parce qu’ils frappent le pauvre comme le riche.
Mais
je n’admets pas qu’il n’y ait pas moyen de graduer ce droit d’enregistrement.
Je vous en ai indiqué un. On y trouve des inconvénients. On dit que la plupart
des étrangers arrivent dans le pays sans fortune, sans ressources, et qu’ils ne
demandent la naturalisation que pour venir occuper des places que des Belges
pourraient remplir. Ce sont là des idées assez rétrécies, et je ne sais pas si,
lorsqu’un homme remplit les conditions voulues pour obtenir la naturalisation,
on doit descendre à ces considérations ; mais je répondrai à M. le ministre des
finances, qui m’a fait cette objection, que toujours la législature pourra
apprécier la position des réclamants et les conditions dans lesquelles ils se
trouvent, si un étranger arrive en Belgique, ne possédant aucun bien, et si
l’on trouve qu’il n’y pas intérêt pour le pays à lui accorder la
naturalisation, la législature ne peut-elle pas la lui refuser ? Si, au
contraire, comme je le supposais tantôt, un homme qui n’a pas de capitaux, mais
qui a une industrie utile au pays, vient en Belgique, s’y marie, y a des
enfants, s’il a enfin toutes les conditions qu’il faut pour être naturalisé, ne
regretterez-vous pas d’avoir imposé l’acte de naturalisation d’un droit de 500
fr, qu’il ne pourra payer ? Mais il vaudrait mieux aller droit au but, et dire
que tous ceux qui sont sans fortune ne pourront obtenir de lettres de
naturalisation.
Mais
on vous disait tantôt qu’il y avait un moyen d’établir une gradation dans le
droit d’enregistrement ; et, en effet, indépendamment du moyen que j’ai
indiqué, je trouve qu’il en est un autre.
Vous
le savez, ceux qui veulent se faire remplacer dans la milice doivent payer un
droit quelconque à l’Etat, d’après leurs ressources présumées. Or, qui fixe la
hauteur de ces ressources présumées ? C’est la députation permanente. Pourquoi
ne ferait-on pas pour les lettres de naturalisation ce qui est en pratique pour
les remplacements ?
Il est un troisième moyen, et peut-être le préférerez-vous
aux deux autres. La section centrale vous l’indique, et, si elle veut être
d’accord avec ses prémisses, elle l’adoptera. Elle a fait une exception pour la
grande naturalisation ; la législature peut exempter du droit d’enregistrement
ceux à qui elle accorde la grande naturalisation. Je sais que M. le ministre ne
veut pas de cette exception ; je n’ai pas à m’occuper de ce point, c’est une
affaire à régler entre la section centrale et le gouvernement. Quant à moi, je
trouve qu’on ne ferait pas mal d’établir aussi un droit d’enregistrement sur
les grandes naturalisations, sauf à rester dans de justes limites.
Mais
si la section centrale admet ce principe, pourquoi ne pas lui donner plus
d’extension ? La législature peut établir une exception quand il s’agit de
grande naturalisation ; pourquoi ne pas lui accorder le même droit lorsqu’il
s’agit de petite naturalisation ?
On
peut choisir entre ces deux moyens. Mais conserver le principe consacré par le
projet, serait une injustice contre laquelle je devrais protester par mon vote.
M.
Rodenbach. - Messieurs, si nous comparons le nombre de lettres de
naturalisation que l’on accorde en Belgique, au nombre de celles qu’on accorde
dans d’autres pays, nous devrons reconnaître que, depuis quatre ou cinq ans,
nous en avons accordé plus que tous les autres pays de l’Europe réunis. En
France, messieurs, je pense que, depuis la révolution, c’est-à-dire depuis
treize ans, on n’a accordé que trois fois la naturalisation ; et ici,
messieurs, à chaque instant nous devons nous occuper de naturalisations ; cela
nous prend un temps précieux ; il n’y a pas longtemps que nous nous occupions pendant
des séances entières de naturalisations.
Messieurs,
depuis deux ou trois ans je provoque la loi dont nous nous occupons enfin. Et
je vous l’ai dit en maintes circonstances, la plupart de ceux qui vous
demandent la naturalisation, ne sont guidés que par des motifs d’intérêts ; ce
sont des étrangers qui, sachant qu’on parle en Belgique la même langue qu’en
France, y viennent dans l’expectative d’occuper un emploi.
L’honorable
préopinant vous a dit que c’était un impôt que nous établissions sur les naturalisations.
Je ne crois pas que ce soit un impôt ; c’est un droit d’enregistrement que l’on
fait payer à ceux qui veulent obtenir cette faveur.
Il
vous a dit aussi qu’un industriel qui apporte une invention dans le pays,
devait avoir le droit d’entrer gratuitement dans la famille belge. Mais je lui
répondrai que si la loi ne donne pas des droits électoraux aux étrangers qui
viennent exploiter une industrie dans le pays, elle leur accorde protection.
Je
sais bien qu’en matière de commerce, lorsqu’il s’agit d’un étranger, on obtient
des tribunaux le droit de l’incarcérer sans jugement ; mais on n’agit ainsi
qu’envers les hommes de mauvaise foi. Un homme probe qui vient exercer sa
profession en Belgique, n’est jamais contrarié. Il peut donner à son industrie tous les développements possibles : il n’a pas besoin
pour cela d’obtenir des lettres de naturalisation. Si son commerce prospère et
s’il désire obtenir la naturalisation, il pourra toujours payer un droit
d’enregistrement de 500 fr. L’homme qui réussit dans son industrie, peut
nécessairement payer une pareille somme. S’il s’agissait de payer plusieurs
milliers de francs, je concevrais l’objection, je ne puis la concevoir
lorsqu’il s’agit d’un droit aussi modique.
On
nous a parlé, messieurs, de gardes champêtres, de douaniers. Mais je suis
certain que les trois quarts de ceux qui sont venus dans le pays lors de la
révolution et qui ont obtenu ces emplois sont naturalisés. Car depuis cinq ans
nous en avons naturalisé un nombre considérable. Je crois que le nombre de ceux
qui ont rendu des services au pays et qui sont dans la misère est très
restreint.
Je
voterai donc pour le projet du gouvernement, c’est-à-dire pour le droit de 500
fr. en ce qui concerne les naturalisations ordinaires et j’admettrai la
proposition de la section centrale en ce qui concerne la grande naturalisation.
M. de Mérode. - Messieurs, j’appuie les observations de
l’honorable M. Rodenbach.
Nous
sommes à côté d’un pays de 30 millions d’hommes qui parlent la même langue que
nous, et nécessairement il y en a parmi eux un grand nombre qui désiraient
occuper des emplois en Belgique. Plusieurs même se sont adressés à moi dans ce
but-là. Il est certain que nous devons veiller à ce qu’un semblable
envahissement n’ait pas lieu.
Lorsqu’un
industriel a introduit dans le pays quelqu’invention qui est vraiment utile, eh
bien, par cela même elle est lucrative, et celui qui exploite cette invention
peut très bien payer 500 fr. ; si, au bout d’un certain nombre d’années, il n’a
pu réunir une somme de 500 francs c’est qu’il aura fait de très mauvaises
affaires, et que son industrie n’a réellement pas d’importance.
Mais il est une classe de personnes pour lesquelles je
demanderai l’exemption du droit, je veux parler des officiers qui sont dans
l’armée, qui ont le droit de conserver leurs grades, et qui, par conséquent,
ont le désir bien naturel d’appartenir au pays qu’ils sont chargés de défendre.
Il serait même très peu convenable qu’il restât dans notre armée un certain
nombre d’officiers n’ayant pont la nationalité belge. Puisqu’ils sont dans les
rangs de l’armée depuis plusieurs années, il est assez raisonnable de leur
accorder la naturalisation, lorsqu’ils la réclament, et de ne pas leur faire
payer un droit. D’ailleurs, c’est une classe limitée.
A
l’égard des grandes naturalisations, je dirai aussi que lorsqu’elles sont
accordées en récompense de services rendus à l’Etat, il n’y a aucune raison de
les frapper d’un droit d’enregistrement quelconque.
M. Malou,
rapporteur. - Messieurs, la loi dit 27 septembre 1835 exige de l’étranger, qui veut
obtenir la naturalisation ordinaire, deux conditions expresses : la majorité et
cinq années de résidence.
A
côté de ces deux conditions légales, je pense qu’il y a eu une condition
tacite, la condition d’une certaine fortune, d’une certaine position ; c’est,
du moins, ce qui a souvent influé sur les décisions qui ont été prises
antérieurement.
Il
faut donc partir de ce point, que les personnes auxquelles il s’agit d’accorder
la naturalisation, ont une certaine position de fortune. Je crois que si l’on
recherchait les précédents, on trouverait infiniment peu de personnes
naturalisées dont la position était telle qu’elles fussent dans l’impossibilité
de payer un droit d’enregistrement pour obtenir la qualité de Belge.
Je
dirai, du reste, que la commission de naturalisation a cru devoir réduire le
droit de 500 francs à 300 francs, précisément pour ne pas placer dans
l’impossibilité d’obtenir la naturalisation ordinaire certains personnes
fortunées qui auraient non pas des droits, parce qu’il n’y a pas de droits en
cette matière, mais des titres réels à faire valoir.
Messieurs,
beaucoup d’avantages sont attachés à la qualité de Belge.
