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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 28
novembre 1843
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment opuscule relatif au défrichement des
bruyères (David, Nothomb)
2) Projet
de loi apportant des modifications au code pénal militaire
3)
Projet de loi relatif aux droits d’entrée et de sortie sur les céréales (Nothomb, Cogels, Nothomb)
4)
Projet de loi sur la police de la voirie, amendé par le sénat. Plans
d’alignement et droit d’expropriation (de Garcia, d’Anethan, de
Garcia, Savart-Martel, d’Anethan, de Garcia, Fallon, Nothomb, Fallon,
de Garcia, d’Anethan,
Fallon, Castiau, Fallon, Dolez, de
Garcia, Fallon, Dolez, Delehaye, Nothomb), dispositions
pénales (Nothomb, d’Anethan, de Garcia, Nothomb, de Villegas, de Garcia, Savart-Martel, Fallon, de Villegas, Savart-Martel, Nothomb, Savart-Martel, d’Anethan)
(Moniteur
belge n°333, du 29 novembre 1843)
(Présidence de M. Liedts)
M. de Renesse fait l’appel nominal à 2 heures et 1/4.
M. Scheyven lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est
adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le sieur Chrétien Vanden Berck,
professeur au collège communal de Tongres, né à Uden
(Pays-Bas), demande la naturalisation. »
« Le sieur Escalonne,
employé au gouvernement provincial du Brabant, né à Mont-Dauphin (France),
demande la naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de la
justice.
_________________________
« L’administration communale de Cappellen prie la chambre de s’occuper du projet de loi
tendant à rectifier les limites entre les communes d’Eeckeren
et de Cappellen. »
- Renvoi à la commission chargée de
l’examen du projet.
_________________________
« Le sieur Soquet
propose des moyens pour couvrir le déficit du budget de 1844. »
- Renvoi à la section centrale
chargée de l’examen du budget des voies et moyens.
_________________________
« Le sieur Pierre Hanebrouck
se plaint d’être détenu dans la maison des aliénés dite des Alexiens, à Louvain. »
- Renvoi à la commission des
pétitions.
_________________________
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) adresse à la chambre un exemplaire
des procès-verbaux des séances des conseils provinciaux pendant la session de
1843.
- Dépôt à la bibliothèque.
__________________________
M. Jobard fait hommage à la chambre
de 101 exemplaires de sa brochure sur l’organisation du travail.
- Ces exemplaires seront distribués à
MM. les membres de la chambre.
« M. Wodon
fait hommage à la chambre de son opuscule sur les terrains incultes. »
Dépôt à la bibliothèque.
M. David. - Je crois utile d’appeler l’attention de la chambre sur la brochure
de M. Wodon, inspecteur de l’enregistrement et des
domaines à Liége, brochure dont il vient de faire hommage a
la chambre et au sénat.
Cette brochure, qui traite des moyens
de fertilisation des Ardennes, Condroz et Campine, présente surtout de
l’intérêt dans un moment où M. le ministre de l’intérieur vient de nous faire
distribuer sa circulaire du 30 juin 1843, sur le défrichement des bruyères et
autres terres incultes, accompagnées des délibérations des conseils communaux
du royaume.
Sans précisément partager
exclusivement toutes les idées de M. l’inspecteur Wodon,
je dirai pourtant que son travail me semble très intéressant, et qu’en tout
cas, fruit de longues observations, il est digne d’être consulté.
Du reste. M. Wodon qui, dans cette occasion, a fait preuve d’un très
louable zèle pour le bien public, se propose d’envoyer sa publication à tous
les membres de la chambre et du sénat.
Je me permettrai d’appeler
l’attention toute particulière de M. le ministre de l’intérieur sur cet essai,
l’œuvre d’un bon citoyen et d’un bon administrateur.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je connais la
publication de M. Wodon, et certes je dois
m’empresser de m’associer à l’éloge que vient d’en faire l’honorable préopinant
; mais, pour être juste, je ne puis consentir à laisser passer inaperçu un
autre ouvrage qui vous a été distribué ; c’est le rapport très remarquable de
la commission d’agriculture de la province du Limbourg. De sorte qu’à mon tour
j’appellerai l’attention de la chambre sur ce rapport, qui renferme des
considérations extrêmement importantes.
PROJET DE LOI TENDANT À APPORTER DES MODIFICATIONS AU
CODE PÉNAL MILITAIRE
M le ministre de la
justice (M. d’Anethan), tant en son nom qu’au nom de M. le ministre de la guerre, présente un
projet de loi tendant à apporter des modifications au code pénal militaire.
- La chambre ordonne l’impression et
la distribution de ce projet, et le renvoie à l’examen des sections.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, les droits
d’entrée et de sortie sur les céréales ont été fixés, comme vous le savez, par
la loi du 31 juillet 1834 ; vous avez été appelés presque
dans le cours de chaque session à porter des modifications à cette loi,
modifications qui n’ont toujours été qu’annuelles. C’est ainsi que dans la
session précédente, vous avez porté une loi, en date du 25 décembre dernier,
qui expire le 31 décembre prochain, par laquelle il a été fait deux
modifications ou rectifications à la loi générale du 31 juillet 1834, savoir :
en premier lieu, d’après la loi de 1834, le droit d’entrée sur l’orge est de 14
francs, plusieurs fois on avait exempté l’orge de tout droit à l’entrée, par
dérogation à la loi de 1834 ; l’année dernière, vous avez substitué à cette
exemption complète un droit de 4 francs. Cette disposition vient à cesser le 31
décembre prochain. En deuxième lieu, la loi de 1834 supporte, pour le seigle,
un prix normal ou rémunérateur de 15 francs ; on a reconnu qu’il n’y a pas de
proportion entre ce prix et celui qui a été adopté pour le froment, savoir : 19
à 20 francs. Par une deuxième disposition de la loi du 25 décembre dernier,
vous avez autorisé le gouvernement à rétablir en quelque sorte l’équilibre, et
par un arrêté royal qui porte également la date du 25 décembre, le prix normal
du seigle a été fixé à 13 francs.
Nous vous proposons, messieurs, un
projet de loi qui a pour objet de renouveler ces deux dispositions ; nous avons
cru devoir saisir cette occasion pour porter d’autres rectifications à la loi
de 1834.
Selon nous on peut maintenir
le système de cette loi, mais il faut le rectifier. L’expérience a démontré (et
toutes les opinions sont unanimes sur ce point) que la loi de 1834 est mal
rédigée, ou plutôt que le tarif n’est pas assez gradué. Nous vous proposons, en
maintenant le système de 1834, pour le froment et le seigle, une échelle
descendante mieux graduée. Dans la loi de 1834, il n’y a que trois échelons (si
je puis m’exprimer ainsi) pour le froment ; au lieu de trois échelons, nous
vous en proposons 9 ; au lieu de passer brusquement du prix de 20 fr. à celui
de 15 fr,, nous vous proposons la gradation suivante : 20 fr., 19 fr., 18 fr.,
17 fr., 16 fr., 15 fr. ; les droits que nous proposons pour chacun de ces
chiffres, sont calculés de manière qu’en les ajoutant au prix, on retrouve
toujours le prix rémunérateur de 20 fr. Je n’entrerai pas, messieurs, dans
d’autres détails ; il est impossible de vous faire comprendre ce tableau en en
donnant lecture ; j’ai seulement voulu vous faire connaître la portée de la loi
que je propose ; il s’agit, non pas d’abroger le système de 1834, mais de le
conserver, de le sauver peut-être, en le corrigeant, en le rectifiant.
- La chambre ordonne l’impression et
la distribution du projet présenté par M. le ministre et le renvoie à l’examen
des sections.
M. Cogels. - Messieurs, un projet de loi présenté en 1841 est encore soumis en ce
moment à l’examen de la section centrale et fait double emploi avec celui que
M. le ministre de l’intérieur vient de déposer sur le bureau. Doit-on envisager
ce projet comme retiré, et la section centrale chargée de l’examiner doit-elle
dès lors être considérée comme n’existant plus ?
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, il y a un an
qu’en proposant les mesures que j’ai rappelées tout à l’heure, j’ai déjà
déclaré à la chambre que le projet de loi qui avait été présenté en 1841,
devait être considéré pour le moment comme étant sans objet. Aussi, après cette
déclaration, si je suis bien informé, n’a-t-il pas été donne suite à l’examen
de la loi en section centrale.
