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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 14 novembre 1843

(Moniteur belge n°319, du 15 novembre 1843)

Ouverture de la séance royale

A midi et demi, les membres des deux chambres sont réunis dans la salle de la chambre des représentants.

M. le comte de Quarré, sénateur, doyen d’âge, occupe le fauteuil de la présidence.

MM. d’Elhoungne et Vandensteen remplissent les fonctions de secrétaire.

MM. les ministres de la justice, des affaires étrangères, de l’intérieur, de la guerre, des finances et des travaux publics sont à leur place.

M. le président tire au sort les noms des membres des commissions chargées de recevoir LL. MM. le Roi et la Reine.

Dans la tribune diplomatique, nous remarquons Mgr. Pecci, nonce apostolique ; M. le marquis de Rumigny, ambassadeur de France ; M. Rochussen, ministre de Hollande ; M. le baron d’Arnim, ministre de Prusse ; les chargés d’affaires de Danemarck et de Portugal, les secrétaires de l’ambassade de France, de la légation d’Angleterre et de celle d’Espagne, l’attaché à la légation de Prusse, et M. O’Sullivan de Grass, ministre plénipotentiaire de Belgique à Vienne. Le premier rang de la tribune est occupé par des dames, parmi lesquelles nous remarquons Mme la duchesse de Bassano et Mme Nothomb.

Les membres de la députation chargée de recevoir S. M. la Reine :

Pour le sénat, MM. le baron d’Hooghvorst et chevalier de Wouters ;

Pour la chambre des représentants, MM. Vilain XIII, Sigart, le major Pirson, Dolez.

Les membres de la députation chargée de recevoir S. M. le Roi, sont :

Pour le sénat, MM. le comte de Baillet, de Schiervel, comte de Renesse, marquis de Rodes, vicomte de Rouveroy, baron de Potesta ;

Pour la chambre des représentants, MM. Lebeau, Orts, de Corswarem, de Meer, Lejeune, Tornaco, Malou, Cogels, Verhaegen, Scheyven, Osy, Wallaert.

A une heure, S. M. la Reine est introduite dans sa tribune par la députation chargée de la recevoir. S. M. est accompagnée de Mgrs. le duc de Brabant et le comte de Flandre. A son apparition, elle est saluée par les longs applaudissements des membres des chambres et du public qui se presse dans les tribunes.

A une heure un quart, le chef des huissiers annonce :

« Le Roi ! »

Sa Majesté, en uniforme d’officier-général de la garde civique et entourée d’un nombreux état-major, entre, précédée de la grande députation chargée de la recevoir. D’unanimes applaudissements et des cris de Vive le Roi ! se font entendre à plusieurs reprises dans la chambre et dans les tribunes.

Après avoir répondu à cet accueil par un gracieux salut, le Roi prend place sur le trône, se couvre et prononce le discours suivant :

Discours du trône

« Messieurs,

« Je continue à recevoir des cabinets étrangers des marque de confiance et d’amitié.

« La Reine de la Grande-Bretagne a donné récemment à la Belgique un témoignage de vive sympathie en venant visiter quelques-unes de nos provinces.

« Heureuses d’exercer leur antique hospitalité, nos populations ont déployé un empressement plein de cordialité qui a permis à mon auguste nièce d’apprécier le bon esprit qui les anime.

« Les questions territoriales, financières et fluviales, dont la solution était préparée par le traité du 5 novembre 1842, ont été réglées dans leurs moindres détails par des conventions, fruit du zèle et des lumières des commissions instituées par les deux gouvernements.

« Nos rapports politiques et de bon voisinage avec le royaume des Pays-Bas et le grand-duché de Luxembourg se trouvent ainsi établis sur des bases solides et régulières.

« A la suite de ces arrangements, la Belgique est rentrée en possession de valeurs qui ont permis d’accroître le domaine de l’Etat, de réduire la dette flottante et d’acquitter les charges qui pesaient encore sur différentes voies de navigation.

« Pour effacer les dernières traces d’un état d’hostilité déjà loin de nous, et pour rendre à l’agriculture des terres encore inondées, il sera fait un nouvel appel à vos sentiments d’équité et de bienveillance.

« Un grand fait est aujourd’hui accompli : les lignes de chemins de fer, décrétées en 1834 et 1837, sont livrées à la circulation sur toute leur étendue.

« La Belgique, en poursuivant une entreprise ainsi considérable, avait apprécié l’influence que cette œuvre est destinée à exercer sur nos relations commerciales et sur notre prospérité intérieure. Nous sommes en possession de quelques-uns de ces résultats ; l’avenir nous promet les autres.

