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d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du mardi 2 août 1842
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre,
notamment pétition de l’université catholique de Louvain sur le projet de loi
relatif à l’enseignement supérieur (Simons), pétition
relative aux droits sur les vins (Fleussu), pétition
des vignerons de Liége (Delfosse)
2) Motion d’ordre relative au
remplacement en matière de milice (de Liem)
3) Projet de loi relatif à la convention
commerciale signée avec
4) Projet
de loi relatif à la patente des bateliers, amendé par le sénat (canal de Bruges
à Ostende)
5) Fixation
de l’ordre du jour. Lois sur l’enseignement supérieur et primaire et/ou
convention avec la ville de Bruxelles (Nothomb, de Brouckere, Lys, Dumortier, de Mérode, Devaux, Nothomb, d’Hoffschmidt, (commission d’enquête (Osy,
Nothomb, de Brouckere)),
(convention avec la ville de Bruxelles (Orts, Coghen)), (pétitions (Hye-Hoys)),
(commission d’enquête (de Foere)), Dechamps,
Cools, Fleussu,
Devaux, Dumortier, Nothomb)
6) Projet
de loi relatif à la patente des bateliers, amendé par le sénat
(Moniteur belge n°215, du 3 août 1842)
(Présidence de M. Fallon)
M. de Renesse
procède à l'appel nominal à midi un quart.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la
dernière séance. La rédaction en est adoptée.
M. de Renesse communique les pièces de la
correspondance :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Pierre Amel, meunier et échevin à Guygoven,
né à Nollesheim (Prusse ),
demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
_______________________
« L'université catholique de Louvain présente
des observations contre le projet de loi sur l'enseignement supérieur. »
M. Simons. - Il conviendrait de faire imprimer
cette pétition et de la joindre aux autres pièces qui nous ont été distribuées
pour être examinées avant d'aborder la discussion.
- Cette impression est ordonnée.
La pétition sera en outre déposée sur le bureau pendant la discussion.
________________________
« Les marchands de vins de St.-Trond demandent que pour les quantités de vins qu'ils ont
en magasin on leur accorde un dégrèvement de droit égal à la diminution que le
tarif va subir. »
« Mêmes pétitions du sieur Guarré, négociant
en vins à Farciennes, et des délégués de Liége et de diverses villes de
-Ces pétitions sont renvoyées à M. le ministre des finances avec demande
d'explications.
M. Fleussu. - Ce sont les mêmes pétitions qui ont
déjà été renvoyées à M. le ministre des finances ; ne conviendrait-il pas que
ces pétitions restassent déposées sur le bureau pendant la discussion ?
M. le président. - Ces pétitions ne sont pas toutes
semblables.
M. Fleussu. - Le dépôt sur le bureau n'empêche pas
le renvoi.
- Le dépôt est ordonné. Les pétitions seront ensuite renvoyées à M. le
ministre des finances.
______________________
« Les vignerons de la ville de Liége et de
ses environs présentent des observations contre le projet de loi relatif à la
convention de commerce conclue entre
M. Delfosse. – L’adoption de la convention avec
M. le ministre
de l’intérieur (M. Nothomb) - Je ferai remarquer que depuis 1830 il n'y
a plus d'accises sur les vins indigènes.
- Le dépôt et le renvoi sont ordonnés.
M. le ministre de la
guerre (M. de Liem) -
Messieurs, dans une de vos dernières séances vous avez jugez convenable, à
cause d'une indisposition qui me retenait chez moi, de retirer de l'ordre du
jour le projet de loi concernant les allocations demandées par le département
de la guerre pour primes de rengagement. Comme le motif pour lequel cette
mesure a été prise n'existe plus, et qu'il est urgent que cette question ne
reste pas plus longtemps suspendue, je propose de rétablir l'ordre du jour comme
il avait été fixé primitivement et d'y remettre le projet de loi en question
après la loi sur l'enseignement supérieur ou entre les deux votes de cette loi.
- Cette proposition est adoptée.
Discussion
générale
M. Cogels. - Messieurs, je ne redirai pas tout ce
qu'il y a de fâcheux dans la convention qui nous est soumise, ni les
conséquences funestes qu'elle peut entraîner pour notre avenir financier et
commercial, pour l'avenir de cette industrie elle-même en faveur de laquelle
cette convention a été conclue. Tout a été dit à cet égard, beaucoup mieux que
je ne pourrais le faire.
La plupart des honorables membres qui ont déjà pris la parole ont annoncé
l'intention de voter en faveur de la convention, mais ils ne le feraient qu'en
cédant à une espèce de contrainte morale, en cédant à la nécessité du moment.
J'étais assez décidé à faire comme eux, mais quelques observations qui ont été
faites, quelques points qui restaient à éclaircir et qui ne l'ont pas été par
la discussion, m'ont fait changer d'avis.
Le résultat le plus certain de la convention sera de porter dans nos
recettes un déficit annuel d'au-delà d'un million, et cela sur un objet
éminemment imposable et dans lequel un jour peut-être nous devrons chercher les
ressources qui nous manqueront. Ce déficit, il faudra nécessairement le
combler, car nous aussi, pour ce qui regarde nos finances, nous serons obligés
de subir les lois de la nécessité.
Qu'arrivera-t-il ? C'est que, pour combler le déficit résultant de la
faveur temporaire que nous accordons à une seule industrie qui a de grands
titres, sans doute, à notre sollicitude, et intéresse particulièrement deux de
nos plus belles provinces, on sera forcé de recourir peut-être à des
majorations de droit destructives d'autres industries également intéressantes
et même de notre prospérité commerciale en général. Dans cette incertitude, il
m'est impossible de voter en faveur de la convention. Je ne
suis pas encore résolu à voter contre, mais ce que je pourrai faire sera tout
au plus de m'abstenir.
M. David. - Tout regrettable qu'il soit de se voir
dépouiller par la convention dont nous nous occupons, et cela seulement pour
conserver un triste statu quo vis-à-vis de
J'ai suivi attentivement la discussion. Je reconnais qu'il n'est pas aisé
de dire si le ministère a bien ou mal agi dans cette circonstance
embarrassante. On n'a guère le temps de négocier quand on est pressé par des
populations qui s'inquiètent, s'agitent et viennent vous demander du pain.
Puisque donc diverses concessions nouvelles nous sont arrachées par
Ce n'est pas la seule industrie linière qui souffre, messieurs, il en est
d'autres qui viennent se dévouer pour aider celle-là qui ne
sont pas dans une position plus prospère. Je le répète, jetez les yeux
sur la métallurgie et les houillères, sur ces dernières surtout. Elles sont
réellement dans la détresse. Elles ont devant elles des montagnes de charbon,
dont on ne peut espérer de sitôt le débouché. Le nouveau tarif anglais avait
donné une lueur d'espérance. On croyait reconquérir
D'abord on avait vu d'un bon œil la réduction des péages sur les canaux et
rivières ; mais ma province n'est pas appelée à jouir du bénéfice de cette loi.
Elle a si peu d'importance pour
La levée de la prohibition sur la draperie belge à son entrée en France,
fait-elle encore l'objet d'une négociation ? Voilà une question à laquelle je
voudrais qu'il fût également répondu. Vous devez savoir, messieurs les
ministres, jusqu'à quel point était vraie l'assertion du cabinet de 1838,
lorsque, pour entraîner des votes il nous assurait que nous n'aurions pas
plutôt fait acte de bon vouloir vis-à-vis de
Mais, messieurs, si
L’honorable M. Verhaegen exprimait hier une pensée aussi juste que
philanthropique. En parlant de l'abaissement de l'accise sur le vin : Vous
allez, disait-il, dégrever le
luxe, mais sans doute que vous ne
comptez pas, pour rétablir
l'équilibre, augmenter l'impôt du pauvre.
Voilà le sens de ses paroles. J'abonde d'autant plus dans l'idée de
rechercher, pour combler le déficit, les moyens d'imposer le luxe, que je ferai
observer en passant que le luxe n'aurait pas même le droit de se plaindre,
puisqu’il retrouverait à peu près d'un côté ce qu'il perdrait de l'autre.
Mais, puisque nous en sommes aux expédients, je vais vous signaler un moyen
financier, qui, dans l'occurrence, ne me paraît pas dédaignable et que nous
pouvons exploiter sans que
D'abord par la sortie aux conditions actuelles, vous affamez toutes les
tanneries indigènes, qui, favorisées par le droit que je croirais utile,
reprendraient de suite la position de leurs concurrentes et seraient, elles, en
position d'imposer leur main-d'œuvre à
Vous voyez qu'ici, messieurs, en vous citant les marchés que la tannerie
belge pourrait conquérir, si l'on imposait ses cuirs frais à la sortie, vous
voyez que je ne cite pas
Je livre ces réflexions sur cet important article (car la tannerie dont on
parle si rarement est une des premières industries dans tous les pays du monde)
; je livre ces réflexions, dis-je, aux méditations de M. le ministre des
finances, pour en tirer parti au profit du trésor et de l'industrie. Je les
livre à tout le ministère, comme présentant un moyen de
créer un nouvel article Concession,
dont il n'y a pas de mal que notre vocabulaire douanier s'enrichisse.
M. Delfosse. - Messieurs, ce qui me déplaît dans la convention,
ce n'est pas la diminution des droits d'entrée et d'accises sur les vins
français ; j'avoue que je ne vois pas un grand mal à ce que l'on paie ces vins
moins chers. Je regrette seulement que cela nuise aux vignerons de la province
de Liége ; mais je l'ai déjà dit, comme ils ne sont que 500, ils seront
sacrifiés aux deux ou trois cent mille ouvriers des Flandres. Je ne vois pas
non plus un grand mal à ce que le trésor y perde un million. Le trésor ne
perdra rien en définitive, il saura bien se dédommager en trouvant une nouvelle
matière imposable. Ce serait un mal si cette nouvelle matière imposable n'était
pas un objet de luxe, parce qu'alors le riche serait dégrevé aux dépens du
pauvre ; il y aurait injustice.
Ce qui me déplaît dans la convention, c'est qu'elle ne contient de
concessions qu'en faveur de l'industrie linière. Sans doute cette industrie a
de grands titres à notre sollicitude, mais il y a d'autres industries qui en
ont aussi, il y a les fers, les houilles, les armes, les draps et d'autres
branches également très importantes qui, comme l'industrie linière, manquent de
débouchés. Malheureusement nous avons un ministère qui ne s'occupe des choses qu'au
dernier moment et lorsqu'il n'y a plus moyen de reculer.
Les Flandres crient plus haut que les autres provinces ; les députés des Flandres , et je le dis à leur éloge, sont plus tenaces,
plus unis quand il s'agit des intérêts matériels, que les députés des autres
provinces. Le ministre a eu peur d'eux, et il s'est empressé de conclure un
traité en faveur des Flandres ; c'eût été bien s'il avait en même temps obtenu
des concessions pour les autres provinces ; mais comme elles criaient moins
haut, il s'est dit qu'elles pouvaient attendre.
Cependant le moment était favorable pour obtenir des concessions de
Je ne suis pas en général partisan des mesures prohibitives ni de droits
protecteurs très élevés, mais il est des circonstances où il est bon d'en faire
usage. Et je pense avec plusieurs de mes honorables collègues, qu'au moment des
élections en France, la menace de prohiber les vins français, ou au moins, de
les frapper d'un droit très élevé, aurait produit un bon effet pour nous.
Ce qui me déplaît dans la convention, c'est que nous nous soumettons pour
quatre ans à tous les tarifs qu'il plaira à
Ce qui me déplaît encore dans la convention, c'est la discussion à laquelle
elle a donné lieu, La plupart des orateurs, tout en déclarant le traité
injuste, ont cependant dit qu'il fallait s'y soumettre, parce que nous étions
sous l'empire d'une contrainte morale ; ils ont reconnu en quelque sorte que
nous étions à la merci de
Je reconnais qu’un petit pays comme le nôtre, entouré de puissants voisins
doit avoir pour eux les plus grands ménagements. Mais
Mais nous ne savons pas en avoir, nous n'en avons pas montré lorsqu'il
s'est agi de l'adoption des 24 articles, nous n'en avons pas montré lors de la
discussion de la loi des indemnités, nous n'en avons pas montré dans la
circonstance actuelle et je crains bien que nous n'en montrions jamais ;
cependant, messieurs, un pays qui ne montre jamais d'énergie, un pays qui ne
sait pas souffrir quelque chose pour atteindre un but est un pays perdu.
Les considérations que je viens d'exposer en peu de mots et le doute dans
lequel on nous laisse sur les moyens que l'on proposera pour couvrir le déficit
m'empêcheront de voter pour le projet, je ne voterai pas non plus contre, parce que je ne veux pas que l’on puisse dire que je
suis insensible aux misères des ouvriers des Flandres, je m'abstiendrai.
M. Manilius. - Quoi qu'on en dise, je pense que la loi qui nous
est soumise n'est pas digne de
M. le ministre de l'intérieur qui nous a fait l'honneur de se rendre à notre
section, est convenu de l'irrégularité de celte disposition, et nous avons
pensé qu'il ne pouvait s'agir de diminuer notre tarif vis-à-vis
Maintenant, je pense que lorsque nous aurons voté l'article premier de la
loi, tout sera fait, qu'il ne s'agira plus de discuter le moyen d'exécution ;
le gouvernement aura à sa disposition tous les moyens pour porter les
changements au tarif d'après la convention. (Signe affirmatif dans l'assemblée.)
J'avais pensé qu'il en serait ainsi, Dans ce cas je me permettrai de
demander au gouvernement si la législation lui donne assez de latitude. S'il
doit frapper les fils étrangers, comment fera-t-il ? A cet égard on a émis des
doutes. Les journaux français ont traité cette question avec beaucoup de
sagacité. Ils ont fait remarquer l'insuffisance de notre législation et de nos
douanes pour empêcher la fraude qui se fait journellement d'une manière
scandaleuse. Et il ne s'agit pas ici de contester les faits, car le gouvernement
est en aveu. Depuis quatre ans il a présenté un projet de loi pour augmenter
les moyens de répression de la fraude ; cependant il n'hésite pas à provoquer
des augmentations de tarif, soit par des projets de lois, soit par des arrêtés
; soit par des conventions.
Si M. le ministre des finances me donne à cet égard mes apaisements, je
voterai pour la loi, sinon j'hésiterai à la voter.
Puisque j'ai la parole, je ferai une autre demande. Je demanderai si les
changements à apporter au tarif, par suite de la convention, le seront
par une loi ou par arrêté royal. Il est intéressant pour nous de savoir si
après que nous aurons voté la convention, nous n'aurons plus
rien à discuter sur les mesures qui en seront le résultat. Je prie M. le
ministre des finances de me répondre sur ce point.
M. le
ministre des finances (M. Smits) – Il me semble que l'application
du tarif et les questions de transit qui sont la conséquence de la convention
peuvent se régler par arrêté royal, puisqu'il ne s'agira que de l'exécution
d'un acte adopté par les chambres, Quelques autres points restent à régler.
Pour ceux-là un projet de loi sera prochainement présenté.