PROJET
DE LOI RELATIF À
TITRE PREMIER. DE
§ 2. Des constructions lorsqu’il y a lieu de réunir un terrain
particulier à la voie publique
Article 6
M. le
président. Nous sommes restés à l’art. 6.
Cet article est ainsi conçu :
« Art. 6. En cas de refus
d’autorisation, l’administration communale intentera, avec assignation devant
le tribunal compétent, l’action en expropriation de la partie destinée à
reculement, en conformité des lois sur l’expropriation pour cause d’utilité
publique. L’exploit d’ajournement sera signifié dans le délai d’un mois, à
dater de ce refus. Le jugement à intervenir fixera le délai dans lequel
l’indemnité devra être acquittée, ou, s’il y a lieu,
consignée. »
M. le ministre de l'intérieur propose
de rédiger un article, ainsi qu’il suit :
« Art. 6. Si, pour exécuter les
plans d’alignement, il y a lieu d’incorporer à la voie publique une partie du
terrain particulier, et si l’indemnité n’est point réglée de commun accord,
l’action en expropriation sera intentée par l’administration communale dans le
délai d’un mois, à dater de la décision. L’action sera poursuivie à moins que,
dans le même délai, le propriétaire n’ait déclaré renoncer à sa demande.
« Le jugement qui interviendra sur
cette action fixera le délai dans lequel l’indemnise devra être acquittée ou
consignée. »
M. de Garcia,
rapporteur. - Messieurs, j’ai examiné avec
attention l’amendement présenté à l’art. 6 par M. le ministre. Il est une
partie de cet amendement que je m’explique très difficilement.
Voici la rédaction proposée :
« Si, pour exécuter les plans
d’alignement, il y a lieu d’incorporer à la voie publique une partie du terrain
particulier, et si l’indemnité n’est point réglée de commun accord, l’action en
expropriation sera intentée par l’administration communale dans le délai d’un
mois, à dater de la décision. »
Cette partie de l’amendement me
paraît rentrer complètement dans la pensée de la proposition de la section
centrale et je n’ai aucun motif de ne pas l’adopter. Voici quelque chose de
neuf qui ne se trouve pas dans la proposition de la section centrale :
« L’action sera poursuivie à
moins que, dans le même délai, le propriétaire n’ait déclaré renoncer à sa
demande. »
Je ne sais comment qualifier
cette partie de l’amendement de M. le ministre de l’intérieur. L’action sera poursuivie... Mais c’est
dans l’ordre des choses. Quand on intente une action, non seulement le
demandeur a droit de faire suivre l’action, ce droit appartient encore au
détendeur. Ainsi il est fort inutile de dire que, quand une action sera
intentée, elle devra, être poursuivie. Une disposition semblable dans une loi
est inutile, pour ne rien dire de plus. Des lors je demande la suppression de
cette partie de l’amendement.
M le ministre de la
justice (M. d’Anethan) - (erratum Moniteur n°334, du 30
novembre 1843 :) Messieurs, d’après l’article 7 du projet de la
commission, il semblait que l’administration communale pouvait toujours
poursuivre l’expropriation, et c’est principalement pour empêcher cette
nécessité que M. le ministre de l’intérieur a proposé la modification qui est
introduite dans l’art. 6.
D’après le projet de la commission,
des l’instant qu’une personne avait demandé l’autorisation de faire un
changement, il était indispensable que l’administration poursuivît
l’expropriation.
Cependant il est très possible qu’une
personne demande à faire un changement à son habitation, que ce changement soit
refusé et qu’alors cette personne ne veuille ni démolir, ni rebâtir. C’est pour
laisser à ce propriétaire la faculté de renoncer à la demande qu’il avait
faite, et pour indiquer que, s’il y renonce, la poursuite en expropriation doit
cesser, c’est pour ce cas, dis-je, et pour ce cas seulement, que la disposition
est introduite dans la loi.
Si, malgré la renonciation
faite, l’administration pouvait continuer à exproprier, il en résulterait que
la demande seule d’autorisation adressée à la commune constituerait pour
celle-ci un droit absolu d’expropriation, qui aurait pour résultat d’amener
l’expropriation d’une partie de propriété bâtie, ce qui est contraire à tous
les principes en matière d expropriation.
M. de Garcia,
rapporteur. - Messieurs, dans la discussion, il
me semble que l’on confond toujours deux choses bien distinctes : ou bien il
s’agit d’une demande d’autorisation de faire des constructions avec recul et
expropriation, ou bien il ne s’agit que de faire des constructions sans aucune
des deux dernières circonstances. Dans ce dernier cas, il ne peut jamais y
avoir lieu à l’action établie dans l’art. 6. Cette distinction bien reconnue,
tout s’explique, dans les dispositions que nous examinons.
Quand il s’agit d’une reconstruction,
d’un changement à faire à un bâtiment, sans expropriation, alors tout est réglé
par les lois et les réglements locaux et communaux.
Voilà où réside la véritable prérogative de la commune, qui a le droit de
prendre, sous l’approbation de l’autorité supérieure, tons les règlements
qu’elle juge utiles dans l’intérêt général et pour la sûreté publique.
Mais quand il s’agit de contraindre un
riverain de reculer sa propriété, par suite de l’alignement, alors
nécessairement la commune doit faire l’expropriation, parce que si d’un côté
nous voulons respecter la prérogative communale, nous devons en même temps
respecter le droit de propriété.
Ainsi, dans les art.
6 et 7, il s’agit d’expropriation, dans l’intérêt de la chose publique. Dans ce
cas, la commune doit intenter son action, mais toujours est-il que le
propriétaire, lorsqu’il le juge convenable, peut abandonner le litige et se
retirer, il est fort inutile de dire cela dans la loi. Jamais la commission n’a
eu la pensée que l’administration communale devait poursuivre bon gré malgré.
J’en appelle, à cet égard, aux souvenirs de l’honorable M. Fallon, qui a
éclairé les travaux de la commission de ses profondes lumières.
Je persiste donc à demander la
suppression de cette partie de l’amendement, qui me paraît non seulement
inutile, mais encore étrange et contraire à une saine interprétation de la loi.
M. Savart-Martel. -
Si je comprends bien la loi, on a eu en vue d’abord d’expliquer ce qu’on
entendait par rues, ruelles, passages et impasses ; ensuite, de régler ce qu’on
devra faire, quand un habitant demande à construire ou à reconstruire sur un
terrain qui lui appartient, et quand il y a lieu à reculement.
Il m’avait paru que, quand une
demande avait été faite, l’administration pouvait de plein droit forcer le
reculement. Mais l’explication que vient de donner M. le ministre, me paraît
avoir pour but de démontrer que l’habitant a alors la faculté d’abandonner sa
demande. Si la loi doit être entendue dans ce sens, je ne serais pas éloigné
d’y donner mon vote.
Mais nous allons nous trouver dans
une position fort singulière à l’égard des villes qui
ont des règlements généraux pour la bâtisse. A Tournay, par exemple, nous avons
un règlement très volumineux, qui s’applique non seulement aux cas où il y a
lieu à reculer, mais aussi à ceux où l’on doit avancer. Or, ici, on a seulement
en vue le cas de reculement. Il convient, je pense, qu’on s’explique d’une
manière positive ; car le texte de la loi, surtout, qui parle de la voirie urbaine et de la petite voirie d’une manière
générale, nous offre une loi qui comprendra la police urbaine. Eh bien, ne vous
y trompez pas, par l’art. 1er, les propriétaires pourront quelquefois y gagner
; par exemple, si une rue traverse ma propriété, je suis soumis aux servitudes
qui dérivent de la loi en faveur de l’administration municipale ; mais, d’un
autre côté, l’administration est tenue à certaines obligations à mon égard,
comme, par exemple, d’éclairer et d’exercer la police dans cette impasse qui
est devenue une rue.
Moyennant l’explication positive
qu’on n’a eu en vue que le recul et en laissant aux citoyens, jusqu’a ce que
l’action soit vidée, la faculté de retirer sa demande, il est satisfait a ce
que le public a le droit d’exiger et au respect de la propriété.
M le ministre de la
justice (M. d’Anethan) - Il me semble que nous sommes parfaitement d’accord avec l’honorable
rapporteur, sur le sens qu’il convient de donner à l’art. 6. Seulement nous
avons pense que tel qu’il était rédigé par la commission, il était conçu en
termes trop impératifs ; d’après la rédaction de la commission on pourrait
supposer que l’administration communale serait dans l’obligation d’exproprier
toujours et que le propriétaire ne pourrait pas échapper aux conséquences de
l’expropriation dès qu’une demande de construction ou reconstruction aurait été
faite par lui.
