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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 5
décembre 1842
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétition relative à l’impôt sur la
bière (Delehaye, Rodenbach),
au canal de Campine (Huveners)
2)
Projet de loi portant le budget des voies et moyens pour l’exercice 1843.
Discussion des articles. Droits d’enregistrement, traitements de la
magistrature (Verhaegen,
Angillis, Smits, Savart-Martel, Nothomb, Devaux, Demonceau, de Mérode, Meeus, Verhaegen, Van Volxem, Rogier, Nothomb, Demonceau, Dubus (aîné), de Garcia, Desmaisières, Dubus (aîné), d’Huart, Meeus, Osy)
(Moniteur belge n°340 du 6 décembre 1842)
(Présidence de M. Raikem)
M. de Renesse fait l’appel nominal à
2 heures 1/4.
M. Scheyven lit le procès-verbal
de la séance précédente dont la rédaction est adoptée.
M. de Renesse communique les pièces
de la correspondance :
PIECES ADRESSEES A
« La commission des charbonnages liégeois prie
la chambre de donner son approbation au traité du 5 novembre et à la convention
de commerce et de navigation conclue avec les Pays-Bas. »
- Renvoi aux sections
centrales qui seront chargées d’examiner le traité et la convention.
_______________________
« Le collège des
bourgmestre et échevins de la ville de Liége demandent une interprétation
législative de l’art. 56 de la loi du 8 janvier 1817, concernant l’inscription
pour le service de la milice, des pupilles des établissements de
bienfaisance. »
- Renvoi à la
commission des pétitions.
______________________
« Le sieur François Greiner propose à la chambre d’établir un impôt de
consommation sur les cuirs, peaux et pelleteries. »
- Dépôt sur le bureau
pendant la discussion du budget des voies et moyens ; ensuite renvoi à la
commission des pétitions.
______________________
« Le sieur Henri Vandieshout, lieutenant-adjudant-major au 5ème régiment de
ligne, né à Deurne-et-Lestel
(Pays-Bas), demande la naturalisation.
- Renvoi à M. le
ministre de la justice.
______________________
« Les brasseurs de Gand et d’Ostende présentent
des observations contre le projet de loi tendant à modifier les bases de
l’impôt sur les bières. »
« Mêmes observations de
la part des brasseurs de Pielle-lez-Malines et des
communes environnantes, de la ville et de l’arrondissement de Courtray, de
Zele, de Wetteren, Calcken et Schellebelle,
Cuesmes et Diest. »
M. Delehaye. - La chambre a décidé
dans une précédente séance que les pétitions ne seraient plus insérées au Moniteur, et cette décision me paraît
très sage ; mais la pétition des brasseurs de Gand renferme des renseignements
très intéressants qui me paraissent mériter une attention spéciale. J’ai donc
engagé les pétitionnaires de faire imprimer leur pétition, et c’est ce qu’ils
ont fait ; mais il n’a pas été possible qu’ils apposassent leur signature sur
les exemplaires imprimés ; cependant, par suite d’une résolution prise par les
questeurs, des pétitions non signées ne peuvent être distribuées aux membres de
la chambre ; je reconnais la convenance de cette résolution, mais je voudrais
que, pour le cas actuel, il y fût dérogé, et que la chambre permît la
distribution de la pétition des brasseurs de Gand.
M.
Rodenbach. - Messieurs, je suis étonné d’apprendre que la
questure ait pris une semblable décision ; il me semble que la distribution
d’une pétition qui peut nous fournir des renseignements utiles n’est pas de
nature à entraîner le moindre inconvénient. La constitution dit que les
pétitions doivent être signées ; eh bien, la pétition des brasseurs de Gand est
signée, et dés lors je ne sais pas pourquoi l’on ne pourrait pas nous en
distribuer des copies à titre de renseignement.
- La chambre décide que
les exemplaires de la pétition pourront être distribués à messieurs les
membres.
__________________________
« Le sieur Wynandt propose d’établir une imposition sur les
remplacements militaires. »
- Dépôt sur le bureau
pendant la discussion du budget des voies et moyens, ensuite renvoi à la
commission des pétitions.
__________________________
« Le conseil communal de Lommel présente des observations
concernant le projet de loi sur le canal de la Campine. »
M. Huveners. - Je demande que
cette pétition soit renvoyée à la section centrale qui sera chargée de l’examen
du projet dont il s’agit. Je demande eu outre qu’elle soit insérée au Moniteur ; elle présente des
considérations fort importantes et qui méritent toute l’attention de la
chambre.
M. de Garcia. - Il y a
quelques jours la chambre a reconnu qu’il est fort inutile d’insérer de
semblables pétitions au Moniteur. Je
crois en effet que lorsqu’une pétition est déposée sur le bureau et renvoyée à
la section centrale qu’elle concerne, cela suffit pour que tout le monde en
prenne connaissance. Dès lors je m’opposerai à l’insertion réclamée.
M. Huveners. - Je conçois que l’insertion
au Moniteur rencontre de
l’opposition, lorsqu’il s’agit d’une pétition ne reproduisant que ce qui est
dit dans d’autres pétitions déjà imprimées ; mais ici il s’agit d’un objet qui
n’a pas encore été traité et qui est assez important pour que les membres de la
chambre s’entourent de tous les renseignements qui peuvent éclairer la
question.
- La proposition de M.
Huveners est mise aux voix et adoptée.
Discussion
des articles
Enregistrement, domaines et forêts
Droits additionnels et
amendes y relatives
«
Enregistrement (30 p. c. additionnels) : fr. 11,000,000.
»
M. le président. - L’ordre du jour rappelle
la suite de la discussion du budget des voies et moyens. Nous en sommes restés
hier à l’article Enregistrement. Le
gouvernement propose de porter les centimes additionnels à 30. M. Verhaegen a
proposé de réduire ces centimes à 26, et de surseoir au vote des 4 centimes
restants, jusqu’après le vote sur le projet de loi concernant la magistrature.
M. Verhaegen a-t-il quelque chose à ajouter aux développements qu’il a donnés à
cette proposition ?
M. Verhaegen. - Pour que mes
honorables collègues ne se trompent pas sur mes intentions, je dois dire à la
chambre que je ne demande pas une allocation spéciale pour les 4 centimes dont
il s’agit ; je désire seulement faire distraire 4 centimes des 30 qui sont
demandés, jusqu’à ce que la chambre ait voté sur le projet de loi concernant la
magistrature.
Je tenais à expliquer
mes intentions cet égard, et maintenant, puisque j’ai la parole, je ne serai
pas fâché d’ajouter une ou deux considérations nouvelles à celles que j’ai fait
valoir précédemment.
Messieurs, d’après ce
que MM. les ministres nous ont déclaré, ils n’ont proposé 4 nouveaux centimes
additionnels sur les droits d’enregistrement qu’en vue de la loi relative à
l’augmentation des traitements des membres de l’ordre judiciaire. C’est là ce
que MM. les ministres nous ont dit dans la dernière séance ; l’exposé des
motifs en fait d’ailleurs mention. Il est évident que dans les sections les
centimes additionnels dont il s’agit n’ont été votés que par sympathie pour
l’ordre judiciaire, qui attend depuis plusieurs années qu’on lui fasse justice
; si ces centimes additionnels n’avaient pas été proposés, je ne dirai pas avec
une affectation spéciale, mais en vue de la loi relative à l’ordre judiciaire,
il est évident que les sections ne les auraient pas adoptés, pas plus qu’elles
n’ont adopté les centimes additionnels sur la contribution foncière, sur la
contribution personnelle, etc. ; il y avait même ici, comme j’ai eu l’honneur
de le dire dans la dernière séance, des motifs plus forts pour ne pas adopter
les 4 centimes additionnels sur le droit d’enregistrement, et vous commettriez
une véritable injustice si vous adoptiez ces centimes, alors que vous avez
rejeté tous les autres.
En effet, messieurs,
les propriétaires qui n’ont pas besoin de vendre ne paieront rien de plus, et
ceux qui ont besoin de vendre, ceux qui sont dans le malheur, paieront quatre
centimes additionnels sur les droits d’enregistrement, et c’est, je pense,
beaucoup plus qu’il n’en faut.
D’un autre côté,
messieurs, il ne faut pas perdre de vue que les propriétaires qui sont dans
l’aisance ont été constamment ménagés il n’est pas mauvais de fixer encore une
fois votre attention sur la loi de 1824, qui a apporté, des changements à la
loi du 22 frimaire an VII et qui a réduit à 1/2 p. c. le droit sur les coupes
de bois et taillis. Si vous voulez frapper le foncier d’une manière quelconque,
il y aurait, messieurs, des motifs très concluants pour revenir sur la loi de
1824, car il semble que ce sont toujours les grands propriétaires, les
propriétaires aisés, dont on soigne les intérêts, tandis que l’on frappe sans
cesse ceux qui, se trouvant dans le besoin, sont forcés de vendre leurs
propriétés. A cet argument messieurs, personne n’y a répondu, et je ne pense
pas qu’on y réponde, car il est péremptoire.
Si donc on a refusé les
centimes additionnels sur le foncier, à plus forte raison doit-on refuser ceux
qui sont demandés sur l’enregistrement.
En dernière analyse,
messieurs, les 4 c. dont il s’agit n’ont été votés dans les sections que par
sympathie pour la magistrature ; si on les votait maintenant pour les appliquer
aux besoins généraux de l’Etat, il est évident que ce serait refuser
l’augmentation des traitements de l’ordre judiciaire ; lorsque, plus tard, nous
insisterions pour obtenir cette augmentation, l’on nous dirait : « Il faut
voter d’abord des ressources. » Ce serait là un excellent moyen pour nous
faire adopter tous les impôts que l’on nous demanderait ; on nous dirait :
« Voilà une loi d’impôt ; si vous n’en voulez pas, vous faites tort à la
magistrature. »
Messieurs, cette
position est inacceptable ; les sections n’ont pas voulu allouer les centimes
additionnels sur le personnel, le foncier, les patentes, etc. ; elles eussent
rejeté aussi les centimes additionnels sur les droits d’enregistrement, etc.,
si le ministère n’avait pas déclaré qu’il demandait cette augmentation pour
pourvoir aux besoins qui résulteront de l’adoption du projet de loi sur la
magistrature. Par mon amendement, je propose donc qu’on réduise à 26 les 30
centimes demandés sur les droits d’enregistrement, etc.
- L’amendement est
appuyé.
M. le président. - La parole
est à M. Rogier.
M. Rogier. - J’y renonce, M. le
président je me proposais de parler dans le même sens que l’honorable M.
Verhaegen.
M. Angillis. - Messieurs, quand
j’ai demandé la parole dans la séance de samedi, c’était pour donner une explication,
afin qu’on n’interprétât pas d’une manière abusive le discours que j’avais
prononcé dans cette séance. En annonçant que je voterais contre les droits
d’enregistrement qui grèvent les hypothèques et les successions, je n’avais
nullement songé à l’augmentation des traitements des membres de l’ordre
judiciaire. Je croyais, comme je le crois encore, que le produit de cette
augmentation aurait été fondu dans la recette de l’Etat, sans aucune
désignation spéciale. Nous avions combattu les 4 c. additionnels sur les droits
d’enregistrement pour des motifs tout différents ; ces motifs, nous les avons
exposés à la chambre. Dans notre discours de samedi, que la chambre me permette
de les lui rappeler sommairement, je disais entre autres :
« L’enregistrement
est un impôt accablant, car rien n’échappe à son contrôle ; ii frappe toutes
les mutations et partages des propriétés mobilières et immobilières ; il suit
le mouvement de tous les capitaux ; il lève un impôt sur toutes les actions
sociales, et à l’aide de la loi sur les successions, le fisc n’abandonne son
homme que 6 mois et 12 semaines après son décès.
« La
loi du 24 mai 1824 a doublé plusieurs droits fixes, qui frappent principalement
la classe ouvrière ; celle du 30 janvier de la même année a rendu les
transcriptions hypothécaires obligatoires, de facultatives qu’elles étaient.
Sous le gouvernement belge. le prix des timbres a été
considérablement augmenté, ainsi que les solidarités, et les amendes et les
transcriptions hypothécaires doublées, et les droits sont encore augmentés par
le renouvellement des inscriptions ; un impôt aussi exorbitant, qui pèse sur
toutes les relations de la société, qui est perçu avec une rigueur inouïe, on
voudrait encore l’augmenter.
« Une
autre considération, messieurs, c’est que les droits d’enregistrement devront
porter sur les transactions de toute nature entre les hommes. La loi qui en
règle la perception est nécessairement subordonné aux lois civiles ; or la loi
du 22 frimaire an VII, qui est de beaucoup antérieure à la promulgation du Code
civil, loi qui été faite pour une législation qui existait en l’an VII, ne peut
s’appliquer que très difficilement et par de simples analogies, souvent sans
application à notre législation actuelle. De cet état de choses résultent des
contestations nombreuses pour régler les droits, des procès ruineux pour les
contribuables et scandaleux pour le fisc.