M. Manilius. - Ainsi, dans l'opinion du gouvernement il s'agit maintenant non
seulement de la convention, mais encore toutes les lois qui doivent en
résulter. M. le ministre des finances pense que le gouvernement a le droit de
prendre par arrêté royal toutes les mesures relatives à la convention.
Puisqu'il est démontré que notre vote va
entraîner la nécessité de mettre en vigueur ces lois, je me permettrai de
proposer un amendement qui doit avoir pour résultat de donner au gouvernement
les moyens d'empêcher et de réprimer la fraude. Cet amendement est la
reproduction de l'art. 15 de la loi sur la pêche nationale que vous avez
votée il y a huit mois,
Si l'art. 2 du projet de loi est rejeté,
je désire que mon amendement le remplace. Si au contraire l'art. 2 est voté, je
désire que mon amendement soit ajouté comme art. 3.
Je crois que le gouvernement se trouvera
bien de cet amendement, parce que, s'il veut mettre en vigueur les conséquences
de la convention, à tout moment il sera arrêté ; il n'aura pas de loi
convenable pour la répression de la fraude, il n'aura ni visite à l'intérieur
ni augmentation du personnel de la douane. Il dira : Attendez qu’on ait statué
sur le rapport de la commission d'enquête commerciale, qu'on ait adopté un
système commercial. Avec mon amendement, le gouvernement n'a rien à attendre.
. Mon amendement est ainsi conçu :
« Le gouvernement fera les
règlements propres à assurer la bonne exécution de la présente loi. Si d'autres
mesures répressives de la fraude que celles qui existent sont reconnues
nécessaires, il est autorisé à les prendre par arrêté royal, sauf à les
soumettre à la chambre dans la prochaine session,»
Je pense que ces développements doivent
suffire.
Je ferai remarquer, en terminant,
que vous avez déjà adopté cette disposition dans une circonstance analogue.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Nous avons toujours supposé
que l'adoption de l'article 1er du projet de loi emportait pour le gouvernement
l'autorisation d'élever par arrêté royal, sur nos frontières autres que la
frontière limitrophe de France, notre tarif au taux du tarif français. (Interruption.) Nous avons pensé, et je
désire qu'on en prenne note, que cette autorisation résultait implicitement et
nécessairement du vote de la loi. S'il pouvait y avoir du doute à cet égard, on
pourrait insérer cette autorisation dans le projet de loi. Il en est de même de
toutes les dispositions qui supposent un changement au régime de douane et de
transit. La chose se fera par arrêté royal. C'est une autorisation générale donnée
au gouvernement, autorisation qui aura la même durée que la convention même.
J'arrive au traité considéré en
lui-même.
Je
conçois toutes les objections qui ont été faites contre la convention conclue
avec
On a dit hier que le ministère avait
commis une grande faute, qu'il aurait dû conclure la convention avant que
l'ordonnance française fût rendue, qu'il lui était facile d'obtenir la
convention avant cette époque ; il n'avait pour cela qu'à faire certaines
menaces à
Nous avons dit au ministère français,
avant l'ordonnance du 26 juin, que si l’exception ne nous était pas accordée
gratuitement, nous pourrions recourir, de notre côte, a des mesures de douane,
que nous pourrions soit imposer plus fortement des objets d'exportation
étrangère et qui le sont faiblement, soit accorder à certaines de nos
industries une protection qui semble leur manquer. Nous avons fait toutes ces menaces. L'ordonnance
française n'en a pas moins été rendue ; elle l'a été sous l'empire des
circonstances où se trouvait alors le gouvernement français, circonstances qui
ne lui permettaient pas d'attendre, qui exigeaient de lui qu'il devançât
l’époque des élections en France. Mais cette ordonnance a été rendue avec une
restriction en notre faveur ; c’est-à-dire qu’on y admettait la possibilité
d’une exception au profit de
Et, messieurs, c'est là un système tout
nouveau pour
On dit qu'en consentant de notre
côté à suivre pendant quatre ans, à certains égards, le mouvement du tarif
français sur nos frontières, nous avons abdiqué. Je l'ai déjà dit hier à la fin
de la séance, à plus forte raison pourra-t-on, à la chambre des députés de
France, dire que le gouvernement français s'est placé dans une situation toute
nouvelle, violente vis-à-vis du gouvernement anglais pour quatre ans.
Une voix. -
C'est une mystification.
M. le ministre
de l’intérieur (M. Nothomb) - J'entends dire à côté de moi :
c'est une mystification. Mais il suffit de lire ;
Il y a maintenant trois grandes
industries qui sont protégées en Belgique par le système des zones : c'est
l'industrie des houilles, l’industrie des fers et l'industrie linière.
L'industrie des houilles est protégée par un système de zones que vous
connaissez et qui fait que nous importons en France pour plus de treize
millions de houille.
Il existe un système de zones en faveur
des fontes et des fers, c’est-à-dire que les fontes à l'entrée par mer paient
plus qu'à l'entrée par terre. Ce système est insuffisant, il est vrai ; mais il
existe.
Un troisième système de zones est
inscrit dans le tarif français, et pour la première fois, pour notre industrie
linière.
C'est donc un système de zones que nous
avons pour trois de nos industries. Mais ce système n'est garanti que pour un
seul de nos produits, les produits liniers ; nous sommes sans garantie pour les
deux autres systèmes.(Réclamation.) Vous n'avez pas de garantie, en un
mot, vis-à-vis du gouvernement français, pour le maintien des zones quant aux
houilles par exemple.
Eh bien, messieurs, je voudrais
que le gouvernement belge eût pu faire un de ces acte honteux qui lui eût
garanti pendant un certain d'années le système des zones, pour les houilles,
par exemple ; et je crois qu'on s'en féliciterait dans le Hainaut ; Vous auriez
une sécurité qui vous manque à certains égards. Ce que je désire, c'est que
l'on puisse, vis-à-vis de
Le gouvernement, messieurs, a aussi fait
des tentatives pour que d’autres objets que les fils et les toiles pussent être
compris dans la convention. Nous aurions, par exemple, voulu obtenir une
réduction en faveur des fontes ; nous ne l'avons pas obtenue parce qu'en
négociations on ne réussit pas toujours.
Nous avons également cherché à obtenir
la révocation des deux dispositions insérées dans la loi du 6 mai 1841,
relativement à la manière de compter les fils et au classement des blondines ;
nous n’avons pas réussi, mais nous ne sommes pas sans espoir de voir la mesure
atténuée dans l'exécution.
La nécessité, messieurs, qui a amené la
convention du 26 juin, n’est pas le fait du gouvernement belge. Cette nécessité
est le résultat d'une ordonnance prise par le gouvernement français dans des
circonstances qui exigeaient cet acte de lui. Le gouvernement belge a cherché à
obtenir une convention avant l'ordonnance ; il n'a pas réussi, et il doit se
féliciter, d'après les résultats qu'il a obtenus ensuite de n'avoir pas conclu
la convention avant l'ordonnance.
Hier, messieurs, et encore dans la
séance d'aujourd'hui, on a cherché à vous représenter comme extrêmement
désavantageuses les relations de
Du reste, messieurs, ces mesures de
représailles qu’on nous reproche de ne pas avoir prises, pourquoi ne les a-t-on
pas conseillées avant l’ordonnance ?
M. Delehaye. - Je
les ai conseillées.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Aussi
ce n'est pas à l’honorable M. Delehaye que je fais ce reproche, Mais ce n'est
pas lui seul qui a fait hier l’éloge des mesures de représailles ; cet éloge
est venu d’hommes qui nous avalent habitues a plus de prudence.
M. Devaux. – La chambre aurait donc dû
intervenir dans la négociation ?
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Oui,
monsieur, la chambre aurait dû intervenir dans la négociation, car le
gouvernement ne pouvait dans ce moment prendre par arrêté des mesures de
représailles contre
Il aurait donc fallu, dans le court
intervalle d'un mois qui a précédé l’ordonnance du 26 juin dernier, vous
présenter une loi de représailles envers
Maintenant je vous prie de vouloir vous reporter en arrière, et l’époque
n'est pas bien éloignée, et de vous demander si la majorité de la chambre était
portée à courir ainsi les aventures.(Mouvement.)
Si vous voulez que le gouvernement soit maître des négociations à ce point
qu'il puisse toujours tenir un langage aussi décidé, il faut autre chose que la
loi de 1822 ; il faut une loi qui autorise le gouvernement à changer les tarifs
non seulement pendant l'absence des chambres, mais même pendant la session. Je
doute que la chambre soit disposée à donner cette latitude au gouvernement.
Mais aussi longtemps que cette loi n'existera pas, je dis que le gouvernement
ne pourrait en pleine session prendre, par un simple arrêté, les mesures de
représailles qu'on semble lui conseiller aujourd'hui comme toutes puissantes.
Ainsi, d'après moi, le gouvernement belge ne pouvait empêcher le
gouvernement français de prendre l'ordonnance du 26 juin dernier, et les
mesures de représailles qu'on aurait prises avant cette époque n'auraient pas
amené les résultats que nous avons obtenus aujourd'hui. Vous auriez placé le
gouvernement français dans une position nouvelle vis-à-vis de nous, et je ne
sais si vous eussiez trouvé en lui les mêmes dispositions pour faire une
exception en notre faveur ; tous les partis en France se seraient réunis contre
vous.
Au reste, messieurs, cette discussion portera ses fruits ; rien n'est
perdu. En effet, y a-t-il quelque chose de compromis par la convention du 16
juillet dernier ? Non, cette convention crée une situation exceptionnelle de
quatre ans en faveur de l'une de nos industries. Nous avons maintenant quatre
ans pour examiner notre situation commerciale, pour examiner notre système de
douanes, notre régime de relations commerciales avec l'étranger. Nous avons
quatre années devant nous, et je réitère le vœu que j'émettais hier, que ces
quatre années soient utilisées. La convention du i6 juillet est venue, pour
ainsi dire, nous constituer en demeure pour examiner de plus près certains de
nos intérêts matériels.
Je disais hier, messieurs, qu'il faudrait remonter bien haut pour indiquer
toutes les causes de notre situation actuelle. Je n'avais pas indiqué spécialement
la loi de 1838, parce qu'il faudrait remonter plus haut que cette loi ; il
faudrait remonter jusqu'au décret du congrès national qui, en
Les causes de la situation dans laquelle nous nous trouvons, ne sont pas
non plus uniquement dans notre système de douanes ; il est une deuxième cause
de cette situation, c'est la direction presque exclusive donnée à nos
exportations : il se trouve que sur 24 millions d'exportation en toile, nous
envoyons en France pour 20 millions ; évidemment, messieurs, il y a ici une
dépendance bien terrible, créée par la force des choses ; comment un pays qui
produit pour 24 millions ne se trouverait-il pas dans une certaine dépendance
d'un pays limitrophe qui reçoit de lui 20 millions sur 24 millions de
productions ? Cette dépendance, il faut tâcher d'en sortir, en cherchant
ailleurs des débouchés, et c'est dans cette pensée que nous avons voté la loi
sur la navigation transatlantique, pensée à laquelle je n'ai pas hésité à
m'associer, et comme député et comme ministre. Nous avons dit au pays : ne
restez pas dans la dépendance absolue d'un pays qui nous prend les quatre
cinquièmes de nos productions, tâchez de trouver d'autres débouchés.
Enfin, messieurs, une troisième cause de notre situation actuelle, c'est le
développement extraordinaire donné à la plupart de nos industries depuis 1835
et 1836 surtout ; ce développement extraordinaire qui tient à la liberté
industrielle, a créé et a dû créer des embarras. Il en est arrivé que, tout en
exportant aujourd'hui plus que nous n'avons jamais exporté depuis 1830, notre
gêne n'en continue pas moins. Le Hainaut envoie en France pour 13 millions et
1/2 de produits de ses houillères ; le Hainaut désire néanmoins pouvoir en
envoyer encore davantage. Pourquoi ? Parce que le développement de certaines
industries est sans limites. (Interruption.) Je voudrais bien savoir
comment on s'y prendrait pour y mettre des limites, à moins d'apporter des
restrictions à la liberté industrielle.
Il y a donc trois causes de notre situation actuelle : la première est la
générosité que nous aurons mise quelquefois dans notre système de douanes ; la
deuxième est la direction exclusive donnée malheureusement à la plupart de nos
exportations ; la troisième est le développement extraordinaire donné à un
grand nombre de nos industries.
Il me reste, messieurs, à répondre à une observation qui aurait été faite
dans la section où se trouvait M. Manilius, et que cet honorable membre a
reproduite aujourd'hui. Le § 2 de l’art. 1er porte que, si les droits d'entrée
en France sur les fils et tissus de lin ou de chanvre, provenant de Belgique
venaient à être réduits, une réduction semblable serait immédiatement
introduite dans le tarif belge sur les mêmes articles de provenance française,
de façon que les droits fussent uniformes des deux côtés de la frontière
limitrophe. .
Messieurs, il est assez difficile de faire connaître à la chambre les
tarifs qui vont être appliqués aux deux frontières limitrophes, il faudrait
pouvoir placer sous les yeux de chacun de nous un tableau comparatif. Je vais
indiquer un point saillant pour nous mettre à même de comprendre la réponse que
je crois devoir faire à l'honorable M. Manilius.
Le tarif belge est plus élevé que le tarif français, et voici comment. Sur
la frontière belge on continuera à appliquer le tarif qui résulte de la loi du
25 février dernier ; sur la frontière française on appliquera le tarif
antérieur à l'ordonnance du 26 juin, et qui a été établi par une loi de 1836 ;
eh bien, il se trouve que le tarif belge est quelque fois plus élevé que le
tarif français, c'est-à dire que si les Français veulent introduire en Belgique
des toiles françaises, ces toiles paieront très souvent un droit plus élevé que
ce que paient les toiles belges importées en France ; je citerai, messieurs, un
seul exemple.
Le tarif belge résultant de la loi du 25 février de cette année, établit
pour les toiles écrues de 8 à 12 fils, un droit de 63 francs ; le tarif
français admet une classe de plus que le tarif belge ; en Belgique les toiles
de 8 à 11 fils inclusivement ne forment qu'une classe ; en France les toiles de
8 à 11 fils inclusivement forment 2 classes : les toiles de 8 fils paient 36
francs. et celles de 9 à 11 fils paient 65 francs. Vous voyez donc qu'il y a
ici une différence à notre avantage, et il faut se féliciter de ce que le
gouvernement français a consenti à ce qu'il y ait sur les frontières
limitrophes deux tarifs présentant une différence qui est très souvent à notre
avantage.
Maintenant j'en conviens, il y a dans le § 2 de l'art. 1er une expression
impropre : on y suppose qu'on pourrait en venir
à un tarif uniforme, ce qui n'est pas, puisqu'il y aura toujours
dissemblance dans les proportions qui existent aujourd'hui.
Du reste cette inégalité, je ne puis assez le répéter, est toute en notre
faveur, et c'est un véritable succès pour nos négociateurs, que le maintien de
cet état de choses ; car le gouvernement français eût pu demander à bon droit
que les tarifs fussent les mêmes sur les deux frontières limitrophes. Je
concevrais les craintes qui ont été exprimées, si le tarif belge était moins
élevé que le tarif français ; alors je concevrais les objections, mais je ne
les conçois pas dans l'état actuel des choses.
