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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance
du vendredi 9 septembre 1842
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment pétition relative au traitement des auditeurs militaires (Malou)
2) Rapports sur des pétitions relatives 1° aux conclusions de la commission d’enquête, sur l’établissement de droits différentiels (Osy), au règlement d’une pension militaire
3) Projet de loi autorisant le gouvernement à conclure un emprunt en vue, notamment, d’achever le chemin de fer. Discussion des articles.
a) Affectation de l’emprunt aux lignes de chemin de
fer décrétées. (A : chemin de fer de Tournai à Jurbise ; B :
embranchement vers la ville de Liége (et navigation sur
b) Construction de nouvelles routes accordées à la province de Luxembourg en compensation de l’abandon du chemin de fer dans cette province
c) Parachèvement de l’entrepôt d’Anvers (Smits, Mercier, Cogels, Lys, Mercier, Cogels, Smits, (de Brouckere), Devaux, Duvivier)
d) Canalisation de
4) Fixation de l’ordre du jour
(Moniteur belge n°253, du 10 septembre 1842)
(Présidence de M. Dubus (aîné))
M.
Kervyn fait l’appel nominal à 10 heures et
demie.
M. Dedecker donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en
est approuvée.
M.
Kervyn présente l’analyse de la
pétition suivante :
« Le sieur Lahure, auditeur militaire du Hainaut, demande une
augmentation de traitement pour les auditeurs militaires, ou au moins la
suppression de la 2ème classe de ces fonctionnaires. »
- Sur la proposition de M. Malou,
renvoi à la section centrale chargée de l’examen du projet de loi relatif aux
traitements de l’ordre judiciaire.
RAPPORT SUR UNE PÉTITION RELATIVE AUX CONCLUSIONS DE
M. Zoude, rapporteur. - Le sieur Retsen, qui appartient au
commerce d’Anvers, soumet à la chambre un travail de calcul sur le résultat
d’un droit différentiel qu’il propose et dont il établit la comparaison avec
ceux présentes par la commission d’enquête et de la chambre de commerce
d’Anvers.
D’accord avec tous deux sur le
principe, il en diffère un peu dans l’application.
En générai, il propose un
chiffre particulier moins élevé pour les importations indirectes. Il établit
une différence entre les provenances des grandes Indes et celles de
l’Atlantique ; les raisons qu’il fait valoir à cet égard méritent d’être
appréciées.
Un cadre particulier indique
la protection offerte à la navigation nationale dans chacun des systèmes
présentés.
Le travail du pétitionnaire
décèle un homme consciencieux, instruit et laborieux, et les vues qu’il vous
présente pouvant être utilement consultées, votre commission a l’honneur de
vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre de l’intérieur qui
probablement trouvera convenable de la faire imprimer avec les tableaux y
annexés.
L’auteur
craignant que, dans la masse des chiffres qu’il a posés, il ne se soit glisse quelqu’erreur, a fait parvenir hier à la commission un état
de rectification dont ces chiffres seraient susceptibles ; il est annexé au
tableau général.
M. Osy. - J’appuie le renvoi proposé afin que M. le ministre de l’intérieur
fasse imprimer ce document, s’il trouve comme nous qu’il sera utile dans la
discussion des conclusions de la commission d’enquête.
- Les conclusions de la
commission sont mises aux voix et adoptées.
RAPPORT SUR UNE PÉTITION RELATIVE AU RÈGLEMENT D’UNE
PENSION MILITAIRE
M. Zoude, rapporteur. - Le sieur Coulon, capitaine pensionné,
expose à la chambre qu’étant encore dans la force de l’âge (55 ans), jouissant
de toutes ses facultés physiques et morales, sans avoir jamais donné sujet à la
moindre plainte, il s’est vu mis subitement à la retraite, ce qui le met,
dit-il, dans un état de gène qui approche du besoin, d’autant plus que de
graves erreurs paraissent, suivant lui, avoir été commises à son préjudice dans
le règlement de sa pension, et il en signale trois à la législature.
1° Il ne lui serait pas tenu
compte d’une année de service en 1830, en opposition à l’art. 35 de la loi du
21 mai 1838 sur les pensions militaires ;
3° Il a droit, conformément à
l’art. 5 de la loi sur les pensions, à se prévaloir de ses services civils qui
ont été de près de deux ans. Cependant, au dire du pétitionnaire, ils
n’auraient pas été pris en considération.
D’après cet exposé, votre
commission estime qu’il y aurait lieu de renvoyer cette pétition au département
de la guerre avec demande d’explications, et c’est la conclusion que j’ai l’honneur
de vous présenter.
- Les conclusions de la
commission sont mises aux voix et adoptées.
PROJET DE LOI AUTORISANT LE GOUVERNEMENT A CONTRACTER UN
EMPRUNT EN VUE, NOTAMMENT, D’ACHEVER LE CHEMIN DE FER
Motion d’ordre
M.
David. - Je regrette, messieurs, de
n’avoir pu assister plus tôt à la discussion qui vous occupe depuis plusieurs
jours, et si je viens y prendre part au dernier moment, c’est dans la crainte
qu’une observation, qui me semble très importante, n’ait pas été faite à
l’occasion de l’emprunt pour l’achèvement
complet et définitif du chemin de fer belge.
Voici cette observation à
laquelle je voudrais que M. le ministre voulût bien répondre :
Par notre chemin de fer, nous
allons être reliés dans peu de jours à la France sur deux points, à
Valenciennes et à Lille, et prochainement à l’Allemagne par la jonction du
chemin de fer rhénan. Je désire savoir quels sont les motifs qui engagent le
gouvernement à ne pas établir également la section frontière vers
Plusieurs membres. - Nous sommes à la discussion des articles.
M. le président. - Je ferai observer à l’orateur qu’il rentre dans la discussion
générale.
M.
David. - Vous allez voir, M. le président,
que si même je rentre dans la discussion générale, c’est qu’il y a ici
nécessité de faire ressortir des choses qui, je pense, n’ont pas encore été
dites.
Depuis l’interruption dont mon
interpellation est l’objet, j’aurais terminé depuis longtemps si vous ne
m’aviez pas arrêté.
Je ne crois pas abuser de la
parole à la chambre ; j’y parle très rarement.
Il faut réellement vouloir
enrayer le progrès pour se récrier à l’occasion d’une proposition dont les
résultats doivent être si grands.
Je demande à continuer.
Il ne vous échappera pas,
messieurs, que la route d’Anvers à Breda et Bois-le-Duc est la seule (par suite
de l’absence des voies fluviales et des nombreux canaux qui couvrent la surface
du reste de
Cette section, je prie M. le ministre
des travaux publics de bien vouloir le remarquer, sera la tête obligée de notre
chemin de fer vers
D’ailleurs, les relations de
bon voisinage entre
Je demande donc que l’on maintienne le chiffre d’emprunt posé par M. le
ministre, mais à la condition que ce chiffre comprendra la section
complémentaire qui manque évidemment à notre système général de chemin de fer.
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières) - Je n’ai qu’un mot à répondre c’est
que des instances ont été faites auprès du département des travaux publics pour
obtenir la concession de ce chemin de fer, et que cette demande est en
instruction.
Article 2, 1ère disposition
M. le président. - La discussion continue sur le n°1° de l’art. 2 du projet de la
section centrale.
M. de La Coste. - Dès le commencement de cette discussion, je me suis senti partagé
entre une juste répugnance à augmenter outre mesure les charges des
contribuables et le désir de m’associer aux vœux d’honorables collègues, de
concourir à des entreprises non seulement utiles à mes yeux, mais auxquelles
(comme, par exemple, l’entrepôt d’Anvers et le canal de
Ce qui rendrait cependant ce
concours bien difficile de ma part, ce serait que les principes de justice
distributive, invoqués ici de tout côté, ne recevraient pas d’application dans
l’arrondissement auquel je dois l’honneur de siéger parmi vous, dans
l’arrondissement de Louvain, qui, par son importance, sa population,
l’importance et la population de ses villes et notamment de son chef-lieu,
pourrait rivaliser avec plus d’une province du royaume.
Tandis que
Tandis que le Luxembourg
obtiendrait, en vertu de l’art. 2 de la loi du 26 mai 1837, une compensation,
tandis qu’on reviendrait sur la direction que cette loi avait fixée pour
Tournay, l’arrondissement de Louvain serait définitivement privé de la communication
que lui promettait la nième loi, avec la province de Namur.
Après tout ce qui a été dit
dans les séances précédentes, notamment par les honorables MM. Demonceau et
Dumortier, et me confiant d’ailleurs dans les souvenirs de la chambre, je crois
superflu de chercher à démontrer que c’est dans le sens d’un embranchement
entre Tirlemont et Louvain que l’art. 2 de la loi du 26 mai
Je n’ai pas besoin, de plus,
de chercher à démontrer (car cela est assez évident) les avantages que cette
voie ferrée serait destinée à procurer. Elle relierait Namur à Tirlemont et
Louvain, villes avec lesquelles Namur a des rapports fréquents de commerce.
Elle rapprocherait Namur de Liége et d’Anvers, par le prolongement de la voie
vers Hasselt et Diest, elle mettrait Namur en communication avec le Nord. Comme
Namur communique, non, il est vrai, par chemin de fer, mais par une chaussée,
avec une partie de la France, du côté de Givet, ce serait vraiment, sous tous
les rapports, une voie importante, commerciale et d’un intérêt national.
La construction de cette
route, dont les tracés et les études étaient faits, devrait coûter 5,800,000
fr. ; c’était pour une seule voie, mais avec les achats de terrains et les
ouvrages d’art nécessaires pour la double voie. Ainsi, par la même opération,
par laquelle M. le ministre des travaux publics réduisait hier les dépenses de
construction du chemin de fer de Jurbise à 5,500,000 fr., les 5,800,000 fr.
demandés pour Namur se réduiraient également dans une forte proportion.
Dans tous les cas, ce chemin
de fer devrait coûter un tiers de moins environ que celui de Jurbise. Je dirai
même qu’il ne constituerait pas une dépense. Ceci paraît paradoxal.
Je crois cependant que c’est
exactement vrai. Il faut remarquer que la dépense sur laquelle M. le ministre
des travaux publics fonde ses calculs il ne compte qu’une seule voie vers
Namur, par la route actuellement établie. Je dis, qu’on ne se bornera pas là.
Tôt ou tard, vous serez forces de donner une voie à Namur. Il n’en coûtera pas
davantage, de lui rendre la communication vers Tirlemont, qui lui sera bien
plus utile.
Tous les motifs que
l’honorable Dumortier a fait valoir, avec tant de force et de lucidité, pour
nous faire espérer que les revenus du chemin de fer, de Jurbise couvriraient
ses frais s’appliquent ici a fortiori, puisqu’il y aurait économie d’une
dépense, dont la nécessité, comme je viens de le dire, se fera bientôt sentir.
Il serait injuste de la refuser à Namur, qui n’a qu’une faible part dans la
dépense totale.
Qu’il me soit donc permis
d’exprimer à M. le ministre des travaux publics ma surprise de ce que, tandis
qu’il sent tout le poids des motifs allégués en faveur de Tournay, il ait
déclaré dans son rapport que l’embranchement entre Tirlemont et Namur était
définitivement abandonné. Cette direction, cependant, a été changée seulement
par arrêté, après avoir été décidée implicitement par une loi.
Je pense, messieurs, que tous les droits doivent être pesés dans une
même balance, que tous les travaux à exécuter devaient être examinés et classés
sous le rapport de l’utilité, du montant de la dépense et des droits acquis. Eh
bien, il faut se borner à terminer ce qui a été commencé et réserver cette
classification pour le temps où nous aurons équilibré les ressources et les
dépenses, tâche importante et difficile que nous aurons à remplir au
commencement de la session prochaine.
M. Dumont. - Si j’ai demandé la parole,
c’est pour obtenir de la chambre, et surtout du gouvernement, quelques
explications qui me mettent à même de savoir si dans cette occasion je n’ai pas
un devoir à remplir, en proposant une majoration au chiffre en discussion.
Dans la discussion, j’ai
entendu répéter qu’il fallait enfin clôturer la ressource des emprunts. On
s’est alarmé des sommes considérables dépensées. C’est bien à tort, selon moi ;
car les résultats obtenus me paraissent de nature à ne pas nous faire regretter
ce qui a été dépensé.
D’après les calculs de
l’honorable M. d’Hoffschmidt, une somme de 7 millions seulement doit peser sur
les contribuables. C’est-à-dire, que l’excédant des intérêts des sommes
employées sur le produit du chemin de fer ne s’élève qu’à 7 millions. Ainsi, le
chemin de fer n’a pas coûté au contribuable un million par année. Je crois que
les avantages que le pays retire du chemin de fer compensent largement cette
charge.
Quoi qu’il en soit, on ne
cesse de manifester dans cette discussion l’intention de se refuser à tout
emprunt, après celui en discussion. C’est dire que l’on ne veut plus qu’aucune
voie de communication soit faite aux frais de l’Etat.
D’un autre côté, on ne veut
pas non plus du moyen de construction de routes par voie de concession ; car
les compagnies sont tellement découragées aujourd’hui qu’il serait impossible
d’en trouver pour confectionner des routes, si elles ne recevaient aucun appui,
aucune protection de la part du gouvernement. La seule protection qui paraisse
possible est la garantie d’intérêt. Eh bien ! vous avez entendu hier une voix
qui n’est pas sans une grande influence dans cette assemblée, celle d’un ancien
ministre, se prononcer fortement contre toute garantie d’intérêt en fait de
concessions de routes.
Ainsi plus d’emprunt, plus de
voies de communication, aux frais de l’Etat, plus de moyen d’en obtenir par
concession, si l’opinion de l’honorable M. d’Huart venait à prévaloir.
Dans cet état de choses, je ne
vois qu’un seul moyen d’obtenir la confection des routes très utiles, très
nécessaires qui restent à faire, et le nombre en est encore très grand, le
rapport de M. l’ingénieur Vifquain vous le prouvera. Je me bornerai à vous
parler du chemin de fer d’entre Sambre et Meuse ; ce chemin de fer est d’une
très grande utilité, d’une indispensable nécessité, si l’on veut soutenir
l’industrie du bassin de
« Charleroy, le 31 août
1842.
« A MM. les membres de la chambre des
représentants, pour le district de Charleroy.
« Messieurs,
« Les soussignés, propriétaires de
houillères et usines sidérurgiques, et tous intéressés dans les opérations
commerciales et industrielles, pensent qu’au moment où la session extraordinaire
des chambres touche à son terme, il est de leur devoir de vous rappeler les
besoins matériels de leur arrondissement.
« Ces intérêts,
messieurs, nous les avons fait connaître par de nombreuses pétitions adressées
à tous les grands corps de l’Etat ; vous en avez apprécié toute l’importance,
et comme nous, vous savez qu’il est urgent d’y satisfaire.
« Le principal moyen
d’améliorer notre fâcheuse position, est incontestablement celui de créer des
communications faciles et peu coûteuses. Pour y parvenir, le projet de loi
relatif à la garantie d’un minimum d’intérêts
doit dès lors appeler immédiatement toute votre attention pour faciliter
l’exécution des travaux d’une haute utilité publique, et pour notre arrondissement
surtout, l’exécution du chemin de fer d’entre Sambre et Meuse dont l’importance
a été si souvent démontrée.
« Nous venons donc vous
prier, messieurs, d’employer toute votre influence pour que la chambre s’occupe
de la proposition de MM. Zoude, Puissant et Seron, et décider MM. vos collègues
à ne pas se séparer sans avoir fait quelque chose pour les intérêts matériels
du pays, ce qui a été récemment réclamé par nos compatriotes d’Anvers. Nous
joignons nos vœux aux leurs pour qu’ils soient entendus par la chambre.
« Nous comptons sur vous,
messieurs, et nous vous témoignons à l’avance notre reconnaissance.
« Vos très humbles
serviteurs,
« (Suivent les
signatures.) »
Messieurs, on attache la plus
grande importance à la confection de cette route dans l’arrondissement de Charleroi
et dans toute la contrée d’entre Sambre et Meuse. Cette contrée attend de cette
route l’amélioration de son sol, l’exploitation des richesses considérables
qu’il renferme. L’industrie métallurgique espère qu’au moyen de cette route en
fer, elle obtiendra un prix de revient beaucoup moins élevé pour le fer ; que
cette diminution dans le prix de revient les mettra à même d’exporter des fers
vers la France ; que la grande quantité de fer qui va y être employée pour les
chemins de fer lui fourniront l’occasion d’un vaste débouché. Mais pour pouvoir
profiter de cette circonstance, il faudrait se hâter et ne pas arriver trop
tard, après la confection de ces chemins de fer.
Je désirerais que MM. les
ministres voulussent énoncer l’opinion du gouvernement relativement au rapport
de la section centrale, présenté par l’honorable M. Dechamps. D’après ce qu’ils
voudront bien nous dire, je verrai si je puis espérer qu’une garantie d’intérêt
pourra remettre à flot cette entreprise. Dans ce cas, je ne ferai aucune proposition
actuellement. Mais si je ne pouvais espérer l’appui du gouvernement dans cette
affaire, si la discussion tendait encore à écarter cette garantie d’intérêt, je
me verrais obligé de vous proposer une majoration au chiffre de 28 millions
demandes, considérant que ce serait la dernière occasion qui se présenterait
pour obtenir la construction de cette route.
(M.
Fallon remplace M. Dubus (aîné) au
fauteuil.)
M.
Dechamps. - Je demande la parole pour une
motion d’ordre.
L’honorable M. Dumont vient
d’adresser au gouvernement une interpellation que l’on peut considérer comme
une motion d’ordre, relativement à ses intentions quant à la garantie d’un
minimum d’intérêt. Je demanderai la permission d’ajouter quelques observations
très courtes à celles présentées par l’honorable député de Charleroi.
M.
le président. - Vous provoquerez une
discussion qui remplira la séance entière.
M.
Dechamps. - Je ne veux pas traiter la
question de la garantie d’un minimum d’intérêt, mais pour faire suite à la
motion de l’honorable M. Dumont, mon désir est d’ajouter quelques
considérations qui se formuleront par une interpellation au gouvernement.
M.
le président. - Vous aurez votre tour de
parole.
M.
Dechamps. - Tout à l’heure l’honorable M.
David a fait une motion d’ordre relativement à un chemin de fer d’Anvers à
Breda ; je ne vois pas pourquoi on m’empêcherait d’ajouter quelques réflexions
à celles de l’honorable M. Dumont ; d’autant plus que mon intention est
d’interpeller le gouvernement. Si la chambre voulait m’écouter pendant deux
minutes, elle comprendrait l’importance que j’attache à cette motion d’ordre.
M.
Dubus (aîné). - Tous les autres députés
ont le même droit d’interpellation.
M. Eloy de Burdinne. -
J’ai aussi des interpellations à faire.
M. de Man d’Attenrode. -
J’ai demandé hier la parole.
M. le président. -
Vous êtes tous inscrits.
M.
Devaux. - Je demande la parole sur la
motion d’ordre.
Il me semble que nous n’avons à
nous occuper en ce moment que du 1° de l’art. 2, uniquement relatif aux chemins
de fer déjà décrétés ; la discussion doit donc se renfermer dans cette limite. Quant à toutes les propositions pour construction de
nouvelles routes, elles viendront sous forme d’amendement, comme celles que
nous ont déjà faites d’honorables membres qui ont proposé un amendement pour le
chemin de fer de Tournay à Jurbise. Je crois que pour qu’il y ait de l’ordre
dans la discussion, il faut se renfermer dans ce moment dans ce qui concerne
les lignes de chemin de fer déjà décrétées.
M.
Dechamps. - Les observations que je pourrais
faire ne peuvent aboutir à un amendement. Seulement, dans l’intérêt d’une
grande industrie souffrante, l’industrie métallurgique, je voudrais demander au
gouvernement quelles sont ses intentions relativement à la garantie d’un
minimum d’intérêt. Je ne veux pas demander qu’il se prononce sur la question
même, mais il serait nécessaire qu’il pût donner l’espoir fondé que cette grande
question sera mise à l’ordre du jour au début de la prochaine session. Si la
chambre voulait m’accorder quelques minutes, elle comprendrait l’importance des
réflexions que j’ai à lui faire. Du reste, dès qu’il y opposition, j’attendrai
mon tour de parole.
M.
de Behr. - J’ai demandé la parole pour
répondre à quelques observations en ce qui concerne l’embranchement du chemin
de fer vers la ville de Liége.
La station qui existe au pied des
plans inclinés est à une demi-lieue du centre de la ville. Ou sent tout le tort
qui en résulterait pour les habitants, et surtout pour l’industrie et le
commerce, s’il fallait faire parcourir aux marchandises une distance aussi
considérable. L’administration communale, la chambre de commerce et la
députation ont fait entendre les plaintes les mieux fondées à ce sujet. On a
signalé les changements dont le projet était susceptible pour rapprocher une
station aussi excentrique, mais le gouvernement, pour concilier tous les
intérêts, a porte l’arrêté du 20 août 1836, dont voici la disposition
« Les ingénieurs en chef et
directeurs des travaux sont chargés de dresser et de soumettre à l’approbation
du gouvernement le projet d’un embranchement s’étendant vers le pont des Arches
jusqu’à la station de
Quelques temps après cet
arrêté, l’attention publique fut appelée sur les moyens de mettre un terme aux
malheurs qu’occasionne chaque année la navigation de
On a dit, messieurs, que cet
embranchement n’était pas décrété par la loi de 1834. Je prie la chambre de
remarquer qu’il y a engagement contracté envers la ville de Liége par l’arrêté
de 1836, que cet arrêté a été pris eu exécution de la loi
par le pouvoir compétent, et que c’est en considération d’une mesure qui
faisait cesser en partie les griefs de la ville, que celle-ci s’est désistée de
l’opposition qu’elle avait faite à l’exécution du plan tel qu’il était propose
par les ingénieurs. Dans cet état de choses, si l’arrête de 1836 restait sans
exécution, il y aurait non seulement violation d’un droit acquis, mais la ville
que j’ai l’honneur de représenter ici, ne pourrait guère y voir qu’une sorte de
piège tendu à sa bonne foi.
M.
Rogier. - Messieurs, dans une
précédente séance, j’ai témoigné à la chambre la surprise que je partageais
avec plusieurs de mes collègues, de voir l’énorme crédit supplémentaire que
venait demander M. le ministre des finances pour l’achèvement des chemins de
ter.