« Toutes
ces causes, les difficultés continuelles, de l’application d’une loi faite pour
un autre temps, ainsi que de nombreuses décisions bien ou mal rendues, aux cas
particuliers, la rigueur de l’interprétation, et les procédures poursuivies
presque toujours par l’administration jusqu’en cassation, sollicitent, non pas
une aggravation de l’impôt, mais une bonne révision de cette matière
importante. »
J’avais
dit aussi quelques mots sur les droits de succession ; j’ajournerai les
nouvelles observations que j’ai à présenter à cet égard jusqu’à ce que la
disposition présentée par M. le ministre ait été mise en discussion.
Messieurs,
je tenais beaucoup à faire ces observations, parce qu’après avoir lu ce que
j’ai dit, ainsi que les discours qui ont été prononcés par d’autres orateurs,
le public serait tenté de croire que je voulais m’opposer à toute augmentation
de traitements des membres de l’ordre judiciaire ; je suis loin d’avoir cette
opinion ; car du moment que la proposition sera mise en discussion, je serai le
premier à voter pour, mais l’idée de faire supporter cette augmentation par un
impôt spécial, me paraît assez singulière.
La justice
est la première dette de la nation ; elle est due à tous les individus, sans
exception, sans privilège ; si donc la justice est due à la généralité de la
nation, c’est la généralité de la nation qui doit contribuer à payer les frais
de cette justice.
Je désire
donc qu’on aborde la proposition relative à l’ordre judiciaire, mais je ne veux
pas que, pour couvrir cette dépense, on assigne une recette spéciale.
Voilà les
seules observations que j’ai cru devoir faire.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Je
dois présenter à la chambre quelques observations en réponse au discours qui a
été prononcé par l’honorable M. Verhaegen.
Messieurs,
pour bien apprécier la question, il faut se replacer à l’époque à laquelle le
projet de loi ayant pour objet d’augmenter les traitements des membres de
l’ordre judiciaire, a été déposé.
Nous
étions partis en 1842 de l’idée qu’i1 y avait un parfait équilibre entre les
recettes et les dépenses du budget. Le gouvernement vous a présenté une loi pour
augmenter les traitements des membres de la magistrature ; il devait en
résulter une dépense de 5 à 600,000 francs ; par suite de cette augmentation de
dépense, l’équilibre devait être nécessairement rompu.
Qu’a fait
le gouvernement ? Par un autre projet de loi, il vous a demandé d’augmenter les
ressources de l’Etat ; mais il n’y avait pas dans la loi présentée pour majorer
les centimes additionnels sur les droits d’enregistrement et de succession, une
affectation spéciale à l’augmentation des traitements des membres de l’ordre
judiciaire : cette augmentation de dépense devait, dans notre pensée, être
imputée sur les recettes générales du royaume. Cette condition est encore la
même. Si l’on refuse aujourd’hui les centimes additionnels, il en résultera que
le déficit sera d’autant plus considérable. Si, au contraire, la chambre vote
les centimes additionnels, le découvert étant plus restreint, vous pourrez vous
occuper, dans le courant de la session, de l’examen du projet de loi relatif à
la magistrature, et vous devrez nécessairement alors aviser aux moyens de faire
face à la dépense qui en résultera.
Messieurs,
ces courtes réflexions étaient nécessaires pour prouver qu’il n’y a pas lieu
dans mon opinion d’ajourner les 4 c. additionnels, dont le produit doit faire
partie des recettes générales du royaume, et faciliter le paiement de
l’augmentation des traitements des membres de l’ordre judiciaire.
M. Savart-Martel. -
Messieurs, ce que je voulais dire samedi, appuie aujourd’hui l’amendement de
l’honorable M. Verhaegen.
J’ai
entendu avec étonnement mettre en doute la nécessité de statuer promptement sur
les traitements de l’ordre judiciaire qu’on voudrait renvoyer aujourd’hui à un
temps indéfini. Plusieurs et notamment, le juge de paix, sont salariés, on le
sait, moins que de simples commis d’administration. La nécessité d’augmenter
leurs traitements n’est plus une question. Elle a été avouée, reconnue,
déclarée même par le gouvernement, qui nous a soumis un projet à cette fin. Le
centime qu’on nous demandait l’avait été en vue de l’augmentation. Je n’ai donc
pas besoin de faire valoir ici les droits de la magistrature. Nous devons
admettre les conséquences de ce principe, qi est pour nous une vérité
démontrée.
Les
refuser, serait une injustice ; les entraver, serait déloyal. Que dirait-on si,
sous prétexte d’un déficit apparent, on proposait d’ajourner une partie
quelconque des traitements des préposés, soit du département des finances, soit
du département de la guerre, soit de celui de l’intérieur ? Cette proposition
n’aurait aucun appui dans cette chambre.
Pourquoi
donc l’appliquer au personnel de l’ordre judiciaire ? Ce n’est point une
libéralité, c’est un acte de justice que nous réclamons.
Je vois
donc avec peine que le ministère qui a lui-même proclamé le principe, semble en
refuser aujourd’hui les conséquences. Loin de moi l’idée de mauvaise intention,
mais, d’après ce qui se passe, le public pourrait croire que la chambre se
serait attiré ce refus par son rejet de centimes additionnels dont on voulait
augmenter encore la contribution foncière et la contribution personnelle. Dans
l’état actuel des choses, et sauf que j’entende un autre langage que celui de
notre dernière séance, je refuserai les centimes additionnels sur les droits de
greffe et d’enregistrement, comme tous les autres additionnels.
Quelques personnes, messieurs, ont traité et traitent assez
cavalièrement l’ordre judiciaire. Mais la magistrature est un des premiers
corps de l’Etat.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Personne n’a traité cavalièrement la magistrature.
M. Savart-Martel. - La
chambre se rappellera la finale de la séance de samedi dernier, il est inutile
de revenir là-dessus, les tribunaux sont un des premiers corps de l’Etat et
sans les tribunaux vous n’auriez pas dix centimes dans votre caisse. J’espère
que la proposition de M. Verhaegen sera appuyée, mon intention est de voter
pour son adoption.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb). -
J’ignore si dans cette chambre on a traité cavalièrement l’ordre judiciaire. Je
pense qu’on n’a jamais parlé ici qu’avec respect de la magistrature. Ne
déplaçons pas la question ; nous avons un déficit avoué par la section centrale
de un million 700 mille francs ; pour cela il faut considérer comme ressources
générales ordinaires de l’exercice de 1843 593,845 fr., produits des 4 centimes
additionnels sur les droits d’enregistrements, de greffe et de succession, Si vous
n’admettez pas ces centimes additionnels, vous aurez un déficit d’environ 1,700
mille francs.
Nous
n’avons pas porté au budget des dépenses l’augmentation des traitements de
l’ordre judiciaire ; nous ne pouvions pas le faire, la loi n’étant pas votée. Nous
nous sommes engagés à discuter le plus tôt possible différentes lois spéciales
qui doivent nous procurer de nouvelles recettes. Ces lois spéciales, devant
donner des produits nouveaux, sont destinées à couvrir le déficit de un million
70 mille fr. et de plus à pourvoir aux nouvelles dépenses que nous serions dans
le cas d’autoriser, entre autres, à l’augmentation de traitement de l’ordre
judiciaire ; c’est sur le produit de ces nouvelles lois spéciales, sur le
résultat de cette révision financière, que nous devons compter non seulement
pour couvrir le déficit, mais aussi pour faire face aux nouvelles dépenses pour
l’ordre judiciaire.
Dans la
dernière session, le gouvernement vous a présenté une loi tendant à augmenter
le traitement des membres de l’ordre judiciaire. Si vous voulez vous reporter à
cette époque vous reconnaîtriez que le gouvernement ne pouvait, à moins
d’imprévoyance, vous proposer de nouvelles dépenses sans créer en même temps
des voies et moyens pour 1842. Il n’a pas donné une affectation spéciale,
permanente aux quatre centimes. Ceci est tellement vrai que si la loi sur
l’ordre judiciaire avait été votée et que des membres eussent indiqué un autre
revenu pour couvrir la dépense, cet autre moyen aurait pu être accepté.
Il n’y
avait pas de corrélation nécessaire entre les deux projets.
Il
s’agissait de rétablir momentanément l’équilibre entre les recettes et les
dépenses, comme l’a dit M. le ministre des finances.
La question
comme elle se présente aujourd’hui n’a plus aucun rapport avec la loi sur
l’ordre judiciaire, c’est une question qui se présente sous un tout autre point
de vue. La seule question à examiner est celle-ci : Les droits
d’enregistrement, de greffe et de succession sont-ils susceptibles d’une
augmentation de quatre centimes additionnels ?
Quant à
l’ordre judiciaire, c’est une question qui aura son sort comme toutes les
questions. Si la loi est adoptée, nous examinerons si nous avons les moyens de
faire face immédiatement à la nouvelle dépense. Si vous n’avez pas ces moyens,
vous assignerez un terme où vous croirez l’existence probable de ces moyens.
C’est là ce que vous devrez faire quand vous vous occuperez de la loi sur
l’ordre judiciaire. Aujourd’hui la seule question à examiner est celle de
savoir si les droits de greffe, d’enregistrement et de succession sont
susceptibles d’augmentation. S’ils ne sont pas susceptibles d’augmentation,
vous rejetterez les 4 centimes qu’on vous demande, et vous augmenterez d’autant
le déficit, si vous trouvez ces droits susceptibles d’augmentation en
considérant la chose en elle-même, vous accorderez ces 4 centimes, et le
déficit ne sera plus que de un million 70 mille fr., comme l’a calculé la
section centrale.
La question
de l’ordre judiciaire ne se présente plus comme elle se présentait en juin ou
mai dernier, quand vous avez été saisis du projet. Nous sommes en présence de
l’exercice 1843, un déficit vous est signalé ; la question est de savoir s’il
faut l’augmenter, le rendre plus considérable, oui ou non ; la corrélation qui
existe, c’est entre le déficit de 1843 et les centimes additionnels.
M. Devaux. - Messieurs, il
est licite, il est même assez naturel que les opinions divergent sur la loi
relative à l’augmentation du traitement des membres de l’ordre judiciaire.
On
comprend que sur cette question on puisse faire valoir des considérations en
sens opposé. J’ai besoin moi-même d’attendre la discussion pour me fixer sur
l’extension plus ou moins grande à donner à cette augmentation.
Mais ce
que je demande, c’est que cette question soit sérieusement abordée, et ne soit
pas préjugée incidemment. C’est précisément ce qu’on vous propose de faire.
L’année dernière, un projet de loi fut présenté par le ministère pour augmenter
le traitement des membres de l’ordre judiciaire, et en même temps on vous
présenta un projet de loi créant les moyens d’y faire face.
Ces
moyens sont précisément les centimes additionnels sur lesquels nous discutons
actuellement. Pourquoi ces centimes ont-ils été choisis de préférence ? Parce
que, selon le gouvernement, il y avait corrélation entre la dépense qu’on
allait faire pour la magistrature et l’enregistrement, les droits de greffe et
de succession, toutes matières dont les tribunaux s’occupent, tous intérêts qui
leur sont soumis plus ou moins directement. Il y avait donc dans ce choix une
intention spéciale.
Maintenant
le gouvernement a inséré dans son budget non comme recettes extraordinaires,
mais comme moyens permanents ces centimes dont nous nous occupons.
Qu’est-ce
à dire ? que le gouvernement préjugeait d’abord les
questions dans un sens favorable à la magistrature, que le projet de loi qui
vous est présenté ne devenait plus qu’une formalité, les moyens de couvrir la
dépense étant faits d’avance. Les sections ont été extrêmement favorables à
l’augmentation du traitement de la magistrature, à tel point que les centimes
additionnels, destinés à y faire face, ont surnagé dans le naufrage général des
centimes additionnels. Si cela n’avait été l’intention des sections, pourquoi
les droits d’enregistrement auraient-ils été frappés de 4 centimes additionnels
préférablement à tous les autres impôts ? Ne sait-on pas que l’enregistrement
est une charge très onéreuse et funeste pour la propriété immobilière ?
Vous
achetez une propriété de 100 mille francs si vous la revendez au bout d’un an,
d’un mois, ou moins encore, sans que rien soit changé
dans sa valeur, vous êtes forcé de subir une perte de dix mille francs, grâce
aux droits et frais qui pèsent sur la vente. La propriété foncière souffre de
plus de ce que cette élévation des droits tend à l’immobiliser.