Ainsi, messieurs, en résumé, je ne regarde pas cette convention comme un
acte digne de toutes les épithètes qu'on a voulu y attacher ; cet acte est un
acte nécessaire auquel il n'était au pouvoir de personne de soustraire
M. Delehaye. - Heureusement pour moi le gouvernement
vient de m'excepter du reproche qu'il a adressé à la chambre d'avoir participé
avec lui à toutes les mesures contraires au système prohibitif que j'ai
plusieurs fois préconisées dans cette enceinte. Vous vous rappelez, messieurs,
que je vous ai dit hier que la première faute commise datait non pas d'une
époque peu éloignée, mais surtout du moment où, l'année dernière, le
gouvernement français a modifié son tarif et surtout où il a été introduit dans
la loi un amendement contre nos toiles blondines.
Je dis qu'alors le gouvernement a fait une grande faute en envoyant à Paris
des négociateurs qui se trouvaient vis-à-vis du gouvernement français
complètement désarmés.
Je dis que si le gouvernement avait voulu obtenir des résultats favorables,
il aurait dû, avant d'envoyer des négociateurs, prendre des mesures de
réciprocité contre
On a reproché tout à l'heure à quelques hommes d'avoir changé d'opinion,
mais ces reproches qui ont été faits par le gouvernement, ne seraient-ils pas
applicables à quelques membres du cabinet lui-même ?
Quel est celui qui, dans cette enceinte, a prêché le système de la liberté
la plus illimitée du commerce ? N'est-ce pas un honorable député d'Anvers qui
siège au banc ministériel ? Toutes les fois qu'il s'est agi de prendre des
mesures de représailles, de modifier un tarif quelconque, toujours cet
honorable membre s'est mis à cheval pour prouver qu'il fallait une grande
liberté de commerce pour faire prospérer
M. le ministre des
finances (M. Smits) -
Je n'ai jamais prononcé de pareils mots ; je n'ai jamais soutenu une aussi
absurde théorie.
M. Delehaye, - Plusieurs de nos honorables amis vous
l'ont reproché assez souvent, et il n'y a d'ailleurs qu'à consulter vos
discours.
Du reste, messieurs, puisque le gouvernement prétend ne pas avoir professé
les doctrines que je lui reproche, je. vais lui
fournir l'occasion de mettre en pratique les principes qu'il paraît professer
maintenant.
Aujourd'hui, le gouvernement est d'accord avec nous, il avoue qu'on peut
quelquefois prendre des mesures de réciprocité avec avantage. Eh bien, si vous
êtes amis de votre pays, si vous voulez être indépendant, prenez donc ces
mesures contre l'Angleterre.
Notre principal marché, et M. le ministre de l'intérieur vient d'en
convenir, notre principal marché est en France ; nous fournissons à
Faites donc une fois acte de courage, faites surtout ici acte de dévouement
pour le pays ; en prenant des mesures contre l'Angleterre, non seulement vous
assurerez à
M. le ministre
de l’intérieur (M. Nothomb) - La mesure que vous provoquez, nous
l'avons prise l'année dernière pour les fils.
M. Delehaye. - Cette mesure, vous la citez bien
souvent.
M. le ministre
de l’intérieur (M. Nothomb) - Et la convention !
M. Delehaye. - Quant à la convention, j'ai eu
l'honneur de dire hier ce que j'en pensais. Pour ne pas abuser des moments de
la chambre, je ne répéterai pas les observations que j'ai présentées hier,
Quant à la mesure que le gouvernement a prise l'année dernière pour les fils,
nous le félicitons de l'avoir adoptée, et il y attache sans doute une grande
importance, puisqu'il s'en prévaut chaque fois qu'on lui reproche de rester
inactif.
Eh bien, qu'il ne se borne pas à un acte, qu'il prenne des mesures contre
l'Angleterre, et il méritera bien du pays. L'Angleterre fournit à
Il me reste à répondre deux mots à une assertion avancée par M. le ministre
de l'intérieur. Ce haut fonctionnaire vient de dire que depuis l835 notre
commerce a pris un développement extraordinaire. Eh bien, pour apprécier la
valeur de cette assertion, consultons les statistiques des pays voisins ; nous
y verrons d'abord que les exportations françaises ont quadruplé depuis cette
époque, tandis que les nôtres ne se sont accrues que très légèrement ou même
sont restées stationnaires. Les exportations anglaises se sont accrues dans une
proportion encore plus considérable, tandis que le chiffre des nôtres est, je
le répète encore, resté le même ; et même le chiffre de l'une des années
postérieures à 1835 est resté au-dessous de celui de cette année. Ainsi il est
inexact de dire que le commerce belge a pris un développement extraordinaire.
Notre commerce est, au contraire, demeuré stationnaire, et si l'on veut
réellement qu'il prenne un développement, si l'on veut qu'il puisse se soutenir
pendant quelque temps, il faut avoir le courage d'adopter
les mesures que j'ai indiquées.
M. Manilius. - M. le ministre des finances a rendu ma
tâche facile. Il a reconnu que la rédaction de l'art. 1er était vicieuse
; mais il en a tiré une conséquence autre que celle que j'en tire. Si le tarif
belge est plus élevé que le tarif français, vous êtes obligés par le § 2 de
l'article, à le diminuer dès que
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) -
L'honorable membre n'a pas compris ce qui vient d'être développé par M. le
ministre de l'intérieur. Mon honorable collègue a établi que
M. Manilius. - Ce que vient de dire M. le ministre ne
s'applique qu'au § 2. Si l'on entend que la réduction dont il est parlé dans
l'art. 1er n'aura lieu qu'autant que nos droits seront moins élevés, je suis
d'accord ; mais nous ne devons pas vouloir qu'on puisse faire introduire une
diminution dans notre tarif, alors que
nos droits seraient moins élevés que les droits français. Je ne pense pas que
la chambre soit disposée à sanctionner une semblable disposition.
Il doit y avoir égalité de droits ; on ne doit pas vouloir admettre une
diminution en-dessous de cette égalité.
M. David. - M. le ministre de l'intérieur et M. le
ministre des affaires étrangères ont répondu tout à l'heure à plusieurs
orateurs, mais ils ont oublié de me donner des apaisements sur les
interpellations que j'ai eu l'honneur d'adresser au cabinet, relativement à la
possibilité qu'il y aurait, en continuant les négociations avec
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) -
Messieurs, je dois me référer aux paroles que j'ai prononcées dans la séance
d'hier. La convention sur les lins est un incident qui est venu se jeter à
travers notre négociation avec
M. David. - Je demande si l'article draperie est
compris dans la négociation.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - Le
ministère ne peut pas entrer ici dans le détail des
articles qui pourront être compris dans la négociation.
M. Dumortier. - Messieurs, je ne suis pas de ceux qui
considèrent comme un acte honteux le projet de loi qui nous est présenté ; je
ne suis pas non plus de ceux qui le considèrent comme un bienfait ; dans mon
opinion, cet acte est pour
Le point de vue sous lequel surtout j'envisage cet acte comme un malheur,
c'est que par le traité qui vous est soumis, vous vous mettez dans
l'impossibilité, pendant toute sa durée, d'entamer des négociations, soit avec
l'Allemagne, soit avec les Pays-Bas, soit en un mot avec toute autre nation.
Messieurs, j'ai toujours été d'opinion que dans nos rapports avec
J'ai toujours pensé qu'un des moyens les plus forts pour obtenir de
Je sais qu'il n'est pas de nation, pas de puissance que nous devions
ménager plus que
C'est, partant de ces principes, depuis l’existence de la nationalité
belge, depuis que je siège dans cette enceinte, que je me suis toujours opposé
à la levée des mesures prohibitives, prises en 1822, par le roi Guillaume.
C'était là un grand moyen pour traiter avec
Aussi longtemps que nous l'avions entre les mains, nous pouvions toujours
opposer ce grand argument ; si vous voulez obtenir la concession que vous
demandez, la suppression des mesures prises en 1822, faites-nous par
réciprocité des concessions équivalentes. Voilà ce que nous avons toujours
demandé pendant six années.
Par une véritable calamité, le gouvernement, sans échange, sans
réciprocité, a consenti à lever ces barrières et il s'est élevé dans cette
chambre à cette occasion, une longue discussion qui a été terminée par le vote
du 2 mai 1837. Dans cette discussion nous n'avons cessé de repérer :
gardez-vous de vous priver des moyens que vous avez entre les mains ; conservez
ces armes, elles sont de la plus haute importance, si vous vous désarmez, que
vous restera-t-il pour appuyer vos réclamations quand vous voudrez traiter ?
Vous n'aurez plus que des sacrifices à faire pour votre industrie et pour le
pays. Vous allez vous dessaisir, d'armes qui gênent
Voilà ce que nous n'avons cessé de répéter ; malheureusement, notre voix
n'a pas été entendue : Le 2 mai 1838 la chambre, pressée par le ministère et
seulement à la majorité de deux voix, a levé ces barrières qui n'avaient été
élevées que par suite d'une juste réciprocité. Ce vote fut un malheur pour le
pays et nous en subissons les conséquences naturelles. Si nous eussions
conservé ces armes, aujourd'hui, nous eussions eu quelque chose à offrir en
compensation de ce que nous donne
Nous avons donc consenti à déposer les armes que nous avions entre les
mains. Nous voici arrivés aux conséquences de cette imprévoyance. On intervient
dans l'intérieur de notre ménage, on nous dit : votre impôt de consommation ne
sera que de tant, vous abaisserez vos droits de ville à tant, vous ruinerez
votre trésor, vous ruinerez vos villes, ou bien vous passerez par nos mains !
Messieurs, il est vraiment déplorable que les choses aient été conduites
ainsi, il est vraiment déplorable que pendant un aussi grand nombre d’années on
ait voulu gouverner
Je ne veux faire de reproche à personne. Je prie mes honorables collègues
d'être convaincus que je ne veux rien leur dire de déplaisant. Mais comment les
choses se sont-elles passées ? Nous sommes avant tout les hommes du pays, nous
devons vouloir avant tout les intérêts du pays, mais on s'est laissé entraîner,
par quelques réclamations un peu vives, à faire des pétitions, des adresses
dont on n'a pas assez calculé la portée.
Messieurs, il est un fait que je dois encore déplorer dans cette
circonstance, c'est que dans tout le cours des négociations qui viennent de se
suivre dans la capitale de
Messieurs, au point de vue sous lequel le traité me paraît éminemment
fâcheux, c'est l'intervention du gouvernement français dans nos affaires de
ménage. Les traités de commerce qui se font de nation à nation se font toujours
au moyen de concessions réciproques relatives au tarif de douane. C'est la
tarification d'un pays qui est mise en regard de la tarification d'un autre
pays. Ici, c'est le droit d'accise, le revenu du trésor que nous allons
sacrifier. Je vous le demande, que dirait le gouvernement français si,
aujourd'hui qu'il est en position de faire des traités avec l'Angleterre,
l'Espagne et l'Allemagne, on venait lui dire : Nous consentons à vous accorder
une réduction de tarif, mais à condition que vous réduirez vos droits réunis
sur tels et tels articles. Je ne pense pas qu'il se trouverait beaucoup de
députés en France pour accepter de pareilles propositions. Cependant, vous en
conviendrez, c'est ce que le gouvernement français n'a pas craint de réclamer
de nous. Et cela pourquoi ? Encore une fois parce que nous nous trouvons
désarmes, parce que nous avons levé les barrières qu'avait établies le roi
Guillaume, parce que nous avons brisé les armes avec lesquelles nous aurions pu
repousser les exigences du gouvernement français.
D’un autre côté, messieurs, une perle réelle va résulter pour notre trésor
de la convention. Notre honorable collègue, M. Zoude, dans son rapport, vous a
montré que le préjudice s'élèverait à plus d'un million, somme considérable
pour un pays comme le nôtre. Remarquez, messieurs, une chose : bientôt nous
allons nous trouver dans une position très fâcheuse, nous allons devoir faire
face d'abord à ce million par d'autres impôts, nous devrons ensuite couvrir
l'emprunt pour l'achèvement du chemin de fer. Nous devrons ensuite couvrir la
dépense résultant de la loi que vous avez votée pour les indemnités, puis la
dépense du canal de Zelzaete ; nous aurons ensuite la convention avec la ville
de Bruxelles, si elle est adoptée, l'indemnité à l'ordre judiciaire, les
crédits supplémentaires pour les travaux publics, etc.
Je ne crois pas exagérer en disant que l'an prochain nous devrons pourvoir
à quatre millions de dépenses extraordinaires. Une pareille augmentation
d'impôt, n'est-ce pas une chose réellement fâcheuse ? N'est-ce pas une calamité
de devoir perdre encore un million sur les vins ? Remarquez, messieurs, que de
tous les impôts qui figurent à notre budget, il n'en est aucun aussi facile à
percevoir, il n'en est aucun aussi bien établi que celui sur le vin. D'abord,
ce n'est pas la boisson de notre pays, c'est une boisson de luxe. Le vin ne
peut pas se dépoter pour être transporté par petite partie, de sorte que
l'impôt qui le frappe ne prête pas à la fraude. Et cet impôt qui pèse sur la
classe riche, qu'on ne peut pas frauder, est celui qu'on va réduire. Cette
considération me touche d'autant plus que nous sommes au moment de devoir
recourir à des impositions nouvelles sur le peuple, et cela pour faire face au
déficit inévitable de notre trésor public.
Le gouvernement a-t-il, dans cette négociation, fait tout ce qu'il était
possible de faire ? Messieurs, c'est une question extrêmement délicate, et je
ne suis pas à même de répondre sur ce point. Mais dans une des séances
précédentes, j'avais l'honneur de vous dire que si
Je sais que M. le ministre a dit avec raison que le gouvernement ne pouvait
prohiber par ordonnance. Mais je pense que si la chambre avait été convoquée,
et que si une pareille mesure avait été présentée, elle eût été votée à
l'instant.
Maintenant il est une observation qu'il ne faut pas perdre de vue ; et
cette observation, je la tire des journaux français eux-mêmes ; c'est que la
petite Belgique, composée de quatre millions d'habitants, consomme six fois
plus de vin que les 27 millions d'habitants de
Un membre. - De vin français. (Hilarité.)
M. Dumortier. - Messieurs, nous discutons ici nos intérêts en
rapport avec les intérêts français. Ainsi je pense que la phrase que j'ai
prononcée n'est sujette à aucune équivoque. Il ne s'agit d'ailleurs ici que des
vins de France.
Eh bien ! j'ai lu dans un journal de France, que les quatre millions de
Belges consomment six fois plus de vin français que les 27 millions d'Anglais
et autant que les Etats-Unis. Je vous demande, messieurs, quelle portée une
pareille révélation pouvait avoir dans les négociations.