Il
y a d’abord certains droits politiques. Les étrangers sont admis aux élections
communales et aux élections provinciales.
Il
y a d’autres droits en matière d’impôt. C’est ainsi que pour certaines
professions, les étrangers sont soumis à un droit double ; depuis peu de temps
que je suis membre de la commission des naturalisations, j’ai vu plusieurs
demandes motivées très naïvement non pas sur l’amour qu’on portait à
Des
étrangers ont des enfants nés à l’étranger : les lois de leur pays les
soumettent à la milice ou au recrutement ; en se faisant naturaliser en
Belgique, ils évitent cette obligation dans leur pays natal. C’est encore un
motif qui souvent fait demander la naturalisation.
Je
n’ai pas l’intention de rappeler tous les avantages qui peuvent être attachés à
la qualité de Belge, mais certainement, il n’y a rien d’exagéré à imposer à
celui qui veut obtenir cet avantage, un droit de 300 francs.
Notre
pays se distingue non seulement par le nombre des naturalisations qui ont été
accordées, mais aussi par l’exemption de tous droits d’enregistrement.
En
effet, en France tous les actes de faveur, tous les actes que j’appellerai de
juridiction gracieuse, sont imposés. En France, il existe non seulement des
lettres de naturalisation, mais ce qu’on y appelle des lettres de naturalité,
c’est-à-dire qu’on reconnaît la qualité de Français à celui qui l’a perdue ou
dont la qualité est douteuse, et cette reconnaissance est subordonnée au
paiement d’un droit assez élevé, aux termes de la loi du 28 avril 1816.
Un
droit existe également en France pour les dépenses, pour les changements de
nom, pour les lettres de noblesse, pour les autorisations de prendre du service
militaire à l’étranger, pour l’acceptation de fonctions à l’étranger. Ainsi, il
y a un foule d’actes qui, depuis 1816, sont, en quelque sorte, tarifés en
France.
Cependant
je ne sache pas que l’on ait jamais produit dans ce pays l’objection qui a été
formulée tout à l’heure par l’honorable M. Verhaegen ; l’honorable membre
disait que
Voici
les motifs qui ont guidé la section centrale, quant aux grandes naturalisations
:
Elle
aurait voulu qu’on pût dans tous les cas frapper les actes de grande
naturalisation d’un droit, mais elle a reconnu qu’il y avait certaines
circonstances où l’exemption du droit était de l’intérêt du pays lui-même. Il
peut, en effet, se présenter des circonstances où le pays ait plus d’intérêt à
acquérir certains hommes que ces hommes n’auraient intérêt à acquérir
immédiatement la qualité de Belge.
Il
n’y a, du reste, aucune contradiction entre la proposition qui a été faite par
la section centrale pour les naturalisations ordinaires et celle qui nous est
soumise pour les grandes naturalisations. Si on pouvait admettre un impôt
graduel, si l’on nous avait indiqué quelque moyen pratique d’organiser ce
système sous l’empire de nos institutions, je concevrais qu’on l’appliquât aux
naturalisations ordinaires, mais pour les grandes naturalisations, nous n’avons
voulu autre chose que l’exemption absolue, ou le paiement du droit intégral.
Dès
lors, il s’agit de juger si les circonstances sont telles qu’il faille exempter
de l’impôt ; mais jamais en ce qui concerne les grandes naturalisations, la
chambre n’aura à juger qu’une question de position sociale, une question de
fortune pour celui qui se présente. Il y a donc une grande différence entre les
deux cas.
La
grande naturalisation est souvent accordée pour des services éminents, et
lorsque ces services sont reconnus, je conçois qu’on n’exige pas le droit, mais
il est aussi plusieurs circonstances où la grande naturalisation est accordée
et où il me semble qu’il faut maintenir le droit. Ainsi, dans les différents
cas prévus par les art. 2 et 16 de la loi du 27 septembre 1835, il n’existe
aucun motif d’exempter du payement d’un droit ceux qu’on relève de la déchéance
qu’ils ont encourue.
Depuis
que le rapport de la commission est soumis à la chambre il m’est venu un doute
sur le sens de l’art. 1er du projet du gouvernement. Le droit d’enregistrement
est frappé de 30 centimes additionnels.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) Je demande la parole.
M.
Malou, rapporteur. - Je désire savoir si, dans l’opinion du gouvernement, le
droit de 500 fr, d’après son projet, et de 300 fr., suivant le projet de la
commission, serait soumis au paiement des 30 p. c. additionnels.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, l’intention du
gouvernement n’est pas que le droit d’enregistrement des actes de
naturalisation soit soumis au paiement des centimes additionnels ; mais je dois
convenir qu’une disposition expresse dans ce sens doit être ajoutée à l’art.
1er ; c’est ce que je proposerai lorsque nous arriverons à la discussion des
articles.
Je
ferai encore une observation en ce qui concerne les grandes naturalisations. En
règle générale, les lettres de grande naturalisation sont accordées pour
services éminents rendus à l’Etat ; donc, l’exemption du droit pour les lettres
de grande naturalisation, doit être aussi la règle générale.
Il
y a deux cas exceptionnels dont vient de parler l’honorable préopinant. Si pour
ces deux cas ma proposition était faite, à l’effet de soumettre les lettres de
grande naturalisation à un droit d’enregistrement, la question pourrait être
examinée ; mais il me semble que nous ne pouvons pas exiger un droit alors que,
par un sentiment de gratitude nationale, nous conférons des lettres de grande
naturalisation.
Pour
les cas exceptionnels, mon objection consisterait principalement dans cette
considération que ces cas seront excessivement rares, et il est possible qu’il ne s’en présente pas un seul en quatre années. Si
nous examinons ce qui s’est fait depuis 1835, nous ne trouverons peut-être pas
que ces cas se soient présentés plus de deux fois. Par ce motif, je crois qu’il
n’est pas nécessaire de les prévoir dans la loi dont nous nous occupons.
Cependant je ne trouve pas contre l’établissement d’un droit applicable à ces
deux cas la même raison qu’a l’égard des naturalisations accordées pour
services éminents.
Quand
nous en serons à l’art. 1er, je proposerai quelques modifications, dans le sens
des observations de l’honorable comte de Mérode, en faveur de ceux qui occupent
déjà des fonctions publiques, depuis plusieurs années.
La
plupart de ces emplois ont été conférés, depuis notre émancipation politique, à
des hommes qui ont rendu des services à la révolution ; je crois que tous ceux
qui se trouvent dans cette position, ont été placés avant le premier janvier
1834 ; il en reste bien peu qui n’aient pas été récompensés avant cette époque.
Il faudrait donc, si une disposition de cette nature peut être adoptée par la
chambre, fixer une date avec laquelle les personnes dont il s’agit, auront dû obtenir
des emplois du gouvernement.
M.
Rogier. -
Messieurs, j’ai peu de chose à dire sur la loi elle-même. Je crois qu’au point
de vue fiscal elle n’aura que des résultats très insignifiants. Aussi,
aurais-je voulu voir ce principe du droit d’enregistrement spécial étendu à
d’autres faveurs accordées par le gouvernement. Je pense qu’un tel droit
devrait être appliqué à l’octroi de diverses fonctions qui s’accordent gratis
et sont productives pour l’impétrant.
Le
gouvernement accorde gratis des places de notaire, d’avoué, d’huissier, de
greffier, de courtier, d’agent de change, toutes ces fonctions pourraient être
soumises à un droit d’enregistrement, et rapporter beaucoup au trésor.
Ne
serait-il pas juste en principe que tous les octrois, de quelque nature qu’ils
soient, fussent assujettis à des droits particuliers ? Le gouvernement autorise
des sociétés anonymes. Je ne vois pas pourquoi elles ne seraient pas soumises à
un droit d’enregistrement proportionné à leur capital d’établissement. Le
gouvernement accorde des concessions de mines gratis. Pourquoi ne
soumettrait-on pas ces concessions à un droit spécial ? Je ne parle pas de
l’autorisation de porter des décorations étrangères, de l’octroi de titres de
noblesse, etc. Cette dernière base a été indiquée par la section centrale.
Je
ne sais si le gouvernement croira devoir faire une proposition en conséquence,
mais, s’il s’y décide, je demanderai qu’il étende à d’autres objets encore le
droit d’enregistrement. Au lieu d’une loi insignifiante, nous aurions alors une
loi sérieuse et des produits importants.
Ce
serait ainsi l’occasion de se prononcer sur la pétition des médecins qui ont
demandé à être placés, sous le rapport de la patente, sur la même ligne que les avocats. Faut-il, en effet, mettre ces deux professions
sur la même ligne ? Faut-il supprimer la patente des médecins ou l’étendre aux
avocats ? Je ne me prononce pas en ce moment sur la question ; je demande qu’on
l’examine.
M. le président. - M de Mérode vient de
déposer un amendement ainsi conçu :
« Sont
exempts du droit d’enregistrement pour la naturalisation ordinaire les
officiers et sous-officiers de l’armée qui n’ont pas encore la qualité de Belge
et qui demandent qu’elle leur soit accordée. »
Cet amendement a été développé.
-
Il est appuyé.
M. le président. - M. Delfosse a déposé un
amendement ainsi conçu ;
« La
présente loi ne sera pas applicable à ceux dont la demande est déjà prise en
considération. »
M.