L’immobilisation empêche toute spéculation de se porter de ce côté, et a pour
résultat de supprimer une grande partie des services que peut rendre cette
grande fraction du capital national.
Si donc
dans les sections on a accordé les 4 centimes sur cet impôt, c’est parce qu’on
voulait faciliter l’adoption du projet de loi relatif à la magistrature.
II serait
difficile aux membres de la section centrale de donner d’autres raisons que
celle-là. Or, qu’est-ce que le gouvernement propose maintenant ? De voter ces
centimes pour faire face aux autres besoins du trésor. Qu’en résulterait-il ?
Que la magistrature serait dans une position plus mauvaise que si aucun projet
n’avait été présenté dans son intérêt.
En effet,
si ce projet n’avait pas été présenté, personne n’aurait songé à faire
ressource pour le budget actuel d’additionnels sur l’enregistrement, les droits
de greffe et de succession. Ces voies et moyens seraient restés disponibles
pour le moment où l’on aurait voulu augmenter le traitement des magistrats.
Si on
adopte aujourd’hui les 4 centimes, quand viendra la discussion de la loi de
l’ordre judiciaire, on opposera une fin de non-recevoir au projet, en objectant
qu’il n’y a plus de moyens pour couvrir la dépense, ceux que le gouvernement
avait trouvés et qui étaient corrélatifs ayant été appliqués par vous aux
autres besoins de l’Etat : on vous propose donc tout simplement aujourd’hui
d’éconduire la magistrature par un détour, et sans discuter les réclamations
élevées en sa faveur et en faveur de laquelle le gouvernement lui-même avait
présenté un projet, qu’il détruit de ses propres mains.
Je le
répète, il faut traiter la magistrature avec plus de gravité. Il faut discuter
cette question d’augmentation de traitement sérieusement, franchement. Si on
veut la combattre, il faut la faire de front, et non la trancher sans
l’examiner par un moyen détourné.
Je suis
donc d’avis qu’il y a lieu d’ajourner les 4 centimes additionnels, afin de
laisser la question entière et de n’en rien préjuger.
Il faut, je le répète, aborder cette question franchement et d’une
manière digne de la magistrature elle-même. La magistrature, après tout, ne
nous a rien demandé. Nous devons la respecter et la faire respecter dans le
pays et non la jouer ou la repousser comme une mendiante.
M. Demonceau, rapporteur. - Ma position
est expressément délicate, mais je ne vous ai pas caché mon opinion. C’est que
si vous voulez faire respecter la magistrature et l’honorer, c’est de lui
donner un traitement sur les fonds généraux de l’Etat ; et c’est dans ce sens
que j’ai raisonné au sein de la section centrale.
Plusieurs membres. - Nous
le voulons aussi.
M. Demonceau, rapporteur. - Vous
le voulez, dites-vous. Eh bien, je vais vous prouver que vous voulez indemniser
la magistrature au moyen d’une augmentation d’impôt. Voici mon raisonnement :
ou il y a possibilité d’admettre des centimes additionnels aux droits
d’enregistrement, de greffe et de successions ; ou il n’y a pas possibilité. Si
cette possibilité existe, on peut affecter ces centimes additionnels aux
dépenses générales de l’Etat, comme payer les traitements de la magistrature ;
si cette possibilité n’existe pas, il ne peut y avoir d’affectation à
l’augmentation des traitements des membres de l’ordre judiciaire. Pour moi, je
pense que, dans l’intérêt de la dignité de la magistrature, il ne peut y avoir
d’affectation spéciale. Je ne suis pas ici le seul magistrat. Si j’exprime une
opinion isolée, je prie mes honorables collègues de s’en expliquer.
M. de Garcia. - Je
demande la parole.
M. Demonceau, rapporteur. - Vous
voulez honorer la magistrature, vous devez donc vouloir lui faire une bonne
position. Le seul moyen de lui faire une bonne position est qu’il y ait le
moins de vide possible dans les caisses. Du reste, je le répète, s’il y
possibilité d’affecter 4 c. additionnels aux droits d’enregistrement, de greffe
et de succession, à l’augmentation des traitements de l’ordre judiciaire, vous
ne pouvez sortir de là, il y a possibilité de les affecter aux dépenses
générales du royaume.
M. de Mérode. - Messieurs, j’ai
l’intention d’améliorer la position de l’ordre judiciaire ; cependant il m’est
impossible de voter des augmentations de charges pour le trésor avant que nous
ne soyons parvenus à équilibrer complètement, et non pas d’une manière fictive,
les recettes et les dépenses Quand nous y serons parvenus, j’admettrai
volontiers un surcroît de traitement pour les membres de la magistrature. Le gouvernement
a parfaitement raison de vous dire qu’il attend le résultat des votes sur les
divers projets de loi d’impôts, dont l’acceptation ou le rejet constatera la
situation ultérieure du trésor ; et cette situation doit être le régulateur de
nos dépenses. Si les dépenses et les recettes s’équilibraient maintenant, je
comprendrais parfaitement qu’on dît : Nous voterons une augmentation de
traitement pour la magistrature puis nous verrons quel sera le moyen de ne pas
troubler l’équilibre entre les recettes et les dépenses ; nous trouverons ce
moyen dans une augmentation sur l’enregistrement ; dès lors il n’y aurait rien
d’appliqué spécialement à l’augmentation des traitements des membres de l’ordre
judiciaire. Mais ici on veut nous obliger d’avance à donner une affectation
spéciale à une recette. Cela ne se peut pas. Je considère ce moyen comme
impossible. Je ne voudrais l’appliquer à aucune espèce de dépense.
Je pense
que ceux qui veulent l’augmentation des traitements des membres de l’ordre
judiciaire doivent voter pour les centimes additionnels, parce que c’est un
moyen de mettre l’équilibre entre les recettes, et les dépenses. Divers moyens
sont proposés ; quand ils seront adoptés nous en appliquerons une partie à
l’augmentation des traitements de l’ordre judiciaire.
Il n’y a
là ni comédie, ni subtilité ; c’est le véritable but que je veux atteindre que
je viens d’indiquer.
M. Meeus. - Je ne saurais
comprendre la corrélation qu’on s’efforce d’établir entre le vote des 4
centimes additionnels aux droits d’enregistrement, etc., et le vote sur
l’augmentation de traitement des membres de l’ordre judiciaire. Les efforts que
l’on fait dans ce but sont, à mon avis, très imprudents ; car beaucoup de
membres (et je suis de ce nombre) ne veulent pas des 4 centimes additionnels
aux droits d’enregistrement et d’autres produits. Est- ce à dire que je ne
veuille pas augmenter les traitements des membres de l’ordre judiciaire ? Mais
au contraire, je le déclare, je suis partisan de cette augmentation. Cependant
je ne veux pas l’augmentation de 4 centimes additionnels sur l’enregistrement,
etc. ; et je vais vous dire, en peu de mots, pourquoi je ne veux pas cette
augmentation. C’est parce que je crois que ce n’en sera pas une, parce que
c’est ici le cas de dire qu’en fait d’impôts, deux et deux ne font pas quatre.
Les
droits d’enregistrement, dans mon opinion, sont déjà trop élevés en Belgique ;
il se fait déjà une fraude scandaleuse ; et d’ailleurs, remarquez-le bien, s’il
y a un droit qui doive être variable de sa nature, c’est le droit
d’enregistrement ; car si les propriétaires pouvaient croire que le droit dût
varier, vous les engageriez par cela même à la fraude ; s’ils pouvaient croire
que l’an prochain le droit dût diminuer, ils passeraient des actes sous seing
privé, et ne passeraient l’acte authentique que plus tard. Il ne faut pas se
faire d’illusion sur les droits d’enregistrement. Ce droit a considérablement
augmenté en Belgique depuis quelques années. Aussi je crois que nous sommes
arrivés à ce point, qu’ils vont aller d’année en année en diminuant.
Si vous
rendez le droit en quelque sorte variable, vous offrez ainsi un appât à la
fraude ; vous augmentez cette tendance à la fraude, qui existe déjà.
Pourquoi est-il
probable que les droits d’enregistrement qui sont augmentés depuis quelques
années diminueront désormais ? J’en indiquerai trois causes principales :
1° Tous
les riches domaines que possédait la Belgique ayant été cédés au syndicat,
toutes ces propriétés sont entrées dans le commerce, peu avant la révolution de
1830.
2° Un
établissement, possédant des bois en Belgique, les a vendus depuis 1830 ;
5° Depuis
1830, les propriétaires étrangers ont réalisé les biens qu’ils possédaient en
Belgique, ils en ont réalisé, depuis 1830, pour au-delà de cent millions.
Si je
cherche une 4° cause, je trouve que les travaux d’utilité publique que le
gouvernement fait faire depuis quelques années ont nécessité une quantité de
mutations.
Voilà
toutes causes qui ne sont que temporaires. Les grands biens se sont vendus ;
ils sont passés en secondes mains, ils sont placés maintenant ; il n’est pas
probable qu’ils donnent lieu désormais, en général, à des droits
d’enregistrement.
Remarquez
que, dans les cas que je viens d’énoncer, la fraude n’a pas été possible. Celui
qui achète une grande quantité de biens-fonds ne fraude pas, parce qu’il n’en a
pas le temps, et parce qu’il a à peine acheté qu’il revend en détail. Pour les
aliénations qui ont été nécessitées par les travaux publics. Il n’y a pas eu de
fraude il n’y en a pas eu non plus pour les biens vendus par les étrangers ;
car celui qui achète à un étranger, ne connaissant pas bien la solvabilité du
vendeur, veut un contrat parfaitement en règle. Mais quand on contracte avec
les nationaux, la fraude est plus facile. On conçoit que cela doit amener une
diminution dans les droits d’enregistrement.
Dans cet
état de choses, il faut prendre garde d’augmenter l’impôt. On croit qu’avec des
centimes additionnels le produit sera plus fort. Il est possible que je me
trompe ; mais je crois qu’on obtiendra un résultat contraire.
Quoique
je repousse les centimes additionnels, je veux, ainsi que je l’ai dit,
l’augmentation de traitement des membres de l’ordre judiciaire. J’espère que bientôt le projet de
loi sera mis en discussion ; et je voterai pour son adoption. Quand la loi sera
votée, s’il y a déficit, ce ne sera pas plus à cause des traitements de la
magistrature qu’à cause de ceux des autres fonctionnaires de l’Etat. Je ne
connais qu’un budget général des recettes et des dépenses. Déjà, d’après le
rapport de la section centrale, il y a un déficit d’un million ; eh bien, il
sera de 1,300,000 francs ; d’ici la fin de l’année le
gouvernement pourra aviser à combler le déficit.
J’ai dit de quelle manière j’entends voter. J’ai cru devoir m’en
expliquer, afin qu’on puisse prendre le change.
M. Verhaegen. - Il y a dans ce
que vient de dire l’honorable M. Meeus quelque chose de vrai. Je vais profiter
de ses observations, pour mettre tout le monde à l’aise, ceux-là même qui
croiraient avoir quelqu’intérêt dans la question. En
agissant ainsi, je ne ferai pas tort à ma proposition première, parce que, dans
l’opinion de tous mes collègues, la question sera sauve, et les moyens pour
faire face aux augmentations d’appointement des magistrats seront réservés.
Pourquoi
avais-je proposé d’abord de décider qu’il fût sursis au vote des 4 centimes
additionnels ? Parce que le gouvernement lui-même m’avait indiqué ce moyen. En
présentant le projet de loi relatif aux 4 centimes additionnels sur les droits
d’enregistrement, de greffe et de successions, il s’est exprimé ainsi dans
l’exposé des motifs :
« La
nécessité d’améliorer le sort de la magistrature est généralement reconnue.
Depuis longtemps cette amélioration a été réclamée dans cette enceinte, et le
dernier discours du trône l’a signalée comme faisant l’objet de l’attention
particulière du gouvernement du Roi.
« Pour
pouvoir augmenter les traitements des magistrats de l’ordre judiciaire et de la
cour des comptes, il importe de créer au budget des voies et moyens une
ressource d’environ 500,000 francs, qui ne peut être obtenue que par une
augmentation d’impôts ; et c’est aux impôts d’enregistrement, de greffe,
d’hypothèque et de succession que le gouvernement croit devoir demander ce
supplément de produits.