La discussion, messieurs,
jusqu’ici n’a nullement justifié, à mes yeux, cette demande de crédit, ni dans
son ensemble, ni dans ses détails. M. le ministre des travaux publics a avancé
que je m’étais trompé sur le montant de la somme réclamée. Or, messieurs, le
chiffre que j’avais signalé et qui était de 29,383,000 francs, je l’avais puisé
dans le rapport même de M. le ministre des finances ; c’était l’addition de
toutes les sommes demandées en plus en 1842 qu’en 1840.
D’après le rapport de M. le
ministre des travaux publics sur les chemins de fer, la différence ne serait
plus de 29,383,000 francs, mais de 28,206,000 francs. Et d’après ce qui vous a
été dit hier par M. le ministre des travaux publics, l’insuffisance des crédits
ne s’élèverait pas même à 28,206,000 francs.
Quoi qu’il en soit, cette
différence ne me concerne pas ; les chiffres que j’ai cités, je les ai puisés
dans les documents officiels qui nous ont été remis. S’il y a désaccord entre
MM. les ministres sur ce point, c’est à eux à faire cesser ce désaccord.
Messieurs, pour se rendre
compte de cette somme énorme de 29 millions, on cherche en vain les pièces qui
dans cette circonstance auraient pu être apportées à l’appui de la demande.
Avons-nous eu, messieurs, un rapport motivé quelconque, soit d’un ingénieur,
soit un conseil des ponts et chaussées, soit de M. le ministre des travaux
publics ? Nullement ; le rapport de la section centrale se tait également sur
les motifs de cette nouvelle demande, le rapport de M. le ministre des finances
garde le même silence.
J’ai cru un moment que le
secret de cette nouvelle dépense se trouverait déposé sur le bureau, parmi les
pièces qui n’ont pas été imprimées. Eh bien ! là messieurs, encore nous ne
trouvons aucun rapport explicatif, aucune donnée justificative du nouveau
crédit.
Lorsque sur une dépense portée
l’année dernière à 63 millions de francs, le gouvernement éprouve un mécompte
de 29 millions de francs, il me semble qu’il doit à la chambre les explications
les plus nettes sur la cause d’un pareil mécompte.
Il est bien regrettable, qu’à
deux années de distance une insuffisance de 29 millions se soit produite, sans
que le gouvernement, qui demande à couvrir cette insuffisance, ne nous procure
tous les documents à l’appui de sa demande. J’ai parcouru assez attentivement
toutes les pièces déposées sur le bureau, et qu’y trouve-t-on ? Des colonnes de
chiffres, fournis tantôt par un ingénieur, tantôt par un autre, mais sans aucun
avis, sans trace d’aucune discussion qui ait eu lieu relativement à ces
chiffres. L’année dernière, on avait produit les propositions des ingénieurs,
celles du conseil des ponts et chaussées, et la décision du ministre. Cette
année, nous n’avons pas ces moyens de comparaison ; nous ne connaissons pas les
motifs des sommes supplémentaires demandées par les ingénieurs ; nous ne savons
pas ce que le conseil des ponts et chaussées a accordé, ce que le ministre a
admis comme nécessaire. Y a-t-il eu discussion ; a-t-on réunit les demandes des
ingénieurs ; les a-t-on augmentées ? C’est ce que tout le monde ignore.
De Bruxelles à Mons, nous
avons un tableau fourni par un ingénieur et par le directeur de
l’administration. Une feuille y est jointe, signée par M. l’inspecteur général.
C’est la seule fois que le nom de l’inspecteur-général figure sur un des
documents qui nous sont fournis ; de tous les autres tableaux il n’en est aucun
qui soit signé au nom du conseil des ponts et chaussées ou même par
l’inspecteur général. Ainsi, de Namur à Charleroy, de Charleroy à
Braine-le-Comte, de Courtray vers la France, de Mouscron à Tournay, nous avons
des colonnes de chiffres fournis par MM. les ingénieurs. Mais, je le répète, il
n’y a pas la moindre trace de débats, quant aux chiffres présentés par eux ;
pas la moindre trace de réductions ou d’augmentations qui auraient été opérées
par le conseil des ponts et chaussées.
S’il est une occasion,
messieurs, où le gouvernement et les chambres doivent se montrer sévères dans
l’appréciation d’une dépense, c’est bien celle où nous nous trouvons. A deux
années de distance, on vient révéler un déficit de 29 millions, une erreur de
29 millions, sur 69 millions de travaux. Est-ce qu’une pareille erreur ne
devait pas être justifiée par les rapports les plus minutieux, les plus
concluants ? Cela importait, je le dirai, à l’honneur du gouvernement ; cela
importait aussi à l’intérêt du chemin de fer.
Messieurs, les pays voisins ne
sont pas aussi avancés que nous dans la construction des chemins de fer ; si
nous leur présentons le spectacle de dépenses croissante d’année en année, ce
n’est pas le moyen de les stimuler, c’est bien plutôt le moyen de les effrayer
et de les arrêter dans leur marche. Et dans le pays, messieurs, ne voyez-vous
pas que ce serait fermer la voie à tout nouveau chemin de fer. Je suis partisan
de l’accroissement successif de nos railways ; mais s’il était démontré que ces
accroissements doivent entraîner des dépenses telles que celles dans lesquelles
on veut nous entraîner, je vous avoue que je reculerais. Mon intention n’est
pas du tout d’entraîner le pays dans des dépenses exagérées, dans des dépenses
qui dépasseraient ses forces.
En l’absence de tout document
justificatif, car je ne pense pas qu’il nous ait été fourni une seule page
d’explications à l’appui du crédit qu’on nous demande ; en l’absence, dis-je,
de tout document justificatif, j’ai dû recourir à quelques renseignements
épars, soit dans le rapport de M. le ministre des travaux publics, soit dans
les pièces jointes au rapport de la section centrale, pièces dont, comme vous
le savez, on a été extrêmement sobre ; eh bien, messieurs, l’examen auquel je
me suis livré m’a donné la conviction entière (et si la chambre veut bien
m’accorder un moment d’attention, j’espère lui faire partager cette opinion),
m’a donné la conviction que la totalité des sommes réclamées n’est point
nécessaire à la destination qu’on leur donne.
Vous comprendrez, messieurs,
que moi, tout le premier, je ne suis pas intéressé à voir suspendre les travaux
du chemin de fer ; vous comprendrez que j’attache une importance tonte particulière
au prompt et bon achèvement du railway ; et que si je viens faire ici de
l’opposition à certaines dépenses qui ont pour but son achèvement, c’est que,
dans ma conscience, je crois que toutes ces dépenses ne sont pas nécessaires,
car Dieu me garde de vouloir compromettre l’avenir du chemin de fer.
Il y a, messieurs, à
distinguer entre les travaux prévus en 1840 et les travaux entièrement
imprévus. Pour les travaux entièrement imprévus en 1840, que l’on vienne
demander des sommes nouvelles, je le comprends c’est à nous d’examiner
l’utilité des nouveaux travaux que l’on se propose de faire ; mais, sous ce
rapport, il n’y a de reproche à adresser à personne. En 1840, tels ou tels
travaux n’étaient pas compris dans les devis ; depuis lors on a reconnu la nécessité
de ces travaux, et l’on vient demander les crédits nécessaires pour y faire
face, rien de plus juste, sauf toujours à la chambre à examiner l’utilité des
dépenses nouvelles.
Il y a ensuite des travaux
prévus en 1840, mais à l’égard desquels il existe une énorme différence entre
les évaluations d’alors et les besoins d’aujourd’hui. C’est ici surtout que
notre examen doit être sévère.
En ce qui concerne les travaux
entièrement nouveaux, je citerai le souterrain de Cumptich
pour lequel on demande 800,000 fr. Eh bien, messieurs, comme je l’ai déjà dit,
le premier souterrain n’a coûte que 736,000 fr. et l’un des travaux les plus
coûteux de ce souterrain consistait dans l’épuisement des eaux ; je crois que
cet épuisement a entraîné une dépense d’environ 300,000 fr. Or, pour la seconde
galerie que l’on propose de construire, il n’y aura plus d’épuisement à faire
puisque les eaux ont maintenant leur écoulement naturel ; si donc il y a encore
une dépense de ce genre à faire, cette dépense se réduira à presque rien.
Ensuite, messieurs, j’ai fait
remarquer qu’en 1835 le millier de briques avait été adjugé à 7 fr. 40, tandis
que maintenant on évalue les briques à 10 francs le mille. M. le ministre des
travaux publics a négligé de répondre à cette partie de mes premières
observations ; je ne conçois pas d’où vient cette différence ; a-t-on demande
des briques de meilleure qualité ? Mais cela est impossible, puisque, d’après
le cahier des charges de 1835, on exigeait que les briques fussent bien
moulées, d’après un moule-modèle, bien faites et surtout bien cuites, et que
dans le cahier des charges pour la nouvelle fourniture on se borne à dire que
les briques doivent être de bonne qualité et de la même dimension que celles du
premier souterrain. D’où vient donc la différence entre les prix de 1835 et les
prix qui servent de base aux devis actuels ?
Je vous avouerai, messieurs,
que ce premier examen, sur un travail dont la dépense est facilement
appréciable, que ce premier examen m’a laissé des doutes sérieux sur l’exactitude
des évaluations faites pour les autres travaux.
Il est vrai que M. le ministre
nous a dit hier qu’il avait recommandé aux ingénieurs d’être larges dans leurs
évaluations, et il est probable que M. le ministre aura été obéi très
fidèlement par les ingénieurs. Voilà, en effet, un premier travail à l’égard
duquel ils ont été passablement larges.
Quant aux travaux prévus, mais
pour lesquels de nouvelles dépenses doivent être faites, ici encore il nous a
été impossible de ne considérer comme exagérées plusieurs des demandes qui nous
sont soumises. Prenons, pour exemple, la ligne de Mons à Quiévrain ; cette
ligne est d’une exécution fort simple ; il ne s’agit pas ici de difficultés
semblables à celles que l’on rencontre dans la vallée de
Aujourd’hui on les porte à
3,217,000 fr. D’où vient cette énorme différence, où en trouve-t-on
l’explication ; quels sont les nouveaux travaux à exécuter ? On ne rencontre
nulle part la moindre explication sur ce point. Je me trompe, messieurs, dans
le rapport de M. le ministre, je lis, page 49, que les travaux supplémentaires
qui ont dû être exécutés sur cette section ont donné lieu à une dépense de
294,658 fr. Mais comme, d’un autre côté, on avait obtenu (page 43 du même
rapport) un rabais de 126,000 fr. sur le montant d’une première adjudication,
il ne restait à couvrir qu’une augmentation de 168,000 francs. Il y a loin de
168,000 fr aux 977,000 qui sont demandés, et nulle part je ne trouve la
justification de cette somme.
Il faudrait nécessairement
avoir une explication catégorique sur la différence. Je ne sais pas si le
conseil des ponts et chaussées a été consulté ; au moins je ne vois pas de
traces d’un avis dans les documents qui vous ont été remis. Il ne faut pas
croire cependant que l’augmentation provient des stations ; il y a aussi pour
les stations entre Mons et Quiévrain une augmentation très considérable, mais
cette augmentation n’est pas comprise dans celle de 977,000 fr. Mais là où les
évaluations de 1840 ont été dépassées d’une manière incroyable, c’est surtout
sur le chemin de fer de Liége vers la frontière prussienne.
L’ingénieur demandait, en
1840, 13,740,000 fr. ; le conseil des ponts chaussées réduisit alors la demande
à 12,500,000 fr. ; aujourd’hui on vient nous proposer, au nom du même conseil
23,700,000 francs ou 11,200,000 fr. de plus que la somme qui a été jugée
suffisante par lui en 1840.
Pour les stations sur la même
section, le conseil se contentait en 1840 de 500,000 fr. ; aujourd’hui, on
demande pour les mêmes stations 1,300,000 fr., c’est-à-dire 800,000 fr. de plus
qu’en 1840. Je conçois que les travaux des tunnels, des ponts ou aqueducs, aient pu entraîner un supplément de
dépenses de ce chef ; je ferai une part assez large à l’imprévu, mais quant aux
stations, il me semble qu’en 1840 on pouvait, à peu de chose près, apprécier ce
qu’elles pouvaient coûter, aussi bien sur la ligne de
Si nous réunissions les
augmentations demandées tant pour les lignes que pour les stations, nous
trouverons que l’administration se contentait, en 1840, d’une somme de 13
millions, et qu’en 1842, il lui faut 25 millions 64 mille francs, c’est-à-dire
près du double.
Les causes de cette
augmentation énorme, où ont-elles été signalées ? Nulle part, si ce n’est d’une
manière tout à fait sommaire dans le rapport de M. le ministre des travaux
publics. Il y est dit qu’il a fallu allonger les souterrains, établir de
nouveaux viaducs, des dérivations de rivières, etc. ; il a fallu aussi réparer
les dégâts causés par les inondations.
En bien, je vais examiner
aussi rapidement que possible les dépenses que peuvent avoir entraîné tous les
travaux supplémentaires, et je vous démontrerai qu’en faisant à MM. Les
ingénieurs une part aussi large qu’ils peuvent le désirer, il est impossible
d’arriver à cette somme supplémentaire de plus de 12 millions.
L’honorable M. Demonceau nous
a dit hier qu’une des causes principales de la dépense provenait de la
différence en plus dans le nombre des mètres cubes de déblais qu’il a fallu
effectuer. « Les devis primitifs portaient, a-t-il dit,
Ce serait donc une différence
de
Dans les travaux du tunnel,
l’on suppose
Quant aux viaducs, combien en
faut-il de nouveaux ? J’en accorderai 40, et en les évaluant à 15,000 fr.
chaque, nous arriverons à une somme de 600.000 fr.
Pour les dérivations de routes
et de rivières, je compte 680,000 francs.
Enfin, pour les travaux
résultant des inondations, j’accepte le chiffre indiqué par M. le ministre,
celui de 800,000 fr. et réunissant cette somme aux trois sommes précédentes, je
trouve 3,100,000 francs ; il y a encore loin de là à 11 millions.
Trouve-t-on mes évaluations
trop basses, je double la somme et j’arrive à 6 millions 200,000 fr ;
trouve-t-on encore mes évaluations trop basses, je pourrais les tripler et je
n’arriverais encore qu’au chiffre de 9,300,000 fr. ; mais il n’est pas possible
d’exagérer à ce point les évaluations ; en les doublant, ces évaluations, je
fais, je pense, une part assez belle à toutes les exigences, et la marge reste
assez large, jusqu’aux douze millions demandés, pour faire face aux dépenses de
la double voie et des stations.
Il est très difficile, en
l’absence de documents complets, de se livrer à l’examen complet aussi des
nouvelles évaluations ; je ne puis que raisonner, en quelque sorte, que par
hypothèse ; mais enfin je rencontre un chiffre quelque part, je le prends, je
le double même, et je ne puis pas arriver a la somme exorbitante réclamée pour
la section de
Je passe maintenant au
supplément réclamé pour les stations. La différence entre les évaluations de
1840 et celles de 1842 est de 6,420,000 fr. Il me semble que s’il est des
travaux dont on peut facilement prévoir la dépense, ce sont bien les travaux de
stations. D’ailleurs, on a la station de Malines, à laquelle on travaille
depuis 1834 et qui doit offrir des bases certaines aux évaluations des dépenses
d’une station quelconque.
Eh bien, voici les différences
pour quelques stations. Je commencerai par la station d’Anvers. M. le ministre
des travaux publics a bien voulu me faire remarquer que je n’avais pas parlé de
cette station ; je n’ai aucun motif pour passer cette station sous silence
plutôt que telle autre ; partout où je croirai voir des chiffres exagérés, je
les signalerai. Je commencerai donc par la station d’Anvers.
On a demandé, en 1840, pour la
construction de cette station, une somme de 1,026,000 fr ;le conseil des ponts
et chaussées réduisit cette somme à 826,000 fr., et aujourd’hui l’on vient
augmenter ce dernier chiffre de 1,139,000 fr., c’est-à-dire qu’on demande près
deux millions.
A-t-on présenté quelques
pièces à l’appui de cette demande ? Nullement. Pour les stations, il n’existe
dans les rapports aucune trace du travail des ingénieurs ; et aucune des pièces
déposées sur le bureau ne mentionne même les stations.
A Bruxelles, l’on demandait,
en 1840, 500,000 fr. pour la nouvelle station du Nord ; en 1842, on porte en
plus 815,000 fr. ; de documents, pas un. Pour Charleroy on demandait, en 1840,
300,000 francs ; le conseil des ponts et chaussées réduisit cette somme à
272,000 fr. ; on demande, en 1842, non seulement les 300,000 fr., mais 775,000
fr. en plus ; de documents, pas davantage.
Quant à la nouvelle station de
Liège, j’ai besoin de donner une explication. La première fois que j’ai pris la
parole, j’ai cité cette station comme un travail non prévu dans les évaluations
de 1840 ; j’ai dit que s’il y avait de ce chef une dépense d’un million en plus,
on ne pouvait pas en faire un grief aux évaluations de 1840 ; du reste, en
principe, je ne me suis pas prononcé contre ce travail ; loin de là.
Les dépenses réclamées pour
certaines stations de second ordre sont surtout étonnantes, lorsqu’on les rapproche
de la dépense de la station centrale de Malines, où l’on a réuni toute espèce
de bâtiments et de constructions ; je ne pense pas que nulle part on songe à
établir une station qui égale en étendue et en importance celle de Malines.
Or, qu’a coûté la station de
Malines ? D’après le compte-rendu de M. le ministre des travaux publics, la
station complète de Malines avait coûté 1,120,000 francs au 1er janvier 1842.
Je le tiens pour exact. La
station de Malines a coûté 1,120,000 francs ; on demande pour celle de
Charleroy 1,075,000 fr. Il est impossible, quoi qu’on fasse, d’établir une
comparaison entre ces deux stations.
Messieurs, les travaux de
station sont ceux qui ne peuvent s’entreprendre que successivement, suivant les
besoins de l’exploitation. Je crois que beaucoup de ces travaux, à mesure
qu’ils jugés nécessaires, devraient se payer sur les produits de l’exploitation
Ces produits s’accroissant à mesure que l’exploitation s’accroît, les
ressources augmentent dans la même proportion. Rien donc de plus rationnel que
d’imputer sur les augmentations de produits les dépenses nécessitées par
l’extension de l’exploitation.
M. le ministre a déclaré qu’il
était contraire à toute idée de luxe et de grandiose dans les stations. Je
n’irai pas aussi loin que lui, je crois qu’un peu de luxe et de grandiose dans
certaines stations ne ferait pas de mal ; mais avant tout, il faut faire le
nécessaire. Il faut agrandir les stations suivant les besoins du service et les
embellir suivant les ressources et les bénéfices. Voilà, je crois, le système à
suivre. Voilà comment, en repoussant les exagérations, j’admets jusqu’à certain
point le luxe et le grandiose dans les stations. D’ailleurs le mauvais goût et
le mesquin peuvent quelquefois coûter fort cher. Il a été question d’un
bâtiment à 500 fenêtres, la dépense eût été très grande et je doute fort
qu’elle eût été approuvée comme ouvrage d’art. Le bon marché n’exclut ni le bon
goût ni l’élégance. C’est là ce qu’on doit tacher de concilier.
Je demanderai à M. le ministre
s’il n’y a pas double emploi relativement à l’entrepôt d’Anvers. On demande
pour l’entrepôt 1,500 mille fr. et pour la station près de deux millions. S’il
n’y pas d’autre construction à faire que celle de la station, 2 millions
seraient certainement trop. J’avoue que j’ai une crainte. Je ne sais si on ne
songerait pas à revenir à l’idée malencontreuse de faire pénétrer bon gré mal
gré la station des voyageurs dans la ville d’Anvers et de faire payera la ville
un million peut-être pour le cadeau. Le chemin de fer est entré dans la ville
pour le service des marchandises.
Si on songe à faire une
nouvelle station dans Anvers, 1,900,000 fr. ne suffiraient pas. Je tiens à être
agréable à la ville d’Anvers, mais j’insiste pour qu’on n’exécute pas ce projet
malencontreux.
J’en viens maintenant au
matériel. Pour le matériel, il y a également absence complète de toute espèce
de documents ; pas même la moindre petite colonne de chiffres alignés par le
directeur de l’administration, pas d’avis motivé du conseil, pas d’avis
d’inspecteur général. Le conseil demandait, en 1840, 15 millions 537 mille
francs ; on réclame aujourd’hui, en son nom, 20,598,000
fr., différence en plus 5 millions 61 mille fr. Pourquoi cette différence ?
Cela n’est expliqué nulle part. On indique au tableau qu’au lieu de 130
locomotives il en faut 180. J’ai démontré que les 130 locomotives avaient
amplement suffi pour le parcours de 300 mille lieues effectué l’année dernière.
J’ai dit que 126 machines pour effectuer un parcours de 300 mille lieues n’avaient
que six à sept lieues par jour à faire : qu’elles pouvaient facilement en faire
20, et qu’alors, au lieu de 300 mille lieues, elles en feraient 900 mille.
Vous voyez qu’il y a encore là
une marge immense. Ce que je demande à nos machines n’est pas au-dessus de
leurs forces. D’après le tableau joint au rapport de M. le ministre, en 1841,
53 locomotives ont fait 2360 lieues, et au-delà, et 21 en ont fait 4 mille et
au-delà. Ce que 21 ont fait, les autres pourraient le faire. Ce qu’elles ont
fait en 1841, elles pourraient le faire en 1842. J’ai dit que nos machines
pourraient faire vingt lieues par jour, alors que les machines anglaises font
30 et 40 lieues. Cela résulte du rapport les ingénieurs, inséré au compte-rendu
de M. le ministre. Ce ne sont pas des questions qu’on doive examiner dans son
cabinet, dit M. le ministre, c’est en homme pratique qu’il faut voir les
choses. C’est aussi en homme pratique que je me suis occupé de ces questions Or
qu’est-ce que la pratique nous apprend ? que les locomotives en Angleterre font
30 et 40 lieues par jour. Nous ne demandons pas qu’elles en fassent plus de 20
sur nos routes. Mais, dit M. le ministre, en Belgique, les chemins de fer ont
un centre commun et il faut là un grand nombre de machines en réserve, tandis qu’en
Angleterre les routes sont divisées. Sa conclusion est qu’en Angleterre il faut
moins de machines. C’est le raisonnement contraire qu’il faut faire, c’est
parce qu’il y a en Belgique des centres communs dont partent plusieurs routes
que nous pouvons ménager nos machines. Malines est le centre de quatre routes.
