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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 10 janvier 1844

(Moniteur belge n°11, du 11 janvier 1844)

(Présidence de M. Liedts)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Huveners procède à l’appel nominal à midi et demi.

- La séance est ouverte.

M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Plusieurs marchands herbagers, cultivateurs et éleveurs de bestiaux, d’Ypres et des environs, demandent que l’arrêté du 23 septembre 1843, qui autorise le libre transit des bestiaux par Anvers et par le chemin de fer vers la France soit rapporté. »

M. Malou. - Je demanderai le renvoi de cette pétition à la commission, avec invitation de faire un prompt rapport. Cette commission est déjà saisie d’une pétition qui se rapporte au même arrêté. Les pétitionnaires se plaignent des effets de la mesure qui a été prise, et je crois que c’est avec raison. Mais le moment de discuter le fond sera plus opportun quand la commission des pétitions aura fait son rapport.

M. Rodenbach. - Tout en appuyant ce que vient de dire l’honorable député d’Ypres, je demanderai à M. le ministre des Finances s’il a reçu les renseignements qu’il nous a promis, il y a environ six semaines, et qu’il attendait du port de Dunkerque, sur la question de savoir si les arrivées par ce port avaient augmenté ou diminué. J’ai appris qu’elles avaient augmenté sur le marché de Lille, par suite du transit. Je sais que M. le ministre a dit que le nombre des arrivages à l’époque où il parlait était de 350. On serait porté à croire que le nombre doit être augmenté depuis lors, car il a augmenté sur le marché de Lille, et on se plaint dans la Flandre occidentale de ce que nous sommes sur le point de perdre ce marché. Je désirerais savoir si M. le ministre a reçu les renseignements ultérieurs qu’il a promis de nous faire connaître.

- Le renvoi à la commission des pétitions, avec invitation de faire un prompt rapport, est ordonné.


« Les conseils communaux de Canne, Vroenhoven et Veltwezel demandent qu’un délai de 4 années soit accordé à ces communes pour le payement de leurs contributions des années de 1840 à 1843. »

M. Simons. - Je demanderai également que la commission soit invitée à faire un prompt rapport sur la pétition dont on vient de faire l’analyse. Déjà pareille pétition lui a été renvoyée ; il y a véritablement urgence de s’occuper de cette requête, puisqu’on va mettre à exécution la loi qui a été rendue exécutoire. Cette circonstance doit engager la commission à faire promptement son rapport.

- Le renvoi, avec invitation de faire un prompt rapport, est ordonné.


« Les épiciers et marchands de café d’Eccloo et de Gand demandent une augmentation de droits d’entrée sur le café brûlé. »

- Renvoi à la commission permanente d’industrie.


« Le sieur Vlamynck, cultivateur à Moerkerke, demande que les réclamations qu’il a faites du chef de pertes essuyées par suite des événements de la guerre, soient comprises dans la liste générale des perdants de la commune de Lapscheur. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


Le sieur Legrand, ancien militaire, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir le payement de sa masse d’habillement. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Velu, ancien brigadier des douanes, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir les arrérages de sa pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Branquart réclame l’intervention de la chambre afin d’obtenir le payement d’une fourniture qu’il a faite pour compte de l’administration du chemin de fer. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres du conseil communal de Courcelles demandent que cette commune fasse partie du canton de Gosselies. »

- Renvoi à la commission chargée de l’examen du projet de loi sur la circonscription cantonale.


« Les marchands et fabricants de tabac de Grammont demandent que les tabacs étrangers soient soumis à un droit d’accise. »

- Renvoi à la commission d’industrie.


Les habitants d’Autre-Eglise présentent des observations contre le projet de loi sur les céréales. »

« Mêmes observations de plusieurs habitants de Liége, de Jauche et de Wansin. »

- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du projet de loi sur les céréales.


« Les commissaires de l’association des bateliers de la Meuse prient la chambre d’accorder les fonds nécessaires pour améliorer la navigation de la Meuse. »

- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du budget des travaux publics.


« Le sieur Brunin, major pensionné, demande la liquidation de l’arriéré et du courant de sa pension des Indes. »

M. Savart-Martel. - Une pétition sur le même objet a été renvoyée à M. le ministre des finances ; il me semble qu’on pourrait également lui renvoyer celle du sieur Brunin.


« Le sieur Coulon, capitaine pensionné, demande une augmentation de pension. »

M. Delfosse. - Messieurs, le capitaine Coulon a rendu des services dans les premiers temps de la révolution ; cela résulte des pièces produites par le pétitionnaire.

Déjà la chambre a renvoyé une pétition du capitaine Coulon au ministre de la guerre, avec demande d’explications. M. le ministre a donné des explications qui n’ont été connues que longtemps après par le pétitionnaire et ne l’ont pas satisfait ; il répond aujourd’hui à ces explications, et comme cette affaire traîne depuis longtemps, je demanderai que la commission des pétitions soit invitée a faire un prompt rapport.

M. Savart-Martel. - Je me bornerai à faire la même demande à l’égard de la pétition du sieur Brunin qui, lui aussi, a rendu des services à la révolution. Il a eu l’honneur d’aller à St-Hélène. Il avait eu l’honneur d’être décoré sur le champ de bataille par Napoléon.

- Le renvoi des pétitions des sieurs Coulon et Brunin, avec demande d’un prompt rapport, est ordonné.


« Le sieur Vigoureux demande qu’une loi oblige les juges, greffiers et huissiers de justice de paix et les receveurs des droits d’enregistrement, à demeurer dans le chef-lieu de leurs cantons. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Projet de loi portant le budget du ministère de la guerre de l'exercice 1844

Ajournement

M. Pirson. - Messieurs, la section centrale du budget de la guerre m’a chargé de vous faire connaître le résultat de ses délibérations. Dans la séance de ce jour elle a fait le relevé des observations générales des sections. Toutes ont émis l’opinion que la discussion du projet de loi sur l’organisation de l’armée devait précéder celle du budget. La section centrale partage cette opinion. Elle pense qu’adopter un budget alors que la loi de l’organisation de l’armée n’aurait pas été discutée, serait en quelque sorte la préjuger. La section centrale, à l’unanimité, vous propose de décider que la discussion du budget de la guerre n’aura lieu qu’après la discussion de la loi sur l’organisation de l’armée.

M. le président. - Comme c’est une question de priorité que la section centrale vous propose de décider, il suffit de mettre sa proposition aux voix pour que le bureau se règle en conséquence pour l’examen en sections et en section centrale.

M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) - Le gouvernement ne fait aucune opposition à la proposition de la section centrale.

- La proposition de la section centrale est mise aux voix et adoptée.

Projet de loi portant le budget du ministère de la justice de l'exercice 1844

M. Savart-Martel. - Messieurs, l’art. 6 de la loi provinciale porte ce qui suit :

« Le conseil est tenu de porter annuellement au budget des dépenses toutes celles que les lois mettent à la charge de la province et spécialement les suivantes :

« 3° Les réparations d’entretien, conformément aux art. 605 et 606 de code civil, des maisons d’arrêt et de justice civile et militaire de la province, autres que les grandes prisons de l’Etat et les maisons de passage ;

« L’achat et l’entretien, de leur mobilier, les frais des commissions administratives des, prisons autres que les grandes prisons de l’Etat. »

Hier M. le ministre de la justice a proposé un article additionnel fondé sur les raisons que voici :

Aussi, toutes les provinces, sauf une, ont contracté avec l’Etat un abonnement calculé sur une moyenne de dix années de dépenses.

Cet abonnement est utile en ce qu’il fait cesser des conflits entre l’Etat et les provinces, et qu’il permettra à l’Etat d’agir avec plus de liberté et conséquemment avec plus d’utilité.

C’était autrefois les provinces, qui commandaient ces dépenses, maintenant ce sera l’Etat.

A cet effet, M. le ministre vous a présenté hier un article additionnel. La section centrale en a délibéré par suite du renvoi de la chambre.

D’accord avec M. le ministre de la justice, la section centrale a l’honneur de vous proposer l’adoption de la rédaction suivante :

« Réparations d’entretien (n°3 de l’art.69 de la loi provinciale) dont le gouvernement se charge, par suite d’abonnement contracté par les provinces. »

M. le président. - La discussion de cet amendement viendra quand nous serons arrivés au chapitre auquel il se rapporte. Nous allons reprendre la discussion des articles du budget de la justice au point où nous en étions restés.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre VIIII. Cultes

Article premier

« Art. 1er. Culte catholique.

« A. Traitement du haut clergé, compris bourses et demi-bourses affectées aux séminaires : fr. 403,822 39 ;

« B. Traitements des curés, desservants, chapelains et vicaires : fr. 3,252,224 61 ;

« C. Subsides pour les édifices servant aux cultes, y compris 50,000 francs comme charges extraordinaires et autres, pour réparations de diverses tours : fr. 350,000. »

M. Delfosse. - Messieurs, si l’on excepte le traitement du cardinal-archevêque de Malines, que je trouvais et que je trouve encore trop élevé, et dont j’ai demande plus d’une fois, mais en vain, la réduction au taux du traitement des ministres, j’ai voté chaque année sans observation, sans difficulté, l’allocation destinée au culte catholique. Personne n’apprécie plus que moi les services immenses que le clergé catholique peut rendre à la société, quand il a la sagesse de se contenir dans de justes limites. Je dois cependant, cette année, m’opposer à la nouvelle augmentation qui nous est demandée, et qui a une tout autre cause que celle qu’on nous indique.

Depuis quelque temps, il s’est fait dans le personnel du clergé inférieur des mutations importantes dont le gouvernement n’a pas jugé à propos de nous entretenir, et que, la section centrale paraît ne pas avoir aperçues.

Je vois, par la comparaison des tableaux imprimés à la suite des budgets de 1843 et 1844, que le nombre des desservants s’est accru dans le courant d’une année, ou à peu près, de 351. Le nombre des desservants qui était, d’après le tableau de 1843, de 2,257, serait, d’après celui de 1844, de 2,608 : augmentation, 551. Le nombre des curés de première et de seconde classe a peu varié. D’après le tableau de 1843, le nombre des curés de première classe était de 7 ; d’après le tableau de 1844, il est de 88 ; ce n’est qu’un de plus.

Le nombre des curés de seconde classe était de 144 ; il est aujourd’hui de 140 ; 4 de moins.

Mais, d’un autre côté, le nombre de chapelains et vicaires a été réduit dans une proportion plus forte que le nombre des desservants n’a été augmenté.

Le nombre des chapelains était de 406 ; il est aujourd’hui de 170 ; 236 de moins.

Le nombre des vicaires était de 1593 ; il n’est plus que de 1422, 171 de moins.

En total, il y avait, d’après le tableau de 1843, 4,487 ecclésiastiques salariés par l’Etat. D’après celui de 1844, il n’y en a plus que 4,428 ; 59 de moins.

Bien que le nombre des prêtres salariés par l’Etat soit diminué de 59, les diverses mutations qui ont eu lieu ont néanmoins amené une augmentation de dépenses de 108,266 fr. 57 cent. A cette augmentation, qui provient de l’accroissement du nombre des desservants, et qui doit être supportée par l’Etat, il faut ajouter les nouvelles charges qui pèseront sur les communes, vous savez, messieurs, que les communes sont tenues par les lois en vigueur de pourvoir à l’insuffisance des ressources des fabriques, et de fournir des presbytères aux desservants.

Il est même probable que l’augmentation que l’Etat aura à supporter sera encore plus forte que celle que je viens d’indiquer. J’ai lieu de croire que le gouvernement n’a pas encore indiqué toutes les mutations opérées et que les tableaux annexés au budget de cette année ne sont pas d’une entière exactitude. Voici ce qui me porte à le penser. Je vois que, pour la province de Liége, on indique une augmentation de 62 succursales. D’après le tableau annexé au budget de 1843, le nombre des desservants de la province de Liége était de 289. D’après le tableau annexé au budget de 1844, le nombre des desservants serait de 351. Cela ne fait qu’une augmentation de 62 desservants.

Je vois cependant dans l’exposé de la situation de la province de Liége, de 1843, qu’il y a eu pour cette province seule création de 82 succursales ; 20 de plus que le chiffre indiqué par le gouvernement. Il y a nécessairement erreur dans le tableau présenté par le gouvernement, si l’exposé de la députation permanente de la province de Liége est vrai.

Une autre cause qui amènera encore une augmentation de dépense, c’est que probablement, pour rendre moins sensible l’augmentation qui résulte de la création de nouvelles succursales, on a diminué considérablement le nombre des vicaires. Il doit résulter de cette réduction une insuffisance de personnel.

Je vois l’honorable M. de Garcia me faire un signe négatif ; je lui ferai remarquer que le nombre des chapelains et des vicaires a été réduit dans une proportion plus forte que le nombre des desservants n’a été augmenté ; je ne pense pas que le nombre des prêtres fût précédemment trop considérable pour les besoins du culte ; du moins on ne nous l’a jamais dit ; ce nombre qui n’était pas trop considérable ayant été diminué, il me paraît certain que l’insuffisance du personnel se fera bientôt sentir, et que l’on viendra nous demander de nouveaux crédits. On m’a assuré que l’on a, dans certains diocèses, défendu aux prêtres de biner, c’est-à-dire de dire deux messes en un jour. Cette mesure, si elle a réellement été prise, rendra, encore l’insuffisance du personnel plus sensible. Nous devons donc, je le répète, nous attendre à de nouvelles demandes.

Il paraît, messieurs, que les créations de succursales, dont je viens de parler, ont été autorisées dans les derniers temps du ministère de l’honorable M. Van Volxem ; si je ne me trompe, elles remontent au mois de septembre 1842. Voyez comme on est injuste envers MM. les ministres ; on croyait généralement que l’honorable M. Van Volxem avait laissé peu de traces au ministère de la justice ; eh bien, c’était une erreur ; l’honorable membre a, au contraire, déployé une grande activité ; il a créé en très peu de temps 351 succursales. Il est vrai que l’honorable membre doit s’en prendre à lui-même, si cette grande activée n’a pas été connue ; car il n’a pas fait publier les arrêtés qui établissent les nouvelles succursales, et il n’en a pas dit un mot dans la discussion du dernier budget du ministère de la justice.

L’honorable membre craignait probablement que la chambre, ou tout au moins le pays, ne blâmât la complaisance beaucoup trop grande qu’il avait montrée pour les désirs du haut clergé.

L’honorable membre devait se trouver dans un assez grand embarras. Il fallait environ 100,000 fr. pour faire face aux dépenses qu’entraînaient les arrêtés qu’il avait soumis à la signature du Roi. D’un autre côté, il désirait échapper à la discussion que ces arrêtés devaient inévitablement provoquer ; que fit-il ? Il imagina, ou l’on imagina pour lui de venir dire à la chambre que le crédit pour réparations d’églises et de presbytères était insuffisant ; et il proposa de l’augmenter de 100,000 fr. Comme l’allocation concernant le culte catholique ne se compose que d’un article, on pouvait, sans craindre le contrôle de la cour des comptes, donner à ces 100,000 fr. une autre destination que celles pour lesquelles ils étaient sollicités.

La chambre ne sachant pas ce qui s’était passé, n’ayant pas connaissance des arrêtes qui créaient de nouvelles succursales et dont on ne lui disait mot, donna dans le piège. Mais comme elle trouvait l’augmentation un peu forte, elle la réduisit de moitié ; elle accorda 50,000 fr, au lieu de 100,000 fr.