« Les
transactions de la vie civile et les transmissions de biens entre-vifs et pour
cause de mort, auxquelles s’appliquent les impôts que nous venons de nommer,
sont précisément aussi les principaux éléments sur lesquels opère
l’administration de la justice, les uns et les autres empruntent leur force,
reçoivent leur sanction du pouvoir judiciaire ; toutes les conventions
s’exécutent non seulement par l’action, mais encore et surtout sous l’influence
du même pouvoir. A ce point de vue, il doit paraître rationnel de faire peser
sur les éléments productifs des droits d’enregistrement, de greffe,
d’hypothèque et de succession, le surcroît de dépense reconnu nécessaire pour améliorer
le sort de la magistrature. »
Voilà
donc les raisons qui ont engagé le gouvernement à proposer les 4 centimes
additionnels sur l’enregistrement. D’où j’ai le droit de tirer la conséquence,
que, si le gouvernement n’avait pas eu en vue le projet concernant la
magistrature, il n’aurait pas demandé les 4 centimes additionnels sur
l’enregistrement.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - En
juin dernier.
M. Verhaegen. - Je dois le dire,
la question qui se traite en ce moment est devenue une question de bonne foi ;
parce que, encore une fois, si on n’avait pas eu égard au projet de loi
présente par M. le ministre de la justice, qui semble aujourd’hui
l’abandonner...
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Pas du
tout.
M. Verhaegen. - Pas du tout ;
mais il ne sort pas un mot de la bouche de M. le ministre pour venir à notre
secours, alors que nous parlons de la magistrature ; si, dis-je, on n’avait pas
eu égard à ce projet, on n’aurait pas alloué les 4 nouveaux centimes sur
l’enregistrement.
On
propose ces 4 centimes additionnels aux sections ; et les sections qui ont
leurs sympathies pour l’ordre judiciaire y donnent leur assentiment.
Croyez-vous, messieurs, que ces 4 centimes additionnels aient été mis sur la
même ligne que ceux proposés sur le foncier, sur le personnel et sur les
patentes ? Pas le moins du monde. Les centimes additionnels sur le foncier, le
personnel et les patentes se trouvaient compris dans l’art. 2, et ce n’était
que des centimes additionnels temporaires. Veuillez bien le remarquer, et je me
permets d’ajouter ici un mot à l’argument très saillant qu’avait fait valoir
l’honorable M. Devaux.
Les
centimes additionnels sur le foncier, le personnel et les patentes étaient des
centimes extraordinaires ; l’art. 2 du projet de budget des voies et moyens
porte : « Il sera perçu pour 1843, seulement
:
« 1°
7 nouveaux centimes additionnels sur le principal de la contribution foncière ;
« 2°
10 nouveaux centimes additionnels sur le personnel. »
Les 4
centimes additionnels sur l’enregistrement étaient au contraire des centimes
additionnels permanents.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Non.
M. Verhaegen. - On me dit non.
Mais je trouve, art. 3 du projet :
« A
partir du 1er janvier 1843, les centimes additionnels sur les droits
d’enregistrement, de greffe, d’hypothèque, et de succession seront rétablis à
leur ancien taux. En conséquence 4 centimes additionnels seront ajoutés à ceux
existants. »
On ne dit
pas : à partir du 1er janvier jusqu’à telle époque, mais on établit ces 4
centimes d’une manière permanente.
Ainsi, quand
je prends les motifs que le gouvernement a donnés à la chambre, lors de la
présentation de son projet de loi, et quand je les compare avec les
dispositions de la loi même, il est évident que les 4 centimes additionnels sur
l’enregistrement n’avaient été proposés qu’en vue de l’augmentation des
traitements de la magistrature.
Maintenant
l’honorable rapporteur de la section centrale m’a fait une interpellation, il
m’a demandé si je comprenais bien la position de la magistrature dont je
soutenais les droits, si je conservais intacte la considération dont elle doit
jouir. Mais, messieurs l’honorable M. Demonceau n’y a pas songé, je pense.
Qu’ai-je fait moi ? J’ai suivi les errements posés par le gouvernement.
M. Demonceau, rapporteur. - Il
avait tort.
M. Verhaegen. - Le gouvernement
a donc eu tort d’avoir agi comme il l’a fait, et si vous critiquez la marche
que j’ai suivie, vous devez commencer par critiquer la marche du gouvernement.
M. Demonceau, rapporteur. - C’est
ce que j’ai fait.
M. Verhaegen. - Mais laissons là
ces critiques. Quelle est messieurs, notre position véritable ? C’est que le
gouvernement n’eût pas présenté les 4 centimes additionnels sur
l’enregistrement s il n’avait pas eu égard à l’augmentation des traitements de
la magistrature. Eh bien, s’il n’est plus question pour le moment de
l’augmentation des traitements de la magistrature, qu’il ne soit donc plus
question des 4 centimes additionnels ; laissons la question indécise, et comme
il y a plusieurs membres qui, tout en étant favorable à la magistrature, ne
voudraient pas des voies et moyens qui avaient été proposés pour y faire face,
et entre autres, l’honorable M. Meeus, qui nous a dit vouloir voter
l’augmentation pour le traitement de la magistrature, mais repousse les 4
centimes additionnels sur l’enregistrement ; laissons la question intacte ; ne
faisons ni affectation, ni prévisions, laissons les choses comme si elles
n’avaient pas eu lieu ; remettons-nous dans la position où nous aurions été si,
dans le budget des voies et moyens, on n’avait pas parlé de 4 centimes
additionnels sur l’enregistrement en raison de l’augmentation des traitements
de la magistrature.
Ne
parlons dans le budget des voies et moyens ni de l’augmentation des traitements
des membres de l’ordre judiciaire, ni des 4 centimes additionnels sur
l’enregistrement, et tout le monde restera dans ses droits, la question sera
sauve.
On vous a
dit, et je termine par là, que la question se réduisait aujourd’hui au point de
savoir si les 4 centimes additionnels sur l’enregistrement peuvent être
alloués, abstraction faite des besoins de la magistrature, si l’enregistrement
peut encore être frappé de 4 centimes additionnels nouveaux. Mais je n’ai cessé
de demander à tous ces messieurs de la section centrale et surtout à
l’honorable rapporteur, quelles raisons on avait eu d’allouer les 4 centimes
sur l’enregistrement et les hypothèques, et de ne pas allouer ceux demandés sur
le foncier, le personnel et les patentes. Quelle est la raison de différence
avec la section centrale ? Je supplie ces messieurs de me l’expliquer. Nous, au
contraire, et l’honorable M. Meeus vient de corroborer ce que nous avions dit à
cet égard, nous avons donné des raisons pour démontrer qu’il y avait des motifs
plus forts pour rejeter les centimes additionnels sur l’enregistrement qu’il
n’y en avait pour rejeter ceux demandés sur le foncier, le personnel et les
patentes. Et si l’on nous disait : mais vous qui voulez de l’augmentation des
traitements de la magistrature, vous devez voter tous les impôts que l’on
présente, je demanderais à mon tour à l’honorable M. Demonceau pourquoi il n’a
pas voté les centimes additionnels sur le foncier, sur le personnel et sur les
patentes. Si chaque fois que nous ne pouvons admettre un impôt, on venait nous
dire : vous qui ne votez pas les voies et moyens, vous êtes contraires à la
magistrature, ce serait un moyen de faire voter tous les impôts, ce serait un
argument universel que l’on emploierait contre ceux qui veulent l’augmentation
des traitements des membres de la magistrature.
D’après ces considérations, pour mettre tout le monde à son aise, je
retranche de mon amendement ces mots : et
de surseoir au vote des 4 centimes restant jusqu’après le vote sur le projet de
loi concernant la magistrature, et je le réduis à ces mots : je propose de réduire les 30 centimes
additionnels à 26.
M. le ministre de la justice (M. Van Volxem) -
Messieurs, le cabinet, et le ministre de la justice en particulier, ont assez
fait connaître leur opinion au sujet des traitements des membres de l’ordre
judiciaire. Ils ont fait une manifestation publique sur la nécessité qu’ils
croyaient exister d’augmenter ces traitements. Le projet de loi qui vous a été
présenté donne toute conviction à cet égard.
On m’a
fait un reproche de ce que je ne m’associe pas à ceux qui réclament dans ce
moment en faveur de l’ordre judiciaire. Mais j’ai eu l’honneur de déclarer que
j’étais prêt à entamer la discussion du projet. La magistrature ne réclame pas,
quoiqu’elle souffre de l’exiguïté des traitements, la magistrature est trop
pénétrée du sentiment de sa dignité, pour faire entendre des réclamations ; et,
je dois le dire, celles que l’on fait ici en son nom, ne sont pas de nature à
augmenter sa considération au dehors. Voila le motif pour lequel je ne me suis
pas associé à toutes les instances qui ont été faites.
Je
souhaite, plus que personne, que la discussion du projet que je vous ai
présenté, ait lieu prochainement ; je souhaite aussi que la loi adoptée puisse
être mise à exécution au 1er janvier prochain. Mais il est indispensable
d’examiner auparavant quelle est la situation financière du pays. Car lorsqu’il
n’y a pas d’argent, il est impossible de satisfaire à des charges nouvelles, et
l’augmentation des traitements de la magistrature serait véritablement une
charge nouvelle.
En
faisant cette observation, je n’entends pas dire que cette charge ne serait pas
bien juste, Au contraire, je pense que ce serait une dépense extrêmement juste,
extrêmement équitable, indispensable.
Quatre
centimes additionnels sur les droits d’enregistrement, de greffe et de
succession, ont été demandés dans le courant de 1842 comme moyen de faire face
aux dépenses qu’aurait entraînées l’adoption du projet de loi. Comme vous l’a
dit M. le ministre des finances, le budget de l’exercice 1842 était
parfaitement en équilibre dans l’opinion du cabinet ; l’équilibre étant rompu,
il fallait un moyen de faire face à la dépense nouvelle.
Maintenant
on vous propose le rejet de 4 centimes additionnels sur la matière qui avait
été reconnue par le cabinet comme susceptible d’être augmentée. Eh bien, si ce
système était adopté, si l’amendement de l’honorable M. Verhaegen était admis,
il en résulterait que le déficit reconnu par la section centrale, malgré cette
prévision d’augmentation de recette, ne serait plus de 1,070,000
fr. mais bien d’environ 2,200,000 fr. En effet, d’un côté on n’a pas porté en
dépense, et l’on n’a pu y porter un centime pour l’augmentation des traitements
des membres de l’ordre judiciaire. évaluée de 5 à 6
cent mille francs. D’un autre côté on raierait les 600,000 francs environ que
devraient produire les 4 centimes additionnels sur les droits de greffe,
d’enregistrement et de succession ; ces sommes combinées ensemble produiraient
un déficit de 2,200,000 francs.
Comme je
l’ai dit, je désire que la loi soit votée, et rien n’empêche de la voter. En
supposant même qu’elle ne pût être mise à exécution au 1er janvier prochain, il
serait encore utile de la voter, afin de faire cesser toutes les observations
qui ont eu lieu à cet égard, et afin que la magistrature puisse savoir quelle
sera désormais sa position. Je suis donc très loin de reculer devant cette
discussion et d’abandonner le projet, bien qu’il soit possible, je le dis à
regret, que la loi ne puisse être immédiatement mise à exécution.
M. Rogier. - Messieurs, je
vois avec peine le système suivi par le ministère dans cette question, qui est
une question toute de bonne foi. Quant à moi, messieurs, je puis parler ici
avec une sorte de désintéressement ; je ne suis pour rien dans la proposition
qui tend à augmenter les traitements des membres de l’ordre judiciaire ;
jusqu’à présent, je n’ai pas même d’opinion bien arrêtée à cet égard ; je
désire voir améliorer le sort de la magistrature comme celui de tous les
fonctionnaires publics qui auraient les mêmes titres à votre sollicitude ;
toutefois, je me réserve mon vote dans cette importante question. Mais enfin le
gouvernement a, lui, une opinion faite sur la question ; le gouvernement est
venu proposer, dans le courant de l’année dernière, l’augmentation des
traitements de l’ordre judiciaire et en même temps il a proposé une loi d’impôt
destinée à créer les ressources nécessaires pour couvrir cette dépense. On
vient de reprocher à un membre de l’opposition d’avoir porté atteinte à
l’honneur de la magistrature, en établissant une corrélation entre l’augmentation
des traitements de ses membres et une loi d’impôt ; si ce reproche doit être
fait à quelqu’un, ce n’est pas aux membres de l’opposition, ce serait au
ministère qui, le premier, a mis en avant cette corrélation entre la dépense et
les moyens de la couvrir ; ce sont, messieurs, les ministres qui sont venus
proposer un projet de loi tendant à améliorer le sort de la magistrature en
même temps qu’un autre projet de loi tendant à créer de nouvelles ressources
pour faire face à cette dépense ; ce sont MM. les ministres qui, en faisant
cette double proposition, ont consacré un long paragraphe de leur exposé des
motifs, à établir cette corrélation entre l’impôt et la dépense.