Il suffit d’y avoir pour les accidents deux machines en réserve, car il n’est
pas à supposer qu’il y aura simultanément un accident sur chacune des quatre
routes. Si ces quatre routes étaient séparées, il faudrait une réserve séparée
sur chacune d’elles ; c’est donc quand il y a un centre où viennent rayonner
plusieurs routes qu’on a besoin de moins de machines à tenir en réserve pour
l’exploitation de ces routes.
Ainsi, l’exemple choisi tourne
précisément contre l’argument de M. le ministre.
M. le ministre a dit aussi
qu’en Belgique il fallait plus de machines qu’en Angleterre, parce que sur la
route de
Ainsi, le rapport cite la
route de Newcastel où les machines font de 30 à 40
lieues par jour : cette route a des pentes de 5, 7 et 9 sur des longueurs de 5
à 6 mille mètres. Il cite aussi la route de Liverpool à Manchester ; cette
route, je l’ai parcourue, je la connais autrement que par des rapports. Sur
cette route, les locomotives font 40 lieues par jour ; elle a des pentes comme
n’en a pas la route de
Je trouve donc que si nous
cherchons des exemples en Angleterre, à plus forte raison ai-je eu le droit de
soutenir qu’on demandait trop peu de travail à nos locomotives.
Je tiens de parler des routes
à pentes fortes ; j’ai besoin de dire un mot sur ce qui s’est passé quant à la
route de Pepinster à la frontière de Prusse.
II y a dans le rapport du
ministre des travaux publics beaucoup d’observations sur lesquelles je n’ai pas
l’intention de m’arrêter. Je pourrais, je devrais peut-être les combattre, mais
le moment n’est pas venu, nous avons quelque chose de plus pressé à faire,
quant à présent. Je me borne à la citation d’un passage qui se rattache à la
discussion.
M. le ministre des travaux
publics, parlant de la route de Pepinster à la frontière de Prusse, a dit, page
29 :
« Ce dernier projet, sans avoir
été soumis au conseil des ponts et chaussées, fut approuvé le 8 septembre
1840. »
Je ne sais où le ministre a
trouvé ce renseignement. Il est inexact. Le projet a été soumis par moi au
conseil des ponts et chaussées, et de plus il a été soumis avec les
modifications et rectifications, que ce conseil avait demandées à l’ingénieur
directeur, chargé de ce travail. Un seul point fut tenu à l’écart, ç’a été la
substitution de la rampe continue au plan incliné. Voila ce qui s’est passé.
Mon honorable prédécesseur avait décidé qu’on exécuterait à Dolhain
un plan incliné, contrairement à l’avis de l’ingénieur. Le conseil des ponts et
chaussées s’était prononcé également pour l’établissement d’un plan incliné.
Mais l’honorable et
regrettable ingénieur chargé de ces travaux me
démontra, avec la clarté du jour, qu’une pente continue était préférable
sur cette section à un plan incliné. Comme il y avait désaccord absolu entre
lui et le conseil sur ce point, je déclarai au conseil qu’il n’était plus
question de plan incliné, et que j’avais résolu qu’il y aurait une pente
continue. Mais tout le reste fut soumis au conseil des ponts et chaussées et
approuvé par lui. Les faits ont donné raison à l’ingénieur et au ministre.
Après le départ de l’un et de l’autre, on voulut revenir au plan incliné.
Toutefois on expédia en Angleterre la commission dont j’ai parlé. Elle fit son
rapport, et vint annoncer que ce qui paraissait extraordinaire et impraticable
en Belgique existait sur beaucoup de routes anglaises. Les conclusions et la
conséquence du rapport furent le maintien de la pente continue. J’ajouterai que
la substitution de la pente continue au plan incliné n’a pas donné lieu à une
augmentation de dépense.
Je reviens au matériel.
Je crois avoir démontré que
les 50 locomotives dont on veut nous gratifier sont complètement inutiles. M.
le ministre a dit que ces 50 locomotives étaient nécessaires pour 1e service de
la route de
Mais, dit-on, le matériel est en
mauvais état, il faut le réparer. Voyons donc les tableaux sanitaires du
matériel joints au compte-rendu au 31 décembre. Sur 126 locomotives, 96 étaient
en bon état, 30 en réparation ; mais il ne faut pas croire qu’une locomotive
n’est en réparation que lorsqu’elle est toute disloquée. Une locomotive est en
réparation pour subir une peinture nouvelle, pour quelques morceaux de fer qui
lui manquent. D’ailleurs M. le ministre l’a dit encore dans son rapport, les
locomotives sont examinées tons les jours avec le plus grand soin, et le
moindre dommage est réparé immédiatement. Notre matériel fait, au contraire,
l’admiration de l’étranger, les tableaux constatent son excellente situation.
Pour les wagons, on n’a rien
répondu à ce que j’ai dit. Je ne conçois pas qu’on demande 500 wagons pour le
transport des marchandises de détail, alors qu’on annonce l’intention de
renoncer à ce mode de transport, pour y substituer le transport en gros. M. le
ministre nous a dit hier que ce n’était plus pour le transport en détail, mais
pour les marchandises venant d’Allemagne et de Prusse qu’il fallait ces wagons
qui devaient être fermés ; mais ces marchandises par leur nature ne doivent pas
être mises sous clef. Elles constitueront, pour la plupart, des colis de forte
dimension. Elles seront scellées et plombées à la frontière. Les wagons fermés
sont nécessaires pour les petites marchandises, et non pour les marchandises de
roulage. En supposant que la France et l’Allemagne nous envoient beaucoup de
petites marchandises, 500 wagons seraient encore énormément trop, j’ai démontré
que pour nos 112 lieues 112 wagons suffiraient. Prenant pour exemple la route
de Bruxelles à Anvers, j’ai fait observer que 2 wagons suffiraient par convoi
de Bruxelles à Anvers et d’Anvers à Bruxelles. Cela fait 4 wagons par jour.
J’ai accordé le double, concession bien large, cela fait 8 wagons ; j’ajoute
encore 1 wagon, cela fait 9 wagons ou 1 wagon par lieue de Bruxelles à Anvers.
Nous avons 112 lieues pour tout le pays ; cela fait 112 wagons. Il est donc
évident qu’avec ce nombre nous pouvons desservir tout le chemin de fer.
Supposons que le mouvement double, et je le désire beaucoup, cela ferait 224
wagons. Encore ne faudrait-il pas les construire immédiatement, mais au fur et
à mesure des besoins. On n’a jamais vu un entrepreneur de roulage établir une
masse de chariots hors de proportion avec ses transports. Un tel entrepreneur
passerait pour manquer entièrement de prévoyance et de sagesse.
On dit aussi que le matériel
des wagons est en très mauvais état. Voyons le tableau des wagons. D’après le
rapport de M. le ministre, nous avons pour les marchandises, 662 wagons.
Savez-vous combien il y en a en bon état sur ce nombre ? 611. Il n’y en a que
21 en réparation : Voilà le mauvais état du matériel.
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières) - Je n’ai pas parlé de cela.
M.
Rogier. - Je le sais ; cette
observation ne vient pas de M. le ministre, mais de l’honorable M. Demonceau.
Du reste, ce serait à peu près là la seule excuse de M. le ministre, car si les
wagons actuellement existant sont en bon état, je ne vois pas en quoi est
nécessaire cette quantité extraordinaire de nouveaux wagons qu’on nous propose.
Pour le bétail, d’après le rapport,
il y a 51 wagons. Combien y en a-t-il en réparation ? Pas un.
Pour le transport des
voitures, il y a 44 wagons en bon état, 9 en réparation.
En totalité, pour les
marchandises, le bétail et les voitures, nous avons un attirail de 841 wagons,
dont 42 en réparation. Tout le reste est en bon état.
Les wagons de service en
dehors des wagons de transport sont au nombre de 221. Combien y en a-t-il en
réparation ? 5.
Vous voyez donc que la dépense
des wagons se justifie encore plus mal que celle des stations et des lignes.
On demandera quelle peut être
la conclusion de mes observations. Avant de la formuler j’aurais aimé d’être
éclairé par la discussion. Je voudrais que M. le ministre des travaux publics
tachât de me fournir une réponse plus satisfaisante que celle d’hier. Je ne
pense pas qu’il ait répondu d’une manière satisfaisante à mes observations.
Maintenant je me demande si en présence d’une instruction aussi peu complète,
en l’absence de toute espèce de documents, comparatifs et justificatifs, et il est
prudent de vous jeter dans une nouvelle dépense de 29 millions de francs. Je me
demande si, sans arrêter les travaux du chemin de fer, et en allouant une somme
convenable à M. le ministre des travaux publics, il ne serait pas possible
d’ajourner le reste à la session prochaine, époque à laquelle les nouvelles
dépenses seraient justifiées mieux qu’elles ne le sont aujourd’hui.
Je pense que la chambre ne se
montrerait pas trop sévère en ajournant jusque-là le vote définitif. Si une
nouvelle instruction, une enquête complète et sérieuse démontrait que 30
millions doivent être ajoutés aux 125 déjà votés, quoiqu’à regret, je les
voterais ; mis il faudrait des preuves positives et catégoriques de la
nécessité de ce nouveau crédit. La chambre, en présence d’une dépense de 153
millions, ne s’engagera pas dans de nouvelles dépenses pour de nouveaux chemins
de fer ; ce serait agir avec imprudence et voter en aveugles. On propose les
chemins de fer de St.-Trond à Hasselt et de Tournay à Jurbise, et je les
reconnais comme très utiles. Il est encore une troisième ligne que je verrais
avec plaisir, ce serait une ligne d’Anvers vers
Je suppose que les évaluations
d’aujourd’hui soient seulement de 4 millions pour la ligne de Tournay à
Soignies ou Jurbise. Reportons-nous à 1840, et nous devons conclure que, dans
deux ans, les 4 millions seront devenus 8 millions. Ce n’est pas lorsque nous
nous trouvons en présence d’un pareil mécompte (que je considère toutefois
comme un exagération, jusqu’à ce qu’on nous donne de nouvelles explications)
que nous pouvons entreprendre de nouveaux travaux.
Messieurs, pour les travaux de
Aujourd’hui nous votons la
totalité de l’emprunt, sans nous réserver aucun autre contrôle ultérieur, ce
sera encore 1,500,000 francs dont nous allons grever le trésor public, sans
qu’on ait produit aucun projet de loi destiné à couvrir ce nouveau découvert.
Je ne sais si je me trompe, mais à l’ouverture de la prochaine session, je
crois que nous nous trouverons en présence d’un déficit annuel de 5 à 6
millions.
Je sais que M. le ministre des
finances a voulu entreprendre à forfait, lors de la discussion de son budget,
les recettes de 1842, je ne sais s’il tiendrait encore ce marché aujourd’hui.
M. le ministre des travaux publics nous disait hier qu’il entreprendrait aussi
à forfait l’achèvement du chemin de fer avec les 29 millions. Quant à moi,
j’aimerais mieux le marché de M. le ministre des travaux publics que celui de
M. le ministre des finances. Mais nous n’en sommes pas à faire du gouvernement
à forfait ; nous faisons du gouvernement réel et sérieux. Nous devons donner au
trésor ce qu’il lui faut réellement, et ne pas donner au chemin de fer plus
qu’il ne lui revient.
Eh bien, en lui donnant dès maintenant 29 millions, vous lui donnez,
suivant moi et consciencieusement parlant, plus qu’il ne lui vaut, plus surtout
qu’il n’a été démontré nécessaire de lui accorder. Il me faudrait donc de
nouveaux renseignements, de nouvelles explications pour que je puisse me
rallier entièrement et sans aucune réserve au projet d’emprunt.
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières) - Messieurs, l’honorable préopinant
s’est montré de nouveau surpris de la différence qui existait entre les
estimations de 1840 et celles de 1842. Il s’est plaint de l’absence de
documents de nature à pouvoir fixer l’opinion des membres de la chambre. Mais,
messieurs, si l’on compare les documents qui ont été produits actuellement à
ceux qui ont été produit en 1840, on trouvera que les premiers sont plus
complets que ceux de 1840 ; car il ne faut pas perdre de vue que mon
compte-rendu du chemin de fer fait partie essentielle de l’exposé des motifs du
projet de loi d’emprunt que nous discutons et je crois, messieurs, que, jusqu’à
présent, aucun compte-rendu n’a été aussi complet que celui que j’ai eu
l’honneur de vous présenter.
L’honorable membre vous a dit
qu’il n’existait aucune pièce pour faire voir quels étaient les chiffres
d’estimation en détail qui arriverait à former celui de 18 millions, demandé
pour l’achèvement complet des lignes du chemin de fer décrétées. Mais il a cité
lui-même les tableaux que j’ai fournis dans mon compte-rendu. On y trouve, en
effet, toutes les estimations point par point, section par section ; que
veut-on de plus ? Veut-on, par hasard que l’on vienne ici discuter chacun des
projets des ingénieurs, examiner si un ingénieur a bien ou mal fait de faire
passer le chemin de fer par tel endroit plutôt que par tel autre, parce qu’en
le faisant passer par tel autre endroit il aurait coûté moins cher. Veut-on
examiner dans cette chambre si, en suivant la direction que l’on trouvera plus
économique, telle ou telle section du chemin de fer rendrait aussi les services
que l’on désire en obtenir ? Veut-on examiner, enfin, la question des
matériaux, si l’on emploie du mortier où le sable entrera dans telle
proportion, la chaux dans telle autre proportion ? Ce n’est pas là une
discussion qui peut s’établir dans une chambre ; si la chambre se livrait à une
pareille discussion, elle ferait réellement de l’administration, elle ferait
même plus que de l’administration ; tous les membres de la chambre deviendraient
des ingénieurs. Mais les électeurs ne donnent aux représentants qu’ils députent
à la chambre ni le brevet, ni la science de l’ingénieur.
Je le répète donc, messieurs,
le gouvernement ne pouvait faire autre chose que de vous soumettre, avec la signature
de l’inspecteur général des ponts et chaussées, les tableaux comparés, article
par article, des estimations de 1840 à 1841, faites par les ingénieurs et
revues par le conseil des ponts et chaussées.
Or, messieurs, il résulte de
l’examen de ces tableaux une différence de 28 millions entre le total des
estimations de 1840 et celles de 1842. Quand je dis des estimations, je ne dois
pas me borner à cette simple expression ; car il faut le dire, il n’y a pas
seulement différence entre les estimations, mais il en existe aussi entre les
prévisions. Il y a des travaux qui n’avaient pas été prévus en 1840 ;
l’honorable préopinant l’a reconnu lui-même et s’il eût bien interrogé ses
souvenirs, il aurait vu, qu’en définitive, on a exécuté beaucoup d’imprévu, ce
qui aurait alors pu rendre sa surprise bien moins grande.
Je dis donc que la différence
entre les estimations et les prévisions de 1840 et celles de 1842 se trouve
être de 28 millions et quelques
centaines de mille fr.
L’honorable membre est revenu
sur ce qu’il aurait trouvé dans l’exposé des motifs de M. le ministre des
finances que la différence était de 20 millions. Messieurs, il n’y a pas de
différence entre l’exposé de M. le ministre des finances et les tableaux du
compte-rendu que j’ai présenté. Les chiffres qui se trouvent dans l’exposé des
motifs de M. le ministre des finances sont extraits du tableau n° III de mon
compte-rendu, et ils en sont extraits, chiffre par chiffre. Ainsi il ne peut y
avoir de différence.
Mais l’honorable membre n’a
pas fait attention à une chose, et cependant je croyais m’en être expliqué hier
: c’est qu’à la page 7 des annexes de mon compte-rendu, au tableau n° III, il y
a une note dans la colonne d’observations où il est dit :
« A la somme de fr.
132,760,176 00
« il faut ajouter
« 1° Celles payées pour
frais de justice, etc., d’après les observations ci-dessus, ci fr. 169,414 26
« 2° Les dépenses de
personnel antérieures au mois de juin 1840, ci fr. 343,286 84.
« Ce qui portera le total
général des sections et stations à fr. 133,272,877 10 »
Vous le voyez, messieurs, on
n’a pas tenu compte en 1840 des frais de justice et de personnel, et
particulièrement il y a ici fr. 512,701 10 qui ne doivent pas entrer en ligne
de compte dans le calcul des différences d’estimation.
Eh bien, messieurs, qu’ai-je
fait, ainsi que M. le ministre des finances, pour avoir le chiffre du montant
de l’emprunt nécessaire à l’achèvement des chemins de fer décrétés ? Nous avons
retranché de la somme de 153,870,905 fr. 12 c. nécessaire pour couvrir tous les
frais de construction et d’établissement (dépenses effectuées et à effectuer)
le total des sommes allouées jusqu’ici, soit 125,664,155 fr. 35 c et nous
sommes arrivés au chiffre de 28 millions. Mais ce chiffre ne constitue pas la
différence entre les estimations et prévisions de 1840 et les estimations et
prévisions de 1842 ; car celle-ci n’est que de 27 millions, ainsi que je vous
l’ai prouvé hier, et la différence entre ce chiffre de 27 millions et celui de
28 millions provient précisément de ce que, en 1840 on n’avait pas porté en
compte les frais de justice et de personnel, et que d’un autre côté on n’avait
pas porté non plus en compte dans les sommes fournies au ministre des travaux
publics 599,000 fr., qui avaient été employés en 1835 et en 1836 en dépenses
d’exploitation.
Vous voyez donc qu’il n’y a
aucun désaccord entre les pièces qui vous ont été produites.
Messieurs, l’honorable membre
a fait des observations de détail, de trois espèces : les unes sont relatives
au matériel, les autres aux stations et les troisièmes aux constructions.
En ce qui touche le matériel,
l’honorable membre est revenu sur deux observations qu’il avait faites
avant-hier, et auxquelles je croyais avoir répondu suffisamment hier. Je n’ai
pas eu le bonheur de le satisfaire ; je vais tâcher d’y parvenir.
Messieurs, la première de ces
observations était relative aux wagons pour petites marchandises. J’ai hier
rectifié une erreur dans laquelle était tombé l’honorable membre, en vous
disant qu’on demandait cinq cents wagons en plus. On ne vous demande pas
aujourd’hui cinq cents wagons en plus ; on vous propose d’accorder les fonds
nécessaires pour porter le nombre total des wagons à 500, en y comprenant ceux
déjà existants.
Voici ce que l’on trouve dans
1e tableau n° III, page 46 de mon compte-rendu :
« Wagons fermés pour les
petites marchandises : nombre demandé par le conseil des ponts et chaussées,
500 ; matériel existant au 1er mai 1842 : 120 ; matériel encore à construire
pour atteindre le chiffre demandé par le conseil des ponts et chaussées :
380. »
Ainsi, je le répète, ce n’est
pas cinq cents wagons nouveaux que l’on vous demande, c’est cinq cents wagons
en tout pour l’exploitation de tout le chemin de fer, lorsqu’il sera achevé,
lorsqu’il touchera d’un côté à
J’ai expliqué hier, messieurs,
qu’il y avait peut-être quelque chose à ajouter dans le libellé de cet article
du tableau pour bien le faire comprendre ; car, messieurs, ce ne sont pas 500
wagons pour le simple service des petites marchandises que l’on demande, c’est
500 wagons fermés, et, je le répète, le service international des marchandises
demande des wagons fermés. C’est ainsi que nos commissaires qui ont signé, à
Lille, la convention avec le gouvernement français pour l’exploitation
internationale des lignes de Mons à Valenciennes et de Courtray à Lille, Turcoing et Roubaix, se sont décidés à demander, pour le
bien-être de l’exploitation comme pour la sûreté de la douane, que les
marchandises fussent transportées dans des wagons fermés et convoyés par des
douaniers, afin que l’on pût se dispenser des visites que, sans cela, il
faudrait faire à la frontière, pour que les convois ne fussent point arrêtés
dans leur marche.
Comme je l’ai dit encore hier,
c’est surtout sur les résultats des relations internationales avec l’Allemagne
qu’était fondée la première demande qui nous a été faite pour le chemin de fer.
C’est principalement aussi pour le transit que sont nécessaires ces wagons
fermés.
En ce qui touche, messieurs,
les locomotives, deuxième point sur lequel l’honorable membre est revenu, je ne
puis que répéter que les calculs, que j’appellerai calculs de théorie,
conduisent souvent à de faux résultats et qu’en matière d’exploitation surtout,
c’est la pratique qu’il faut consulter.
Eh bien, messieurs, la
pratique nous a appris que notre exploitation a, sous ce rapport, l’avantage
sur les exploitations étrangères, et l’honorable membre me permettra de lire un
passage d’une lettre que M. le directeur des chemins de fer en exploitation a
adressée au département des travaux publics en 1840. Alors, messieurs, on avait
demandé, comme on l’a encore demandé depuis dans la même année 1840, s’il
n’était pas possible de commander de nouvelles locomotives, afin de soutenir
les établissements industriels. Le directeur des chemins de fer en exploitation
répondit :
« Le nombre de nos
locomotives, y compris celles en construction, s’élève à 123, quantité
suffisante, dans mon opinion, pour exploiter les lignes en service et celles qui
s’ouvriront pendant l’année courante, bien que cette quantité soit inférieure à
celle admise sur les chemins de fer étrangers.
« Ainsi il existe sur les
chemins de :
« Londres à Birmingham, 100
locomotives ou 2 2/3 par lieue.
« De Birmingham à Liverpool, 60 locomotives ou 2 par
lieue.
« De Liverpool à Manchester,
40 locomotives ou 4 par lieue.
« De Londres à
Southampton, 22 locomotives ou 2 par lieue.
« De Paris à Versailles
et St.-Germain, 51 locomotives ou 7 par lieue. »
Eh bien, messieurs, le chiffre
demandé pour la totalité de l’exploitation ne va qu’a 1 1/2 par lieue ; ainsi
vous voyez que sous ce rapport nous sommes au-dessous de tous les chemins de
fer étrangers, et beaucoup au-dessous. Cela est dû, messieurs, à notre bonne
organisation de l’exploitation.