La concession que fit alors la chambre aurait été suffisante si la proposition du gouvernement avait été sincère ; mais comme elle ne l’était pas, comme on ne peut, avec 50,000 fr., pourvoir à une augmentation de traitement qui dépasse 50,000 fr., force est à M. le ministre de la justice actuel de venir nous demander une nouvelle augmentation de 50,000 fr. M. le ministre de la justice propose, en quelque sorte, à la chambre de revenir sur sa décision, de voter les 50,000 fr. qu’elle a rejetés, l’an dernier. M. le ministre de la justice aurait dû nous expliquer l’état des choses, nous dire franchement que l’augmentation était nécessaire pour payer les nouveaux desservants créés à la fin de 1842. Mais non, il a préféré accepter la position très fausse dans laquelle son prédécesseur s’était placé ; il vient nous dire, comme son prédécesseur, que les 50,000 fr. sont destinés à couvrir l’insuffisance du crédit alloué pour les réparations d’églises et de presbytères.

Je reconnais toutefois que M. le ministre de la justice a introduit, dans les développements du budget et dans les tableaux qui y sont annexés, quelques changements qui sauvent jusqu’à un certain point les apparences.

Les tableaux annexés au budget de 1843 ne contenaient aucune trace des modifications faites au personnel du clergé par les arrêtés du mois de septembre 1842 ; l’honorable M. Van Volxem, en publiant ces tableaux, laissait ignorer a la chambre l’existence de ces arrêtes, il faisait croire à la chambre que le personnel du clergé n’avait subi aucun changement.

Dans les tableaux annexés au budget de 1844, M. le ministre de la justice actuel a tenu compte plus ou moins exactement des modifications que le personnel du clergé a subies par suite des arrêtés de 1842 ; on peut, à l’aide de ces tableaux, savoir, et c’est en les consultant que je l’ai su, que le nombre des desservants a été augmente de 351.

En cela, M. le ministre de la justice a fait mieux que son prédécesseur, mais il aurait dû faire mieux encore ; il n’aurait pas dû se borner à donner les chiffres, il aurait dû appeler l’attention de la chambre, ou tout au moins de la section centrale, sur les mutations importantes qui avaient eu lieu ; il aurait dû en exposer les motifs, il aurait dû surtout faire connaître que ces mutations avaient entraîné une augmentation de dépenses de plus de 100,000 francs.

Dans le développement du budget, l’article unique relatif au culte catholique se trouve subdivisé en 3 littera.

Le littera A comprend les dépenses relatives à ce que l’on peut appeler l’état-major du clergé.

En 1843, il était rédigé comme suit : Traitement du cardinal-archevêque, des évêques, vicaires-généraux, chanoines directeurs et professeurs des séminaires, bourses et demi-bourses affectées aux séminaires et subsides pour les travaux à faire aux palais et séminaires épiscopaux : fr. 434.800

Le littera B comprend le traitement des curés, desservants, chapelains et vicaires ; il était en 1843 de fr. 3,221,247

Le littera C comprend les subsides pour réparations ; il était dans le projet du budget pour 1843 rédigé comme suit :

« Subside pour la construction et l’entretien des églises et presbytères : fr. 350,000. »

Cette rédaction et ces chiffres du budget de 1843 étaient absolument les mêmes que la rédaction et les chiffres du budget de 1842 ; seulement, au lieu des 100,000 francs votés en 1842 pour le petit séminaire de St.-Trond, dépense dont il n’était plus question en 1843, on demandait 100,000 francs pour réparer des tours d’église.

On ne faisait pas le moindre changement aux littera A et B. Le chiffre demandé pour les curés, desservants, chapelains et vicaires restait le même, et cependant la dépense avait été augmentée de 108,266 francs 37 centimes, par suite de la création de nouvelles succursales dont on ne disait mot.

M. le ministre de la justice a senti que, pour rentrer dans le vrai, ou plutôt, comme je l’ai dit tantôt, pour sauver les apparences, il fallait modifier quelque peu ces développements du budget, et voici comment il a opéré.

Il a supprimé du littera A les mots et subsides pour les travaux à faire aux palais et séminaires épiscopaux, et il a, en conséquence, réduit le chiffre de ce liftera de 30,977 fr. 60 c.

Il a augmenté le chiffre du littera B de 26,212 fr. 11 c. ; ce chiffre, qui était en 1843 de 3,221,247 fr., est porté à 3,247,459 fr. On pourrait croire, messieurs, en voyant le littera B que les traitements des curés, desservants, chapelains et vicaires n’ont été, en définitive, augmentés que de 26,212 fr. 11 c. ; c’est ici que j’accuse M. le ministre de la justice d’avoir manqué de franchise. Pour savoir que l’augmentation des traitements a été beaucoup plus forte, qu’elle s’est élevée à plus de 100,000 francs, il faut faire de longues recherches que M. le ministre de la justice aurait pu rendre inutiles d’un seul mot.

Dans le tableau du budget de 1843 indiquant la répartition de crédit porté au littera B, il y avait 62.091 francs 12 c. portés pour dépenses imprévues ; il était dit, dans une note jointe à ce tableau, que cette somme de 62,091 fr. 12 c. serait employée à payer les traitements des coadjuteurs et qu’elle servirait en outre, avec les économies qui pourraient résulter des vacatures, à suppléer à l’insuffisance du littera C.

Dans le même tableau, il y avait, en outre, une somme de 15,497 fr. 64 c destinée à payer les suppléments de traitements.

Dans le tableau du budget de 1844, il n’est plus question ni de suppléments de traitements, ni de dépenses imprévues ; les sommes indiquées en 1843 comme devant servir à payer les suppléments de traitements et aux dépenses imprévues, sont absorbées, comme les 25,212 fr. portés en plus au littera B, à faire face aux dépenses résultant de la création d’un grand nombre de succursales.

Par suite de ces diverses combinaisons, le chiffre du littera C est devenu réellement insuffisant. Mais est-ce parce qu’il y a plus de tours ou d’églises à réparer que par le passé ? Non, messieurs, c’est parce que l’on a créé de nouvelles succursales ; c’est la création de ces succursales qui est la cause réelle, la seule cause de l’insuffisance à laquelle on cherche à remédier.

Il est évident que, si l’on n’avait pas fait disparaître du littera A la somme de 30,977 fr. 60 c. qui servait à réparer les palais et églises épiscopaux, et on ne l’a fait disparaître que pour pouvoir augmenter le littera B, on n’aurait pas eu à imputer la réparation des palais et des séminaires épiscopaux sur le littera C ; c’est pour pouvoir imputer ces dépenses sur le littera C que M. le ministre de la justice a changé aussi quelque peu la rédaction de ce littera ; au lieu de : Subsides pour la construction et l’entretien des églises et presbytères, il a mis : Subsides pour la construction et l’entretien des édifices servant au culte.

Il est évident encore que si la somme de 62,091 fr. 12 c., qui servait entièrement à couvrir l’insuffisance du littera C n’avait pas été absorbée par les augmentations de traitements, le chiffre du littera C aurait suffi pour faire face, comme par le passé, à la construction et à l’entretien des églises et des presbytères.

En effet, messieurs, ce chiffre a été augmenté, l’année dernière, de 50,000 fr. ; on nous propose de l’augmenter encore d’autant, ces deux augmentations réunies équivalent à peu près aux deux chiffres de 30,977 fr. 60 c. et de 62,091 fr. dont je viens de parler ; si l’on n’avait pas chargé le littera C de la dépense de 30,977 fr. 60 c. qui était supportée par le littera A ; si on n’avait pas privé le littera C de la somme de 62,091 fr. 12 c. qui lui venait précédemment en aide, le littera C aurait continué à être suffisant.

J’ai dit tantôt que la somme de 62,091 fr. 12 c. portée pour dépenses imprévues, servait entièrement à couvrir l’insuffisance du littera C ; en effet, messieurs, on lit dans une note insérée au tableau du budget de 1844, que les économies à provenir des vacatures serviront à payer les traitements des coadjuteurs.

Vous voyez, messieurs, que j’avais raison de dire que M. le ministre de la justice n’a sauve que les apparences.

L’honorable M. Van Volxem avait induit la chambre en erreur. L’honorable M. Van Volxem nous avait dit que la somme de cent mille francs, qu’il demandait, serait employée à réparer les tours d’églises ; en réalité elle devait être employée à payer les traitements des nouveaux desservants.

M. le ministre de la justice, à l’aide de certaines combinaisons, qui peuvent paraître plus ou moins ingénieuses, mais qui, selon moi, manquent de franchise, a masqué en partie ce qu’il y avait de faux dans la position.

La chambre ne peut pas s’associer à un système que j’appellerai un système de déception. Si la chambre croit qu’il y avait lieu d’augmenter le nombre des desservants, elle doit augmenter directement, franchement, le crédit porté au budget pour le traitement des desservants ; elle ne doit pas employer un moyen indirect ; elle ne doit pas voter une augmentation sous le prétexte qu’il y aurait plus de tours ou plus d’églises à réparer.

Je ne pense pas, messieurs, qu’il y avait lieu d’augmenter, comme l’a fait l’honorable M. Van Volxem, l’allocation destinée aux traitements du culte catholique. Cette allocation a été considérablement augmentée depuis plusieurs années. En 1832, si je ne me trompe, cette allocation n’était que de 3,390,670 fr. 89 c. Depuis lors, l’augmentation a été d’environ 700,000 fr. Mais cette augmentation de 700,000 francs n’est qu’apparente ; l’augmentation réelle est de 1,100,000 fr., parce que le clergé des parties cédées du Limbourg et du Luxembourg absorbait environ 400,000 fr.

En 1840, l’augmentation avait été assez sensible ; elle était, si mes souvenirs sont exacts, d’environ 300,000 fr. La section centrale fit quelques difficultés en 1840 d’allouer une augmentation aussi forte. Mais elle se rendit aux observations de l’honorable M. de Theux, alors ministre de l’intérieur, dans les attributions duquel se trouvaient les cultes, qui donna l’assurance que le chiffre demandé serait un chiffre normal, et qu’à l’avenir il ne serait plus augmenté.

En 1840, on demandait une augmentation de 300,000 fr., en donnant l’assurance que ce chiffre ne serait pas dépassé, et en 1842 on augmentait ce chiffre d’une somme annuelle de plus de cent mille fr., sans consulter les chambres.

Messieurs, nous sommes dans un moment où nous devons être très difficiles à admettre de nouvelles dépenses. Vous connaissez l’état fâcheux dans lequel nos finances se trouvent. On a été dans cette enceinte jusqu’à parler de faire une halte dans les travaux publics ; on parle de réduire considérablement l’armée ; on ajourne de session en session les augmentations demandées pour l’ordre judiciaire. Convient-il, dans de pareilles circonstances, d’accorder au clergé, et surtout sans consulter les chambres, une augmentation annuelle de plus de cent mille francs. Je ne le pense pas, mais, quelle que soit l’opinion de la chambre sur ce point, je pense qu’elle devrait au moins, avant de voter cette augmentation, exiger que le gouvernement fît un rapport complet ; qu’il expliquât quels sont les motifs qui l’ont engage à entraîner l’Etat dans cette dépense nouvelle.

J’aurai l’honneur de proposer à la chambre l’amendement suivant :

« Je demande que l’article relatif au culte catholique, soit divisé en trois articles et rédigé comme suit :

« Art. 1er. Traitement du cardinal-archevêque, des évêques, vicaires-généraux, chanoines, directeurs et professeurs des séminaires, bourses et demi-bourses affectées aux séminaires et subsides pour les travaux à faire au palais et séminaires épiscopaux : fr. 434,800 »

« Art. 2. Traitements des curés, desservants, chapelains et vicaires : fr. 3,221,247 »

« Art. 3. Subsides pour la construction et l’entretien des églises et presbytères : fr. 250,000 »

« Total : fr. 3,906,047. »

Si la chambre adoptait cet amendement, elle rétablirait l’état de choses existant à l’époque où l’honorable M. Van Volxem a pris les arrêtés qui on érigé un grand nombre de succursales ; l’augmentation temporaire de 50,000 fr. que la chambre a votée l’année dernière, serait supprimée. Toutefois rien n’empêcherait la chambre de voter plus tard l’augmentation nécessaire pour payer les nouveaux desservants.

Je ne demande pas que la chambre préjuge aujourd’hui la question, je demande seulement qu’avant de voter l’augmentation de dépenses, elle exige du gouvernement un rapport complet et détaillé sur cette affaire.

Pour le cas où la chambre aurait quelque répugnance à s’écarter de l’usage, suivi jusqu’à présent, de confondre les allocations destinées au culte catholique dans un article unique, je proposerai subsidiairement de voter un article unique, mais de n’admettre que le chiffre de l’année dernière.

La chambre serait également libre de voter plus tard les 50,000 fr. demandés, lorsqu’elle aurait pris connaissance du rapport que le gouvernement devrait faire.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) - Messieurs, puisque l’on a cru devoir m’accuser de manquer de franchise, il m’importe de répondre à l’instant même au discours que vous venez d’entendre, pour prouver combien cette accusation est peu fondée.

Messieurs, on n’a pas contesté, en principe, le droit qu’a le gouvernement de créer des succursales. Il aurait été, en effet, difficile de contester, en présence de la législation si formelle qui régit cette matière ; on n’a pas non plus contesté d’une manière bien positive l’utilité des créations qui ont eu lieu, et cela eût également été fort difficile, en présence des rapports qui ont précédé ces créations.

Les autorités civiles et ecclésiastiques qui, aux termes de la loi de germinal an X, devaient être consultées, où plutôt devaient se mettre d’accord sur la nécessité de la création de nouvelles succursales, ces autorités ont fait connaître leur opinion commune, et c’est à la suite de l’accord existant entre ces autorités que les nouvelles succursales ont été autorisées.

Certes ces autorités étaient le plus à même de savoir quels étaient les besoins de leurs administrés respectifs ; et l’on peut avoir pleine confiance dans les rapports qui ont été faits ; on peut être convaincu que le gouvernement n’a créé des succursales que lorsque la nécessité en était parfaitement démontrée. Il existait et il existé encore de nombreuses chapelles ; ces chapelles se trouvent dans des hameaux dépendant de communes et même dans des commune qui n’ont pas encore d’église. Dès l’instant où il était nécessaire d’organiser le culte dans ces chapelles, il était nécessaire aussi de séparer l’administration de ces chapelles de celle des églises dont elles avaient dépendu jusque-là.

Il est donc évident, qu’il fallait changer ces chapelles en succursales, car les chapelains ont un traitement tellement modique qu’il ne pourrait suffire pour leur procurer une existence convenable. Or, dès qu’ils étaient chargés de fonctions semblables à celles de desservants, il était de toute justice de les assimiler à ceux-ci sous tous les rapports, ce qui ne pouvait avoir lieu qu’en élevant la chapelle au rang de succursale. Si antérieurement il n’existait pas de chapelle, alors un vicaire était nomme desservant de la nouvelle succursale, et sa place comme vicaire n’était pas remplie à la succursale à laquelle il était précédemment attaché, perdant de son importance et se trouvant diminuée de toute la partie érigée en succursale nouvelle. Ainsi la diminution du nombre des vicaires s’explique, et l’augmentation du nombre des desservants s’explique également.

En général, la création d’une succursale est un avantage pour la commune, parce que la commune paye ordinairement une indemnité au chapelain chargé de desservir le culte dans une chapelle, et que cette indemnité n’existe plus dès que la chapelle est érigée en succursale.

Il est vrai, messieurs, que les succursales créées sous le ministère de mon prédécesseur sont en grand nombre, mais les besoins du culte exigeaient impérieusement ces créations, comme le prouve à l’évidence l’instruction qui a été faite à cet égard. Il y a plus, c’est que l’on n’a pas même fait tout ce qui était nécessaire, car il existe encore en ce moment 167 églises qui ne sont pas dotées, et 91 communes qui n’ont même point d’église. J’ai ici la liste de ces églises et de ces communes.

