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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 4 décembre 1843

(Moniteur belge n°339, du 5 décembre 1843)

(Présidence de M. Liedts)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Huveners procède à l’appel nominal à 1 heure et quart.

M. de Renesse donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Huveners communique les pièces de la correspondance.

« Le sieur J.-C.-A. Otto, chef de musique au 2ème régiment d’artillerie, né à Lanchstadt (Prusse), demande la naturalisation. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Les sieurs Torrebore-Bogaert, Moerlose et Torrebore-Janssens, directeurs du service des barques d’Ostende à Bruges et de Bruges à Gand, demandent une indemnité pour les pertes qu’ils ont essuyées dans leur industrie, par suite de l’établissement du chemin de fer. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Hebbelynck, ancien greffier de la justice de paix du canton de Nazareth demande à être réintégré dans ses fonctions, ou à être appelé à de semblables fonctions dans un autre canton, ou d’être pensionné par le gouvernement. »

Même renvoi.


« Les sauniers de Tamise présentent des observations contre la disposition du projet de loi sur le sel qui soumet à un droit d’accise l’eau de mer employée pour la fabrication du sel. »

- Renvoi à la section centrale chargée, en qualité de commission spéciale, d’examiner les amendements de M. le ministre des finances au projet de loi sur le sel.


« Les fabricants d’huile, poudriers et autres du canton de Nevele prient la chambre de ne pas donner suite à la demande tendant à obtenir une augmentation de droits d’entrée, sur les tourteaux de lin. »

- Renvoi à la commission d’industrie.


« Plusieurs fabricants de tulles demandent une augmentation de droits d’entrée sur les tulles. »

- Même renvoi.


« Plusieurs propriétaires et négociants de Bouillon demandent que le droit d’entrée sur les tulles, établi par l’arrêté royal du 14 juillet dernier, soit majoré ou qu’il soit converti en un droit au poids. »

- Même renvoi.


« Le sieur Van Bastelaer, ancien sous-directeur de l’hôpital militaire de Charleroy, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir un subside sur le budget de la guerre. »

M. de Garcia. - Je demanderai le dépôt de cette pétition sur le bureau pendant la discussion du crédit complémentaire que la chambre est appelée à discuter aujourd’hui. L’année dernière, messieurs, le budget de la guerre contenait une rubrique ainsi conçue :

« Chapitre Ier. Administration centrale.

« § 5. Secours à d’anciens militaires, veuves et enfants mineurs, 6,000 fr. »

Cet article fut adopté par la section centrale qui proposa d’ajouter au libellé, les mots : « Et anciens employés du ministère de la guerre. »

La chambre adopta ce libellé et vota l’article, ainsi amendé.

Lorsque nous en serons à la discussion du crédit complémentaire demandé pour le département de la guerre, je demanderai à M. le ministre s’il entend comprendre dans le crédit que je viens de rappeler, les anciens directeurs et employés des ambulances et des hôpitaux militaires.

- La proposition de M. de Garcia est mise aux voix et adoptée.


« Le sieur Belot, pharmacien à Namur, présente des observations sur le chap. Il du budget du département de la guerre. »

- Sur la proposition de M. Sigart la chambre ordonne l’impression de cette pétition au Moniteur.


« Les sieurs Broveslio et Plaideau fabricants de tabacs à Menin, demandent que dans le projet de loi sur le sel il soit inséré une disposition en vertu de laquelle les fabricants de tabac en carottes et en poudre fermentée soient exemptés du droit de douane et d’accise sur le sel. »

- Renvoi à la section centrale, chargée comme commission spéciale, d’examiner les amendements de M. le ministre des finances au projet de loi sur le sel.


« Les hôteliers et entrepreneurs des voitures publiques d’Alost demandent le rejet du projet de loi sur la poste aux chevaux. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet.


« La veuve Bayard se plaint de n’avoir pas reçu le troisième trimestre de la pension dont elle jouit sur le fonds des veuves, et demande que sa pension continue à lui être payée. »

M. Lys. - Messieurs, la veuve Bayard, dont vous venez d’entendre analyser la pétition, jouissait d’une pension sur la caisse des veuves. Cette pension lui a été payée exactement sous l’ancien gouvernement et depuis la révolution jusqu’au troisième trimestre de l’année courante exclusivement ; je ne connais pas le motif pour lequel elle n’a pus reçu ce troisième trimestre. La pétitionnaire a un enfant, et la pension dont il s’agit est sa seule ressource. Je demanderai que la commission des pétitions soit invitée à faire un très prompt rapport sur cette requête.

- Cette proposition est adoptée.


« Les anciens directeurs et adjoints directeurs d’hôpitaux militaires prient la chambre de comprendre leur demande de subside dans le crédit complémentaire du département de la guerre pour l’exercice 1843. »

M. Rodenbach. - Messieurs, cette pétition me paraît être de la même nature que celle dont vous avez ordonné tout à l’heure le dépôt sur le bureau pendant la discussion du crédit complémentaire demandé par M. le ministre de la guerre. Je vous proposerai donc d’en ordonner également le dépôt sur le bureau pendant cette discussion.

- La proposition de M. Rodenbach est mise aux voix et adoptée.


« Le sieur de Gerlache, ancien officier pensionné, réclame : 1° Les arriérés avec les intérêts des 2/5 de la pension extraordinaire et supplémentaire qui lui a été accordée pour services rendus l’armée des Pays-Bas aux Indes orientales ; 2° le payement des arriérés de sa pension sur le fond de Waterloo. »

M. de Garcia. - Je demanderai que cette pétition soit renvoyée à la commission avec invitation d’en faire l’objet d’un prompt rapport. C’est la décision que la chambre a prise pour une requête qu’elle a reçue précédemment et qui était de la même nature que celle-ci.

- La proposition de M. de Garcia est adoptée.


M. Jadot (erratum, Moniteur belge n°340, du 6 décembre 1843 :) et M. Dolez informent la chambre qu’une indisposition les empêche d’assister à la séance.

Pris pour information.


M. le président informe la chambre que le bureau a désigné M. Pirson fils, pour remplacer M. Pirson père, dans la commission chargée d’examiner le projet relatif à l’interprétation de l’article 3 de la loi sur la milice nationale, et M. Fleussu pour remplacer M. Liedts dans la commission qui doit s’occuper du projet d’interprétation de l’art. 442 du code de commerce.


M. Osy. - Messieurs, par dépêche du 29 novembre dernier, M. le ministre des affaires étrangères nous a communiqué différentes pièces concernant les conventions conclues avec les Pays-Bas relativement aux limites, à la navigation et notamment la convention faite par la commission mixte d’Utrecht. J’ai remarque que cette dernière convention pourra jeter beaucoup de lumières sur la discussion du budget des voies et moyens et du budget des finances. Je demanderai donc qu’elle soit imprimée parmi les pièces de la chambre.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l'exercice 1844

Rapport de la section centrale

M. Malou dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le budget des voies et moyens.

M. le président. - Ce rapport aurait été déposé samedi si la chambre s’était trouvée en nombre ; le bureau, après avoir pris l’avis des membres présents l’a fait imprimer et il pourra être distribué ce soir. A quel jour la chambre veut-elle en fixer la discussion ?

M. Devaux. - Je demanderai à M. le ministre des finances si, après nous avoir présenté un budget en déficit, il ne nous fera pas connaître avant la discussion du budget des voies et moyens, les nouvelles lois qu’il compte nous proposer et qu’il a annoncées d’une manière sommaire. Il me semble qu’avant de voter le budget des voies et moyens, la chambre devrait savoir quelles sont toutes les recettes que l’on propose pour l’année. Cela serait, d’ailleurs, conforme à la marche qui a été suivie par M. le ministre actuel, lui-même, en 1840, et par l’honorable M. Smit, l’année dernière.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, les projets de lois que j’ai annoncés à la chambre seront présentés incessamment, c’est-à-dire dans 8 ou 10 jours. Pendant la discussion du budget des voies et moyens et même dès le premier jour de cette discussion, je pourrai, si la chambre le requiert, vous faire connaître quels objets seraient frappés par ces projets. Cependant, comme il me sera difficile de donner ces explications à la chambre sans indiquer en même temps tous les motifs qui portent le gouvernement à demander des impôts sur les objets dont il s’agit, je crois que, pour épargner les instants de l’assemblée, il vaudrait mieux qu’il ne fût pas du tout question, dans la discussion du budget des voies et moyens. S’il en est question, ces projets non encore présentés soulèveraient inévitablement une discussion, je serai forcé d’en développer les motifs ; ces motifs seront combattus par d’honorables membres de la chambre, et nous serons ainsi entraînés dans une discussion anticipée et sans résultat possible. Je pense donc, je le répète, que pour ne pas faire perdre du temps à l’assemblée, il serait préférable qu’il ne fût pas parlé de ces projets dans la discussion du budget des voies et moyens. Cela me paraît d’autant plus inutile qu’ils seront présentés dans un très bref délai. Quoiqu’il en soit, si la chambre en manifeste le désir, je lui donnerai les explications dont j’ai parlé en commençant.

Quant à l’insuffisance dont on parle, messieurs, elle est tellement faible que je ne pense pas qu’on puisse réellement la qualifier de déficit.

Il y a une différence de cinq cent mille francs entre les recettes et les dépenses, et, je le déclare, les prévisions de recettes ont été établies avec la plus extrême modération, comme je le prouverai dans la discussion. Je le répète, cette différence de cinq cent mille francs sur un budget de cent dix millions, ne peut pas sérieusement être considérée comme un déficit, il y sera d’ailleurs pourvu par des moyens qui seront bientôt soumis à la délibération de la chambre.

M. Devaux. - Mon intention n’est pas d’entrer dans la discussion du budget, mais je dois faire remarquer que M. le ministre des finances veut nous entraîner dans une voie fort irrégulière. Cette voie est inconstitutionnelle, car la constitution dit que toutes les dépenses et toutes les recettes de l’Etat doivent être portées au budget. On dit que cela n’est pas possible cette année, mais la voie où l’on veut nous faire entrer n’en est pas moins irrégulière, et si nous suivons cette marche aujourd’hui avec un déficit de 500,000 fr., on pourra le faire l’année prochaine avec un déficit de deux millions. Ce n’est pas la une voie normale. Cependant M. le ministre conviendra, je pense, que le gouvernement a eu tout le temps de préparer les projets dont il s’agit, et qu’il aurait fort bien pu nous les présenter avec le budget des voies et moyens. Je demanderai que nous entrions dans une voie régulière et que l’on nous présente avant la discussion du budget des voies et moyens, non pas l’analyse des projets de lois que M. le ministre nous a annoncés, mais le texte même de ces projets.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - S’il s’agissait, messieurs, d’une insuffisance notable, je dirais avec l’honorable préopinant : cela est irrégulier, mais la différence est réellement insignifiante lorsqu’on a égard au chiffre total du budget.

Je ferai remarquer qu’on n’a presque jamais présenté en même temps que le budget, des lois de finances importantes et lorsque le gouvernement l’a fait, la chambre a presque constamment séparé de semblables projets du budget des voies et moyens pour en faire des lois spéciales qu’elle examinait ensuite après le vote des budgets. Le gouvernement n’a pas commis une inconstitutionnalité, pas même une irrégularité, en faisant, cette année, ce que la chambre a toujours fait jusqu’ici.

Pourquoi, messieurs, cette marche a-t-elle été constamment suivie ? Le motif en est facile à saisir, c’est qu’il est impossible de discuter des projets de loi de cette importance avant la fin de l’année. Du reste, on tombe dans une singulière exagération lorsqu’on dit qu’il y a inconstitutionnalité à retarder de quelques jours la présentation de quelques projets destinés à procurer au trésor des ressources dépassant de beaucoup la faible somme nécessaire pour rétablir l’équilibre entre les recettes et les dépenses.

Du reste, messieurs, c’est uniquement la crainte de faire perdre à la chambre un temps précieux qui m’a fait considérer comme utile de retarder de quelques jours la présentation des projets dont il s’agit, ces projets sont terminés au département des finances ; ils sont en ce moment soumis au conseil des ministres et d’ici à 8 ou 10 jours, je le répète, je pourrai les présenter à la chambre

M. Rogier. - Messieurs, le temps de la chambre est une chose précieuse ; et je pense qu’on lui en aurait fait gagner, si l’on avait présenté à la fois l’ensemble des ressources au moyen desquelles on se propose de faire face aux dépenses de l’exercice 1844.

La chambre remarquera que les lois nouvelles de recettes que nous aurons à voter se lient au budget des voies et moyens, et sont de nature à exercer de l’influence sur ce budget. Or, voter le budget des voies et moyens en l’absence des lois qui doivent le compléter, c’est faire une chose tout à fait irrégulière c’est s’engager dans une voie imprudente.