Je dois encore ajouter que non
seulement il y a des locomotives non valides et d’autres valides mises en
réserve, mais que même, d’après les règlements existants, et qu’il est
nécessaire d’observer strictement, chaque locomotive doit subir chaque semaine
un nettoyage complet, ce qui met toutes les locomotives hors de service au
moins un jour par semaine.
Il y a, messieurs, dans le
tableau qui vous a été présenté, un chiffre que je crois au dessous des
prévisions, c’est celui qui est relatif aux wagons à charbon. Il en existe
maintenant 435, et il y a eu des moments où ce nombre était insuffisant. On
n’en demande que 65 en plus, total 500. Les transports de houille ne sont pas
encore extrêmement considérables, il est vrai ; avant qu’ils puissent le devenir
il y a une question très délicate à résoudre. Nous avons dans le pays plusieurs
bassins houillers et l’on comprend qu’avant de se décider à abaisser le tarif
pour les houilles, il faut bien examiner quels intérêts peuvent se trouver plus
ou moins froissés par cet abaissement et quels sont les intérêts qui demandent
cet abaissement ; toutefois ce n’est pas là un problème insoluble, et le
gouvernement espère qu’il ne tardera pas à pouvoir se résoudre de manière à
concilier les divers intérêts ; aussitôt que cette solution aura eu lieu, il
est certain que nos 500 wagons à houille deviendront insuffisants. Vous voyez
donc, messieurs, que nous avons peut-être demandé trop peu de ce chef, loin
d’avoir demandé trop.
En ce que touche les
constructions, l’honorable membre est revenu sur le souterrain de Cumptich, il s’est plaint de ce que je ne lui avais pas
répondu relativement à une différence qu’il a signalée entre le prix des
briques employées au premier souterrain et le prix des briques destinées au
souterrain qu’il s’agit maintenant de construire. On comprendra, messieurs,
qu’il m’est impossible d’avoir dans la tête tous les détails des divers marchés
qui ont eu lieu ; je crois que cette différence, si elle existe, doit tenir à
ce que le prix des briques doit nécessairement être augmenté par suite des
grands travaux qui ont été exécutés et qui s’exécutent encore. D’ailleurs, ce
sont là des différences amenées par les adjudications ; les adjudications sont
publiques, tout le monde peut concourir, et s’il y avait un entrepreneur qui
pût fournir à meilleur marché, il ne manquerait pas de se présenter.
Hier, messieurs, j’ai fait
connaitre à la chambre que le souterrain de Cumptich
avait
Oui, messieurs, j’ai dit à la
chambre, dès le début de la discussion que, dans l’intérêt du crédit public,
dans l’intérêt du chemin de fer, dans l’intérêt de la bonne réalisation de
l’emprunt, j’ai déclaré aux ingénieurs que, dans les évaluations des sommes
nécessaires au complet parachèvement du chemin de fer, ils devaient se montrer
larges, non pas démesurément (cela ne peut pas entrer dans la pensée d’un
ministre des travaux publics), mais larges avec mesure, de manière à ne pas
rester en dessous des besoins présumés. Voilà de quelle manière il faut
entendre le mot large dont je me suis
servi.
En ce qui touche les stations,
l’honorable membre a beaucoup appuyé sur le chiffre de 6 à 7 millions qui sera
demandé en plus, du chef de ces constructions ; il a cité, à l’égard de la
station de Malines, un chiffre qui se trouve dans le tableau n°1 de mon
compte-rendu ; dans ce tableau il est porté, en effet, que les bâtiments, les
constructions diverses et les dépendances de la station de Malines, au premier
janvier 1842. avaient coûté 1,120,000 fr.
Mais, messieurs, c’est là le
chiffre des dépenses liquidées à cette époque ; il ne faut pas croire que ce
soit le chiffre total de ce qu’ont coûté les bâtiments actuellement existants
dans la station de Malines.
Maintenant, vous pouvez voir
dans le tableau n° III, qu’il est porté pour total de l’estimation de la
station de Malines, 1,820,000 francs ; dans l’un des tableaux, l’on procède par
travaux ; dans l’autre, on procède par comptabilité annuelle.
L’honorable membre s’est
étonné que, pour la station d’Anvers, il ait été demandé 1,139,811 francs en
plus ; mais, les souvenirs de l’honorable membre doivent le tromper
singulièrement ; car la somme qui est demandée en plus est la conséquence des
actes posés par l’honorable membre.
M.
Rogier. - Prouvez-le.
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières) - L’honorable membre sait bien qu’il
a accordé un quai d’abordage, et a consenti à différentes autres constructions
dans la station d’Anvers ; or, ce sont ces constructions qui nécessitent
l’augmentation dont il s’agit.
M.
Rogier. - J’avais demandé 500,000
fr.
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières) - Je n’ai, quant à moi, posé aucun
acte qui ait rendu cette majoration nécessaire.
J’ai déjà eu l’honneur de dire
plusieurs fois à la chambre quelles étaient les stations qui exigeaient les
plus fortes augmentations de dépenses : ce sont celles d’Anvers, Bruxelles et
Charleroy. J’ai dit, quant à cette dernière, qu’on ne devait pas croire que
c’était une perte totale pour le trésor public ; que la combinaison à laquelle
on s’était arrêté, rendrait disponibles 8 à
Messieurs, en ce qui touche la
construction, je crois avoir donné à la section centrale tous les
renseignements qu’elle m’a demandés, et ces renseignements sont aussi complets
que peuvent l’être des documents à mettre entre les mains des membres d’une
section centrale ou de la chambre ; car, encore une fois, je ne pense pas qu’il
faille communiquer tous les rapports des ingénieurs, les procès-verbaux des
séances du conseil des ponts et chaussées ; ce sont les détails dans lesquels une
chambre ne peut pas entrer.
L’honorable membre a beaucoup
insiste sur le chemin de fer de
L’honorable membre a parlé du
plan incliné qui avait été projeté pour Dolhain ; il
s’est trouvé en quelque sorte blessé de ce que dans l’historique de mon
compte-rendu, il ait été dit qu’il s’était prononcé en faveur des fortes
rampes, sans avoir consulté le conseil des ponts et chaussées.
Il est possible que
l’expression dont je me suis servi dans l’historique de mon compte-rendu ne
soit pas tout à fait celle que j’aurais dû employer ; mais il est de fait que
lorsque M. Nothomb a quitté le ministère, il s’était décidé en faveur du chemin
de fer à plan incliné, sur l’avis du conseil des ponts et chaussées, auquel il
avait adjoint pour cette fois d’autres ingénieurs ; et aujourd’hui, messieurs,
l’on voit, par l’exploitation du plan incliné de Liége, combien on avait tort
de se faire une espèce d’épouvantail de l’introduction des plans inclinés dans
notre chemin de fer.
L’ingénieur dont a parlé M.
Rogier avait fait trois projets : un avec plan incliné et deux avec rampes
continues sans plan incliné. Il les avait présentés au ministre comme également
bons selon lui. Parmi les projets à rampes continues, il n’y avait de
modification, je crois, que pour la station de Verviers.
La question principale à
décider était celle relative au plan incliné de Dolhain
; il s’agissait de savoir si l’on exécuterait le chemin à Dolhain,
soit avec plans inclinés, soit avec rampes continues.
M. Nothomb, vu l’importance de
la question, crut devoir consulter le conseil des ponts et chaussées, composé,
pour cette fois, comme je viens de le dire ; l’avis unanime de ce conseil,
moins la voix de l’ingénieur auteur des projets, qui avait cependant présenté
les deux systèmes comme également bons, comme également convenables, fut en
faveur du projet avec plans inclinés. Et si, messieurs, l’exploitation sera aujourd’hui
difficile, sur cette partie de notre chemin de fer, si même nous avons dû
demander de ce chef une augmentation pour le matériel, pour les locomotives,
c’est précisément parce que nous aurons plus de difficultés pour
l’exploitation.
Nous devrons employer plus de
locomotives et des locomotives d’une plus grande puissance. Ainsi, vous voyez
que la décision prise par M. Nothomb était tout à fait sage et dans l’intérêt
de l’exploitation du chemin de fer et du trésor. Cependant l’honorable M.
Rogier a décidé ensuite autrement. Il vous a dit tout à l’heure qu’on disait
dans le compte-rendu qu’il avait décidé sans soumettre le projet au conseil des
ponts et chaussées. Il est possible que me suis mal exprimé ; il l’a soumis,
dit-il, moins ce qui était relatif au plan incliné, mais il est à remarquer que
c’était là toute la question
Vous le voyez, messieurs, si
aujourd’hui les estimations et les prévisions dépassent de beaucoup celles de
1840, les différences sont dues à des travaux imprévus, comme l’a reconnu
l’honorable membre lui-même et à des estimations primitives trop peu élevées.
Vous avez pu voir aussi que
les augmentations sont nécessitées par des décisions que M. Rogier lui-même a
prises. Je crois maintenant avoir répondu suffisamment aux observations de cet
honorable membre.
Plusieurs membres. - La clôture ! la clôture.
M.
Dubus (aîné). - Je viens m’opposer à la
clôture. Le paragraphe dont il s’agit est celui qui fixe la somme à affecter au
parachèvement des lignes du chemin de fer. Il m’a semblé que dans la discussion
on avait annoncé qu’il dépendrait des explications du ministre, si l’on
déposerait des amendements. On ne peut pas clore la discussion avant qu’on se
soit expliqué sur les explications qui viennent d’être données.
M. le président. -
M. de Mérode vient de me faire parvenir l’amendement suivant :
« Disposition additionnelle. Les tunnels doubles nouveaux, les
embranchements et stations qui ne résultent pas nécessairement des lois qui ont
déterminé la création des chemins de fer construits ou en construction, ne
pourront être établis qu’en vertu d’une loi présentée ultérieurement aux
chambres législatives. »
- La parole est donnée à M. de
Mérode pour son amendement.
M. de Mérode. -
Vous avez vu, par la discussion combien il est important de restreindre
l’autorité du ministre, en ce qui concerne les développements à ajouter aux
chemins de fer, quant aux stations, embranchements, tunnels et à toutes les
dépenses qui ne sont pas de stricte nécessité. L’amendement que je propose pour
but d’arriver à ce résultat, que le ministre ne puisse, de son autorité privée,
créer ces différents objets dont la dépense sera encore considérable. Vous
sentez combien, après les dépenses énormes qu’on a déjà faites, il importe de
ne pas se livrer à des munificences inutiles. Il existe encore une multitude de
besoins dans le pays, quant aux communications.
Les routes ordinaires, que
j’appellerai agricoles, manquent encore dans une foule de communes. Il est
question d’un embranchement dans l’intérêt de la ville de Liége. L’on ne
considère pas seulement les intérêts de la ville, mais aussi ceux de la
province ; on verra qu’il serait plus utile de dépenser l’argent destiné à
l’embranchement et à la station dont il s’agit en routes ordinaires pour une
foule de communes qui sont encore embourbées pendant les 3/4 de l’année. Je
pourrais vous citer une foule de communes des environs de Liége qui sont dans
cet état, qui n’ont aucune espèce de communication.
Il est donc indispensable, à
mon avis, de restreindre l’action du gouvernement aux dépenses décrétées, et de
remettre celles qui peuvent être ajournées. Si l’on a des fonds disponibles,
qu’on les applique à ce qui est urgent. Le résultat de ce que nous faisons
revient à donner deux ou trois habits à ceux qui déjà sont bien vêtus et à
laisser aller tout nu celui qui n’a pas de chemise.
M. le président. - M. Raymaeckers propose d’affecter une somme de 1,400,000 fr. au
prolongement du chemin de fer jusqu’à Hasselt.
M. de Man propose de réduire à
24 millions la somme affectée à l’achèvement des lignes décrétées du chemin de
fer.
M. de Man d’Attenrode. -
Je rentre dans la discussion de l’art. 2.
M. le ministre des travaux
publics nous disait hier : Mon intention est de ne fare
que des dépenses utiles, d’éviter celles de luxe.
J’ai été heureux d’entendre
ces paroles, et j’en prends acte ; mais disposé à mettre le passé hors de
cause, bien qu’il ne mérite, sous bien des rapports, rien moins que notre
approbation, je désire que M. le ministre soit dans ses actes un peu conséquent
avec ses paroles ; et pour qu’il le soit, il faut qu’il élague toutes les dépenses
qui ne sont pas d’une utilité urgente, et je ne balance pas à mettre au nombre
des dépenses de luxe, les dépenses immenses pour les stations ; je crois qu’il
serait possible de réduire l’emprunt, de ce chef, de deux millions, tout en
accordant à la capitale une station convenable.
En effet les ingénieurs ont
demandé en 1840 : fr. 12,254,053
Le conseil des ponts et
chaussées a réduit ce chiffre à fr. 11,252,053
Le même conseil demande en
1842 fr. 17,673,559
6,421,506 fr., soit la
différence, sont demandés en plus en 1842. Cette somme est exorbitante, et ne
peut tendre qu’à du luxe, car le conseil ne peut s’être trompé aussi
grossièrement ; il ne peut y avoir là qu’un changement de système, quant aux
embellissements de ces constructions ; il ne s’agit pas là des obstacles
imprévus de
Je rangerai encore parmi les
dépenses évitables le doublement du tunnel de Cumptich,
ce qui constituerait une économie de 800,000 fr., soit 2,800,000. Le service
s’est fait sans embarras à moi connus depuis 5 ans ; je ne vois pas pourquoi il
ne continuerait pas sur le même pied.
J’envisage encore parmi les
dépenses à éviter un million pour un embranchement vers le centre de la ville
de Liége, soit une économie de 3,800,000 fr.
On nous disait hier : mais il
faut faire quelque chose pour la ville de Liége ; mais rappelez-vous,
messieurs, que c’est pour la ville de Liége que nous avons construit le chemin
le fer par la ruineuse vallée de
Ce n’est pas trop évaluer le
surcroît de dépense que nous vaut le choix de la direction de Liége que de
l’estimer à une augmentation de dépense de 25 millions.
Mais je dis plus, ce n’est pas
seulement dans l’intérêt de l’Etat, que nous devons refuser le million pour
l’embranchement vers le centre de Liége, c’est dans l’intérêt même de cette
ville que nous devons le refuser.
En effet, si cet embranchement
est accordé, il obérera la ville de Liége : cette ville est obligée, pour
l’obtenir, de fournir 1,900,000 fr., en prélevant
1,000,000 fr. en partie sur un emprunt, je suppose, et en partie sur la vente
incertaine de biens communaux, et en comptant sur 300,000 fr., à fournir par la
province, qui n’a à cette dépense qu’un intérêt très secondaire.
Ces sommes réunies pour cet
ouvrage font le chiffre de plus de 3 millions, et je suis fondé à croire qu’il
ne suffira pas. C’est donc dans l’intérêt et de l’Etat et de la ville de Liége
même, qu’il faut élaguer ce million.
On a établi que l’on pouvait
diminuer les commandes de locomotives ; on peut réduire les commandes de
wagons. J’évalue cette économie à 2,200,000 fr., et j’arrive à une réduction de
6 millions qu’il serait facile de réaliser.
M. le ministre nous a dit que
son compte-rendu est l’exposé des motifs des 30 millions qu’il nous demande.
Mais il résulte de ce compte
rendu, que les demandes sont exagérées ; cela est évident pour tout le monde.
Mais, nous dit M. le ministre,
la chambre ne peut apprécier les besoins du chemin de fer, ses membres ne sont
pas des ingénieurs ; mais autant vaudrait nous engager à nous livrer
aveuglement au conseil des ponts et chaussées, et il s’est trompé dans ses
estimations, de façon à diminuer la confiance qu’il doit inspirer. Il est
d’ailleurs une multitude de dépenses qu’on peut apprécier sans être ingénieur ;
il suffit d’un peu de bon sens.
J’espère que M. le ministre prendra l’initiative des réductions
possibles. Si M. le ministre ne prenait pas cette initiative, qui lui
appartient, je me verrais forcé de formuler cette réduction par un amendement,
en faisant la part des chemins de fer dans l’emprunt à 24 millions, ce qui
constitue une réduction de 6 millions.
M.
Raikem. - Vous avez entendu des
honorables membres s’élever contre la station que M. le ministre se propose
d’établir à l’aide de l’embranchement dirigé vers la ville de Liège. On a
présenté cette station comme étant uniquement un objet de luxe, ayant pour unique
but la facilité des voyageurs. Mais les honorables membres qui ont pris la
parole à cet égard ne connaissaient nullement l’état de choses ; autrement, je
suis persuadé que, loin de combattre la proposition, ils l’auraient appuyée.
Non, messieurs, cette station
n’est pas un objet de luxe, elle a pour but de relier le chemin de fer avec
Par quel moyen le
favorisez-vous ? En mettant le chemin de fer en communication immédiate avec
La navigation de
J’ai dit que depuis 1830 la
navigation de
Je pourrais entrer dans
d’autres considérations mais dans l’état où se trouve la discussion, je crois
d’autant plus devoir me restreindre, qu’on n’a présenté aucun argument solide
contre la station et l’embranchement dont il s’agit.
Mais comme l’on fait remarquer
un honorable préopinant et M. le ministre des travaux publics lui-même,
l’établissement de cette station, l’établissement de l’embranchement qui doit
conduire à cette station, est intimement lié avec la déviation de
Je pourrais entrer dans
beaucoup de détails à cet égard. J’abrégerai le plus possible. Il y a la plus
grande difficulté à la remonte des bateaux dans la traverse de la ville. Elle
exige 4 ou 5 heures en été et 7 ou 8 heures en hiver, et cela pour parcourir un
peu plus d’une demi-lieue. Je crois que ce sont des inconvénients bien réels et
qui réclament toute notre sollicitude. Pour la remonte des bateaux, il faut
transporter plusieurs fois les chevaux d’une rive à l’autre ; il arrive souvent
des malheurs dans ce trajet. La descente de
En 1839, une fabrique
considérable, située sur la rive droite, à proximité du pont de
Je crois donc que la proposition d’ajournement ne fera aucune impression
sur vos esprits. Je ne puis attribuer cette proposition qu’à ce que ses
honorables auteurs n’ont pas convenablement vérifié l’état des choses.
M. Dubus (aîné). - Je m’étais fait inscrire pour parler sur l’amendement que j’ai
signé, de concert avec plusieurs collègues. Je cède la parole à M. de Man
d’Attenrode.
M. de Man d’Attenrode. -
Un honorable député de liège vient de nous dire que la station proposée pour
cette ville n’est pas un objet de luxe, qu’elle tend à relier le chemin de fer
à
J’ai suffisamment fait valoir
les dépenses immenses que nous avons faites en faveur de Liége ; il est inutile
d’y revenir, nous ne sommes donc pas en arrière en fait de dette, avec Liège.
L’honorable membre a fait
valoir les inondations de
M. Eloy de Burdinne
renonce pour le moment à la
parole, se réservant de parler sur l’amendement de MM. Dumortier et collègues.
M.
Dechamps. - J’avais l’intention de prendre la
parole sur l’amendement de l’honorable M. Dumortier. J’attendrai qu’il soit mis
en discussion.
Cependant, puisque j’ai la
parole, je demanderai à M. le ministre des travaux publics quelle est
l’intention du gouvernement, par rapport aux études qu’il a ordonnées entre
Sambre et Meuse. Son intention est-elle de faire construire ce chemin de fer
aux frais de l’Etat, ou bien son intention est-elle de faire étudier ce chemin
de fer d’une manière spéciale, afin de saisir la chambre d’un projet ? Enfin
a-t-il l’intention de proposer la garantie d’un minimum d’intérêt pour amener
la construction de ce chemin de fer, auquel le sort de notre industrie
métallurgique est attaché ?
Je n’entrerai pas dans des développements. Je me bornerai à faire cette
demande au gouvernement, afin qu’il puisse donner quelques espérances à cette
industrie ; car ce chemin de fer est destiné à amener une grande réduction dans
le prix du fer en Belgique.
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières) - L’honorable M. Dechamps me demande
dans quelle intention le gouvernement a fait faire un travail d’études pour le
chemin de fer entre Sambre et Meuse. Vous vous rappelez tous que ce chemin de
fera fait l’objet d’une concession qui a été accordée. Les concessionnaires
avaient formé une société anonyme qui s’est dissoute. Aujourd’hui les
concessionnaires prétendent qu’ils ne sont pas déchus. Le gouvernement est
d’une opinion contraire ; c’est un débat qui reste à décider. Maintenant
plusieurs districts industriels qui sont intéressés à la construction de ce
chemin de fer, m’ont, depuis que je suis au ministère, fait plusieurs fois des
instances très vives pour que le gouvernement se prononçât et sur la question
de la garantie d’un intérêt qui leur permettrait de former une nouvelle
société, pour l’exécution de ce chemin de fer, et sur la participation que
l’Etat pourrait y prendre. Sans préjuger aucune de ces questions, surtout la
question de la garantie d’un minimum d’intérêt qui, on l’a dit hier avec raison
est très grave, je dis qu’il est du devoir du gouvernement de ne se prononcer
sur toutes ces questions qu’après les avoir examinées sous toutes leurs faces
et j’ajoute que le lumineux rapport de M. Dechamps sera d’un très grand secours
pour cet examen.
Nous avons eu en 1839 une
crise industrielle et commerciale produite principalement par la fièvre des
sociétés industrielles. Il faut aujourd’hui prendre garde de faire naître la
fièvre des sociétés concessionnaires. Vous voyez que c’est une question très
grave, sue laquelle il importe de bien fixer ses méditations avant de la
décider. En ce qui concerne les études faites, le gouvernement a cru qu’en
attendant qu’il pût se prononcer sur la question de la garantie d’un intérêt,
garantie sans laquelle la société a déclaré ne pouvoir exécuter ce chemin le
fer, il pouvait faire ces études pour vérifier celles faites par les
concessionnaires, car le gouvernement ne peut se prononcer sans avoir fait des
études lui-même, il ne peut s’en rapporter à celles des concessionnaires.
Voilà tout ce que j’avais à répondre à l’interpellation de l’honorable
M. Dechamps.
M.
Dumortier. - Les observations présentées dans
cette séance ont, aux yeux de beaucoup d’entre vous, un caractère de grave
importance. En effet, il s’agit de savoir si la somme pétitionnée est ou n’est
pas plus élevée que les prévisions.