Et remarquez bien une chose, c'est que notre consommation en vins français
ne s'applique pas exclusivement, comme celle de l'Angleterre, à un seul des
points vinicoles de
M. le ministre
de l’intérieur (M. Nothomb) - Ce grand journal a commis une
grande erreur.
M. Dumortier. - Je ne prétends pas être plus malin que lui ;
je crois que les journaux français sont bien plus à même que nous de savoir
quel est l'intérêt français.
Je dis donc, messieurs, qu'un pareil fait pouvait être d'une immense portée
dans les négociations. Comment, notre petit pays consomme six fois, je suppose
seulement quatre fois autant de vin français que
J'aime à croire que le gouvernement a fait tout ce qu'il pouvait faire.
Mais il n'en est pas moins vrai que nous avions entre les mains un moyen
immense dont nous pouvions nous servir pour obtenir sinon l'absence de toute
mesure coercitive contre nous, du moins à mon avis des conditions plus
favorables.
Une autre considération encore messieurs, ce qui m'a le plus frappé dans le
traité, c'est l'obligation où est
Un membre. -
Cette mesure est dans notre intérêt.
M. Dumortier. - Elle est dans notre intérêt, mais non dans
l’intérêt de nos relations diplomatiques.
Messieurs, vous le voyez donc, les conditions que nous fait le traité, sont
certainement bien dures, et cependant je n'oserai voter contre ce traité, je
n'oserai voter contre la loi qui nous est présentée ; car l'industrie linière
est l'industrie première de notre pays ; c'est celle qui fournit du travail au
plus grand nombre d’ouvriers sur notre sol ; c'est celle, par conséquent, que
nous devons appuyer et protéger avant tout.
Je le répète donc, je ne voterai pas contre le traité, je m'abstiendrai par
les motifs que je viens d'énumérer. Car encore une fois, ce traité est bien dur
pour l'avenir du pays.
Messieurs, puisque j'ai la parole, je ne puis m'empêcher de faire quelques
observations au sujet de ce qu'a dit hier mon honorable collègue, M. Verhaegen.
Dans la séance d'hier notre honorable collègue a rappelé ce qu’il avait
fait en 1838 contre le système qui voulait l'admission de tous les produits
français en Belgique, et à cet égard je le félicite sincèrement de nous avoir
appuyés dans ces circonstances, Mais, messieurs, comme il faut en définitive
que chacun de nous ait un peu sa part du bien qui a pu être fait à cette
époque, je ne puis applaudir à mon honorable collègue lorsqu'il s'est
représenté comme la personnification de l'opposition aux mesures qu'on nous
présentait à cette époque.
Les mesures qu'on nous présentait, nous les avions vivement combattues
pendant toute la session qui avait précédé l'entrée de notre honorable collègue
dans le parlement ; nous les avions combattues de la manière la plus active, et
ainsi que je viens de le dire, le vote du 2 mai n'avait été emporté qu'à la
majorité de 2 voix.
Mais, messieurs, ce qui est surtout saillant, c'est qu'à cette époque les
députés qui voulaient la liberté illimitée du commerce, qui voulaient
l'abaissement des tarifs, n'étaient pas de notre côté, n'étaient pas dans les
rangs de ceux que l'on qualifie si souvent de rétrogrades. Les députés qui
voulaient la protection pour l'industrie étaient presque tous dans les rangs de
ce qu'on veut bien appeler le parti rétrograde, le parti catholique. Dans cette
grande lutte qui dura deux sessions et dans laquelle les intérêts industriels
furent si avant en jeu, qui donc vint prendre la défense de l'industrie, des
mesures protectrices ? C'étaient, messieurs, tous mes honorables amis ;
c'étaient l'honorable M. Dubus, l'honorable M. de Mérode, l'honorable M. de
Foere, l'honorable M. Demonceau, l'honorable M, Desmet, l'honorable M, Raikem,
l'honorable M. Doignon, l'honorable M. Rodenbach, l'honorable M. Manilius,
l’honorable M. Zoude, l'honorable M. Hye-Hoys, l'honorable M. Hoobrouck.
L'honorable M. Verhaegen est venu se joindre à nous et nous devons l'en
remercier.
Qui, au contraire, voulaient la suppression des droits ? C'étaient tous les
amis actuels de l'honorable M. Verhaegen. On voulait alors abaisser les
barrières qui nous séparaient de
Un membres. - Et M. de Theux ?
M. Dumortier. - C'est vrai, pour lui je vous l'abandonne. (On rit.)
Un membre. - Et M. Raikem ?
M. Dumortier. - L'honorable M. Raikem a voté avec nous pour
empêcher que les droits ne fussent abaissés, et je suis heureux de le
proclamer.
Voilà comment les choses se passaient à cette époque. C'étaient les hommes
qu'on appelle rétrogrades qui étaient les défenseurs de l'industrie et qui le
seront encore lorsque l'occasion s'en présentera, tandis que les hommes qui se
disent progressifs voulaient la liberté commerciale. Il faut que chacun porte
son paquet, et j'aime que le pays se rappelle quels ont été les défenseurs de
l'industrie à cette époque.
C'est nous qui les premiers avons présenté la question des droits
différentiels ; c'est nous qui avons les premiers soutenu qu'il ne fallait pas
lever les barrières qui frappaient
Eh bien ! je le répète, chacun doit porter son paquet. L'honorable M.
Verhaegen ne doit pas se présenter, comme le créateur de la défense .des
intérêts commerciaux ; il est vrai qu'il a prononcé à cette époque un discours
remarquable que nous avions lu auparavant (on
rit) et ce discours m'a fait beaucoup de plaisir. Mais à chacun de nous sa
part ; à nous la défense des intérêts industriels, à M. Briavoine,
l'admirable mémoire sur les draps, à l'honorable M. Verhaegen, le mérite de
l'avoir lu.
M. Verhaegen. - Je demande la parole.
M.
Rodenbach.
-Messieurs, l'honorable préopinant a parlé des députations qui sont venues à
Bruxelles en faveur de l'industrie linière. Je dois lui déclarer que les
députations qui se sont réunies à l'hôtel de l'Univers et qui ont fait des
démarches auprès du Roi et du ministère ont commencé comme lui par demander que
le gouvernement prît des mesures de représailles, qu'il voulût bien augmenter
et même doubler les droits sur les vins, imposer les soieries de Lyon, ainsi
que les quincailleries, les articles de Paris. Ainsi on ne doit pas accuser ces
députations d'avoir commis une espèce d'indiscrétion, d'avoir en quelque sorte
nuit à la convention. Ainsi ils étaient complètement d'accord avec l'honorable
préopinant. C'est donc à tort qu'on accuse les députés des Flandres d’avoir nui
aux négociations.
On a pensé à des représailles. Mais lorsque le roi Guillaume a empêché
l'entrée des vins de France par la voie de terre,
Du reste, la convention n'est pas aussi désavantageuse à
On a parlé de l'augmentation
qu'éprouverait notre tarif, quant à l'Angleterre. Mais c’est dans notre
intérêt. L'Angleterre nous importait pour un million de toiles ; elle ne les
importera plus.
On demande la clôture. Je n'en dirai pas davantage. Je crois en avoir dit
assez. Mais je tenais à justifier les députés des Flandres
des accusations qui avaient été portées contre eux.
M. le ministre
de l’intérieur (M. Nothomb) - Je me crois forcé
de dire un mot sur cet incident. Mes collègues et moi nous avons la plus vive
sympathie pour la population ouvrière des Flandres et de tout le pays. Cependant
nous devons à la vérité de déclarer que les démarches faites auprès du
gouvernement nous ont semblé irréfléchies et qu'avec un semblable système de
contrainte vis-à-vis du gouvernement, il n'y a pas de négociation possible. (Marques nombreuses d'approbation.)
Je suis forcé de le dire, parce que je ne veux pas qu'un précédent soit
posé. Je ne veux pas que le ministère dont je fais partie soit supposé avoir
adhéré à un précédent de ce genre. (Mouvement
d’assentiment.)
M. Rodenbach. - Le langage d'un ministre n'est pas celui d’un
député.
M. Angillis. - J'avais demandé la parole pour
répondre à l’honorable M. Dumortier. Après la réponse qui lui a déjà été faite
par l’honorable M. Rodenbach, la mienne sera courte.
L’honorable M. Dumortier a dit qu'on a commis une grande imprudence en
envoyant des députations au gouvernement. Tous ceux qui ne se sont pas trouvés
au milieu de ces circonstances partageront son opinion. Mais ceux qui ont vu ce
qui se passait en France seront d’une autre opinion. L'inquiétude était telle
que sans la promesse que nous avons faite au peuple que le gouvernement
prendrait des mesures pour alléger la misère, la tranquillité publique eût été
compromise. C’est alors que plusieurs honorables citoyens se sont rendus auprès
du gouvernement, en députation. Je dois déclarer que je n’en faisais pas
partie. Les circonstances d’alors justifient complètement la conduite qu’ils
ont tenue. Le gouvernement, que l’on blâme tant, a fait ce qu’il devait faire.
On parle de représailles. Cc n'est pas le moment d'en parler. C’était le
moment de songer à des représailles lorsque le gouvernement français faisait
adopter la loi de 1841, interprétant celle de 1836 de manière à nous placer
dans une position plus désavantageuse qu'avant 1835.
Si des fautes ont été commises, ce n'est pas seulement sur le cabinet qu’en
retombe la responsabilité, c'est aussi sur la chambre, elle en est la complice,
il lui appartenait d'indiquer au gouvernement les mesures qu’il devait prendre.
Je finirai par une seule considération. Une seule question domine toute la
discussion, c'est une question d'urgence, de nécessité. On ne doit pas
rechercher les causes de la situation fâcheuse où nous nous trouvons. Il suffit
qu'elle existe, nous devons prendre des mesures pour en sortir, peu importe que
des fautes aient été commises par l'ancien cabinet, par le cabinet actuel ou
par la chambre. Tout ce qui est passe appartient au passé, tâchons de remédier
à notre état fâcheux pour le présent et même pour l’avenir. Il ne s'agit pas de
favoriser une industrie nouvelle ; il s’agit d'empêcher de mourir presque
subitement une ancienne industrie qui existe depuis quatre siècles. Voilà toute
la question ; il n’y en a pas d'autre a l'ordre du jour. Je prie donc la
chambre de hâter cette discussion pour qu'on puisse voter sur le projet de loi.
Je ne demande pas qu'on donne un vote approbatif, on
peut donner un vote négatif, mais je demande qu'on décide la question.
M. Verhaegen.
- Je ne sais pourquoi M. Dumortier a jugé à propos de m’attaquer, alors que
je ne m'étais pas occupé de lui, alors surtout qu'il s'agissait de questions
sur lesquelles naguère nous étions d’accord. Je répondrai à M. Dumortier que je
laisse à chacun le mérite de ses œuvres et que je l'ai prouvé en maintes
circonstances.
Lorsque dans discours auquel M. Dumortier fait allusion, je me suis servi
du mémoire adressé a la chambre par MM. les fabricants de Verviers, je l'ai
déclaré en termes explicites ; voici, en effet de quelle manière je me suis
exprimé : « Un mémoire a été adressé à la chambre par les fabricants de
Verviers ; il m'a paru rempli de force et de raison. Pour ne pas abuser de vos
moments, j’ai jugé à propos d'en résumer les principaux arguments. » Eh
bien, ce résumé, je l’ai fait. Les passages sont guillemetés. Vous n’avez qu’à
recourir au Moniteur et vous aurez la conviction que l’attaque de M.
Dumortier est pour ne rien dire de plus injuste, déplacée et antiparlementaire.
Je ne me permettrai pas, comme M. Dumortier, de parler avec dédain de J.-B.
Say. Quoique je ne partage pas à tous égards ses opinions, je laisse à cet
auteur le mérite que tout le monde lui reconnaît, et je crois pouvoir donner à
M. Dumortier l’assurance qu’on parlera encore de J.-B. Say alors qu’on ne
parlera plus de lui, quoique
Jean-Baptiste Say n'ait pas jusqu'ici de statues, pas même de statuettes. (On rit).
M. Dumortier a dit que je me considérais comme la personnification du
système que je désire faire prévaloir aujourd'hui. Les paroles qu'il a
prononcées dans cette enceinte me paraissent aller à une adresse tout autre que
celle de la chambre. Mais je dirai à M. Dumortier que, dans les questions qui
intéressent le pays, il n'y a pour moi, ni opinion catholique, ni opinion
libérale. J'ai soutenu, en 1838, ce que soutenait M. Dumortier ; je l'ai
soutenu de bonne foi, de conviction. Je ne pense pas que les divisions de parti
doivent se retrouver jusque dans la discussion des intérêts généraux.
M. Dumortier a fait une nomenclature de ses amis politiques qui ont
développé naguères mes théories. Je pourrais à mon tour lui faire une
nomenclature des miens. Il m'a abandonné M. de Theux. Il pourrait m'en abandonner
bien d'autres. Parmi ses amis d'aujourd'hui (je ne nomme personne ; parce que
je ne veux pas attaquer d'honorables membres, qui ne m'ont pas attaqué) je
pourrais en citer un grand nombre qui ont émis une opinion contraire à la
sienne. Quant à M. Dumortier, quant aux beaux principes qu'il veut s'attribuer,
ce qu'il y a de plus clair pour moi c'est qu'il s'agissait entre autres en 1838
de bonnets de coton, et que ce sont les bonnets de coton que l'honorable membre
voulait protéger. Voilà toute son affaire (on
rit) ; que cela aille à son adresse, je le veux bien, mais qu'il ne se
donne pas une couleur qu'il n'a pas.
Après cela, je n'ai plus rien à dire à M. Dumortier. Je ne l'avais pas
attaqué, et cependant il a jugé à propos de me mettre en jeu personnellement,
je ne sais pourquoi. La chambre comprendra que ma réponse était nécessaire ;
elle jugera sans doute qu'elle n'a pas excédé les bornes des convenances.
Après avoir répondu à M. Dumortier, je voudrais bien, puisque j'ai la
parole, dire quelques mots aux ministres.
Hier, j'ai prié les membres du cabinet de répondre à quelques
interpellations, c'est de la réponse qui me sera donnée que je ferai dépendre
mon vote.
D'après le traité, nous aurons nécessairement un déficit annuel dans le
budget. M. le comte de Mérode (et je partage son opinion sur ce point) a
demandé que le ministre nous dise au préalable de quelle manière ce déficit
sera comblé.
Les droits sur les vins et sur les soieries sont des droits qui frappent le
luxe. Remplacerez-vous le déficit qui résultera de la diminution par un droit
imposé au luxe, ou le remplacerez-vous par un autre droit ? Des explications à
cet égard sont indispensables ; je somme donc M. le ministre des finances de
nous dire par quel impôt il compte remplacer les ressources que le traité fera
perdre au trésor.