Il me paraît donc, messieurs, que c’est bien à tort qu’on a reproché au gouvernement d’avoir créé ces succursales ; en les créant le gouvernement a usé d’un droit que lui donne la législature existante, et il a rempli un devoir que lui imposait la constitution. Le gouvernement n’a fait ces créations que parce que la nécessité en était reconnue et constatée pat les autorités auxquelles la loi confie cette mission.

On a dit, messieurs, que les tableaux que nous avons fournis n’étaient pas exacts parce qu’ils ne cadraient pas avec d’autres tableaux émanés, je pense, de la députation permanente du conseil provincial de Liége. Il m’est complètement impossible de répondre maintenant à cette observation. Je devrais prendre des renseignements à cet égard, afin de savoir de quel côté l’erreur peut exister. On comprend aisément que je n’ai pas été compulser tous les dossiers relatifs à une création antérieure à mon entrée au ministère ; je me suis contenté de me faire fournir des notes sur ce qui avait été fait.

On a encore reproché au gouvernement d’avoir agi d’une manière clandestine en ne publiant pas l’arrêté relatif à la création des succursales dont il s’agit. Mais, messieurs, cet arrêté ne devait pas être publié. Aux termes d’un avis du conseil d’Etat, du 23 prairial an XIII, l’arrêté devait tout simplement être envoyé aux gouverneurs respectifs pour être transmis par eux aux communes qu’il intéressait. C’est ce qui s’est toujours pratiqué, c’est ce qui a été reconnu légal par un arrêt de notre cour de cassation. Je pense donc qu’il n’y a rien à objecter contre le défaut d’insertion dans le Bulletin officiel et que la publication qui a été donnée à l’arrêté, conformément à la législation existante, répond au vœu de l’art. 129 de la constitution.

On a prétendu, messieurs (et c’est dans la rédaction de cette partie du budget, que j’aurais dû employer des manœuvres, que j’aurais dû manquer de franchise), on a prétendu que le budget avait été rédigé, cette année, de manière à pallier en quelque sorte ce qui avait été fait les années précédentes, en présentant les choses d’une façon déguisée, sans indiquer sincèrement et exactement la destination des allocations demandées.

Je pense, messieurs, que la manière dont le budget est maintenant rédigé, indique au contraire la plus grande franchise. Qu’avons-nous fait, en effet ? Dans le littera A, nous avons porté les traitements du cardinal-archevêque et de tout le haut clergé, et nous vous avons dit d’une manière bien franche : « Il nous faut 403,000 fr. pour les traitements du haut clergé. » Nous n’avons pas parlé là de l’entretien des palais épiscopaux, dépense plus ou moins imprévue, qui ne peut pas être fixée d’avance d’une manière bien certaine ; mais nous avons calculé et demandé sans détour ce qu’il fallait pour les traitement du haut clergé.

Quant au littera B, nous avons agi de la même manière, en retranchant aussi les dépenses imprévues et éventuelles, pour y porter uniquement, du chef des traitements des curés, desservants et vicaires, une somme de 3,252,224 fr.

Ainsi, nous disons à la chambre, et ce langage nous paraît bien franc : « Telle somme nous est nécessaire pour le personnel du clergé, conformément aux tableaux qui se trouvent dans les développements du budget. » Il me semble qu’il est impossible d’agir avec plus de franchise que je ne l’ai fait dans cette circonstance, car j’ai indiqué d’une manière bien positive quelle était la sommé demandée pour le personnel du haut et du bas clergé.

Maintenant pour le littera C, je porte 300,000 fr., avec une demande d’augmentation de 50,000 fr. pour les tours, augmentation que j’expliquerai tout à l’heure.

La somme de 350,000 fr. ne sera pas destinée à créer d’autres traitements. Elle n’a du reste jamais reçu cette destination. Toujours, au contraire, ce sont les sommes devenues disponibles par vacances d’emploi et portées aux littera A et B qui ont servi à compléter l’insuffisance du littera C. L’on a d’ailleurs annoncé annuellement, dans les développements du budget, que l’insuffisance de la somme demandée pour réparations aux édifices servant au culte, serait couverte au moyen des fonds qui pourraient devenir disponibles par suite de vacances d’emplois rétribués.

Nous pensons donc que les craintes de l’honorable M. Delfosse ne sont pas fondées ; nous pensons surtout qu’il est impossible de voir de ma part la moindre tactique, la moindre intention de surprendre le vote de la chambre.

Maintenant je dois entretenir la chambre de la demande que j’ai faite d’une somme de 50,000 francs pour réparations aux tours des églises.

D’abord, je demande 300,000 francs destinés aux réparations des édifices servant au culte, et, cette année, je majore cette somme de 50,000 francs. La somme de 300,000 francs est à peine suffisante pour les édifices du culte proprement dits ; ce qui a été payé pour des subsides de cette nature en 1842 et en 1843 le prouve jusqu’à la dernière évidence. Si l’emploi de ces sommes était contesté, je pourrais facilement prouver à la chambre que ces subsides ont été réellement accordés et l’ont été d’une manière utile.

Les engagements qui ont été contractés, en quelque sorte, par suite des subsides accordés l’année dernière, me font prévoir que la somme de 300,000 francs sera à peine suffisante pour parer aux besoins des édifices servant réellement au culte.

Messieurs, de nombreuses demandes ont été adressées au gouvernement, à l’effet d’obtenir des subsides pour réparer les tours d’églises, dont quelques-unes sont considérées comme propriétés communales.

Il y a en effet des tours qui, quoique faisant partie intégrante de l’église, ont été bâties par les communes, sont entretenues par elles, et leur appartiennent. C’est du moins une prétention qu’élèvent plusieurs localités, et notamment Anvers et Malines ; cette prétention n’est pas contestée par le clergé.

Dès l’instant où ces tours ne peuvent pas être considérées comme édifice destiné au culte, il m’est impossible d’accorder un subside sur le crédit destiné aux réparations des édifices servant au culte, et jusqu’à présent aucun subside pour réparer les tours de cette catégorie n’a été accordé par le gouvernement.

L’on s’est adressé à M. le ministre l’intérieur et on lui a demandé de considérer ces tours comme étant des monuments ressortissant, dès lors, à son département ; mon honorable collègue et moi, avons examiné à quel budget il était convenable de porter une somme pour cet objet, et nous avons pensé, messieurs, qu’en raison de la nature mixte de ces constructions, il était préférable de proposer une somme au budget de la justice.

En effet, le ministre de la justice ayant les cultes dans ses attributions et étant chargé d’accorder des subsides aux provinces et aux communes qui en ont besoin, pour les aider à reconstruire ou à entretenir les édifices destinés au culte, il parut fort naturel de le charger en même temps de subsidier les communes et les provinces pour les réparations aux tours faisant corps avec l’édifice religieux. En tout cas, que ce soit le département de la justice ou celui de l’intérieur qui ait cette attribution, la nécessité d’allouer cette somme n’en est pas moins réelle.

L’amendement de l’honorable M. Delfosse ne me paraît pas pouvoir être accueilli par la chambre, parce que, s’il était admis, il en résulterait une insuffisance dans le crédit destiné aux traitements du personnel actuellement existant. Or, je ne pense pas qu’il puisse entrer dans l’intention de la chambre de refuser des traitements à des desservants légalement nommés et institués et qui sont en exercice depuis un an : ce serait méconnaître la légalité et l’utilité des créations de nouvelles succursales.

M. de Garcia. - Messieurs, si j’ai bien compris l’honorable M. Delfosse, son discours avait surtout pour objet d’accuser M. le ministre de la justice et son prédécesseur d’un défaut de franchise dans l’exposé des dépenses du culte.

Je n’ai pas à prendre ici la défense de M. le ministre de la justice qui, du reste, vient de donner des explications satisfaisantes.

Mais je dois expliquer un signe improbatif que j’ai fait, lorsque j’ai entendu l’honorable M. Delfosse tirer une conséquence erronée, selon moi, de la supputation faite par lui sur les frais de traitement des ecclésiastiques qui existent dans le pays.

L’honorable M. Delfosse, vous disait : vous avez supprimé autant de vicaires, vous avez nommé autant de desservants ; le nombre des vicaires supprimés dépasse le nombre des desservants ; donc vous deviez nécessairement encore augmenter le chiffre des desservants.

Voici maintenant pourquoi je n’ai pu approuver la conséquence que l’honorable M. Delfosse a tiré de ses calculs, que je suppose exacts ; sans les avoir vérifiés, nous devons d’abord observer que beaucoup de vicaires ont été créés à raison du grand âge des ecclésiastiques qui étaient appelés à desservir les paroisses, lorsque, par les circonstances du temps, les ministres du culte manquaient. Sans vouloir les mettre à la pension, force a été de leur donner un aide, pour remplir convenablement leur ministère. Dans cet état, de ce qu’on a supprimé des chapelains et des vicaires, plus qu’on a érigé de desservants, l’on ne peut inférer qu’il faudra, à ce point de vue, augmenter le nombre des desservants. La plupart des curés aujourd’hui en exercice sont jeunes et peuvent suffire aux besoins du culte sans qu’on leur adjoigne des vicaires. Sous ce rapport je pense donc que la conclusion tirée par M. Delfosse, de la supputation de la suppression des vicaires et des chapelains, n’est ni exacte, ni nécessaire.

Puisque j’ai la parole, je présenterai quelques observations sur le fond de l’amendement qui a été présenté par l’honorable préopinant. Cet amendement, qui d’abord semblait n’avoir pour objet que de critiquer le défaut de franchise dans le gouvernement, en définitive, aurait pour conséquence d’amener la suppression d’une partie du traitement accordé à des desservants et dès lors la suppression même de ces desservants.

Messieurs, le nombre des desservants et des vicaires qui existent dans le pays est indispensable, selon moi ; je ne puis mieux le prouver qu’en signalant la peine avec laquelle les communes ou les fractions de commune obtiennent le concours du gouvernement pour atteindre le but qui souvent reste longtemps l’objet de leurs désirs. Notez-le bien, messieurs, les communes doivent faire une partie de ce traitement, et ce n’est pas de gaieté de cœur que des citoyens déjà chargés d’impôts considérables, iront sacrifier leurs écus pour payer un ministre des cultes qui leur serait inutile. Messieurs, la religion est une des choses les plus sacrées pour le peuple ; sa conservation, un devoir aussi sacré pour le gouvernement, et vous ne pouvez répondre par un refus à ceux qui réclament des mesures pour l’usage et le libre exercice de leur culte, quand une commune vous demande un desservant.

Lorsqu’une fraction de paroisse est éloignée du chef-lieu d’une demi-lieue ,de trois quarts de lieue, lorsque des mères du famille ne peuvent se transporter à l’église de la paroisse sans laisser à l’abandon leurs enfants en bas âge, n’y aurait-il pas inhumanité, injustice à refuser des desservants ou des vicaires à des localités qui sont dans une semblable position ? Il y aurait là une injustice manifeste, il y aurait violation de la constitution qui fait à la nation un devoir de salarier les ministres du culte. Je suis partisan des économies mais je ne les veux que rationnellement, et dans notre pays celles du culte sont loin de dépasser les justes limites.

Depuis que j’ai l’honneur de siéger dans cette enceinte, j’ai été un de ceux qui ont réclamé le plus vivement des économies ; j’ai toujours cru que nos budgets devaient être mis en équilibre par des économies plutôt que par des charges nouvelles ; mais je veux des économies justifiées par la raison. L’économie qu’on propose maintenant ne me paraît pas avoir ce caractère.

D’après l’exposé qu’a fait M. le ministre de la justice, certaines communes sont encore privées d’église et de desservant, je crois dès lors qu’il sera encore nécessaire d’augmenter cette dépense, et vous ne pourriez reculer devant le vote de cette augmentation, sans commettre la plus grande injustice, sans commettre une inconstitutionnalité.

Je connais plusieurs localités qui, après des sollicitations réitérées, et moyennant un concours pécuniaire convenable, ont obtenu des desservants ; je dis, moi, que le gouvernement a bien mérité des habitants de ces localités en leur accordant son concours et leur donnant ce qu’elles demandaient. Les besoins de conscience des citoyens peuvent-ils être mieux appréciés par personne que par les intéressés eux-mêmes qui, du reste, se soumettent ainsi à des sacrifices pécuniaires assez pénibles.

Messieurs, je n’en dirai pas davantage sur le fond de la question ; mais M. le ministre de la justice, en terminant sa réponse au discours de l’honorable M. Delfosse, a dit que le gouvernement avait préféré porter 50 mille fr. au budget de la justice, pour réparation de monuments mixtes et de tours, plutôt que de laisser ces réparations à la charge du département de l’intérieur. Je demanderai au gouvernement si, jusqu’à ce jour, il n’a pas été accordé, par le département de l’intérieur, des subsides pour la réparation de ces tours.

M. Van Volxem. - Messieurs, j’avais demandé la parole pendant que l’honorable M. Delfosse parlait ; M. le ministre de la justice ayant pris la parole avant moi, a donné les explications que je me proposais de présenter. Je crois cependant devoir ajouter quelques mots.

Je crois que l’arrêté que j’ai eu l’honneur de soumettre à la signature du Roi, à l’effet d’établir des succursales, était parfaitement légal. Toutes les prescriptions de la loi du 18 germinal an X ont été observées. Cette loi exige que les évêques et les préfets s’entendent sur la nécessité de créer des succursales, et quand ils sont d’accord, c’est au gouvernement à examiner s’ils sont restés dans des bornes convenables. C’est ce qui a eu lieu avant de prendre l’arrêté qui a été critiqué. Les autorités provinciales et ecclésiastiques ont été consultées sur les nombreuses demandes qui avaient surgi de toutes parts, à l’effet d’établir des succursales. Ce n’est pas cependant que j’aie voulu profiter de mon passage au ministère pour les créer, car depuis longtemps cette affaire était à l’instruction, et la législature en avait si bien connaissance, que sur la proposition du gouvernement, il avait déjà été porté au budget de 1840 une somme dont je ne me rappelle pas le chiffre, à l’effet d’augmenter le traitement des desservants et aussi pour subvenir à la création de nouvelles succursales. Depuis lors, l’affaire a été instruite, et ce n’est que dans le courant de 1842 qu’elle est parvenue à maturité. C’est alors que l’arrêté a été pris.

Je pense qu’en créant le nombre de succursales dont on a parlé, on n’a pas encore répondu à tous les besoins. Ainsi que l’a fait observer M. le ministre de la justice, 258 églises sont sans desservant et 91 localités chefs-lieux de communes sont privées de toute église. Ne serait-il pas convenable, ne serait-il pas juste de pouvoir aux besoins du culte dans ces localités ? Je pense que la réponse négative n’est pas possible.

On m’a reproché d’avoir manqué de franchise, de loyauté, en m’abstenant de faire connaître les arrêtés établissant des succursales. Ainsi que M. le ministre de la justice l’a fait observer, la publication de ces arrêtés n’était pas nécessaire, n’était pas usitée ; on s’est borné à faire en 1842 ce qu’on avait toujours fait jusque-là.

On n’a pas augmenté en 1843 le chiffre pour le traitement des desservants ; mais, comme on prévoyait qu’on devrait employer ce qui était destiné aux honoraires du clergé à des travaux de construction, il était nécessaire de faire ce que nous avons fait, de demander une augmentation pour les constructions. Nous n’avons pas induit la chambre en erreur. Aucune observation n’a été faite. Nous n’avons pas détourné des fonds destinés aux constructions pour les employer en traitements ; au contraire ce sont les sommes destinées aux traitements qui ont été employées aux besoins des constructions.