Maintenant,
messieurs, je fais un appel à la sincérité de la chambre. N’est-il pas évident,
messieurs, que, lorsque les sections repoussaient les centimes additionnels sur
la contribution foncière, le personnel et la patente, et qu’elles adoptaient
les centimes additionnels sur l’enregistrement, elles avaient uniquement en vue
la loi relative à l’ordre judiciaire ? On a interpellé, à cet égard, M. le
rapporteur de la section centrale. Eh bien, il ne pourrait pas répondre non. Je
demanderai au ministre lui-même, si, en proposant au budget ces 4 centimes
additionnels, il n’avait pas lui-même en vue l’augmentation des traitements de
l’ordre judiciaire ? Evidemment il a eu cette intention, la chambre s’y est
associée, et hier M. le ministre de l’intérieur est venu dire que la question
était changée, que les 4 centimes additionnels, demandés pour l’ordre
judiciaire, devaient maintenant être affectés aux dépenses générales de l’Etat,
ce qui revenait à dire, que l’ordre judiciaire deviendrait alors ce qu’il
pourrait.
Mais si
l’on n’a pas en vue l’ordre judiciaire, s’il ne s’agit plus aujourd’hui que de
combler le déficit ; pourquoi, messieurs, s’arrêter aux 4 centimes additionnels
sur les droits d’enregistrement L’impôt foncier n’est frappé que de 18
centimes, et l’on ne veut pas d’additionnels ; la contribution personnelle
n’est frappée que de 10 centimes, et l’on ne veut rien y ajouter ; les patentes
ne sont frappées que de 10 centimes additionnels, et l’on ne veut pas y ajouter
un centime de plus ; l’enregistrement, au contraire, est frappé de 26 centimes
additionnels, et l’on y ajouterait encore 4 centimes nouveaux ; mais,
messieurs, la chambre ne peut pas se montrer coupable d’une pareille
inconséquence, je dirais presque d’une pareille absurdité.
Messieurs,
si vous votez aujourd’hui les 4 centimes additionnels sur les droits
d’enregistrement, qui sont déjà frappés de 26 cent. et
si vous décidez que le produit de ces centimes (produit d’ailleurs relativement
minime), sera affecté aux dépenses générales de l’Etat, il est évident que la
loi tendant à améliorer le sort de la magistrature, est une loi perdue, une loi
morte. Je ferai ici un appel aux sympathies que le chef du département de la
justice doit avoir pour l’ordre judiciaire et je lui demanderai s’il peut
encore compter sur quelque chose de certain alors que les 4 centimes additionnels
destinés à l’augmentation des traitements de l’ordre judiciaire, viendront
couvrir d’autres dépenses ? Il est évident, d’après la déclaration faite par M.
le ministre de l’intérieur, déclaration qui n’a pas été combattue par ses
collègues et dont il résulte que les 4 centimes additionnels devront être
appliqués aux dépenses générales de l’Etat, il est évident, dis-je, d’après
cette déclaration, que la loi concernant la magistrature doit être considérée
comme retirée. Quant à moi, je ne préjuge pas la question, je ne sais pas
encore si j’admettrai toutes les augmentations demandées pour l’ordre
judiciaire, mais je dis qu’il faut agir dans cette circonstance avec bonne foi
; je pense que tous ceux qui envisagent d’un œil ferme et calme la situation
financière, n’en sont pas effrayés ; mais je pense aussi que tous les
représentants qui ont à cœur de maintenir l’ordre dans nos finances se
montreront à l’avenir très difficiles en fait de dépenses nouvelles, alors
qu’on ne leur présentera pas les moyens de couvrir ces dépenses. Quant à moi,
si l’on vient demander à la chambre de nouvelles dépenses permanentes, avec un
déficit dans le trésor et sans proposer en même temps des moyens pour couvrir
ces dépenses, je crois qu’il sera de notre devoir de les refuser. Eh bien,
messieurs, si vous appliquez aujourd’hui aux besoins généraux de l’Etat les 4
centimes dont il s’agit, il ne restera plus rien pour compenser la dépense à
résulter de l’augmentation des traitements de l’ordre judiciaire et, dans ce
cas, je ne pourrai voter cette augmentation ; je ne voterai pas un
accroissement de dépense de 500,000 francs, alors qu’on ne présentera pas des
ressources pour y faire face ; nous ne devons pas augmenter le déficit d’année
en année. Dans la dernière session on a suivi cette marche très imprudente on a
voté des dépenses considérables sans augmenter les voies et moyens ; je ne
voudrais pas qu’on suivît en 1843 un système aussi peu administratif et qui
pourrait entraîner de très graves inconvénients pour le pays.
Je crois
donc, messieurs, que les 4 centimes additionnels sur les droits
d’enregistrement doivent provisoirement subir le sort des autres centimes
additionnels dont vous avez voté le rejet.
Ceux qui,
sans aucun égard à la loi relativement aux traitements de l’ordre judiciaire,
ne veulent pas de centimes additionnels, doivent repousser les 4 c. demandés
sur les droits d’enregistrement comme ils ont repoussé les autres centimes
additionnels ; la contribution foncière, le personnel et les patentes étant
moins chargés de centimes additionnels que les droits d’enregistrement,
seraient même plutôt susceptibles de supporter des centimes nouveaux ; eh bien
ceux qui n’ont pas voulu voter de centimes additionnels sur ces bases, doivent
à plus forte raison repousser ceux qui sont demander sur l’enregistrement.
On dit,
messieurs, que si les centimes additionnels sur l’enregistrement ne sont pas
votés, le déficit sera de 400,000 fr. plus considérable ; cela peut être vrai,
mais cet argument s’appliquait également et avec plus de force aux centimes
additionnels dont la chambre a voté le rejet à l’unanimité. Je crois que la
chambre est partie du principe qu’elle ne voulait point de centimes
additionnels nouveaux. Ce sera au gouvernement à chercher d’autres ressources,
et jusque-là je crois qu’il doit ajourner la demande de 4 centimes additionnels
sur les droits d’enregistrement.
M. le
ministre de l’intérieur a dit tout à l’heure que l’on pourrait s’occuper du
projet relatif à la magistrature, lorsque les lois destinées à procurer de
nouvelles ressources au trésor seraient votées. Eh bien, je dirai, moi, avant
de demander 4 centimes additionnels sur l’enregistrement, attendez que les
nouvelles lois d’impôts soient votées ; si ces lois nouvelles suffisent, eh
bien, tout le monde sera d’accord ; vous pourrez améliorer le sort de la
magistrature sans voter de centimes additionnels ; si au contraire ces lois ne
suffisent pas, ou ne rapportent que jusqu’à concurrence des autres besoins de
l’Etat, eh bien, alors il sera temps encore d’imposer 4 centimes sur les droits
d’enregistrement, et ceux qui voudront augmenter les traitements de l’ordre
judiciaire voteront ces 4 centimes.
Ainsi, messieurs, je crois que, quant à présent, le rejet des 4 centimes
additionnels sur les droits d’enregistrement doit être prononcé et par ceux qui
ne veulent pas de centimes nouveaux et par ceux qui veulent de nouveaux
centimes, mats uniquement pour améliorer le sort de la magistrature.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - On
dit, messieurs, que j’ai manqué de franchise…
M. Rogier. - Je remarque
souvent que M. le ministre de l’intérieur dans les répliques qu’il adresse aux
membres de l’opposition, exagère la portée de leurs paroles. Je n’ai pas dit
que le ministère avait manqué de franchise ; j’ai mon opinion à cet égard, et
je ne l’ai pas exprimée ; j’ai dit qu’il s’agissait d’une question de sincérité
et de bonne foi, et je crois que toute la chambre et MM. les ministres
eux-mêmes, au fond de leur âme, sont convaincus qu’il s’agit réellement ici
d’une question de sincérité, d’une question de bonne foi. J’engage M. le
ministre, lorsqu’il répond aux membres de l’opposition, à ne pas exagérer la
portée de leurs paroles.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je
puis m’en rapporter aux explications de l’honorable préopinant lui-même pour
que la chambre sache jusqu’à quel point j’ai exagéré ou non ce qu’il avait dit.
Ce n’est pas moi qui ai accusé mes adversaires de manquer de sincérité, ni même
qui l’insinue ; je prends les questions commue elles se présentent ; je les
examine en elles-mêmes et je laisse de côté les intentions que je n’ai pas le
droit de scruter.
Le
ministère, dans la dernière session, a présenté en même temps deux projets de
lois : l’un tendant à augmenter les traitements des membres de l’ordre
judiciaire, l’autre à faire face aux dépenses qui résulteraient de cette
augmentation. Ces deux projets sont-ils devenus inséparables ? Y a-t-il
corrélation nécessaire, définition entre eux ? C’est là, messieurs, ce qu’il
faut soutenir pour s’opposer à la proposition que fait aujourd’hui le
gouvernement. Il faut supposer que ces deux projets sont liés d’une manière
indissoluble, et c’est ce qu’on n’oserait pas soutenir, c’est ce qu’on ne peut
pas soutenir. On peut très bien augmenter les traitements des membres de
l’ordre judiciaire et faire comme l’honorable M. Meeus, refuser la mesure qui
avait été proposée par le gouvernement pour couvrir cette dépense.
Ainsi, le
grand argument qu’on nous oppose, savoir : la corrélation indispensable entre
les deux projets, cette corrélation n’est pas soutenable.
Quand le
gouvernement vous proposait, au mois de mai dernier, de porter au budget de
1842, 4 centimes additionnels nouveaux à l’enregistrement, il était en présence
du projet de loi qu’il avait présenté, pour l’augmentation des traitements des
membres de l’ordre judiciaire.
Aujourd’hui,
sa position est différente. Il est en face d’un déficit constaté, et c’est
cette position qu’il faut prendre avec le gouvernement, pour bien juger la
question. Le déficit est d’un million 70,000 francs ; voulez-vous un déficit
plus considérable ? Voilà le point qui doit être examiné.
Je
pourrais dire à l’honorable préopinant, qu’on devrait au moins se mettre
d’accord avec soi-même. « Je ne veux pas des centimes additionnels,
dit-on, parce que je désire les tenir en réserve pour l’ordre
judiciaire. » Dès lors, vous jugez la question des centimes additionnels ;
vous feriez donc violence à votre opinion en faveur de l’ordre judiciaire ;
l’ordre judiciaire devient pour vous un ordre privilégié ; vous feriez pour cet
ordre ce que vous ne feriez pas pour l’Etat lui-même qui se présente avec un
déficit.
Messieurs,
il n’y a que deux positions véritablement nettes. C’est ou de dire, comme
l’honorable M. Meeus : « Je ne veux pas les 4 centimes additionnels nouveaux à
l’enregistrement, parce que, considérant cette question en elle-même, je vous
déclare que cet impôt n’est pas susceptible d’une augmentation nouvelle. Ou
bien de dire : Je considère cet impôt comme susceptible d’une augmentation
nouvelle et, puisqu’il existe un déficit, je veux le rendre aussi peu
considérable que possible. »
Voilà les
deux seules positions qu’on puisse prendre, quand on veut considérer la
question en elle-même, en apprécier les choses au point où elles sont arrivées.
Si vous
adoptez aujourd’hui les 4 centimes additionnels comme revenu général, vous dit
l’honorable M. Rogier, que ferez-vous, quand il s’agira de statuer sur l’augmentation
des traitements de l’ordre judiciaire ? On vous opposera une fin de
non-recevoir.
Mais,
messieurs, n’y a-t-il dans l’avenir aucune autre ressource que ces 4 centimes
additionnels ? Que devient donc l’engagement tacite pris par la chambre dans la
séance de vendredi dernier, d’examiner dans le plus bref délai possible, toutes
les lois spéciales qui ont pour objet de procurer de nouvelles ressources au
trésor public.
Aussi,
quand nous augmenterons les traitements des membres de l’ordre judiciaire, nous
aurons déjà probablement examiné et voté quelques-unes de ces lois, et nous
aurons créé de nouveaux revenus. Il n’y a donc pas une corrélation
indispensable entre les deux propositions. .
Mais on
va plus loin, on dit : Il faut espérer que pour 1844, les lois spéciales seront
votées, que nous aurons au budget des voies et moyens des sommes suffisances
pour couvrir toutes les dépenses ; alors maintiendrez-vous encore les 4
centimes additionnels sur les droits d’enregistrement ?
Mais
évidemment non ; on ne les proposerait même pas du moment que le budget des
voies et moyens serait suffisant, et cependant si la corrélation existe
aujourd’hui entre l’augmentation des traitements des membres de l’ordre
judiciaire, et les centimes additionnels aux droits d’enregistrement, il
faudrait porter au budget de 1844 les quatre centimes additionnels aux droits
d’enregistrement, quand même les autres recettes seraient suffisantes. Je sais
qu’ici l’on m’accusera d’exagérer l’opinion de mes honorables adversaires, mais
je prie mes honorables adversaires d’être conséquents avec eux-mêmes du moment
qu’ils soutiennent la corrélation, il faut qu’ils en admettent toutes les
conséquences ; il faut que désormais on ne puisse plus séparer l’augmentation
des traitements des membres de la magistrature d’avec les centimes additionnels
aux droits d’enregistrement.