Je ne pense pas qu’on ait
répondu aux observations de l’honorable M. Rogier, ni qu’on puisse répondre à
cette observation, surtout, que lorsque la station de Malines a coûté 1,120,000
fr. on soit fondé à demander, comme on le fait, 1,300,000 fr. pour la station
de Bruxelles, 1,400,000 pour celle de Liége, 1,000,000 pour la station de
Charleroy et 1,900,000 fr. pour la station d’Anvers ; car il est évident
qu’aucune station ne doit avoir autant de bâtiments que la station centrale. Il
résulte de cette observation que vous pouvez faite sur le chiffre demandé pour
les stations une réduction, et que vous pouvez l’appliquer à des dépenses
infiniment plus utiles.
A cet égard, je me permettrai
de faire remarquer un fait saillant qui résulte des observations de l’honorable
M. Rogier, savoir que lorsque l’ingénieur Simons était chargé de la direction
des travaux du chemin de fer, le conseil des ponts et chaussées prétendait que
ses évaluations étaient trop élevés, qu’elles pouvaient être diminuées. Sur
chaque projet le conseil trouvait moyen de faire des réductions considérables.
Et depuis que l’ingénieur Simons a quitté la direction des travaux du chemin de
fer, toujours le conseil des ponts et chaussées a enchéri sur les dépenses.
Voilà ce qui résulte de tous les chiffres présentés par l’honorable M. Rogier.
Je me suis dit de deux choses l’une : ou le conseil des ponts et chaussées
avait raison, lorsque M. Simons était directeur ; ou il a tort aujourd’hui.
S’il avait raison de dire que ses évaluations étaient trop élevées, comment se
fait-il que ses demandes excédent ces évaluations ? S’il prétend qu’il faut
plus aujourd’hui, les chiffres de M. Simons n’étaient donc pas exagérés. Il
n’est pas possible de sortir de là.
Evidemment le chiffre du
projet de loi comprend des dépenses de luxe que nous devons écarter. Voici le
fait : On veut entrer dans le système français ; après avoir construit un
chemin de fer économiquement, avec des stations fort simples, on veut avoir des
stations de luxe comme aux environs de Paris. Dans la discussion de la loi du
26 mai 1837, j avais l’honneur d’être rapporteur de la section centrale. Il
s’agissait du chemin de fer de Gand à la frontière de France, pour lequel il y
avait deux évaluations : l’une des ingénieurs Simons et de Ridder,
l’autre du conseil des ponts et chaussées. Qu’est-il résulté de la comparaison
des deux évaluations ? Que celle du conseil des ponts et chaussées était plus
élevée d’un million que celle de MM. Simons et de Ridder.
Or, j’eus l’honneur de faire remarquer à la chambre, dans le rapport que je
présentai à cette époque, que le travail présenté par MM. Simons et de Ridder était à cent mille francs près la même chose que
celui du conseil des ponts et chaussées, quant aux lignes du chemin de fer.
Toute la différence provenait de ce que les uns voulaient des stations de luxe,
les autres des stations comme celles qu’on avait faites par le passé. Vous
voyez donc qu’on entre aujourd’hui dans un système nouveau. Au lieu de
stations, en quelque sorte bourgeoises, qu’on a faites en Belgique, on veut des
stations de luxe, des stations monumentales ; voilà ce que l’on veut créer en
Belgique.
Eh bien ! pour mon compte je
ne veux pas de ces stations. Remarquez qu’on ne va pas dans les stations pour y
demeurer ; on ne fait qu’y passer. Lorsqu’on va à une station, on se hâte de
prendre son billet et d’entrer dans une voiture, d’abord parce qu’on n’a pas
besoin d’en bouger, et ensuite parce que l’on cherche à avoir la meilleure
place possible. De même lorsqu’on descend de voiture, on ne séjourne pas à la station,
on se rend directement à son domicile.
De manière donc que ces
stations de luxe sont une véritable superfluité et une source de dépenses que
nous devons chercher à détourner. Je ne puis comprendre, quant à moi, comment
il faudrait dépenser 1,900,000 fr. pour la station d’Anvers, 1,000,000 fr. pour
la station de Charleroy, 1,500,000 fr. pour la station du Nord de Bruxelles,
pour cette station du Nord qui nous a déjà tant coûté ; car avec le
raccordement nous y aurons dépensé au delà de 2 millions.
A la vérité, on vous répond
qu’il faut mettre le matériel à couvert, qu’il se détériore plus par la plume
et par l’intempérie de l’atmosphère que par les voyages ; et cette observation
est juste. Mais est-il besoin de loger ce matériel dans des palais, dans des
hôtels ? De simples hangars ne suffisent-ils pas ? Si, au lieu de faire des
dépenses de luxe, on faisait de simples hangars, le matériel serait à l’abri,
et vous n’auriez pas à dépenser des sommes aussi énormes.
Les dépenses de construction
entraînent souvent l’Etat dans des pertes considérables et, à cet égard, je
dois dire que c’est un véritable abus dans les constructions de chemins de fer,
que de ne pas avoir souvent fait des adjudications de détails, au lieu
d’adjudications générales. Je pourrais citer ce qui s’est passé sous mes yeux à
Tournay, et ce que je vous dirai à cet égard vous prouvera combien il est
nécessaire d’apporter une grande surveillance dans les travaux du chemin de
fer. Lorsqu’il s’est agi de faire passer 1e chemin de fer dans les prairies
voisines de l’Escaut, il a fallu faire de grands travaux de maçonnerie ; ces
maçonneries ont été faites en moellon. Les évaluations portaient à environ 20
fr. le mètre cube. Eh bien ! il a été reconnu à
Tournay que si l’on avait voulu faire des adjudications de détails, on aurait
pu avoir ces travaux à raison de 7 fr. par mètre cube. C’est le prix que l’on
paie ordinairement. On a refusé les adjudications de détails, et l’on a eu
recours à un grand entrepreneur que l’on a payé 20 fr. Je demanderai si c’est
ainsi que l’on doit agir pour amener des économies dans les dépenses.
Et cependant, remarquez-le,
messieurs, la section de Mouscron à Tournay est la seule qui ait offert un
rabais aussi considérable sur les prévisions ; ce rabais est d’un million. Il y
a ensuite la station de Namur, qui présente une réduction de 400.000 francs,
Toutes les autres parties présentent des augmentations énormes.
Eh bien ! malgré
qu’il y ait eu un million de réductions sur cette section, on aurait pu porter
les économies plus loin encore. Je pourrais citer telle station de chemin le
fer dans laquelle on a fait une entreprise de bâtiments en briques à raison de
30 fr. le mètre cube ; et quelques jours après, l’entrepreneur soumissionnait
en détail à raison de 18 fr. le mètre cube ; de manière que pour avoir apposé
sa signature à l’adjudication, il mettait 12 fr. d’économie dans sa poche.
J’appelle l’attention de M. le
ministre des travaux publics sur ce point, parce qu’il est certain qu’au moyen
d’adjudications de détails on obtiendrait des économies considérables. Je sais
que cela n’est pas aussi commode pour le corps des ponts et chaussées ; qu’il
lui est beaucoup plus facile d’avoir affaire à un seul grand entrepreneur qu’à
trente-six petits entrepreneurs. Mais l’Etat a besoin d’économie, et l’économie
est ce que nous devons chercher à obtenir avant tout.
Je pense donc qu’en abordant
la discussion du premier chiffre, il y a une chose absolument indispensable,
c’est de distinguer ce que vous voulez attribuer au parachèvement du chemin de
fer, ce que vous voulez donner pour les stations et ce que voulez donner pour
le matériel. Si vous n’agissez pas de la sorte, vous arriverez à l’absorption
de tout votre capital. Et cependant le capital que l’on vous demande est, à mes
yeux, supérieur, et de plusieurs millions, aux nécessités. Mais le corps des
ponts et chaussées, qui n’a pas l’embarras de demander les crédits à la
chambre, de soutenir la discussion, de faire voter des impôts et des emprunts,
et qui verra à sa disposition une somme ronde, emploiera tout jusqu’au dernier
denier. Les intentions de M. le ministre sont pures, j’en suis convaincu, mais
il a beau dire, et il aura beau faire, tout le crédit sera absorbé, si vous
n’établissez pas une distinction entre les sommes destinées au parachèvement du
chemin de fer, celles destinées aux stations et celles destinées au matériel.
Je demande que cette distinction soit établie dans le 1° de l’art. 2. Il faut
catégoriser la dépense, c’est le seul moyen d’arriver à un résultat ; et je
maintiens qu’en catégorisant la dépense, M. le ministre sera d’accord avec nous
qu’il y aura possibilité d’arriver à une réduction considérable sur le chiffre
de l’emprunt, et au moyen de cette réduction de faire les travaux dont chacun
reconnaît la nécessité indispensable, et spécialement la voie de raccordement
des deux chemins de fer du Midi, dont nous vous demandons la construction.
Messieurs, il est encore un
point sur lequel je dois appeler votre attention.
Dans l’emprunt qui vous est
demandé, le gouvernement part d’un principe : c’est qu’il ne demande des fonds
que pour les travaux décrétés. Eh bien ! je dis que cela n’est pas exact,
puisqu’il vient nous demander un million et demi pour l’entrepôt d’Anvers, et
un million pour la station de Liége. Dès lors, il est complètement inexact de
dire qu’il s’en tient aux lois qui ont décrété le principe de la dépense. Je
voudrais, quant à moi, que la chambre commençât par se prononcer sur ce point.
Si l’on veut s’en tenir aux travaux décrétés, alors vous n’aurez rien à
discuter relativement à l’agrandissement de l’entrepôt d’Anvers et relativement
aux autres travaux pour lesquels on vous demande des fonds.
Messieurs, veuillez remarquer
que, quant à ce qui est de la station de Liége, je n’y suis pas opposé ; mais
puisque nous avons aussi des intérêts à faire valoir, nous devons vous faire
observer un fait, c’est qu’il existe déjà une station à Liège. Faut-il
maintenant en faire une seconde ?
J’entends que l’on dit que la
station actuelle est à une demi-lieue de la ville. Eh bien ! je crois me
rappeler comment les choses se sont passés, lorsqu’il a été question de faire
la station de Liége.
Messieurs, on a désiré que les
villes concourussent pour une partie des dépenses qu’entraînait la construction
des stations intérieures. C’était, si j’ai bon souvenir, le système de
l’honorable M. Rogier, lorsqu’on vota la loi de 1834 ; ce système, à mon avis,
était très sage. Le gouvernement disait aux villes : Je conduis mon chemin de
fer à vos portes ; mais si vous voulez qu’il entre dans vos murs, c’est à vous
à faire la dépense. Cela s’est fait ainsi pour la ville de Louvain ; cela s’est
fait ainsi pour la ville de Tournay, qui a dépensé 300,000 francs pour la
station, qui non seulement a donné le terrain mais qui l’a clôturé d’un
grillage en fer ; qui en un mot a fait toute la dépense, moins celle pour la
construction des bâtiments dut gouvernement.
D’antres villes n’ont pas
consenti à ces conditions. La ville de Liège n’y a pas consenti, et c’est par
suite de ce dissentiment que la station a été placée aux Guillemins.
M. Fleussu. -
La ville de Liège donne un million.
M.
Dumortier. - J’entends maintenant qu’il s’agit
de voter un million pour la dérivation de
Dans la troisième section, à
laquelle j’appartenais, une proposition avait été faite dans le but de faire
employer l’encaisse de la société générale ou au moins de le faire amortir. Je
regrette que cette proposition n’ait pas été examinée d’une manière plus
sérieuse, car je ne conçois pas que lorsque nous votons un emprunt nous
n’amortissons pas cet encaisse qui est inutile à la société générale aussi bien
qu’à l’Etat. D’un autre côté la banque de Belgique nous doit 4 à 5 millions
qu’elle tient-à notre disposition ; pourquoi ne pas également employer cette
somme ?
Je pense, messieurs, que ce
sont là des objets qui méritent de fixer sérieusement l’attention de
l’assemblée ; car je suis persuadé que, sans élever le chiffre de l’emprunt et
même en le diminuant, on pourrait satisfaire les besoins légitimes de tontes
les localités. Je dis : besoins légitimes,
parce que je ne considère pas comme un besoin légitime la construction d’un
nouvel embranchement du chemin le fer dans une localité où il y a déjà
aujourd’hui plus de gardiens que de voyageurs ; mais je maintiens que tout en
diminuant le chiffre de l’emprunt, l’on pourrait satisfaire aux besoins
légitime de toutes les localités. Il suffirait d’ordonner l’amortissement de
l’encaisse de la société générale et d’affecter aux besoins dont il s’agit ces
4 ou 5 millions qui nous sont dus par la banque de Belgique.
En effet, messieurs, la somme
demandée par le gouvernement est de 33,50,000 fr. : ajoutez à cela les 5
millions et demi demandés pour l’embranchement de Tournay à Jurbise ; ajoutez-y
ensuite le million demandé pour
Resterait ensuite à examiner,
messieurs, si les sommes demandées pour les stations et pour le matériel ne
sont pas susceptibles d’être réduites, et je pense, quant à moi, qu’elles
peuvent être réduites d’une manière très notable.
Ainsi. messieurs, je demande
d’une manière formelle la division du chiffre en trois parties, dont la
première serait consacrée à la construction des lignes du chemin de fer
proprement dites, la deuxième aux stations et la troisième
au matériel. Je demande ensuite à M. le ministre des finances s’il ne serait
pas possible d’ordonner la mise en circulation des douze ou treize millions qui
forment l’encaisse de la société générale, en diminuant d’autant le montant de
l’emprunt, ou d’ordonner purement et simplement l’amortissement de cet
encaisse, ce qui reviendrait au même. Je demande en outre que l’on fasse verser
dans les caisses de l’Etat les 4 ou 5 millions qui nous sont dus par la banque
de Belgique.
M.
d’Huart. - Il s’agit, messieurs, de voter les
sommes nécessaires pour l’achèvement des lignes décrétées du chemin de fer, et
l’on demande de ce chef une somme de 28,250,000 fr.
Nous nous sommes exprimés d’une manière défavorable relativement à
l’embranchement de la ville de Liége, embranchement que, d’après le libellé
actuel de l’article, on ne pourrait pas même construire, selon moi, puisque ce
n’est pas là un embranchement décrété ; mais ce n’est plus maintenant d’un
embranchement du chemin de fer que l’on parle, c’est de la dérivation de
Quoi qu’il en soit, les
explications qui ont été données à cet égard me satisfont complètement, et, en
ce qui me concerne, j’accorderai bien volontiers le million demandé pour
l’embranchement du chemin de fer de Liége, et pour assurer en tout temps une
navigation exempte de danger à travers cette ville. Mais l’honorable qui nous a
combattu conviendra que nous étions en droit de faire ce que nous avons fait,
alors que nous nous trouvions en présence du texte précis et très positif de la
loi, que nous avons sous les yeux.
Quant à l’objet direct de la
discussion, l’honorable M. de Man propose de réduire le chiffre demandé pour le
chemin de fer à 24 millions. J’appuie cet amendement, il me paraît que nous
pouvons très bien terminer les lignes décrétées du chemin de fer et les
stations et acquérir le matériel nécessaire, avec la somme de 24 millions. En
effet, messieurs, que demande-t-on pour terminer les lignes décrétées du chemin
de fer ? 17,900,000 fr. Eh bien, d’après les explications qui ont été données
et auxquelles il n’a pas été répondu, cette somme peut sans inconvénient être
réduite à 17 millions ; 17 millions seront plus qu’il ne faut. Quant aux
stations pour lesquelles on demande 6 millions, qui, ne vous y trompez pas,
messieurs, constituent un accroissement de dépenses ; quant aux stations, je
suis convaincu qu’avec 3,500,000 francs l’on pourra très convenablement achever
toutes celles qui restent à compléter. Reste le matériel pour lequel on demande
une augmentation de 5 050,000 francs.
Eh bien, messieurs, on vous a
démontré que l’on exige ici un nombre de locomotives excédant de beaucoup les
besoins réels ; on vous a démontré que les 50 locomotives nouvelles que l’on
demande et qui exigent une dépense de 2,300,000 francs, sont tout à fait
inutiles ; on vous a démontré qu’en voulant quintupler le nombre des wagons,
l’on exagère encore beaucoup et que sur les wagons que l’on veut acquérir, on
peut très convenablement en déduire an moins 200 ; il y a donc encore une
économie d’un demi-million à opérer de ce chef. Eh bien, je ne veux pas aller
aussi loin, je proposerai seulement de réduire à 3,500,000 francs la somme
demandée pour le matériel. De cette manière, il me semble que l’administration
du chemin de fer aurait tout ce qu’il lui faut pour marcher convenablement,
mais aussi nous arrêterions par là des dépenses de luxe dans lesquelles nous
pourrions être entraînés.
M. le ministre des travaux
publics a promis hier qu’il ne serait fait aucune dépense de luxe ; mais je
crois néanmoins que la prudence commande et qu’il est de l’intérêt du ministre
lui-même, que nous fixions dans la loi des limites qui ne puissent être
dépassées. Cela mettra le ministre à même de résister aux sollicitations qui
pourraient lui être faites pour l’entraîner dans des dépenses excessives.
D’après ces considérations, messieurs,
je déposerai un amendement ainsi conçu :
« 1°. A l’achèvement des
lignes décrétées du chemin de fer jusqu’à concurrence de 24 millions, à
répartir de la manière suivante :
« 17,000 000 pour
l’achèvement des lignes décrétées du chemin.
« 3,500,000 pour les bâtiments
et les clôtures des stations.
• 3,500,000 pour le matériel
de locomotion. »
- L’amendement est appuyé. (Aux
voix ! aux voix !)
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières) - Messieurs, je ne veux pas rentrer
dans la discussion générale, je veux dire seulement que, quant à moi, je ne
verrais pas d’inconvénient à ce que le chiffre de 28 millions fût divisé en 3
articles, comme le propose l’honorable M. d’Huart ; je consens dont à cette
division, mais je demanderai que les chiffres soient répartis de cette manière
:
17 millions pour le
parachèvement des lignes décrétées.
6 millions pour les bâtiments
et les clôtures des stations.
5 millions pour le matériel de
locomotion.
M. de Theux. -
Messieurs, je dois donner une explication en ce qui concerne la direction du
chemin de fer vers Liège. Lorsque cette direction a été décrétée, il a été
décidé en même temps qu’un embranchement relierait ce chemin de fer à
Maintenant les circonstances
sont en partie changées, parce que le gouvernement a repris l’administration de
Je demanderai à M. le ministre
des travaux publics si le gouvernement perçoit un supplément de taxe pour le
parcours en plus, lorsqu’il y a une liaison entre le chemin de fer et un canal
ou une rivière.
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières) - Oui.
M. de Theux. -
Dès lors je pense que le gouvernement ne sera pas constitué en perte, parce
que, d’un côté, beaucoup de voyageurs prennent le chemin de fer à la station
intérieure, et que les étrangers voudront y descendre ; et que, d’un autre
côté, il y aura un immense mouvement de marchandises. (Aux voix ! aux voix !)
M. Fleussu. -
Je demande la parole ; je désirerais dire quelques mots.
- La clôture est demandée par
plus de 10 membres, elle est mise aux voix et prononcée.
M. le président. On passe au vote du § 1° de l’art. 2.
« Art. 2. Les fonds empruntés
seront affectés comme suit :
« A l’achèvement des
lignes décrétées du chemin de fer jusqu’à concurrence de 28 millions de
francs. »
M. le ministre les travaux
publics a proposé de diviser ce paragraphe ainsi qu’il suit :
« 1° A l’achèvement des
lignes décrétées du chemin de fer jusqu’à concurrence d’une somme de 28
millions qui sera répartie ainsi qu’il suit :
« 17 millions pour le
parachèvement des lignes décrétées du chemin de fer ;
« 6 millions pour les
bâtiments et les clôtures des stations ;
« 5 millions pour le
matériel de locomotion. »
- Ces chiffres sont mis aux
voix et ne sont pas adoptés.
La chambre adopte ensuite l’amendement présenté par M. d’Huart et auquel
se rallie M. de Man. Par suite de cet amendement, les trois chiffres indiqués
ci-dessus sont réduits :
« à
17 millions pour le parachèvement des lignes décrétées ;
« à
3,500.000 fr. pour les bâtiments et les clôtures des stations ;
« et
à 3,500,000 fr. pour le matériel de locomotion. »
M.
Raikem. - Je demanderai dans lequel
de ces trois chiffres est compris le million destiné à la station de Liége.
M.
d’Huart. - Dans les 17 millions.
M.
Demonceau. - L’honorable M. d’Huart
vient de déclarer formellement qu’il entendait comprendre le million destiné à
la ville de Liège dans les 17 millions, or ce million n’y est pas compris, il
est compris dans le crédit affecté aux stations.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - En partie.
M.
Rogier. - Le rapport de la section
centrale est bien accompagné de tableaux, mais ces tableaux ne font pas partie
de la loi ; on répartira la dépense suivant la nature du travail ; il y aura
pour la station de Liège une continuation de la ligne, et les dépenses de cette
continuation seront imputées sur les 17 millions ; quant aux travaux concernant
les bâtiments de la station, les frais en seront imputés sur les fonds des
stations. (C’est cela !)
M.
Demonceau. - Si on l’entend ainsi, je
me déclare satisfait, mais on ne s’en était pas d’abord expliqué de cette
manière.
M.
le président. - Nous passons au paragraphe
que M. Dumortier et d’autres membres ont proposé ; cet amendement formerait le
n’ 2 de l’art. 2, il est ainsi conçu :
« 2° A l’exécution du
raccordement des deux lignes en fer du midi, jusqu’à concurrence de 5,500,000
fr. »
La parole est à M. Dumortier,
pour développer cet amendement.
M.
Dumortier. - Messieurs, je n’entretiendrai pas
longtemps la chambre de la proposition que mes collègues et moi avons présentée
; cette proposition vous est déjà suffisamment connue ; il en a été question
depuis le commencement de cette discussion ; vous êtes tous à même d’apprécier
maintenant l’importance du raccordement de deux lignes en fer du midi.
Par la première loi de 1834,
la législature avait décrété que le chemin de fer, avec un ou plusieurs
embranchements, si cela était nécessaire, serait dirigé de Bruxelles vers
Cependant je dois répondre à
une observation qui a été présentée hier par M. le ministre des travaux
publics. M. le ministre a reconnu qu’en 1834 on avait pris un engagement
vis-à-vis de Tournay ; mais il a ajouté que la réserve qui avait été posée à ce
sujet dans la loi de 1834, ne se trouve plus dans la loi de 1837.