M. le ministre des finances avait suivi, en 1840, une autre marche, son successeur lui avait donné aussi le même exemple à suivre. L’honorable M. Smits, en sa qualité de ministre des finances, a présenté à la chambre diverses lois de voies et moyens. Je ne sais quel est le sort réservé à ces lois le cabinet actuel ne s’est pas encore expliqué. Je sais qu’à l’époque des élections, l’on a fait connaître, par un avis dans le Moniteur, que plusieurs de ces projets de loi seraient retirés. Mais jusqu’ici nous en sommes réduits à un avis du il, et à une observation qui a été faite plus tard par M. le ministre des finances. Mais nous ignorons le sort définitif des diverses lois financières présentées par le cabinet précédent. Sont-elles retirées ou maintenues ? Devons-nous discuter le budget des voies et moyens sous l’influence de ces projets de loi ? Ou bien faut-il les considérer comme non avenus ? Voilà ce qu’on devrait nous dire.

M. Lys. - Cela est expliqué dans le rapport de la section centrale.

M. Rogier. - Alors je demanderai que M. le rapporteur veuille bien nous donner quelques éclaircissements à cet égard.

M. Malou, rapporteur. - Les diverses sections ont demandé si les diverses lois financières qui avaient été présentées par le cabinet précédent, avaient été retirées. La réponse du gouvernement a été affirmative pour tous les projets, sauf la loi des patentes à l’égard de laquelle M. le ministre des finances a déclaré qu’il n’avait pas encore pris de résolution.

M. Rogier. - Il faudrait un arrêté royal pour retirer ces projets.

M. Malou, rapporteur. - On s’est également expliqué sur ce point dans le rapport.

M. Rogier. - Pour arriver à un système complet, il faut savoir par quoi ces lois seront remplacées. M. le ministre de finances vient de dire que le déficit du budget de 1844 était insignifiant, mais rien ne nous assure que les voies et moyens qui sont demandés seront suffisants. M. le ministre soutient que toutes ses prévisions ont été calculées avec une extrême modération, je le souhaite ; je désire que le budget présente un excédent à la fin de l’exercice prochain. Mais jusqu’ici, nous n’avons que l’affirmation de M. le ministre des finances, et déjà des affirmations semblables nous ont été données sans que des résultats satisfaisants aient été obtenus.

Quoi qu’il en soit, en dehors des besoins du budget de 1844, d’autres dépenses sont à couvrir. M. le ministre a déclaré que le déficit à combler de chef est de 3 millions, tant sur les dépenses passées que pour les dépenses à venir. Il s’agit de savoir avec quelles ressources on couvrira les dépenses nouvelles et permanentes.

Nous faisons ces observations avant la discussion du budget des voies et moyens, seulement dans le but de l’éclairer et de gagner du temps. En l’absence des lois complémentaires du budget des voies et moyens il est à craindre que la discussion de ce budget ne devienne plus difficile et plus lente.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, je m’attendais bien à ce que l’on chercherait à mettre ma conduite actuelle en opposition avec ma conduite de 1840. Je suis charmé qu’une occasion aussi prompte se présente de m’expliquer à cet égard. Je déclare que je saurai prouver en temps opportun que je suis resté fidele à ce que j’ai dit ou fait en 1840, lors de la présentation du budget de 1841. Tell a été ma conduite à cette époque, telle elle est aujourd’hui ; je ne me suis pas écarté d’une ligne du système que je me suis tracé alors. On prétend que le déficit est en ce moment de 3 millions ; cela est inexact. L’insuffisance qui résulte de la balance des budgets n’est que de 500, 000 francs. En 1840, j’ai annoncé qu’il y aurait des dépenses nouvelles, que certaines recettes qui figuraient au budget de 1841, ne se reproduiraient plus à l’avenir ; En 1843, j’ai suivi la même marche ; j’ai prévenu la chambre que certaines dépenses qui ne sont pas comprises au budget, seraient probablement réclamées ; j’ai annoncé aussi que des recettes qui y figurent ne se représenteraient plus à l’avenir, et qu’il fallait pourvoir à l’insuffisance qui devait résulter de leur perte. Mais ces observations ne s’appliquent pas à la situation immédiate. L’insuffisance actuelle, je le répète, n’est pas de trois millions ; il est vrai que l’excédant de dépenses que j’ai annoncé devoir être prévu pour l’avenir s’élève à ce chiffre, mais on a tort de soutenir qu’il doive être couvert par la loi des voies et moyens il suffit qu’il le soit par des ressources à créer successivement et qui seront demandées sous bref délai.

Quant à l’insuffisance de 500,000 francs, quelque légère qu’elle soit, il est à désirer, j’en conviens, qu’elle n’existe pas dans la balance des budgets ; mais que l’on veuille bien remarquer qu’elle sera à peu près compensée par le projet de loi sur le sel, projet auquel j’ai présente de nombreux amendements et qui sera probablement discuté dans quelques jours. Cette loi fournira au trésor une nouvelle ressource de trois à quatre cent mille francs.

Il restera une insuffisance d’environ 2,500,000 fr francs prévue et signalée pour l’avenir ; les voies et moyens destinés à la couvrir ne devaient pas être portés au budget. Je suis donc resté dans les bornes d’une parfaite régularité.

- La chambre consultée, fixe la discussion du budget des voies et moyens à jeudi.

Projet de loi sur les eaux-de-vie étrangères

Discussion des articles

- Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, on passe à la discussion des articles.

Chapitre premier. Base et quotité de l’impôt

Article premier

« Art. 1er. § 1. Indépendamment des droits de douanes établis par les tarifs en vigueur, les liquides alcooliques distillés à l’étranger, sont assujettis à un droit d’accise qui est dû à l’importation en raison des quantités importées.

« § 2. Il est fixé, savoir :

« a. Sur l’eau-de-vie, le rhum, l’arack et tous les liquides alcooliques, sans mélange de substances qui en altèrent le degré, à 50 fr. par hectolitre à 50 degrés ou au-dessous de l’alcoomètre de Gay-Lussac, à la température de 15 degrés du thermomètre centigrade :

« b. Sur les degrés dépassant 50 à 1 fr. par hectolitre et par degré ;

« c. Sur les liqueurs sans distinction de degré, à 60 francs par hectolitre ;

« § 3. Les fractions jusqu’à 5/10 de degré seront négligées ; au-delà, elles seront comptées pour un degré.

« § 4. Il ne sera prélevé aucun centime additionnel au profit de l’Etat sur le droit fixé au § 2.

« § 5. Chaque quittance du payement de l’accise est frappée d’un timbre de 25 centimes. »

M. Rodenbach. - Messieurs, il paraît qu’on n’a pas changé le chiffre de l’impôt de l’accise. J’aurais désiré que ce chiffre eût été moins élevé. Je pense que si le chiffre de 50 francs par 50 degrés d’alcool avait été fixé à 40 francs, le gouvernement aurait obtenu des produits plus considérables. Il est venu à ma connaissance que, dans la Flandre occidentale surtout, on fraude encore considérablement. Lorsqu’on ajoute an droit de 50 francs le droit d’entrée, on obtient un droit total de 87 francs 45 cent, pour un hectolitre de spiritueux. C’est un droit qui offre un grand appât à la fraude. Je me proposais de présenter un amendement ; je prierai cependant M. le ministre des finances de s’expliquer préalablement.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, la fraude en ce moment n’est pas aussi considérable que semble le croire l’honorable préopinant. Cela résulte de tous les renseignements qui sont parvenus à l’administration, et d’une enquête qui a été faite. Si le droit était diminué, je craindrais que les eaux-de-vie indigènes n’eussent plus une protection suffisante. On sait que les eaux-de-vie de France se vendent a des prix bien inférieurs à ceux des eaux-de-vie du pays. Si le droit sur les premières était réduit, il pourrait en résulter un grand préjudice pour nos distilleries. C’est ce motif qui a déterminé le gouvernement à maintenir l’accise telle qu’elle existe aujourd’hui. J’ajouterai que dans d’autres circonstances, ce n’est pas contre la modicité des droits que des réclamations se sont reproduites dans cette enceinte ; on les a, au contraire, trouvés trop faibles. Lorsque les droits sur les eaux-de-vie indigènes ont été augmentés, plusieurs membres se levèrent pour réclamer une augmentation proportionnelle sur les eaux-de-vie étrangères. Mais le gouvernement a alors répondu avec raison qu’en haussant par trop les droits sur les eaux-de-vie étrangères, on provoquerait la fraude ; je crois que le chiffre actuel est nécessaire à la fois pour nous garantir contre les importations frauduleuses trop considérables, et pour assurer une protection suffisante à l’industrie nationale.

M. Rodenbach. - Les arguments de M. le ministre des finances me paraissent assez fondés, mais il n’en est pas moins vrai que la fraude se pratique encore avec les eaux-de-vie étrangères. Mais puisque M. le ministre a parlé de la protection qu’on doit accorder à nos distilleries, je lui dirai que, sur l’extrême frontière de France, les genièvres français se vendent de 25 à 50 p. c. à meilleur marché que les spiritueux indigènes. La fraude est telle qu’il en est résulté un déficit d’un million dans les produits des distilleries. Je sais que le droit établi par la dernière loi est trop élevé, et que c’est en partie ce qui a amené ce déficit.

Mais, puisqu’il est prouvé que nos distilleries ne peuvent pas soutenir la concurrence avec les Français, qui ne paient aucun droit et jouissent même d’un avantage quand ils exportent, je ne proposerai pas de réduction de droit.

J’ai vu avec plaisir que M. le ministre se proposait d’augmenter le personnel de la douane, et demandait pour cet objet une augmentation d’allocation. Cette mesure est très nécessaire, car la fraude se fait ; je prie M. le ministre d’y tenir la main.

- L’art. 1er est mis aux voix et adopté.

Article 2

« Art. 2. § 1. Les liquides alcooliques, quel que soit leur degré, et les liqueurs importées en quantité des hectolitres au moins, pourront être emmagasinés :

« a. Sous termes de crédit pour l’accise ;

« b. Par dépôt dans les entrepôts.

« § 2. Toute quantité inférieure donnera lieu au payement des droits au comptant. »

- Adopté.

Chapitre II

Termes de crédit
Article 3

« Art. 3. § 1. Lorsque la recevabilité atteindra ou restera en-dessous de la somme de 1,000 francs, elle sera exigible en deux termes de trois en trois mois ; et, dans le cas où elle dépasserait cette somme, les échéances auront lieu en trois termes de trois en trois mois.

« § 2. Les termes de crédit commenceront à courir du jour de la délivrance du document qui aura servi à la prise en charge de l’accise au compte des négociants.

« § 3. Il sera fourni une caution suffisante pour garantir les droits. »

- Adopté.

Mode de prise en charge
Article 4

« Art. 4. § 1. Les comptes seront débités des quantités :

« a. Importées directement ;

« b. Enlevées des entrepôts ;

« c. Livrées avec transcription de l’accise.

« § 2. Chaque prise en chargé aura lieu au moyen d’un passavant à caution, qui sera déchargé par le receveur du lieu de la destination. »

- Adopté.

Apurement des comptes
Article 5

Art.5. L’apurement des comptes ouverts aura lieu :

« a. Par payement des termes échus ;

« b. Par transcription des droits et sous-livraison de la quantité de liquide qu’ils représentent. »

- Adopté.

Transcription de l’accise
Article 6

« Art. 6. § 1. Les négociants qui auront accepté une transcription de droits seront tenus de remplir les obligations qui pesaient de ce chef sur le précédent débiteur. Chaque transcription ne pourra être inferieure à 500 fr.

« § 2. La décharge sera opérée au compte sur le terme de crédit dont l’échéance est la plus prochaine. »

- Adopté.

Chapitre III. Entrepôts

Article 7

« Art. 7. § 1. Les mouvements à l’entrée et à la sortie des entrepôts sont réglés de la manière suivante :

« Entrepôts libres :

« § 2. Les comptes seront débités des quantités :

« a. Importées directement ;

« b. Transcrites dans le même entrepôt du compte d’un autre négociant.

« Ils seront déchargés des quantités :

« a. Déclarées pour la consommation ;

« b. Transcrites dans le même entrepôt au compte d’un autre négociant ;

« c. Transférées sur entrepôts publics ou particuliers ;

« d. Déclarées à la réexportation.


« Entrepôts publics :

« § 3. Les comptes seront débités des quantités :

« a. Importées directement ;

« b. Transcrites dans le même entrepôt du compte d’un autre négociant ;

« c. Transférées des entrepôts libres ou publics.

« Ils seront déchargés des quantités :

« a. Déclarées pour la consommation ;

« b. Transcrites dans le même entrepôt au compte d’un autre négociant ;

« c. Transférées sur entrepôts publics ou particuliers.


« Entrepôts particuliers.

« § 4. Les comptes seront débités des quantités :

« a. Importées directement ;

« b. Transférées des entrepôts libres et publics ou particuliers.