Je pense que ce qui a été fait en 1842, dont la légalité est parfaitement justifiée, a répondu aux vœux des communes, aux vœux des autorités provinciales, aux vœux des autorités ecclésiastiques, ainsi qu’aux vœux de la législature, puisqu’elle avait, en 1840, vote des fonds pour cet objet.

Je crois pouvoir m’abstenir d’entrer dans d’autres détails à ce sujet.

(Moniteur belge n°12, du 12 janvier 1844) M. Verhaegen. - Messieurs, je reconnais volontiers les services qu’a rendus et que peut rendre encore au pays le bas clergé, lorsqu’il se renferme dans les limites de son saint ministère ; aussi, loin de contester les allocations portées au budget pour les desservants et les vicaires, je m’empresse de déclarer, comme je l’ai fait déjà à plusieurs reprises, que si l’insuffisance des traitements à l’égard de tous ou de quelques-uns d’eux m’était démontrée, je n’hésiterais pas à appuyer des demandes de majorations qui seraient faites en leur faveur. C’est sur les bancs où j’ai l’honneur de siéger que, de tous les temps, le bas clergé a trouvé des marques de sympathie ; en combattant les exigences incessantes des sommités ecclésiastiques, nous n’avons cessé de défendre les intérêts et les prérogatives des vrais pasteurs.

Aujourd’hui encore, la critique que nous faisons de l’érection des 351 nouvelles succursales, en une seule année, justifie les protestations de plusieurs anciens desservants dont les droits acquis n’ont pas été respectés et qui, par suite, ne peuvent plus subvenir à leurs besoins, et à ce point de vue nous nous posons encore les défenseurs de cette partie si intéressante du bas clergé.

Examinons maintenant, sans autre préambule, à quelle autorité compète le droit d’ériger des églises, de créer des succursales ?

La liberté des cultes et l’indépendance du clergé, qui en est le corollaire, n’ont rien de commun avec les intérêts de la religion qui continuent, comme chose mixte, d’être réglés par l’autorité civile et par l’autorité ecclésiastique. Si l’autorité civile doit intervenir dans l’érection des églises, c’est uniquement à cause des intérêts temporels qui s’y rattachent.

Les lois nouvelles sur cette matière sont calquées sur le droit ancien : dans les Pays-Bas autrichiens, il était défendu d’ériger aucune église, chapelle, maisons pieuses, fondation, etc., sans le consentement de Sa Majesté. Placard du 15 septembre 1753, art. 2.

Mais le concours du gouvernement suffit-il dans tous les cas ?

En d’autres termes, le gouvernement peut-il, par arrêté royal, en se basant sur les art. 60 et 61 de la loi organique du 18 germinal an X, établir une succursale dans un village où il y a déjà une église succursale pour une population souvent minime ?

Peut-il, par arrêté royal, ériger un chapelle en église ?

Ces questions, très importantes par elles-mêmes, acquièrent une importance nouvelle, par suite des empiètements incessants de certain parti.

Le haut clergé voulant multiplier partout le nombre de ses créatures, et se donner au besoin des agents actifs, aux frais de l’Etat, s’occupe depuis quelque temps, sans l’aveu préalable des autorités compétentes, d’ériger en églises paroissiales ou succursales de simples chapelles qui se trouvent disséminées dans les villages.

MM. les gouverneurs (celui du Brabant surtout) s’empressent de nommer aussitôt des conseils de fabrique auprès de ces chapelles devenues des églises par la toute puissance cléricale ; et le ministère de sanctionner ensuite !

Les prêtres attachés à ces anciennes chapelles en qualité de vicaires sont élevés au grade de curés ou de desservants, au gré du haut clergé : on leur adjoint ensuite des vicaires, et l’Etat intervient pour payer les nouveaux appointements qui sont abandonnés au libre arbitre de l’épiscopat au point qu’on a vu dans une commune, quelque petite que fût sa population, ériger autant d’églises qu’il y avait de chapelles.

D’une telle pratique qui n’a trouvé jusqu’ici, dans les agents du gouvernement, que des approbateurs, il résulte que le haut clergé a plein pouvoir pour couvrir la Belgique de personnes civiles, car telle est la qualité qu’on attribue aux chapelles métamorphosée en églises ou succursales ; c’est pour administrer les biens de ces personnes civiles que le gouvernement nomme auprès d’elles des conseils de fabrique : ceux-ci acceptent ensuite des donations, des legs, etc., etc., etc., tout comme le ferait le conseil d’une église de village, d’une église paroissiale ; ces acceptations sont ensuite ratifiées ; le fait s’est déjà présenté à deux reprises de la part du conseil de fabrique nommé auprès de l’ancienne chapelle d’Eyseringen (hameau sous la commune de Lennick-Saint-Quentin), que l’évêque a érigée en église, il y a un an.

Heureusement tout cela est profondément illégal et l’autorité judiciaire, qui a eu récemment à s’occuper de ces questions, l’a déclaré tel ; mais pourquoi le ministre de l’intérieur, qui est toujours aux aguets, pour casser les décisions d’un conseil communal, ayant ordonné la publicité de ces séances, par exemple, en ayant pris des mesures paraissant tant soit peu libérales, a-t-il laissé subsister les arrêtés illégaux par lesquels des gouverneurs nomment de prétendus conseils de fabrique auprès de prétendues églises ? Singulier conflit entre l’autorité administrative et l’autorité judiciaire. Serait-ce peut-être parce que la magistrature se montre trop indépendante, qu’on la traite si mal et qu’on refuse constamment de faire droit à ses justes réclamations ! !

Pourquoi le ministre lui-même paie-t-il un curé et un vicaire institués par l’évêque auprès d’une église de sa fabrication, alors que l’art. 15 du concordat du 26 messidor an IX, ne reconnaît les prêtres attachés à une chapelle que comme vicaires ? L’évêque peut nommer des curés honorifiques autant que cela lui plaît, mais le pouvoir civil ne peut reconnaître comme tels que ceux reconnus par la loi civile.

Il y a plus : le gouvernement devrait s’opposer, autant qui est en son pouvoir, à ce que des hameaux ayant eu antérieurement une chapelle soient érigés en paroisses, en communes séparées, quant au spirituel, car ces séparations troublent l’ordre et la bonne harmonie, suscitent des haines et rendent impossible l’administration d’un conseil communal sur un village et un hameau devenu aussi un village, quant au spirituel, par l’établissement d’une église, d’un conseil de fabrique, d’une cure, etc., etc.

Mais, loin de s’opposer à ce morcellement, le gouverneur du Brabant surtout le protège là où il en trouve l’occasion : c’est ainsi qu’il a fait à Lasnes, où une ancienne masure fermée depuis un temps immémorial s’est vue tout à coup convertie en église avec tous ses accessoires, c’est ainsi qu’il a fait à Saintes, ou la chapelle de Wisbeck a été érigée en succursale, malgré les protestations du conseil communal, qui refuse aujourd’hui (et à juste titre) de porter dans son budget les frais de construction du nouveau presbytère, se montant à 10,000 fr.

A Lennick-St.-Quentin, il a fait plus encore ; d’abord il a nommé un conseil de fabrique auprès de l’ancienne chapelle d’Eyseringen. Ensuite, après que l’archevêque avait déterminé le territoire de cette nouvelle église, de cette succursale, il a suivi la même démarcation, et il a ordonné, d’après la loi communale étrangement interprétée, que ce hameau, quant au civil, paroisse, quant au spirituel, aurait au conseil communal de Lennick le même nombre de membres que le reste du village ; cependant Eyseringen ne possède, même d’après la division de l’évêque, qu’un tiers de la population de Lennick-St.-Quentin, et à peine le quart des électeurs.

Le conseil communal a protesté auprès du gouverneur contre cette violation de la loi, mais en vain ; le gouverneur a tenu bon, et le ministère a laissé faire.

Une pétition à la législature circule en ce moment, et vous en serez saisis sous peu de jours.

Ne sont-ce pas là de véritables séparations de communes pour lesquelles il faut une loi ?

Mais nous l’avons dit, toutes ces créations d’églises, ces érections de chapelles en succursales sont illégales ; les dispositions de loi invoquées pour justifier les arrêtés royaux qui font l’objet de notre critique sont sans force aujourd’hui, ou au moins sont inapplicables à l’espèce.

Elles sont sans force ; car si le haut clergé, lorsque son intérêt l’exige, peut rejeter, comme abrogés par la constitution belge, et le concordat et la loi organique du 18 germinal an XI, il doit aussi être permis aux communes de se soustraire à l’application de ces lois anciennes, abrogées par la loi communale en tant qu’elles les soumettraient malgré elles à des obligations exorbitantes.

Dans tous les cas, ces lois sont inapplicables à l’espèce.

Les arrêtés que nous critiquons sont uniquement basés sur les articles 60 et 61 de la loi du 18 germinal an X, ainsi conçus :

« Art. 60. Il y aura au moins une église par chaque justice de paix.

« Il sera établi autant de succursales que le besoin pourra l’exiger. »

« Art. 61. Chaque évêque, de concert avec le préfet, réglera le nombre et l’étendue des succursales ; les plans arrêtés seront soumis au gouvernement, et ne pourront être mis à exécution sans son autorisation. »

« Art. 62. Aucune partie du territoire français ne pourra être érigée en cure ou succursale sans l’autorisation expresse du gouvernement. »

Quelle est la portée de ces dispositions ?

L’art. 60 fixe, en principe, l’établissement d’une paroisse par justice de paix, comme le décret des 12 juillet-24 août 1790 en avait établi une par 6,000 âmes.

Mais plusieurs villages, même le plus grand nombre, restant privés de temples, par une telle disposition, l’art. 61 statua que, sur le rapport de l’évêque et du gouverneur, on établirait autant de succursales que les besoins pourraient l’exiger, d’après des plans arrêtés soumis au gouvernement, et qui ne pourraient être mis à exécution sans son autorisation.

Il s’agit dans ces articles de plans généraux à faire pour servir à la distribution des succursales entre les communes où il n’y avait pas d’églises paroissiales, il s’agit de dispositions générales réglementaires pour tout le pays vu dans son ensemble. Certes, ces articles ne contiennent pas l’autorisation d’établir des succursales selon le bon plaisir du ministère, d’en établir plusieurs, l’une à côté de l’autre, et tout à fait en dehors ou contrairement aux plans arrêtés.

M. le ministre de la justice nous a dit, il n’y a qu’un instant, qu’il y a encore dans le pays 258 églises non dotées et 91 communes sans églises, et cependant son prédécesseur, M. Van Volxem, pendant son court passage au ministère, a créé 351 succursales nouvelles dans des communes déjà pourvues d’églises ! N’est-ce pas là la preuve évidente que la loi a été violée et qu’il aurait fallu avant tout une circonscription générale, des plans généraux propres à apprécier dans leur ensemble les besoins de toutes les localités sans exception, mis en parallèle avec les ressources du budget ?

C’est conformément à cette interprétation qu’il a toujours été procédé ; on a même évité, autant que possible, la multiplicité des succursales en cherchant à réunir plusieurs communes sous une seule.

Le décret du 11 prairial an XII, d’abord, contient à ce sujet d’utiles renseignements.

Art. 1er de ce décret. « Conformément aux articles 60 et 61 de la loi du 18 germinal an X, les évêques, de concert avec les préfets, procèderont à une nouvelle circonscription des succursales, de manière que leur nombre ne puisse excéder les besoins des fidèles. »

Art. 2. « Les préfets demanderont l’avis des communes intéressées, à l’effet de connaître les localités et toutes les circonstances qui pourraient déterminer la réunion des communes susceptibles de former un seul territoire dépendant de la même succursale. »

Art. 3. « Les plans de la nouvelle circonscription seront adressés au conseil d’Etat et ne pourront être mis à exécution qu’en vertu d’un décret impérial. »

Art. 4. « Jusqu’à ce que les nouveaux plans de circonscription aient été rendus exécutoires, les desservants des succursales existantes jouiront d’un traitement de 500 francs. »

Evidemment il s’agit de plans généraux, de mesures générales en rapport avec les besoins de toute la France, et n’oublions pas que ce décret impérial du 11 prairial an XII, comme les autres décrets dont nous allons parler, à force de loi à défaut d’avoir été attaqué dans les dix jours par le sénat conservateur.

Maintenant on ne voulait pas même accorder une succursale par commune ! Si les communes non comprises dans les états fixés voulaient maintenir une succursale, elles devaient en supporter les charges, conformément à l’art. 2 du décret impérial du 5 nivôse an XIII, ainsi conçu : « Le payement des desservants et vicaires des autres succursales (celles non comprises dans les plans annexés au décret du 11 prairial an XII) demeure la charge des communes.

Or, ces plans annexés au décret du 11 prairial an XII étaient des plans généraux.

Vint ensuite le décret du 30 septembre 1807, qui augmenta encore le nombre des succursales, mais toujours aux termes des art. 61 et 62 de la loi du 18 germinal an X, d’après des plans généraux, arrêtés par une disposition générale, c’est-à-dire, par un travail d’ensemble ; le nombre en fut porté de 24,000 à 30,000, et on le répartit de manière que la totalité des succursales mises à la charge du trésor public comprenait la totalité des communes des départements. (Voyez art. 1, 2, 3 et 4 de ce décret.)

Après quoi l’art 7 porte que : « Les titres des succursales, tels qu’ils étaient désignés dans les états approuvés par l’empereur, ne pourraient être changés ni transférés. »

Preuve irrécusable, encore une fois, qu’il s’agissait de plans généraux, de travaux généraux auxquels il ne pouvait être dérogé par des travaux particuliers ; mais l’art. 8 de ce décret mérite surtout de fixer l’attention de la chambre, il porte :

« Dans les paroisses ou succursales trop étendues et lorsque la difficulté des communications l’exigera, il pourra être établi une chapelle. »

Cet article confirme tout ce que nous avons dit quant à la nécessité de mesures générales, de plans généraux pour la circonscription des succursales, puisqu’il ne permet au gouvernement, par mesure spéciale, que l’établissement d’une chapelle, et encore seulement lorsque la paroisse ou la succursale existante est trop étendue et lorsque la difficulté des communications l’exige.

En résumé, sur ce point, la loi du 18 germinal an X, organique du concordat, a décrété une paroisse par justice de paix (art. 60), comme la loi du 12 juillet-24 août 1790 avait décrété une paroisse par six mille âmes.

Le décret du 11 prairial an XII a permis l’établissement de succursales d’après des plans généraux et par des dispositions générales, de manière que souvent plusieurs communes formaient le territoire d’une seule succursale. Art. 2 du décret.

Le décret du 30 septembre 1807 (art. 2) a augmenté le nombre des succursales, toutefois de manière qu’il n’y en eût jamais plus qu’une par commune.

Mais était-on autorisé à établir plusieurs succursales par commune, comme on l’a fait depuis quelque temps, en vertu des articles 60 et 61 de la loi du 18 germinal an X ? Evidemment non ; car, comme nous l’avons déjà dit, le décret du 30 septembre 1807 a prévu le cas d’insuffisance d’une seule succursale et a statué, art. 8, que dans les paroisses et succursales trop étendues, on pourrait établir des chapelles, ce qui exclut l’idée de pouvoir y établir une seconde succursale. Pourra-t-on faire aujourd’hui, pour des cas particuliers, par des arrêtés spéciaux, ce que la loi de germinal an X et les décrets postérieurs ayant force de loi n’ont pas même permis de faire d’après des plans généraux et par des mesures d’ensemble ? Non, sans doute.