D'un autre côté, j'ai fait des observations concernant le commerce des vins
; j'ai demandé à messieurs les ministres de l'intérieur et des finances de
quelle manière on donnera satisfaction aux négociants en vins. Il est certain
que la concurrence deviendra impossible, si l'on ne tient pas compte aux
négociants en vins, de la diminution des droits sur les vins qu'ils ont en
magasin, et qui tout au moins sont couverts par des crédits à terme. Donner des
explications lorsque la loi sera votée, c'est une chimère ; il est possible
que, lorsque la loi sera votée, la chambre se sépare sans faire droit aux
réclamations des marchands de vins, et alors vous n'auriez porté secours à une
industrie mourante qu'en tuant une autre industrie ; c'est à quoi je ne puis
consentir. Il faut que le ministère s'explique.
Il est un troisième point sur lequel je demande aussi des explications
catégoriques. Les droits sur les vins en bouteilles subissent une réduction
énorme, car il n'y a pas même de comparaison entre les droits sur les vins en
cercles et les droits sur les vins en bouteilles. Les vins en cercles ne paient
que 2 fr. par hectolitre ; ce droit est réduit à 50 centimes ; les vins en
bouteilles paient 12 francs, et ce droit est réduit à 2 francs. Mais les
bouteilles vides sont frappées d'un droit de 6 francs, et à moins que le
ministère ne vienne dire (et s'il le dit j'en prends acte), à moins que le
ministère ne vienne dire que les 6 francs se paieront indépendamment des 2
francs, il résulterait du traité une chose fort singulière, c'est que quand on
introduirait 100 bouteilles de vin Lafitte, par exemple, on paierait 2 francs,
tandis que quand on introduirait 100 bouteilles vides on paierait 6 francs. Je
demande à cet égard une explication catégorique ; le droit
de 6 francs sur le verre est-il compris dans les 12 francs que paie maintenant
le vin en bouteilles ?
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - La
réponse est toute simple. Elle se trouve dans le sens naturel des expressions
du paragraphe lui-même. Que dit-il, en effet ? Que le droit sera réduit à deux
francs par hectolitre pour les vins en bouteilles. Il est évident dès lors que
la réduction ne peut porter que sur l'hectolitre du liquide contenu, et non pas
sur l'hectolitre de bouteilles contenant. Ce serait un non-sens. Il me semble
non moins évident, d'après ces mots : « pour les vins en
bouteilles », que ce sont les vins qui sont en bouteilles qui doivent
supporter la réduction du droit, et non pas les bouteilles qui contiennent les
vins.
L'énoncé de cette disposition me paraît assez clair pour supposer qu'il ne
pourra pas être compris différemment ailleurs.
M. le ministre des
finances (M. Smits) - Je voulais donner les mêmes explications
que vient de donner M. le ministre des affaires étrangères ; je crois
que les choses se sont toujours pratiquées comme il vient de le dire.
M. Verhaegen.
- Eh bien, messieurs, les ministres verront plus tard qu'ils sont dans
l'erreur. Vous dites que les 6 fr. que payent les bouteilles ne sont pas
compris dans les 12 francs imposés aux vins en bouteilles ; par conséquent aux
termes du traité les 100 bouteilles de vin payeront 2 fr. indépendamment des 6
fr. que doivent payer les bouteilles, c'est-à-dire, ensemble 8 fr.
M. le ministre des affaires étrangères (M.
de Briey) - Oui.
M. Verhaegen. - Eh bien, j'en prends acte, et mon opposition
cesse.
M. le ministre
de l’intérieur (M. Nothomb) - Je désire faire une observation à l'appui
des explications qui viennent d'être données. Cette observation m'est suggérée
par la lecture du traité conclu entre
Nous trouvons un argument à l'appui de nos explications précisément dans la
différence de rédaction entre le traité conclu avec les Pays-Bas et la
convention du 16 juillet dernier. Je désire même qu'on n'affaiblisse pas
cet argument, car je lui trouve une très grande valeur.
M. Verhaegen.
- Loin de moi de vouloir diminuer la force de l'argument que vient de présenter
M. le ministre de l'intérieur pour prouver que la convention doit être entendue
comme il l'entend, c’est-à-dire que les vins français payeront, à l’entrée en
Belgique, 2 fr. par cent bouteilles pour le vin, et 6 fr. pour le verre.
M. le ministre
des finances (M. Smits) - On fera ce qu’on a toujours
fait.
M. Verhaegen.
– Si vous dites que l’on fera ce qu’on a toujours fait, alors vous ferez
peut-être tout autre chose que ce que vous prétendez vouloir faire, car
l’honorable M . Osy pourra vous donner à cet égard des renseignements
qu'il a puisés au bureau d'Anvers, et dont il résulte que vous êtes complètement
dans l'erreur. Quoi qu'il en soit, je prends acte de votre déclaration, mais
sans être initié à vos négociations diplomatiques, je sais de
très bonne part qu'on entend les choses tout autrement que vous ne les
entendez.
M. Osy. - Les renseignements que j'ai
communiqués à l'honorable M. Verhaegen, sur sa demande, ont été puisés à la
recette d'Anvers, qui est, je pense la plus importante du pays. Eh bien, il
résulte de ces renseignements, que le vin en bouteilles payera seulement deux
francs par cent bouteilles, tandis que cent bouteilles vides payent 6 francs ;
ce matin j'ai reçu les membres d'une députation des marchands de vins de
Bruges, auxquels j'ai demandé si à Bruges les choses se passaient de la même
manière qu'à Anvers, ils m'ont répondu qu'à Bruges le vin en bouteilles n'a
jamais payé que 12 francs y compris le verre.
M. le ministre
des finances (M. Smits) - C'est une erreur, je crois.
M. Osy. - Cependant les négociants qui payent
tous les jours le droit doivent bien le savoir, je dis que si le gouvernement
vient faire payer 8 fr., au lieu de 2 fr., il s'élèvera immédiatement des
réclamations de la part des négociants en vins et de la part
du gouvernement français.
M. le ministre des
finances (M. Smits) -
Messieurs, j'ai demandé encore ce matin même des renseignements sur l'objet qui
nous occupe, et l'on m'a assuré de la. manière la plus positive, que les
bouteilles contenant des vins, paient un droit à part et distinct de l'impôt
sur ce liquide. Ces renseignements, je n'en doute pas, sont fondés sur les
instructions anciennes et l'opinion du receveur d'Anvers ne saurait prévaloir
contre elle.
M. Verhaegen.
- Ainsi, c'est une affaire convenue ; le ministère est d'accord avec moi que
les vins en bouteilles payeront 2 francs pour le vin et 6 francs pour le verre.
J'en prends acte. Il reste maintenant à répondre aux deux autres questions que
j'ai faites.
M. le ministre des
finances (M. Smits) -
Le gouvernement s'occupe des moyens de faire face au déficit qui doit résulter
pour le trésor de la convention qui nous occupe ; un projet de loi vous a été
annoncé à cet égard ; ce projet sera incessamment présenté à la chambre.
Quant aux réclamations des marchands de vin, je me conformerai à la
décision qui a été prise : La chambre a voulu que lei pétitions me fussent
renvoyées, je m'en suis déjà occupé, et j'ai demandé les renseignements que la section
centrale a désiré obtenir ; dès que ces renseignements
me seront parvenus, je me hâterai de les communiquer et la section centrale
pourra s'occuper du rapport qu'elle a à présenter.
M. Dumortier. - Je dois un mot de réponse à ce qui a été dit
par l'honorable M. Verhaegen. Cet honorable membre s'est fortement trompé
lorsqu'il a prétendu que je l'avais attaqué ; je me suis seulement plaint de ce
qu'il avait personnifié en lui seul toute l'opposition qui a été faite au système
de la liberté illimitée du commerce ; il était de mon devoir de rappeler que
mes honorables amis et moi, nous avons combattu ce système non seulement avec
lui, mais même bien avant lui.
Maintenant je ferai remarquer à l'assemblée que l'honorable membre se
trompe encore bien singulièrement lorsqu'il vient représenter l'opposition que
j'ai faite à la loi de 1838 comme se bornant à ce qui concernait les bonnets de
coton ; je sais bien que l'industrie des bonnets de coton qui occupe 30,000
ouvriers, est quelque chose de sérieux, mais ceux qui ont assisté aux
discussions de 1836 et de 1837 savent bien que je ne me suis pas occupé
seulement des bonnets de coton, que j'ai défendu toutes les industries du pays
; on sait d'ailleurs que les bonnets de coton français n'ont jamais été
prohibés à l’entrée en Belgique.
Quant à ce qui a été dit de la manière cavalière dont j'aurais traité M.
Say, chacun peut avoir son opinion sur les principes de cet économiste et je
crois que l’honorable M. Verhaegen est assez d'accord avec moi pour envisager
ces principes comme des théories et rien de plus. Pour ce qu'a dit l'honorable
membre que mon nom ne passera pas a la postérité, cela devrait toucher fort peu
l'honorable membre. Mais je crois que sous ce rapport l'honorable M. Verhaegen
peut me donner la main. (Hilarité.)
- La clôture est demandée et prononcée.
Discussion des articles
La chambre passe à la discussion des articles.
Article premier
« Art. 1er. La convention de
commerce entre
- Adopté.
Article 2
« Art. 2. Le Roi, dans l'intérêt du pays, pourra étendre à d'autres
Etats les réductions stipulées par l'art. 2 de la dite convention.»
- Adopté.
M. le président. - Vient maintenant l'amendement qui a
été présenté par M. Manilius et qui formerait un article 3.
M. Manilius. - Si le ministre hésitait un instant à
appuyer mon amendement, je le retirerais.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - Cet amendement doit
être examiné, il est impossible d'en apprécier les conséquences à une première
lecture.
M.
Mercier. - Je ne
pense pas que l'amendement de l'honorable député de Gand puisse être adopté.
D'après une semblable disposition, le gouvernement pourrait à son gré changer
toute la loi générale des douanes. D'ailleurs, la chambre est saisie d'un
projet de loi pour la répression de la fraude ; le rapport de la section
centrale ne tardera pas à être présenté, nous aurons donc bientôt à nous
occuper d'un projet au moyen duquel nous atteindrons le but
que se propose l'honorable auteur de l'amendement.
M. le ministre des
finances (M. Smits) -
J'engage l'honorable M. Manilius à retirer son amendement qu'il aura
probablement l'occasion de reproduire dans quelques jours. En effet, le gouvernement
sera amené à présenter un autre projet de loi, afin de faire cesser les
réductions sur le sel, réductions qui ont été décrétées par une loi, et qui ne
peuvent cesser que par l'effet d'une autre.
M. Manilius.
- Je retire mon amendement.
Amendement relatif aux
vins
M. le président. - Voici une autre proposition qui vient d'être
déposée par MM. David, Delehaye, Verhaegen aîné, Maertens, Orts, Fleussu, Lange
et de Villegas :
« Il sera fait un recensement de tous les vins déclarés en
consommation au moment de la promulgation de la loi, et qui sont couverts par
un crédit à terme.
« Il sera tenu compte aux négociants de la diminution des droits de douane
et d'accises résultant du traité jusqu'à concurrence des vins recensés.
« Le négociant convaincu de fraude sera privé de la faveur ci-dessus,
et en outre condamné à une amende de mille à dix mille francs. »
L'amendement a été développé hier.
M. Dumortier. - Je crois qu'il serait sage de renvoyer cet
amendement à l'examen de la section centrale. J'en fais
la proposition.
M. Verhaegen.
- J'ai développé hier cet amendement. Le but que mes honorables collègues et
moi avons eu en le proposant, c'est que l'industrie à laquelle on demande un
sacrifice au profit d'une autre industrie, obtienne satisfaction et
immédiatement. On demande le renvoi de l'amendement à la section centrale ; je
ne m'y opposé pas, pour autant qu'on suspende le vote de la loi. Si vous votiez
la loi maintenant, et qu'après on ne statuât pas sur notre proposition,
l'industrie des marchands de vins serait frappée au
profit de celle que vous relevez. Ce serait une injustice flagrante.
M.
Rodenbach. - Je
m'oppose au renvoi de l'amendement à la section centrale. Il y a décision
prise. La chambre a adopté le renvoi à M. le ministre des finances de la
réclamation des marchands de vins avec demande d'explications.
Il y a un autre motif pour ne pas statuer actuellement sur l'amendement ;
l'amendement tend à consacrer l'injustice que voici :
L'amendement demande le remboursement de tous les vins qui ont un crédit à
terme ; eh bien, ce serait là une faveur qu'on accorderait à ceux qui ont des
crédits à terme, quoique ces vins soient en consommation comme ceux qui ont
payé les droits.
D'un autre côté, M. le ministre des finances nous a dit qu'il nous fera
prochainement son rapport ; nous saurons alors ce que
nous devrons voter ; mais maintenant il nous serait impossible de prendre une
décision.
M. Delehaye. - Messieurs, j'avais pensé qu'en
présence des motifs d'équité et de justice qui plaident pour les marchands de
vins, la chambre ne reculerait pas devant le vote de notre proposition ; mais
cependant il n'entre pas dans mes intentions de demander la suspension du vote
de la loi jusqu'à ce qu'on ait statué sur la proposition. Si les honorables
membres qui ont signé la proposition avec moi y attachaient cette condition, je
serais forcé de retirer ma signature. Je pense qu'une déclaration de M. le
ministre des finances donnerait tout apaisement à mes collègues ; il suffirait
que le ministre déclarât que la loi serait promulguée qu'après qu'il aurait été
statué sur la proposition.
Si l'on n'attendait pas jusque-là pour convertir en loi la convention avec
M. le ministre des
finances (M. Smits) -
Messieurs il y a deux espèces de catégories de vins qui pourraient mériter
l'exemption ou la diminution des droits qui sont fixés par le traité. Il y a
les vins déclarés en consommation qui sont en crédit à terme et dont les droits
ne sont pas payés, et il y a les vins positivement déclarés pour la
consommation et qui ont payé les droits. La section centrale a désiré connaître
quelles étaient les quantités de vins déclarées en consommation sous ces deux
dénominations et j'ai dû demander en conséquence des renseignements à cet
égard, notamment en ce qui concerne les vins en consommation, qui, depuis
longtemps, sont soustraits au contrôle de l'administration. Ces renseignements
ne nous sont pas encore arrivés ; dès que je les aurai
reçus, ils feront l'objet de mon examen et immédiatement après j'adresserai mon
rapport à la chambre.
M. Coghen.
– Messieurs, l'équité veut qu'on fasse pour les marchands de vin une
disposition qui les mette au moins dans la possibilité de lutter avec
l'étranger. Je conçois que M. le ministre des finances ne soit pas encore à
même de nous fournir les renseignements qui lui ont été demandés, mais je le
prierai de joindre un projet au rapport qu'il nous fera, car l'administration
est plus en état d'apprécier les moyens d'accomplir un acte de justice que ne le sont les membres de la chambre.
M. Verhaegen.
- On a hâte, je le vois bien, de voter le traité, sans que justice soit faite
aux marchands de vin. Qu'arrivera-t-il de l'ajournement de notre proposition ?
Ce qui arrivera, et il me suffit de signaler ces conséquences, pour l'acquit de
mon devoir ; ce qui arrivera, c'est que les marchands français pourront livrer
les vins à 24 francs de moins par barrique que ne pourraient le faire les
négociants belges. Est-ce que la concurrence est possible ?
M.