Delfosse. - Si
la loi était adoptée telle qu’elle a été présentée, elle serait applicable non
seulement à ceux qui auront fourni toutes les pièces à l’appui de leur demande
en naturalisation, mais à ceux dont la demande a été prise en considération. Ce
ne serait pas un effet rétroactif, car il n’y a pas de droits acquis. Il est
nécessaire d’introduire un amendement dans la loi pour qu’elle ne leur soit pas
applicable. Il serait dur pour eux de se la voir appliquer, quand ils ont, non
pas un droit acquis, mais un vote acquis des deux chambres.
La
plupart ont adressé leur demande depuis très longtemps, même avant d’autres qui
sont déjà naturalisés. Si pour ceux dont la demande est ancienne, la loi n’est
pas encore votée, c’est que le rapporteur chargé de l’examen a mis plus de
temps à faire son rapport que d’autres rapporteurs. Si mon amendement
n’était pas adopté, ils seraient victimes du retard, je ne dis pas de la
négligence du rapporteur qui était probablement occupé de choses plus importantes.
Celui dont le rapport aurait été fait au bout de six mois ne paierait pas le
droit et celui dont le rapport aurait été fait au bout d’un an le paierait.
Il
y aurait là quelque chose qui ne serait pas juste. Vous savez que la prise en
considération est l’épreuve la plus difficile, car il n’y a pas d’exemple
qu’une demande en naturalisation admise au vote secret, soit rejetée au vote à
haute voix. Je pense en avoir dit assez pour justifier mon amendement.
-
L’amendement est appuyé.
M.
Fallon. - Dans
le projet de loi sur les naturalisations qui fut voté en 1835, le gouvernement
avait proposé d’imposer les lettres de naturalisation à un droit assez élevé.
J’ai combattu cette proposition qui donna lieu à une très longue discussion et
fut rejetée.
Je
ne vous rappellerai pas les considérations sur lesquelles j’appuyai mon opinion
à cette époque. Je me bornerai à en rappeler une. J’ai exprimé la crainte que
la loi ne prît un caractère fiscal, qu’on ne s’en servît pour battre monnaie,
en accordant sans distinction la naturalisation à toute personne qui la
demanderait.
J’ai été trompé dans mon attente, car il eût été impossible
d’abuser plus qu’on ne l’a fait des faveurs de la loi. Eclairé par
l’expérience, je reviendrai à l’idée de frapper d’un droit d’enregistrement les
lettres de naturalisation. Je serai donc favorable au projet en ce qui regarde
les naturalisations ordinaires, non dans un but fiscal, parce que la loi que
nous faisons viendra difficilement au secours du budget, son produit ne pouvant
pas être de plus de 10 à 15 mille fr. par année ; mais pour aller au devant de
l’abus qui a été signalé à suffisance.
M. Jadot. - Je ne crois pas que la loi que nous allons voter puisse
déroger en rien à l’art. 16 de la loi du 25 septembre 1835, qui autorise la
législature à accorder la grande naturalisation aux étrangers qui
justifieraient que c’est pour des causes indépendantes de leur volonté qu’ils
n’ont pas fait la déclaration prescrite par l’article 135 de la constitution ;
et quant au droit qui pourrait être imposé, j’aime à croire que, dans le cas
dont je viens de parler, il ne pourra en être exigé.
M.
Rodenbach. - Lorsque j’ai demandé la parole c’était pour faire
remarquer le nombre immense d’individus qui demandent la naturalisation. J’ai
fait regarder à combien s’élevait, depuis 1830, nombre de naturalisations
accordées. J’ai voulu m’assurer aussi si le plus grand nombre n’avait pas pour
but de demander des emplois au détriment des Belges. Eh bien, messieurs, il y a
environ mille individus demandant la naturalisation, et sur ces mille, 900
occupent des emplois publics. Il n’y en a qu’un dixième qui n’occupe pas de
fonctions publiques.
Je
sais que parmi eux il y a des hommes qui ont rendu de grands services à la
nationalité belge. Mais ces neuf cents ne sont pas tous dans ce cas, la plupart
sont des gens qui, plus adroits que les Belges, savent s’insinuer et capter la
faveur des hommes du pouvoir. Ils sont venus pour exploiter les places du pays.
Je persiste donc dans l’opinion qu’il faut faire payer un droit de
naturalisation.
M. d’Hoffschmidt. - Je viens appuyer l’amendement
de l’honorable M. de Mérode en faveur des officiers et sous-officiers. Je crois
qu’il y a une différence entre les demandes en naturalisation de cette
catégorie et les autres. Quand ces officiers et sous-officiers ont été admis à
faire partie de l’armée, il s’est établi une espèce de rapport intime entre eux
et l’Etat belge, ils sont en quelque sorte entrés dans la famille belge, ils
ont pu rendre de nombreux services dans cette position. Je ne pense pas qu’on
puisse les mettre sur la même ligne que les autres personnes qui viennent dans
le pays et demandent à être admis comme Belges. Ces officiers peuvent être sans
fortune, n’être pas à même de payer le droit que vous imposez à la
naturalisation, mais avoir des capacités de nature à être fort utiles dans
l’armée.
Vous n’avez pas à craindre l’abus de cette exemption, car la
législature sera toujours appelée à apprécier les titres de celui qui demandera
la naturalisation. Si l’officier étranger ne présente pas de garanties de
capacité ou de services, la chambre sera toujours libre de ne pas admettre sa
demande, mais si l’officier étranger qui est dans l’armée depuis longtemps a
rendu des services, a du mérite, de la capacité, il y aurait injustice à ne pas
lui donner la naturalisation, parce qu’il n’aurait pas de fortune, parce qu’il
ne pourrait pas payer le droit de 500 fr. Il serait dans une position
déplorable, il serait privé de toute chance d’avancement et ne pourrait pas
quitter l’armée belge pour entrer dans l’armée de son pays, car il n’y serait
pas admis. J’appuie donc de tout mon pouvoir l’amendement de M. le comte de
Mérode.
M.
Lys. - Je
viens aussi appuyer l’amendement de M. de Mérode, mais je voudrais que cet
amendement s’étendît à d’autres personnes que je crois mériter la même faveur.
On vous l’a déjà fait remarquer, il y a des petits employés, tels que des
gardes champêtres, des employés des douanes, qui ne sont pas encore naturalisés
et qui n’auraient pas le moyen de payer le droit d’enregistrement que vous avez
fixé. Je voudrais donc étendre l’amendement de l’honorable M. de Mérode à tous
les fonctionnaires et employés de l’Etat, des provinces et des communes au
moment de la promulgation de la loi. Mais je voudrais seulement établir la
faculté de les exempter du droit d’enregistrement. Il dépendra de la
législature de les exempter quand elle les admettra à la naturalisation. Voila
l’amendement que je propose en appuyant celui de M. de Mérode.
Il est plus que temps que nous fassions une loi sur les
naturalisations pour conserver nos places à nos régnicoles et ne plus les
laisser enlever par les étrangers.
M. le président. - L’amendement présenté
par M. le ministre des finances, comme paragraphe additionnel à l’art. 1er, est
ainsi conçu :
« Les
lettres de naturalisation, accordées à des étrangers qui, au premier janvier
1834, occupaient des emplois publics, ne seront pas soumises à un droit
d’enregistrement. »
Plusieurs membres. - Pourquoi cette date du
premier janvier ?
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - Nous n’avons voulu
accorder l’exemption qu’à raison des services rendus à la cause nationale par
ceux qui occupent des fonctions publiques ; or, tous ceux qui ont rendu des
services à la cause nationale ont été places avant le 1er janvier 1834 ; c’est
pour cela que nous avons cru devoir fixer cette époque.
M.
Malou, rapporteur. - Il y a, dans la constitution un article que je me
permettrai de rappeler ; il porte :
« Art.
6. Il n’y a dans l’Etat aucune distinction d’ordres. Les Belges sont égaux
devant la loi ; seuls ils sont admissibles aux emplois civile et militaire,
sauf les exceptions qui peuvent être établies par une loi, pour des cas
particuliers. »
Maintenant
de quelles exceptions nous préoccupons-nous ? Nous voulons accorder une faveur
nouvelle à ceux à qui, abusivement, depuis un grand nombre d’années, il est
accordé une faveur ; car il est évident que, d’après cet article de la
constitution, aucun étranger ne devrait être fonctionnaire public.
Je
ne place pas les officiers dans la même catégorie que les autres
fonctionnaires. Une loi a autorisé l’admission des officiers au service du pays
; pour être maintenus, ils doivent obtenir la qualité de Belge. Je me rallie
donc très volontiers à l’amendement de l’honorable M. de Mérode. Mais je ne
puis admettre aucun autre amendement, qui tendrait à accorder une faveur
nouvelle à ceux qui abusivement ont obtenu des emplois.
L’honorable
M. Delfosse propose de ne pas appliquer la loi à ceux dont la demande est déjà
prise en considération. Je crois que, pour cette loi nous devons rester dans
les principes généraux, que nous ne devons admettre ni une disposition qui soit
rétroactive, ni une disposition qui suspendrait en quelque sorte pour l’avenir
les effets de la loi. Du moment qu’une loi de naturalisation n’est pas votée,
il n’y a pas de droit acquis. Les personnes qui ont demandé la naturalisation,
avant la loi qui nous occupe pourront ne pas payer de droit ; mais elles
n’obtiendront pas la naturalisation ; il leur sera libre d’y renoncer. Mais il
ne faut pas que l’effet de la loi soit momentanément suspendu pour l’avenir.