Ma réponse à cette observation
est très facile. Si nous n’avons pas introduit dans la loi de 1837 la réserve
posée dans la loi de 1834, c’est qu’il n’y avait plus lieu de mettre aux voix,
en 1837, ce qui avait été voté pour nous en 1834 ; les débats de 1837 ne
fournissent pas le moindre adminicule de preuve que la chambre ait eu
l’intention d’abandonner en 1837 l’engagement qui avait été pris en 1834
vis-à-vis de Tournay : donc cet engagement subsiste.
Maintenant je ferai remarquer
que le chemin de fer dont il s’agit ne présente absolument aucune difficulté
d’art ; depuis la rédaction du rapport de la section centrale, M. le ministre a
reçu les plans, il pourrait au besoin les communiquer à la chambre. Depuis Ath
jusqu’à Jurbise, le chemin de fer parcourt la vallée de Lens ; depuis Ath
jusqu’à Leuze, il longe la vallée de
Quant aux produits, vous savez
qu’ils ne peuvent pas manquer. Le nombre les voyageurs calculé en raison du
service actuel des messageries et d’après le tarif existant, rapporterait 2 1/2
p. c. du capital de construction. Ce nombre de voyageurs devra augmenter
beaucoup à raison de la circulation rapide des chemins de fer. Ajoutez à cela
les marchandises de diligence, les grosses marchandises et les houilles dont
les produits doivent amener un accroissement considérable dans les recettes.
Ensuite on met en communication avec la capitale, des villes comptant une
population de 300.000 habitants riches et amis des plaisirs. Si on veut leur
donner un moyen facile d’arriver jusqu’à votre capitale, il en résultera une
augmentation de produits pour votre chemin de fer, et une source de richesse
pour votre capitale.
Les populations que le chemin
de fer que nous proposons doit traverser, sont considérables, actives,
industrielles, elles voyagent beaucoup, et doivent vous amener aussi des
revenus considérables. Vous ne devez donc avoir aucune crainte sur les revenus.
C’est ce qui explique pourquoi trois sociétés se sont présentées en 1837, pour
avoir la concession de cette route. Pourquoi le gouvernement l’a-t-il refusée ?
Parce que c’était l’anneau d’une grande chaîne et qu’il ne pouvait pas
abandonner à l’industrie particulière une partie de cette chaîne quand tout le
reste était dans les mains du gouvernement. En effet il ne convenait pas qu’il
y eût une partie appartenant au gouvernement, une partie appartenant à une
société industrielle et une partie appartenant au gouvernement. Cependant une
de ces sociétés était sérieuse, elle était organisée par la société la plus
puissante de
J’ai déjà dit un mot sur la question de principe, celle de savoir si
vous ferez autre chose que d’allouer les fonds pour l’exécution des travaux
antérieurement décrétés. Comme vous paraissez être dans cette intention, que
vous voulez voter l’allocation pour
M. le ministre des finances (M. Smits) - Il me semble que l’ordre suivi dans la délibération est plus ou moins
irrégulier. Il me semble que c’est le projet du gouvernement qu’on devrait
discuter, après viendraient les amendements divers, les dispositions additionnelles.
Dans l’état actuel des choses, je crois qu’il est convenable de suivre le
projet présenté par le gouvernement, comme je l’ai demandé au début de la
discussion.
M. le président. -
On a demandé que la discussion s’établisse sur les divers paragraphes du projet
de loi ; c’est ce qui a lieu.
M. Dumortier a proposé un
amendement à placer après le n°1° et formant un n°2° nouveau. C’est ce qu’on
discute.
M. Cogels. - Il me paraît qu’il serait plus convenable de suivre dans la
discussion l’ordre du projet du gouvernement et établi dans le rapport de la
section centrale c’est-à-dire qu’il s’agirait de toutes les sommes proposées
par le gouvernement et la section centrale avant les sommes additionnelles qui
pourraient être demandées et qui doivent occuper un rang secondaire, La
priorité doit être donnée aux propositions du gouvernement, ensuite viendront
celles de la section centrale, et les autres ne doivent venir qu’en dernier
lieu.
M.
Dechamps. - Je pense que nous devons suivre
l’ordre de discussion comme l’a ouvert M. le président. D’ailleurs la
discussion est déjà engagée, et nous allons perdre beaucoup de temps si nous
voulons l’intervertir. L’amendement dont il s’agit est relatif à l’achèvement
du chemin de fer. Or, avant de s’occuper des questions qui ne se lient pas directement à l’achèvement du
chemin de fer, il faut s’occuper des questions qui y sont
directement relatives. Parmi celles-ci, il y a le chemin de fer de Jurbise à
Tournay. Il en est de même des routes du Luxembourg proposées en compensation
d’un chemin de fer. La question de l’entrepôt d’Anvers et celle de
M.
Dubus (aîné). - L’amendement de mes
collègues et moi était un amendement au n°1° de l’article, il s’agissait de
faire voter une somme plus forte pour l’achèvement des lignes du chemin de fer
et d’y faire comprendre momentanément l’embranchement dont il s’agit, que nous
soutenons que l’on doit exécuter pour l’achèvement des lignes décrétées. Mais
pour faciliter la discussion, nous en avons fait un numéro 2° à l’article dont
la place est dans la loi immédiatement après le paragraphe relatif à
l’achèvement des lignes décrétées du chemin de fer. On ne concevrait pas qu’il
eût une autre place.
Cette objection, que la discussion
doit suivre l’ordre des dispositions du projet, n’a aucune consistance. C’est
précisément pour cela que notre proposition doit se discuter maintenant, car
elle est un amendement à une disposition du projet, et un amendement se discute
à la place qu’il doit occuper dans la loi. Si la loi a un article 1er que
j’amende, vous ne m’obligerez pas à attendre que tous les articles soient votés
avant de discuter mon amendement. L’amendement que je propose se rapporte à
l’article 1er. L’ordre de la discussion est déterminé par la proposition même.
La chambre doit accepter la discussion dans l’ordre où elle se présente.
D’ailleurs la discussion est commencée et l’observation serait tardive, mais...
M. Cogels. - Nous sommes d’accord.
M.
Dubus (aîné). - Alors je crois inutile
d’en dire davantage.
M. Savart-Martel. - Je regrette qu’une loi aussi importante que celle sur laquelle nous
avons à délibérer, se présente au dernier moment d’une session longue et
laborieuse. Cependant, quelque fatiguée que me paraisse la chambre, je compte
assez sur le dévouement de ses membres aux intérêts du pays pour penser qu’ils
voudront bien m’accorder quelques moments d’attention.
Messieurs, pour être court, je
ne reviendrai pas sur ce qui a été dit, principalement sur les observations que
vient de présenter l’honorable M. Dumortier, car vous devez les avoir toutes
présentes à l’esprit.
M. le ministre a reconnu,
ainsi que tout le monde sera forcé de le faire, la grande utilité, pour ne pas
dire la nécessité du raccordement du chemin de fer du Nord avec celui du Midi.
Ce ne doit pas être un chemin onéreux, mais, comme on l’a démontré, un chemin
de rapport. Il couvrira non seulement les intérêts mais l’amortissement du
capital employé à sa construction.
J’ajouterai quelque peu
d’observations à ce qu’a dit mon honorable collègue. Je ferai remarquer, et
c’est peut-être un point auquel personne n’a pensé, que déjà les stations
existent. Conséquemment, voilà une dépense considérable faite et qui n’est plus
à faire. J’ajoute que ce serait mal à propos qu’on aurait dépensé en avant de
Tournay 12 à 1300 mille fr. pour traverser l’Escaut, si on n’avait pas la
pensée de rejoindre les deux lignes du Midi et du Nord. Voilà une dépense qui
est effectuée et qui serait aujourd’hui en pure perte si on ne faisait pas le
raccordement que nous demandons.
J’appuierai l’observation de
M. Dumortier, que nous avions au moins une promesse indirecte que la chose se ferait.
Aujourd’hui on nous dit que si cela résulte de la loi de 1834, cela ne résulte
plus de celle de 1837. Je ne comprends pas comment, en 1837, on aurait détruit
ce qu’on a fait en 1834. Il aurait fallu au moins en donner les raisons ;
peut-être a-t-on voulu savoir comment la France dirigerait ses chemins de fer
vers notre pays, avant de s’occuper de nouveau de cette section. Aujourd’hui,
cela est connu. Ce n’est pas dans l’intérêt de Tournay mais de Bruxelles et de
tout le pays que nous tenons à ce que ce raccordement ait lieu. Vous voulez
déclarer aujourd’hui d’une manière positive que vous ne ferez plus d’emprunt
pour le chemin de fer et vous laissez les deux lignes du Nord et du Midi non
raccordées, de manière qu’un jour ou l’autre, vous seriez obligé de céder cette
section de raccordement à une société particulière. Est-ce que jamais le
gouvernement consentira à ce qu’une société particulière vienne se fixer entre
ses deux lignes ? Jamais. De sorte qu’aujourd’hui en refusant d’admettre le
raccordement que nous demandons, c’est comme si vous refusiez de le faire à
toujours.
Je vous demande si, parce
qu’on a pu faire quelque méchante affaire dans certain chemin de fer, c’est une
raison pour refuser d’en construire un dont tout le monde reconnaît l’utilité ;
je vous demande si, pour une dépense de 4 ou 5 millions qui, loin d’être
onéreuse sera productive on doit laisser inachevée une œuvre comme notre chemin
de fer ? Mais, dira-t-on, il y a d’autres localités qui ont besoin de chemin de
fer.
Mais là le gouvernement
pouvait-il autoriser des sociétés particulières à construire le chemin de fer ?
A cet égard, je m’en rapporterai volontiers à la parole du ministère, qui vous
dira qu’il serait contraire à l’intérêt de l’Etat, à l’intérêt général qu’une
société particulière vînt achever le système des chemins de fer de l’Etat.
Plutôt que d’admettre cela, je préférerais augmenter la dépense de 3 millions.
Si vous ne votez pas les fonds nécessaires pour ce chemin de fer, vous faites
naître dans le public l’opinion que plus tard vous ferez un nouvel emprunt pour
le faite exécuter.
Je ne parle pas dans un
intérêt de clocher. Tournay n’a rien à y gagner. Savez-vous qui y gagnera ?
Ath, Leuze et lieux circonvoisins.
Mais avez-vous jamais fait
quelque chose pour ces localités ? Pas un canal ; pas un chemin de fer. Si
elles ont une chaussée de Leuze à Mons, grâce à Dieu, elles en ont payé les
frais. Puisqu’il est question de terminer une bonne fois l’œuvre grandiose des
chemins de fer, mieux vaut ne pas laisser ouverture à de nouveaux emprunts.
S’il faut pour cela majorer la somme, je le ferai. J’ai du reste assez de
confiance dans le ministère, pour croire qu’il trouvera dans les économies
qu’il fera de quoi faire face à cette dépense.
C’est dans l’intérêt du pays et de l’honneur national, c’est pour éviter
que nos arrière-neveux ne nous reprochent d’avoir, pour épargner quelques
millions, laissé incomplet notre système de chemins de fer, que j’adjure la
chambre d’admettre l’amendement proposé.
M. de Man d’Attenrode. -
Je demande la parole contre l’amendement.
M.
Dubus (aîné). - Je n’occuperai la chambre
que quelques instants.
M. de Man d’Attenrode. -
Je demande que le règlement s’exécute et qu’on entende un orateur contre.
Plusieurs
membres. - La clôture !
M. Dubus (aîné). - Je supplie la chambre de ne pas étrangler cette discussion. La
question est importante. Je remarque que dans le rapport de la section centrale
on oppose une fin de non-recevoir, à laquelle il faut bien répondre. Je
m’engage à être très bref dans les observations que j’ai à présenter.
M. de Man d’Attenrode. - Je demande la parole pour un fait personnel.
M. Eloy de Burdinne. -
Je crois aussi que la discussion n’est pas arrivée à maturité. En effet,
qu’avez-vous entendu ? Des orateurs qui ont appuyé la proposition de l’honorable
M Dumortier. Quant à moi, mon intention est de parler contre. Je demande que la
discussion continue, et qu’on entende deux orateurs contre l’amendement.
M.
le président. - La parole est à M. de Man
d’Attenrode pour un fait personnel.
M. de Man d’Attenrode. - C’est un fait personnel d’hier.
M. le président. -
Dans ce cas, je ne puis vous donner la parole.
M.
Dechamps. - Si la chambre a l’intention
d’adopter l’amendement de l’honorable M. Dumortier, je n’insisterai pas pour
avoir la parole. Jusqu’à présent, on a présenté des arguments que personne n’a
réfutés. Ni le ministère, ni aucun orateur n’ont répondu aux raisons d’utilité
et de possibilité qui ont été données. Il est fâcheux qu’une question si
importante doive être résolue, au moment où la chambre
fatiguée ne peut y donner l’attention qu’elle mérite ; car nous avons des
raisons sérieuses à faire valoir. Jusqu’à présent aucune objection n’a été
produite. Si donc l’on veut voter avec quelque logique, on doit voter pour
l’amendement.
M. Lejeune. -
Je déclare que, dans l’état actuel de la question, il me serait impossible de
voter. Je voudrais entendre quelques orateurs contre ; je voudrais que l’on
donnât quelques explication sur la dépense à laquelle s’engage le pays. Cette
question s’est présentée incidemment. Si l’on veut faire un chemin de fer par
amendement, soit ; mais on doit au moins donner quelques explications.
M. Dumortier. -
Ce serait vraiment une chose inouïe, de voir clore brusquement la discussion
sur une question aussi importante, sur une ligne du chemin de fer que toute une
province réclame et dont la demande est appuyée par tous les députés de cette
province. Je ne puis croire que la chambre veuille semblable chose. Je demande
que la discussion continue. Si l’on a des raisons à opposer à notre
proposition, qu’on les fasse valoir.
M. Eloy de Burdinne. -
Je crois, comme beaucoup de mes honorables collègues, que la question de ce
raccordement doit être mûrement examinée. On a fait surgir cette demande
inopinément. Personne n’était préparé à traiter convenablement cette question,
surtout à la fin d’une session longue, laborieuse et fatigante, et dans un
moment où chacun désire prendre un peu de repos pour reprendre nos travaux au
commencement de novembre.
Par ces motifs, je demande
qu’on ajourne la proposition de M. Dumortier.
M.
le président. - Cette proposition ne peut
être développée maintenant. La clôture a été demandée, elle doit être mise aux
voix.
- La clôture est mise aux voix ; elle n’est pas adoptée.
M.
Dubus (aîné). - J’ai annoncé que je
n’occuperais pas longtemps l’attention de la chambre. Je viens défendre
l’amendement que j’ai déposé de concert avec plusieurs de mes honorables
collègues.
On oppose à cette proposition une
fin de non-recevoir. C’est dans le rapport de la section centrale que je trouve
cette fin de non-recevoir présentée par le ministre et accueillie en quelque
sorte par la section centrale ; elle consiste à dire que l’embranchement dont
il s’agit ne fait pas partie des lignes de chemin de fer décrétées par les lois
de 1834 et 1837, qu’il n’est pas compris dans ce qu’on appelle les lois de
principe, que par conséquent la loi d’emprunt, qui est une loi d’exécution, ne
doit pas faire mention de cet embranchement, lequel doit faire l’objet d’une
loi spéciale. A lire le rapport de la section centrale, il semble que M. le
ministre des travaux publics n’ait pensé à cette objection que quand il s’est
agi du chemin de fer de Tournay à Jurbise. Mais il n’y aurait pas pensé
lorsqu’une question qui s’est présentée aussi par voie d’amendement a surgi des
délibérations d’une section, lorsqu’il s’est agi de la canalisation de
Si vous êtes d’avis que la fin
de non-recevoir doit être admise, vous l’appliquerez à toutes les demandes
qu’elle doit atteindre ; car vous ne devez avoir qu’une justice. Je demande
donc que cela fasse l’objet d’une question préalable qui serait mise aux voix :
celle de savoir si l’on se bornera à emprunter les sommes nécessaires pour
l’achèvement des lignes du chemin de fer décrétées. Si cette question est
résolue affirmativement, cela emportera le rejet des propositions relatives à
la canalisation de
Mais cette fin de
non-recevoir, je viens la combattre, en ce qui concerne le chemin de fer qui
doit relier les deux lignes du Midi. D’abord j’invoque la déclaration faite par
M. le ministre des travaux publics, dans une précédente séance, que ce chemin
de fer se trouve décrété implicitement par la loi de 1834. Mais M. le ministre
croit qu’il a été satisfait à ce qui avait été décrété implicitement par la loi
de 1834, par la loi de 1837, qui a décrété l’embranchement de Mouscron à
Tournay. C’est une erreur manifeste. Si vous vous reportez à la discussion de
1834, vous verrez qu’immédiatement avant le vote, l’honorable M. Gendebien
avait annoncé un amendement dans lequel il employait le mot embranchements (au pluriel), parce qu’il
voulait plusieurs embranchements de la ligne qui devait mette le chemin de fer
en communication avec la France par le Hainaut. Il retira cet amendement sur
l’observation de M. le ministre de l’intérieur, qu’il était inutile, que la loi
était tellement générale qu’elle n’imposait pas au gouvernement l’obligation de
se restreinte à une seule ligne, qu’il pouvait en établir plusieurs par le
Hainaut. Comment y serait-il satisfait par l’embranchement de Mouscron à
Tournay ? Est-ce qu’il met le chemin de fer en communication avec la France,
par le Hainaut ? On s’est arrêté à Tournay avec la volonté formelle d’achever
ce qui avait été promis en 1834, de prolonger cette ligne vers celle de Mons à
Bruxelles. Autrement il eût été inutile de traverser l’Escaut au moment
d’entrer dans la ville. A quoi bon, dans le système d’un point d’arrêt à
Tournay, cette traversée de l’Escaut ? De grandes dépenses de plus, de très
grandes difficultés, et même un inconvénient véritable ; car la ligne serait
plus belle, l’accès de la ville serait plus commode, si l’on n’avait pas dû
traverser l’Escaut.
Je dis que si l’on a traversé
l’Escaut, c’est parce que cette ligne devait être prolongée. Mais, messieurs,
cela est avoué dans le rapport même que nous a distribué M. le ministre des
travaux publics. Je lis à la page 37 de ce rapport que « les motifs
dominants pour lesquels on a traversé l’Escaut, c’est qu’on entrevoyait, dans
un avenir plus ou moins rapproché, la possibilité de rattacher cette ville au
chemin de fer du midi, possibilité dont la réalisation était devenue bien plus
facile en faisant aboutir la ligne de Gand à la rive droite. » Ainsi vous
voyez que c’est un motif avoué pour lequel on fait traverser l’Escaut au
railway, avant de le faire entrer dans la ville de Tournay ; c’est parce qu’on
n’avait pas dessein de s’arrêter à Tournay, mais que l’on voulait prolonger
cette ligne de Tournay vers la ligne de Mons.
Non seulement, messieurs, on a
traversé l’Escaut ; mais la ligne qui sort de Mons, en se dirigeant vers
Bruxelles, fait une immense courbe dans la direction de Lens, sur un
développement de deux lieues, comme pour tendre la main à la ligne de Tournay
qui doit venir s’y joindre. Ainsi les deux grands jalons ont déjà été posés.
Je demanderai maintenant si le
gouvernement n’aurait pas un grave reproche à se faire, d’avoir augmenté
inutilement la dépense dans une assez forte proportion, et d’avoir consenti que
la ville de Tournay se laissât entraîner elle-même à une très grande dépense,
dans le but de voir se continuer cette ligne, alors qu’on n’avait pas dessein
qu’elle fût continuée ? Il fallait alors refuser ce qui était demandé ; il
fallait refuser de traverser le fleuve ; il fallait rester sur la rive gauche
de l’Escaut et ne pas permettre que la ville de Tournay fit de deux à trois
cent mille fr. de dépenses qui deviennent tout à fait inutiles.
Ce n’est pas seulement Tournay
qu’il est utile de mettre en communication avec Lille et avec
Je parlerai un moment de Lille
et des villes qui l’entourent, où il y a une population agglomérée extrêmement
considérable. Elle ne se trouve qu’à 14 lieues de Mons. Eh bien ! par le
railway belge actuel il y a au-delà de 42 lieues de Lille à Mons ; de manière que
la communication entre ces deux villes se fait encore nécessairement par les
diligences, par les routes ordinaires. Car il n’y a aucune économie de temps à
prendre le chemin de fer, et il y a une perte très considérable dans le prix.
Mais que tout à l’heure le railway français soit exécuté, et alors, messieurs,
les communications entre Lille et Mons ne se feront plus par nos routes, bien
qu’il y aura encore un détour ; mais comme ce détour ne sera pas excessif comme
sur le railway belge, les communications entre Lille et Mons se feront par
Douai et Valenciennes, par le railway français ; et nous avons certainement
intérêt à nous conserver ces communications.
Messieurs, on pourrait
hésiter, s’il y avait quelques doutes sur la question au point de vue financier,
s’il y avait quelques doutes sur le point de savoir si cette ligne sera
avantageuse ou onéreuse à l’Etat. Mais il n’y a aucun doute à cet égard, parce
que cette ligne se présente dans des conditions telles que les frais
d’établissement en seront bien moins considérables que dans la plupart des
autres localités.
En effet, messieurs, la
moyenne établie sur le prix de revient de tous nos chemins de fer est d’au-delà
d’un million, je crois même qu’elle approche de 1,400,000 francs. Eh bien,
cette route ne coûtera qu’environ 700,000 fr. par lieue ; il y a donc près de
400,000 francs de différence.
Il est évident que le nombre
des voyageurs qui parcourront cette route, sera très considérable ; il est
aussi évident que cette route sera de la plus grande utilité pour le transport
des marchandises et d’objets pondéreux auxquels vous allez donner de nouveaux
consommateurs. Car au moyen de cette route, on consommera pour les usines à
chaux des environs de Tournay la houilles belge, au
lieu que maintenant on est obligé d’aller chercher la houille en France.
Cette route est donc,
indépendamment des grands avantages qu’elle accorde à notre industrie, une de
celles dont les produits seront le plus considérables, si l’on prend garde
surtout qu’elle n’est en rivalité avec aucun canal. Et cependant elle sera une
de celles qui auront le moins coûté ?