Voici comment cet article était conçu
:
« En cas de refus d’autorisation,
l’administration communale intentera, avec assignation devant le tribunal
compétent, l’action en expropriation de la partie destinée à reculement, en
conformité des lois sur l’expropriation pour cause d’utilité publique.
L’exploit d’ajournement sera signalé dans le délai d’un mois, à dater de ce
refus. Le jugement à intervenir fixera le délai dans lequel l’indemnité devra
être acquittée, ou, s’il y a lieu, consignée. »
Ainsi, d’après cet article, il
y a obligation pour la commune d’intenter l’action en expropriation des
l’instant que l’autorisation aura été refusée ; tandis que, en cas de
renonciation à la demande d’autorisation, la commune doit renoncer aussi à
l’action qu’elle aurait intentée. Pour lever tout doute à cet égard, il faut
que l’article le dise ; c’est ce que M. le ministre de l’intérieur a fait dans
la rédaction qu’il a proposée. Cette rédaction explique la pensée de la
commission. M. le rapporteur trouve l’addition proposée inutile ; nous la
trouvons, nous, nécessaire en ce qu’elle fait cesser des doutes que son absence
soulève, et, d’un autre côté nous ne voyons pas pourquoi on ne l’adopterait
pas, alors qu’on ne signale aucun inconvénient auquel elle puisse donner lieu.
M. de Garcia,
rapporteur. - L’action sera poursuivie à moins
que, dans le même délai, le propriétaire n’ait déclaré renoncer à sa demande.
Je trouve cette addition inutile, et je pourrais défier tout le cabinet de
trouver dans toute notre législation une disposition semblable. Si ma mémoire
est fidèle, il existe une seule disposition analogue, c’est quand il s’agit de
poursuites en matière de domaine et d’enregistrement. La loi, si je me le
rappelle bien, oblige le tribunal à décider dans le délai de trois décades ;
mais je dois dire que cette disposition n’a jamais pu recevoir son exécution.
Ajoutons que cette partie de l’amendement n’a aucune espèce de sanction.
Reconnaissons donc qu’il est non seulement inutile, mais insolite. M. le
ministre vous dit qu’il fait cesser des doutes , je
lui répondrai qu’au lieu de cela il en fait naître de fort graves. Lisons :
« L’action sera
poursuivie, à moins que, dans le même délai, dans le mois, le propriétaire n’ait
déclaré renoncer à sa demande. » Que résulte-il de cette rédaction ? C’est
que, si le propriétaire ne renonce pas dans le mois à sa demande, il sera
forclos et la commune forcée de procéder à l’expropriation. Evidemment vous
atteignez un but tout opposé à celui que vous vous proposez. Tel sera pourtant
le résultat de l’admission de l’amendement de M. le ministre de l’intérieur.
M. Fallon. - Je comprends la pensée de M. le ministre de la justice. Je suppose
le cas qui se présentera souvent où un propriétaire se trouvant dans une rue
dont le plan est dûment autorise, désire faire des changements à sa façade, et
que, d’après le plan, il doive reculer. Il demande à l’autorité communale
l’autorisation de faire ces changements. L’administration communale, d’après la
loi, a trois mois pour délibérer sur le point de savoir s’il lui convient
d’autoriser le demandeur à faire les constructions qu’il détermine.
Dans ce délai, l’administration
déclare qu’elle ne peut pas autoriser ces constructions. La loi ordonne alors à
l’administration d’intenter une action en expropriation.
Voici la question que pose le
ministre : L’action en expropriation intentée par l’administration lui
donne-t-elle un droit tellement acquis que le propriétaire, en renonçant à
exécuter ses constructions n’en soit pas moins tenu de reculer ? Voila le cas.
Eh bien il n’est pas entré dans les intentions de la section centrale de
vouloir exproprier un propriétaire qui renonce à faire les constructions pour
lesquelles il a demandé l’autorisation. C’est là ce que M. le ministre a voulu
exprimer dans la loi ; mais je crains que son amendement n’atteigne pas le but
qu’il se propose, car, pour l’expropriation, il y a des délais à observer ; il
faudrait donc modifier la loi sur les expropriations, sinon vous exposeriez la
commune à des nullités, ce qu’il faut soigneusement éviter.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Il me semble que la question
s’éclaircit. Nous sommes d’accord sur un premier point. L’action en
expropriation est intentée par la commune. Le propriétaire peut-il, en
renonçant à sa demande primitive de construction ou reconstruction, faire
tomber l’action en expropriation ? Evidemment oui ; il faut reconnaître ce
droit au propriétaire.
L’honorable M. de Garcia pense qu’il
est inutile de l’exprimer, que cela va de soi. Nous pensons qu’il vaut mieux le
dire, que plus la loi sera claire et positive, plus elle sera de facile d’exécution.
Second point : Faut-il fixer un délai passé lequel le droit de renonciation
n’existera plus ? J’avoue que nous commençons à avoir des doutes sur ce
deuxième point. Peut-être ne faut-il fixer aucun délai, et admettre qu’en
payant les frais, le propriétaire aura toujours le droit de faire tomber
l’action en expropriation par la renonciation à sa demande primitive.
Je crois donc que la
distinction à faire est celle-ci : le propriétaire a-t-il toujours le
droit de faire tomber l’action en expropriation, en renonçant à sa demande
primitive ? Nous répondons tous oui ; faut-il fixer un délai dans lequel cette
renonciation devra être faite ? Il faut, je crois, pousser le respect de la
propriété jusqu’à ne pas fixer de délai.
Il faut dire que l’action ne
sera pas poursuivie si le propriétaire renonce à sa demande et propose de payer
les frais.
M. Fallon. - Une action doit être poursuivie si elle est intentée. Il faudrait
dire : Le propriétaire pourra faire cesser l’action en renonçant à sa demande
et en se soumettant à payer les frais.
M. de
Garcia, rapporteur. - Je me rallie complètement
à la pensée émise par l’honorable M. Fallon, mais je ne vois pas pourquoi on
mettrait la condition de payer les frais. Cette condition est de nature à
entraver l’action communale, à l’empêcher de transiger ; il est possible que la
commune trouve plus avantageux d’arrêter l’action en compensant les frais que
de la poursuivre. Moi, qui appartiens à un tribunal, je sais que la question de
partage des frais se présente souvent, et que si on les mettait à la charge
d’une partie on plutôt que de l’autre, on empêcherait souvent des transactions.
Je demande le retranchement des mots : en se soumettant à payer les frais.
M le ministre de la justice (M. d’Anethan) - Il est nécessaire de maintenir dans l’article les mots dont M. le
rapporteur demande la suppression, car sans cela, la simple renonciation ferait
tomber l’action, et les frais seraient de droit à la charge de la commune. En
disant que le propriétaire devra se soumettre à payer les frais, on n’empêche
aucunement la possibilité d’une transaction
M. Fallon. - J’appuie les observations de M. le ministre de la justice. Si on ne
le disait pas dans la loi, le propriétaire renonçant à sa demande, ferait
tomber l’action et n’aurait aucun frais à payer.
M. Castiau. - Il est un point sur lequel nous sommes d’accord, c’est que le
propriétaire peut toujours faire cesser l’action judiciaire, en se désistant de
sa demande et en consentant à payer les frais. L’on peut donc considérer
l’amendement de l’honorable M. Fallon comme adopté d’avance. Reste la première
partie de l’amendement présenté par le gouvernement à l’art. 6. Je reconnais
que cette disposition nouvelle l’emporte sur la disposition présentée par la
commission. Elle a l’avantage de laisser plus de latitude aux administrations
communales ; elle aura encore celui d’empêcher les contestations judiciaires et
d’amener dans le plus grand nombre des cas, un arrangement à l’amiable sur la
question la plus importante, la question d’indemnité.
Cependant, cet amendement, malgré les
avantages qu’il introduit dans la loi, laisse subsister quelques lacunes qui
nécessitent quelques explications. D’abord, une première lacune se remarque au
début de la disposition qui ne prévoit que le cas où il y a des plans généraux
d’alignement. Or, cette supposition est purement gratuite, et n’est pas près de
se réaliser en ce moment. Il y aura donc une lacune assez importante et assez
prolongée pour l’exécution de la loi. Comment cette lacune sera-t-elle comblée
? Que fera-t-on en attendant la confection des plans généraux d’alignement ? Le
maintiendra-t-on sous l’empire de la loi de 1807 et du statu quo. Il est
nécessaire d’avoir une explication sur ce point : que fera-t-on en attendant
que la disposition qui est relative aux cas où il existe des plans généraux
d’alignement puisse recevoir son exécution ?