-
La discussion générale est close.
La
chambre passe à la discussion des articles.
Discussion des articles
« Art.
1er. (projet du gouvernement.) Les actes de naturalisation ordinaire, concédés
conformément à la loi du 25 septembre 1835, sont soumis à la formalité et à un
droit d’enregistrement de cinq cents francs. »
« Art.
1er. (Projet de la commission). Il sera perçu un droit fixe d’enregistrement de
300 fr. sur les actes de naturalisation ordinaire.
«
Sauf les exceptions qui pourront être admises par des lois spéciales, il sera
perçu, sur les actes de grande naturalisation, un droit fixe d’enregistrement
de 1,000 fr. »
-
Le chiffre de 500 francs est d’abord mis aux voix ; il est adopté. L’article du
projet du gouvernement est mis aux voix et adopté. Le 2ème § du projet de la
commission est mis aux voix et adopté.
La chambre consultée donne la priorité à l’amendement de M.
de Mérode.
M. de Mérode. - Ma proposition est tout autre que celle de
l’honorable M. Lys. Je demande une faveur pour les officiers et sous-officiers,
par la raison qu’a indiquée l’honorable rapporteur c’est qu’une loi a engagé
les hommes, en état de porter les armes, à demander du service en Belgique.
Ceux qui ont répondu à cet appel, ont droit à une faveur, à laquelle n’ont pas
droit ceux qui sont venus en Belgique dans un intérêt particulier.
M. Lys. - Mon amendement n’est pas aussi large qu’il paraît à la
première vue ; en effet il porte seulement que la dispense du droit pourra être
accordée, tandis que l’amendement du ministre accorde l’exemption.
M. Dumortier. - Dans l’amendement de M.
de Mérode, il faudrait dire « actuellement en fonctions. »
M. de Mérode. - Personne ne peut plus être admis dans l’armée,
fût-ce comme soldat, s’il n’a la qualité de Belge. Pour qu’il en fût autrement,
il faudrait une loi spéciale. Ainsi mon amendement ne peut s’appliquer qu’à
ceux qu font maintenant partie de l’armée ?
M.
Malou, rapporteur. - Lorsque j’ai appuyé l’amendement de l’honorable M. de
Mérode, je le considérais comme n’exemptant du droit que les officiers et
sous-officiers, qui sont actuellement au service de
Je ne me suis pas expliqué sur la rédaction, il est
impossible d’en bien saisir la portée à une première lecture. C’est pour cela
qu’il y a un deuxième vote. Si le principe est adopté, au deuxième vote, nous
coordonnerons l’amendement avec les autres dispositions de loi ; il ne serait
adopté que sauf rédaction.
M. de Mérode. - C’est comme cela que je l’entends.
M.
de Villegas. - Avant de donner mon assentiment à la proposition de
l’honorable comte de Mérode, j’ai besoin d’une explication : Entre-t-il dans la
pensée de l’honorable auteur de l’amendement que l’exemption de l’impôt ne soit
accordée qu’aux sous-officiers et officiers ? Il me semble qu’il faudrait
étendre cette exemption à tous les militaires en activité de service.
M. de Mérode. - C’est ainsi que je l’entends. Je propose de
substituer les mots « militaires en activité de service », à ceux :
« officiers et sous-officiers de l’armée ».
M.
Rogier. - Il
me paraît qu’il faudrait supprimer les mots « qui demandent qu’elle leur
soit accordée. »
M. de Mérode. - Je consens à cette suppression.
M. le président. - L’amendement de M. de
Mérode serait donc ainsi rédigé :
«
Seront exempts du droits d’enregistrement pour la naturalisation ordinaire, les
militaires en activité de service qui n’ont pas encore la qualité de
Belge. »
- Cet amendement est mis aux voix ; il est adopté.
M. le président. - Je vais mettre
maintenant aux voix l’amendement de M. le ministre des finances.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - Je crois que l’amendement
de l’honorable M. Lys doit être mis aux voix avant le mien, parce qu’il est
d’une application générale.
Je
dirai deux mots en réponse à certaines observations de M. le rapporteur. Il
vous a dit que des étrangers ne pouvaient occuper des fonctions publiques ;
mais malheureusement le fait est qu’il se trouve un assez grand nombre d’étrangers
qui sont investis de fonctions en Belgique, bien qu’ils ne soient pas
naturalisés.
J’ai eu en vue, en fixant une date dans mon amendement, ceux
qui avaient rendu des services à la cause nationale ; j’ai cru que, pour
ceux-là, il y avait des motifs de faire une exception. La plupart d’entre eux
sont d’ailleurs en sollicitation pour obtenir des lettres de naturalisation ;
d’autres peuvent avoir négligé de remplir cette formalité. On considérerait
sans doute comme chose très rigoureuse de les révoquer de leurs fonctions,
après que le gouvernement les aurait tolérés depuis si longtemps, et ce par le
motif qu’ils ne seraient pas en état d’acquitter le droit d’enregistrement.
M.
Malou, rapporteur. - Messieurs, je n’ignorais pas que le fait était contraire
au droit ; mais les observations que j’ai faites tout à l’heure étaient conçues
en ce sens que s’il y avait eu un fait contraire au droit, on ne pouvait en
argumenter pour accorder une faveur nouvelle. Cet argument me paraît subsister.
Certains fonctionnaires, dit-on, ont rendu des services au pays. Tous les
fonctionnaires ont rendu des services au pays, ils en rendent tous les jours.
Mais de ce que l’on a accordé des fonctions à un étranger, il ne résulte pas
qu’il faille l’exempter du droit d’enregistrement. Il ne sera pas nécessaire de
le révoquer, il sera seulement nécessaire pour un étranger, qui, contrairement
au texte formel de la constitution, occupe un emploi en Belgique, d’acquitter
un droit d’enregistrement pour obtenir la naturalisation. Il n’y a rien là
d’injuste ; ce sera même une faveur plus grande pour lui, puisqu’il est déjà
nanti, tandis que très souvent d’autres demandent la naturalisation pour se
nantir.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - Je dois ajouter que j’ai
surtout en en vue les étrangers qui avaient des emplois subalternes, et c’est
le plus grand nombre. La plupart de ceux auxquels s’appliqueraient mon
amendement, se trouvent dans une position telle, qu’il leur serait très difficile
de supporter le droit d’enregistrement établi par la loi.
M.
le président. - Je vais mettre aux voix l’amendement de M. Lys.
M.
Dumortier. -
Je désirerais, avant de voter sur l’amendement de M. Lys, qu’on nous expliquât
comment il s’exécutera. Quant à moi, je ne le conçois pas. Sera-ce la chambre
qui examinera les moyens de fortune de chaque individu ? Mais cela est
impraticable. Et si la chambre ne se livre pas à cet examen, comment voulez-vous
que l’on décide s’il y aura une réduction sur les droits d’enregistrement ?
M.
Lys. -
J’ai surtout eu en vue, dans mon amendement, les personnes qui occupent de
petits emplois. Ainsi vous avez des gardes champêtres qui ne gagnent que 100 à
150 fr., des employés de douane qui ont un traitement de 5 à 600 fr. Evidemment
ces employés sont dans l’impossibilité de payer un droit d’enregistrement de
500 francs. Vous allez donc les obliger à abandonner leurs fonctions.
Je
laisse à la chambre le soin de juger à chaque demande en naturalisation, s’il
faut accorder l’exemption. On n’examinera pas la fortune des personnes, mais le
rang, les fonctions qu’elles occupent. Je ne vois pas qu’une pareille
proposition ne puisse être exécutée et je suis d’autant plus surpris d’entendre
un honorable membre en faire la critique puisqu’il s’intéressait aussi aux
employés qui jouissaient de petits traitements.
- L’amendement de M. Lys est mis aux voix ; il n’est pas
adopté.
M.
le président. - Il reste à mettre aux voix l’amendement de M. le ministre des
finances.
M.
Dumortier. -
Il me semble que l’amendement de M. le ministre des finances renverse toute la
loi. Cet amendement aurait dû nous être présenté en même temps que le projet ;
de cette manière on aurait pu l’examiner. Mais il me paraît évident que si vous
exemptez du droit tous ceux qui exercent des fondions publiques, il n’y a plus
rien, la loi n’existe plus.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - Je pense que l’honorable
M. Dumortier n’a pas bien compris mon amendement. Comment, parce qu’une
exception serait faite en faveur d’une catégorie d’individus, exception limitée
à ceux qui occupaient des emplois avant le 1er janvier 1834, la loi ne recevra
pas d’exécution ? Ce ne peut être là qu’un malentendu.
Je
ne vois pas en quoi cette disposition touche au principe de la loi.
Cette
loi est surtout faite pour l’avenir ; elle peut avoir égard à la position
exceptionnelle de quelques individus qui, je le répète, ont la plupart rendu
des services à la révolution.
Beaucoup
d’entre eux sont de simples préposés de douanes. Ils ont continué à exercer
leurs fonctions au vu et au su de tout le monde, quoique n’étant pas
naturalisés. Or, on sait que ces employés subalternes se trouveraient dans
l’impossibilité de payer un droit quelconque.
On nous dira peut-être : Laissez-les dans la position où ils
sont et n’exigez pas la naturalisation. Mais déjà plusieurs fois des
interpellations ont été adressées au gouvernement sur ce point.