Quand dans un village, où il se trouvait déjà une succursale, le gouvernement a encore établi, par arrêté royal, une chapelle, il a rempli tous ses devoirs et il a aussi épuisé tous ses droits résultant des articles 60 et 61 de la loi du 18 germinal an X, et des articles 8 et suivants du décret de 1807. La chapelle ainsi établie est devenue une dépendance de l’église principale. (Art. 13 du décret de 1807.) C’est une propriété de l’église, et c’est porter atteinte aux droits acquis de celle-ci, que de lui enlever une partie de son être et en même temps une partie de ses revenus et de ses ressources.

Le droit de propriété est sacré, aussi bien par rapport aux personnes civiles que par rapport aux particuliers.

Le gouvernement n’a donc plus aucun droit à exercer sur une chapelle qu’il a érigée, pour pourvoir à l’insuffisance d’une succursale, à moins que les circonstances ne viennent à changer et ne nécessitent l’érection du hameau où la chapelle est établi en un village distinct ; mais en ce cas, il faut l’intervention de la législature.

En privant l’église préexistante d’une partie de sa propriété, on nuit aussi à la commune qui doit suppléer à l’insuffisance des revenus de la fabrique (art. 92 du décret du 30 décembre 1809). En établissant une église à la place d’une chapelle, on double les charges, on force la commune à construire un nouveau presbytère, etc.

Enfin, en multipliant les succursales dans un même village, on froisse des intérêts, on fait appel aux passions, on soulève des haines, des animosités, on trouble le repos public ; et les ministres du culte, ces hommes de paix et charité ne sont pas à même à l’abri de cette tourmente, toujours inséparable, du choc des intérêts matériels ; ne voit-on pas des anciens desservants, privés d’une grande partie de leur casuel par l’érection de nouvelles succursales à côté de leurs églises, vivre en état d’hostilité avec des hommes que l’épiscopat leur a, en quelque sorte, adjoints. Je connais dans la province de Brabant un ancien desservant dont le casuel montait annuellement à au-delà de deux mille francs, et qui, par l’érection de deux nouvelles succursales, dans le même village, en touche aujourd’hui à peine deux cents. Cela est-il juste ?

Mais encore une fois tout cela est illégal ? La cour de Bruxelles, deuxième chambre, par un arrêt solennel rendu au mois de novembre dernier, et qui se trouve dans la Belgique judiciaire, n°99, a reconnu cette illégalité en invoquant à l’appui de sa décision les lois et décrets que nous avons cités, et dont le sens n’est plus douteux. On s’est bien gardé de se pourvoir en cassation contre cet arrêt, on a espéré le soustraire à l’attention publique et pouvoir renouveler la tentative, mais il n’en sera pas ainsi. En signalant à la tribune nationale ce nouvel acte d’indépendance, qui fait honneur à notre magistrature, j’ai voulu faire connaître à mes concitoyens l’état de jurisprudence et les mettre à même de résister à de nouveaux abus.

Messieurs, les observations que je viens de vous soumettre ne resteront pas sans résultat. M. le ministre de la justice, j’ose l’espérer, s’arrêtera devant un arbitraire effrayant pour les communes qu’on grève de charges énormes, effrayant aussi pour les anciens desservants qu’on prive d’une partie de leurs moyens d’existence. En nous donnant des détails sur toutes les succursales érigées depuis 1830, et en nous signalant les motifs qui ont dirigé le gouvernement, il nous mettra à même en vertu de notre droit d’initiative, de réparer les injustices qui pourraient avoir été commises et de faire ces plans généraux, ce travail d’ensemble qui aurait dû être fait dès le principe.

Encore une fois, qu’on le sache bien, nous ne voulons pas porter atteinte aux droits du clergé et surtout du bas clergé, nous sommes, au contraire, ses défenseurs les plus zélés ; nous voulons pour les desservants comme pour les curés des traitements convenables, et pour arriver à ce but, nous voulons, entre autres, qu’on respecte des droits acquis sous le rapport des délimitations de territoire et du casuel qui en est la conséquence. En un mot, nous voulons pour ces desservants une position matérielle, assurée et indépendante. Nous voudrions plus encore, nous voudrions que la position des desservants, à l’instar des curés primaires, fut assurée d’une manière plus large, conformément aux lois canoniques ; c’est dire assez que nous voudrions voir consacrer en principe leur inamovibilité.

D’après tous les canons, le prêtre à charge d’âmes est inamovible, sinon par suite de jugement ecclésiastique.

Les conciles ont établi qu’en première instance un diacre ne pouvait être jugé que par trois évêques, un prêtre par six, un évêque par douze « a tribus vicinis episcopi si diaconus sit, presbyter a sex, si episcopus a duodecim » ; un seul évêque ne pouvait ni destituer ni déplacer un prêtre quelconque à charge d’âmes.

Un écrivain dont on ne retirera pas la doctrine, a dit ; « Qu’un droit immuable comme Dieu dont il émane, demande que tout empire soit réglé par des lois et que quelle qu’autorité, quelle que puissance même qu’on puisse prétendre, on regarde encore ces lois comme bien au-dessus. »

Que « l’Eglise chrétienne sujette comme toute autre société à cette loi nécessaire et imprescriptible, après avoir pourvu avec tant de sagesse à l’entretien de ses ministres, n’a pas dû ni pu permettre que leur personne et leur honneur fussent livrés à la volonté et au bon plaisir de personne ; que dans tous les cas elle les a mis à couvert du caprice et de la passion d’une autorité bien respectable sans doute, mais qui peut devenir injuste et prévenue, en les entourant de sa protection d’une jurisprudence aussi douce qu’éclairée, aussi sage que paternelle. »

Il est vrai que le concordat et la loi du 18 germinal an X n’ont proclamé que l’inamovibilité des curés primaires en abandonnant aux évêques la révocation et le déplacement des desservants, et encore dans certains diocèses on a trouvé le moyen de rendre les curés primaires amovibles en leur faisant signer des déclarations à cette fin, lors de leur promotion, comme si ces promotions étaient un trafic.

Mais si le concordat et loi organique ont donné aux évêques certains droits que leur refusaient les lois canoniques, ils ont mis à l’exercice de ces droits plusieurs restrictions.

Les évêques ne pouvaient manifester leur choix ni donner l’institution canonique avant que la nomination eût été agréée par le chef de l’Etat.

Aucun étranger ne pouvait être employé dans les fonctions du ministère ecclésiastique sans la permission du gouvernement.

Les curés ne pouvaient entrer en fonctions qu’après avoir prêté, entre les mains du préfet, le serment prescrit par le concordat.

Enfin, si les desservants pouvaient être révoqués ou suspendus par l’épiscopat, ils avaient au moins l’appel comme d’abus au conseil d’Etat.

Aujourd’hui, toutes ces restrictions, toutes ces entraves ont disparu depuis la révolution belge. Aujourd’hui la nomination et l’installation des curés et desservants appartient exclusivement à l’autorité ecclésiastique supérieure comme celles des autres ministres du culte. Art. 16 de la constitution. Il n’existe plus d’appel connu d’abus.

Mais si la constitution de 1831 a proclamé, dans la sphère spirituelle, l’indépendance du clergé, cette indépendance n’existe-t-elle pas pour le bas clergé comme pour le haut clergé ? Conformément aux lois canoniques, l’inamovibilité des desservants n’est-elle pas une conséquence de cette indépendance, alors surtout qu’ils n’ont plus aujourd’hui la moindre garantie d’impartialité et qu’en admettant l’amovibilité, ils peuvent être, du jour au lendemain, obligés à demander l’aumône pour continuer leur triste existence.

L’inamovibilité d’ailleurs ne tient-elle pas à l’essence du saint ministère dont les prêtres à charge d’âmes sont revêtus ?

Le desservant, comme le curé, n’est-il pas, comme on l’a dit souvent, le père des fidèles confiés à ses soins ? Est-il naturel et raisonnable qu’un père se sépare de sa famille et qu’il abandonne ses enfants ? La raison comme la nature ne demandent-elles pas, au contraire, qu’il leur reste inséparablement uni jusqu’à la fin de ses jours ?

« Le vrai pasteur, dit l’écrivain que j’ai cité tantôt, connaît ses brebis et il est connu d’elles, il doit donc connaître le terrain où il opère, les bonnes et les mauvaises qualités des personnes qu’il instruit ; le temps seul peut le mettre à même de remplir sa tâche, l’inamovibilité est donc indispensable.

« Le bon pasteur doit être généreux, charitable, son bien doit appartenir à son troupeau ainsi que sa personne, le fruit de son ministère et à ce prix, et il ne fera jamais grand bien s’il ne possède pas ces qualités si précieuses aux yeux du peuple.

« Pour avoir ces qualités, il faut qu’il soit inamovible et non destituable.

« Privé de toute ressource assurée pour l’avenir, pouvant à chaque instant perdre son état, se voir jeter sur le pavé et réduit à la misère, ne doit-il pas d’abord penser à lui, s’occuper de lui, songer à faire quelques économies sur son modique traitement, afin de se ménager une ressource et de ne pas manquer de nécessaire dans la vieillesse ? »

A ces considérations si puissantes, je me permettrai d’en ajouter une dernière : Le vrai pasteur doit rester étranger aux affaires de ce monde, il doit ne pas pousser les passions politiques, car il est le père de tous, quelle que soit leur opinion. Pour remplir ce rôle si beau et si nécessaire au bien-être de la religion, il faudrait que tous les curés et desservants fussent inamovibles et qu’ils n’eussent rien à craindre de la colère de leurs supérieurs lorsqu’ils ne croient pas devoir exécuter des ordres concernant des affaires purement temporelles. Nous pourrions citer plus d’un exemple de cette malheureuse influence toujours croissante de l’épiscopat sur le bas clergé pour des objets étrangers au spirituel.

En terminant, je prierai M. le ministre de l’intérieur de communiquer à la chambre :

1° Un tableau de toutes les succursales érigées depuis 1830 avec indications des motifs qui ont dirigé le gouvernement ;

2° Un tableau de toutes les congrégations de sœurs hospitalières autorisées depuis la même époque, conformément au décret du 18 février 1809,

Par exception à la règle générale, le décret autorise la personnification civile pour les sœurs hospitalières, et, d’après son article 10, toute transmission de propriété au profit de ces congrégations n’est soumise qu’à un droit fixe d’un franc

Je suis loin de me plaindre de ces faveurs accordées à des congrégations qui rendent de grands services à l’humanité souffrante et qui méritent toutes nos sympathies, mais je crains qu’on ne fasse abus du décret du 18 février 1809, et mon but est de l’empêcher.

Il n’y a de sœurs hospitalières, dans le sens du décret, que pour autant qu’elles soient attachées à un hôpital. Or, si mes renseignements sont exacts, plusieurs corporations prenant le titre de congrégations de sœurs hospitalières sans en remplir les fonctions, sans même avoir un hôpital, auraient obtenu la faveur de la personnification civile.

Le tableau que je réclame du gouvernement dissipera tout doute à cet égard. M. le ministre de la justice voudra bien ne pas perdre de vue qu’aux termes de l’art. 10 du décret, les congrégations des sœurs hospitalières doivent lui remettre tous les ans les comptes de leurs revenus. Je lui demanderai si ces comptes ont été remis.

Enfin 3°, je demanderai à M. le ministre un état de toutes les corporations religieuses existantes en Belgique. D’après le dernier annuaire fait en 1840, il y en avait 413. Il paraît qu’aujourd’hui il y en a près de 1,800 !

Je sais que les associations sont libres, et loin de moi d’y porter la moindre atteinte ; je sais aussi que le gouvernement n’a pas à intervenir dans la formation de ces associations, mais les polices locales doivent être informées de leur existence et surveiller tout ce qui tient au bon ordre et à la liberté individuelle ; ces polices n’ont-elles pas un centre ? ce centre n’est-il pas au ministère de la justice ?

(Moniteur belge n°11, du 11 janvier 1844) M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) - Je répondrai d’abord aux trois demandes que m’a adressées, en terminant, l’honorable M. Verhaegen, et je prouverai à la chambre que, quoi qu’en pense l’honorable M. Delfosse, j’agis toujours avec la plus grande franchise ; je promets donc bien volontiers à l’honorable M. Verhaegen de mettre sous les yeux de la chambre les deux premiers tableaux qu’il demande, c’est-à-dire, le tableau de toutes les chapelles érigées en succursales, ainsi que celui des établissements de sœurs hospitalières qui ont été autorisés. Je puis également lui donner l’assurance que toutes les prescriptions du décret de 1809, qui sont encore en vigueur, sont observées.

Quant au troisième point, l’honorable M. Verhaegen demande l’état de toutes les corporations qui habitent le pays. Je ne sais à quelles corporations l’honorable membre fait allusion. S’il y a des personnes qui s’associent sans que le gouvernement soit appelé à autoriser leur association, comment puis-je les connaître ? Je ne puis donc fournir à cet égard aucun tableau. Je ne puis donner qu’un tableau des corporations autorisées par la loi, et quant à ce tableau, je m’engage avec plaisir à le fournir.

L’honorable M. Verhaegen a dit que j’avais violé et faussé la loi. C’est un reproche qui doit, sans doute, m’être sensible, à moi qui ai fait partie pendant seize ans de cette magistrature dont, à si bon droit, l’honorable M. Verhaegen proclame l’indépendance.

Messieurs, je pense pouvoir facilement établir devant la chambre que je n’ai aucunement violé ni faussé la loi, et que, suivant ce qui a été fait par tous mes prédécesseurs depuis 1830, je ne suis pas sorti des voies de la légalité.

L’honorable M. Verhaegen trouve que la loi de l’an X condamne ce que nous avons fait. Il dit ensuite que nous créons des personnes civiles, tandis que nous n’en avons pas le droit ; et argumentant de ces deux propositions, il en conclut que nous avons doublement contrevenu aux dispositions légales.

Messieurs peu de mots me suffiront pour répondre aux arguments de l’honorable M. Verhaegen. Je puiserai ma réponse dans la loi elle-même, dans la saine interprétation de ses dispositions. Que les fabriques d’église soient personnes civiles, cela est évident, mais comme le gouvernement tire de la loi (ce que je démontrerai tout à l’heure) la faculté de constituer ces fabriques en érigeant des succursales, il est évident que les fabriques d’église deviennent personnes civiles en vertu de la loi.

La question est donc de savoir si le gouvernement a le droit de créer des succursales. L’honorable M. Verhaegen ne méconnaît pas ce droit au gouvernement, car il reconnaît que par une mesure générale le gouvernement a le droit de créer des succursales. Ainsi donc l’honorable M. Verhaegen reconnaît que le gouvernement a le droit de faire ces créations sans qu’elles doivent nécessairement être sanctionnées par la législature. En d’autres termes, l’honorable M. Verhaegen reconnaît que, par arrêté royal, on peut créer des succursales, mais l’honorable membre veut que ce soit par une mesure générale. Voilà son système. Eh bien, messieurs, il suffit de jeter les yeux sur la loi de l’an X, de faire attention au but du législateur, pour être convaincu que le système de l’honorable M. Verhaegen n’a pas le moindre fondement.

« Il y aura, porte la loi de germinal an X, au moins une paroisse par chaque justice de paix. » Le paragraphe ajoute : « il sera en outre établi autant de succursales que les besoins du culte pourront en exiger. » Certes, messieurs, rien n’est plus clair que ces expressions. La création de succursales est subordonnée, à quoi ? Au besoin qui s’en ferait sentir. Il suffit donc que le besoin d’une succursale existe pour que la création puisse et doive en être ordonnée.