Une autre lacune porte sur l’action
judiciaire elle-même, dans le cas où la commune intente son action en
expropriation. On dit qu’une action en expropriation sera intentée par
l’administration communale ; il s’agit de savoir si ce sera de plein droit,
sans suivre les formalités ordinaires, sans recours à la députation
provinciale. Si telle est l’intention du gouvernement, il faut, à cet égard,
une explication formelle.
J’ai à présenter une dernière
observation qui porte sur la disposition fondamentale de l’amendement
ministériel, la question d’expropriation. Le ministère propose de dire que si
l’on ne tombe pas d’accord sur la question d’indemnité, il y aura lieu à
l’action en expropriation. J’ai déjà, à cet égard, soulevé un doute dans la
séance d’hier. Je crois qu’on détourne l’expression en expropriation de son sens légal, quand on prétend qu’à
l’occasion d’un alignement, il y a lieu à cette action. Je persiste à penser
qu’alors même qu’il y a lieu à recul, et qu’il y a nécessité de cession de
terrain, ce n’est pas là l’expropriation telle que la loi la définit. En effet,
l’expropriation (le mot le dit assez), suppose une sorte de violence morale,
une résistance formelle, énergique de la part du propriétaire. Trouvez-vous
cette résistance formelle, énergique, cette nécessite de la dépossession plus
ou moins violente dans le cas de la demande d’alignement ? Mais, en demandant
son alignement, le propriétaire adhère an plan général d’alignement, il consent
donc à la cession de sa propriété frappée d’alignement ; il n’y a donc pas lieu
à expropriation. S’il y a débat, s’il y a conflit, sur quoi portent-ils ? Sur
la cession de propriété ? Non ; car la question est résolue par le plan général
d’alignement auquel le propriétaire, je le répète, a adhéré en demandant son alignement.
La question de propriété est hors de cause.
Quelle est donc la question qui reste
à vider ? Une question d’argent, une simple question d’indemnité. Or, faut-il
pour une telle question, pour une question d’indemnité, suivre les nombreuses
formalités prescrites pour l’expropriation ? ceci
n’est pas de la logomachie judiciaire. C’est une question grave selon qu’on se
place dans l’une ou l’autre hypothèse. Si vous voulez qu’il y ait lieu à
l’action en expropriation, vous vous replacez nécessairement sous l’empire de
la loi sur l’expropriation forcée ; il faudra des instructions administratives
et judiciaires, des arrêtés royaux, une série de formalités telles que
l’expropriation durera plusieurs mois, une année peut-être. De plus, il y aura
des frais considérables.
Si, au contraire, vous pensez que
c’est une simple question d’indemnité, alors toutes les formalités relatives à
l’expropriation viennent à tomber.
Je sais que la loi de 1835,
relative à l’expropriation forcée, a simplifié autant que possible les formes
de la procédure ; malgré cela, cette loi entraîne des lenteurs multipliées, de
nombreuses formalités, Indépendamment des instructions administratives et
judiciaires, il y a une foule de formalités judiciaires qui donnent lieu à des
retards et à des frais considérables. Je crois donc que, dans l’intérêt général
autant que dans l’intérêt individuel, il conviendrait, alors qu’il ne s’agit
que d’une question d’indemnité, de ne pas prescrire ici les formalités établies
par la loi pour l’expropriation et d’y substituer une procédure plus rapide et
moins coûteuse.
Je voudrais donc, toutes les fois
qu’on en référerait aux tribunaux, à défaut de s’entendre sur la quotité de
l’indemnité, que le tribunal compétent saisi directement par la requête de
l’administration communale, nommât d’office trois experts qui procéderaient à
l’estimation et feraient leur rapport ; le tribunal, sur le vu du rapport,
statuerait, sans s’engager dans le dédale des formalités établies par les lois
de 1810 et de 1835.
M. Fallon. - Je crois que c’est plutôt à la commission qu’au gouvernement qu’il
appartient de donner les explications demandées par notre honorable collègue,
puisque c’est la commission qui a pris l’initiative de cette disposition ; car
elle n’existait pas dans le projet du gouvernement. Je répondrai donc en peu de
mots aux observations de l’honorable préopinant.
D’abord il a demandé comment il
serait possible d’exécuter la loi, là où il n’y aurait pas de plan général
d’alignement. Il ne s’agit pas de porter une loi qui ne devra recevoir
d’exécution que dans les villes où il y a un plan général d’alignement ; il
s’agit des plans d’alignement dûment approuvés. Or, il existe une quantité de
localités, la ville de Namur, par exemple, qui n’ont pas un plan général
d’alignement, mais qui ont des plans d’alignement dûment approuvés pour
certaines rues dont elles ont jugé l’élargissement nécessaire. La loi recevra
son exécution dans toutes les villes qui se trouvent dans ce cas. Je pense
avoir donné ainsi une solution complète à la première objection de l’honorable
membre.
La deuxième objection a pour objet de
savoir si la commune, lorsqu’elle est obligée, par le refus du propriétaire,
d’intenter son action en expropriation, est dispensée de remplir toutes les
formalités requises pour intenter cette action, si elle peut l’intenter de
plein droit, sans autorisation. Il n’est pas entré dans l’intention de la
commission de déroger au droit commun administratif ; il va de soi-même que la
commune se pourvoira auprès de la députation provinciale pour être autorisée
par elle à intenter celte action ; et même c’est parce que la commission a
pensé que la commune doit remplir cette formalité, qu’elle a fixé un délai d’un
mois, qui a été étendu hier à trois mois. Voici pour le deuxième point.
Quant au troisième point, mon
honorable collègue nous a fait remarquer le grand nombre de formalités, la
quantité de frais qui peuvent être la conséquence de l’action en expropriation.
Il demande si cette action est bien nécessaire. Je crois que tout le monde
reconnaîtra qu’elle est indispensable ; car nous devons observer, en toutes
choses, les dispositions constitutionnelles ; or, pour pouvoir enlever à un
propriétaire sa propriété, il faut observer toutes les formalités prescrites
pour l’expropriation pour cause d’utilité publique ; car c’est pour cause
d’utilité publique qu’il est contraint de céder sa propriété ; l’action en
expropriation ne peut être remplacée par une action en indemnité ; car avant de
régler l’indemnité, il faut s’emparer du terrain du propriétaire ; pour cela,
il faut l’exproprier.
Quant aux formalités de
l’expropriation, elles se réduisent à des termes extrêmement simples ; il ne
s’agit pas d’enquêtes administratives, de toutes les formalités prescrites par
la loi de 1810 pour obtenir l’expropriation. Les formalités prescrites par la
loi de 1835 sont simples ; la procédure est expéditive.
Je crois donc qu’il n’y a rien à
redouter des inconvénients signalés par notre honorable collègue, et que la loi
recevra très facilement son exécution.
- L’amendement présenté par M. Fallon
est mis aux voix et adopté. L’art. 6 est adopté avec cet amendement.
La chambre passe à l’art. 7. Cet
article, avec la nouvelle rédaction présentée pour le commencement de l’art. 7
par M. le ministre de l’intérieur, est ainsi conçu :
« Art.
M. Dolez. - Messieurs, je crois devoir appeler l’attention de la chambre sur la
portée de l’art. 7. Cette portée me paraît présenter un grave danger pour l’interét public qui s’y trouve directement engagé.
Vous savez, messieurs, que la
rectification des alignements est une œuvre de temps, et une œuvre de temps souvent
fort longue. Ce n’est qu’après un espace, qui souvent atteindra plus d’un
demi-siècle qu’on parvient à réaliser un plan complet d’alignement. Or, en
consultant l’économie du projet de loi, je m’effraie à la pensée qu’un simple
oubli de la part d’une administration, pourra anéantir les soins donnés,
pendant 40 à 50 ans, à la rectification d’un alignement, et cela au moment où
cette œuvre allait s’accomplir d’une manière complète.
D’après l’art. 4 de la loi, la partie
intéressée demande à l’administration communale l’autorisation de bâtir.