Et sur ce point, messieurs, on
ne doit pas craindre des mécomptes ; car on a l’expérience de ce qui a eu lieu
pour l’exécution de la route de Mouscron à Tournay. Cette route, qui présentait
des difficultés évidemment plus grandes que n’en présentera l’autre, notamment
en ouvrages d’art et par la nécessité dans laquelle on s’est placé de traverser
les plaines qui avoisinent Tournay, et de traverser l’Escaut auprès de cette
ville, cette route n’a coûté que 740,000 francs la lieue. Et savez-vous combien
elle était estimée ? Dans le rapport du 4 février 1841, on estime encore ce que
devait coûter cette route de Mouscron à Tournay, à 1,115,000 francs la lieue ;
et au lieu de cela elle n’a coûté que 740,000 francs, non compris bien entendu
la station de Tournay. J’en fais abstraction parce qu’on n’a plus cette station
à construire pour continuel la route. J’espère donc que la chambre n’hésitera
pas à voter l’amendement que nous avons eu l’honneur de présenter.
Un honorable orateur a annoncé
une motion d’ajournement, sous prétexte que cette question se présente d’une
manière inopinée. Mais, messieurs, cette fin de non-recevoir peut être opposée
à toutes les autres demandes qui se sont produites de la même manière ; la
question que soulève notre amendement s’est produite dans les sections comme la
question de la canalisation de
Du reste, messieurs, dans une
séance précédente, M. le ministre nous a donné des renseignements qui peuvent
nous mettre à même de nous prononcer ; il n’a pas contesté la haute utilité de
l’embranchement dont il s’agit ; il a avoué d’une manière formelle qu’il a été
implicitement décrété en 1834 ; il a dit, de plus, qu’une somme de 5,500,000
fr. suffirait pour le complet achèvement de cette section. Quant à moi, j’ai
l’intime conviction que cette somme sera plus que suffisante, et l’on peut très
bien se faire une opinion à cet égard puisque toutes les études sont faites.
J’ai eu l’honneur de voir, dans le cabinet de M. le ministre, tous les plans,
tous les profils ; depuis Tournay jusqu’à Jurbise, il n’y a aucune partie de
terrain qui n’eût été explorée, aucune des directions diverses que l’on avait à
prendre entre Tournay et Leuze, entre Leuze et Ath, entre Ath et Lens, entre
Lens et Jurbise, il n’est aucune de ces directions qui n’ait été essayée, qui
n’ait été l’objet d’études ; les plans indiquent même toutes les lignes que
l’on avait d’abord tracées et qui ont été ensuite remplacées par celle qui est
définitivement marquée sur ces plans. L’affaire donc est complètement
instruite.
Si,
nonobstant toutes les raisons que j’ai fait valoir, la chambre se décidait à se
renfermer, comme certains honorables membres l’ont proposé, dans l’achèvement
des lignes du chemin de fer en construction, alors je demande que ce soit là
une résolution générale prise préalablement au vote de toute proposition de
crédit. Cette résolution me servira alors pour déterminer mon vote sur les
autres demandes qui sont faites à la chambre. (Aux voix ! aux voix !)
M. Eloy de Burdinne. -
Nous avons à nous prononcer sur un amendement qui ne tend à rien moins qu’à
constituer le trésor dans une nouvelle dépense de 15 à 16 millions, pour donner
la province du Hainaut un quatrième chemin de fer, lequel raccorderait les deux
lignes du Midi.
Pour le moment on nous demande
5,500,000 francs, ct on vous dit que moyennant cette somme on pourra construire
ce raccordement.
Et remarquez-le bien,
messieurs, les premiers devis des ingénieurs avaient été fixés pour cette
dépense à environ 8 millions ; et contrairement à leurs habitudes MM. les
ingénieurs, au second devis, ont réduit à 5,500,000 fr. des dépenses évaluées à
8 millions ; sûrement en vue de nous engager à voter ce nouveau chemin de fer
qui, terminé, coûtera au moins de 15 à 16 millions, soit le double des premiers
devis, si j’en juge par les précédents. Des ingénieurs estimateurs, vous le
savez, messieurs, doivent toujours porter au double les estimations faites par
les architectes ou les ingénieurs, et trop heureux lorsqu’on en est quitte
parmi payant le double des estimations premières. Le pays serait heureux si les
premiers devis du génie pour la construction des chemins de fer n’avaient été
que doublés.
En développant l’amendement
que je combats, l’honorable M. Dumortier, avec tout le talent que nous lui
connaissons, et le zèle qui l’anime dans l’intérêt des localités qui l’envoient
ici, zèle qui, trop souvent, vous porte à l’exagération, nous a dit que cette
construction ne serait nullement onéreuse au pays ; qu’elle donnerait la rente,
l’amortissement, même un revenu au trésor. A l’appui de son raisonnement il
assure que les chemins de fer aujourd’hui en activité donneront en 1842 5 p. c.
d’intérêt du capital exposé pour sa construction.
Je fais des vœux pour que
cette prévision se réalise ; j’en accepte l’augure, mais je n’y crois pas.
Au surplus, je ferai remarquer
que quand même ces prévisions seraient réalisées, ce ne serait pas une preuve
que lorsque tous les chemins de fer seront livrés à la circulation, ils
pourront se suffire à eux-mêmes ; pour moi ce n’est pas même un indice.
On ne doit pas perdre de vue
que les chemins de fer mis en rapport actuellement sont ceux qui ont le moins
coûté, et qu’ils sont situés de manière à être les plus productifs ; tandis que
ceux qui sont en construction, par leur situation et les dépenses énormes
qu’ils ont coûtées, seront loin de produire, même brut, l’intérêt du capital
employé à leur construction ; et, dans mon opinion, loin de voir augmenter les
produits des chemins de fer lorsqu’ils seront achevés, on doit s’attendre à les
voir diminuer dans un temps très rapproché. Si nos chemins de fer ont été
autant fréquentés jusqu’à présent, on le doit à l’aisance qui a régné en
Belgique, résultat des nombreux capitaux qui ont été déversés dans le pays
venant de l’étranger, par suite de nos emprunts, de la coopération dans nos
diverses associations, par les habitants des pays voisins qui ont déversé leurs
capitaux aux banques de Belgique, société générale, métallurgiques, houillère,
etc., etc. Je l’attribue aussi à l’état favorable de l’agriculture. Voilà les
motifs d’assez beaux produits des chemins de fer.
Et. comme, dans mes
prévisions, cet état d’aisance ne doit plus durer longtemps, il en résultera
que grand nombre d’individus qui voyagent sur le chemin de fer (souvent par
partie de plaisir), réduiront de moitié et plus les courses qu’ils font sur ces
belles routes qui vous transportent bon marché et fort vite, et qui finiront
par être une charge pour celui qui ne s’en sert pas, ou qui s’en sert fort
rarement.
Pour ne pas abuser de
l’attention de la chambre et en vue de terminer notre session le plus tôt
possible, afin de prendre du repos dont nous avons tous besoin, je me bornerai
à quelques considérations le plus laconiquement possible ; mais je dois faire
remarquer que lorsque nous avons discuté la loi sur les chemins de fer en 1834,
les partisans de ce grandiose monument (on doit en convenir, la construction
des chemins de fer est du grandiose, mais il est au-dessus de nos moyens) pour
entraîner la majorité, parlaient le même langage alors que les honorables MM.
Dubus et Dumortier.
Le chemin de fer, c’est une
mine d’or pour
On ajoutait : toute notre
inquiétude est qu’un jour on ne fasse du chemin de fer un produit pour l’Etat,
et que le commerce n’obtiendra pas le transport des marchandises à tel prix,
que nous puissions concourir sur les marchés allemands avec les commerçants
hollandais ; on ajoutait : on ne doit pas perdre de vue que le chemin de fer,
après avoir couvert les intérêts et l’amortissement du capital, ainsi que les
frais d’entretien et d’amortissement, le gouvernement ne doit pas percevoir
plus, et qu’il doit transporter les marchandises à bas prix.
Je viens demander
l’ajournement de la proposition de M. Dumortier jusqu’à ce que tous nos chemins
de fer décrétés soient achevés.
Lorsqu’ils seront terminés,
nous serons à même de juger si les prévisions que les chemins de fer peuvent se
suffire à eux-mêmes se réaliseront. Dans l’affirmatif, nous pourrons alors
donner suite à la proposition de l’honorable M. Dumortier ; bornons-nous à ce
que nous avons décrété, et n’oublions pas le proverbe, peut-être trivial : Qui
trop embrasse mal étreint.
Songeons à notre position
financière ; réfléchissons à la dette qui grève
Je ferai remarquer que notre
révolution a eu pour motif en grande partie l’élévation des impôts, et
n’oublions pas que la révolution de
Ah, messieurs, si nos finances
étaient prospères, je serais le premier, non seulement à appuyer les demandes
de communications réclamées, je ferais plus, j’en provoquerais pour les
localités que j’ai l’honneur de représenter, et je démontrerais que la
canalisation du Geer, ainsi que celle de
Mais je craindrais, en faisant
cette proposition, de coopérer par ma démarche à forcer le gouvernement à
réclamer des impôts qui deviendront (je crains fort) insupportables à la classe
très intéressante, à la classe peu fortunée de la nation.
Ah, messieurs, si lors de la
discussion de la loi sur la construction du chemin de fer, nous avions connu
que cette loi nous entraînerait à une dépense de plus de 200 millions, je crois
que la loi eût été repoussée à une grande majorité.
Lors de cette discussion, je
disais que la construction de ces chemins constituerait le pays dans une
dépense de 100 millions et qu’ils ne rapporteraient pas la rente ; on m’a taxé
d’exagération et de peu de connaissance.
Malheureusement loin d’avoir
exagéré, j’ai été en dessous de la réalité de moitié sur la dépense et sur le
produit. L’expérience a confirmé que j’avais quelque connaissance ; je regrette
de ne m’être pas trompé ; je demande l’ajournement de la proposition de M.
Dumortier et de tout autre demande de nouveau chemin de fer.
A l’appui de l’amendement de
M. Dumortier, il vous dit que la route demandée pour raccordement des deux
lignes du Midi raccourcit le trajet de Lille à Bruxelles. Si vous consentez à
dépenser 15 à 16 millions pour cette construction, vous réduirez les produits
du chemin de fer de Lille à Bruxelles par Gand et vous n’augmenterez pas, ou au
moins très peu, le nombre des voyageurs, mais vous ferez voyager à meilleur
marché les habitants de Tournay qui viennent à Bruxelles.
Je crois que si vous adoptez
l’amendement qui vous est soumis, vous prenez tacitement l’engagement de
construire aux frais du trésor, ou au moins de concéder, si on vient à le
demander la création d’un chemin de fer de Bruxelles à Louvain par Tervueren ; ce chemin rapprocherait Liége de la capitale ;
vous consentirez à construire les routes d’Anvers a Gand, de Bruxelles à Gand
en ligne droite, en un mot, vous construirez ultérieurement pour satisfaire
tout le monde, des chemins de fer pour un capital de plus de 400 millions, non
compris les routes de Hasselt et Anvers à la frontière de Hollande, et vous
finirez par donner un embranchement du chemin de fer à toutes les localités un
peu populeuses de
Je me bornerai à ces
considérations, messieurs, quoique j’en aie encore beaucoup d’autres que je
pourrais vous soumettre ; mais comme la chambre est pressée d’en finir, je me
bornerai à proposer l’ajournement de la proposition de M. Dumortier jusqu’à la
session prochaine. Mieux vaudrait cependant encore l’ajourner jusqu’à ce que
tous les chemins de fer soient achevés et que nous puissions juger si les
brillantes espérances de l’honorable député de Tournay se réalisent, si le
chemin de fer produit de quoi couvrir ses dépenses.
M. de Theux
(contre la clôture). - Messieurs, l’honorable M. Dubus (aîné) a annoncé une
espèce de fin de non-recevoir commune à toutes les propositions ; je désire
demander des explications à cet égard.
M. Cogels, rapporteur. -
J’avais demandé la parole, en ma qualité de rapporteur de la section centrale,
seulement pour répondre au reproche que l’honorable M. Dubus (aîné) lui a
adressé d’avoir opposé une fin de non-recevoir à la proposition relative à
l’embranchement de Tournay à Jurbise et de ne pas avoir fait la même chose pour
la proposition faite en faveur de
« Elle adopte la
proposition faite par l’un de ses membres, de construire un chemin de fer de
Tournay à Jurbise, laissant au gouvernement le soin de fixer le chiffre du
crédit nécessaire à cette dépense. »
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M.
le président. - Voici la question
préalable posée par M. Dubus (aîné) :
« Se bornera-t-on à
emprunter les sommes nécessaires pour l’achèvement des lignes du chemin de fer
décrétées ? »
M. de Theux
(sur la position de la question). - Messieurs, la question posée par
l’honorable M. Dubus (aîné) embrasse quatre objets ; elle comprend le crédit
demandé par le gouvernement pour l’entrepôt d’Anvers, et le crédit proposé par
la section centrale pour la canalisation de
Je demande donc la division ;
si l’ont veut restreindre la question posée par l’honorable M. Dubus, à la
proposition relative au chemin de fer de Jurbise à Tournay, je le veux bien ;
mais alors c’est l’ajournement demandé par M. Eloy de Burdinne. Dans tous les
cas, je m’oppose formellement à ce que la question soit étendue à la
canalisation de
Quant à moi, messieurs, je
suis disposé à voter l’ajournement de la proposition relative au chemin de fer
de Jurbise à Tournay, et quoique l’honorable M. Raymaeckers ait déposé un
amendement relatif au prolongement du chemin de fer du Limbourg, et que je me
sois rallié à cet amendement ; cependant je crois qu’il est de l’intérêt de
cette proposition qu’elle ne soit pas mise aux voix
maintenant. Il existe en ce moment, dans la chambre, des craintes sur les
résultats financiers du chemin de fer, et je crois dès lors qu’à est de
l’intérêt des propositions qui tendent à faire décréter de nouveaux
embranchements, qu’elles soient ajournées. Ainsi quoique j’attache le plus
grand prix au prolongement du chemin de fer du Limbourg, je me prononcerai pour
l’ajournement, dans la crainte que si la question était mise aux voix en ce
moment, elle ne fût résolue négativement.
M.
Dubus (aîné). - Je ferai remarquer,
messieurs, que la question que j’ai posée ne peut pas être divisée ; si vous la
divisez, elle n’existe plus. Ceux qui voudront décider la question
négativement, répondront non, et moi, tout le premier, je répondrai non, car
mon but est seulement de faire sentir combien c’est à tort qu’on nous oppose
une fin de non-recevoir, alors que l’on veut examiner la question de la canalisation
de
Ainsi, messieurs, je m’oppose
à la division de la question que j’ai posée. Cette question est indivisible.
- La question posée par M. Dubus (aîné) est mise aux voix et résolue
négativement.
M.
le président. - Nous avons maintenant
l’ajournement proposé par M. Eloy de Burdinne.
Plusieurs membres. - Quel ajournement ?
M. Eloy de Burdinne. -
Messieurs, j’avais parlé d’ajourner jusqu’à la session prochaine ; j’avais
parlé également d’ajourner jusqu’à l’achèvement de tous les chemins de fer
décrétés ; mais l’ajournement que je propose, est un ajournement indéfini.
M.
Dumortier. - Que signifie un ajournement
indéfini ? Un ajournement pur et simple soit ; mais l’ajournement indéfini,
c’est le rejet.
M. Eloy de Burdinne. -
Eh bien, je propose l’ajournement pur et simple.
M. Cools. - Le rejet n’a jamais
signifié autre chose qu’un ajournement. En rejetant une proposition, nous
décidons seulement qu’il n’y a pas lieu de l’adopter pour le moment, et nous
laissons la question entière pour une autre occasion.
M.
Lejeune. - Je ne puis partager l’opinion de
l’honorable M. Cools ; lorsque vous avez ajourné une proposition, vous pouvez
encore la renvoyer à une commission ou aux sections, mais quand une proposition
a été rejetée, on ne peut plus s’en occuper.
M.
d’Huart. - L’ajournement veut dire que les
auteurs de la proposition la reproduiront, lorsqu’ils croiront le moment
opportun, si tant est que la chambre adopte l’ajournement.
M.
Dubus (aîné). - Aux termes du règlement,
on ne peut proposer l’ajournement qu’en fixant un terme.
M.
d’Huart. - Eh bien, je propose l’ajournement
jusqu’à l’achèvement des lignes du chemin de fer décrétées.
M. Eloy de Burdinne. -
Je me rallie à cette proposition
M.
le président. - Je vais la mettre aux
voix.
Des membres. -
L’appel nominal.
- Il est procédé à l’appel
nominal.
71 membres sont présents.
2 membres (MM. de
37 répondent oui,
32 répondent non.
En conséquence, l’ajournement
est adopté.
Ont répondu oui : MM. Cogels.
Cools, Coppieters, de Garcia de
Ont répondu non : MM. Brabant,
Coghen, David, de Behr, Dechamps, Dedecker, Delehaye, Demonceau, de Muelenaere,
de Sécus, de Terbecq, Savart, Dubus (aîné), Bernard Dubus, Dumont, Dumortier,
Duvivier, Lange, Lejeune, Liedts, Meeus, Morel-Danheel, Osy, Pirmez, Puissant,
Raikem, Raymaeckers, Sigart, Trentesaux, Vandenbossche, Van Volxem et
Verhaegen.
Les deux membres qui se sont
abstenus, motivent leur abstention en ces termes :
M. de La Coste. - J’ai pensé que, l’ajournement jusqu’à l’achèvement des lignes du
chemin de fer décrétées, serait plus dur qu’un rejet ; voilà pourquoi je me
suis abstenu.
M. Rogier. -
Je m’étais déclaré en principe pour l’utilité de cette route ; je crois encore
que la route est utile, mais comme les fonds ne sont pas faits, j’ai cru devoir
m’abstenir.
M. Raymaeckers. - Messieurs, j’ai proposé à la chambre, de concert avec mon honorable
collègue, M. le comte de Theux, un amendement tendant à prolonger le chemin de
fer jusqu’à Hasselt ; quoique je n’aie pas encore développé cet amendement, je
déclare, par suite du vote que la chambre vient d’émettre sur la proposition de
M. Dumortier, que je le retire en me réservant de le reproduire à l’occasion de
la discussion d’une autre loi, ou d’en faire une proposition spéciale.
M.
le président. - M. Raymaeckers retire sa
proposition.
Article 2, numéro 2
M.
le président. - Nous passons au n° 2° de
l’art. 2.
« 2° A la création et à
l’amélioration des voies de communication dans la province du Luxembourg,
jusqu’à concurrence de 2 millions. »
M.
Dechamps. - Je ne prendrai pas la parole si
personne ne se lève pour combattre ce paragraphe.
- Le paragraphe est mis aux
voix et adopté sans discussion.
Article 2,
numéro 3 (proposé par le gouvernement)
Article 2, numéro 3 (proposé
par le gouvernement)
« § 3 (projet du
gouvernement). Au parachèvement de l’entrepôt d’Anvers, jusqu’à concurrence
d’un million cinq cent mille fr. »
M.
le président. - La parole est à M. le
ministre des finances.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, le principe que nous avons invoqué pour demander
l’ajournement des propositions qui vous ont été faites relativement à la
canalisation de
Il a été décrété d’abord par
la loi générale du 20 août 1822, qui prescrit l’entreposage des marchandises
dans les locaux et sous la surveillance du gouvernement.
Vient ensuite la loi du 31
mars 1828, qui a décrété des entrepôts de libre exportation, c’est-à-dire des
entrepôts où les marchandises sont reçues et d’où elles peuvent sortir sans
payer aucun droit.
En troisième lieu, l’entrepôt
a été décrété en principe par la loi du chemin de fer, du 1er mai 1834, car cette
loi, en prescrivant la jonction de la mer et de l’Escaut à
L’entrepôt a encore été
décrété par un arrêté royal de Guillaume de 1819, arrêté que nous avons dû à la
sollicitude éclairée pour les intérêts commerciaux, de cet honorable collègue
M. de
L’embarras du gouvernement est
donc devenu très grand, car il doit des entrepôts au commerce, attendu que la
loi prescrit l’entreposage. Il se pourrait même qu’à défaut de pouvoir fournir
les locaux nécessaires, des négociants seraient admis à réclamer des dommages
et intérêts. Qu’est-il résulté de l’insuffisance de l’entrepôt actuel ? C’est
qu’indépendamment de 83 entrepôts particuliers, j’ai été obligé l’année
dernière et cette année, d’accorder des entrepôts succursales d’entrepôt libre.
Et savez-vous, messieurs ce que contiennent ces entrepôts particuliers ? 9
millions de kilogrammes de marchandises sèches et 78 hectolitres de liquides,
ce qui fait à peu près 17 millions de kilogrammes de marchandises,
indépendamment de 5 millions 490 mille kilogrammes qui se trouvent dans
quelques entrepôts fictifs seulement ; or, l’existence de cette multiplicité
d’entrepôts oblige l’administration à étendre sa surveillance, quelquefois
inefficace et à augmenter son personnel, attendu que ces entrepôts sont
disséminés dans les différentes parties de la ville. L’intérêt du trésor peut
être gravement compromis par cet état de choses, ce mal va s’accroître encore
par suite de la loi sur le transit que la chambre a récemment votée. Le mouvement
commercial de nos entrepôts s’en accroîtra outre mesure. Si donc nous
n’augmentons pas l’entrepôt qui existe, l’administration des douanes se
trouvera dans un embarras inextricable. Il est probable que dans le courant de
la session prochaine vous apporterez des changements au système commercial. Que
la législature adopte le système des droits différentiels, et vous savez que ce
système consiste à imposer différemment les marchandises d’origines diverses et
à classer conséquemment les marchandises dans des locaux différents ; eh bien !
dans ce cas, l’entrepôt actuel, déjà insuffisant aujourd’hui, le sera à plus
forte raison et peut-être celui que nous nous proposons de construire, le
deviendra également.