Maintenant, de quelle manière devra être créée la succursale ? L’article 61 le dit : il porte : « Chaque évêque, de concert avec le préfet, réglera le nombre et l’étendue de ces succursales ; les plans arrêtés seront soumis au gouvernement et ne pourront être mis à exécution sans son autorisation. »

Ainsi, messieurs, qu’y a-t-il à faire ? constater le besoin de succursales nouvelles ; et comment ce besoin doit-il être constaté ? Par le concert entre l’évêque et le préfet. Voilà le moyen de constatation établi par l’art. 61 de la loi. Maintenant, lorsque, par ce concert, la nécessité de nouvelles succursales a été reconnue, qu’a à faire le gouvernement ? Il doit autoriser la création des succursales, si les motifs donnés lui paraissent suffisamment fondés.

L’honorable M. Verhaegen dit : « Il faut des plans généraux ; c’est la loi qui le dit. » Je réponds : La loi ne le dit pas, mais c’est vous qui le lui faites dire ; la loi ne parle pas de plans généraux, mais de plans arrêtés, ce qui est tout à fait autre chose. Lorsque le besoin de créer des succursales dans une, deux ou trois localités, a été constaté par le concert entre l’évêque et le gouverneur, le gouvernement devrait-il se refuser à satisfaire aux besoins du culte, dont l’honorable M. Verhaegen veut bien prendre si chaudement à cœur les intérêts ? Le gouvernement devrait-il se croiser les bras et dire : « Je vais attendre que les demandes arrivent de tous côtés, afin de pouvoir faire un plan général ? » Evidemment cela n’est pas possible, cela n’est pas entré dans la pensée du législateur. La loi veut que, lorsque la nécessité d’ériger une succursale se présente, cette succursale soit érigée immédiatement, mais la loi ne veut pas que l’on n’érige une succursale sans faire un plan relatif à toutes les succursales du pays. Cela n’a jamais été entendu de cette manière, et l’esprit et la lettre de la loi de l’an X repoussent également un système semblable.

L’honorable M. Verhaegen a invoqué ensuite des dispositions postérieures à la loi de l’an X ; mais ces dispositions ne sont que des mesures prises en vertu de la loi de l’an X et qui ne peuvent pas y déroger. En l’an XIII, on a reconnu la nécessité d’augmenter le nombre des succursales, et on l’a augmenté ; en 1807, la même nécessité s’est fait sentir, et l’on y a pourvu ; en 1842, le même cas s’est présenté, et l’on a de nouveau agi en conséquence. Je demande pourquoi l’arrêté de 1842 ne serait pas aussi légal que ceux de l’an XIII et de 1807. Les uns et les autres sont pris en vertu de la loi de l’an X, et les circonstances qui les ont motivés sont les mêmes.

Des chapelles, dit l’honorable M. Verhaegen, peuvent être érigées, en vertu du décret de 1807, mais dès l’instant où les chapelles sont érigées, le droit du gouvernement est épuisé, il n’y a plus rien à faire.

Je ne pense pas, messieurs, que cet argument puisse faire la moindre impression sur l’esprit de la chambre, car qu’une chapelle ait été ou n’ait pas été érigée, cela n’empêche pas que plus tard le besoin d’ériger une succursale puisse se faire sentir. Or, la création d’une succursale n’est subordonnée qu’à une seule chose, à la nécessité qui s’en fait sentir. Du reste, messieurs, cette question a été agitée dans la discussion de la loi sur les traitements des vicaires, et dans le discours prononcé alors par l’honorable M. Lebeau, je trouve un passage qui me paraît établir que, dans l’opinion de cet honorable membre, des chapelles peuvent être érigées en succursales lorsque la nécessité s’en fait sentir, et que même ce changement était nécessaire, attendu qu’il fallait assimiler, quant aux services rendus, les chapelains aux desservants.

Il me paraît donc évident, messieurs, que le gouvernement a le droit de créer des succursales là où le besoin s’en fait sentir, et il me semble que l’on ne doit pas craindre qu’il abuse de ce droit ; car la garantie qu’il n’en abusera pas se trouve dans le contrôle que les chambres ont à exercer lorsqu’elles sont appelées à voter les fonds nécessaires pour couvrir les dépenses résultant de la création de nouvelles succursales ; cette création est toujours soumise ainsi au contrôle indirect de la législature.

Je ne pense donc pas, messieurs, que l’on puisse nier le droit qu’a eu le gouvernement de créer des succursales, comme il l’a fait par l’arrêté de 1842 et comme je l’ai fait par 2 ou 3 arrêtés rendus depuis que je suis au ministère.

L’honorable M. Verhaegen est entré dans différents détails dans lesquels il m’est absolument impossible de le suivre. Il a cité une commune où l’on aurait érigé jusqu’à 5 succursales, contrairement aux intérêts de cette commune même. Lorsque j’aurai le tableau que j’ai promis de faire dresser, je verrai jusqu’à quel point les informations de l’honorable M. Verhaegen sont exactes, je verrai si le nombre des succursales érigées est hors de proportion avec la population, et s’il y a quelque mesure à prendre à cet égard.

Je prends, du reste, volontiers acte du bon vouloir de l’honorable M. Verhaegen relativement aux créations nouvelles dont la nécessité sera reconnue. Lorsque l’instruction sera complète, j’espère que je pourrai compter sur son vote approbatif des mesures que je prendrai pour satisfaire à toutes les nécessites du culte.

M. Lys. - Les allocations réclamées pour les cultes n’ont pas éprouvé d’augmentation, à part cependant une somme de 50,000 fr. que l’on vient réclamer, pour les réparations à faire à la tour de Malines. Il est néanmoins nécessaire, messieurs, d’attirer votre sérieuse attention sur un point qui me paraît de la plus haute importance.

La constitution, en proclamant la liberté des cultes, et en déclarant que l’Etat n’était pas en droit de s’immiscer dans la nomination des ministres des cultes, a nécessairement abrogé le concordat, qui avait été conclu entre le souverain pontife et le pouvoir civil, pour régler les rapports de l’Eglise et de l’Etat. La loi du 18 germinal an X, qui fait le fondement de la législation sur cette matière, a, par les articles 61 et 62, investi le gouvernement du droit d’ériger des cures et des succursales. Ces deux articles n’exigent pas l’intervention de la commune pour procurer l’érection d’une cure ou d’une succursale nouvelle : cependant, messieurs, les communes sont tenues de fournir aux curés et desservants, un presbytère, et, en cas d’insuffisance des revenus de la fabrique, elles sont tenues de fournir à tous les frais que nécessite la célébration du culte.

Qu’une commune soit chargée des frais que nécessitent une ou plusieurs succursales, dont elle sollicite l’érection, rien de mieux ; je suis d’accord à cet égard avec mon honorable collègue de Garcia, qu’il est de toute justice d’accorder à une commune l’érection d’une succursale reconnue nécessaire ; car si la commune voit augmenter les charges qui pèsent sur elle, vis-à-vis du culte, c’est qu’elle l’a voulu, c’est parce qu’elle y a consenti.

Mais il n’en est plus de même lorsque la commune n’a pas demandé l’érection d’une succursale, ou n’a pas consenti à accepter cette faveur. N’est-il pas contraire à tous les principes, que le gouvernement puisse, à son gré, charger le budget des communes de dépenses considérables, auxquelles elles ne peuvent souvent faire face, sans aggraver encore davantage leur état financier ?

A Verviers, deux succursales nouvelles ont été établies, sans que l’administration communale eût demandé l’érection de ces nouvelles succursales ; les finances de la ville de Verviers qui, déjà, sont loin d’être prospères, à cause de la dette qui pèse sur elle par suite des pillages, vont ainsi se trouver chargées d’une dépense nouvelle assez majeure, car l’indemnité du logement ne sera pas au-dessous de 7 à 800 fr., sans parler des besoins des églises, qui n’ont aucun revenu. Or, messieurs, est-il juste que cela soit ainsi, lorsque la commune n’a pas consenti à occasionner pareille dépense ?

Les dispositions des articles 61 et 62 de la loi du 18 germinal an X, sont en opposition flagrante avec notre constitution et avec les principes qui régissent aujourd’hui notre organisation politique.

La constitution, dans son article 108, attribue aux institutions communales et provinciales tout de qui est d’intérêt provincial ou communal ; la loi qui a organisé l’administration municipale dispose, dans son art. 70, n° 5, que l’établissement, le changement ou la suppression des impositions communales appartient au conseil, qui règle tout ce qui est d’intérêt communal.

L’art. 77, n°8, de la loi, attribue au conseil communal le droit de voter les budgets des dépenses communales.

Toutes ces dispositions et une foule d’autres supposent que la commune jouit aujourd’hui d’un cercle d’action et d’une liberté qu’il est impossible de concilier avec le pouvoir que les art. 61 et 62 de la loi de germinal attribuent au gouvernement central. Ces dispositions se concilient parfaitement avec l’organisation despotique à laquelle le premier consul préludait déjà en l’an X ; mais évidemment ces dispositions sont inconciliables avec une organisation comme la nôtre, dont la base fondamentale est le consentement donné par la nation, ou en son nom, quand il s’agit des dépenses générales ; par la province, quand il s’agit des dépenses provinciales ; par la commune, quand il n’est question que de dépenses locales.

Le principe de notre système politique est donc ouvertement violé par l’application d’une législation ancienne, faite sous l’empire d’une organisation essentiellement différente de la nôtre.

Lorsqu’il s’agit de l’érection d’une simple chapelle, le décret du 30 septembre 1807 exige, dans son art. 8, que l’on obtienne le consentement de la commune. Pourquoi en est-il différemment lorsqu’il s’agit de succursale ?

Nous pensons, messieurs, que le gouvernement ne pouvait pas créer des succursales nouvelles, sans le concours formel des communes ; nous le pensons d’autant plus fermement, que l’indépendance absolue que la constitution a accordée au clergé et au culte a entraîné à sa suite, comme conséquence nécessaire, l’abrogation de toutes les dispositions de la législation française, qui est basée sur le principe que l’organisation ecclésiastique est entre les mains du gouvernement qui intervenait dans la nomination et dans l’installation des ministres du culte.

Il n’entre pas dans notre pensée, messieurs, de critiquer l’augmentation de traitement, que la création de succursales a procurée à quelques membres du clergé. Le gouvernement a fait une répartition nouvelle des fonds mis à sa disposition, mais en même temps, il aurait dû prendre garde de ne pas grever les communes ; c’est là un point également essentiel. Le gouvernement aurait dû examiner : si en attendant le consentement des communes, il n’y avait pas possibilité d’accorder des augmentations de traitement du personnel. Cette marche eût concilié toutes les exigences, les droits des communes auraient été respectés et la position d’ecclésiastiques peu favorisés par le budget aurait été améliorée.

Pourquoi le gouvernement a-t-il adopté un autre système ? Pourquoi ne s’est-il pas conformé à l’esprit et à la tendance de nos institutions et de nos lois’ ? C’eût été de sa part s’épargner bien des erreurs, c’eût été éviter bien des récriminations.

Le gouvernement a-t-il prévu les contestations graves et sérieuses que pouvaient soulever les demandes en partage de la dotation, dirigées par les nouvelles succursales contre les anciennes ? Le gouvernement a-t-il arrêté un principe fixe pour ce partage ? Aura-t-il lieu d’après la population respective des succursales, ou bien, aura-t-il lieu par feux, ou enfin quel autre principe a-t-on adopté ? Le gouvernement a sans doute prévu la difficulté, il a probablement avisé aux moyens d’éviter des procès longs et dispendieux, propres à exciter des haines et des rivalités, car il serait déplorable que l’on eût arrêté une mesure sans en prévoir les conséquences.

Il faut que le clergé soit entouré de considération, il faut que ses membres puissent vivre honorablement, mais est-ce bien le moyen d’arriver à ce résultat, que de morceler les cures et les succursales ? est-ce le moyen d’assurer à la milice sacrée le respect des populations que de remplacer les cures, les succursales primitives, qui trouvaient dans leur dotation de quoi subvenir aux dépenses du culte, par de nombreuses églises pesant lourdement sur les habitants et sur les communes ? Non, certes, messieurs, le clergé des paroisses doit trouver ailleurs que dans la création de toutes ces succursales pauvres, l’amélioration du sort dont il est digne à tous égards. C’est d’abord dans l’inamovibilité des membres du sacerdoce que doit consister la première et la principale de toutes les améliorations ; vous en trouverez une preuve non suspecte dans les pages éloquentes qu’ont écrites en France deux prêtres desservants.

Il est, messieurs, de notre devoir de protester contre l’abus que le gouvernement a fait des dispositions de la loi du 18 germinal an X. Que l’on crée des succursales, ou plutôt des cures nouvelles, partout où le besoin s’en fait réellement sentir, mais que ces créations n’aient lieu qu’après avoir consulté les communes et le pouvoir provincial, qu’après l’observation de formalités préalables qui garantissent au communes et aux habitants, que ce n’est ni le caprice, ni l’arbitraire qui leur imposent une augmentation de dépenses publiques ; qui garantissent à chacun, que l’érection de la paroisse nouvelle était commandée par le besoin réel des populations et des localités ; voilà, messieurs, les observations que j’avais à présenter sur ce point. Je laisse au gouvernement le soin d’examiner s’il n’y a pas nécessité de provoquer une modification aux dispositions de la loi du 18 germinal an X.

En terminant, je dirai quelques mots sur le subside de 50,000 fr. qui est demandé pour réparation des tours d’églises. Cette demande de crédit nous arrive de la même manière que nous est arrivée celle qui concernait le petit séminaire de Rolduc. Alors aussi on est venu nous proposer ce crédit après la distribution du budget ; eh bien, qu’a fait la chambre dans cette circonstance ? Elle a déclaré qu’elle n’avait pas les pièces nécessaires pour justifier la proposition du gouvernement et elle a disjoint du budget le crédit concernant le petit séminaire de Rolduc, sur lequel elle a statué ensuite par une loi spéciale. Je crois que nous devrions agir de la même manière à l’égard du crédit dont il s’agit en ce moment.

Il y aurait d’abord une première question à décider, c’est celle de savoir si les tours sont une propriété de la fabrique ou une propriété communale. Si les tours sont une propriété de la fabrique, les réparations sont à charge de la fabrique. Elles ne peuvent devenir à charge de la commune, et par suite à charge de l’Etat, que quand il est démontré que la fabrique ne peut y subvenir ; pour cela elle doit produire le budget des recettes et dépenses, et démontrer l’insuffisance. Aussi longtemps que cela n’a pas eu lieu, la commune ne doit pas venir au secours de la fabrique, ni par conséquent l’Etat au secours de la commune. Telle est la jurisprudence suivie jusqu’à ce jour.

Vous ne pouvez donc, sans dévier à des règles établies, mettre cette dépense à charge de l’Etat, aussi longtemps qu’il n’est pas démontré qu’elle est à charge de la commune.

Je demanderai donc l’ajournement du subside de 50,000 fr. pour la réparation des tours, afin qu’il soit statué à cet égard par une loi spéciale.

M. Rodenbach. - Lors de la discussion du budget de la justice à la chambre des députés de France, un membre de cette assemblée a dit que le clergé français était le plus mal payé de tous les clergés de l’Europe ; selon lui, la moyenne des appointements de chaque prêtre catholique en France n’était que de mille francs à peu près. C’est à peine, disait-il, le traitement qu’on accorde à un huissier.