« Ils seront déchargés des quantités :

« a. Déclarées pour la consommation

« b. Transférées sur entrepôts particuliers.

« § 5. Les mouvements autorisés par le présent article ne pourront avoir lieu en quantité inférieure à un hectolitre de liquides alcooliques ou de liqueurs pour la consommation, à moins que ce ne soit le restant des diverses prises en charge, et à trois hectolitres pour tous les autres mouvements, tant à l’entrée qu’à la sortie des entrepôts. »

- Adopté.

Article 8

« Art. 8. § 1. Les liquides imposés d’après leur force alcoolique et déposés dans les entrepôts publics ou particuliers, qui seraient reconnus détériorés, ou affaiblis par l’évaporation au-dessous de 45° de l’alcoomètre de Gay-Lussac à la température de 15° du thermomètre centigrade, pourront être enlevés de l’entrepôt, pour être rectifiés sous la surveillance des employés de l’administration.

« § 2. L’enlèvement aura lieu en fournissant caution pour les droits ; ils deviendront exigibles pour la partie du liquide non réintégrée à l’entrepôt dans le terme fixé par le passavant à caution. »

- Adopté.

Article 9

« Art. 9. § 1. L’entrepôt particulier pourra être concédé dans les lieux où il existe un entrepôt public.

« § 2. Les magasins devront être voûtés ou plafonnés et n’avoir d’autre issue que celle donnant immédiatement sur la voie publique

« Ils seront, du reste, appropriés à l’usage auquel ils sont destinés, selon que l’administration le jugera nécessaire pour assurer les intérêts du trésor.

« § 3. Chaque concession d’entrepôt particulier donnera lieu au payement d’un droit fixe de 20 francs. »

- La section centrale propose l’adoption de cet article avec la suppression du § 3, demandée par le gouvernement.

L’art. 9 est adopté avec cet amendement.

Article 10

« Art. 10. § 1. Quiconque voudra jouir de l’entrepôt particulier devra :

« a. Faire à cet effet la demande au directeur dans la province ;

« b. Décrire exactement les magasins et locaux, le nombre des issues, des soupiraux ou outres ouvertures qu’ils contiennent ;

« c. Fournir un cautionnement suffisant pour garantir les droits.

« § 2. Ne seront admis comme entrepôts particuliers que les magasins et locaux reconnus propres et convenables à cet usage. Ils seront fermés à deux clefs différentes, dont l’une sera fournie et conservée par l’administration.

« § 3. Aucune marchandise autre que les liqueurs ou liquides alcooliques étrangers ne sera admise dans les entrepôts particuliers.»

- La section centrale propose l’adoption de cet article avec la suppression du litt. c du § 1er, demandée par le gouvernement.

- Cet article ainsi amendé est adopté.

Articles 11 à 14

« Art. 11. Il sera accordé, sur les liqueurs et liquides alcooliques déposés dans les entrepôts particuliers, une bonification de 2 p. c. par an pour coulage, ouillage, déchet ou perte quelconque. »

- Adopté.


« Art. 12. Les entrepositaires pourront transvaser, couper et mélanger, selon le besoin de leur commerce, les liquides imposés d’après leur force alcoolique. »

- Adopté.


« Art. 13. § 1er. Les liqueurs et liquides alcooliques déposés dans les entrepôts particuliers, devront être représentés en tout temps à la réquisition des employés.

« § 2. La vérification de la quantité et de la force alcoolique aura lieu sans frais pour les entrepositaires. »

- Adopté.


« Art. 14. § 1er. Toute quantité excédant celle qui devrait exister dans les entrepôts particuliers sera prise en charge au compte nouveau à ouvrir aux entrepositaires. Quant aux manquants, les droits devront être acquittés immédiatement.

§ 2. Dans l’un et l’autre cas, on n’aura aucun égard, lors des recensements, à toute différence inférieure à 1/2 p. c. de la balance du compte.

« § 3. Aucune compensation ne sera faite entre les excédants et les manquants reconnus sur les quantités de liquides alcooliques et de liqueurs déposées dans le même entrepôt. »

- Adopté.

Chapitre IV. Circulation

Article 15

« Art. 15. Le transport des liquides alcooliques et des liqueurs dans le territoire réservé à la douane doit être couvert :

« a. Par un passavant, pour toute quantité supérieure à 2 litres jusqu’à 5 hectolitres ;

« b. Par un acquit à caution pour toute quantité plus forte, le tout après justification de l’existence légale, conformément à la loi générale du 26 août 1822.

« § 2. Lorsque les liquides alcooliques ou liqueurs arriveront de l’intérieur, le permis de circulation sera levé sans justification, soit au bureau du lieu du départ, soit au dernier bureau de passage en-deçà du rayon de la douane. »

M. le président. - La section centrale propose l’adoption de cet article avec l’addition demandée par le gouvernement, des mots : modifiée par la loi du 6 avril 1843 au litt. b du § 1er.

M. Smits. - On a voulu dire que la loi sur la répression de la fraude serait également appliquée aux cas prévus par cet article. Pour rendre cette pensée d’une manière plus claire, plus nette, plus précise, il faudrait dire : avec les modifications indiquées dans la loi du 6 avril 1843. Ce paragraphe serait ainsi conçu :

« b. par un acquit à caution, pour toute quantité plus forte, le tout après justification de l’existence légale conformément à la loi générale du 26 août 1822, avec les modifications indiquées dans la loi du 6 avril 1843. »

M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je pense qu’on peut admettre indifféremment l’une ou l’autre rédaction. Cependant j’ai proposé celle qu’a admise la section centrale par la raison que la loi de 1822 a été modifiée de telle manière que la nouvelle loi en fait, en quelque sorte, partie intégrante, c’est en réalité la loi de 1822 modifiée par la loi du 6 avril 1843. Les articles de cette loi sont rédigés dans cet esprit. Je crois en conséquence qu’on doit plutôt donner la préférence à la rédaction adoptée par la section centrale.

- L’amendement proposé par M. Smits est mis aux voix. Il n’est pas adopté.

L’amendement proposé par le gouvernement et appuyé par la section centrale est adopté.

L’ensemble de l’art. 15 ainsi amendé est également adopté.

Articles 16 à 19

« Art. 16. Les acquits à caution sont soumis au droit de timbre de 50 centimes. Le passavant en est exempt. »

- Adopté.


« Art. 17. Les négociants établis sur le territoire réservé obtiendront un duplicata des documents servant à la prise en charge à leur compte de crédit à termes. Ils seront soumis aux recensements à l’effet de reconnaître en tout temps si les quantités en magasin sont dûment justifiées. »

- Adopté.


« Art. 18. § 1. Les documents délivrés pour des liquides imposés d’après leur force alcoolique, serviront à couvrir le dépôt des liqueurs s’ils sont revêtus d’un certificat du receveur constatant que le détenteur lui a déclaré vouloir convertir en liqueurs les quantités qu’ils mentionnent.

« § 2. En aucun cas, la quantité de liqueurs ne pourra être supérieure à celle que représenterait le liquide alcoolique ramené à 40 degrés. »

- Adopté.


« Art. 19. § 1. Le dépôt des liquidés alcooliques ne pourra être justifié par des documents indiquant une force alcoolique inférieure à celle des quantités emmagasinées.

« § 2. Toutefois, lorsque le détenteur voudra, au moyen de mélange, porter les liquides emmagasinés à un degré de force supérieur à celui indiqué dans le document justificatif, il pourra, après déclaration préalable faite au receveur, procéder à ce mélange en présence des employés, qui en constateront le résultat au dos du permis, lequel sera retiré et remplacé par un autre mentionnant le degré de force alcoolique des quantités obtenues par le mélange. »

- Adopté.

Chapitre V. Pénalités

Article 20

« Art. 20. § 1. Les auteurs des faits ci-après détaillés encourront, savoir :

« 1° Pour l’existence d’issues, de soupiraux ou d’ouvertures non indiqués dans la demande d’entrepôt mentionnée à l’art. 10, et pour l’établissement d’un moyen quelconque offrant la possibilité de pénétrer dans les entrepôts particuliers sans la participation de l’administration, ou d’enlever clandestinement les liquides entreposés, une amende égale au droit d’accise sur les quantités formant la balance du compte ;

« 2° Pour défaut de décharge ou pour la non-reproduction dans les lieux ou dans les délais fixés des acquits à caution, une amende d’un franc pour chaque litre de liquides alcooliques ou liqueurs indiques dans ces documents ;

« 3° Pour refus d’exercice, une amende de 800 fr.

« § 2. Les amendes fixées par le présent article seront appliquées sans préjudice de la pénalité prononcée par l’art. 103 de la loi générale du 26 août 1822 (Journal officiel, n°38). »

- Adopté.

Article 21

« Art. 21. Indépendamment de la confiscation prononcée par l’art. 20 de la loi générale du 26 août 1822 (Journal officiel, n°38), il sera encouru une amende du décuple de l’accise sur les liquides alcooliques existants ou en cours de transport, quelle que soit sa direction, dans le territoire réservé, sans document valable. »

- Supprimé.

Article 22

« Art. 22. En cas de fraude à l’importation et hors les circonstances prévues par l’art. 224 de la loi générale du 26 août 1822, les porteurs sur lesquels il aura été saisi des liqueurs ou des liquides alcooliques distilles à l’étranger, pourront être mis en état d’arrestation, quel que soit le lieu de leur domicile. »

M. Rodenbach. - Je demanderai pourquoi on supprime cet article ; il me paraît important ; mais peut-être se trouve-t-il dans une loi précédente ?

M. le ministre des finances (M. Mercier) - Oui.

M. Rodenbach. - Fort bien.

La chambre ordonne la suppression de l’art. 22.

Chapitre VI. Dispositions générales

Article 23

« Art. 23. Les dispositions de la loi générale du 26 août 1822 (Journal officiel, n°38), celles de la loi du 18 juin 1836 (Bulletin officiel, n” 525), et celles de la loi du 6 avril 1843 (Bulletin officiel, n°156), sont maintenues, en tant qu’elles ne sont pas modifiées par la présente loi.

M. Savart-Martel. - Lors des discussions sur la loi du 6 avril dernier, j’ai fait remarquer la nécessité de refondre dans un seul volume les diverses dispositions législatives encore en vigueur qui concernent les accises et la douane, et cela dans l’intérêt du public, qui doit connaître ses obligations, comme aussi dans l’intérêt des cours et tribunaux qui doivent appliquer justement la loi.

Ce vœu (car il n’y a pas eu de proposition formelle) me paraît avoir été favorablement accueilli par la chambre.

La loi monstre de 1822, quoique loi organique, est tellement diffuse, mal rédigée, compliquée et embrouillée que, sous ce rapport déjà, elle devrait être refondue. J’ajouterai que parfois le texte français et le texte hollandais se contredisent.

D’ailleurs, depuis 20 années, plusieurs articles ont été changés ou modifiés ; j’indiquerai entre autres les dispositions législatives du 18 juin 1836, celles du 6 avril dernier. En ce moment, nous sommes encore occupés à y faire des changements.

D’autre part, les lois de 1822 et plusieurs subséquentes ont été décrétées, lorsque la Belgique et la Néerlande ne faisaient qu’un royaume ; la séparation des deux pays a rendu inexécutables, on a fait cesser des titres entiers.

Enfin de nouveaux besoins ont amené de nouvelles lois.

Des modifications partielles, des abrogations amènent dans la pratique des complications, des doutes même qu’il faut faire cesser.

Je prie MM. les ministres de nous dire si, sous peu, ce travail ne pourrait être soumis à la législature qui, en érigeant en loi cette rédaction nouvelle, prononcera l’abrogation de toute autre disposition.

Si MM. les ministres ne peuvent à ce jour donner une réponse positive, mon observation aura au moins le mérite d’appeler l’attention sur une nécessité qu’apprécieront ceux surtout qui chaque jour ont à feuilleter et refeuilleter les lois de douane et d’accise.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je conviens avec l’honorable membre qu’il y a un grand inconvénient à recourir à des lois successives. Cependant, si l’on avait une loi nouvelle et complète, cet inconvénient ne tarderait pas à se représenter ; car de nouveaux besoins rendraient bientôt nécessaires de nouvelles lois.

Je reconnais, en outre, avec l’honorable membre, que la loi générale est diffuse dans quelques-unes de ses parties, et que son application n’est pas toujours facile ; des circonstances exigent que cette loi soit bientôt refondue. Notre système de chemins de fer nécessitera de nouvelles mesures ; mais un peu plus d’expérience est nécessaire avant la présentation d’un nouveau projet de loi.

Je n’ai pas attendu jusqu’à présent pour m’occuper de cet objet. Je ne dirai pas que le projet de loi est préparé au ministère des finances ; mais je puis annoncer qu’on s’y occupe d’en réunir les éléments.

- L’art. 23 est mis aux voix et adopté.