Il
faudra bien que l’on mette un terme à cet état de choses surtout en ce qui
concerne les employés qui sont dans le cas de dresser des actes qui doivent
être produits en justice, tels que ceux qui sont chargés de la répression de la
fraude.
M. Malou. - Messieurs, je me
permettrai d’insister encore sur les considérations que j’ai présentées et de
les reproduire de nouveau sous une autre forme. La constitution est positive.
Si nous admettons l’exception proposée par M. le ministre des finances, il est
évident que nous constatons législativement que la constitution n’a pas été
observée.
Je conçois très bien la tolérance des chambres ; je comprends
qu’on se soit borné à adresser de temps en temps quelques interpellations au
gouvernement. Mais ce que je ne concevrais pas, ce serait qu’on vînt déclarer
par une loi que depuis longues années, puisqu’on remonte à l’année 1834, la
constitution n’est pas observée.
On
nous présente comme motifs de cette étrange déclaration la position tout
exceptionnelle de quelques douaniers. Je concevrais que l’on fît une exception
pour ces quelques douaniers ; mais la proposition de M. le ministre des finances
va plus loin, elle comprend, non seulement des étrangers peu fortunés, mais
aussi des étrangers qui pourraient fort bien payer le droit d’enregistrement.
Ainsi,
ni en droit, ni en convenances constitutionnelles, ni en fait, cet amendement
ne peut être accueilli.
M. de Mérode. - Je conçois le but de l’amendement de M. le
ministre des finances, en ce sens qu’au commencement de la révolution un
certain nombre de volontaires, Français pour la plupart, ont obtenu de petits
emplois dans la douane et que ceux-là ne pourraient pas payer le droit
d’enregistrement que la loi exige. Que l’honorable M. Malou s’oppose à ce qu’on
accorde l’exemption à des employés d’un grade plus élevé, je le comprends très
bien ; mais il ne peut en être de même pour des employés d’un ordre inférieur
qui, pour la plupart, ont rendu des services au pays.
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, il est un
fait certain, c’est qu’un très grand nombre d’employés subalternes ne jouissent
pas de la qualité de Belge. Mais est-ce à eux qu’on doit s’en prendre ? Le
gouvernement a eu tort, sans doute, de leur accorder ces emplois, puisque la
constitution s’y opposait. Mais quant aux employés eux-mêmes, ils ne peuvent
pas souffrir de ce qu’on leur a accordé un avantage que la constitution leur
refusait. Ce n’était pas à eux à dire au ministère : Vous me donnez un emploi,
je le refuse parce que je ne suis pas Belge.
Ces employés, il faut en convenir, vont se trouver dans une
triste position, n’ayant pas les moyens de payer le droit assez élevé que nous
établissons sur les naturalisations, ils devront renoncer à l’espoir d’être
Belges et à l’emploi qu’ils occupent. Cependant ils peuvent avoir rendu des
services dans cet emploi et être à même d’en rendre encore.
Il
me semble qu’il ne serait pas équitable de mettre ces employés dans une
semblable position. Or ce serait là le résultat du rejet de l’amendement
proposé par M. le ministre des finances. Je pense dès lors qu’il importe de
bien y réfléchir avant de rejeter cet amendement qui me paraît fort utile.
M. Pirmez. - Ne pourrait-on pas donner au gouvernement la faculté
d’accorder la dispense du droit ou de ne pas l’accorder ?
Un membre. - Ce serait contraire à la
constitution, c’est une modération d’impôt.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Ce serait en vertu d’une loi.
M.
de Villegas. - C’est une nouvelle inconstitutionnalité que l’on vous
propose, plus les inconvénients à laisser la chambre juge du règlement du
droit.
- L’article nouveau proposé par M. le ministre des finances
est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
M. le président. - Voici un amendement
proposé par M. Dumortier :
«
Les étrangers décorés de la croix de fer sont également exempts du droit
d’enregistrement de naturalisation. »
M.
Dumortier. -
Il m’a paru, messieurs, que, dans les observations présentées par M. le
ministre des finances, il y avait quelque chose d’extrêmement fondé. Il avait
parfaitement raison de dire que ceux qui ont combattu pour la révolution
devaient être exemptes du droit d’enregistrement. En effet ceux-là ont payé de
leur personne ; la plupart d’entre eux ont paye de leur sang, c’est là un droit
d’enregistrement meilleur que tout ce que nous pourrions exiger. Je demande
donc à la chambre qu’elle veuille bien ne pas leur rendre la loi applicable et
je suis convaincu que son patriotisme ne me fera pas défaut en cette
circonstance.
M.
Rodenbach et d’autres membres. - Appuyé ! Appuyé !
M. le président. - Voici un amendement de
M. Jadot :
« Il
ne sera perçu aucun droit pour les grandes naturalisations accordées
conformément à l’article 16 de la loi du 27 septembre 1835. »
M. Jadot. - J’ai peu de choses à ajouter à ce que j’ai dit dans la
discussion générale ; je pense, messieurs, que lorsqu’un étranger qui a habité
la Belgique dès son enfance et a rempli toutes les obligations imposées aux
Belges, vient vous dire : Je n’ai pas fait la déclaration voulue par la
constitution, parce que je ne m’y croyais pas obligé, étant persuadé que
j’étais Belge, il me semble juste que,
alors que la chambre le relève de la déchéance encourue, il ne peut être
exigé aucun droit pour cet acte de justice.
M.
Malou, rapporteur. - Messieurs, je crois pouvoir à bon droit proposer la
question préalable sur cet amendement, attendu que la chambre a voté le § 2 du
projet de la commission. Ce § porte que, sauf les exceptions qui pourront être
admises par des lois spéciales, les grandes naturalisations sont frappées d’un
droit de mille francs ; or, ce sont précisément les cas prévus par les articles
2 et 16 de la loi, qui ont motivé cette proposition admise par la chambre. Du
reste, il me paraît évident que, dans le cas de l’art. 16, le droit doit être
exigé s’il y a lieu à accorder l’exemption ;
ce ne sera que lorsqu’il aura été reconnu que le pétitionnaire a rendu
des services très éminents.
M.
Jadot. - Je
pense qu’il y a injustice à exiger le paiement d’un droit lorsque vous
reconnaissez que le pétitionnaire a été contraint de demander la grande
naturalisation parce qu’il ignorait qu’il n’était pas Belge. C’est une sorte de
déchéance que vous prononceriez.
-
La question préalable sur l’amendement de M. Jadot est mise aux voix et
adoptée.
L’amendement de M. Dumortier est ensuite mis aux voix et
adopté.
M. le président donne lecture de l’article
tel qu’il est modifié par suite de l’adoption de l’amendement de M. Dumortier.
M.
Malou, rapporteur. - Messieurs, il y avait harmonie entre les deux § de
l’article proposé par la commission ; la chambre ayant adopté le 1er § du
projet du gouvernement et le § 2 du projet de la commission, il en résulte que
la rédaction de cet article n’est plus homogène. M. le ministre des finances
voit-il quelque inconvénient ce que l’on substitue le 1er § de la commission, à
celui du gouvernement en changeant le chiffre ? Il me semble que la rédaction
serait meilleure.
M. le
ministre des finances (M. Mercier) - Je ne vois pas quel intérêt il peut y avoir faire
ce changement.
Un membre. - C’est une affaire de
rédaction ; on pourra y revenir au second vote.
M.
Malou, rapporteur. - J’ai cru devoir faire cette observation dès à présent,
parce que le 1er § étant proposé par le gouvernement, ne doit pas être soumis à
un second vote. Voici comment l’article serait conçu s’il n’était pas fait
droit à mon observation. Il y aurait d’abord un 1er § composé de l’art. 1er du
projet du gouvernement :
« Les
actes de naturalisation ordinaire, concédés conformément à la loi du 25
septembre 1835 sont soumis à la formalité et à un droit d’enregistrement de
cinq cents francs. »
Viendrait
ensuite le § 2 du projet de la commission :
« Sauf les exceptions qui pourront être admises par des
lois spéciales il sera perçu, sur les actes de grande naturalisation, un droit
fixe d’enregistrement de 1,000 fr. »
Il
me semble qu’il faudrait admettre une même forme pour les deux paragraphes,
puisqu’il s’agit de droit de la même nature.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - Je me propose, messieurs,
d’insister de nouveau, lors du second vote, pour que les actes de grande
naturalisation ne soient pas soumis à un droit d’enregistrement. Toutefois je
ne m’oppose pas au changement de rédaction proposé par l’honorable M. Malou.
-
L’art. 1er dans son ensemble est mis aux voix et adopté.
Article 2
« Art.
2. La délivrance des actes de naturalisation ne pourra avoir lieu avant que le
droit d’enregistrement ait été acquitté ; en conséquence, et par dérogation à
l’art. 9 de la loi du 25 septembre 1835, l’expédition dont il est parlé dans
cet article sera transmise, dans les 8 jours qui suivront la sanction royale, par
le ministre de la justice au ministre des finances, qui la fera remettre à
l’impétrant, après le paiement, entre les mains du receveur compétent, des
droits fixes. Ce paiement sera fait dans le mois à dater de l’avertissement que
recevra sans délai l’intéressé.
La
commission propose de dire :
« Art.