D’après l’art. 5, l’administration a un délai de trois mois pour répondre, et
d’après l’art. 7, si ce délai s’écoule sans qu’elle ait répondu, sans qu’elle
ait pris une des mesures déterminées par la loi, le propriétaire rentre dans la
libre disposition da la propriété et peut y bâtir sur l’alignement. En sorte
qu’un simple oubli de la part d’une autorité communale, oubli qui pourra
arriver fréquemment au milieu des complications administratives, anéantirait
les soins portés par plusieurs générations pour la rectification d’une rue
importante d’une de nos villes.
Ne croyez-vous pas indispensable que
le propriétaire soit dans l’obligation de mettre l’administration en demeure de
lui répondre après l’expiration du délai déterminé, afin que l’intérêt public
engagé dans cette question, bien plus encore que l’intérêt particulier, soit
prémuni contre les dangers d’un oubli que chacun de nous comprend, s’il veut
tenir compte des complications de l’administration ?
Je crois donc qu’il est nécessaire de
modifier l’art. 7 en ce sens que l’expiration du délai ne fera pas rentrer de
plein droit le propriétaire dans la faculté de bâtir sur l’alignement ancien de
sa propriété, mais que cette expiration l’autorisera à mettre en demeure
l’administration de statuer sur sa demande. Si cette mise en demeure n’est pas
suivie d’une décision dans la quinzaine, le propriétaire rentrera dans la libre
disposition de la propriété.
C’est dans ce sens que j’ai
l’honneur de proposer la rédaction suivante :
« A défaut par l’administration
communale, soit d’accorder ou de refuser l’autorisation, soit d’intenter
l’action en expropriation dans les délais ci-dessus, soit d’acquitter ou de
consigner l’indemnité dans le délai fixé par le jugement, le propriétaire
pourra mettre l’administration en demeure de statuer, et sauf par elle de le
faire, il rentrera de plein droit, dans la libre disposition, etc. (Le reste
comme dans le projet.)
- L’amendement de M. Dolez est
appuyé.
M. de
Garcia, rapporteur. - L’honorable M. Dolez se
défie de la négligence des administrations, et j’avoue que peut-être ses
craintes sont fondées. Cependant c’est le sort de tous les procès, de toutes
les contestations ; on peut oublier d’opposer la prescription ; on peut oublier
une formalité requise à peine de nullité ; on peut perdre son procès.
Au surplus, je ne vois pas d’obstacle
à l’admission de la proposition de l’honorable membre ; je crois qu’elle est de
nature à prévenir des inconvénients, très rares, il est vrai, mais qui peuvent
se présenter, que dès lors elle peut être admise sans nuire à la loi.
M. Fallon. - Il y a dans l’amendement de l’honorable M. Dolez une expression qui
ne me paraît pas rendre sa pensée : c’est celle à défaut par l’administration de statuer. Votre idée est de
remplacer par une mise en demeure judiciaire la mise en demeure légale. C’est
une garantie de plus que vous donnez aux intérêts communaux. Mais il faut que
cette mise en demeure porte sur toutes les obligations de l’administration. On
pourrait dire : « A défaut par l’administration de remplir les obligations qui
lui sont imposées par le présent article. »
M. Dolez. - Il est évident que ma pensée rentre complètement dans celle de
l’honorable M. Fallon. J’avais pensé que le mot statuer pouvait s’appliquer à
toutes les éventualités prévues par la loi. Ne perdez pas de vue que l’art. 7
parle de l’absence de réponse tant à la demande du propriétaire qu’au jugement
qui a été prononcé. Il est donc indispensable d’admettre une expression
générale. Du reste si la chambre croit que l’expression statuer ne s’applique pas à toutes les situations, on pourrait y
substituer : à défaut par l’administration
de prendre les mesures requises par la loi.
M. Delehaye. - Je proposerai de substituer aux mots de plein droit une expression qui rend plus clairement la pensée de
notre honorable collègue, M. Dolez, c’est celle-ci : Quinze jours après qu’il aura mis l’administration
en demeure. De sorte que la seconde partie de l’article serait ainsi conçue
: « Le propriétaire rentrera, quinze jours après qu’il aura mis
l’administration en demeure, dans la libre disposition, etc. »
M. Dolez. - Je me rallie à cette rédaction.
- La discussion est close.
M. le président. - L’amendement de M. Dolez n’exclut pas celui de M. le ministre de
l’intérieur qui propose de rédiger ainsi la première partie de l’article :
« A défaut par l’administration
communale, soit de statuer sur la demande d’autorisation, soit d’intenter, dans
le délai ci-dessus fixé, l’action en expropriation, soit d’acquitter ou de
consigner l’indemnité dans le délai fixé par le jugement. »
Je mets cette première partie aux
voix.
- La chambre adopte cette première
partie de l’article telle qu’elle est proposée par M. le ministre de
l’intérieur.
M. le président. - La seconde partie de l’article amendée par MM. Dolez et d’Elhoungne
est ainsi conçue :
« Le propriétaire rentrera,
quinze jours après qu’il aura mis l’administration en demeure dans la libre
disposition de la partie de sa propriété destinée au reculement, et il pourra y
faire telles constructions qu’il trouvera convenir, sans être soumis à d’autres
obligations que celles auxquelles sont assujettis les propriétaires non sujets
au reculement. »
Cette seconde partie de l’article,
ainsi rédigée, est adoptée.
- L’ensemble de l’article est adopté.
§ 3.
- Disposition commune aux deux paragraphes précédents
Article 8
« Art. 8. Lorsque
l’administration refusera les autorisations prescrites par les dispositions qui
précèdent, le propriétaire pourra exercer son recours à la députation du conseil
provincial, et, s’il y a lieu, au gouvernement. »
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) a proposé par amendement de
rédiger ainsi cet article :
« Le propriétaire pourra exercer son
recours à la députation permanente, et, s’il y a lieu, au Roi, contre les
décisions de l’administration communale, rendues en vertu des articles
précédents. »
- La rédaction proposée par M. le
ministre de l’intérieur est adoptée.
§ 4. - De la poursuite du jugement et de l’exécution
Article 9
« Art. 9. Les contraventions en
matière de voirie urbaine ou petite voirie, seront poursuivies et jugées comme
contraventions de simple police. »
La section centrale propose la
rédaction suivante
« Art. 9. Dans tous les cas prévus
par la présente loi, les tribunaux correctionnels connaîtront des
contraventions en matière de voirie urbaine ou petite voirie.
« Les articles 199 et suivants du
code d’instruction criminelle, sont applicables aux jugements rendus dans les
mêmes cas, »
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) propose de remplacer cet
article par la disposition suivante :
« Les contraventions à la
présente loi seront punies d’une amende de 16 à 200 fr. »
M le ministre de la
justice (M. d’Anethan) - Messieurs, l’amendement présenté par M. le ministre de l’intérieur
est nécessité par plusieurs considérations. D’abord dans le projet de loi de la
commission, il n’y a point de pénalité spécialement
établie ni définie ; l’art. 10 du projet de la commission se borne à dire : «
Outre la pénalité le tribunal prononcera, etc. » sans indiquer quelle est
la pénalité. Comme l’article 9 parle de renvoyer les contrevenants devant les
tribunaux de police, nous avons pensé que sa pensée était d’appliquer les
dispositions du code pénal, qui traitent des contraventions de simple police et
qui s’occupent notamment des contraventions en matière de voirie. Il n’existe
dans le code pénal, relativement à cet objet, que l’art. 471, qui concerne des
faits à peu près semblables, dans les n° 4 et 5 ; mais
cet article ne me paraîtrait même pas applicable à toutes les dispositions de
la loi. Il nous paraît donc que l’absence d’une disposition formelle, ou du
moins l’absence d’indication de cette disposition dans la loi qui nous est
soumise, rend nécessaire l’article proposé par M. le ministre de l’intérieur et
qui fait cesser tout doute à cet égard.
Maintenant, messieurs, le sénat et la
commission qui a amendé le projet du sénat, ont proposé deux dispositions qui
me paraissent inadmissibles. D’après le projet du sénat, les jugements rendus
en matière de simple police, en vertu de la loi, seraient toujours susceptibles
d’appel, même lorsque la personne traduite devant le tribunal de simple police
aurait été acquittée. Le sénat est allé plus loin, il a conféré le droit
d’appel non seulement au membre du ministère public qui aurait siégé devant le
tribunal de simple police, mais encore au procureur du Roi, qui est attaché au
tribunal appelé à statuer sur l’appel. Ce sont là, messieurs, deux
modifications extrêmement graves et sur lesquelles j’aurai tout à l’heure à
revenir.