Articles 24 à 26

« Art. 24. Les négociants sont tenus de faciliter aux employés de l’administration l’exercice de leurs fonctions, lis devront fournir les moyens d’opérer les visites, les vérifications, les dénombrements, les dégustations, les jaugeages et les dépotements ; à défaut de quoi, il sera rédigé procès-verbal de refus d’exercice.

- Adopté.


« Art. 25. Le transit, le cabotage et le transport avec emprunt du territoire étranger des liquides alcooliques et des liqueurs, sont prohibés. »

- Adopté.


« Art. 26 Les lois des 2 août 1822 (Journal officiel, n° 30) et 30 mai 1838 (Bulletin officiel, n° 180), sont abrogées. »

- Adopté.

Chapitre VII. Dispositions transitoires

Articles 27 et 28

« Art. 27. § 1. Pendant les trois jours qui précéderont la mise en vigueur de la présente loi, il sera procédé au recensement des magasins de crédit permanent dont jouissent les négociants.

« § 2. Les droits dus sur les manquants reconnus seront liquidés d’après le taux de l’accise établi par la loi du 20 mai 1838 (Bulletin officiel, n°180).

« § 3. Les quantités constatées seront inscrites à compte nouveau, lequel devra, dans le délai d’un mois, être apuré par transfert sur un entrepôt particulier, par prise en charge à un compte de crédit à termes ou par payement de l’accise au comptant, le tout en conformité de la présente loi. »

- Adopté.


« Art. 28. A partir du jour où la présente loi sera exécutoire, les actes de concession d’entrepôt particulier seront annulés. Toutefois les entrepositaires pourront conserver la jouissance de ces entrepôts, à la charge par eux de satisfaire, dans le délai d’un mois, aux conditions établies aux articles 9 et 10. »

- Adopté.

Article 29

« Art. 29. Les cautionnements fournis pour les comptes de crédit permanent conserveront leur valeur et continueront à garantir les droits dont les négociants sont débiteurs, jusqu’à ce qu’ils se soient conformés aux dispositions de la présente loi. Ces cautionnements pourront également garantir les comptes d’entrepôt ou de crédit à termes pendant le délai fixé à l’article 28, sous la condition que les intéressés devront, avant qu’il soit expiré, passer de nouveaux actes de cautionnement à la satisfaction des receveurs ou des entreposeurs. »

- Supprimé.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet ; il est adopté à l’unanimité des 56 membres présents.

Ce sont : MM. Castiau, de Baillet, Dechamps, de Chimay, de Corswarem, de Florisone, de Foere, de Garcia, de La Coste, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Naeyer, de Nef, Deprey ,de Renesse, de Roo, de Terbecq, de Tornaco, Devaux, d’Hoffschmidt, Donny, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Goblet, Huveners, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Lesoinne, Liedts, Lys, Malou, Meeus, Mercier, Morel-Danheel, Orts, Osy, Peeters, Pirson, Rodenbach, Rogier, Savart, Sigart, Simons, Smits, Troye, Van Cutsem, Vandensteen. Van Volxem, Verhaegen, Vilain XIIII et Zoude.

En conséquence ce projet de loi sera transmis au sénat.

Projet de loi qui ouvre au ministère de la guerre un crédit de 2,700,000 francs et fixe, au moyen de cette somme et des crédits antérieurs, le budget de la guerre pour 1843, à 28,750,000 francs

Discussion générale

M. le président. - La discussion générale est ouverte.

M. de Garcia, rapporteur. - Messieurs, une erreur, une omission tout à fait involontaire s’est glissée dans le projet de loi qui arrête le budget de la guerre pour 1843.

Voici comment est conçu le § 2, de l’art 1er du projet :

Au moyen de cette somme et des 26,000,000 de francs déjà votés, le budget de la guerre pour 1843, est arrêté à la somme de 28,700,000 fr.

La commission a commis ici, je le répète, une omission tout à fait involontaire, elle a oublié de faire mention d’un autre crédit qui a été alloué par la chambre pour couvrir des dépenses d’exercices antérieurs ; l’assemblée doit se rappeler que le projet relatif à ces dépenses a donné lieu à une discussion assez vive ; il s’agissait des frais relatifs à l’ameublement de l’hôtel du ministère de la guerre, c’était un crédit de 50,000 fr.

Ce crédit, si je me rappelle bien, avait trait aux exercices du budget de la guerre de 1838 et 1839. Ce crédit a été consacré par une loi du 14 mars dernier ; dans cet état, l’on ne peut plus se dispenser de le porter au budget, et en conséquence, je pense qu’il faudrait rédiger le second paragraphe de l’art. 1er du projet, de la manière suivante :

« Au moyen de cette somme et des crédits alloués par les lois du 30 décembre 1842, 14 février et 14 avril 1843, le budget de la guerre, pour 1843, est arrêté à la somme de 28,750,000 fr.

M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) - Messieurs, je désire donner quelques explications à la chambre relativement à la liste des nominations faites en 1843, que j’ai eu l’honneur de remettre à la section centrale.

Cette liste porte 274 noms.

Mais je dois vous faire observer, messieurs, que dans ce nombre se trouvent compris d’abord 47 élèves de l’école militaire qui ont été promus au grade d’officier en vertu de la loi sur cette institution ; ces nominations étaient obligatoires pour le ministre de la guerre.

Le chiffre de 274 noms comprend aussi ceux de sept sous-officiers qui ont été promus au grade de sous-lieutenant. Ces nominations ont été faites pour ne pas décourager entièrement cette classe importante de l’armée. Je regrette de ne pas avoir pu en élever le nombre.

Ce chiffre renferme encore treize nominations à des fonctions, sans qu’il y ait en pour cela avancement. Ce sont des fonctions d’adjudant-major et autres.

Enfin il s’y trouve dix-sept passages aux états-majors de places, et de telles nominations ont même lieu avec une diminution de traitement.

Il en résulte, messieurs, que le chiffre des promotions au-dessus du grade de sous-lieutenant se trouve réduit à environ 190 ou 200.

Si l’on compare ce nombre à celui qui représente l’effectif de l’armée, on voit qu’il correspond à un treizième seulement, ou à un grade tous les douze ou treize ans. Cet avancement, messieurs, ne paraîtra pas trop rapide. En admettant même avec la section centrale qu’il ait lieu au bout de chaque terme de dix années, ce terme paraîtra en général bien long, alors que l’on considère qu’un sous-lieutenant devra attendre pendant dix ans le grade de lieutenant , celui-ci pendant dix ans le grade de capitaine de seconde classe , et ainsi de suite.

M. Castiau. - J’aurai, messieurs, quelques autres explications à demander à M. le ministre de la guerre.

Vous vous rappellerez, et vous vous rappellerez mieux que moi, sans doute, les incidents qui ont marqué la dernière discussion du budget de la guerre. Deux opinions s’étaient manifestées dans cette enceinte, toutes deux consciencieuses, toutes deux dictées par le sentiment du bien public, mais arrivant à des buts et à des résultats opposés.

L’une voulait le maintien du statu quo militaire ; elle voulait un état militaire imposant pour la défense de notre indépendance. Elle adoptait le chiffre du gouvernement et protestait contre toute pensée de réduction.

L’autre opinion, au contraire, ne pensait pas qu’un état militaire aussi développé fût nécessaire dans notre position politique avec la loi de neutralité qui nous était imposée. Cette opinion demandait des réductions ; elle voulait des économies.

La chambre a été appelée à se prononcer entre ces deux opinions dissidentes ; la majorité s’est prononcée, et elle s’est prononcée pour le système d’économie. Le vœu, la volonté de la majorité plutôt, s’est manifesté d’une manière tellement pressante et tellement énergique que l’honorable ministre qui tenait alors le portefeuille du département de la guerre, a cru devoir le déposer et abandonner le pouvoir.

Dés lors, on devait donc croire, messieurs, que le nouveau ministre de la guerre aurait été le représentant de la pensée qui avait triomphé au sein de la chambre qu’il se serait associé aux vues d’économie et de réductions qui avaient été exprimées dans le rapport de la section centrale, et consacrées par le vote de l’assemblée.

Cependant, il faut le reconnaître tout d’abord, le projet de loi sur les crédits complémentaires est venu dissiper, en partie du moins, les illusions et les espérances qu’on aurait pu concevoir.

Toutefois, messieurs, je me hâte d’en faire l’aveu, M. le ministre de la guerre, dans l’exposé des motifs du projet de loi qui nous est soumis, a annoncé des économies, et des économies qui s’élèveraient à une somme assez considérable, à un somme de un million trois cent mille francs.

Ce résultat, sans doute, serait déjà satisfaisant ; mais il ne suffit pas d’annoncer des économies, il faut encore savoir quel est le caractère de ces économies, et sur quelle partie du service elles portent. Car si les économies que l’on vient vanter dans l’exposé des motus du projet qui vous est soumis, étaient de la nature de celles que l’on apporte au budget de la guerre de 1844, où l’on vient vous proposer des réductions à la condition de les faire porter sur la solde des malheureux soldats, tout en respectant les hautes positions et les gros traitements, je serais disposé, quelque partisan d’économies que je sois, à protester contre de telles réductions, à les repousser de toutes mes forces.

J’engage donc M. le ministre de la guerre à bien vouloir nous donner quelques explications, explications générales, sans doute, mais qui soient de nature à nous rassurer sur le caractère des économies qu’on prétend encore réaliser sur l’exercice courant.

A la suite de ces économies se présentent malheureusement des charges nouvelles et permanentes. Ces charges résultent de promotions nombreuses qui ont été faites dans l’armée.

Sur ce point, M. le ministre de la guerre vient de vous fournir quelques explications. Ce chiffre de 273 promotions dans un espace de temps aussi restreint était, il faut le reconnaître, vraiment effrayant. Il a donc décomposé devant vous ce chiffre ; il résulte des explications qu’il vous a fournies, que de nombreuses promotions partent sur les grades inférieurs et que celles accordées au-dessus du grade de sous-lieutenant ne seraient plus que de 190 à 200. L’abus des promotions n’aurait donc pas été porté aussi loin qu’on aurait pu le penser dès l’abord.

Cependant il serait encore nécessaire de savoir combien de ces promotions doivent être imputables au prédécesseur de M. le ministre de la guerre et combien doivent rentrer sous sa responsabilité personnelle. Il conviendrait aussi, ce me semble, de connaître combien dans ces 200 promotions ont été faites au choix, et combien il en a été accordé à l’ancienneté.

Parmi les actes qui sont personnels à M. le ministre de la guerre, il en est un dont je ne viens pas contester la légalité, mais qui cependant doit fixer notre attention, du moins au point de vue de la dépense ; c’est la mesure relative au déplacement des dépôts des divers régiments.

Je le répète, je n’attaque pas la légalité de cette mesure, elle rentre évidemment dans les attributions du ministre, mais ce déplacement général qui a eu lieu parmi les dépôts a dû occasionner des dépenses et des dépenses considérables peut-être. Il convient donc que M. le ministre de la guerre nous fasse connaître les motifs si urgents qui ont rendu cette mesure nécessaire, et qu’il nous indique la somme à laquelle s’élèvent les dépenses résultant de ce mouvement général et inusité.

Il est ensuite, parmi les actes de M. le ministre de la guerre, une autre mesure qui, celle-là, rentre directement dans les attributions de la chambre des représentants, non seulement quant à la dépense mais encore quant à la question même de légalité et de principe. Je veux parler de l’arrête royal qui organise une troisième catégorie de commandants de place ; cet arrête royal, contresigné par M. le ministre de la guerre actuel, est venu établir une troisième catégorie de commandants de place, au traitement annuel de 3,500 fr. Eh bien, il me semble que cette mesure rentrait dans le cadre de l’organisation de l’armée ; c’était là une véritable question d’organisation qu’il appartenait à la chambre seule de résoudre. Je ne me prononce pas maintenant sur le caractère d’utilité de cette mesure, mais il ne peut y avoir de doute qu’elle rentrait dans les attributions de la chambre, et il y a, ce me semble, quelque inconvénient à ce que quelques mois avant la réunion des chambres, le gouvernement soit venu ainsi trancher une question sur laquelle il aurait dû s’abstenir de se prononcer, afin de laisser à la chambre son libre arbitre.

Je sais bien que cette question ne se trouve pas reproduite dans le projet de loi sur l’organisation de l’armée qui vient de nous être présenté, mais il faut le reconnaître, ce projet a été rédigé à un point de vue assez étroit, s’il m’est permis de le dire ; ce n’est pas à proprement parler, un projet de loi d’organisation de l’armée, c’est en quelque sorte un projet de loi de dénombrement de l’armée. S’il est adopté tel qu’il est présenté, il n’aura d’autre effet que d’enchaîner l’action et l’initiative de la chambre, d’empêcher à tout jamais toute réduction, d’empêcher à tout jamais toute modification que l’on voudrait apporter à l’organisation militaire du pays. Il y aurait donc lieu, lors de la discussion, de compléter ce projet d’organisation militaire. Un projet d’organisation militaire ne peut évidemment pas être rédigé en cinq ou six articles. Il sera nécessaire d’y comprendre ce qui est relatif au recrutement, à l’armée active, à l’armée de réserve et peut-être à la garde civique elle-même, car la garde civique constitue aussi l’un des éléments de la force publique.