Rodenbach. - La réduction n’est que de 22 fr.
M. Verhaegen.
- Ne discutons pas sur une si petite différence. D'après vous c'est 22, d'après
moi c'est 24. Voilà ce qui arrivera, si la loi passe immédiatement, qu'elle
soit adoptée au sénat et soit promulguée tout de suite ; en attendant la mesure
que réclame la justice en faveur des marchands de vins, il est évident que le
commerce belge de vins est anéanti.
Je me rallierais volontiers à une. proposition
quelconque qui donnât la garantie que le traité ne sera pas exécuté avant que
justice ne soit faite aux marchands de vins.
On me fait observer que nous ne serons plus en nombre quand nous voudrons
discuter cette proposition. Ce que je vois de plus clair ici, c'est que chacun
n'a souci que de ses intérêts , et ne s'inquiète pas des intérêts généraux. On
veut relever une industrie qui est à l'agonie, et en même temps en frapper une
autre de mort. Les marchands de vins vous demandent-ils quelque chose ? Non.
Ils vous prient de les laisser dans la position où ils se trouvent ; tandis que
vous portez atteinte à ce qui est, vous leur portez préjudice, vous voulez
qu'ils fassent un sacrifice au profit de l'industrie linière. Voilà ce que vous
voulez. Je signale à l'attention du pays les intentions qui se manifestent. Si
bon gré mal gré vous voulez repousser les réclamations des marchands de vin,
j'aurai rempli ma tâche. Je fais ce que je peux et non ce que je veux. J'ai
fait ma proposition ; elle est parfaitement recevable. Si un renvoi a été
ordonné, c'est sur une pétition, cela n'empêche pas qu'un membre puisse prendre
l'initiative d'une proposition, cette initiative je l'ai prise ; je demande que
ma proposition fasse un article additionnel à la loi. Si on veut la renvoyer à
la section centrale, j'y consens, mais à la condition de surseoir au vote du
reste de la loi, ou que la loi ne sera pas promulguée avant qu'une résolution
n'ait été prise, sinon je demande qu'on statue maintenant sur ma proposition, elle subira le sort qui lui est réservé,
mais j'aurai rempli ma tâche.
M.
Rodenbach. - Si
maintenant, on devait prononcer sur la réclamation des marchands de vins, elle
aurait peu de chances de succès. En insistant pour que la chambre prenne une
décision, au lieu de leur être utile, on leur ferait beaucoup de tort. Ainsi,
je suis loin de vouloir nuire à cette réclamation. Je dois même déclarer qu'au
sein de la section centrale, j'ai dit qu'il y avait justice à leur accorder une
remise. Mais j'ai dit qu'il fallait connaître les statistiques. Il y a des
marchands qui ont payé les droits, et il y en a qui ne les ont pas payés. Il
n'y aurait pas justice à restituer aux uns et à ne pas restituer aux autres.
Vous ne pouvez pas, à cause de cette réclamation, arrêter l'exécution du
traité, car je vous le dis, les Flandres ne peuvent pas attendre. Aujourd’hui,
elles ne peuvent pas introduire une seule pièce de toile en France. La
réclamation des marchands de vins peut sans inconvénients être ajournée à
quelques jours, leur commerce n'en sera pas pour cela anéanti, car en présence
de l'espoir qu'ils ont de réussir, les marchands étrangers ne pourront pas dire
que les marchands belges ne peuvent pas soutenir la concurrence contre eux par
suite des droits déjà payés. D'ailleurs l'amendement consacrerait une
injustice, car il ne favorise qu'une catégorie de marchands de vins, ceux qui
ont des crédits à terme.
Quant au traité, il est urgent, qu'on l'exécute au
plus tôt.
M. Osy.- Je suis généralement contraire aux
mesures rétroactives, mais ici il y a justice à admettre la réclamation des
marchands de vins, En 1832, quand vous avez diminué l'impôt sur le genièvre,
vous avez ordonné un recensement et les genièvres en magasin ont joui de la
diminution. Il existe un précédent ; ce qu'on a fait alors, il serait injuste
de ne pas le faire aujourd'hui. Si M. le ministre ne peut pas nous faire un
rapport maintenant, et qu'il le fasse dans huit ou quinze jours, nous ne serons
plus en nombre et quand vous ferez le recensement, déjà des vins auront été
introduits d'après le nouveau tarif, il se trouvera dans les magasins des vins
ayant payé l'ancien et le nouveau droit, on ne pourra pas exécuter la mesure,
et le marchand de vin qui aura payé 24 francs de droit en plus ne pourra pas
soutenir la concurrence avec ceux qui auront payé le droit nouveau. Je crois que nous pouvons adopter la disposition proposée aussi
bien que nous avons adopté celle sur les genièvres.
M.
Demonceau. - Je
considère comme un acte de justice la restitution de la différence du droit
pour les vins en magasin, mais dans l'état des choses, nous ne sommes pas en
position de prendre une disposition en connaissance de cause, en voulant être
juste envers les uns il ne faut pas être injuste envers les autres. La chambre
est disposée à examiner sérieusement cette réclamation, elle l'a renvoyée au
gouvernement avec demande d'explications.
Je crois qu'on pourrait opposer aux honorables auteurs de la proposition
une fin de non recevoir, mais je ne veux pas me prévaloir de ce moyen,
j'entends lui faire comprendre que dans l'intérêt des marchands de vins, il ne
faut pas voter aujourd'hui sur leur réclamation, parce que si on vote
aujourd'hui, beaucoup de membres qui y sont favorables, et je suis de ce
nombre, voteront contre, parce qu'ils ne voudront pas voter sans savoir ce
qu'ils font. L'amendement d'ailleurs, comme on vous l'a
dit, ne serait qu'une demi-justice.
M.
Mercier. - J'ai
proposé le renvoi immédiat à la section centrale, à qui le rapport qui sera
formé par le ministre, devra aussi être renvoyé. Si la section centrale se
réunissant de nouveau, se mettait en rapport avec le commerce, peut-être
parviendrait-on à hâter la conclusion à intervenir. C'est enfin pour qu'il n'y
ait pas de perte de temps que j'ai fait ma proposition.
M. le président. - La section centrale devra attendre le
rapport de M. le ministre.
M. Mercier. - Elle pourra s'aboucher avec M. le
ministre des finances, et se contenter peut-être d'une partie
seulement des renseignements réclamés.
M. le ministre des
finances (M. Smits) -
La section centrale m'a demandé des renseignements positifs sur la quotité de
vins déclarés en consommation. Le même jour, j'ai écrit dans toutes les
provinces afin d'obtenir ces renseignements. Je les aurai peut-être demain et
dans les 24 heures, je ferai mon rapport à la chambre. En attendant, je ne vois
pas pourquoi on renverrait l'amendement dont il s'agit à la section centrale,
puisqu'elle a déclaré ne pas pouvoir statuer avant d'avoir
reçu les renseignements dont je viens de parler.
M. Fleussu. - Il me semble indifférent qu'on attende
les renseignements demandés à M. le ministre des finances, parce que je regarde
cette question comme une question de principe et non comme une question de
fiscalité. Il est évident que vous ne pouvez pas sacrifier une industrie à une
autre industrie. Les marchands de vins ne s'attendaient pas aux conséquences de
l'ordonnance du 26 juin. Vouloir les mettre maintenant dans l'impossibilité de
soutenir la concurrence avec les négociants français, ce serait les condamner à
relever une industrie qui tombe d'elle-même. Il y a un précédent : il est
impossible de se refuser à en faire ici l'application, sauf à l'étendre pour
rendre cette application conforme à l'équité.
En 1814, en 1822 et en 1830 on a établi des augmentations de droit sur les
vins et les eaux-de-vie, les marchands pour lesquels nous demandons le bénéfice
de la réduction proposée ont dû à ces époques payer l'augmentation de droit ;
par la même raison il est évident que vous ne pouvez pas leur faire aujourd'hui
supporter une perte, sans cela ils seraient exposés à souffrir de toutes les
mesures financières favorables ou défavorables à la consommation. S'ils ont
supporté une perte dans un sens, dans un temps, vous ne pouvez pas leur en
faire supporter une autre dans un sens contraire aujourd'hui. Il y a donc
équité, et pour qu'une industrie ne soit pas sacrifiée à une autre, et pour
suivre les précédents législatifs, à décharger les vins en magasin de la
différence des droits payés de ceux qui vont être établis.
Pourquoi demandons-nous que cette question soit décidée par le vote même de
la loi qui approuve la convention ? Parce que si vous votez le traité avec
Si, au contraire, vous votez le traité sans y comprendre la disposition
dont il s'agit, ce ne sera que d'ici à quelque temps que la loi que nous
soumettra M. le ministre pourra être examinée par les sections, et la chambre
ne sera plus en nombre pour la voter. Voilà ce qui arrivera probablement. Il
faudra 15 jours avant que le rapport de M. le ministre, l'examen des sections
et le travail de la section centrale puissent être faits ; et il y a danger, si
vous ne renvoyez pas la disposition à la section centrale, sauf à la voter
demain ou après-demain, que la matière ne soit scindée, que vous ne votiez que
ce qui sera favorable à l'industrie linière, et laissiez en souffrance les
dispositions qui seront favorables à l'industrie vinicole.
Je me joins donc à ceux qui demandent le renvoi à la section centrale, pour
que la disposition fasse partie du projet de loi. Je demande ce renvoi, avec
sursis du vote bien entendu, puisqu'il s'agit d'une des
dispositions de la loi.
M. David. - Il y a encore une haute considération à faire
valoir, qui nous forcerait à rendre sans retard justice aux marchés de vin de
Si on ne rend pas de suite justice aux marchands de vins, on risque de les
ruiner, car dans tous les cas, ne fût ce-que par la
température, il y aura bouleversement dans ce commerce d'ici à peu de
temps.
M.
Vandenbossche. -
Les renseignements qu’a réclamés M. le ministre de l'intérieur n'auront
d'influence que sur la somme. Or, comme l'a fort bien fait observer l'honorable
M. Fleussu, c’est un principe que nous votons.
Qu'il s'agisse d'une somme minime, ou d’une somme considérable, c'est la
même chose. L’équité veut qu'on restitue. Les renseignements demandés par M. le
ministre ne peuvent donc conduire à rien, dans la situation où nous nous
trouvons. C’est un principe que nous votons. Restituera-t-on, oui ou non ? Je
pense, avec l'honorable M. Fleussu que c'est sur cette
question que nous devons voter.
M. Coghen.
- Il paraît que l'on craint qu'après le vote la chambre ne se sépare. Il ne
faut pas retarder le vote ; car il est urgent, il est important pour les Flandres.
On n’y fait plus rien ; tout le commerce est mort ; il faut absolument sortir
de cette position pénible. Pour ne pas retarder le vote de la loi, je
proposerai de l'adopter, avec la disposition suivante :
« Une restitution de droits, dont la quotité et le mode seront
ultérieurement déterminés, sera accordée aux marchands de vins. »
Ainsi tous les intérêts seront saufs, toutes les
inquiétudes seront apaisées.
M. Desmet. - La question qui s'agite en ce moment est celle
de savoir si, en équité, l'on doit admettre la réclamation des marchands de
vins. Mais rappelez-vous ce qui a été dit au commencement de la discussion. On
a insisté auprès du gouvernement pour qu'on ne laissât pas entrer les toiles
anglaises ; et il a été reconnu que la seule chose qu'il y eût à faire
pour cela était de voter la loi dans le plus bref délai possible. Si maintenant
il faut attendre des renseignements demandés par M. le ministre des finances
sur la réclamation des marchands de vins pour insérer dans la loi une
disposition qui les concerne, le vote de la loi sera retardé, et il sera
introduit dans le pays une quantité considérable de toiles anglaises. Pour moi,
je pense qu'il pourrait être statué sur la réclamation des marchands
de vin, par la voie administrative, après le vote de la loi.
M. le ministre
de l’intérieur (M. Nothomb) - La proposition de l'honorable M. Coghen
décide toute la question. C'est pour la première fois que cette question se
discute depuis 1830. Nous avons fait quelques changements à notre tarif de
douanes, mais jamais la question de principe de rétroactivité n’a été ni
examinée, ni discutée. Réfléchissez-y bien. Je ne veux pas me prononcer, je ne
veux rien précipiter ; je demande seulement que la chambre se préoccupe
des conséquences que peut avoir la solution de la question de principe. Si
aujourd'hui vous accordez aux marchands de vin la faveur qu'ils demandent, vous
posez un principe que vous devrez appliquer désormais dans tous les cas où il y
aura réduction ou augmentation des droits d'accise ou de douanes. Je
citerai un exemple : Le ministère précédent avait proposé une augmentation sur
les cafés ; si cette augmentation eût été adoptée, pensez-vous que quelqu'un
eût proposé une mesure appliquée dans d'autres pays, la mesure du recensement ?
Un membre. - C'est n’est pas le même principe.
M. le ministre
de l’intérieur (M. Nothomb) - La position est analogue. Il y a des pays
où l'on adopte le principe du recensement de la manière la plus absolue. Quand
il y a augmentation de droits, il y a recensement pour percevoir
l'augmentation, de même qu’il y a recensement pour dégrever quand il y
a diminution de droits.
Je demande que la question soit examinée sous toutes ses faces et que si la
chambre pense qu'il y a lieu à restitution, il soit bien entendu que
lorsqu'il y aura augmentation de droits il y aura également recensement dans
l'intérêt du fisc. Je demande, je le répète, dans l'intérêt du pays que la
question soit examinée sous toutes ses faces et non
pas d'une manière incidente.
M. de Brouckere. - L'amendement qui nous est soumis se rapporte
en effet à une question de principe, à une question de la plus haute
importance.
Mais lors même que vous auriez résolu la question de principe
affirmativement, tout ne serait pas fini. Il resterait à régler l’application
du principe.
Ou pourrait à bon droit soutenir que l'amendement fait trop ou trop peu ;
je ne prétends pas m'expliquer sur la question de principe que soulève
l'amendement. Mais je dis qu'il faut que la chambre prenne une résolution,
avant que le traite ne devienne obligatoire.
L'honorable M. Coghen, dit qu'avec son amendement tous les intérêts sont
saufs. M. le ministre de l'intérieur dit que cet amendement va trop loin. Moi,
je dis que cet amendement n'est du tout ; car quand on aura réglé la question
de principe, et qu’on n'en aura pas réglé les conséquences, si nous nous
séparons, si nous attendons pour nous réunir jusqu’au mois de novembre, que
feront les marchands de vins ? D'ici au mois de novembre les marchands de vins
introduiront autant de vins qu'ils voudront, à des droits plus avantageux que
les marchands de vins du pays ; et les marchands du pays seront écrasés. Il me
semble qu’à moins d’être injuste envers une industrie qui mérite aussi des
égards, nous devons renvoyer les amendements à la section centrale, avec
demande d'un très prompt rapport. Ce rapport ne peut se faire attendre
longtemps, puisque M. le ministre des finances a déclaré qu’il attendait
aujourd’hui ou demain les renseignements qu'il avait demandés. Supposez que ce
soit après-demain ; quel si grand péril y aura-t-il en la demeure ?