La commission, au contraire, défère
d’emblée la connaissance des contraventions aux tribunaux correctionnels, sans
changer la peine, sans en changer le caractère.
Le sénat et la commission ont senti
qu’il était impossible de permettre que des affaires aussi graves fussent
décidées en dernier ressort devant une justice de paix ; qu’il fallait en
déférer la connaissance à une juridiction supérieure qui put offrir toute
garantie non seulement aux particuliers, mais aussi à l’Etat, qui ayant
approuvé les plans d’alignement, a évidemment grand intérêt à les faire
observer.
Nous pensons qu’il faut admettre
cette pensée du sénat et de la commission, mais qu’il faut atteindre le but
qu’ils se sont proposé, par d’autres moyens que ceux qu’ils présentent.
Le projet du sénat et le projet de la
commission bouleversent en effet tous les principes ; ils introduisent une
innovation complète dans le code d’instruction criminelle. Or, il me paraît
qu’il est impossible, à l’occasion d’une loi spéciale sur la voirie, d’aller
introduire une modification semblable dans la compétence des corps judiciaires
; nous croyons qu’il est impossible d’admettre accidentellement, en quelque sorte,
une dérogation aux principes qui, pour toutes les autres matières, régissent la
poursuite des crimes, des délits et des contraventions.
Nous avons donc pensé, messieurs,
que, pour atteindre le but qu’on se propose, et faire disparaître en même temps
la lacune que j’ai signalée en commençant, il était indispensable de créer des
pénalités et de créer ces pénalités de telle sorte que la juridiction
correctionnelle fût compétente pour connaître des faits dont il s’agit. Dans
notre système, les cours d’appel finiront par statuer en deuxième ressort sur
ces contraventions, et il y aura ainsi garantie complète pour l’Etat, pour les
communes et pour les particuliers. Il nous semble que laisser subsister des
pénalités de simple police et déférer néanmoins la connaissance des
contraventions aux tribunaux correctionnels, ce serait commettre une véritable
inconséquence.
Il faut d’abord examiner si le fait
est ou n’est pas grave et la gravité du fait doit se définir d’après la
pénalité dont la loi punit ce fait. Or, lorsque, comme législateur, nous
pouvons punir un fait, comme il doit être puni, c’est le cas de le faire et ce
n’est que par l’établissement d’une pénalité plus forte que nous pouvons
changer la juridiction relativement à l’appréciation de la contravention. Il
faut donc examiner, en premier lieu, si l’on doit ou si l’on ne doit point majorer la peine comminée jusqu’à présent, contre
les faits prévus dans la loi qui nous occupe. Or, il nous semble que ces faits
sont très graves, que ces faits sont de nature a
exiger une pénalité plus forte que celle qui est comminée par l’art. 471 du
code pénal, si tant est qu’il soit applicable à tous les cas ; il nous semble
que la peine proposée par M. le ministre de l’intérieur à tous, et qui est
d’une amende de 16 à 200 fr., n’est point trop élevée.
Si vous adoptez cet
amendement, messieurs, tous les principes seront saufs, la pénalité de 16 à 200
fr. entraîne la compétence des tribunaux correctionnels, et dès lors il ne
faudra pas déroger aux principes existants en matière de compétence.
Il est à remarquer, d’ailleurs, que,
quoiqu’elle semble être la peine principale, l’amende n’est, en réalité, ici,
qu’une peine accessoire ; la véritable peine, c’est la démolition de la maison
bâtie en contravention à la loi.
Nous pensons donc que la majoration
de la peine, que nous proposons, doit être admise, et que le changement de
juridiction que l’on veut obtenir ne peut résulter que de cette majoration.
M. de Garcia,
rapporteur. - Messieurs, l’article en
discussion a soulevé les questions les plus ardues, les plus difficiles, tant
au sein de la section centrale qu’au sein du sénat. M. le ministre de la
justice vient de nous présenter quelques observations par lesquelles il prétend
aplanir tontes les difficultés. Je commencerai par répondre une objection qu’il
a faite à la proposition de la section centrale. Il dit que l’art. 9 de la
section centrale laisse une lacune, parce qu’elle ne prononce pas de pénalité.
Eh bien, messieurs, la section centrale n’a eu à s’occuper en aucune manière de
créer une pénalité ; la section centrale était saisie, par le gouvernement,
d’une seule question ; elle avait uniquement à s’occuper des moyens d’investir
les tribunaux du droit de prononcer sur la réclamation civile à la suite de
l’application des peines comminées par les règlements et les lois sur la
voirie. Ces peines existaient, mais quand les tribunaux étaient saisis par des
procès-verbaux de la connaissance de contraventions qui en entraînaient
l’application, ils ne pouvaient pas prononcer les réparations civiles. Eh bien,
messieurs, qu’a demandé le gouvernement par le projet
soumis à la section centrale ? Il n’a demandé autre chose que d’investir les
tribunaux du droit de prononcer d’office les réparations civiles ; il ne
pouvait s’agir de créer des peines. Ces peines étaient établies dans les lois
et les règlements existants. Dès lors il n’y a aucune espèce de lacune dans le
projet de la section centrale. Le gouvernement alors ne voulait qu’une chose,
saisir les tribunaux de répression du droit de prononcer d’office des
réparations civiles.
On a reproché au système du sénat et
au système de la section centrale, de sortir des principes ordinaires de notre
législation, en conférant aux tribunaux correctionnels le droit de connaître
des contraventions dont il s’agit. Mais, messieurs, si l’on avait lu le passage
du rapport qui répond à cette objection, l’on se serait convaincu que l’on se
trompait.
La section centrale s’est aussi posé
la question de savoir si, pour rendre les tribunaux correctionnels compétents,
il ne conviendrait pas d’augmenter la pénalité ; mais elle a résolu cette
question négativement, et pourquoi ? Précisément parce que le gouvernement
avait promis de présenter une révision générale de toutes les lois de police
sur la petite et la grande voirie. Le gouvernement nous disait qu’il avait
nommé une commission chargée de préparer cette révision et en ce moment il
vient nous présenter une disposition qui est de nature à l’empêcher. Et quelle
est cette disposition ? C’est en quelque sorte un niveau que le gouvernement
passe sur toutes les contraventions, pour les soumettre à la même peine, tandis
que maintenant ces contraventions, qui sont très différentes, entraînent des
peines plus on moins fortes selon leur degré de gravité. C’est, messieurs, ce
dont vous pouvez vous convaincre en parcourant les règlements communaux et
provinciaux, et les arrêtés du gouvernement sur la matière.
M le ministre de la
justice (M. d’Anethan) - Il ne s’agit que des contraventions prévues par la présente loi.
M. de Garcia. - Très bien, M. le ministre ; mais les contraventions prévues par la
présente loi diffèrent considérablement entre elles. Je conçois que le
gouvernement trouve fort commode de les soumettre toutes en une même peine ;
mais la chose est-elle juste ?
« Outre la pénalité, dit l’art.
10, le tribunal prononcera, s’il y a lieu, la réparation de la contravention,
en condamnant les contrevenants à rétablir les lieux dans leur état primitif,
soit par la démolition ou la destruction des travaux illégalement faits, soit
par l’enlèvement des ouvrages illégalement exécutés, ou des matériaux
illégalement déposés, ou des objets illégalement délaissés. Toutefois il pourra laisser au condamné
l’option d’exécuter les conditions légalement imposées par les arrêtés
d’autorisation. »
Vous voyez, messieurs, combien il y a
de nuances dans ces diverses contraventions. Pourtant l’on vous propose de
punir tout cela de la même peine. Je le répète, messieurs, c’est fort commode,
mais ce n’est pas fort juste.
Je disais tout à l’heure que la
section centrale avait examiné le point de savoir s’il conviendrait d’aggraver
la peine afin que les contraventions fussent par suite déférées aux tribunaux
correctionnels.
La section centrale, en présence de
la déclaration du gouvernement, qui promettait alors la révision des lois sur
la matière, ne crut pas le moment arrivé de toucher aux pénalités. Dans cet
état et à raison de l’importance des réparations civiles, elle crut pouvoir,
sans créer des principes d’innovation, déférer directement les contraventions
dont s’agit, aux tribunaux correctionnels. Pour justifier cette manière de
procéder, permettez-moi de vous lire la partie du rapport qui a trait à ce
point :
« La section centrale a pensé
que, pour donner tous ses effets au vœu manifesté par le sénat, il était
préférable de déférer aux tribunaux correctionnels les contraventions qui
donnent lieu à des réparations de la nature de celles prévues par le projet.