Une voix. - C’est
se jouer de la magistrature.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Nous ne nous jouons pas de la magistrature
; nous n’avons pas à nous occuper aujourd’hui du projet de loi relatif aux
traitements des membres de l’ordre judiciaire. Ce qui doit nous occuper et nous
préoccuper en ce moment, c’est la situation générale du trésor ; nous sommes en
présence d’un déficit qu’il faut rendre aussi peu considérable que possible. (Aux voix ! aux voix !)
M. Demonceau, rapporteur. - J’ai
besoin de donner quelques explications, j’espère qu’on voudra bien m’écouter ;
je veux maintenant faire abstraction de la position que j’occupe en dehors de
cette enceinte et je prie la chambre de me permettre de reprendre mon rôle de
rapporteur.
Je vais
expliquer l’opinion de la section centrale ; mais je prierai d’abord les
honorables membres qui ont interpellé le rapporteur de vouloir bien lire son
rapport à la page 7 ; ils y verront qu’à la différence du gouvernement, la
majorité de la section centrale n’a admis les centimes additionnels qu’à titre
de subside extraordinaire, et pour une année seulement ; ils y verront que la
majorité de la section centrale donne pour motif qu’en admettant ces centimes
additionnels aux droits d’enregistrement, etc., elle frappait indirectement la
contribution foncière. Ainsi, comme ces centimes vont grever indirectement la
propriété foncière et mobilière, la majorité de la section centrale a pensé
qu’elle faisait assez en frappant de centimes additionnels les droits
d’enregistrement, de greffe et d’hypothèque.
Un membre. - Mais
cela n’explique pas la préférence.
M. Demonceau, rapporteur. - Je
m’en vais vous l’expliquer ; vous nous dites qu’il n’y a pas plus de raison de
frapper les droits d’enregistrement de centimes additionnels que d’en prélever
sur la contribution foncière ; eh bien, je vais m’armer de l’opinion de
l’honorable M d’Hoffschmidt. Que vous a dit cet honorable membre ? Il vous a
dit que, dans sa province, les centimes additionnels à la contribution foncière
étaient de 45 : ce n’est pas 26 ; prenez maintenant les budgets provinciaux et
communaux, et vous y verrez les centimes additionnels dont est grevée la
contribution foncière et au profit des provinces et au profit des communes ;
vous comprendrez dès lors pourquoi la section centrale a donné la préférence
aux additionnels sur les droits d’enregistrement.
L’honorable
M. Rogier me demande où se trouvent les centimes additionnels dont est grevée
la contribution foncière au profil des provinces et des communes. Mais
l’honorable M. Rogier ne devrait pas ignorer cela. Il connaît, comme nous, les
affaires de l’Etat. Il a administré une province. Il sait bien que les
provinces imposent la contribution foncière d’additionnels ; il sait bien, et
il devrait le savoir mieux que nous, il sait bien que ce sont les pauvres
fermiers qui paient la contribution foncière.
M. Verhaegen. - Et les pauvres
vendeurs.
M. Demonceau, rapporteur. - Les
pauvres vendeurs, me dit-on. Mais quelle différence ? A entendre mes honorables
collègues qui raisonnent de la loi de l’enregistrement, comme s’ils ne la
connaissaient pas, il semble que ce soient seulement les vendeurs qui
supportent les droits d’enregistrement, et qu’il ne s’agit de grever les droits
d’enregistrement que pour les mutations. Mais, messieurs, il y a une masse de
droits exigés à titre de droits d’enregistrement ; et si j’étais appelé à
émettre mon opinion sur une rectification à faire à la loi d’enregistrement, je
trouverais facilement plus de ressources qu’il n’en faut pour couvrir
l’augmentation des traitements des membres de l’ordre judiciaire. Mais ce n’est
pas là la question pour le moment.
On a dit
que les droits d’enregistrement avaient été haussés plusieurs fois. Mais
l’honorable M. Verhaegen vient de signaler une diminution excessivement
importante. C’est la diminution que l’enregistrement a subie sur les ventes des
fruits croissants.
La loi de
1824 a apporté une nouvelle diminution, c’est celle qui est relative aux droits
d’enregistrement prélevés sur la vente des marchandises neuves ; vous avez
souvent entendu élever des plaintes au sujet des ventes des marchandises
neuves. La réduction apportée au taux de ces droits avait été décrétée dans
l’intérêt du commerce ; mais ce n’est pas le commerce qui en a profité, mais ce
sont les officiers ministériels.
Maintenant
parlerai-je des droits de greffe ? Ces droits sont-ils à la charge du
pauvre ? Ignore-t-on que le pauvre, en vertu de la loi, plaide gratis ?
Quant aux
centimes additionnels dont nous proposons de grever les droits de succession,
je n’ai jamais entendu dire que celui qui recueille une succession doive être
rangé parmi les pauvres ; celui qui recueille une succession ne paye de droits
que sur le boni, L’opposition ne trouvera sans doute pas que nous allons ici
trop loin, puisqu’un des grands griefs de l’opposition est qu’on ne grève pas
de droits les successions en ligne directe. Beaucoup de membres ont demandé
qu’un droit fût établi sur les successions en ligne directe ; car, d’après la
loi en vigueur sur les successions, le droit n’atteint pas les successions en
ligne directe, et je ne veux pas de changement sur ce point, mais seulement les
successions en ligne collatérale, et le droit n’est
prélevé que sur le boni.
Les
additionnels que nous proposons de mettre à la charge des successions frappent
moins la famille que la théorie dont l’honorable M. Verhaegen proclamait
dernièrement la nécessite dans l’intérêt du trésor ; nous demandons seulement 4
centimes additionnels, et l’honorable M. Verhaegen, au contraire, parlait de
réduire le droit de succéder au huitième degré, c’est-à-dire que, pour remplir
les caisses de l’Etat, l’honorable M. Verhaegen voudrait dépouiller les
familles.
M. Verhaegen. - Je n’ai pas
demandé cela.
M. Demonceau, rapporteur. - Vous
avez dit, avant-hier, que les lois civiles établissant le droit de succéder
jusqu’au 12ème degré, on pourrait réduire ce droit au 8ème degré.
M. Verhaegen. - J’ai dit que ce
droit pouvait être réduit de quelques degrés. Voyez le Moniteur.
M. Demonceau, rapporteur. - Je
n’ai pas relu votre discours dans le Moniteur
; je ne sais si vous y avez apporté des changements ; mais ce que je sais,
c’est que vous avez dit à la séance ce que je viens de rappeler.
Messieurs,
je me résume maintenant, et je vais dire quelle a été la conduite des sections
à propos des additionnels.
Une
section qui était présidée par un honorable membre de la section centrale, au
lieu d’admettre les centimes additionnels comme devant être affectés aux
traitements des membres de l’ordre judiciaire, les a admis, mais pour être
portés en recette ; je regrette que le représentant de cette section ne soit
pas présent à la séance ; mais si l’on doutait du fait que j’avance, je
produirais le procès-verbal de la section.
Pensez-vous
que sur ce point nous ayons été unanimes à la section centrale ? Non,
messieurs, il y a eu division à la section centrale, et tandis que moi j’étais
convaincu que, pour obtenir les 60,000 francs que produiraient les additionnels
en matière de transcription et d’inscription il y avait lieu d’admettre aussi
ces additionnels, la majorité de la section centrale a été d’un avis contraire
au mien. Quoi qu’il en soit, je tiens à justifier la majorité de la section
centrale ; la majorité de la section centrale a voulu dire toute la vérité au
pays ; elle lui a dit : Vous êtes en présence d’un déficit ; et, pour couvrir
ce déficit, vous n’avez pas besoin de payer aujourd’hui tous les additionnels
demandés, il suffit d’en donner une partie. Commue des trois millions
d’additionnels qu’on demande, deux et demi millions devaient être à charge du
foncier, du personnel et des patentes, et des droits d’enregistrement, etc.,
nous avons pensé que c’était assez. Qu’avons-nous fait ? nous
avons dit : Pour couvrir 1e déficit, le gouvernement a présenté telle et telle
loi. Avec le produit de ces lois on peut combler le déficit et même créer un
boni ; si nous avions eu à examiner en même temps le budget des dépenses, peut
être aurions-nous pu nous dispenser de donner ce conseil, mais une section
centrale du budget des voies et moyens devait considérer le budget des dépenses
comme adopté, pour ne pas compromettre le service,
J’ai vu
un rapport de section qui propose la réduction d’un chiffre qui sera adopté, je
crois, par la majorité. Mais, je le répète, la section centrale du budget des
voies et moyens doit voir ce qu’on demande pour les dépenses, et dire voilà par
quels moyens il faut les couvrir. C’est ce qu’elle a fait. Elle a mis 4
centimes additionnels sur les droits de greffe, d’enregistrement et de
succession ; mais cette recette, elle ne l’a pas proposée comme ressource
ordinaire, mais bien à titre de ressource extraordinaire pour l’exercice
prochain. Je me flatte encore que la majorité de la chambre confirmera celui de
la section centrale.
Plusieurs membres. - La
clôture ! la clôture !
M. Dubus (aîné). - Je demande la
parole contre la clôture.
La
question me paraît extrêmement importante. On a déjà rejeté plusieurs
propositions du gouvernement tendant à établir des centimes additionnels. J’ai
entendu qu’on en concluait qu’il fallait encore rejeter les centimes
additionnels dont il s’agit. J’en conclus, moi, qu’il y faut regarder d’autant
plus près avant de les rejeter, car si par entraînement nous rejetions toutes
les propositions tendant à combler le déficit, il ne pourrait pas être comblé.
La question est donc très importante. Je crois que la chambre ne perdra pas son
temps à l’approfondir.
(Erratum au Moniteur belge n°341, du 7
décembre 1842 :) On a pensé que la proposition d’ajouter quatre centimes
additionnels aux droits d’enregistrement présentait un grave inconvénient,
notamment en ce qui concerne les ventes d’immeubles, dont les droits de
mutation sont, dit-on, très élevés. Je crois qu’on pourrait établir, et je
demande à le faire, que cette augmentation serait fort peu sensible. Je demande
à énoncer à l’appui de mon opinion d’autres considérations, notamment une considération
tirée d’une augmentation que nous avons remarquée dans le prix de vente des
biens immeubles. Si les droits étaient trop élevés, on ne verrait pas les prix
des ventes publiques aller en augmentant. Cette considération n’a pas été
présentée.
Je demande
que la discussion continue.
- La clôture est mise aux voix.
Deux
épreuves sont déclarées douteuses.
En
conséquence, aux termes du règlement, la discussion continue.
M. de Garcia. - Je
veux aussi une augmentation de traitement des magistrats de l’ordre judiciaire.
Je veux surtout de cette augmentation pour la partie de la magistrature non
encore organisée, c’est à dire pour les justices de paix. Je me réserve
complètement mon vote sur la loi présentée, en ce qui concerne l’autre partie
de la magistrature, celle qui a été organisée, il n’y a pas longtemps, en 1832.
Je veux qu’on aborde franchement et de bonne foi cette discussion.
Je le
répète, je la veux et je crois que le gouvernement la veut de même, cette
augmentation ; mais je la veux dans les termes et la possibilité que comportent
nos voies et moyens.
Je veux
mettre cette augmentation en regard des intérêts du contribuable.
J’ai
l’honneur d’être magistrat ; mais je serais désolé que, pour améliorer notre
situation, on aggravât les charges déjà trop pesantes des contribuables et du
pays. Je sais que le contribuable est frappé d’impôts insupportables ; il ne
faut pas se faire illusion à cet égard, les contributions sont lourdes en
Belgique, je vis avec le peuple, j’entends ses plaintes ; on trouve la
contribution foncière, la contribution personnelle et celle des patentes très
onéreuses. Si le peuple paye les impôts sans résistance, c’est qu’en Belgique
on a par excellence l’amour de l’ordre, c’est que le peuple y obéit constamment
aux lois jusqu’à ce que, poussé à l’excès, et au désespoir, il éclate et se
rebelle contre le pouvoir.
Tâchons,
messieurs, de prévenir ces moments déplorables en créant les bases d’impôts les
plus justes que possible et en faisant des économies dans les dépenses de
l’Etat.