La demande que nous vous
faisons est autant dans l’intérêt du trésor que dans l’intérêt du commerce. Les
revenus peuvent se calculer facilement. Le produit brut actuel de l’entrepôt
est de 120,000 fr. par an. Les dépenses sont de 24 mille fr. Par conséquent
l’excédant est de 106 mille fr. Mais sur cette somme, il faut servir l’emprunt
et l’amortissement de l’emprunt, ce qui exige une somme de 88,860 fr. Il y a
encore un excédant de recettes de 18 mille fr. De sorte que l’entrepôt produit
au-delà de 8 p. c. du capital employé à sa construction. Comme je le disais,
l’agrandissement de l’entrepôt sera donc aussi utile au trésor que favorable au
commerce.
Nous persistons en conséquence
à maintenir la proposition que nous avons faite. Si, contre toute attente, la
chambre accueillait la proposition d’ajournement faite par la section centrale,
nous serions obligés de venir vous demander, par une proposition spéciale,
l’autorisation d’emprunter la somme nécessaire pour cet objet. Mais attendu les
circonstances favorables où nous nous trouvons pour emprunter, circonstances
qui pourraient ne pas exister quand on décréterait un emprunt spécial pour
l’entrepôt, j’insiste pour que la chambre admette la proposition du
gouvernement.
Un grand nombre
de voix. - La clôture ! la clôture !
M.
Mercier. - Je demande la parole contre la
clôture.
Messieurs, il y a eu unanimité
moins une voix dans la section centrale pour proposer l’ajournement ; vous ne
pouvez pas voter sur cette proposition sans permettre qu’on la défende.
M. le rapporteur a déjà parlé de cette proposition ; mais comme c’est
lui qui s’y est opposé, il a parlé non dans le sens des conclusions de la
section centrale, mais de son opinion personnelle. De sorte que personne n’a
soutenu les propositions de la section centrale ; il faut bien qu’on entende
quelqu’un de ses membres qui les justifie.
M. Cogels. - Quand j’ai parlé de la proposition dont il s’agit, j’ai demandé à la
chambre qu’elle me dispense d’entrer pour le moment dans des détails, me
réservant de le faire lors de la discussion des articles. J’ai pensé que la
chambre m’accorderait au moins la faculté de développer les moyens que je
voulais faire valoir à l’appui de la proposition du gouvernement. Cependant,
comme M. le ministre a parlé en dernier lieu, et que les arguments que je
voulais présenter l’honorable M. de Brouckère les a fait valoir en grande
partie, si la chambre veut prononcer la clôture, je renoncerai à la parole.
Mais si on entend M. Mercier, en ma qualité de rapporteur et comme représentant
la minorité, je demande qu’on m’entende également.
M. Lys. -
L’honorable M. de Brouckere, ainsi que M. le ministre des finances, se sont
longuement expliqués sur la question dont il s’agit. Il est d’usage, dans toute
discussion, d’entendre le rapporteur. Dans cette circonstance, le rapporteur de
la section centrale a déclaré que, s’étant trouvé de la minorité, il ne
parlerait pas dans le sens des conclusions de la section centrale. M. Mercier,
qui faisait partie de la section centrale, demande la parole pour expliquer en
quelques mots les vues de la majorité de la section centrale, il y aurait
injustice à la lui refuser.
M.
Mercier. - Un honorable membre a exprimé son
étonnement que la section centrale, à l’unanimité moins une voix, ait repoussé
la proposition concernant l’agrandissement de l’entrepôt d’Anvers. Si cet
honorable collègue avait fait partie de la section centrale, et qu’il n’eût
puisé ses renseignements qu’aux sources officielles, je pense qu’il se serait
lui-même réuni à la majorité de la section centrale pour proposer
l’ajournement. Car la proposition du gouvernement n’est en aucune façon
justifiée. Il y a à peine 2 ou 3 lignes dans l’exposé des motifs du projet de loi
sur cet objet ; on se borne à dire que l’entrepôt actuel est insuffisant. Quand
il s’agit d’une dépense d’un million et demi, il faut en prouver la nécessité
par des explications, par des chiffres ; le défaut de renseignements a
tellement été senti qu’aucune section n’a accordé cette allocation. Toutes ont
déclaré que l’insuffisance de l’entrepôt actuel n’était pas justifiée ; toutes
ont demandé que la proposition fût ajournée ou qu’elle fût mieux justifiée.
Messieurs, de son côté, la
section centrale a réclamé des renseignements plus pertinents de M. le
ministre. Cette demande portait sur le degré d’insuffisance de l’entrepôt
actuel. La section centrale pensait que si on n’avait été obligé de refuser que
de petites quantités de marchandises, ce n’était pas une raison pour faire une
dépense de 1,500,000 fr. Les réponses données par le gouvernement ne lui ont
pas paru satisfaisantes, il en résultait qu’il ne pouvait pas indiquer les
quantités qu’on avait été forcé de mettre en dehors de l’entrepôt. La section
centrale a demandé aussi si l’insuffisance était permanente. A cela il a été
répondu négativement.
On vous a dit et répété qu’il
se trouvait des entrepôts particuliers et des entrepôts fictifs dans lesquels
on avait placé de grandes quantités de marchandises. Je ferai observer que ces
entrepôts particuliers et ces entrepôts fictifs n’ont rien de commun avec
l’entrepôt général. Alors que l’entrepôt général était plus que suffisant, il y
avait des entrepôts particuliers et des entrepôts fictifs. Beaucoup de
négociants préfèrent avoir leurs marchandises à proximité de leurs habitations
que de les avoir à l’entrepôt général. Il y a des villes où les entrepôts
publics sont trop grands pour les marchandises qu’on y dépose et où cependant
il y a des entrepôts particuliers. Mais s’il y a insuffisance et que par suite
de cette insuffisance le nombre des entrepôts particuliers et des entrepôts
fictifs ait augmenté, qu’on le démontre, et on ne le fait pas. Ou s’est borné à
dire qu’on a été obligé de créer des succursales de l’entrepôt pour y placer
certaines quantités de marchandises. Ce sont ces quantités qu’on devrait nous
indiquer ; on ne le fait pas. C’est le seul renseignement qui fût réellement
nécessaire, et c’est celui-là précisément qui nous manque.
II est un autre point, c’est
celui de la recette ; or, d’après l’état de M. le ministre des finances, la
recette excède la dépense de 4,000 fr. y compris l’amortissement, et de 18,000
en ne le comprenant pas.
Mais quelle garantie
avons-nous, que les droits actuels seront maintenus ? Nous avons désiré
obtenir, à cet égard, des renseignements du gouvernement qui s’est abstenu de
les donner ; nous avons demandé, en outre, si l’accroissement des marchandises
entreposées serait tel qu’on pût s’attendre à ce que le produit suivît la même
progression que la dépense. Ces deux questions ont été faites par la section
centrale. Il n’y a été aucunement réponse. La section centrale n’avait donc pas
les éclaircissements nécessaires pour proposer l’adoption de cette partie de la
loi. Elle eût agi avec une véritable prodigalité, si elle avait proposé une
dépense de 1,500.000 fr, dont la nécessité n’était aucunement démontrée.
On nous dit que les
marchandises déposées dans les entrepôts particuliers seront placées dans
l’entrepôt général, je n’en crois rien. Cela pourrait être vrai, si le
gouvernement avait l’intention de proposer à la loi générale des douanes, une
modification par suite de laquelle les négociants seraient forcés d’entreposer
les marchandises à l’entrepôt général. Quant aux entrepôts fictifs, qui sont
les plus nombreux, le gouvernement se gardera bien de proposer de telles
modifications qui gêneraient trop le commerce ; peut-être reculera-t-il devant
une semblable mesure, même à l’égard des entrepôts particuliers. Nous n’avons
donc aucune certitude que les marchandises qui se trouvent dans les entrepôts
particuliers ou fictifs, seront transférées dans l’entrepôt général.
Quant à la garantie que le
droit sera maintenu, elle nous manque absolument.
La section centrale a donc cru
qu’il convenait, par tous ces motifs, d’ajourner cette dépense dont la
nécessité immédiate n’est pas démontrée. Elle a pense qu’il ne pouvait
d’ailleurs résulter aucun préjudice de cet ajournement. En effet, le
gouvernement a annoncé que, par suite de la liquidation avec les Pays-Bas, des
sommes considérables reviendraient à
M. le président. -
La parole est à M. Cogels.
Plusieurs membres. - Aux voix !
M. le ministre des finances (M. Smits) - Je demande la parole.
Plusieurs membres. - La clôture.
M. Cogels, rapporteur. -
Je demande la parole contre la clôture. Je crois que vous m’avez accordé la
parole hier lorsque j’ai demandé d’être dispensé d’entrer dans les
développements que je me proposais de présenter ; la chambre m’a donné des
marques d’approbation. J’ai dit qu’ils trouveraient mieux leur place dans la
discussion des articles, et la chambre a partagé cette opinion. Puisque
vous avez accordé la parole à M. Mercier pour défendre les conclusions de la
section centrale, il me semble que vous ne pouvez me la refuser, à moi qui
formais seul la minorité dans la section centrale.
M. le ministre des finances (M. Smits) - L’honorable M. Mercier nous a fait un reproche de ne pas avoir fourni
les renseignements nécessaires ; nous n’aurions pas, entr’autres, justifié de
l’insuffisance de l’entrepôt. Mais, messieurs, il suffit que l’insuffisance se
soit présentée à plusieurs reprises pour la rendre évidente. C’est un fait ; on
n’argumente pas contre lui. Maintenant, je demanderai à l’honorable M. Mercier,
s’il croit que la nouvelle loi de transit, la jonction des lignes de chemin de
fer avec l’Allemagne et la France n’augmenteront par le mouvement commercial de
Qu’il me soit permis de faire
une autre remarque : c’est qu’il est hors de doute que si l’entrepôt d’Anvers
est une fois agrandi, tous les entrepôts reflueront sur celui-là parce que les
négociants qui déposent leurs marchandises dans des entrepôts particuliers sont
obligés de fournir un cautionnement. Comme la fortune des négociants consiste
non pas en des biens immeubles, mais en des capitaux, ils préféreront déposer
leurs marchandises à l’entrepôt général, où les cautionnements ne sont pas
exigés. Ainsi l’utilité de l’agrandissement ne saurait être sérieusement
contestée.
Je n’en dirai pas davantage, parce que je crois que tous ceux qui
connaissent l’importance du mouvement commercial de l’entrepôt d’Anvers doivent
avoir leurs apaisements sur l’objet en discussion.
M. de Brouckere. -
J’aurais désiré répondre l’honorable M. Mercier. Mais si la chambre veut clore
la discussion, il faut bien que je me résigne à ne pas parler.
- La chambre consultée clôt la
discussion.
Le numéro 3° (parachèvement de
l’entrepôt d’Anvers) est mis aux voix par appel nominal.
72 membres sont présents.
4 (MM. Devaux, Duvivier, Eloy
de Burdinne et Lebeau ) s’abstiennent.
68 prennent part au vote.
35 votent pour.
33 votent contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour l’adoption : MM.
Brabant, Cogels, Coghen, Coppieters, David, de Baillet, de Brouckere, Dedecker,
de Garcia de
Ont voté contre : MM. Cools, de Behr, Dechamps, Delehaye, de Man
d’Attenrode, de Mérode, Demonceau, de Sécus, d’Hoffschmidt, Savart-Martel,
Dubus (aîné), Dubus (Bernard), Dumont, Dumortier, Fallon, Fleussu, Huveners,
Jadot, Jonet, Lange, Lys, Mercier, Pirmez, Puissant, Raymaeckers, Sigart,
Simons, Thienpont, Trentesaux, Vanden Eynde, Vandensteen, Vanderbelen,
Wallaert.
M.
Devaux. - Voici les raisons pour lesquelles
je me suis abstenu.
Si j’avais eu la faculté
d’exprimer les motifs de mon vote, j’aurais voté contre le crédit. Cependant je
suis loin d’être contraire à l’objet même de la disposition. Mais c’était une
loi spéciale qui devait le régler, c’est un précédent extrêmement dangereux que
de décréter le principe de dépenses nouvelles dans une loi d’emprunt. Une loi
d’emprunt ne doit faire autre chose que de couvrir des dépenses décrétées, des
crédits ou ouverts. Le précédent contraire introduit par le gouvernement peut
devenir ruineux pour le pays. On pourrait dès l’année prochaine faire voter par
les chambres un emprunt de 50 millions, à l’aide de dépenses qu’on décréterait
par la même loi pour satisfaire des localités diverses qui se coaliseraient
pour en amener l’adoption.
Maintenant que j’ai pu exprimer le motif de mon vote, je voterai contre
la dernière proposition concernant la canalisation de
M.
Duvivier. - J’avais l’honneur de faire partie
de la section centrale. Ainsi que l’a dit l’honorable M. Mercier, qui en
faisait également partie, lorsque nous nous sommes occupés de la question de
l’entrepôt d’Anvers, nous n’avions pas tous les renseignements nécessaires pour
être convaincus de l’utilité de cette partie de l’emprunt. Cependant dans la
discussion publique, l’honorable M. de Brouckere et M. le ministre des finances
ont donné des renseignements qui auraient pu me faire voter en faveur du crédit
; tout au moins ont-ils jeté du doute dans mon esprit. J’ai donc dû m’abstenir.
M. Eloy de Burdinne. -
Je me suis abstenu,, parce que la discussion a été
trop courte, j’ai été dans le doute. Dans le doute, comme le prescrit la
sagesse des nations, je me suis abstenu.
M.
Lebeau. - Je me suis abstenu parce
que les renseignements donnés par M. le ministre des finances m’ont paru
insuffisants. J’étais assez porté à reconnaître l’utilité de la dépense. Quant
aux raisons d’urgence, elles ne m’ont pas convaincu.
Article 2, numéro 2
M.
le président. - M. le ministre des
finances avait déclaré, je crois, se rallier à la rédaction de la section
centrale, quant au relatif aux routes à construire dans le Luxembourg.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Oui, M. le président.
M.
le président. - En ce cas, c’est la
rédaction de la section centrale qui a été adoptée.
Article 2,
numéro 3 (proposé par la section centrale)
M.
le président. - La chambre passe à la
discussion du proposé par la section centrale et ainsi conçu :
« 3° A la canalisation de
Plusieurs membres. - Aux voix !
M.
Lejeune. - Messieurs, je ne ferai pas de
discours ; je dirai simplement que je voterai volontiers les fonds demandés
pour
M. le ministre des travails
publics nous a déclaré qu’il y avait quatre projets ; je crois que le
gouvernement n’a pas encore décidé auquel de ces projets il faut donner la
préférence. Il ne faut pas lier ici le gouvernement ; c’est pourquoi je
demanderai la suppression des mots à
petite dimension.
On dit aussi à la fin de l’article, que les communes et les propriétés
intéresses devront contribuer dans la dépense aux conditions à déterminer par
le gouvernement. Je ne sais si ceci est très constitutionnel ; je préférerais
que l’on dît à déterminer par la loi.
Toutefois je ne fais pas de proposition à cet égard ; je demande seulement la
suppression des mots : à petite dimension.
M.
Dubus (aîné). - Messieurs, les
observations mêmes que vient de vous adresser le premier orateur entendu sur
l’amendement de la section centrale, doivent vous prouver que cette question
n’est pas étudiée, et qu’il vous est impossible de donner un vote en
connaissance de cause. La section centrale, vous a-t-il dit, impose au
gouvernement un système de canalisation, et il en existe quatre. Eh bien, à
vous, messieurs, on propose de voter un système de canalisation à choisir entre
quatre, dont pas un ne vous est connu ; c’est-à-dire que l’on vous demande de
voter en aveugle, et cela parce que, paraît-il, un certain nombre de membres de
la chambre se seraient comptés et auraient cru former une majorité.
Je crois, messieurs, qu’il est
important qu’un vote aussi grave que celui d’un système de canalisation, qui
peut entraîner la chambre dans des dépenses de plusieurs millions, soit préparé
par une discussion approfondie, et non par l’examen plus que superficiel auquel
s’est livrée la section centrale. Cette section n’a pas eu sous les yeux un
seul des plans dont il s’agit, et elle en a choisi un, celui qui est le moins
coûteux. Il y en a un qui exigerait une dépense de 7,400,000 fr. ; un autre, le
moins coûteux, n’exigerait qu’une dépense de 3,200,000 fr., et la section
centrale l’a choisi parce qu’il n’exige que cette somme.
Mais voilà qu’on vous propose
de supprimer de l’article le paragraphe qui oblige à choisir le système qui ne
coûterait que 3,200,000 fr., c’est-à-dire qu’il dépendra du gouvernement de
vous engager dans une dépense de sept millions et demi, et que vous, vous
abdiquiez vos fonctions, vous abdiquez le droit d’examiner la question, et de
décider d’après cet examen. Quant à moi, je ne suis pas disposé à faire pour ma
part cette abdication.
Je disais que pas un des
systèmes ne nous est connu. Pour être exact, je dois rappeler qu’en 1840, il
nous a été distribué un projet de travaux de canalisation à exécuter dans
Et cependant on vous demande
un vote d’une importance de plusieurs millions. De combien de millions ? Vous
l’ignorez ; car d’après l’amendement déposé, il appartiendra au gouvernement de
donner une signification à ce vote : Si le gouvernement le veut, il signifiera
3,200,000 fr. ; s’il le préfère, il signifiera 7,400,000 frs.
La section centrale vous
propose la canalisation à petites dimensions, et M. le ministre des travaux
publics vous a dit dans une séance précédente, que le conseil des ponts et
chaussées s’était à la vérité prononcé en faveur de ce système, mais que depuis
qu’il avait examiné la question, des objections très graves avaient été
produites, et que par suite de ces objections le gouvernement, le ministre ne
pouvait pas prendre maintenant de parti entre ce système de canalisation à
petite dimension et un système de canalisation à grande dimension, en tout ou
en partie ; je dis en tout ou en partie, parce qu’il y a un système selon
lequel les trois sections du canal seraient à grande dimension, deux systèmes d’après
chacun desquels la première section seulement serait à grande dimension, et
enfin un système suivant lequel tout le canal est de petite dimension.
Quel système adoptera le
gouvernement ? Nous l’ignorons. Le gouvernement ne sait pas lui-même encore pour
quel système il se prononcera. Dès lors, messieurs, n’y a t-il pas nécessité
d’ajourner la proposition qui vous est faite jusqu’à ce que le gouvernement
vienne vous dire pour quel système il se prononce, et vous donne les raisons
qui devront vous déterminer à adopter tel ou tel système ? à moins que vous ne
pensiez que c’est remplir votre devoir de député de la nation que de voter une
dépense sans savoir si vous engagez l’Etat dans une dépense de 2 à 3 millions
ou dans une dépense de 7 à 8 millions.
Messieurs, ce n’est pas là la
seule question qui se présente. La canalisation de
Au moyen de ce canal on va
mettre
Mais, messieurs, je vous prie
de considérer que cette communication qu’il s’agit de construire aux frais du
trésor public et non pas aux frais d’une société, pourrait être établie dans
des conditions telles qu’elle enrichirait une province en en ruinant une autre.
Elle pourrait être telle que vous feriez arriver, par exemple, le houille de
Liége sur le marché d’Anvers à des conditions plus favorables que celles du
Hainaut qui sont maintenant en possession de ce marché.
On dira : telle ne sera pas la
conséquence de cet ouvrage. Mais comment pouvons-nous l’apprécier ? Nous ne
savons ni quel système on adoptera, ni quels péages seront établis. On ne nous
fourni aucun tableau, aucun détail, aucun renseignement, et on veut que nous
votions ainsi en aveugles, sans connaître, sans pouvoir apprécier le résultat
de notre vote.
Je vous prie de vous rappeler,
messieurs, qu’en 1834, lorsqu’il était question d’accorder au gouvernement le
droit d’établir les péages sur les chemins de fer, on s’est prévalu du tableau
même qui accompagnait le travail des ingénieurs ; et qu’a-t-on fait ? On vous a
démontré que ce travail avait été calculé de manière qu’au moyen du chemin de
fer, on ferait arriver à Anvers les houilles de Liége à meilleur marché que les
houilles du Hainaut ; et c’est ce qui a donné lieu à un amendement qui a été
introduit dans la loi. Ici vous vous exposez à un pareil résultat, et cela par
un vote précipité qui n’a été précédé d’aucun examen.
Mais, dit-on, il faut
absolument rendre fertiles les terres de
Ainsi, ce que l’on vous
propose est même incomplet, et vous n’arriverez pas à la fertilisation des
terres de
Mais ce n’est pas tout,
messieurs, c’est que ce travail que l’on vous propose de décréter à la charge
du trésor, une société s’est présentée qui en a demandé la concession, et on ne
répond pas à la demande de concession de cette société.
Je me trompe, dans le travail
de l’un des ingénieurs il y en quelque sorte une réponse ; voici comment elle
est conçue :
« Nous pensons... que si
la question financière oblige le gouvernement à exécuter la canalisation par
voie de concession de péages, ce ne sera qu’après avoir parachevé lui-même la
première section ; parce qu’alors seulement se présenteront les branches
productives et que la concurrence forcera les sociétés à faire des offres
avantageuses pour obtenir la concession. »
Voilà encore un autre système
; Il consisterait à ne faire qu’une partie de ce que l’on propose de faire ;
après cela des sociétés se présenteraient pour faire le reste.
Je crois, messieurs, que sous
aucun rapport la question n’est arrivée à maturité. Il est impossible qu’en
quelques minutes et sans examen préalable vous vous décidiez sur une question
de cette importance.
Je demande l’ajournement à la
session prochaine.
Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !
D’autres membres. - A demain ! à demain !
- Un grand nombre de membres quittent leur place.
M.
le président donne lecture d’un amendement
proposé par M. Dumortier, et conçu comme suit :
« En cas de rejet de la
motion d’ajournement, je propose de substituer aux mots par le gouvernement, ceux-ci par
la loi. »
- Cet amendement sera imprimé
et distribué.
FIXATION DE L’ORDRE DU JOUR
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières) demande que la chambre mette à
l’ordre du jour, après le vote définitif du projet de loi d’emprunt, le projet
de loi tendant à accorder un crédit supplémentaire à son département.
- Cette proposition est
adoptée.
___________________
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) demande la mise à l’ordre du jour du projet de loi relatif à l’érection
d’une nouvelle commune, et sur lequel M. Raikem a fait rapport.
- Cette proposition est
également adoptée.
La chambre décide qu’elle se réunira
encore demain à 10 heures.
La séance est levée à 4 heures
3/4.