« Les tribunaux correctionnels ne
sont pas incompétents d’une manière absolue pour connaître des contraventions
de simple police. Ils peuvent les juger lorsqu’il n’y a pas de demande en
renvoi (art. 192 et 213 du code d’instruction criminelle).
« En outre, tous les délits
forestiers poursuivi à la requête de l’administration, quel que soit le taux de
l’amende encourue, sont déférés aux tribunaux correctionnels (art. 179 du même
code.)
« Et même, pour certaines
contraventions punies de peines de simple police par l’art. 35 de la loi du 19
ventôse an XI, l’art. 36 de la même loi avait prescrit de les poursuivre devant
les tribunaux correctionnels.
« L’arrêt de la cour de cassation de
France, du 28 août 1832, rendu sur l’application de ces articles, renferme une
doctrine dont l’application peut être faite aux contraventions de la nature de
celles que prévoit le projet qui nous occupe. Voici les argumentations nous
trouvons dans les motifs de l’arrêt précité :
« L’amende encourue doit être
l’amende de simple police. Mais il n’en résulte pas nécessairement que les
tribunaux de simple police soient seuls compétents pour la prononcer. En effet,
si en général la compétence des tribunaux se règle par la nature de la peine
portée par la loi, il en est autrement lorsque cette compétence a été réglée
par le législateur. Dans l’espèce, il y a attribution spéciale de la
connaissance du délit au tribunal correctionnel, par l’art. 36 de la loi
précitée. Cette attribution, antérieure au code pénal et au code d’instruction
criminelle, n’a rien d’inconciliable avec leurs dispositions, puisque si les
tribunaux de police ne peuvent, d’après ces codes, prononcer d’autres peines
que des peines de simple police, il n’en est pas de même des tribunaux de
police correctionnelle, qui sont autorisés par l’art. 492 du code d’instruction
criminelle à prononcer des peines de simple police. »
Vous voyez, messieurs, que le
système de la commission n’est pas exorbitant, n’est pas contraire à nos principes
de législation, puisque déjà dans des matières analogues, on a déféré aux
tribunaux correctionnels la connaissance des simples délits. Mais ce qu’il y a
d’exorbitant, c’est que les individus qui seront attaqués en vertu de cette
disposition, n’auront nul recours, même quand ils gagneront leur procès ; car
le tribunal prononcera d’office. Dans les matières forestières, au contraire,
l’administration poursuit d’office, et quand elle succombe, elle est condamnée
aux dépens.
Qu’arrivera-t-il dans le système que
je combats ? c’est que l’individu qui sera poursuivi,
n’aura aucun recours pour les dépens. Cet inconvénient n’est pas évité sans
doute dans le système de la section centrale : mais elle espérait engager le
gouvernement à nous proposer un projet de révision générale, et alors nous
aurions soulevé la question de savoir que, s’il ne fallait pas que l’ingénieur
des ponts et chaussées, ou tout autre fonctionnaire, se portât partie
poursuivante, afin que les individus poursuivis injustement ne fussent pas
condamnés aux dépens, chose vraiment neuve et qui n’existe peut-être dans la
législation d’aucune nation civilisée.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, demander une
révision générale de toutes les lois sur la voirie, c’est demander l’impossible
; je suis bien convaincu que ce serait proposer un ajournement indéfini.
Je dois, messieurs, saisir cette
occasion, pour faire ressortir toute l’importance de la loi qui vous est
proposée.
Un de mes prédécesseurs avait porté,
il y a quelques années, au budget de l’intérieur, une somme qui avait pour but
d’assainir nos villes. Cette allocation a été écartée de nos budgets, je le
regrette ; si nous ne pouvons pas assainir nos villes, en offrant de concourir
à ce résultat par des sacrifices pécuniaires, au moins devons-nous exercer
quelques mesures de police, surtout pour la construction des quartiers
nouveaux. Chacun de vous aura pu voir avec quel désordre et quelle irrégularité
les constructions se font autour de Bruxelles, par exemple.
La loi qui nous occupe a donc un
caractère très important, je dirai même éminemment populaire. Il s’agit surtout
du bien-être des classes ouvrières ; il s’agit de régulariser ces bâtisses si
nombreuses qui s’élèvent de toutes parts en Belgique.
Eh bien, dans ce moment nous sommes
complètement désarmés, et c’est sur les vives instances des administrations
provinciales et communales, que le gouvernement nous a présenté une loi
spéciale complémentaire de la législation existante.
Cette loi a pris quelques
développements entre les mains de la commission ; on a rempli d’autres lacunes
que présentait la légalisation, et je me félicite de voir ces lacunes remplies.
La loi, telle qu’elle est, ne compromet rien pour l’avenir ; la révision
générale des lois sur la voirie se fera lorsque les travaux administratifs et
législatifs le permettront, mais en attendant nous ferons une expérience
nouvelle par la loi spéciale qui vous est proposée, loi que je regarde comme
importante et urgente
Messieurs, l’article en question a
amené un dissentiment entre la chambre des représentants et le sénat, et par
suite le renvoi du sénat à cette assemblée. Le sénat s’est dit : « Les
questions sont trop importantes pour quelles soient déférées aux tribunaux de
simple police, il faut en saisir une juridiction supérieure, il faut en saisir
le tribunal correctionnel. »
Or, il y a deux moyens d’arriver à saisir de ces questions le
tribunal correctionnel.
Le premier moyen, c’est de dire tout
simplement que le tribunal correctionnel en sera saisi, sans égard à la
pénalité, quoique la pénalité soit une pénalité de simple police. Mais c’est là
une dérogation à l’ordre des juridictions, c’est une exception. (Interruption.) Certainement par notre
toute-puissance législative, nous pouvons écrire cette exception dans la loi.
Il existe un deuxième moyen, et ce
moyen est beaucoup plus simple. Rétablissez la corrélation qu’exige le droit
commun, entre le tribunal qui statue et la peine qui doit être prononcée ; pour
cela, élevez la pénalité, et vous ne ferez rien de très exorbitant, car vous
échappez à la juridiction de simple police, du moment que l’amende excède 15
francs. Dites donc dans la loi que l’amende qui pourra être prononcée, sera de
16 francs au moins, et dès lors, sans faire d’exception, vous restez dans
l’ordre des juridictions, vous atteignez le tribunal correctionnel.
La peine n’est pas exorbitante.
Remarquez d’ailleurs, comme l’a dit M. le ministre de la justice, qu’ici la
peine est véritablement l’accessoire ; ce qu’il y a d’important dans ces
affaires, c’est la démolition des ouvrages. C’est là aussi ce qui a engagé le
sénat à saisir de ces questions une juridiction supérieure. Nous faisons aussi,
comme l’a dit M. le ministre de la justice, cesser une espèce de doute. Il était
dit dans le texte primitif de l’art. 9 :
« Les contraventions, en matière de
voirie urbaine ou petite voirie, seront poursuivies et jugées comme
contravention de simple police. »
Mais quelle sera la pénalité ?
Les pénalités de simple police sont de plusieurs espèces. Sera-ce la simple
pénalité prévue par l’art. 471 n’°4 du code pénal ? Il faut le supposer, car il
y a ici analogie ; il s’agit alors d’une simple pénalité d’un franc à cinq
francs. Vous pouvez aussi en conclure par induction que c’est peut-être la
peine d’un franc à quinze francs ; mais toujours est-il qu’il y a doute sur ce
point. Nous faisons cesser ce doute, en inscrivant dans la loi une pénalité et
nous atteignons le but que s’est proposé le sénat, en saisissant de ces
questions une juridiction supérieure, le tribunal correctionnel, et nous l’en
saisissons par un moyen extrêmement simple, qui consiste à déclarer que
l’amende sera au moins de 16 francs.
M. de Villegas. - Nous sommes d’accord que l’art. 9 du projet de la commission
présente une lacune et que l’amendement ministériel est destiné à la combler.
Nous sommes également d’accord, qu’eu
égard au caractère d’importance que présente la loi, les contraventions doivent
être portées à la connaissance de la juridiction correctionnelle.