Eh bien, la moyenne du traitement d’un prêtre catholique, en Belgique, n’est que de 900 francs environ ; nous payons donc notre culte catholique, 10 à 15 p. c. meilleur marché qu’en France ; ainsi lorsqu’on vient prétendre qu’on majore dans une proportion considérable le chiffre des dépenses du culte catholique, cette assertion n’est pas exacte.

Dans une population de plus de 4 millions d’habitants que l’on compte en Belgique, on ne trouve que 5 à 6,000 protestants. La moyenne de la contribution à payer par chaque habitant pour le culte, est de 95 centimes, tandis qu’on paye 105 centimes en France. Et cependant à entendre quelques honorables orateurs, on exploiterait le budget au profit du culte catholique.

On vient de parler des tours d’église. Je pense que si réellement les communes ou les fabriques n’ont pas des moyens nécessaires pour faire les réparations que nécessite l’état de ces tours ; je pense, dis-je, que l’Etat doit alors leur venir en aide. Ces tours sont de véritables monuments ; peut-on les laisser tomber en ruine ? Il ne s’agit que d’une somme de 50,000 fr. que l’on ne peut s’empêcher de voter. J’y regarderais à deux fois, s’il s’agissait de millions, alors que nous sommes en présence d’un déficit considérable.

M. Van Volxem. - Messieurs, l’honorable M. Verhaegen a accusé le gouvernement d’avoir foulé aux pieds les dispositions législatives qui concernent la création des succursales. M. le ministre de la justice a répondu aux arguments de l’honorable M. Verhaegen d’une manière tellement péremptoire qu’il ne me reste rien à ajouter. Je ferai seulement observer qu’il est singulier de voir les observations de l’honorable M. Verhaegen surgir à l’occasion d’un arrêté qui a créé en une fois plus de 350 succursales. Il me semble que c’est là une mesure assez générale pour qu’elle échappe aux récriminations de l’honorable membre.

M. Verhaegen a parlé de trois localités dans lesquelles aurait été créé un grand nombre de succursales. On a cité les communes de Battice, de Saintes et de Lennick-St.-Quentin. La chambre comprendra l’impossibilité dans laquelle je me trouve, au mois de janvier 1844, de donner à l’improviste des renseignements sur ce qui s’est passé au mois de juillet 1842 et sur les motifs qui, à cette époque, ont déterminé le gouvernement à ériger des succursales dans les localités dont il s’agit. Les observations de l’honorable M. Verhaegen ayant été présentées seulement dans cette séance, je ne suis pas muni des documents relatifs à l’établissement des succursales, qui viennent d’être mentionnées. Toutefois j’affirme que rien n’a été fait sans que la nécessité de ces créations spéciales fût reconnue.

M. Delfosse. - Messieurs, l’honorable M. Rodenbach s’est trompé sur la nature et la portée de nos observations.

Nous n’avons pas prétendu que les membres du clergé, et surtout ceux du clergé inférieur, fussent trop rétribués. Quant à moi, je n’ai pas soulevé cette question. S’il s’agissait de la soulever, il ne faudrait pas seulement prendre en considération la somme portée au budget de l’Etat, mais il faudrait encore avoir égard à ce qui est payé par les provinces et par les communes ; il faudrait également faire entrer en ligne de compte le casuel du clergé...

M. de Theux. - Je demande la parole.

M. Delfosse. - Je ferai remarquer à l’honorable M. Rodenbach que la mesure dont j’ai parlé et que je n’ai pas blâmée, mais sur laquelle j’ai demandé un rapport ; que cette mesure, dis-je, n’est pas de nature à améliorer la position des desservants ; qu’elle diminue, au contraire, le casuel de ceux d’entre eux qui avaient précédemment des paroisses plus étendues.

La réponse qui m’a été faite par M. le ministre de la justice et par son prédécesseur, l’honorable M. Van Volxem, n’a fait que confirmer la vérité des considérations que j’ai en l’honneur de soumettre.

En effet, qu’avais-je dit ?

J’avais dit, entre autres choses, que le gouvernement, alors qu’il demandait en 1840, pour le clergé catholique, une augmentation d’environ 300,000 fr., avait formellement déclaré à la chambre que le chiffre qu’il réclamait était un chiffre normal, et qu’il ne serait plus susceptible d’augmentation. J’ai fait remarquer que le gouvernement avait manqué à cette espèce de promesse, en posant, en 1842, des actes qui entraînaient une augmentation de dépenses d’environ cent mille francs.

On m’a répondu en disant que, par cette augmentation, on n’avait pas satisfait à tous les besoins du culte, et qu’il existait encore beaucoup de communes dépourvues d’églises.

Il est fâcheux, messieurs, qu’il existe encore dans notre pays un grand nombre de communes dépourvues d’églises, mais je demanderai à M. le ministre pourquoi, au lieu de pourvoir ces communes d’églises, on a créé de nouvelles succursales dans de petites communes qui en avaient déjà plusieurs. L’honorable M. Verhaegen vous a cité la commune de Battice, commune de 4,271 habitants, qui possédait déjà trois succursales et où l’on en a établi deux nouvelles en 1842. Il y a encore la commune de Sprimont, qui ne compte que 2,826 habitants, qui possédait quatre succursales et où l’on en a créé une cinquième en 1842. De pareils faits, messieurs, et je pourrais en citer d’autres, doivent sembler étranges à ceux qui entendent dire qu’il y a encore un grand nombre de communes dépourvues d’églises.

Quoi qu’il en soit, cette observation de M. le ministre de la justice confirme que j’avais dit, que le gouvernement a trompé la chambre lorsqu’il a déclaré, en 1840, que le chiffre ne serait plus susceptible d’augmentation. Comment ! le chiffre n’était plus susceptible d’augmentation, et vous proposez aujourd’hui de l’augmenter, et vous déclarez que dans l’avenir il faudra l’augmenter encore. Ceci, messieurs, fournit une nouvelle preuve qu’il ne faut pas avoir une grande confiance dans les promesses du gouvernement. Quand les ministres veulent obtenir un crédit, ils prodiguent des promesses qu’ils ne tardent pas à oublier.

Je crois encore avoir été dans le vrai lorsque j’ai accusé l’honorable M. Van Volxem d’avoir trompé la chambre, lors de la discussion du budget de la justice pour l’exercice 1843.

L’honorable M. Van Volxem n’a pas sérieusement répondu à mes observations. Il a relevé un reproche qui n’était que secondaire ; j’ai dit que l’honorable M. Van Volxem n’avait pas publié les arrêtés qui érigent de nouvelles succursales. Je crois qu’il aurait bien fait de les publier ; je pense qu’un ministre doit faire connaître ses actes, sans cela la responsabilité ministérielle est illusoire.

L’honorable M. Van Volxem a répondu qu’il s’était conformé à l’usage, que jamais ces sortes d’arrêtés n’étaient publiés. L’honorable M. de Theux et l’honorable M. Rogier ont donné de la publicité à plusieurs dispositions de ce genre. Je citerai, entre autres, un arrêté de 1832, contresigné par M. de Theux, et un arrêté du 2 mars 1833, contresigné par M. Rogier. L’honorable M. Van Volxem aurait bien fait de suivre l’exemple donné par ses prédécesseurs.

Le reproche principal que j’ai fait à l’honorable M. Van Volxem est, non pas de n’avoir point publié les arrêtés, mais de n’en avoir pas dit un mot lors de la discussion de son budget. Voilà ce qui était grave. Quoi ! vous créez 361 succursales qui doivent entraîner un surcroît de dépenses de plus de 100,000 fr., et vous n’en dites rien ! Vous prétextez qu’il y a des tours d’églises à réparer ; mais s’il y avait des tours à réparer, ce n’était pas 100,000 francs, mais 200,000 fr. que vous deviez demander. Si vous n’avez demandé que 100,000 fr., c’est qu’il y avait assez d’argent pour réparer les tours, c’est qu’il n’en fallait que pour payer les nouveaux desservants.

Vous venez nous dire qu’il y avait, utilité à créer les nouvelles succursales ; ce n’est pas là la question.

Il est inouï qu’un ministre, alors qu’on discute son budget, alors qu’il a besoin d’une augmentation de 100,000 francs pour les desservants, ne dise pas à la chambre un seul mot des desservants ; il est inouï qu’il vienne, à cette occasion, parler des tours d’église. C’est un mauvais tour que vous avez joué à la chambre. (On rit.)

L’honorable M. Van Volxem nous a dit encore que M. le ministre de la justice a répondu pour lui ; je me permettrai de lui faire observer que la réponse de M. le ministre de la justice ne lui est nullement applicable ; M. le ministre a publié quelques pièces à l’aide desquelles on pouvait parvenir, et je suis parvenu à la découverte de ce qui s’était passé ; mais l’honorable M. Van Volxem n’avait pas publié ces pièces ; il n’avait pas dit un mot de ce qui s’était passé. La justification de M. le ministre de la justice, si elle est bonne pour lui, n’est donc rien pour l’honorable M. Van Volxem.

J’arrive maintenant à M. le ministre de la justice.

J’ai dit que la combinaison imaginée par M. le ministre de la justice pouvait être ingénieuse, mais qu’elle me paraissait manquer de franchise. Ai-je été trop loin ? Je ne le pense pas. Si M. le ministre de la justice le préfère, au lieu de dire qu’il a manqué de franchise, je dirai qu’il n’a pas eu le courage de se dégager tout à fait de la position fausse que lui avait créée son prédécesseur.

M. le ministre de la justice savait fort bien qu’on n’avait besoin d’une augmentation de crédit que parce qu’on avait créé de nouveaux desservants.

Il ne s’agissait donc pas en réalité d’une augmentation de crédit pour les tours d’église ; le crédit précédemment accordé pour cet objet aurait été suffisant, si on n’avait pas créé de nouvelles succursales. Si M. le ministre de la justice actuel, se dégageant de la fausse position dans laquelle l’avait placé son prédécesseur, était venu vous dire : On vous a demandé 100 mille francs pour réparer des tours d’église, vous en avez accordé 50,000, il en faut encore 50,000, non pas, comme on vous l’avait dit d’abord, pour réparer des tours d’église, mais en réalité pour payer de nouveaux desservants ; s’il avait tenu ce langage, j’aurais loué sa franchise.

Je conçois, du reste, que M. le ministre de la justice ait éprouvé quelque répugnance à exposer les torts dans toute leur vérité ; il aurait par là dressé, en quelque sorte, un acte d’accusation contre son prédécesseur. En général, MM. les ministres n’aiment pas à attaquer leurs prédécesseurs ; c’est d’un mauvais exemple, ils pourraient à leur tour être attaqués par ceux qui viendront après eux.

Je conçois cela, mais je ne puis admettre que M. le ministre de la justice ait montré une entière franchise ; il est démontré qu’il n’y aurait pas eu d’augmentation de dépenses, si l’on n’avait créé de nouvelles succursales ; sans cette circonstance, les crédits votés précédemment auraient suffi ; la preuve, c’est que la création des succursales a entraîné une augmentation de dépenses d’environ 100,000 fr., et c’est justement là ce que l’on nous demandait l’année dernière, c’est encore ce que l’on nous demande aujourd’hui, puisque 1’on nous propose d’ajouter 50,000 fr. aux 50,000 fr. votés l’année dernière ; s’il y avait plus de tours d’églises à réparer que par le passé, ce ne serait pas, comme je l’ai dit tantôt, 100,000 francs qu’il faudrait demander, mais 200,000 fr., les 100,000 fr. étant absorbés par les nouveaux desservants.

Cependant M. le ministre de la justice a constamment cherché et il cherche encore à accréditer l’idée que la nécessité d’augmenter l’allocation provient de ce qu’il y a plus de tours d’églises à réparer que par le passé. Avant que je n’eusse parlé de l’augmentation qui résulte de la création de nouvelles succursales, M. le ministre n’en avait pas dit un mot à la chambre, il n’en avait pas dit un mot à la section centrale.

Cette réserve peut s’expliquer par le désir de cacher la faute de l’honorable M. Van Volxem, de le tirer d’embarras ; cela peut s’appeler de la générosité, mais je ne puis l’appeler de la franchise.

Je persiste, messieurs, dans les deux amendements que j’ai présentés surtout dans le premier ; la division de l’article unique en trois articles sera très utile, en ce qu’elle empêchera, à l’avenir, d’affecter au matériel des allocations que la chambre aurait entendu voter pour le personnel, et vice-versa.

La réduction du chiffre qui résulterait de l’adoption de cet amendement ne préjuge rien, la chambre, je le répète, restera libre de voter les 100,000 francs nécessaires pour payer les nouveaux desservants, lorsque le gouvernement lui aura fait connaître les arrêtés qui ont créé ces desservants et les motifs pour lesquels ces arrêtés ont été pris ; la chambre se doit à elle-même de ne voter cette augmentation qu’en connaissance de cause,

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) - Messieurs, je n’ai qu’un mot à répondre à l’honorable préopinant ; il me paraît dans une erreur complète, relativement à la demande que je fais. Je répète qu’il était impossible de mettre plus de franchise que je ne l’ai fait, J’ai demandé 403,000 fr. pour le traitement du haut clergé et 3,252,224 fr pour le traitement du bas clergé. Il est donc évident qu’il y a une augmentation de 100 mille fr. pour le personnel. Toute la proposition de l’honorable membre tend à ceci : priver les desservants du traitement dont ils jouissent actuellement. Si on retranche ces 100 mille francs, comment fera-t-on en effet pour payer les desservants nommés par suite de l’arrêté de 1842 ? Ces desservants doivent pourtant recevoir un traitement, c’est pour cela que j’ai demandé une augmentation pour le personnel, et je l’ai dit formellement. Maintenant, je demande 50 mille francs pour la réparation des tours que M. Delfosse déclare ne pas vouloir laisser tomber en ruines. Cette augmentation est indépendante de celle demandée pour le personnel.

Jusqu’à présent le gouvernement a refusé les subsides demandés pour ces réparations ; si vous voulez que nous en accordions pour faire les dépenses nécessaires, il faut que vous nous en donniez les moyens.

L’honorable M. Delfosse demande la division du chapitre dont il s’agit en trois articles. Voici les motifs pour lesquels je m’oppose à cette division. Dans un personnel aussi nombreux que celui du clergé, il arrive souvent que des places en assez grand nombre sont vacantes. S’il y avait division en trois articles, il ne pourrait s’opérer aucun transfert ; il en résulterait que le traitement attaché aux places vacantes devrait rester dans les caisses du trésor et ne pourrait être employé à parfaire la somme nécessaire pour réparations d’édifices, ce qui a eu lieu jusqu’à présent avec l’assentiment tacite des chambres. Si on veut priver maintenant le gouvernement de cette ressource, il devra demander une augmentation au chiffre de 350,000 fr. pour réparation aux édifices et aux tours. Voila le motif pour lequel je m’oppose à la division ; car, je le répète, elle me mettrait dans l’obligation de demander une majoration, pour pouvoir satisfaire à tous les besoins.

Je répondrai maintenant quelques mots à l’honorable M. Lys, qui a dit que la question n’était pas suffisamment instruite quant à la constatation du véritable propriétaire des tours qu’il s’agir de réparer. Il a dit que rien n’établit si elles appartiennent aux communes ou aux fabriques. Je pense qu’il est impossible d’établir ce point d’une manière plus évidente que je ne l’ai fait. Une instruction a eu lieu ; des demandes ont été adressées aux évêques et aux autorités communales ; c’est par les renseignements reçus de ces diverses autorités que nous avons appris quels étaient les véritables propriétaires des tours. Nous avons une liste de celles que revendiquent les communes et sur lesquelles le clergé n’élève aucune prétention. Des documents établissent de plus les droits des villes sur ces tours.