Les
moyens qu’on oppose aux centimes additionnels sont de deux espèces : les moyens
absolus et les moyens incidents. Les moyens incidents consistent à dire : la
loi des voies et moyens proposant 4 centimes additionnels sur certains impôts,
était présentée pour faire face à l’augmentation de dépenses résultant de
l’élévation du traitement de l’ordre judiciaire, c’est en corrélation avec
cette loi d’augmentation.
Quant à
moi, je dois dire franchement et une bonne fois que je ne conçois pas cette
argumentation. La seule, la véritable conciliation de cette proposition était
de mettre le budget des voies et moyens en harmonie avec les dépenses. Quand on
a présenté l’année dernière la loi sur la magistrature, vous aviez des voies et
moyens pour couvrir les dépenses de l’exercice courant. Cependant, si dans le
courant de la dernière session vous aviez adopté cette loi, il fallait
nécessairement que vous fissiez des voies et moyens pour faire face à la
nouvelle dépense qui en résultait. On avait augmenté la dépense, il fallait
augmenter les voies et moyens. Il y avait là corrélation ; mais cette
corrélation était de couvrir un déficit dans le budget. La corrélation dont il
s’agit avait donc évidemment et dans le fond des choses, plutôt trait au
déficit du budget en général, qu’à la dépense spéciale demandée pour
l’augmentation de traitement de la magistrature. Au vrai et au fond ce n’était
que pour couvrir un déficit éventuel qu’on proposait ces nouveaux impôts. Or,
je le demande, peut-on sérieusement et de bonne foi refuser ces ressources,
lorsqu’il s’agit de couvrir des déficits, des dépenses reconnues et votées ? A
mes yeux ce n’est que par une subtilité qu’on peut rattacher ce moyen à une loi
spéciale d’augmentation de traitement de la magistrature. La force des choses
est là qui détruit cette prétendue corrélation.
En effet,
supposons que par une loi vous augmentiez les traitements de la magistrature,
cette augmentation sera fixe et invariable ; mais le droit que vous aurez mis sur
les successions, droits de greffe et d’enregistrement, sera-t-il aussi fixe,
sera-t-il invariable ?
Non
certainement, alors il n’y aurait plus harmonie entre les dépenses et les
recettes, D’un côté, vous avez des dépenses fixes, de l’autre côté des recettes
variables ; que serait une comptabilité semblable ? que
feriez-vous si le fonds spécial n’atteignait pas la dépense ? qu’adviendrait-il des fonds qui dépasserait cette dépense ?
Poser ces questions c’est démontrer l’absurdité du système qu’on demande à
faire prévaloir. La loi présentée n’était donc, je le répète, en corrélation
qu’avec la pensée de couvrir les dépenses nouvelles, c’est-à-dire le déficit
qu’elles créeraient. Je suis étonné que cette considération n’ait pas sauté à
tous les yeux. Sans doute, messieurs, il est à regretter que nous ayons à
devoir imposer de nouvelles charges sur la nation. Quant à moi j’ai résisté
constamment aux dépenses.
Depuis
que j’ai l’honneur de siéger dans cette enceinte je me suis tracé une ligne de
conduite, dont je ne me suis jamais départi : c’était de mettre l’équilibre
entre les recettes et les dépenses au moyen d’économies. Je sais que cela m’a
valu quelquefois des épithètes peu flatteuses, qu’on a dit
à ceux qui avaient voté comme moi, contre les dépenses non justifiées par leur
nécessité, leur utilité ou leur légalité. Je me rappelle qu’on nous a
apostrophés par ces mots opposition mesquine et tracassière ; ce n’était pas
par des paroles que je manifestais mon opposition, ce n’était pas par des mots
vains que je réclamais des économies dans les dépenses de l’Etat. Je votais
contre les dépenses que je ne trouvais pas justes ou utiles, ou dont la
légalité n’était pas établie. C’est ainsi que j’ai voté contre la navigation
transatlantique, parce que le gouvernement ne nous donnait pas les idées qu’il
avait, et que regardais ce projet comme ne devant être d’aucune utilité pour le
pays. Malheureusement les résultats ont couronné ma manière de voir. J’ai voté
contre l’indemnité pour les pillages de la ville de Bruxelles, parce que, dans
mon opinion, l’Etat ne devait rien. J’ai voté contre l’indemnité de guerre,
parce que l’Etat ne devait encore rien, et qu’avec des principes politiques
semblables, toutes les nations un peu anciennes seraient ruinées.
Plusieurs membres. - Ce
n’est pas là la question.
M. de Garcia. - Si je
sors de la question, mes honorables collègues en sont sortis davantage que moi.
Je justifie ma manière de voter. On m’a attaqué dans cette enceinte, on m’a
reproché d’avoir fait une opposition mesquine et tracassière. On m’a attaqué
ainsi que beaucoup de mes honorables collègues dans des circonstances beaucoup
moins opportunes que celles que je saisis pour justifier ma conduite, et où il
s’agit de couvrir des dépenses inconsidérées. On a dit qu’on n’imiterait pas
notre exemple, qu’on se bornerait à des discussions de principe, et, quand je
me défends, on me rappelle à la question, tandis qu’on n’y a pas rappelé les
honorables membres qui faisaient à notre égard des excursions sur nos actes et
sur nos votes.
Ces
observations ont directement trait aux questions qui nous occupent ; et l’on
pourrait dire à ceux qui ont voté les dépenses, que pour eux, c’est un devoir
de voter les voies et moyens, pour les couvrir. Par respect pour la loi, je
veux aussi les voter. Passons à l’examen des objections présentées au fond
contre l’établissement des centimes additionnels demandés par le gouvernement
sur les droits d’enregistrement, de succession, de greffe, etc. Aucune des considérations
qu’on a fait valoir ne m’a touché, et je crois qu’on doit les voter. Je sais
que l’honorable M. Meeus a dit que cela pourrait entraver toutes les
transactions de ventes. Je ne puis reconnaître la vérité de cette assertion,
et, quant à moi, je n’y crois pas. Ce n’est pas que je veuille prétendre que
ces transactions ne doivent point diminuer, et que, par suite, les revenus du
trésor ne doivent en souffrir ; mais la cause n’en sera pas dans les centimes
additionnels proposés.
A propos de cette diminution, M. Meeus a dit de
grandes vérités ; il a détaillé avec une rectitude d’idée parfaite, les causes
des transactions qui ont eu lieu depuis la révolution, ce sont les ventes de
propriétés nationales. Aujourd’hui ces biens sont casés ; il y aura moins de
mutations, mais ce ne seront pas les 4 centimes additionnels qui arrêteront
celles qui doivent avoir lieu ; on peut donc accorder cette ressource au
gouvernement, sans nuire à l’intérêt général.
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières) - En ce qui concerne la question de corrélation
qu’on prétend établir, qu’on prétend même que le ministère veut établir entre
les 4 centimes additionnels dont il s’agit maintenant et l’augmentation de
traitement des membres de l’ordre judiciaire, je reconnais, avec M. Rogier et
avec d’autres honorables membres, qu’il y a là une question de bonne foi. C’est
pour cela même que je crois devoir faire observer à l’honorable M. Rogier et à
ses honorables amis, que toute leur argumentation repose sur une erreur de
fait. Déjà trois de mes collègues vous ont fait remarquer que la position n’est
plus la même aujourd’hui que lorsque nous vous avons présenté le projet de loi
relatif à l’augmentation de traitement des membres de l’ordre judiciaire. Alors
la chambre avait voté les budgets ; elle avait balancé les dépenses avec les
recettes. Comme nous venions vous demander une nouvelle dépense, nous avons cru
devoir, pour l’exercice 1842, rien que pour l’exercice 1842, vous demander les
voies et moyens nécessaires pour couvrir cette dépense. Il y avait corrélation
entre la dépense et les voies et moyens, pour l’exercice 1842. Mais cette
corrélation ne s’étendait pas au-delà.
M. le
ministre des finances est venu ensuite au commencement de la présente session
vous présenter les budgets de 1843. Y a-t-il, dans le discours qu’il a soumis à
la chambre, en présentant ces budgets, un mot qui puisse vous faire supposez
qu’il entendait faire exister pour, l’exercice l843, la même corrélation que
pour l’exercice 1842 ? Non, certainement, et c’est le contraire que l’on trouve
à la fin de ce discours.
En effet,
messieurs, je vois à la page 12, c’est-à-dire à la dernière page de ce
discours, que le ministre des finances finit par vous faire remarquer que si
vous adoptez toutes les dépenses proposées, ainsi que tous les voies et moyens
proposés par le gouvernement, vous aurez un excédant de recettes de 2,330,650 fr. 37 centimes, excédant dont il entend appliquer
une partie à l’extinction de la dette flottante ; et il vous dit ensuite :
« Il
est utile de se rappeler ici qu’aux dépenses prévues par le budget, il vient
souvent s’en joindre d’autres, demandées et autorisées par des lois spéciales.
Parmi celles que l’on doit prévoir il faut ranger l’amélioration du sort des
membres de la magistrature et de quelques fonctionnaires de l’ordre
administratif. Il sera possible de faire face à ces dépenses (non pas,
remarquez-le bien messieurs, par les 4 centimes additionnels aux droits
d’enregistrement, etc.), mais par l’excédant de recettes que nous venons
d’indiquer. »
Ainsi,
vous voyez qu’on n’a pas entendu affecter les 4 c. additionnels à la nouvelle
dépense pour l’ordre judiciaire ; qu’on n’a pas entendu établir une corrélation
spéciale entre les 4 c. additionnels maintenant en discussion, et la nouvelle
dépense proposée et non encore votée pour l’ordre judiciaire.
M. le
ministre des finances n’établit de corrélation qu’entre la nouvelle dépense à
prévoir et l’excédant général des recettes mais non pas entre cette dépense et
un excédant spécial.
Il y a
plus, c’est que le gouvernement, en vous proposant ces centimes additionnels,
ne peut entendre que vous les votiez d’une manière permanente ; la constitution
et vos prérogatives le lui défendent absolument, car chaque aunée la chambre
vote les budgets ; on ne peut considérer comme centimes additionnels permanents
que les centimes additionnels qui seraient votés par une loi permanente
spéciale et non par une loi de budget qui n’est qu’une loi annale. Ainsi, si
vous les votez cette année, pour 1843, vous n’êtes pas liés pour le budget de
1844.
J’insiste
sur cette remarque, parce que je crois qu’elle est de nature à amener peut-être
un changement, quant au vote que comptait émettre M. Meeus ; cet honorable membre
vous a indiqué divers motifs (et je les reconnais, il en est qui présentent
quelque fondement en principe) pour lesquels il y aurait lieu de supposer que
les 4 centimes additionnels sur les droits d’enregistrement ne produiraient pas
l’augmentation qu’on en attend, produiraient même plutôt une diminution sur le
produit de ces impôts.
Cependant
on ne doit pas avoir cette crainte, tout au moins pour l’exercice 1843, parce
qu’en 1843, et même pendant plusieurs années après, nous aurons encore à
exécuter de très grands travaux publics, travaux publics dont l’exécution,
ainsi qu’il l’a fait observer avec beaucoup de justesse, ont augmenté
sensiblement la recette des droits d’enregistrement. Mais s’il y a des motifs
de croire qu’il pourrait y avoir plus tard diminution sur les droits
d’enregistrement, il a aussi des motifs de croire qu’il pourrait y avoir
augmentation.
D’abord
vous n’ignorez pas que l’exécution de grands travaux publics a augmenté de
beaucoup la valeur des propriétés, et par conséquent le droit d’enregistrement,
de mutation, etc., à percevoir proportionnellement à la valeur de ces
propriétés. Voilà, messieurs, une première cause d’augmentation qui balance
déjà largement les causes de diminution qui ont été signalées.
Ensuite
s’il est vrai de dire, ainsi que l’a fait observer l’honorable M. Meeus, que
les établissements qui possèdent des biens-fonds considérables les ont aliénés,
il est vrai aussi de dire que ces ventes considérables de biens-fonds qui
étaient dans les mains de ces établissements ou du gouvernement, frappés pour
ainsi dire de mainmorte les ont fait entrer dans le domaine des transactions
ordinaires et que ces biens donneront lieu ainsi à des droits d’enregistrement
de mutation et de succession. Il y a donc là une cause d’augmentation
permanente du produit de la perception des droits d’enregistrement et autres de
même nature.
Enfin,
messieurs, vous n’ignorez pas que depuis qu’on a exécuté de très grands travaux
publics en Belgique, on a fait en même temps augmenter considérablement le
nombre des propriétés bâties ; on a créé ainsi une nouvelle matière aux droits
d’enregistrement et de succession.
Vous
voyez qu’il y a là des motifs de croire que les droits d’enregistrement, loin
de diminuer, pourraient bien encore augmenter.