Il ne reste plus qu’à examiner la
pénalité proposée par M. le ministre de l’intérieur.
Il me semble qu’elle est assez sévère
et qu’elle est même hors de proportion avec la gravité de certaines infractions
commises. Puniriez-vous, par exemple, d’une amende de 16 à 200 le dépôt illégal
de matériaux quelconques, de manière à embarrasser la voie publique, lorsque le
code pénal ne commine pour ce fait qu’une amende d’un à cinq fr. ? Cette
proposition ne porterait-elle pas atteinte à toute l’économie de nos lois
pénales ?
C’est dans le but de tempérer la rigueur de l’amendement de M. le
ministre, que je vous proposerais de mettre dans la loi le 1er § de l’art. 9 de
la commission et d’ajouter : les
contraventions à la présente loi seront punies d’une amende qui ne pourra pas
excéder 100 francs.
De cette façon, les tribunaux
pourraient appliquer la peine, d’après la gravité des circonstances, même celle
de simple police.
Il est une foule de circonstances
dans lesquelles les lois déclarent qu’il y a un maximum sans minimum. Rien
n’empêche que les tribunaux correctionnels appliquent une peine de simple
police.
M. de Garcia,
rapporteur. - L’honorable M. de Villegas vient
de présenter des observations que j’approuve en partie ; je dis en partie, car
il en est une sur laquelle je ne puis être d’accord avec lui, c’est quand,
appuyant l’opinion émise par M. le ministre de la justice, il trouve qu’il y a
une lacune dans l’article de la section centrale. Je suis étonné que cet
honorable membre qui a fait partie de la section centrale et assisté à tous les
débats qui ont eu lieu dans son sein, trouve qu’il y a lacune dans la
disposition qu’elle propose.
En effet, messieurs, à la section
centrale, il ne s’est jamais agi de créer des peines mais seulement de
déterminer des formes de procédure, et je dois le répéter encore une fois,
d’investir les tribunaux de répression du droit de prononcer d’office des réparations
civiles. Mais toujours doit-il rester comme constant que ce n’était que pour
autant qu’ils fussent saisis de la connaissance de délits ou de contraventions.
Conférer aux tribunaux de répression le droit de prononcer d’office des
réparations civiles, était chose neuve et qui ne se rencontre nulle part dans
notre système de législation. L’article de la section centrale ne présente donc
aucune lacune à ce point de vue, sa disposition ne vient que couronner toutes
les lois et les règlements qui concernent la police de la voirie pour les
réparations civiles.
Aussi était-ce avec répugnance
que la section centrale proposait une pareille disposition. Elle n’a donné son
assentiment à des principes aussi insolites, que dans l’espoir d’une révision
générale des lois et règlements sur la matière. Au surplus, en présence des
aveux faits par le gouvernement dans le cours de cette discussion, je regrette
que la section centrale n’ait pas insisté davantage pour obtenir cette
révision, nous n’aurions pas été obligés d’insérer dans une loi un principe
extraordinaire, un principe qui est de nature à égarer les esprits, à les faire
sortir des saines doctrines.
N’est-il pas extraordinaire qu’un
citoyen puisse être attrait en justice et obligé de payer les frais alors même qu’il
gagne son procès ?
M. Savart-Martel. -
Un propriétaire veut bâtir ; mais il est obligé de reculer pour se conformer au
plan d’alignement. Des difficultés, des contestations surviennent entre ce
propriétaire et l’autorité communale ; il est convenable de les renvoyer devant
les tribunaux de police correctionnelle. Pourquoi l’honorable M. de Villegas
propose-t-il de ne pas fixer l’amende de 16 fr. à 200 fr., mais bien de 1 fr. à
100 fr. ? C’est parce que, selon lui, les délits ou contraventions n’auront, au
fond, le plus souvent que peu d’importance. En effet, le fait d’avoir laissé
quelques matériaux sur la voie publique mérite-t-il d’être puni d’une amende de
16 à 200 fr. ? C’est là une peine beaucoup trop forte, si on veut comprendre
dans cette disposition les cas prévus par l’art. 471 du code pénal ; mais si
elle a uniquement en vue d’empêcher les constructions en fraude de
l’alignement, la pénalité n’est pas trop forte.
Il faudrait alors retrancher quelques
mots de l’art. 10, et dire :
« Outre la pénalité, le
tribunal prononcera, s’il y a lieu, la réparation de la contravention en
condamnant les contrevenants à rétablir les lieux dans leur état
primitif. »
Il est inutile de dire de quelle
manière, soit par la démolition ou la destruction des travaux illégalement
faits, soit par l’enlèvement des ouvrages illégalement exécutés.
Quant aux matériaux illégalement
déposés et aux objets illégalement délaissés, cela resterait sous l’application
de l’art. 471 du code pénal.
Moyennant cette suppression, il
serait satisfait à tout ce qu’on peut désirer.
M. Fallon. - J’avais demandé la parole pour exprimer la même pensée, mais il me
semble qu’il suffirait de retrancher de l’article les mots : ou des matériaux illégalement déposés ou des
objets illégalement délaissés.
M. le président. - Nous ne sommes encore qu’à l’art. 9.
M. Fallon. - Je propose de voter l’article 10 avant l’article 9, c’est un moyen
de simplifier la discussion.
- Cette proposition est adoptée.
Article 10
M. de Villegas - Dès qu’on consent à la suppression proposée par M. Fallon, je retire
mon amendement.
M. Savart-Martel. -
Je me rallie à la proposition de M. Fallon.
- La suppression proposée par M.
Fallon est mise aux voix et adoptée.
L’amendement proposé par M. le
ministre de l’intérieur, qui consiste à remplacer les mots : Il pourra laisser, par ceux-ci : Le condamné aura l’option, est également
adopté.
L’ensemble de l’article amendé est
mis aux voix ; il est ainsi conçu :
« Outre la pénalité, le tribunal
prononcera, s’il y a lieu, la réparation de la contravention en condamnant les contrevenants
à rétablir les lieux dans leur état primitif, soit par la démolition ou la
destruction des travaux illégalement faits, soit par l’enlèvement des ouvrages
illégalement exécutés. Toutefois le condamné aura l’option d’exécuter les
conditions légalement imposées par les arrêtés d’autorisation. »
Cet article est adopté.
Article 9
L’art. 9, proposé par M. le ministre
de l’intérieur est ensuite mis aux voix et adopté.
Article 11 (du projet du sénat)
« Art. 11. Le jugement fixera le
délai dans lequel la démolition ou l’enlèvement devront être effectués par le
contrevenant, et celui dans lequel les
conditions des autorisations seront exécutées.
« Après l’expiration de ce délai, le
jugement sera exécuté par l’administration aux frais du contrevenant, qui
pourra être contraint au remboursement de la dépense sur simple état dressé par
l’autorité qui aura fait effectuer la démolition ou l’enlèvement. Le
remboursement des dépenses faites avant la condamnation, pour le rétablissement
des lieux, sera ordonné et poursuivi de la même
manière. »
La section centrale propose de
rédiger comme suit le premier paragraphe de cet article. Elle adopte le
deuxième.
« Le jugement fixera le délai
dans lequel la démolition on l’enlèvement devront être effectués par le contrevenant,
ainsi que le délai dans lequel devra être
faite l’option de se conformer aux conditions des autorisations, et celui dans
lequel ces conditions devront être exécutées. »
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) propose au premier paragraphe
de cet article, un amendement ainsi conçu :
« Le jugement fixera le délai
dans lequel l’option devra être faite et suivie d’exécution complète. »
- Cet amendement est adopté.
M. Savart-Martel. - Un doute m’apparaît sur le deuxième paragraphe de l’art. 11. On dit
que la partie sera contrainte, sur un simple état dressé par l’autorité, au
remboursement de la dépense. Je ne sais si l’on entend préjudicier à ce
principe qui veut qu’un citoyen ne puisse être exécuté sans un mandat exécutorial ? Entend-on que l’autorité qui aura dressé
l’état des frais faits pourra exécuter le propriétaire sans mandat exécutorial ? Je demanderai que ce mandat soit décerné soit
par l’autorité administrative, soit par l’autorité judiciaire, fut-ce même au
moyen d’un simple visa.
M le ministre de la
justice (M. d’Anethan) - Il pourrait être rendu exécutoire par le juge de paix.
M. Savart-Martel. - Soit.
J’en fais la proposition.
- La séance
est levée à 4 heures et demie.