En attendant, dit-on, les Flandres ne feront rien. Mais les Flandres
peuvent être tranquilles ; car on voit que quoique ce soit avec une extrême
répugnance, il y aura presque unanimité pour adopter le projet. Mais il faut
que toutes les industries soient dans la même sécurité que l’industrie linière.
On ne peut adopter le projet de loi sans rien faire pour les marchands de vin,
parce qu'il est probable que d’ici à quelques jours la chambre ne sera plus en
nombre. (Réclamations.) Je souhaite
ne pas dire vrai. Ce n’est pas moi qui manquerai à mon poste, lorsque l'ordre
du jour appellera la discussion de la convention relative à la ville de
Bruxelles. Mais nous verrons si vous y serez. Moi je prétends que cette
convention ne sera pas discutée, que quand elle viendra à l’ordre du jour, un
grand nombre de membres se retireront dans leur province ; et les marchands de
vins seront écrasés sous la concurrence des marchands français.
J'insiste pour qu'il soit sursis au vote du projet de loi jusqu’à ce que la
section centrale ait fait un rapport sur l'amendement. J'en fait formellement
la proposition. Je m'oppose à ce qu'on discute aujourd'hui ; j'adopte l'opinion
de M. le ministre de l'intérieur sur l'importance de l'amendement. C'est une
proposition d'une portée immense. Comme l'a dit M. le ministre de l'intérieur,
si la question est résolue, elle doit l'être, le cas échéant, à l'avantage du
trésor, comme elle serait aujourd'hui à l'avantage des marchands de vins. La
chose n'est pas sans exemple en Belgique. Lorsqu’en 1818 et 1819 on a augmenté
l'impôt sur les sucres, on a fait un recensement ; on a soumis a l'augmentation
d'impôt tous les sucres.
M. Devaux. - C'était un grief.
M. de Brouckere. -Je ne dis pas que non. C'est précisément parce
qu'aux yeux de beaucoup de personnes c'était un grief,
qu’il faut examiner la chose avant de se prononcer.
M. le ministre
de l’intérieur (M. Nothomb) - Les réflexions que je faisais me semble
tellement justes que voici ce qui pourrait arriver. Le traité n'est fait que
pour quatre ans. Je suppose qu'il expire sans qu'aucun arrangement intervienne
avec
M. Coghen.
- Messieurs, en proposant l'amendement que j'ai eu l’honneur de vous soumettre,
j'ai eu seulement pour but de calmer l'inquiétude et de rendre possible le vote
du projet qui est urgent. Dès l'instant que vous décidez en principe que les
marchands de vin recevront une restitution équitable, vous tranquillisez ces
négociants, vous leur donnez la possibilité d'agir et de vendre.
Je sais que la question est importante ; mais je n'ai pas voulu que la
chambre votât sans la discuter. Je crois qu'il faut l'examiner, et qu'il serait
préférable de s'en occuper sérieusement que de perdre son temps à une discussion qui ne produira rien.
M. le président. - Voici l'amendement que M. de Brouckere
a fait parvenir au bureau :
« Je demande qu'il soit sursis au vote jusqu'à ce que la chambre ait
été mise à même de se prononcer sur l'amendement relatif
aux marchands de vin. »
M. Verhaegen.
- J'ai eu l'honneur de dire que je ne m'opposais pas au renvoi à la section
centrale, pourvu qu'il fût sursis au vote. L'honorable M. de Brouckere vient de
faire une proposition dans ce sens ; je m'y rallie. Je me permettrai d'ajouter
un seul mot ; c’est que la garantie que réclame l'honorable M. de Brouckere et
moi avec lui, est d'autant plus nécessaire que nous voyons, d’après la conduite
que tient le ministère, qu'il n'est pas disposé à appuyer notre proposition.
J'ai même entendu prononcer d'une manière significative, et ce n'était pas une
confidence, on le déclarait tout haut sur le banc ministériel, que cette
demande ne serait pas accueillie, que le principe serait
trop dangereux.
M.
Demonceau. - Je
m'aperçois qu'on veut lier à une convention déjà grave par elle-même une
question non moins grave, et je vous avoue que si je tenais beaucoup à ce que
la convention fût adoptée, je ferais tous mes efforts pour que la proposition
soumise à la chambre n’y fût pas annexée. Quoique la convention ne me plaise
guère, je dois dire que je considère comme très dangereux d’y annexer une
disposition en faveur des marchands de vins. Je préfère donc la voter telle
qu'elle nous est proposée.
Quant à moi, je veux accorder justice aux marchands de vins, mais avec
cette condition que si les circonstances changent, les marchands de vins en
subissent les conséquences.
On a parlé de précédents ; mais il y a plus d'un précédent contraire. Lorsque
nous avons haussé les droits sur les genièvres indigènes, a-t-on ordonné un recensement
? Au contraire, les fabricants ont fabriqué tant qu'ils ont voulu et on ne leur
a rien demandé.
Lorsqu’on a mis sur les vins des additionnels qui équivalaient presque à la
réduction que vont subir les droits actuels, je ne sache pas que les négociants
qui avaient des vins en magasin aient payé ces additionnels.
Si vous voulez être justes envers les négociants, il faut que les
négociants soient justes envers le trésor. Eh bien ! si nous faisons subir au
trésor des pertes en faveur des marchands de vin, je veux que, le cas échéant,
il puisse y avoir perte même pour les marchands de vins. Car si la convention
avec
M. de Brouckere. - Il semblerait, à entendre l'honorable
préopinant, que la proposition que j'ai faite préjuge la question. Mais je me
suis catégoriquement expliqué ; je me réserve moi-même mon vote sur la question
de principe, et dans le cas où la question serait résolue affirmativement sur
la solution qu'il faut donner au principe, je n’entends me lier en aucune
manière. Mais je dis que la question doit être examinée avant que le traité
soit obligatoire, sauf à la résoudre négativement. Car je ne suis pas certain
que la majorité de la chambre sera d'avis d'accorder cette décharge aux
marchands de vin. Mais encore faut-il leur donner la satisfaction d’examiner la question, et la question ne sera examinée qu'autant
qu’il sera sursis au vote sur la convention.
M.
Rodenbach. - Il
est certain que si on adopte la proposition de l’honorable M. de Brouckere, on
retarde peut-être la convention de 8 ou 10 jours ; car M. le ministre des
finances ne peut répondre que les renseignements qu’il a demandés au directeur
des contributions lui arriveront avant huit jours. Cependant je vous l’ai déjà
dit ; on réclame à grands cris le rétablissement de nos relations commerciales
avec
Remarquez, d'ailleurs, je dois le répéter, que la chambre a pris une
décision. Elle a adopté le renvoi à M. le ministre des finances avec demande
d’explications. Ainsi ce que vous avez fait hier, vous allez le défaire
aujourd’hui. Je demande si c’est là de la conséquence parlementaire.
Quant à moi, bien que je sois disposé à voter pour une mesure favorable aux
marchands de vin, je m'oppose à la proposition de
l’honorable M. de Brouckere.
M. Delehaye. - J'ai signé la proposition ; mais dans
mon opinion elle devait être l'objet d'un examen ultérieur à la section
centrale.
Je pense qu'il est juste qu'il soit fait une restitution aux marchands de
vin du pays, attendu qu'une réduction est accordée aux marchands français. On
dit qu'il faut pour cela suspendre le vote sur le traité, parce que la chambre
ne sera plus en nombre. Mais je suppose que M. le ministre des finances ne
reçoive les renseignements qu’il a demandés que dans huit jours, que fera en
attendant le sénat ? Nous savons tous comment se font les affaires
administratives ; quand un ministre demande qu'on lui envoie un renseignement
dans deux ou trois jours, il ne le reçoit quelque fois qu'un mois après. Eh
bien ! irez-vous différer la solution de la convention
parce que vous voulez prendre une mesure qui ne s y rattache qu'indirectement ?
Messieurs, les droits des marchands de vin ne sont pas douteux, le devoir
des membres de la chambre est de rester à leur poste tant que leur présence est
nécessaire, quant à moi, je ne me retirerai pas. J’espère que tous mes
collègues en agiront de même, et qu'avant que la convention soit applicable, le
ministère sera en mesure de rendre justice aux marchands de vin. Si d'ailleurs
le gouvernement ne le voulait pas,
chacun de nous resterait libre de faire une proposition dans ce but ; et comme
on s'en est expliqué dans cette enceinte, si le ministère ou quelque
fonctionnaires apportait des retards dans les renseignements qu'il doit
fournir, il encourrait une grave responsabilité.
Je voterai pour le renvoi de la proposition à la section centrale, en
demandant au ministère de bien vouloir se hâter de nous fournir les
renseignements qui lui sont demandés.
- La proposition de M. de Brouckere, tendant à ce qu'il soit sursis au vote
jusqu'à ce que la chambre ait été mise à même de se prononcer sur l'amendement
relatif aux marchands de vin, est mise aux voix, elle n'est pas adoptée.
M. le
président, - Je vais
mettre aux voix l'amendement de M. Coghen.
M. Dubus (aîné). - Je demande que tous les amendements
soient renvoyés à la section centrale, et qu'ils soient
séparés de la proposition principale.
M. Verhaegen.
- Nous ne pouvons pas nous opposer à cette demande ; mais, je dois le déclarer,
la proposition de l'honorable M. Dubus est le rejet de l'amendement de
l'honorable M. Coghen. Car l'honorable M. Coghen a pour but de donner dès à
présent une garantie aux marchands de vin. M. Dubus, en demandant que la
proposition de l'honorable membre soit renvoyée à la section centrale et soit
séparée de la loi en discussion, a un but évidemment contraire.
Quoi qu'il en soit, considérant la demande de M. Dubus comme un rejet, chacun
saura à quoi s'en tenir.
M. Dubus (aîné). - Je déclare que je ne propose pas un
rejet, mais que je demande un examen. Je ne vote pas une proposition de cette
importance lorsqu'elle n'a été précédée d'aucun examen, et je déclare que ce
serait même inouï dans une assemblée représentative.
La section centrale ne vous a pas fait de rapport parce qu'elle manquait de
renseignements, et la chambre voterait sans attendre ce rapport ; mais cela
serait des plus étrange. Je demande le renvoi afin qu'elle nous fasse son
rapport dans le plus bref délai possible. En agir autrement, ce serait
manifester une défiance qui n'a pas été méritée de la part de la section
centrale. Ce serait supposer que pour faire échouer la proposition, elle s'abstiendra
de faire un rapport. Or, je pense plus favorablement que l'honorable
préopinant, des dispositions des membres de la section centrale. Je dis que
quelle que soit l'opinion de la majorité de cette section, elle tiendra à
saisir la chambre d'un rapport soit favorable, soit défavorable sur les
amendements proposés.
Et dans tous les cas il faudrait dire que vous vous défiez de vous-mêmes ;
car la majorité sera toujours maîtresse de se ressaisir de la question, si la
section centrale ne fait pas son rapport. Ainsi ce qu'il y a de plus rationnel et de plus simple est le renvoi à la section
centrale.
M.
Mercier. - J'aurais
désiré que le gouvernement pût se prononcer sur la question telle que l'a posée
l'honorable M. Coghen. C'est, il est vrai, une question de principes, mais l'on
ne décide rien sur la portée de l'application du principe. D'après cette
proposition on pourrait accorder à la fois une restitution pour le vin déclaré
à crédits, à termes et pour le vin en magasin ; de même qu'on peut restreindre
la mesure seulement à sa première catégorie.
D'un autre côté je ne puis
dissimuler qu'il me paraît peu probable que M. le ministre puisse fournir dans
deux ou trois jours les renseignements que lui a demandés la section centrale.
Ces renseignements sont de deux espèces. Ceux qui se rattachent aux vins qui
sont au crédit à tenues, pourront être donnés assez promptement et même si la
section centrale prenait la détermination de s'arrêter à cette catégorie, nous
possédons un chiffre approximatif de la restitution, qui pourrait au besoin
suffire. Mais si l'on veut étendre plus loin la disposition comme cela paraît
équitable, c'est-à-dire, l'appliquer à tous les vins en magasin chez les
négociants, alors la section centrale est loin d'avoir tous les renseignements
nécessaires, et je ne pense pas que M. le ministre puisse nous en procurer de
suffisants avant une quinzaine de jours.
Quant aux précédents il n'en existe qu'un seul à ma connaissance, depuis
notre émancipation politique, c'est ce qui a été fait lorsqu'on a réduit les
droits sur les eaux-de-vie indigènes ; à cette époque on a demandé un
dégrèvement à ceux qui avaient des spiritueux en magasin sous terme de crédit.
Je ne me souviens pas qu'il y ait eu depuis 1830 d'autres diminutions notables
d'impôts. La crainte de créer un précédent n'est pas fondée ; ce précédent
existe depuis 1833 ; je ne pense pas d'ailleurs qu'on doive poser un principe
immuable dans cette matière ; il faut agir selon les circonstances et non pas
d'après un système absolu qui souvent serait impraticable.
Les marchands de vins, messieurs, se trouvent dans une condition toute
spéciale ; ils ont à lutter, eux, contre l'étranger qui sera plus favorisé
qu'eux, tandis que les distillateurs dont il s'agissait à l'époque dont je
viens de parler n'avaient à soutenir que la concurrence de leurs propres
concitoyens, ayant tous plus ou moins d'approvisionnement. C'est donc à bien
plus de titres encore que la réclamation dont nous sommes saisis mérite toute
notre sollicitude. D'après ces considérations, je pense qu'il y a lieu de voter
le principe posé dans l'amendement de l'honorable M. Coghen, et j'engage le
gouvernement à s'y rallier ; une mesure en faveur des réclamants me paraît de
toute justice ; je ne crois pas qu'on puisse refuser de faire quelque chose.
Or, l'amendement n'indique pas ce qu'on fera ; il laisse une grande latitude et
porte seulement que l'on fera quelque chose, sans rien
préjuger sur la portée de la mesure.
M. de Brouckere. - Messieurs, je ne puis pas m'étonner de
l'opposition que fait l'honorable M. Dubus à ce qu'une semblable proposition
soit adoptée séance tenante. Il est certain, comme le dit l'honorable membre,
que cette proposition contient la question de principe tout entière. Eh bien,
cette question est trop importante pour pouvoir être tranchée sans un examen
approfondi.
Cependant nous ne devons pas nous dissimuler une chose, c'est qu'en
renvoyant l'amendement de l'honorable M. Coghen à la section centrale, nous en
prononçons le rejet, car l'amendement de l'honorable M. Coghen se fond
nécessairement dans l'amendement présenté par M. Verhaegen et d'autres
honorables membres qui, eux, ne tranchent pas seulement la question de principe,
comme le fait l'honorable M. Coghen, mais qui déterminent même les conséquences
de la solution qu'ils donnent à la question de principe ; de sorte que si la
proposition de M. Coghen n'est pas adoptée immédiatement, elle devient tout à
fait sans résultat et tombe d'elle-même.