2. Lorsqu’un droit d’enregistrement sera dû en vertu de l’article précédent,
les articles 9, 10, 11, 12 et 12 de la loi du 27 septembre 1835 (Bulletin
officiel, n°647) ne seront pas appliqués ; il sera procédé conformément aux
dispositions suivantes :
«
L’expédition de l’acte de naturalisation sera, dans les 8 jours à dater de la
sanction royale transmise au receveur de l’enregistrement, au bureau duquel
ressortit la commune où l’impétrant a son domicile ou sa résidence.
«
Le receveur avertira immédiatement l’impétrant que l’acte doit, sous peine de
déchéance, être retiré contre paiement du droit, dans les deux mois à dater de
l’avertissement.
« Dans les huit jours à dater du paiement du droit, le
receveur en donnera avis au ministre des finances. La relation de
l’enregistrement sera insérée au Bulletin
officiel, en même temps que la loi accordant la naturalisation.
« L’acte
non retiré par l’impétrant dans les deux mois à dater de l’avertissement, sera,
après l’expiration de ce délai, renvoyé au ministre des finances par le
receveur de l’enregistrement. »
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, la loi de
1835, par les articles 9, 10, 11, 12 et
Par
ces considérations donc, et notamment par celle de la solennité qui doit
entourer l’octroi des lettres de naturalisation au vœu de la loi de 1835, je
dois maintenir l’art. 2 du projet du gouvernement.
M.
Malou, rapporteur. - Messieurs, je viens, à mon tour, expliquer la proposition
que vous a faite la commission des naturalisations.
D’abord,
la loi de 1835 ne me paraît pas avoir eu en vue une solennité ; la loi de
Faut-il
aller au-delà ? Evidemment non. Il suffit, et il a toujours suffi dans toutes
les législations, que l’intention d’accepter le bienfait de la loi fût dûment
constatée. S’il suffit de constater l’intention, il ne faut pas multiplier les
formalités au-delà de ce qui est strictement nécessaire. Or, d’après le projet
du gouvernement, on exige deux formalités au lieu d’une seule ; on exige le
payement du droit, et puis encore une déclaration à faire par l’impétrant dans
le délai d’un mois. (Interruption.)
Il
est vrai que d’après les explications que vient de donner M. le ministre des
finances, l’acte ne doit pas être retiré dans le mois ; mais le contraire
résulte, ce me semble, du texte de l’art. 2 du projet du gouvernement. En
effet, lorsque la loi dit que le paiement sera fait dans le mois, à dater de
l’avertissement, il faut qu’il y ait une sanction à cette disposition ; sinon,
il faudrait dire que le paiement et la déclaration se feront dans les trois
mois à dater de la sanction royale.
Nous
avons donc pensé qu’il ne fallait pas, sans nécessité, compliquer les
formalités imposées par la loi, et que revenant à la législation de 1824, on
devait consacrer de nouveau les formalités qui avaient été prescrites par cette
loi. Or, c’est ce que fait le projet de la commission.
L’intention
de l’impétrant est bien et dûment constatée lorsqu’il retire l’acte contre
paiement des droit.
Je ferai remarquer, en outre, que d’après l’article
1er qui a été adopté tout à l’heure, on dérogerait encore sur un autre point à
la loi de 1835, si l’on adoptait l’art. 2 du projet du gouvernement ; en effet,
d’après la loi de 1835, le délai n’est que de deux mois ; aujourd’hui, au
contraire, pour les naturalisations accordées gratuitement aussi bien que pour
celles qui seraient soumises à un droit d’enregistrement, le délai serait de
trois mois. Le système le plus simple, celui qui suffit à tout, c’est celui de
la commission ; il laisse intacte la loi de 1835, lorsque les naturalisations
sont gratuites ; dans tous les autres cas, il établit des formalités analogues
à celles qui sont prescrites par la loi de 1824.
M. de Corswarem. - Messieurs, si l’article proposé par M. le ministre
des finances était adopté, il devrait subir un changement de rédaction. Cet
article présuppose qu’il est toujours dû un droit d’enregistrement. Or, nous
venons de décider qu’il y aura des cas où aucun droit ne devra être payé. Il
faudrait donc dire dans l’article : « lorsqu’il sera dû un droit
d’enregistrement en vertu de l’article précédent. »
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, si la loi du
27 septembre 1835 n’avait pas en vue d’entourer de quelque solennité l’octroi
des lettres de naturalisation, il y avait un moyen beaucoup plus simple que
celui que renferment les dispositions des articles 9, 10, 11 et 12 de la loi.
En effet, voici ce que porte l’art. 9
«
Art. 9. Dans les huit jours qui suivront la sanction royale de la disposition
mentionnée à l’art. 3, le ministre de la justice délivrera à l’impétrant une
expédition certifiée conforme de l’acte de naturalisation. »
Si
aucune autre formalité n’avait été jugée nécessaire ou convenable, on aurait
exigé seulement que l’impétrant adressât au ministère de la justice un accusé
de réception, accompagné d’une adhésion. Mais la loi a été plus loin, elle dit
(art. 10) :
« L’impétrant,
muni de cette expédition, se présentera devant la bourgmestre du lieu de son
domicile ou de sa résidence, et déclarera qu’il accepte la naturalisation qui
lui est conférée. »
Si
l’on n’avait pas cru devoir exiger davantage, l’impétrant n’aurait-il pas pu
faire cette déclaration dans une simple réponse à M. le ministre de la justice
?
La
loi ajoute :
«
Il sera immédiatement dressé un procès-verbal de cette déclaration dans un
registre à ce destiné. »
Voilà
donc deux nouvelles formalités ; un procès-verbal doit être dressé, un registre
doit être ouvert.
Voici
ce que porte l’art. 11 :
«
Art. 11. La déclaration prescrite par l’article précédent sera faite, sous
peine de déchéance, dans les deux mois, à compter de la date de la sanction
royale. »
Voilà des dispositions qui avaient tout autre chose pour
objet qu’une simple déclaration d’adhésion que l’on eût pu adresser directement
au ministre de la justice. Mais, je le répète, on a cru devoir entourer cet
acte d’une certaine solennité, dresser en quelque sorte un registre d’état-civil
dans la commune pour les étrangers naturalisés. J’insiste donc pour qu’on
maintienne les dispositions de la loi de 1835.
Quant
aux autres observations de l’honorable rapporteur, en tant qu’elles portent sur
le délai d’un mois, je ne verrais pas de difficulté à prolonger ce terme sans
dépasser trois mois.
M. Fallon - Messieurs, il me semble que nous ne devons toucher à
l’économie d’une loi de principe, qu’il ne faut y déroger que lorsque la chose
est absolument nécessaire. Il est très facile de se mettre d’accord. Je pense
que ce n’est pas la loi elle-même qui doit être enregistrée, mais le
procès-verbal d’acceptation. Il faudrait ajouter un mot à l’art. 11 de la loi
du 27 septembre 1835.
L’art.
11 est ainsi conçu :
« La
déclaration prescrite par l’article précédent sera faite, sous peine de
déchéance, dans les deux mois a compter de la date de la sanction royale. »
Eh
bien je dirais :
« La
déclaration prescrite par l’article précédent sera faite et enregistrée, sous
peine de déchéance... (Le reste comme ci-dessus.) »
De
cette manière, vous ne touchez pas aux principes de la loi.
M.
Malou, rapporteur. - Messieurs, il me semble que cette combinaison, à laquelle
j’avais aussi songé, ne peut se réaliser sous l’empire de la loi de 1835 ; l’on
a deux choses en vue ; d’abord constater l’intention, et la constater par un
acte authentique ; puis ne pas promulguer la loi, avant que l’intention ne soit
déclarée.
Dans
le système de l’honorable M. Fallon, conserve-t-on cette double
possibilité ? Le roi sanctionne la loi ; elle est envoyée à l’impétrant ;
l’impétrant accepte le bienfait de la loi. Dès lors aussi la naturalisation ne
lui est-elle pas acquise, et ne doit-on pas promulguer la loi ? Quelle garantie
avez-vous alors du paiement du droit d’enregistrement ?
Comment jugerez-vous que la déchéance existe ? Ce sont toutes
questions dont je n’ai pas trouvé la solution, en cherchant à faire porter le
droit d’enregistrement sur un autre acte que la loi elle-même.
Je
répondrai maintenant à une observation qui a été faite par M. le ministre des
finances, Il est certain que l’on n’aurait pu, en aucun cas, se contenter d’un
accusé de réception de l’impétrant ; cette pièce ne présenterait aucune
garantie, elle n’aurait pas date certaine, rien ne prouverait qu’elle émane de
l’intéressé.
On
n’a en vue, en exigeant une déclaration devant le bourgmestre, que de constater
l’intention d’une manière certaine,
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, l’honorable
rapporteur vient de faire remarquer que le ministre de la justice ne pourrait
avoir la certitude que l’adhésion vient bien de l’intéressé. Mais je ferai
observer que si, ce qui est peu probable, on peut supposer que quelqu’un, dans
l’intention de nuire à celui qui aurait formé sa demande en naturalisation, et
qui cependant ne voudrait plus accepter, commette un faux en envoyant une
adhésion simulée à M. le ministre de la justice. on peut aussi supposer que
tout autre que l’intéressé se présentera chez le receveur de l’enregistrement
et, mû par un plus grand intérêt, acquitte le droit d’enregistrement. Le
receveur ne connaît pas certes tous les individus qui habitent le canton ou qui
s’y trouvent momentanément.