Eh bien, aucune de ces questions n’est prévue ni examinée par le projet de loi qui nous est présenté. Je pense donc que la chambre, en complétant et en révisant ce projet, comprendra la question spéciale qui nous occupe, celle de savoir si l’on doit conserver, comme institution spéciale et distincte, celle des commandants de place. Dès lors donc, pourquoi se hâter de résoudre une question qui pourra bien recevoir de la chambre une solution opposée à celle qui lui a été donnée par l’arrêté royal auquel j’ai fait allusion.

Enfin, messieurs, pour en finir avec toutes mes questions, je demanderai à M. le ministre de la guerre de bien vouloir nous donner quelques renseignements sur l’application de ce crédit de deux millions sept cent mille francs qu’il a demandé à titre de crédit complémentaire.

Je ne pousserai pas l’exigence au point de demander un compte détaillé de toutes ces dépenses, mais je voudrais que M. le ministre voulût bien nous indiquer d’une manière générale et sommaire, ce qu’il entend faire de cette somme. Je voudrais qu’il nous dît s’il entend, par exemple, appliquer toute la somme à la solde de l’armée, ou s’il compte en attribuer une partie à la restauration de nos forteresses. Cette question est également assez grave pour que la chambre soit éclairée à cet égard avant de voter le crédit si considérable qu’on lui demande.

J’attends, messieurs, la réponse de M. le ministre de la guerre ; mon vote dépendra des explications qu’il ne refusera pas à la sollicitude de la chambre, pour les intérêts du pays et pour les intérêts des contribuables.

M. Osy. - J’étais aussi de ceux, messieurs, qui, au mois de mars dernier, voulaient des économies sur le budget de la guerre. Aujourd’hui l’on nous annonce une réduction de 1,500,000 fr., et cette réduction je la trouve beaucoup trop faible, d’autant plus qu’elle me semble n’être en réalité que d’un million, je crois, messieurs, qu’il y a, sous ce rapport, une erreur dans le travail de la commission. En effet, on demande au budget de 1844, pour les pensions militaires, une augmentation de 197,000 fr., soit 200,000 fr. ; or, comme les pensions militaires, de même que toutes les autres pensions, diminuent annuellement d’environ 5 p.c., par suite des extinctions, il y a, de ce chef, une augmentation d’à peu près 300,000 fr. et dès lors, comme je viens de le dire, les économies faites sur le budget de la guerre se réduisent au chiffre d’un million. Je demanderai à cet égard une explication à M. le ministre de la guerre ou à M. le rapporteur de la section centrale.

M. de Garcia, rapporteur. - Je crois, messieurs, que le chiffre présenté par la commission est exact. Il est très vrai que l’on n’a pas tenu compte des pensions, mais on ne le fait jamais ; le budget qui a été présenté l’an dernier n’en faisait nulle mention, et la raison en est simple, c’est que les pensions figurent au budget des finances. On peut critiquer la légèreté avec laquelle le gouvernement met les officiers à la pension, mais les évaluations de la commission sont exactes. Je sais qu’il y a une différence entre la déclaration faite par M. le ministre de la guerre, relativement aux pensions accordées pendant l’exercice 1843 et la somme qui figure au budget des finances pour faire face au paiement de ces pensions ; ce n’est pas à moi d’expliquer cette différence, j’en laisserai le soin à M. le ministre ; cependant je dois dire qu’ayant parlé de cet objet à M. le ministre de la guerre, il m’a répondu que cela provient de la manière différente de computer les pensions au département de la guerre et au département des finances. A cet égard, c’est à M. le ministre de la guerre à vous donner satisfaction.

Je dois donner un mot d’explication relativement à des questions qui ont été soulevées par l’honorable M. Castiau. La commission veut proposer l’adoption du crédit demandé, elle n’a pas cru devoir entrer dans l’examen de ces questions à propos du crédit pétitionné. En présence de la discussion prochaine du budget, en présence de la discussion prochaine du projet de loi d’organisation de l’armée, elle n’a pas cru devoir s’occuper des graves questions soulevées par l’honorable M. Castiau ; comme le dit le § 2 de mon rapport, la commission a cru qu’il fallait, en ce moment, passer toutes ces questions sous silence, puisque la chambre sera bientôt appelée à les examiner à fond ; elle s’est donc renfermée purement et simplement dans la question des dépenses. A cet égard, M. le ministre nous a fourni des tableaux qui justifient les dépenses faites et à faire dans le courant de cet exercice, et qui doivent nécessairement être en rapport avec l’état actuel de l’armée. Je vais déposer ces tableaux sur le bureau afin que les membres de la chambre qui le désirent puissent en prendre connaissance.

Quant aux autres questions, je le répète, la commission a cru qu’on s’en occuperait beaucoup plus utilement lorsqu’il s’agira de discuter le projet d’organisation de l’armée et le budget de la guerre de 1844. Elle a pensé qu’il était superflu de s’occuper de ces questions à propos du crédit demandé, qui trouve sa base dans un ordre de chose qui était établi lors de l’arrivée de M. le ministre de la guerre à ce département et qui ne pouvait être changé du jour au lendemain. Une pareille prétention, l’on doit le reconnaître, ne pourrait se réaliser sans une perturbation complète.

M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) - Je commencerai, messieurs, par donner quelques explications relativement aux pensions. Le chiffre des pensions accordées en 1843, s’élève à 81,458 fr. pour les officiers, et à 35,493 fr. pour les soldats. La différence qui existe sous ce rapport, entre les données du département de la guerre et celles du département des finances, provient de ce qu’il y a des points de départ différents dans les deux ministères. J’ai eu l’honneur de remettre à la commission le chiffre exact des pensions qui ont été accordées dans le courant de l’année. M. le ministre des finances a pris son point de départ, au moment où il a établi le budget de 1843, c’était vraisemblablement au mois de juin 1842 ; il a donc compris de plus au budget, le montant de toutes les pensions qui ont été accordées dans le deuxième semestre de 1842. C’est là la seule explication que je puisse donner à cet égard.

Peu de pensions ont été données depuis que je suis au ministère ; le travail avait été fait auparavant. Quatre des pensions que j’ai accordées ont été données par suite de demandes, l’une pour infirmités, deux autres à des officiers âges de plus de 55 ans.

Maintenant je désirerais répondre à tous les points qui ont été soulevés par l’honorable M. Castiau. Je dois cependant faire observer, comme l’a déjà fait M. le rapporteur de la section centrale, que ce serait en quelque sorte anticiper sur les discussions qui doivent avoir lieu bientôt : 1° sur le projet d’organisation de l’armée ; 2° sur le budget de 1844. L’honorable M. Castiau a demandé ce que j’aurais fait des 2,700,000 fr. dont la chambre s’occupe en ce moment. Ces 2,700,000 francs sont nécessaires pour compléter toutes les dépenses de l’année courante sans introduire aucune innovation, Les réparations des forteresses, prévues pour cette année, sont comprises dans le montant des crédits demandés, il en est de même de toutes les autres dépenses nécessitées par l’état actuel de l’armée, telles que la solde des troupes, les fourrages, la remonte qui vient d’être faite et qui, par mesure d’économie, a été réduite aux trois cinquièmes de ce qui avait été proposé d’abord, etc.

Quant à ce qui a été fait relativement aux commandants de place de la troisième classe, cette mesure a été une mesure d’ordre et d’économie ; elle a été prise par arrêté royal, parce que, jusqu’ici, l’organisation des différents corps de l’armée s’est toujours faite de cette manière ; c’est la première fois qu’un projet d’organisation de l’armée est soumis à la chambre. Les commandants de place de toutes les classes sont, du reste, compris dans ce projet et la mesure dont il s’agit est ainsi soumise, et, quelque sorte, à l’homologation des chambres législatives.

Quant au déplacement de divers corps de l’armée, il a été jugé en tout temps qu’il est utile de changer de temps à autre les corps de garnison, et cela est dans l’intérêt de l’esprit militaire et pour établir la fusion entre les militaires des différentes provinces.

Un corps qui resterait longtemps dans la même garnison, recruterait toujours des hommes de la même province, ce qui serait sujet à inconvénients. Il y a dès lors avantage à changer de temps en temps les corps de garnison. Parmi les corps qui ont changé de garnison, il en est un qui s’était presque toujours trouvé dans la même place depuis 15 ans ; les autres se trouvaient, en général, dans la même garnison depuis une dizaine d’années. Nous avons cru, messieurs, que les frais de transport que cela devait occasionner, n’étaient pas assez considérables pour nous faire renoncer aux avantages qui résultent de ces changements.

Quant au déplacement des dépôts, il y en avait quelques-uns qui se trouvaient à une grande distance de leurs régiments ; nous avons saisi l’occasion des autres changements de garnison pour les en rapprocher. Le dépôt du 11ème régiment se trouvait à Termonde, tandis que le régiment était en garnison à Liége. Ce dépôt a été transféré à Hasselt. Le rapprochement des dépôts et des états-majors de régiment offrira aussi une économie ; il y a en effet, entre les régiments et leurs dépôts, des allées et venues continuelles ; on diminuera par conséquent les frais de route, de logement et nourriture ; les frais de transport d’effets à envoyer des dépôts au régiment. Si donc nous avons fait en ce moment-ci un léger sacrifice, nous en serons largement indemnisés dans la suite.

L’honorable M. Castiau m’a également interpellé sur la portion qui avait été donnée à l’unanimité et au choix dans les avancements.

J’aurai l’honneur de faire observer à la chambre que, par la loi de 1836, la législature a voté deux principes pour l’avancement, le principe de l’avancement par ancienneté et celui de l’avancement au choix ; elle a établi pour certains grades l’avancement au choix exclusivement, et pour d’autres elle a fait la part de l’ancienneté et celle du choix.

Messieurs, la loi n’a pas dit que ces deux parts devaient être alignées à chaque promotion. Cela n’avait pas eu lieu jusqu’à mon arrivée aux affaires. Lorsque j’ai eu à m’occuper de promotions, j’ai dû voir quelle part avait été faite jusque-là et au choix et à l’unanimité. J’ai pris l’année 1836 pour mon point de départ, et j’ai trouvé que, pour quelques grades et dans plusieurs armes, les avancements à l’ancienneté avaient dépassé les avancements au choix. J’ai cru désirable de rétablir progressivement l’équilibre, et c’est la cause pour laquelle le nombre d’avancements au choix, dans les dernières promotions, a été quelque peu supérieur à celui des nominations par ancienneté.

L’honorable M. Castiau a dit que ces promotions avaient été trop nombreuses. J’aurai l’honneur de faire observer que si l’on n’a égard qu’aux motifs d’économie, toutes les dépenses de l’armée peuvent être considérées comme trop fortes. Mais il y a ici deux intérêts en présence, d’un côté l’intérêt de l’armée, emportant, j’ose le dire, l’intérêt du pays, et, d’autre part, l’intérêt financier qui exige des économies. Or, messieurs, j’ai fait toutes les économies qui m’ont paru possibles, niais j’ai dû reculer devant celles qui auraient pu porter atteinte à la bonne organisation de l’armée.

J’ai dit tout à l’heure que les promotions n’avaient pas même été assez nombreuses, au point de vue de l’émulation à maintenir dans l’armée et de la formation des bons cadres. D’un autre côté j’ai présenté des économies. Je crois avoir tenu le terme moyen entre ces deux exigences, les économies, d’un côté, et le bien-être de l’armée de l’autre.

M. Dumortier. - Messieurs, il m’est impossible de passer sous silence la doctrine que M. le ministre de la guerre vient de soutenir.

Suivant M. le ministre, lorsque ses prédécesseurs ont donné à l’ancienneté une part plus grande qu’ils ne pouvaient le faire, il est en droit, lui, leur successeur, de donner une part plus forte à l’ancienneté, et de rétablir ainsi l’équilibre.

Messieurs, je dois protester contre cette doctrine qui est diamétralement contraire aux dispositions de la loi que vous avez votée, et qui doit être avant tout la règle de conduite du gouvernement.

La loi a voulu que, dans les promotions qui ont lieu dans les grades inférieurs, une part égale fût accordée à l’ancienneté et au choix. Il ne dépend donc pas d’un ministre de venir substituer sa volonté aux prescriptions de la loi. Qu’importe au ministre qui se trouve au pouvoir, le système qu’ont suivi ses prédécesseurs il ne doit, lui, avoir pour guide que la loi.