M. Dubus (aîné). - D’après la
proposition de la section centrale, adoptée en grande partie par la chambre, le
budget des voies et moyens, comparé au budget des dépenses, présente une différence
d’environ un million. Si vous refusez les 4 centimes additionnels aux droits
d’enregistrement, etc., que proposent le gouvernement et la section centrale,
le déficit qui est d’un peu plus d’un million s’augmentera de 340,000 fr. ; ce
sera un déficit d’environ 1,400,000 fr. S’il y a des
projets de loi qui ont pour but de combler le déficit, ces projets n’ont pas
été discutés, n’ont pas même été examinés.
D’un
autre côté, dans ma conviction, il y a une dépense qui n’a pas encore été
comprise au budget, mais que nous ne pouvons nous dispenser d’ajouter : c’est
l’augmentation des traitements de certains membres de l’ordre judiciaire qu’on
a trop oubliés jusqu’ici : je veux parler des juges de paix. Je rappellerai à
la chambre qu’en 1832 on a oublié les juges de paix, ou plutôt qu’on a ajourné
la réparation qui leur était due, par le motif qu’il convenait de faire
auparavant la loi de circonscription cantonale, loi qu’on se croyait à la
veille de faire, et qui, bien que dix ans se soient écoulés depuis, n’est pas
encore faite. J’invoquerai ici les souvenirs de la chambre sur l’insuffisance
scandaleuse du traitement des juges de paix des campagnes. Vous pouvez tous
voir, par le budget, que ce traitement est inférieur à celui du moindre
expéditionnaire. Il est de 900 f. Voilà dix ans que vous prolongez ce scandale.
On me
dira que le traitement des juges de paix des villes sont
plus élevés, qu’ils sont de 1,200 fr. dans certaines villes, de 1,400 fr. dans
d’autres. Mais ce sont précisément ces juges de paix qui ont des ressources
indépendamment de leur traitement, qui ont un casuel considérable ; tandis que
les juges de paix des campagnes dont le casuel, si je puis me servir de cette
expression, se réduit presque à rien, n’ont que des traitements. Croyez-vous
que vous pourrez prolonger ce scandale pendant les années qui vont suivre,
quelle que soit la situation du budget ? Ne serez-vous pas obligés de voter une
augmentation de traitement en faveur des juges de paix des campagnes ?
Eh bien !
voilà encore ce qui vient augmenter le déficit. Il
faut donc le combler ce déficit, et dès lors, messieurs, chaque mesure que l’on
vous propose pour le combler, doit être examinée avec la plus grande attention,
et s’il n’y a pas d’inconvénient grave à adopter la mesure, vous devez
l’admettre. Car vous ne savez pas quel sera le résultat des autres mesures qui
vous sont proposées. C’est ainsi que l’on a parlé du projet de loi sur les
sucres. Messieurs, je suis de ceux qui ont toujours pensé et qui pensent encore
que c’est là une véritable ressource ; qu’il n’est pas du tout convenable qu’un
impôt de consommation soit employé en totalité à payer des primes
d’exportation, alors que nos budgets balancent par un déficit. Mais on vous a
fait observer qu’il est déjà en grande partie trop tard pour obtenir, dés
l’exercice prochain, un résultat considérable d’une nouvelle loi des sucres,
parce que toutes les mises en consommation auront eu lieu, notamment quant au
sucre de betterave. Ainsi vous n’obtiendrez pas pour 1843 tout le produit que
vous avez à attendre d’une bonne loi sur les sucres, vous ne l’obtiendrez que
pour 1844.
Des
observations semblables pourraient être faites pour les autres ressources que
vous avez en perspective. Mais quant aux droits d’enregistrement, si vous votez
des centimes additionnels, cette ressource ne peut vous échapper.
D’un
autre côté présente-t-elle des inconvénients tellement graves que vous deviez
ainsi la repousser ? Messieurs, il ne me le semble pas. Je crois que 4 centimes
additionnels de plus seront quelque chose de fort peu sensible pour le
contribuable.
On a
présenté comme celui pour lequel cela serait le plus sensible, l’acquéreur qui
fait une acquisition de biens immeubles. On a même présenté l’élévation du
droit comme pouvant nuire aux produits. Je réponds d’abord à cette deuxième
considération et je fais remarquer, messieurs que non seulement les droits
d’enregistrement ont rapporté d’année en année, de
plus en plus, mais, ce qui est notoire pour beaucoup d’entre vous, c’est que
les prix de vente ont toujours été en augmentant. Si M. le ministre des
finances faisait faire un relevé depuis un certain nombre d’années des produits
des ventes publiques des biens immeubles, qui sont celles qui présentent les
prix les plus véritables et les plus élevés, il constaterait par ce relevé, que
depuis la révolution, et d’année en année, le prix des ventes des biens
immeubles a toujours été en augmentant, et cela dans une proportion très forte,
et que notamment en 1842 le prix est encore monté plus haut qu’en 1841.
Mais dans
une pareille situation, est-ce ici le cas de dire que 4 centimes additionnels
ajoutés aux droits de mutation, présenteraient un grave inconvénient ?
Messieurs, savez-vous à quoi cela reviendrait pour une vente au prix de 10,000
fr. ? L’acquéreur aurait à payer 16 fr. de plus. Je vous demande si c’est là de
quoi effrayer.
Mais,
messieurs, mettez un peu en comparaison avec ces 16 fr., ce que l’acquéreur
paie au notaire qui rédige l’acte de vente. D’après le tarif des ventes de
biens qui concernent les mineurs, le notaire a droit de recevoir 75 centimes
par cent francs ; ce qui, sur une vente de 10,000 francs, fait 75 fr. pour son
acte.
Un membre. - A
Bruxelles, c’est plus.
M. Dubus (aîné). - A Bruxelles,
c’est plus, me dit-on, mais je parle d’après ce que je connais.
Ces 75
francs se payent sans la moindre difficulté.
Mais dans
les ventes volontaires, le prix est bien plus élevé ; j’ai vu des actes de
vente, et j’en al vu beaucoup, où il était stipulé 3 p. c. au profit du notaire
; et ces 3 p.c. se payaient également sans la moindre difficulté.
Ainsi,
messieurs, il est bien évident que 4 centimes additionnels feront une addition
si peu sensible aux frais accessoires de la vente, que la plupart des
acquéreurs ne s’en apercevront pas, à moins qu’on ne le leur dise, qu’on
n’attire leur attention là-dessus.
C’est
pourtant, messieurs, à cause du droit de mutation principalement, que l’on a
attaqué la proposition de la section centrale, et vous voyez que précisément pour
ce qui concerne le droit de mutation cela ne produira pas un véritable
préjudice au produit de l’acquisition.
D’ailleurs,
messieurs, cc qui vous est demandé ainsi par la section centrale est, je vous
le rappelle, demandé non pas comme une augmentation permanente, mais comme un
subside extraordinaire pour le budget de 1843, subside extraordinaire d’autant
plus motivé pour cet objet-là, que les autres lois de ressource que vous
pourrez voter, ne produiront pas, ainsi que je vous l’ai déjà dit et que d’autres
orateurs vous l’ont fait remarquer, tout leur effet pour 1843, mais seulement
pour 1844.
Messieurs,
je me bornerai à ces considérations, et je voterai pour les 4 centimes
additionnels.
M. d’Huart. - Messieurs, quant
à moi, je n’ai à vous présenter qu’une simple observation, et je la considère
comme étant d’une certaine importance.
Les
honorables membres qui s’opposent à l’adoption des 4 centimes additionnels,
vous disent que si la chambre les admettait, elle se mettrait en contradiction
avec elle-même ; qu’ayant rejeté les centimes additionnels sur le foncier, le
personnel et les patentes, il serait illogique, injuste même, d’aller atteindre
l’enregistrement de 4 nouveaux centimes.
Eh bien,
c’est la plus grave erreur qu’on puisse commettre. C’est précisément parce que
nous avons rejeté les centimes additionnels sur le foncier, le personnel et les
patentes, que nous devons imposer les 4 centimes à l’enregistrement.
Ne
dirait-on pas que ce sont d’autres contribuables que ceux qui paient le
foncier, le personnel et les patentes qui doivent supporter les frais
d’enregistrement ? Mais non, ceux qui paient l’enregistrement sont les mêmes
contribuables qui paient le foncier. Si donc vous avez rejeté les centimes
additionnels sur ce dernier impôt, vous devez nécessairement être plus disposés
à admettre les 4 centimes additionnels sur l’enregistrement.
Maintenant
l’honorable M. Meeus vous a présenté une considération, à laquelle il n’a pas
encore été répondu. Il craint la fraude, si l’on augmente les droits ; il
craint que l’on ne fasse des actes sous seing privé qui ne soient pas
enregistrés. Messieurs, je crois que ces craintes sont chimériques. Quel est
l’acheteur qui voudrait s’exposer à ne pas prendre date certaine, à ne pas
faire enregistrer un acte pour une minime augmentation de frais de 16 francs
pour une vente de 10,000 francs comme vient de le calculer l’honorable M. Dubus
? Je le répète, je regarde ces craintes comme vaines, et je crois que la fraude
en matière d’enregistrement est tout à fait impossible. (La clôture ! la clôture !)
M. Meeus. - Je n’ai que deux
mots à répondre, mais je tiens à les répondre parce qu’ils me semblent qu’ils
sont saillants dans la discussion : C’est que la section centrale, comme l’a
dit l’honorable M. Dubus, ne propose pas les 4 centimes additionnels comme
permanents, mais comme extraordinaires. Or, bien certainement, toutes les
personnes qui ont des actes de mutation à passer, dans le courant de décembre,
par exemple, si vous voulez que je prenne seulement ce dernier mois, attendront
jusqu’au mois de janvier suivant ; et il ne faut que quelques actes un peu
importants pour vous faire perdre le produit des 4 centimes additionnels.
Tout ce
que j’ai dit servait surtout à prouver que le droit d’enregistrement était trop
élevé, j’en conviens ; mais j’ai dit aussi qu’à raison de la manière dont on le
demandait, il y aurait plutôt non perception de droits ; et je prie la chambre
de faire attention à cet argument qu’on n’a pas réfuté.
M. le président - Conformément aux
antécédents de la chambre, je vais d’abord mettre aux voix le chiffre le plus
élevé, celui de 30 centimes additionnels.
M. Osy. - Je ferai remarquer que la section
centrale ne propose les 30 centimes que pour un an, tandis que le gouvernement
les demande comme permanents.
M. le président. - Les 30 centimes
ne sont pas proposés par une loi particulière, mais dans une loi qui est
annale. D’après les antécédents de la chambre, tout ce qui est porté au budget
est considéré comme voté seulement pour une année. Pour rendre les 30 centimes
permanents, il me semble donc qu’il faudrait une loi particulière. (Oui ! oui !)
- L’appel
nominal est demandé. En voici le résultat :
73
membres répondent à l’appel nominal
1 membre
(M. Mercier) s’abstient.
38 votent
pour les 30 centimes additionnels.
34 votent
contre.
En
conséquence les 30 centimes sont adoptés.
Ont voté
pour : MM. de la Coste, Cogels, de Behr, Dedecker, de Florisone, de Foere, de
Garcia, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Mérode, Demonceau, de
Muelenaere, de Nef, Deprey, de Renesse, de Sécus, Desmaisières, Desmet,
d’Huart, Dubus (aîné), Eloy de Burdinne, Henot, Huveners, Maertens, Malou, Mast
de Vries, Morel-Danheel, Nothomb, Raikem, Rodenbach, Scheyven, Simons, Smits,
Thienpont, Vandensteen, Vanderbelen, Van Volxem, Zoude.
Ont voté
contre : MM. Coghen, Cools, David, de Baillet, Delehaye, Delfosse, Devaux, de
Villegas, d’Hoffschmidt, Savart-Martel, Dolez, Donny, Dumont, Fleussu, Jadot,
Lange, Lebeau, Lys, Meeus, Orts, Osy, Pirmez, Pirson, Puissant, Raymaeckers,
Rogier, Sigart, Trentesaux, Troye, Van Cutsem, Vandenbossche, Van den Eynde,
Verhaegen, Vilain XIII.
M. le président. - M. Mercier est
invité, aux termes du règlement, à faire connaître les motifs de son
abstention.
M. Mercier. - Je n’ai pas voté
contre les 4 centimes additionnels parce que je reconnais les besoins du
trésor. D’un autre côté, dans mon opinion, certains membres de l’ordre
judiciaire ont des droits incontestables à une augmentation de traitement ; et,
d’après la discussion qui vient d’avoir lieu, j’ai la conviction que, si
l’augmentation des centimes additionnels était adoptée aujourd’hui,
l’amélioration de la position de l’ordre judiciaire serait ajournée
indéfiniment.
- La
séance est levée à 5 heures.