M. Fallon. - Je n’ai pas bien compris les observations que vient de
faire l’honorable rapporteur. Nous sommes bien, je pense, d’accord sur ce
point, que la loi n’est promulguée qu’autant que l’impétrant a fait sa
déclaration devant le bourgmestre, dans le délai prescrit par la loi. Il faut
donc que le procès-verbal soit envoyé au département de la justice, avant qu’on
publie la loi. Eh bien, si vous exigez que le procès-verbal que dresse le
bourgmestre, soit enregistré dans le délai de trois mois, vous faites tout ce
qui est désirable. Si la déclaration n’a pas été enregistrée dans les trois
mois, eh bien, il y a déchéance. Je le répète, de cette manière vous ne changez
rien à la loi primitive.
M.
Malou, rapporteur. - Messieurs, d’après les nouvelles explications de
l’honorable M. Fallon, l’impétrant devrait se présenter devant le bourgmestre.
L’acte d’acceptation serait dressé, et au lieu d’être transmis par le
bourgmestre au département de !a justice, comme l’exige l’art. 12 de la loi le
1835, serait remis à l’impétrant qui devrait rendre de nouveau l’acte à
l’autorité locale, pour l’exécution de l’art. 12 de la loi.
M.
Fallon. - Je
propose la disposition ci-jointe qui remplacerait l’art. 2.
«
Par dérogation à l’art. 11 de la loi du 27 septembre 1835, la déclaration
prescrite par l’art. 10 de cette loi sera faite et enregistrée sous peine de
déchéance dans les trois mois à compter de la sanction royale. »
-
Cet article est adopté.
M. le président. - L’art. 3 devient sans
objet. Nous passons à l’amendement de M. Delfosse.
«
La présente loi n’est pas applicable à ceux dont la demande est déjà prise en
considération par les deux chambres. »
M. Delfosse. - L’honorable M. Malou a dit que ce ne serait pas donner un
effet rétroactif à la loi que de l’appliquer à ceux dont la demande est déjà
prise en considération. Mais c’est précisément ce que j’ai dit moi-même. C’est
justement parce que la loi leur est applicable que j’ai proposé mon amendement.
Il n’y a pas de droit acquis pour eux, mais il y a vote acquis. Comme je vous
le disais tout à l’heure, l’épreuve la plus difficile, c’est celle du scrutin
secret. Quand on est sorti avec succès de cette épreuve, on doit se croire
définitivement admis. Je ferai observer d’ailleurs que le nombre de ceux en
faveur desquels je réclame, n’est pas très considérable, et que mon amendement
ne fera pas grand préjudice au trésor.
M. Malou. - J’avais bien compris en
ce sens les observations de l’honorable M. Delfosse, qu’il n’accusait pas la
loi d’avoir un effet rétroactif, si elle s’appliquait à ceux dont la demande en
naturalisation est prise en considération ; mais je lui ai fait observer qu’il
ne fallait pas la paralyser pour l’avenir, qu’il fallait lui donner tous ses
effets du jour ou elle serait votée, qu’il n’y avait réellement de droit, ou, si
l’on veut, de vote acquis que lorsqu’une loi de naturalisation était adoptée
par les deux chambres.
M.
Delfosse. -
C’est une exception que je propose.
-
L’amendement est mis aux voix et adopté.
Le
second vote aura lieu après-demain.
M. le président. - Il s’agit maintenant de
fixer l’ordre du jour de demain.
M.
Dedecker. -
Vous vous rappelez, messieurs, que pendant la discussion du budget de l’intérieur,
l’honorable M. de Foere a soulevé un incident relativement à l’arrêté du 1er
janvier. Quoique je persiste à croire que l’honorable M. de Foere aurait dû se
borner à traiter la question au point de vue constitutionnel, la chambre ayant
permis à l’honorable membre d’entrer dans une démonstration grammaticale, et
cette démonstration ayant été faite d’une manière acerbe pour un grand nombre
de littérateurs flamands, il a été entendu qu’après les objets qui étaient à
l’ordre du jour on reprendrait la discussion sur cet incident et qu’on pourrait
ainsi répondre à l’honorable membre. Je rappelle à la chambre sa décision ;
j’espère qu’elle la maintiendra.
M.
Lys. -
J’ai demandé la parole pour fixer la séance à une heure ou deux heures, pour
qu’on puisse s’occuper en sellons des projets qui nous sont renvoyés.
M.
de Renesse. - Je propose de fixer à l’ordre du jour de demain la prise en
considération de la demande en grande naturalisation du colonel Chapelier.
M.
le président. - Nous avons à l’ordre du jour d’abord le second vote du projet de loi
concernant la prescription des créances mentionnées dans l’art. 64 du traité du
5 novembre 1842.
Nous
avons ensuite la demande de crédits supplémentaires pour le matériel du génie
pendant l’exercice 1843.
Et
en troisième lieu, la discussion relative à la langue flamande.
M. Lebeau. - Je voudrais savoir à quel résultat peut aboutir la
discussion sur la langue flamande. Y a-t-il une proposition faite ? Y aura-t-il
un vote ? S’il y a une proposition susceptible d’amener un vote, je conçois à
merveille que cette discussion se reproduise, bien qu’elle ait déjà été assez
longue. Mais s’il s’agit non pas d’émettre un vote, mais de transformer la
chambre en une espèce d’académie, j’avoue qu’on lui donne là un rôle contraire
à ses précédents et qui est de nature à compromettre sa dignité aux yeux du
pays.
Cette
observation aurait dû venir du banc des ministres.
M. le président. - Que ceux qui pensent
qu’on doit déposer une proposition en fassent la motion.
M.
de Foere. -
Sur la proposition de l’honorable M. Delfosse, la chambre a décidé qu’il y
aurait une discussion spéciale sur l’arrêté du 1er janvier 1844. Il ne s’agit
pas exclusivement, comme l’a prétendu l’honorable préopinant, d’une question de
langue flamande, il s’agit de plusieurs questions très importantes, parmi
lesquelles figure, en premier lieu, la constitutionnalité de l’arrêté. Quand
une partie de la chambre croit qu’un arrêté est inconstitutionnel, c’est de
discuter la question et de laisser à la décision, à l’appréciation du
ministère, quand il aura entendu la discussion, ou que la chambre décide qu’il
y aura vote sur la constitutionalité de l’arrêté. En second lieu, il y a la
question de savoir s’il y avait, comme l’a prétendu M. le ministre de la
justice, opportunité de porter cet arrêté.
Vous
avez discuté l’arrêté concernant le transit du bétail. La seule ressource
qu’eût la chambre de prouver que cet arrêté était contraire à la loi sur le
transit, c’était de discuter cette question. Le ministère, depuis la
discussion, est disposé à retirer l’arrêté, si déjà il ne l’a pas fait. La
question n’est pas restreinte dans les termes dans lesquels l’honorable M.
Lebeau l’a posée.
Je
désire que l’ordre du jour reste fixé sur cette question, que la séance
commence à l’heure ordinaire, et que cette discussion ait la priorité, afin
qu’on puisse la terminer en une seule séance. J’insiste sur cette demande par
la raison qu’après-demain je ne pourrai pas assister à la discussion. Je
demande donc que la séance soit fixée à midi un quart.
M.
le président. - Ainsi demain, second vote sur la loi concernant la prescription des
créances mentionnées à l’art. 64 du traité ; discussion des crédits
supplémentaires pour le département de la guerre ; discussion relative à la
langue flamande.
M.
de Foere. - Je
conteste, il ne s’agit pas de la langue flamande, mais de la constitutionnalité
de l’arrêté royal du 1er janvier.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il faut pourtant que
cette mise à l’ordre du jour soit bien régulière ou, si l’on veut, qu’elle soit
régularisée ; voici ce que je crois qu’on doit mettre à l’ordre du jour : c’est
la reprise de la discussion sur les interpellations adressées au gouvernement
relativement à l’arrêté royal du premier janvier. M. l’abbé de Foere a reçu
l’autorisation nécessaire de la chambre, puisque, sur la proposition de M.
Delfosse, la chambre a prononcé la disjonction de la discussion du budget de
l’intérieur et fixé le jour pour la reprise de la discussion sur ces
interpellations. Rarement même nous nous sommes trouvés dans une position aussi
régulière. Le gouvernement est tenu de répondre, s’écrie-t-on. Je ne dis pas
qu’un membre n’a pas le droit d’adresser des questions au gouvernement ; mais
alors le gouvernement peut répondre ou ne pas répondre. Ici il y a plus que
l’exercice du droit individuel des membres ; l’honorable M. de Foere a reçu de
la chambre l’autorisation d’adresser des interpellations au gouvernement. Dans
ce cas le gouvernement est obligé de répondre.
Mais
ce n’est pas l’arrêté royal qui est en cause, dans ce sens que la chambre
serait appelée à l’annuler ou à le confirmer.
M.
de Foere. - Je
n’ai pas adressé d’interpellations, j’ai reçu l’autorisation d’insérer au Moniteur non pas des interpellations, mais
un discours dans lequel je présentais des observations sur l’arrêté dont il
s’agit. J’ai déclaré que je venais au secours du gouvernement, que de cette
manière il aurait eu le temps de méditer mes observations, et pourrait se
défendre ou retirer l’arrêté.