Savez-vous où l’on arrive avec la doctrine défendue et mise en pratique par M. le ministre de la guerre ? Je suppose qu’un ministre croie devoir répudier entièrement le système des avancements au choix, qui est souvent si préjudiciable aux rangs inférieurs, son successeur, d’après M. le ministre de la guerre, devrait se dire : moi, je vais attribuer toutes les promotions à l’ancienneté.

Je ne puis admettre une semblable doctrine qui tuerait l’émulation dans les rangs de l’armée.

D’ailleurs, on sait quelles sont, la plupart du temps, les promotions faites au choix ; rarement le mérite réel en a sa part, et je regrette de devoir dire que les promotions faites au mois de juillet dernier, par M. le ministre de la guerre, n’ont jamais été aussi mal accueillies dans l’armée, qu’elles y ont provoqué de vives plaintes.

M. de Garcia, rapporteur. - Messieurs, si j’ai bien compris l’honorable M. Dumortier, il prétend qu’on doit toujours faire marcher de front les promotions à l’ancienneté et les promotions au choix. C’est expliquer la loi, selon sa manière de voir. La loi qui investit le gouvernement du droit de faire des promotions, ne dit pas que les promotions qui se feront pour certains grades, devront nécessairement se faire à chaque promotion dans la même proportion pour chacun d’eux. Pour ma part, je veux laisser au gouvernement toute sa liberté d’action dans les limites de la loi, et dans l’intérêt bien entendu de notre armée. Le gouvernement doit être seul juge dans ces questions, et, selon moi, la chambre ne peut lui imposer des limites qui n’existent pas dans la loi. Je pense que souvent l’avancement au choix est le meilleur pour l’armée. L’ancienneté, sans doute, est un titre très respectable, mais elle n’accompagne pas toujours la plus grande capacité, que d’excellents colonels de 25 à 30 ans ! Il faut le reconnaître, c’est l’âge de l’énergie et du génie militaire. S’il fallait accorder tout à l’ancienneté, nous n’aurions que des vieillards pour conduire les armées.

Quiconque a vu les armées de près, reconnaîtra avec moi qu’il est désirable de laisser une partie de l’avancement au choix ; or si j’ai bien compris l’honorable préopinant, il ne veut pas accorder au gouvernement la faculté d’équilibrer aujourd’hui par des avancements plus nombreux au choix les avancements plus considérables qui peuvent avoir eu lieu antérieurement à cet égard. Je serais charmé que l’honorable M. Dumortier voulût nous expliquer sa véritable manière de voir à cet égard, mais ce que je puis lui dire d’avance , c’est que la loi ne fait au gouvernement aucune obligation d’équilibrer à chaque promotion les nominations à l’ancienneté et au choix. Comment pourrait-on équilibrer des promotions impaires de 5-7-9 officiers ?

M. Dumortier. - L’honorable préopinant n’a pas compris ce que j’ai dit. S’il avait eu sous les yeux la loi sur l’avancement, il aurait vu que cette loi n’établit de nomination au choix et à l’avancement que pour ce qui concerne les grades inférieurs, c’est-à-dire jusqu’au grade de capitaine inclusivement. La loi française va plus loin. En France, l’avancement au choix et à l’ancienneté s’étend jusqu’au grade de chef de bataillon.

Mais là n’est pas la question. Aussi longtemps que le gouvernement marche dans les limites de la loi, il peut faire de mauvais choix, je puis les déplorer, mais je n’ai pas à l’attaquer au point de vue constitutionnel. Mais, encore une fois, là n’est pas la question. Il s’agit ici de cette particularité, que M. le ministre, dans la nomination des officiers inférieurs, a dépassé la limite que la loi lui assignait, quant à la part à accorder au choix, et l’a dépassée par cela seul, que ses prédécesseurs avaient donné une plus grande part à l’ancienneté, et qu’il avait voulu accorder une compensation à l’avancement au choix.

Je vous ai déjà dit la conséquence de cette doctrine ; elle serait celle-ci : si un ministre venait à croire que dans les rangs inférieurs il faut s’en tenir exclusivement à l’ancienneté, le ministre son successeur pourrait dire : « je donne toutes les nominations au choix. » Dès lors, la loi serait manifestement violée. Or, aussi longtemps que la loi existe, il faut l’exécuter. Je dis que toutes les fois que le gouvernement fait des nominations, il lui est loisible, dans les grades inférieurs, de donner une part au choix, mais qu’il est obligé en même temps de donner une part proportionnelle à l’ancienneté.

Telle est la prescription formelle et claire de la loi ; on ne peut équivoquer là-dessus.

M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) - L’honorable rapporteur a déjà répondu à une des observations de l’honorable préopinant. Il en est une autre qui m’intéresse davantage et que j’ai hâte d’aborder.

L’honorable M. Dumortier a dit que jamais il ne s’était élevé autant de plaintes qu’au sujet des dernières promotions au choix qui ont eu lieu. Je dois protester contre ce langage. En venant m’asseoir sur ce banc, je n’ai pas renoncé aux principes qui m’ont guidé toute ma vie. Les promotions ont eu lieu d’après l’équité et dans l’intérêt général de l’armée.

Peut-être l’honorable préopinant s’établit-il sur un autre terrain que moi, peut-être s’établit-il sur le terrain des questions personnelles. Quant à moi, c’est l’intérêt général qui m’a servi de règle, et c’est sous l’empire de cette préoccupation que je me suis livré à un travail grave, minutieux et consciencieux. Je me suis entouré de tous les documents qui se trouvaient dans le ministère, et ce n’est qu’après un long examen que je me suis décidé à porter sur la liste des propositions un officier de préférence à un autre. La conduite, le dévouement, le zèle, l’instruction, les services rendus, voilà ce qui m’a guidé.

Je sais qu’il est difficile de faire comprendre à quelqu’un que telle ou telle personne a mérité plus que lui les faveurs de l’avancement au choix. Je sais qu’il en résulte naturellement des mécontentements, que cela provoque des plaintes de la part de parents et d’amis ; mais ces plaintes ne peuvent atteindre un ministre qui a la conscience d’avoir fait son devoir, et de n’avoir jamais perdu de vue l’intérêt de l’armée et celui du pays. (Très bien ! très bien !)

M. Castiau. - Messieurs, je ne viens pas contester le zèle, l’activité et l’esprit d’impartialité de M. le ministre de la guerre. Si je prends la parole, c’est uniquement pour le prier de vouloir bien compléter les explications que j’ai cru devoir lui demander, c’est pour ramener son attention sur un point principal qu’il a passé sous silence dans sa réponse.

C’est à l’occasion du caractère des économies dont on parle dans l’exposé des motifs que l’honorable ministre de la guerre est venu nous annoncer la réalisation d’une économie de 1,300,000 fr. A l’occasion de ces économies, j’avais cru pouvoir interpeller sur leur caractère, j’avais cru pouvoir lui demander quelles étaient ces économies, si elles étaient permanentes ou transitoires, et quelle partie du service militaire elles avaient principalement affectée. Dans la réponse qu’il m’a faite, M. le ministre a passé ce point sous silence. Il me permettra de lui signaler la lacune qu’offre sa réponse, et de le prier de vouloir la combler, en nous donnant cette dernière explication.

M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) - J’avais en effet omis de répondre à cette question que vient de répéter l’honorable préopinant : quel est le caractère des économies proposées ? Je l’ai expliqué dans les notes qui accompagnent le budget de la guerre, ces économies portent en partie sur la solde du soldat. Je crois devoir vous rappeler que déjà en 1831 l’honorable M. de Brouckere a entamé la question du traitement des officiers, et que les officiers depuis ce temps ont subi une réduction assez notable.

Je ne puis donc reporter les économies sur ce point. L’honorable M. de Brouckere avait aussi songé à des réductions sur la solde du soldat ; voici comment il les expliquait : Le soldat sous le gouvernement hollandais était considéré comme étant bien payé. Il a reçu de plus, depuis la révolution une demi-livre de pain par ration, plus la haute paie pour chevrons, plus la haute paie comme grenadier ou comme voltigeur. La demi-livre de pain comporte déjà une somme de cinq à six centimes par jour ; si vous joignez à cela la haute paie, etc., vous aurez une augmentation de 8 à 9 centimes dès lors nous avons pensé qu’il était possible de faire là-dessus une réduction. Pour l’infanterie, nous l’avons portée à deux centimes, savoir un centime sur la solde et un centime sur la masse. Cette réduction n’est pas exagérée et elle est d’un grand effet, parce que ce sont les économies qui portent sur les masses qui produisent des centaines de mille francs. Si j’avais omis de répondre à d’autres questions et que l’honorable membre voulût me les indiquer, je m’empresserais de lui donner des explications.

M. Rodenbach. - J’ai demandé la parole pour faire observer que la question de l’honorable député de Tournay est anticipée. C’est quand nous discuterons le budget de la guerre que l’occasion de la faire se présentera. Il s’agit ici d’un crédit complémentaire ; il n’est pas question de diminuer la solde du soldat sur les 2,700,000 fr. qu’on demande.

M. Osy. - D’après ce que vient de dire M. le ministre de la guerre, la réduction de la solde a eu lieu en 1843.

M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) - Non pas ; la réduction sur la solde est une économie proposée à la chambre pour 1844 et sur laquelle la chambre aura à se prononcer.

M. Castiau. - Sur quoi ont été faites les économies ?

M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) - C’est d’abord l’effectif. L’effectif porté au budget était de 32,000 hommes. J’ai cru qu’il n’était pas nécessaire de e maintenir à ce chiffre pendant les mois d’hiver et je l’ai réduit à un chiffre moyen de 30,000 hommes. Ensuite comme je l’ai déjà dit, il y a eu une économie sur la remonte et par suite sur les fourrages, etc.

M. Rogier. - Je suis de ceux qui, à la dernière sessions, ont défendu le budget de la guerre tel qu’il était présenté par le prédécesseur du ministre actuel ; je suis de ceux qui pensaient qu’il fallait accorder les sommes demandées, pour conserver à l’armée une position respectable : L’honorable général, successeur du général de Liem, a accepté sans doute, avec son héritage, la mission de faire droit aux vœux de la majorité qui avait demandé des économies, des réductions sur le budget de la guerre. On devait penser que ces réductions auraient un caractère permanent, définitif et ne viendraient pas d’une source purement transitoire. Il résulte des explications qui viennent d’être données que les soi-disant économies effectuées par M. le ministre actuel résultent du renvoi dans leurs foyers d’un certain nombre d’hommes.

Voilà en quoi consiste l’opération : le ministre a renvoyé un certain nombre de miliciens chez eux, et de là est résultée une économie de près d’un million. Je ne pense pas que l’honorable prédécesseur de M. le ministre se fût refusé à recourir à ce moyen ; il entrait même dans ses prévisions. J’ai défendu cet honorable général, je ne veux pas attaquer son successeur, les sentiments qu’il vient d’exprimer sont d’un bon augure, et je ne puis qu’y rendre hommage ; mais ayant été le défenseur du général de Liem, je ne puis laisser supposer qu’il n’aurait pu faire ce que son successeur a fait ; de pareilles économies étaient à la portée de tous les ministres présents, passés et futurs.

Voici ce qui est arrivé. Le ministre a renvoyé quelques centaines de soldats dans leurs foyers ; comme il n’y a pas eu de solde à payer, il en est résulté une réduction de dépenses ; mais en même temps il a dû prendre des mesures telles que des promotions, des changements de garnison qui ont grevé le budget de la guerre des charges permanentes. On aurait ainsi dégrevé le budget de dépenses susceptibles de se représenter et on l’aurait grevé de charges permanentes et devant toujours durer. Un pareil système ne mériterait pas les éloges de la chambre.

Je ne sais pas jusqu’à quel point une telle mesure n’a pas compromis la force de l’armée, l’esprit des corps ; je ne sais pas jusqu’à quel point le service n’a pas pesé d’une manière trop onéreuse sur les soldats retenus dans les cadres. Quoi qu’il en soit, après ce qui s’était passé, la chambre était en droit d’attendre des économies résultant d’un autre système. J’espère que M. le ministre trouvera d’autres moyens de réduction, si tant est que cela soit possible, en conciliant les besoins du trésor avec les vrais besoins de l’armée.

Il n’y a dans mes observations rien de personnel à M. le ministre de la guerre, je n’ai jamais eu aucune relation avec lui ; il vient de se faire connaître pour la première fois, et son langage a dû être accueilli avec faveur, je dirai même avec sympathie. S’il conduit son administration avec la fermeté et l’intelligence qu’il annonce, je le soutiendrai d’aussi bon cœur que j’ai soutenu son prédécesseur. Mais je devais ce mot au souvenir d’un ministre avec qui je n’avais jamais eu non plus de relations personnelles, mais qui a quitté son banc avec un dévouement à ses principes, et une dignité qui méritent d’être loués et d’être offerts en exemple.