« Mon gouvernement concentrera désormais son attention sur les bases du système d’exploitation à établir, au double point de vue de l’utilité industrielle et des nécessités financières.

« Il vous reste à statuer sur les conclusions de la commission d’enquête formée depuis trois ans. C’est un des objets les plus importants dont vous ayez à vous occuper dans cette session : il emprunte un nouveau caractère d’urgence aux décisions que vous avez prises au sujet d’actes internationaux soumis à votre approbation.

« Il s’y rattache aussi une question pleine d’intérêt, sur laquelle j’ai déjà, l’année dernière, appelé votre attention. Dans un pays industrieux et commerçant comme le nôtre et où la jeunesse intelligente est nombreuse, c’est une nécessité d’encourager l’esprit d’entreprise en organisant des relations régulières avec les contrées lointaines. Une compagnie créée dans ce but, à l’exemple de celle qui avait été instituée il y a un siècle, rendrait les plus grands services au pays.

« La Belgique, si renommée par ses progrès agricoles, renferme, cependant, des territoires incultes ; mon gouvernement vous demandera des pouvoirs pour amener un résultat qui procurerait à nos populations des ressources nouvelles.

« Le système des canaux tend à se compléter. L’administration s’applique, avec un zèle assidu, aux études et aux travaux que réclame le soin de nos voies navigables.

« L’exécution de la loi sur l’instruction primaire se poursuit. Je souhaite que vous puissiez, malgré les travaux multipliés de la session, vous occuper de compléter l’organisation de l’enseignement.

« Vous aurez à examiner des projets de loi relatifs aux pensions des fonctionnaires civils et des ministres des cultes, et à la comptabilité générale des recettes et des dépenses.

« Une loi vous est soumise pour assurer aux membres de la magistrature une position plus complètement en rapport avec l’importance de leurs fonctions. Je désire qu’elle soit discutée dans le courant de cette session, en même temps que la loi destinée à régulariser la circonscription des justices de paix.

« L’armée n’a pas cessé, par son esprit d’ordre, sa discipline et les progrès de son instruction, de bien mériter du pays et de se rendre digne de ma constante sollicitude.

« Des mesures ont été prises, d’autres le seront, pour entretenir et développer dans ses rangs une émulation utile et soutenue.

« Il vous sera présenté un projet de loi pour compléter son organisation qui se trouvera ainsi constituée sur des bases durables

« Sans abandonner l’espoir d’une réforme plus étendue des codes militaires, il a paru urgent d’introduire quelques changements dans le système des pénalités : des mesures vous seront proposées à l’effet de diminuer le nombre des détentions et des déchéances militaires.

« Je suis heureux de vous annoncer qu’il sera possible d’établir, tout en ménageant les intérêts des contribuables, un parfait équilibre entre les besoins des services publics et les revenus du trésor. Ce résultat si désirable, nous l’atteindrons par des diminutions de dépenses et par quelques dispositions financières qui vous seront immédiatement soumises.

« Il nous est donc permis, messieurs, d’envisager l’avenir avec sécurité. L’esprit d’union et de concorde, l’amour des institutions nationales vous animeront, sans autre préoccupation, dans l’accomplissement de la tâche que vous avez à remplir avec moi pour le bonheur de la patrie, pour son perfectionnement moral et matériel. Vous aurez ainsi bien mérité de vos concitoyens et acquis des titres nouveaux à la reconnaissance du pays. »

- Après ce discours, Sa Majesté, accompagnée de la députation qui l’a introduite, se retire au bruit des acclamations de toute l’assemblée.

La Reine et ses deux fils reçoivent à leur départ les mêmes témoignages de sympathie.

Les deux chambres se réunissent ensuite dans leurs salles respectives sous la présidence de leur doyen d’âge.

Ouverture de la session parlementaire et vérification des pouvoirs

(Moniteur belge n°319, du 15 novembre 1843)

(Présidence de M. Duvivier, doyen d’âge.)

M. le président. - La première chose dont la chambre ait à s’occuper, c’est la vérification des pouvoirs des députés récemment élus.

Aux termes du règlement, six commissions de sept membres doivent être tirées au sort pour procéder cette vérification.

La première commission vérifiera les procès-verbaux d’élection de Gand et d’Audenaerde.

La deuxième commission vérifiera, ceux de Termonde, Alost, St-Nicolas, Eccloo.

La troisième commission vérifiera ceux de Mons, Charleroy, Soignies, Dinant.