La question de propriété me paraît au reste assez indifférente, le gouvernement ne donne de subside, que quand les véritables propriétaires n’ont pas de ressources suffisantes pour faire les réparations. Ainsi, dès que l’insuffisance existe, peu importe à qui appartient le monument.

Les tours de St.-Rombaud à Malines, de Notre-Dame à Anvers, de St.-Julien à Ath, de St.-Martin à Courtray ; les tours d’Ypres, de Roulers et d’Harlebeke exigent des réparations très urgentes, très coûteuses. Ni les villes, ni les fabriques ne pourraient s’en charger seules. Si l’on veut empêcher la destruction de ces monuments remarquables, il faut que la chambre donne au gouvernement les moyens d’aider à les réparer maintenant, que ce crédit soit porté au budget de la justice ou de l’intérieur, cela est indifférent, quant à la dépense, mais il est préférable de le porter au budget de la justice, où figure déjà le crédit pour la réparation des églises.

(Moniteur belge n°12, du 12 janvier 1844) M. Verhaegen. - Moi aussi je proteste contre les observations faites par l’honorable M. Rodenbach. Il n’est entré dans l’esprit d’aucun de nous de vouloir porter atteinte aux droits du bas clergé, au contraire nous avons pris sa défense et, je dois le dire à l’honorable M. Rodenbach, il ne nous a pas compris.

M. le ministre de la justice se met tout à fait à l’aise. Il se borne à invoquer le concordat et la loi organique, mais ces lois paraissent très élastiques ; on les invoque quand on en a besoin, on les rejette quand elles gênent les allures du haut clergé.

Quoi qu’il en soit, ces lois ne peuvent pas être prises isolément, il faut y ajouter les divers décrets que j’ai cités et qui fixent clairement le sens de la loi organique. Je prie M. le ministre de la justice de ne pas l’oublier ; les décrets impériaux que j’ai cités sont des décrets qui n’ont pas été attaqués par le sénat conservateur dans le délai voulu, et qui, par conséquent, ont force de loi. Or, tous ces décrets qui ne font, comme je l’ai dit, qu’une seule et même loi avec la loi organique du concordat, établissent, à la dernière évidence, que le gouvernement ne peut disposer en cette matière que par mesure générale, que par des tableaux arrêtés à raison des besoins de tout le pays.

Ce que l’honorable M. Van Volxem vient de dire justifie encore ce que j’avais dit d’abord : d’après lui, la mesure qu’il a prise est légale parce qu’il a créé tout d’un coup 350 succursales ; cependant en créant ces 350 succursales, il savait bien, car c’est lui qui est venu nous le dire avec M. le ministre de la justice actuel, qu’il y avait 91 communes qui n’avaient pas d’église, et 252 communes dont les églises n’étaient pas dotées. Il n’a donc pas fait un travail général ; il n’a pas dressé de plans généraux dans le sens de la loi ; il lui a plu de créer 350 succursales en laissant 91 communes sans église, et 252 églises sans dotation.

M. le ministre de la justice a pris acte de la déclaration que j’ai faite, au sujet des communes qui n’ont pas d’église ; je ne recule pas devant cette déclaration, et je répète que si 91 communes sont sans églises, il faut s’occuper de pourvoir à ce défaut. Mais qu’on ne s’y trompe point, quand nous ferons un travail, nous le ferons tel que la loi le veut, tel que le gouvernement aurait dû le faire lui-même.

Quand je consentirai à répondre aux besoins de certaines communes, non pourvues d’églises et à venir au secours de quelques églises non dotées, je rayerai avant tout du tableau toutes les succursales qui ont été crées illégalement et qui seront reconnues inutiles ; de cette manière, j’établirai une compensation et je ferai même une économie.

J’ai dit que M. le ministre de la justice avait mal interprété et même violé la loi ; ce reproche, d’ailleurs très parlementaire, a paru dur à l’honorable M. d’Anethan parce que, a-t-il dit, il est sorti des rangs de cette magistrature dont j’ai vanté l’indépendance. Oui, j’ai vanté et je vanterai toujours l’indépendance de la magistrature belge ; mais le reproche doit être d’autant plus amer pour M. le ministre de la justice que cette magistrature, dont il est sorti, vient de déclarer par un arrêt solennel que le gouvernement avait faussé la loi, et cet arrêt, je l’ai cité déjà dans mon premier discours. Le conseil de fabrique établi près de l’église de Basse-Wavre, érigée en succursale, a été déclaré ne pas avoir d’action, parce qu’il avait été illégalement constitué.

M. Vanden Eynde. - Il y avait un cas spécial.

M. Verhaegen. - Non, monsieur, il n’y avait pas de cas spécial. Si le temps ne nous pressait, je vous lirais cet arrêt qui est conforme aux vrais principes.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) - Dit-il que le gouvernement ne peut créer de succursales ?

M. Verhaegen. - Il dit que le gouvernement a violé la loi, et que la cour d’appel n’applique pas l’arrête royal qui a été illégalement rendu.

Je n’ai certes pas eu tort en interprétant la loi comme l’a fait la cour d’appel de Bruxelles.

Maintenant il y a deux choses à examiner ; la question de légalité et la question de fait. La question de légalité, je l’ai traitée et je pense qu’on n’a pas répondu à mes arguments. La question de fait, nous l’examinerons lorsque nous aurons les pièces sous les yeux ; usant alors de notre droit d’initiative, nous ferons ce que le gouvernement aurait dû faire, nous rayerons d’une part, nous ajouterons de l’autre, et nous ferons ainsi un travail complet.

Il me reste, messieurs, à dire quelques mots relativement au subside demandé pour réparations de tours. J’entends dire de toutes parts qu’il n’y a pas de contestation sur la question de propriété des tours ; elles sont, dit-on, la propriété des communes.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) - Quelques-unes.

M. Verhaegen. - Vous séparez les tours des églises. Mais je vous demande alors à qui appartiennent les églises. Je ne puis laisser passer cette observation sans la rencontrer ; car on semble séparer les tours des églises, en disant que les premières sont des propriétés communales et en déniant ainsi aux communes la propriété des églises mêmes. Moi, je soutiens que si on excepte les métropoles, toutes les églises constituent des propriétés communales.

Mais il y a encore une autre observation à faire sur ce point. On prétend que les tours sont la propriété des communes et on les sépare des églises. Mais si les tours sont la propriété des communes, qu’on me dise donc à qui appartiennent les cloches qui se trouvent dans les tours ?

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) - Aux communes.

M. Verhaegen. - Mais c’est la grande question qui s’agite en ce moment dans le Hainaut.

Vous allez vous trouver singulièrement embarrassé. Les tours, d’après vous, sont la propriété des communes.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) - Pas toutes.

M. Verhaegen. - Ah ! pas toutes. Ceci est une retraite. Je le comprends, la chose devait vous embarrasser ; car si vous prétendez que toutes les tours sont la propriété des communes, je ne sais pas comment vous répondriez à l’interpellation concernant les tours.

Mais il y a une loi du 24 février 1820, qu’on aurait bien fait de consulter, et qui devrait, me semble-t-il être prise en considération, quand il s’agit d’objets tels que ceux dont nous nous occupons.

La loi du 14 février 1810, porte dans son article 2 :

« Lorsque, pour la réparation ou la construction des édifices du culte, il sera nécessaire, à défaut de revenus de la fabrique ou de revenus communaux, de faire sur la paroisse une levée extraordinaire, il y sera pourvu par voie d’emprunt et à charge de remboursement dans un temps déterminé, par répartition au marc le franc sur les contributions directes et foncières, etc., etc. »

Il résulte de cette loi que c’est à charge de la fabrique, et subsidiairement à charge de la commune que tombe la réparation des édifices du culte, en cas d’insuffisance de revenus et de la fabrique et de la commune, il s’agit de faire un emprunt et une réparation. Cette loi serait-elle par hasard abrogée ? Je voudrais bien que M. le ministre s’expliquât à cet égard.

(Moniteur belge n°11, du 11 janvier 1844) M. Savart-Martel. - Je n’entreprendrai point de discuter ici si le concordat est encore obligatoire. Sur cette question, les uns disent oui, les autres disent non ; d’autres, enfin, distinguent dans les dispositions.

Je m’attacherai seulement à vous démontrer que la section centrale a conclu comme elle devait le faire.

Le budget présenté par le ministre de la justice lui est parvenu avec les observations des sections, sans présenter la moindre critique, quant au chapitre du culte catholique.

Le chiffre de fr. 403,822 39 pour le traitement du haut clergé ; celui de fr. 3,252,224 61 pour le clergé d’un ordre inférieur, ainsi que celui de 300,000 fr., spécialement destiné pour les édifices servant aux cultes, n’éprouvaient aucune contradiction.

La section centrale n’en a pas moins vérifié l’exactitude de chacun de ces chiffres. L’examen des tableaux joints au budget avec une précision remarquable, a donné la certitude que le budget était normal, plus normal peut-être que le précédent. Quant au chiffre de 300,000 fr., préavisé pour l’entretien des édifices servant au culte, les explications fournies ont également apaisé la section, surtout qu’il ne s’agit là que d’une somme dont se charge le ministère, sauf à en compter.

Mais pendant l’instruction, M. le ministre a pétitionné une somme de 50,000 fr., expressément applicable à des tours et monuments publics dont la propriété peut être plus ou moins incertaine. Le dossier concernant cette nouvelle dépense est joint aux actes.

Votre section centrale ne s’est point dissimulé que l’entretien et la réparation de ces tours et monuments sont des charges qui incombent aux propriétaires, ou au moins aux administrations qui jouissent de ces tours. Souvent elles sont à l’utilité des communes, et aussi à l’utilité du culte.

Elle n’a point méconnu les règles que vient de retracer l’honorable M. Lys, à savoir qu’on peut exiger la preuve de la propriété, et au besoin le budget des fabriques et administrations communales auxquelles profiterait la subvention pétitionnée, mais elle a remarqué l’urgence de quelques réparations, puisque plusieurs tours menacent journellement la sûreté publique.

Elle a remarqué que les questions de propriété ne pouvaient être facilement résolues ; et enfin, qu’il est de notoriété publique, qu’il existe fort peu de communes, et même fort peu de fabriques qui seraient en position de faire pareilles dépenses, sans une subvention de l’Etat.

Dès lors, elle a cru pouvoir adopter cette nouvelle demande, qu’il ne faut pas confondre avec ce que l’on entendait autrefois par l’allocation d’une somme pour les édifices du culte et les presbytères.

Nous n’avons point entendu que la chambre s’obligeât ultérieurement, car, comme je le disais dans une autre occasion, le budget est annuel.

L’application de chaque chiffre, sous un même article, mais sous trois divisions, ne me paraît pouvoir prêter à aucun abus accusable. A mes yeux, le budget actuel est normal, il est franc et sincère ; chaque chiffre contient sa destination, et la section centrale ne doit pas présumer l’abus, le transfert ou la surprise. Ou a beaucoup parlé de ce qui aurait été fait et dit, dans de précédents budgets, mais que le budget précédent ait été plus ou moins normal, qu’il y ait abus ou non, il n’en reste pas moins certain que celui que nous avons adopté est aussi clair que le jour.

On vient de critiquer à tort ou à droit l’établissement d’un grand nombre de succursales érigées sous l’ancien ministère par arrêtés royaux.

Mais ces arrêtés existent, la législature ne les a point annulés ; aucune section même ne s’en est plainte. A la vue des arrêtés royaux subsistants et de la nomination des pourvus, je n’aurais pas cru, en section centrale pouvoir critiquer les tableaux du ministère, surtout que si l’on conteste en ce moment et la légalité et l’utilité de ces succursales, je ne trouve aucun document propre à me convaincre de leur plus ou moins d’utilité.

Je n’entends approuver ni improuver, mais jusqu’à démonstration contraire, la présomption d’utilité résulte du fait même de l’autorité investie du droit de créer ces établissements, dont la multiplicité, je l’avoue, présenterait de graves inconvénients dans l’intérêt même du culte.

Quant à la légalité, dont l’examen m’appartient peut-être plus que l’utilité, qu’il me soit permis de dire que primitivement, et à la suite du concordat, l’autorité a dû agir par voie de dispositions générales ; on l’a fait ainsi ; mais je pense qu’au fur et à mesure que les besoins se font sentir, il faut bien que le pouvoir exécutif agisse non plus par voie générale, mais par des arrêtés de circonstance plus ou moins spéciaux, qu’il conviendrait de publier toujours.

Sans doute, en refusant la dotation, la chambre peut annihiler l’arrêté royal, mais il me semble que les motifs de cette annulation devraient être présentés et discutés de manière à ce que nous décidions en grande connaissance de cause, sans prévention aucune.

Jusque lors mon vote restera acquis au chapitre 8, que je trouve parfaitement expliqué.

Je maintiens surtout que dans la position où elle se trouvait, la section centrale a fait ce qu’elle devait faire, c’est principalement pour cette démonstration que j’avais demandé la parole.

L’heure est tellement avancée que je crois pouvoir borner ainsi mes observations.

M. Deprey. - Messieurs, la section centrale a proposé une somme de cinquante mille francs de subside extraordinaire au chapitre huit, article premier du budget, afin de pourvoir aux restaurations de certain nombre de tours qui, bien que contiguës à des églises, sont des édifices en quelque sorte mixtes, puisqu’ils sont à l’usage du culte comme au usages civils de la commune, et on y cite les tours de Malines, Anvers, Ath, Courtray, Ypres, Roulers et Harlebeke.

Je me permettrai d’indiquer à M. le ministre et à la chambre la tour de l’église de St.-Nicolas à Furnes, comme se trouvant dans une position analogue aux diverses tours énoncées dans le rapport ; cette tour, ancien et beau monument, se trouve dans une situation telle que le conseil communal, pour éviter les plus grands malheurs, s’est vu dans la nécessité de voter d’urgence, quoique dépourvu des fonds nécessaires, la démolition et reconstruction de sa flèche en entier, et de restaurations considérables aux parties inférieures de l’édifice.

Je dois faire observer ici que l’administration communale s’étant adressée à celle de la province pour l’obtention d’un subside, afin de pourvoir à une partie de la dépense, sa demande soumise au conseil provincial, dans sa session de 1843 n’a pas été admise à défaut d’y avoir joint certaines justifications.

Quoi qu’il en soit, la chose devenant de plus en plus urgente, au point que la ruine d’une partie de la flèche se faisait craindre, puisque déjà, à plusieurs reprises, de grosses pierres s’en étaient détachées, l’administration, pour faire cesser l’immense responsabilité morale qui pèse sur elle, vu les grands malheurs qui sont à craindre, n’a pas ose attendre plus longtemps de faire l’adjudication des travaux qui s’est élevée au-delà 17,000 francs (dix sept mille), dépense énorme pour cette ville dont les ressources financières sont très bornées, et qui a d’ailleurs à en supporter tant d’autres pour l’entretien de ses propres bâtiments et pour des objets urgents d’un autre genre.

En faisant connaître la situation dans laquelle se trouve la ville de Fumes, par rapport à la reconstruction immédiate, devenue indispensable, d’une partie de la tour de l’église de St.-Nicolas, je n’ai en vue que d’invoquer l’attention de M. le ministre sur cet objet important, à l’égard duquel la demande avec les pièces qui le justifient doivent, je pense, lui avoir déjà été adressées ou le seront incessamment, afin que la ville de Furnes aussi soit admise à participer aux secours destinés à la restauration des tours mixtes, et qui seront votés par la législature.

- La discussion est continuée à demain.

La séance est levée à 4 heures et demie.