M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) - Je n’ai pas la prétention de mieux faire que mon honorable prédécesseur. Les économies que j’ai faites, j’en conviens, tout le monde était capable de les faire. Je suis venu au ministère lorsque mon prédécesseur s’était retiré devant la chambre, j’ai dû prendre une autre position. La chambre, comme le disaient tout à l’heure d’honorables membres, voulaient des économies. J’ai consenti à faire les économies compatibles avec une bonne organisation de l’armée. Je n’ai pas consenti à les pousser jusqu’au point de compromettre les moyens de défense du pays. J’ai indiqué dans les notes accompagnant le budget d’autres économies que celles sur l’effectif, mais je conviens toujours que tout d’autre auraient pu les faire comme moi.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je prends un instant la parole pour rectifier un fait allégué par l’honorable M. Rogier. La retraite de l’honorable général de Liem, que j’ai regrettée, comme l’honorable membre, n’a pas été suivie immédiatement de l’entrée du général Dupont au département de la guerre. Il y a eu un intérim, et pendant cet intérim, nous avons eu soin d’expliquer à la chambre dans quelle position le ministre nouveau encore inconnu accepterait le département de la guerre. Nous n’avons pas entendu que la mission du nouveau ministre fût une mission définie à l’avance, qu’il fût tenu de se conformer irrévocablement, d’une manière absolue, à des vœux exprimés non par la chambre, mais dans la chambre et dans la section centrale.

Nous avons entendu que la position du département de la guerre restât intacte devant l’avenir, nous avons entendu qu’elle ne fût définitivement réglée qu’à la session actuelle. J’ai été plus loin, car c’est moi qui ai eu l’honneur de faire, en faveur du ministre de la guerre encore inconnu, ces réserves. Il importait de faire ces réserves, car quel est l’homme qui serait sorti des rangs de l’armée pour s’asseoir sur ce banc à la place du général de Liem, avec une mission ainsi définie à l’avance ? J’ai même dit qu’il n’y aurait aucune contradiction si en novembre ou décembre le ministre nouveau venait demander une somme égale à celle qui serait nécessaire pour arriver au chiffre du budget tel que l’avait présenté le général de Liem. J’ai dit que nous espérions qu’il n’en serait pas ainsi, qu’on demanderait une somme moindre. C’est ce que l’honorable général Dupont est parvenu à faire. Il l’a fait en réduisant l’effectif. Cela ne préjugeait rien. Fallait-il qu’il procédât à une organisation de l’armée pour opérer des économies ? Non ; il a cru devoir faire des économies qui ne préjugent rien, il a cru pouvoir les faire sans compromettre le sort de l’armée. Ce qui nous dominait aux mois de mars et d’avril dernier, c’était cette idée : la chambre depuis longtemps réclamait une loi sur l’organisation de l’armée ; le général de Liem, qui a emporté mes regrets comme il a emporté ceux de l’honorable M. Rogier, semblait ne pas vouloir se prêter à la présentation de cette loi. Je dis semblait, car, même dans cette chambre, il y a eu entre les divers membres du cabinet des explications qui ont paru laisser du doute.

Le général de Liem considérait le projet de budget comme un budget définitif, qu’il qualifiait de normal. C’est ce mot qui a soulevé des difficultés, qui a amené la situation d’avril dernier. La chambre, si je me le rappelle bien, en votant le premier chiffre, n’a pas eu l’intention de faire autre chose que de décider qu’il fallait une loi sur l’organisation de l’armée. Voilà tout ce que vous avez décidé en avril dernier ; c’est ce que les ministres restants ont accepté ; ils devaient d’autant plus l’accepter, que pas une voix ne s’était élevée, pas même celle de l’honorable M. Rogier, pour dire qu’il ne fallait pas une loi sur l’organisation de l’armée.

Il importait que tous ces faits fussent bien rétablis. J’engage l’honorable M. Rogier à lire la discussion du 6 avril ; il verra que j’ai fait toutes ces réserves ; que le général Dupont n’est pas lié par des chiffres qui n’étaient pas votés ; j’ai fait de la manière la plus formelle toutes ces réserves pour l’avenir.

M. Rodenbach. - Le général de Liem n’a pas emporté mes regrets. Il demandait 30 millions pour son armée. J’ai pensé que l’armée ne devait pas être une charge pour la nation. La majorité a, je crois, parfaitement bien voté ; l’honorable M. Brabant a fait un travail à la section centrale dont je faisais partie ; il voulait constituer une bonne armée ; il demandait pour cela 27 millions. Le général de Liem a déclaré qu’il ne pouvait faire un budget de moins de 30 millions ; c’est parce que la chambre n’a pas voulu accorder 30 millions qu’il s’est retiré ; il pouvait faire des économies ; ce qui le prouve, c’est que le général Dupont en a fait ; nous avons voté 26,050,000 fr. ; le crédit complémentaire est de 2,700,000 fr. Total, 28,750,000 fr. Il y a donc eu une économie de 1,250,000 fr.

Le pays, tel qu’il est constitué, forme un royaume neutre de 4 millions d’habitants. Je vous le demande, notre armée, en proportion de celle des autres pays, n’est-elle pas considérable ?

En 1839, le ministre avait présenté un budget de 33 millions. La chambre a trouvé que le pays ne pouvait supporter cette dépense ; elle a réduit ce chiffre de 2 millions : en 1840 et 1841, le budget a été de 30 millions. Le général de Liem s’est obstiné à ne pas diminuer cette somme d’un franc ; voilà le véritable motif de sa retraite. Nous voulons des économies ; nous ne voulons pas que l’armée soit une charge pour le pays. C’est pour cela que j’ai voté contre le général de Liem, et, je le répète, je ne le regrette pas.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il y avait à la session dernière, comme je l’ai dit alors, deux choses en discussion : un chiffre et un principe. Je dis que le débat a porté sur le principe.

M. Dumortier. - Il a plutôt porté sur le chiffre.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - C’est que le chiffre était présenté avec l’intention au moins présumée d’en faire un principe. Le débat a porté sur le principe. Tout ce qui est résulté de la disposition d’avril dernier, c’est que le gouvernement a dû reconnaître qu’il fallait enfin présenter une loi sur l’organisation de l’armée, mais je dis que rien n’a été préjugé quant au chiffre définitif de l’armée ; il résultera plus ou moins de la loi d’organisation ; il pourrait même être de 30 millions, sans qu’il y eût contradiction avec ce qui a été décidé en avril dernier.

Le général de Liem semblait demander 30 millions pour une organisation définitive ; la chambre aurait peut-être même accordé 29 millions et demi pour le statu quo d’alors, sans rien préjuger sur la question de principe.

M. de Garcia, rapporteur. - M. le ministre de l’intérieur a cru devoir prendre la parole pour rétablir les faits, tels qu’ils se sont passés dans la dernière session. Votre commission a pensé que ce n’était pas le moment de revenir sur ce point. Cependant, puisque M. le ministre de l’intérieur a cru devoir soulever cette question, je crois devoir présenter quelques observations sur ce point.

M. le ministre a rappelé que le général de Liem, demandait 30 millions, comme chiffre normal, pour le maintien de l’armée. Ceci est un fait constant. M. le ministre a ensuite rappelé la réserve que le gouvernement a faite à la dernière session, réserve sur ce que la décision prise par la chambre ne pouvait lier en aucune manière le nouveau chef du département de la guerre. Il a semblé singulièrement tenir aux entraves, aux protestations faites à ce sujet. Cette conduite, de la part de M. le ministre de l’intérieur, me paraît assez étrange. A mes yeux toutes ses réserves et toutes ses protestations étaient inutiles, rien n’était formellement décidé ; et le gouvernement, comme la chambre, restaient libres dans la sphère de leurs volontés et de leurs actions.

Empressons-nous donc de le constater et cela sans qu’il ait été besoin de réserves, le gouvernement et le nouveau chef du département de la guerre restaient entièrement libres de proposer tout ce qu’ils jugeraient convenable pour la bonne organisation de l’armée. La représentation nationale conservait la même liberté d’action. Aussi la chambre et la section centrale n’ont pas fait et n’avaient pas besoin de faire des réserves à cet égard. A part toutes les réserves possibles, la liberté d’action du gouvernement et de la chambre est restée entière, et, de part et d’autre, on pourra déployer des moyens à la discussion de la loi d’organisation et du budget de la guerre.

M. le ministre de l’intérieur ayant, selon moi, dénaturé, l’état de l’esprit de la chambre lors de la discussion du budget de la guerre, je me vois obligé de rétablir les faits. On était sous l’influence de deux idées ; M. le ministre en a séparé une ; la première : loi d’organisation de l’armée ; la seconde : réduction des dépenses. Il est impossible, en présence des discussions de la session dernière, de séparer ces deux idées.

Elles se donnaient la main et se liaient intimement. Au surplus, comme dans très peu de temps vous aurez à vous prononcer sur ces grandes questions, votre commission n’a pas cru que ce fût le moment de s’en occuper. Le crédit pétitionné n’a pour objet que de convenir des dépenses faites en vertu d’un ordre de choses existant. Rationnellement, il est difficile d’attaquer ce crédit, surtout si l’on ne perd pas de vue que l’encaisse actuel était fort avancé lors de l’arrivée du ministre au département de la guerre, et qu’il a pu se trouver dans la nécessité de respecter des engagements pris par son prédécesseur.

En vous proposant l’adoption du crédit supplémentaire de 2,700,000 fr., messieurs, la commission a été guidée par une pensée, c’est qu’il est impossible d’improviser des économies, mais qu’elles doivent être organisées.

Nous aurons occasion d’examiner les graves questions que soulève la matière lors de la discussion du projet de loi d’organisation de l’armée, et du budget de la guerre pour l’exercice 1844. N’anticipons pas, ne perdons pas de temps, toutes ces questions restent entières ; et, sans nous associer aux réserves du gouvernement, nous restons à cet égard dans l’omnipotence de notre droit.

M. Verhaegen. - Je suis aussi l’un de ceux qui ont défendu l’honorable général de Liem, et je désire que, dans l’incident qui le concerne, on ne confonde pas et les temps et les choses.

M. le ministre de l’intérieur vous a parlé d’une déclaration qu’il avait faite à la chambre après la retraite du général de Liem ; mais il aurait bien fait de vous parler en même temps de ce qui avait eu lieu pendant la discussion qui avait amené cette retraite.

Moi qui soutenais (et je ne le regrette point) le général de Liem, j’engageais M. le ministre de l’intérieur à concourir avec nous à la défense de son collègue : « le budget de la guerre est assez important, lui disais-je, pour que le gouvernement tout entier daigne s’en occuper ; il n’est pas douteux que le cabinet ait délibéré à l’avance sur toutes les questions qu’une matière aussi grave fait surgir, et il doit y avoir solidarité entre tous ses membres, de telle manière que si la chambre venait à rejeter, ce ne serait pas un seul membre du cabinet qui succomberait, ce serait le cabinet entier qui devrait se retirer. »

Vous le voyez, messieurs, je conviais M. le ministre de l’intérieur, pour l’honneur du gouvernement représentatif, à faire de cette question, une question de cabinet ; mais il s’en garda bien ; le général de Liem fut sacrifié ; d’autres membres se retirèrent ensuite, on sait pourquoi et comment ; et de cet ancien cabinet il ne reste plus aujourd’hui que M. le ministre de l’intérieur tout seul. J’avais prévu (le il en fait foi) ce qu’amènerait la retraite du général de Liem. Je l’ai dit très naïvement à cette époque, et depuis, les faits sont venus confirmer mes paroles : le général de Liem s’est retiré de la manière la plus honorable en même temps qu’il a fait acte de fermeté et de courage ; pourquoi donc M. Nothomb n’a-t-il pas suivi son exemple ? C’est qu’il y a des personnes pour qui les positions sont tout et les principes rien.

Le général de Liem, vous a dit le ministre de l’intérieur, est tombé non pas sur une question de chiffres, mais sur une question de principes : on parle de principes, messieurs, quels étaient donc ceux du gouvernement ? car le gouvernement devait être d’accord sur une question aussi importante que celle relative à l’organisation de l’armée.

Puisque, sur la question d’organisation de l’armée, on a attaqué les intentions de l’honorable général de Liem et que je tiens à défendre les absents, je puis, sans commettre une indiscrétion, dire à la chambre que lui, personnellement, n’aurait pas reculé, peut-être, devant la présentation du projet de loi d’organisation, mais il y avait pour lui, comme ministre, une considération bien plus grave que celle qui se rattachait à la conservation de son portefeuille, il y avait un mobile puissant qui aurait dû pousser dans la même voie chacun de ses collègues ; je ne puis pas m’expliquer d’une manière plus claire et plus précise, sans sortir des bornes parlementaires ; mais M. le ministre de l’intérieur me comprendra bien, j’en ai la conviction.