M. le président. - Ce qui se trouve sur les
bulletins de convocation est l’œuvre du chef huissier. Nous savons de quoi il
s’agit. La question est de savoir si la priorité sera accordée à la discussion
soulevée par M. de Foere.
-
Après une double épreuve, la chambre décide que la priorité sera maintenue au
deuxième vote de la loi relative aux créances mentionnées à l’article 64 du
traité, et que la discussion soulevée par M. de Foere viendra en second lieu.
M. Jadot. - Je demande la priorité pour la naturalisation de M
Laroche-Blin, sur laquelle il a été fait rapport à la session dernière.
M.
de Renesse. - Je demande la mise à l’ordre du jour de la demande en grande
naturalisation formée par M. le colonel Chapelié.
M. le président. - Ces naturalisations
seront mises à l’ordre du jour.
M. d’Hoffschmidt. - Je demande que la
chambre fixe la séance de demain à une heure ou deux heures. Les projets de loi
les plus importants, les plus urgents sont maintenant soumis à l’examen des
sections ou des sections centrales. Lorsque la séance est fixée à midi, il est
impossible qu’il y ait un long examen dans les sections, ou en section
centrale.
M. le président. - A cette occasion, je
dois faire observer que si les sections ne travaillent pas plus activement,
avant la fin de la semaine nous n’aurons plus de projet de loi qui puisse être
mis en discussion.
M.
de Foere. - Je
crois qu’il n’est pas dans le droit du président d’intervenir dans les
discussions, il doit rester neutre. Le président doit seulement assurer
l’exécution du règlement et présenter les questions, telles quelles sont posées
par l’assemblée.
M. le président. - Aux termes du règlement,
le président doit régler les discussions. Il était donc de mon devoir de faire
remarquer que nous serons sans travail avant la fin de la semaine.
Plusieurs membres. - C’est évident.
M. de Foere. - Je demande que la séance
de demain soit fixée à midi.
-
L’heure de la séance de demain est mise aux voix. Deux épreuves sont douteuses.
M. le président. - Puisqu’il y a doute, la
séance aura lieu à midi, heure fixée par le règlement.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J’insiste sur mes observations. Nous ne pouvons
admettre qu’on vienne saisir directement la chambre de la question de validité
ou de non-validité d’un arrêté royal. Tout ce que nous pouvons admettre, c’est
qu’un membre de la chambre soit autorisé à adresser des interpellations. Ces
interpellations deviendront l’objet d’une discussion, à laquelle pourront
prendre part les membres de la chambre.
Nous
avons des formes consacrées par le règlement et par la constitution ; nous ne
devons pas en dévier.
M.
de Foere. -
C’est une question de forme.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Sans doute ; mais cette
question de forme est très importante. Si vous n’y faites attention, vous
laisserez croire au pays que la chambre annule directement des arrêtés royaux.
Les
interpellations seront discutées ; cette discussion, si vous persistez, n’a
d’autre résultat possible que la présentation d’une adresse au Roi pour lui
demander que l’arrêté soit retiré ; voilà une deuxième forme que le règlement
vous indique.
Si
les interpellations ont été insérées au Moniteur,
c’est ce qu’on a considéré qu’elles ne se rattachaient pas au budget de
l’intérieur. On a pensé qu’elles devaient être disjointes et donner lieu à une
discussion séparée. C’est ce qui a été décidé.
M. Dumortier. - Je n’admets pas le principe posé par M. le
ministre de l’intérieur, principe qui tendrait à atténuer singulièrement les
prérogatives du parlement. Je ne veux pas discuter la question de savoir si un
député a ou non le droit d’adresser des interpellations au gouvernement. C’est
une prétention toute nouvelle, dont il n’y a pas d’exempte dans nos précédents
parlementaires. Dans l’espèce, toutes les questions sont oiseuses. De quoi
s’agit-il, en effet ? De continuer une discussion commencée antérieurement, et
qui a été disjointe du budget de l’intérieur, parce qu’elle n’avait pas de
rapport avec ce budget. Nous verrons alors si des interpellations sont adressées
au gouvernement.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Une interpellation a été adressée du gouvernement.
M.
de Foere. - Je
n’ai pas adressé d’interpellation au gouvernement.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Alors j’ignore comment
vous avez pu traiter la question. Le règlement et un précédent indiquent deux
formes : l’interpellation, la proposition d’adresse ; vous n’avez pas proposé
d’adresse. C’est donc la première forme que vous avez suivie.
Sans
doute chacun a le droit d’adresser des questions au gouvernement ; mais
celui-ci est libre de n’y pas répondre. Tandis que quand la chambre a autorisé
une interpellation, le gouvernement est tenu d’y répondre d’une manière
quelconque. Voilà la grande différence entre l’interpellation individuelle et
l’interpellation autorisée par la chambre.
M.
Lebeau. -
Quand mes observations n’auraient eu pour résultat que d’avoir amené les explications
positives données par le gouvernement, je me féliciterais de les avoir
présentées.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Vous avez raison.
M.
Lebeau. - Que
je sois dans 1es rangs de l’opposition, ou ailleurs, je m’attacherai toujours à
maintenir intactes les prérogatives de chaque pouvoir. Je crois que la chambre
doit avoir autant à cœur de maintenir les droits du pouvoir exécutif que les
siens.
Je
crois que M. le ministre de l’intérieur a placé la question sur son véritable
terrain.
La
chambre a-t-elle autorisé les interpellations ? La question me paraît oiseuse.
Il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire en faveur de l’affirmative, puisque la
chambre a mis la discussion à l’ordre du jour.
Je désire que les honorables membres, qui attachent une
grande importance à la question, ne se trompent pas sur mes observations ; je
n’ai voulu ni atténuer l’importance de la question, ni faire aucune critique ;
car je reconnais toute l’importance de la question. J’ai voulu simplement
provoquer un règlement d’ordre.
M.
Dedecker. - Je
me réfère aux observations présentées par M. le ministre de l’intérieur et par
l’honorable M. Lebeau. Mais puisque l’honorable M. de Foere a dit que M. le
ministre de la justice retirait l’arrêté, je voudrais bien que l’honorable
ministre s’expliquât à ce sujet.
M. de Foere. - L’honorable membre se trompe. J’ai dit qu’à la suite des
observations qui ont été faites, le gouvernement, si je suis bien informé, est
disposé à retirer l’arrêté relatif au transit du bétail. J’en ai conclu que la
discussion qui aurait lieu pourrait avoir le même résultat pour l’arrêté du 1er
janvier.
M.
Verhaegen. - Je crois que l’honorable M. de Foere, avec qui je suis d’accord au
fond, doit adhérer aux observations de M. le ministre de l’intérieur ; car la
question se présentera sous la forme d’interpellation ; elle sera discutée, et
peut-être obtiendrons-nous pour la langue flamande ce que l’on a obtenu pour le
bétail.
M.
de Foere. - Je
n’insiste pas.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - La question du bétail a
été introduite autrement. Une pétition a été adressée à la chambre ; la
commission des pétitions a fait son rapport ; la pétition a été renvoyée au
gouvernement avec demande d’explications. Ces explications seront peut-être
adressées demain à la chambre, Il est probable que la chambre en ordonnera
l’impression. Elle sera libre d’en demander ultérieurement la discussion. Voilà
comment les choses peuvent et doivent se faire d’après le règlement,
Pour
en revenir à la question je dis que la chambre a autorisé l’interpellation
puisqu’elle a fixé le jour pour la reprise de la discussion.
M.
Vandensteen. - La chambre avait mis à l’ordre du jour, il y a quelque temps, le
projet de loi relatif à l’organisation de la poste aux chevaux. Ce projet a été
ajourné, à la demande de M, le ministre des travaux publics, qui a annoncé
qu’il y proposerait des modifications. Je demanderai à l’honorable ministre
quand il compte saisir la chambre de ces modifications.
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - J’ai demandé
l’ajournement de ce projet de loi, parce que l’examen que j’en ai fait m’a
amené à croire que, pour ma propre responsabilité et dans l’intérêt de la
question, je devrai y proposer des modifications. Cette question est une des
plus difficiles que nous puissions aborder. Je ne l’ai pas perdue de vue. Mais
l’examen du budget des travaux publics a commencé dans la section centrale, et
avant qu’il ait été voté par la chambre, il ne me sera pas possible de proposer
ces modifications.
M. de Garcia (pour une motion d’ordre). - Messieurs, il est un
projet de loi dont l’urgence est incontestable et reconnue par tout le monde.
C’est celui relatif à l’interprétation de l’art. 442 du code de commerce. Voilà
quatre ou cinq ans que la chambre est saisie de ce projet. Elle l’a discuté ;
mais le sénat y ayant introduit un amendement, il nous a été renvoyé. En
attendant les intérêts sont en souffrance, les liquidations de faillites ne
peuvent se terminer à défaut de solution de la question.
Je
demanderai donc à M. le président si la commission chargée de l’examen de ce
projet est complète ; et dans ce cas je le prierai d’inviter cette commission à
faire son rapport dans le plus bref délai.
M.
le président. - La commission est complète.
La
parole est à M. Rogier.
M.
Rogier. - Je
croyais avoir compris que l’arrêté sur le bétail était retiré. D’après ce que
vient de dire M. le ministre, il paraît qu’il n’en est pas ainsi, que l’on nous
donnera dans peu des explications, Dès lors je renonce à la parole.
-
La séance est levée à 4 heures et demie.