La quatrième commission vérifiera ceux de Tournay, Ath, Thuin. La cinquième commission vérifiera ceux de Liége, Verviers, Huy.

Et la sixième commission vérifiera ceux de Hasselt, Tongres, Maeseyck, Waremme, Nivelles et Anvers.


Avant de procéder à la formation des commissions, un de MM. les secrétaires va donner lecture d’une lettre qui m’a été adressée par M. le ministre de l’intérieur.

M. d’Elhoungne donne lecture de cette lettre :

Elle annonce que malgré les recommandations faites par M. le ministre de l’intérieur, un seul collège électoral, celui de Liége, a rédigé ses procès-verbaux en double ; M. le ministre a cru pouvoir adresser tous les procès-verbaux au sénat ; il a lieu de croire que le sénat statuera incontinent sur la validité des pouvoirs ; la chambre des représentants recevra donc sans retard les procès-verbaux.

M. Devaux. - Je demande la parole sur cette lettre.

M. le président. - Après la formation des bureaux, vous l’aurez.

- Il est ensuite procédé au tirage au sort des commissions.

La première est composée de MM. Troye, Lange, de Brouckere, Lesoinne, Desmaisières, de Terbecq et de Meester ;

La deuxième est composée de MM. Scheyven, Rodenbach, Lys, de Foere, Vilain XIIII, de Mérode, Vanden Eynde ;

La troisième est composée de MM. de Villegas, Fleussu, Maertens, d’Hoffschmidt, d’Elhoungne, Lejeune, de Tornaco ;

La quatrième est composée de MM. Orts, de Garcia, Manilius, de Naeyer, le major Pirson, Smits, de Renesse ;

La cinquième est composée de MM. de Sécus, Castiau, Lebeau, Devaux, Morel-Danheel, Savart, Dedecker ;

La sixième est composée de MM. Rogier, Verhaegen, Coppieters, Bernard Dubus, Dumortier, Dumont, Van Cutsem.


M. de Brouckere. - Je demande la parole.

Devrons-nous attendre pour commencer nos opérations que le sénat ait fini les siennes ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, j’ai beaucoup regretté qu’un seul collège électoral dans le pays, celui de Liége eût joint un duplicata du procès-verbal d’élection ; si tous les collèges s’étaient conformés à la recommandation, les deux chambres auraient été à l’instant même saisies des procès-verbaux. Cependant ne nous exagérons pas l’inconvénient très momentané de cette circonstance.

La chambre des représentants n’a jamais siégé le jour même de l’ouverture de la session. J’ai vérifié ce précédent, ses commissions se sont toujours réunies le lendemain et d’habitude on fixe la séance publique à deux heures. En agissant ainsi, et il n’y a pas de raison pour agir autrement, je pense que tout pourra se passer convenablement.

La séance publique serait fixée à demain à deux heures, et les commissions seraient convoquées pour midi. Le sénat procède à la vérification des pouvoirs le premier jour et à l’heure qu’il est, les commissions du sénat sont occupées de cette vérification, car le sénat a adopté une marche particulière pour la formation des commissions de vérification des pouvoirs, ce sont des sénateurs de trois provinces qui sont chargés de vérifier les élections d’une province. Les commissions ainsi formées auront commencé leurs travaux aujourd’hui ; il y aura un assez grand nombre de vérifications faites ce soir et les procès-verbaux seront disponibles.

On me dira peut-être : Et si le sénat ne se conformait pas à ses précédents ? Mais il n’y a aucun motif pour supposer qu’il agisse ainsi et qu’il veuille créer des embarras. C’est une politesse que de se conformer aux usages consacrés, d’envoyer d’abord au sénat les procès-verbaux d’élection ; le sénat y répondra certainement en faisant en sorte que les travaux de la chambre ne soient pas arrêtés.

Ce n’est pas la première fois que ce cas se présente, il est arrivé à Anvers, à Turnhout et ailleurs, à l’époque où les élections des membres du sénat et de la chambre se faisaient successivement, les collèges ont fait un seul procès-verbal ; le même inconvénient qu’aujourd’hui s’est présenté ; mes prédécesseurs ont envoyé d’abord les procès-verbaux au sénat, j’ai cru devoir me conformer à ce précédent.

M. de Brouckere. - Je demanderai qu’il soit décidé que les commissions de vérification soient convoquées pour demain, à midi, et que M. le président ait la complaisance de donner au président du sénat communication de cette convocation. Nous pouvons attendre de la part du sénat cet acte de déférence, qu’il se hâtera de procéder à la vérification des procès-verbaux, pour nous les transmettre et qu’il nous les communiquera alors même qu’il n’aurait pas terminé sa vérification.