Plusieurs personnes, par devoir et par honneur, sont solidairement tenues à l’exécution d’un mandat de confiance qu’ils ont reçu pour un objet important, mais au jour du danger une seule de ces personnes reste fidèle à ses engagements et ses co-mandaires, pour conserver position, l’abandonnent lâchement. Comment qualifiera-t-on pareille conduite ? à d’autres ce soin.

Je m’arrête pour ne pas aller trop loin ; tout le monde m’aura compris ; je me borne à renvoyer pour d’autres détails au Moniteur de l’époque, que M. Nothomb a en ce moment sous les yeux.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, ce qu’il importe de constater dans cette discussion, c’est ce que l’honorable M. Rogier a appelé la mission du ministre actuel de la guerre. C’est le fait qu’il est nécessaire de rétablir en ce moment. S’il y a d’autres circonstances dans le passé sur lesquelles l’honorable préopinant désire revenir, nous verrons jusqu’à quel point la nécessité des discussions pourra l’exiger par la suite. En attendant, et pour simplifier le débat actuel, je m’en tiendrai à ce seul point.

Je vais, messieurs, vous citer deux passages essentiels des discours que j’ai prononcés dans la séance du 6 avril dernier.

« Ce qui résulte, messieurs, disais-je, pour moi des débats qui ont eu lieu récemment, et qui se sont clos d’une manière si regrettable, c’est qu’il faut une loi pour organiser certaines parties de l’armée. C’est là tout ce qui résulte pour moi des débats. Et la chose n’est pas nouvelle, puisque, dès le premier jour, le ministère avait déclaré qu’il rechercherait s’il faut encore une loi organique pour certaines parties, et que cette loi serait présentée. Il a déclaré qu’il n’y avait rien de préjugé sur ce point, et, je dois le dire, il y a en unanimité à peu près à cet égard. Ceux qui ont même soutenu avec le gouvernement qu’il fallait le chiffre de 29 millions et demi, ont déclaré néanmoins qu’il fallait une loi organique nouvelle de l’armée. M. le ministre de la guerre l’a déclaré lui-même. (Non ! non !) M. le ministre de la guerre, d’après les paroles que j’ai citées, il y a trois jours, l’avait déclaré. »

Je pris la parole une, seconde fois. C’était pour répondre à l’honorable M. Verhaegen, comme je le fais aujourd’hui ; et voici ce que je disais :

« Nous n’avons pas ici à examiner la conduite du général de Liem, le général de Liem emporte nos regrets, il était juge de sa conduite comme les ministres restants sont juges de la leur. Nous demandons des crédits provisoires sans rien préjuger sur les questions d’organisation, nous avons d’abord une situation ; c’est un fait ; nous avons de plus deux organisations, l’une qui a été proposée ou indiquée, si l’on veut, par la section centrale, celle-là on ne l’impose pas au gouvernement ; l’autre a été projetée par le général do Liem, celle-là n’est pas non plus imposée au successeur de ce général. Le successeur du général de Liem prend les choses dans le statu quo, c’est à lui de rechercher quelle est l’organisation définitive qu’il proposera il n’est lié ni par l’organisation de la section centrale, ni par l’organisation projetée par l’ancien ministre de la guerre. Il faut que la position du ministre de la guerre futur soit bien connue, et je tiens à la faire connaître ici ; je veux qu’elle soit aussi bonne que possible. Nous lui livrons donc la situation, le statu quo, sans rien préjuger sur l’organisation définitive ; nous ne lui imposons ni l’organisation de la section centrale, ni celle qui était projetée par l’ancien ministre de la guerre. »

Vous voyez qu’on ne peut pas être plus formel ni plus précis.

Je demande maintenant à quoi bon renouveler entre l’honorable M. Verhaegen et moi un débat sur la question de savoir pourquoi, à cette époque, on n’a pas fait du budget de la guerre une question de cabinet. Je regarde ce débat comme parfaitement oiseux. Il n’aurait pas aujourd’hui de résultat plus important qu’il n’en a eu à cette époque.

L’honorable M. Rogier qui nous a rappelé que dans la dernière session il avait soutenu le budget de la guerre tel qu’il était proposé, qui nous a exprimé les mêmes intentions pour le budget nouveau qui est proposé, est donc tombé dans une erreur, involontaire de sa part, en supposant que la mission de l’honorable ministre actuel de la guerre était chargé d’une motion définie dès le mois d’avril dernier. C’est là une erreur que j’ai cru devoir me permettre de rectifier dans l’intérêt et de nos discussions et de la position ministérielle.

M. de Mérode. - Messieurs, j’aurais aussi désiré que l’on votât le budget de la guerre tel que l’avait proposé M. le général de Liem ; mais, pour arriver à ce résultat, j’avais appuyé les voies et moyens proposes par M. le ministre des finances. Dès que l’on n’adoptait pas ces voies et moyens, il était clair qu’il fallait se résoudre à des réductions sur l’armée.

M. le ministre de la guerre de cette époque n’a pas jugé à propos de se charger de l’administration de l’armée avec les réductions que l’on exigeait de lui et malgré lui. Il est tout naturel qu’un autre officier supérieur de l’armée se charge de ce dont son prédécesseur ne voulait pas ; car en ce monde, le mieux est l’ennemi du bien, il faut que l’armée soit maintenue, lors même que la chambre exige des réductions. Ces réductions ne fussent-elles pas dans l’opinion du nouveau ministre, il n’en est pas moins certain que celui-ci peut faire des choses très utiles dans l’intérêt de l’armée, même avec un budget réduit.

Voilà, messieurs, l’explication de ce qui s’est passé, je ne vois dans de pareilles circonstances aucun motif de bouleverser tout un cabinet, l’existence des ministres ne tient pas précisément au chiffre qui est réclamé pour le budget de la guerre.

D’ailleurs, nous savons bien que sur les bancs de cette chambre il y avait beaucoup de personnes qui n’étaient nullement contraires à M. le ministre de la guerre, mais qui votaient les réductions, parce qu’elles voulaient des économies, et qu’elles avaient cru devoir rejeter les voies et moyens proposés.

Parmi ceux, au contraire, qui voulaient accorder les crédits demandés, il y en avait plusieurs qui avaient repoussé les voies et moyens. C’était là une véritable contradiction. J’espère qu’elle ne se renouvellera plus cette année et que l’on votera les voies et moyens avec le même zèle que les dépenses.

M. Lys. - Messieurs, j’avais demandé la parole pour justifier la section centrale, sur l’admission par elle du chiffre supplémentaire demandé par M. le ministre de la guerre. Depuis lors M. le rapporteur vous a présenté une justification complète des actes de la section centrale, je ne répéterai pas ce qu’il vous a dit.

Tout en partageant l’opinion qu’il a émise, j’ajouterai que la section centrale ne tenait pas absolument au chiffre de 27,000,000, auquel elle avait fixé les dépenses du budget de la guerre. Elle n’aurait pas hésité à porter ce chiffre à 28,000,000, si M. le ministre la guerre avait voulu s’engager à présenter pour la session actuelle une loi d’organisation de l’armée. C’est ce qu’il n’a pas voulu faire, et dès lors la section centrale a dû persister dans son chiffre.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président. - M. le ministre de la guerre se rallie-t-il à la rédaction proposée par la section centrale ?

M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) - Oui, M. le président.

Article premier

« Art. 1er. Il est ouvert au ministère de la guerre un crédit de 2,700,000 francs, pour parfaire le solde des dépenses de la guerre de l’exercice 1843.

« Au moyen de cette somme des crédits alloués par les lois des 30 décembre 1842, 14 février et 14 avril 1843, le budget de la guerre, pour 1843, est arrêté à la somme de 28,700,00 francs. »

M. de Garcia, rapporteur. - Je désire demander une explication à M. le ministre de la guerre.

Messieurs, l’année dernière le budget de la guerre a été voté jusqu’à la section II, subside pour l’infanterie. Avant d’arriver au chiffre demandé à cette section et qui a été rejeté par la chambre, on avait statué sur l’art. 5 du chapitre I, portant ce qui suit : « Secours à d’anciens militaires, à des veuves et enfants mineurs , 6,000 fr. » Adopté par la section centrale qui propose d’ajouter, au libellé ces mots : « et à d’anciens employés du ministère de la guerre ». Ce changement de rubrique a été adopté par la chambre.

Messieurs, il est bon que je fasse connaître à l’assemblée ce qui avait dirigé votre commission dans ce changement au libellé de l’article. Il y a des employés qui appartenaient au service des ambulances et des hôpitaux qui ont été organisés en 1827, 1828 et 1829. Voici, messieurs, les termes des arrêtés qui ont été pris à cet égard lors de la réorganisation des corps en 1837. L’art. 11 de l’arrêté royal disait, en posant des conditions définitives :

(Ici l’orateur donne lecture de cet arrêté.)

En 1839, lors de la conclusion de nos affaires politiques, le gouvernement, en licenciant les corps des ambulances, disait dans son arrêté du 26 septembre 1839 :

(Ici l’orateur donne lecture de cet arrêté.)

La plupart de ces employés, messieurs, ont obtenu le sort qui leur était réservé par les dispositions royales, dont je viens d’avoir l’honneur de vous donner lecture.

Ne serait-il pas d’une injustice criante de laisser dans le besoin le plus absolu quelques-uns d’entre eux ? Il en reste, je crois, trois ou quatre dans cette position, qui sont réellement dans un état pitoyable ; ils sont réduits à une misère telle, qu’ils doivent tendre la main. J’en connais un qui est venu chez moi, dans une attitude et une position à faire saigner le cœur. C’est pour cela que nous avons changé la rubrique de l’art. 5 du chap. 1er du budget de la guerre ; nous avons voulu que les secours à accorder à d’anciens militaires au moyen du crédit de 6,000 francs, fussent étendus à d’anciens employés des ambulances.

Je fais cette réclamation avec d’autant plus de vivacité, que la plupart de ces employés ont été rétablis dans les hôpitaux, et qu’il n’y en a que deux ou trois qui sont dans la dernière misère. Je crois que le gouvernement serait injuste, s’il ne donnait à ces employés une part dans le crédit de 6,000 francs.

Si le gouvernement n’est pas de mon avis, je n’en aurai pas moins rempli un devoir : Le devoir le plus sévère, celui d avoir défendu les droits de la justice et de l’humanité.

M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) - Je pense comme l’honorable rapporteur que cette classe d’employés mérite beaucoup d’intérêt. J’aurai toutefois l’honneur de faire observer que la somme allouée pour secours ne s’élève qu’à 6,000 fr., et que beaucoup de personnes participent à ce secours, entr’autres beaucoup d’anciens militaires estropiés ou infirmes qui ont été congédiés sans avoir droit à la pension. Cette somme se distribue par parties de 15 à 25 fr. ; elle est insuffisante pour fermer toutes les plaies. Il n’a pas été fait d’exception jusqu’à présent pour les anciens employés des ambulances. Seulement les secours qu’on a pu leur donner sont bien minimes.

M. de Garcia, rapporteur. - Dès l’instant où M. le ministre de la guerre prend l’engagement de porter quelque chose au budget de 1844, je n’insisterai pas. Je connais qu’avec le budget actuel la chose est fort difficile, mais j’espère que M. le ministre voudra bien s’occuper, l’année prochaine, du sort de ce petit nombre d’employés, et j’espère plus, j’espère que dans l’exercice actuel, il trouvera encore moyen de leur accorder quelques légers secours pour adoucir leur position tout à fait digne de sa bienveillance.

M. Rodenbach. - J’aime à croire que les 2 ou 3 employés des ambulances et des hôpitaux militaires, dont il s’agit, auront une part aux 6,000 fr.qui ont été alloués, car, ainsi que l’honorable préopinant l’a dit, il y a parmi eux un vieillard de 70 ans qui se trouve dans la plus profonde misère, et je crois que l’humanité doit engager M. le ministre de la guerre à s’occuper de leur sort, car le plus grand malheur qui puisse arriver à un homme, c’est d’être vieux et pauvre.

- L’art. 1er est mis aux voix et adopté.

Article 2

« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet, qui est adopté à l’unanimité par les 53 membres présents. Ce sont : MM. Castiau, de Baillet, de Chimay, de Corswarem, de Florisone, de Foere, de Garcia de la Vega, de la Coste, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Naeyer, de Nef, Deprey, de Renesse, de Roo, de Terbecq, de Tornaco, Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, Donny, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Goblet, Huveners, Kervyn, Lange, Lebeau, Lesoinne, Lys, Malou, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Osy, Peeters, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Savart-Martel, Sigart, Simons, Smits, Troye, Vanden Eynde, Vandensteen, Van Volxem, Verhaegen, Vilain XIIII, Zoude et Liedts.

- La chambre décide qu’elle se réunira demain à 3 heures pour s’occuper du projet de loi tendant à accorder la grande naturalisation à M. le général Chazal.

La séance est levée à 4 heures et demie.