Je fais cette demande pour empêcher de poser un précédent duquel il résulterait que le sénat a le droit de vérifier les pouvoirs de ses membres avant la chambre des représentants. Par suite de ma proposition, les vérifications dans les deux chambres marcheront simultanément. Les commissions qui viennent d’être tirées au sort se réuniront demain à midi, on en donnera connaissance au sénat en le priant de renvoyer les procès-verbaux, que les vérifications soient finies ou non.

M. le président. - Je ne vois pas d’opposition à ce que propose M. de Brouckere.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je trouve cette observation très juste, d’autant plus que les opérations peuvent se faire simultanément. Il est arrivé souvent que les commissions de vérification de pouvoirs du sénat et de la chambre des représentants, dont les locaux sont attenants, faisaient en même temps le travail de la vérification des pouvoirs.

M. le président. - Les commissions de vérification de pouvoirs se réuniront dans les bureaux des sections, dont le numéro correspond au leur. Ainsi la première commission se réunira dans le bureau de la première section, et ainsi de suite.

M. de Brouckere. - Ainsi dés à présent, les commissions de vérification de pouvoirs sont convoquées pour demain a midi.

M. le président. - C’est entendu ainsi.

M. Devaux. - Les observations que je voulais faire ont été présentées en grande partie par l’honorable M. de Brouckere. Je désire surtout que la mesure prise très irrégulièrement par M. le ministre de l’intérieur ne fasse pas précédent, et que les droits de la chambre soient maintenus intacts. A mon avis, ce qu’il aurait fallu faire pour cela, c’eût été de faire copier les pièces ; on a eu cinq mois pour faire ces copies. Puisque l’on n’avait pas fait faire ces copies, on pouvait faire remettre la moitié des pièces au sénat, et l’autre moitié à la chambre des représentants. De cette manière, on eût observé toutes les convenances. En faisant mon observation, j’ai voulu faire respecter le droit de la chambre ; je veux faire remarquer que l’exercice de ce droit a plus d’importance depuis la nouvelle loi. Maintenant que les opérations électorales sont communes pour le sénat et pour la chambre des représentants, il y a intérêt pour les deux chambres à ce que les vérifications des pouvoirs de leurs membres soient indépendantes les unes des autres. Si le sénat, annulant une opération électorale, décide nécessairement le premier, sa décision influera sur celle de la chambre. Voilà pourquoi il importe que les chambres puissent vérifier les pouvoirs de leurs membres quand elles le jugent convenable. Je désire que les deux chambres puissent à cet égard user de leur droit, l’une aussi bien que l’autre.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je ne puis accepter le reproche de l’honorable préopinant. Par la marche que j’ai suivie, je n’ai manqué à aucune convenance. Il y a plus : c’est que la vérification simultanée dans les commissions des deux chambres comme l’a dit l’honorable M. de Brouckere et comme je l’ai répété après lui, est toujours possible. Les commissions des deux chambres peuvent se réunir en même temps.

M. Devaux. - Mais les commissions de la chambre ne sont pas saisies.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Si fait ; car pour qu’elles soient saisies, il n’est pas nécessaire que les procès-verbaux soient matériellement sur leur bureau. La commission de la chambre des représentants recevra le dossier, non pas des mains de M. le président, mais de la commission du sénat.

On dit que j’aurais pu faire un triage, remettre une partie des dossiers au sénat, une autre à la chambre des représentants. C’est là qu’il y aurait eu arbitraire et peut-être inconvenance. Je me suis conformé aux précédents. Ce que j’ai fait ne préjuge rien. La simultanéité des travaux est toujours possible.

Quant à la circonstance que les deux chambres peuvent prendre les décisions en sens inverse sur la même question, elle tient à la force des choses. Les deux chambres sont électives, et quoi que vous fassiez, des questions électorales communes peuvent se présenter dans les deux chambres, dans une foule de cas. Les décisions du sénat ne lient pas plus la chambre des représentants que les décisions de celle-ci ne lient le sénat.

M. de Brouckere. - J’ai entendu dire par M. le ministre de l’intérieur que les procès-verbaux seraient remis à la commission de la chambre des représentants par celle du sénat. Je désire qu’il n’en soit pas ainsi. Je crois que cette remise doit être faite par le bureau. (Adhésion.)

M. le président. - Ainsi les commissions se réuniront demain à midi.

- La séance est levée à deux heures et demie.