J'ai vu avec regret que MM. les ministres se sont levés contre la
proposition de sursis que j'avais soumise à la chambre. Il ne me reste plus
maintenant qu'à leur demander une chose au nom d'intérêts qui méritent bien
qu’on y ait égard ; je leur demande qu'ils ne ratifient point le traité avant
que la chambre ne se soit prononcée sur la proposition relative aux marchands
de vins. Si, messieurs les ministres veulent condescendre à cette demande, nous
aurons atteint notre but ; tous les intérêts seront saufs : en effet, les
filateurs sauront qu'ils peuvent compter sur la ratification de la convention,
et d'un autre côté les marchands de vins auront la certitude que leurs intérêts
ne seront point sacrifiés, ce qui ne doit pas être, ce qui
ne serait point juste.
M. Dubus (aîné). - Je dois déclarer que dans mon
intention le renvoi à la section centrale que je demande n'est le rejet ni de
la proposition de M. Coghen, ni de la proposition de M. Verhaegen. Ce renvoi
placerait tour simplement la section centrale dans la position où la
proposition de M. Coghen nous a placés nous-mêmes ; la section centrale
appréciera les circonstances et les renseignements qu'elle obtiendra ; si elle
obtient des renseignements suffisants pour faire une proposition complète,
comprenant et le principe et l'application, elle nous fera une proposition
semblable ; si, au contraire, elle n'obtient que des renseignements qui la
mettent à même de faire seulement une proposition consacrant le principe, elle
se bornera à le faire. En un mot, il lui sera loisible de faire telle
proposition que les renseignements qui lui seront fournis lui permettront de
nous soumettre. Tout ce qui résultera du renvoi à la section centrale, c'est
que la section centrale pourra examiner, tandis qu’on veut nous faire prononcer
sans examen
Vous voyez donc, messieurs, que je ne demande pas
le rejet de la proposition, que j'en demande seulement l'examen.
M. Osy. - Je demanderai à M. le ministre
des affaires étrangères si la convention devra être ratifiée par les chambres
françaises.
M. le ministre des affaires étrangères (M.
de Briey) - Non, elle peut l'être par ordonnance.
M. Osy. - Dans tous les cas il s'écoulera
certainement encore, avant la ratification, un temps assez long pour que la
chambre puisse statuer sur les réclamations des marchands de vin. J'adhère donc
à l'observation de l’honorable M. de Brouckere, et je prierai le gouvernement
de ne pas ratifier la convention avant que la chambre ne se soit prononcée sur
la question qui vient de nous occuper.
- Le renvoi des amendements à la section centrale est mis aux voix et
adopté.
Vote sur l’ensemble de la loi
Il est procédé au vote sur l'ensemble de la loi.
86 membres sont présents.
9 s'abstiennent.
66 adoptent.
11 rejettent.
En conséquence le projet de loi est adopté.
Ont voté l'adoption : MM. Angillis, de
Ont voté le rejet : MM. Dumont, Fleussu, Jadot, Jonet, Mast de Vries,
Pirmez, Puissant, Simons, Troye, Vanden Eynde et Vandensteen.
Se sont abstenus : MM. Cogels, Delfosse, de Renesse, Dumortier, Eloy de
Burdinne, Lange, Lys, Orts et Verhaegen.
MM. les membres qui se sont abstenus sont appelés à faire connaître les
motifs de leur abstention.
M. Cogels et M. Delfosse déclarent s'être abstenus pour les
motifs qu'ils ont développés dans leurs discours.
M. de Renesse. - Je ne puis donner un entier
assentiment à la convention avec
Comme, sous un certain rapport, ce traité contient une disposition
favorable à l'une de nos principales industries, qui mérite toute notre
sollicitude par son importance et surtout par son état actuel de souffrance, je
n'ai pas voulu voter contre une convention que, sous tout autre rapport, je ne puis
approuver.
M. Dumortier. - Je me suis abstenu par les motifs que j'ai
fait connaître dans la discussion.
M. Eloy de Burdinne. - Je n'ai pas voulu voter contre la loi,
parce qu'elle est avantageuse aux Flandres et à l'industrie linière qui
m'inspire beaucoup d'intérêt et pour laquelle j'ai infiniment de sympathie.
D'autre part, je n'ai pu lui donner mon assentiment parce que la loi réduit
les recettes du trésor en dégrevant d'impôt la consommation sur les vins qui
est un objet de luxe fort imposable, et que par suite le déficit d un million
environ, résultat de l'adoption de la convention avec
Tels sont les motifs de mon abstention.
M. Lange. - Messieurs, je n'ai pas voulu voter contre la
loi, parce que je partage la sympathie qu'inspirent les classes ouvrières des
Flandres ; je n’ai pas voulu voter pour, parce qu'on n'a pas voulu faire, quant
à présent, droit aux réclamations d'une autre industrie qui mérite aussi toute
notre sollicitude.
M. Lys. - M. le ministre des finances avait
promis avant la discussion publique, de fournir dans cette discussion, les
explications nécessaires pour donner connaissance des voies et moyens qu'il
proposerait pour faire face au déficit que va occasionner au trésor l'exécution
du traité. Comme je veux que le nouvel impôt frappe le riche et personne
d'autre, comme M. le ministre n'a pas rempli sa promesse, j’ai dû m abstenir.
J'ai aussi dû m'abstenir parce que vous n'avez pas voulu ajourner le vote
jusqu'à ce qu'on pût statuer sur ce qui concerne les marchands de vins.
Je n'ai pas voulu voter contre la loi, parce qu'elle intéresse trop
vivement deux de nos provinces.
M. Orts. - Je me suis abstenu, parce que je
regardais comme un principe de justice distributive de faire droit à la
proposition de M. de Brouckere, tendant à suspendre le vote de la loi ; je n'ai
pas voulu voter contre le projet, parce que j'aurais compromis le sort d'une
classe nombreuse et intéressante du pays.
M. Verhaegen.
- J'ai indiqué d'avance dans le discours que j'ai prononcé, les divers motifs
de mon abstention.
M. le ministre des
finances (M. Smits) -
Messieurs,. je dois un mot de réponse à l'honorable M.
Lys. Je n'ai nullement promis qu'un projet de loi tendant à créer des voies et
moyens pour couvrir le déficit qui va résulter de l'adoption de la convention,
serait présenté avant le vote de cette convention ; le gouvernement s'est
uniquement engagé à vous présenter ce projet de voies et moyens dans le cours
de la session.
M. Lys. - Dans la section aux délibérations de
laquelle vous assistiez, vous aviez promis de déposer le projet avant le vote.
M. le ministre des
finances (M. Smits) -
Je ne crois pas avoir pris cet engagement, M. Lys m'aura mal compris.
PROJET DE LOI RELATIF A
M. Sigart, rapporteur. - Messieurs, vous avez renvoyé à la section
centrale le projet de loi relatif à la patente des bateliers, amendé par le
sénat. J'ai l'honneur de vous présenter le résultat de l'examen auquel elle
s'est livrée.
La discussion n'a porté que sur le n° 15 de l'art. 21. La commission
du sénat a cru y remarquer une erreur, qu'elle qualifie de rédaction ; elle a
pensé que les termes de l'article limitaient l'exemption à la navigation
d'Ostende à Bruges, que l'on en pouvait conclure que les navires venant de la
mer à Ostende avec destination de Gand seraient assujettis au paiement des
droits pour la navigation de Bruges à Gand, attendu que l'abordage de cette
dernière ville, considérée comme port, n'est franc dudit droit que par le canal
de Terneuzen.
M. le ministre des finances interrogé dans la séance du 20 juin
1842, répondit qu'il croyait que d'après la loi sur les accises, on pouvait
comprendre la ville de Gand dans l'exception, que cependant si le sénat croyait
qu'il fût nécessaire de l'écrire dans la loi même, il n'y voyait pas
d'inconvénient.
Après cette explication l'honorable M. de Ridder
a présenté et le sénat a adopté un amendement comprenant dans l'exception la
ville de Gand, que les bâtiments de mer y abordent par le canal de Terneuzen ou
par celui de Bruges.
La section centrale a pensé qu'en effet il existait une omission dans la
rédaction de l'art. 21 ; elle vous propose de la réparer en admettant l'article
tel qu'il a été adopté par le sénat.
M. le président. - La section centrale propose de
rétablir la dénomination de la ville de Gand qui avait été oubliée dans la
rédaction de l'art. 21. du projet de loi.
Des membres. - Votons maintenant.
M. le président. - On demande d'ouvrir immédiatement la
discussion. (Oui, oui.)
- La discussion est ouverte. Personne ne demandant la parole, il va être
procédé à l’appel nominal.
M. le ministre
de l’intérieur (M. Nothomb) - Je demanderai d'abord la parole, pour
faire une motion relative à l'ordre du jour.
Nous avons plusieurs objets à l'ordre du jour : la loi sur l'enseignement
supérieur, la loi sur l'enseignement primaire, la convention avec la ville de
Bruxelles et probablement les lois que M. le ministre des finances a annoncées.
Messieurs, vous avez reçu ce matin le mémoire de l'université de Louvain
sur la loi concernant l'enseignement supérieur ; la chambre a ordonné
l'impression de ce mémoire. Je demanderai que l'ordre du jour soit interverti,
et que l'enseignement supérieur soit postposé à l'enseignement primaire.
Une voix. – Nous ne sommes pas prêts.
M. le ministre
de l’intérieur (M. Nothomb) - Que voulez-vous faire ?
Un membre. - La convention avec la ville de
Bruxelles.
M. le ministre
de l’intérieur (M. Nothomb) - Cette affaire n'a pas été plus étudiée
que la loi sur l'enseignement primaire ; les deux rapports ont été déposés le
même jour. Je demande que l'ordre du jour reste tel qu'il est, et qu'on
se borne à intervertir les deux premiers numéros.
M. de Brouckere. - Nous demandons que l'ordre du jour reste fixé
tel qu'il est, et que seulement le projet de loi concernant la
ville de Bruxelles soit placé en première ligne, au lieu de venir le dernier.
M. Lys. - M. le ministre de l'intérieur vient de
dire que les deux rapports ont été déposés le même jour ; mais il faut ajouter
que le rapport sur la ville de Bruxelles nous a été envoyé à domicile pendant
les vacances ; ainsi nous avons eu le temps d'examiner ce projet, tandis que le
rapport sur l'instruction primaire ne nous a été distribué
que récemment.
M. Dumortier. - Je suis étonné de l'opposition que rencontre
la proposition de M. le ministre de l'intérieur, quand chaque année, depuis 8
ans, nous avons proclamé dans nos adresses au Trône, la nécessité d'organiser
l'enseignement primaire, et maintenant l'on reculerait devant cette discussion.
Il importe assez peu de savoir si le rapport sur la ville de Bruxelles a été
distribué un peu plus tôt ou un peu plus tard, ce qu'il y a de certain, c'est
que le projet de loi sur l'instruction primaire nous est présenté depuis 5 ou 6
ans.
Bien des fois, les hommes modérés des deux partis ont reconnu qu'il était à
désirer que cette importante question ne tardât pas à recevoir une solution.
Pour ma part, ce serait avec plaisir que je verrais cette question terminée ;
aussi, je déclare que je donne mon approbation entière à la proposition de M.
le ministre. Il est impossible d'aborder aujourd'hui la discussion de la loi
sur l'enseignement supérieur ; on nous a déjà distribué de nouvelles
pièces, et l'on nous en a encore envoyé aujourd'hui.
M. de Mérode. - On demande que la chambre s'occupe du
projet de loi concernant Bruxelles, mais il me semble que le moment est très
mal choisi. Que pouvons-nous voter pour la ville de Bruxelles avec la meilleure
volonté du monde ? Nous ne connaissons pas nos voies et moyens. Nous venons
encore de diminuer les ressources du trésor. Il faut donc que nous ayons des
voies et moyens avant de décider ce qu'on peut faire pour la ville
de Bruxelles ; mais pour le moment, il est impossible de prendre une décision.
M. Devaux. - Messieurs, la loi sur l'enseignement supérieur
nous est présentée depuis quatre ans ; celle qui concerne l'instruction
primaire est présentée depuis huit ans. Il est à désirer que ces deux projets
puissent être discutés dans un bref délai. Mais la chambre a décidé que la
discussion s'ouvrirait sur l'instruction supérieure immédiatement après le vote
sur la convention commerciale. Le gouvernement a proposé à la loi de 1835 des
modifications très importantes, modifications qui lui avaient été inspirées par
la brochure d'un professeur de l'université de Louvain. Il se trouve que toutes
les universités, y compris celle de Louvain, condamnent les nouvelles
dispositions que le gouvernement veut introduire. Dans cette position on demande
le temps de réfléchir.
Je veux bien y consentir ; mais je demande aussi qu'on nous laisse le temps
de réfléchir sur la loi de l'enseignement primaire, loi qui n'était pas à
l'ordre du jour.
Un membre. - Si ! si !
M. Devaux. - Pas après la convention ; elle ne devait venir
qu'après la loi sur l'instruction supérieure. Je demande que nous ayons le
temps de lire et de méditer les documents assez importants et assez nombreux
qu'on nous a distribués sur l’instruction primaire. Il y a notamment un rapport
de M. le ministre de l'intérieur ; j'avoue que je n'ai pas
encore pu le parcourir jusqu'ici. Je désire pouvoir en prendre connaissance.
M. le ministre
de l’intérieur (M. Nothomb) - Il n'y a eu de ma part ni tactique, ni
désir d'escamoter une discussion quelconque. on avait mis à l'ordre du jour la
loi sur l'instruction supérieure. Quand j'ai demandé que cette loi fût
maintenue à l'ordre du jour, j'avais reçu les observations des universités de
l’Etat, et je pensais que les autres universités n'adresseraient pas
d'observations à la chambre ; depuis l'une d'elles vous a fait parvenir un
mémoire dont vous avez ordonné l'impression ; il est donc tout naturel qu'on
demande que la chambre prenne d'abord connaissance de ce mémoire, avant
d'aborder la loi sur l'instruction supérieure.
Quant à l'enseignement primaire, il existe un document qu'il' faut
consulter, c'est le rapport que j'ai déposé, le 28 janvier dernier ; j'avoue
que je supposais que l'honorable préopinant en avait pris connaissance, je vois
que je suis dans l'erreur : je persiste néanmoins à demander le maintien de
l'ordre du jour, avec l'intervention que j'ai proposée à l'instruction primaire,
l'instruction supérieure et puis la convention avec la ville de Bruxelles.
On me dit qu'on n'a pas examiné la
loi de l'enseignement primaire, et qu'il faut un certain temps pour cet examen,
mais pour la loi concernant Bruxelles ne faut-il pas lire en entier de
nombreuses pièces ?
Je demande donc qu'on fixe l'ordre du jour tel que je l'ai proposé.
On pourrait mettre à l'ordre du jour de demain le crédit supplémentaire,
relatif au remplacement, et on s'occuperait de la loi sur 1'instruction
primaire. Dans l'intérêt de la question de la ville de Bruxelles, question que je défendrai, je demande qu'on laisse à cette discussion
la place que je lui assigne.
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, plus d'une fois la chambre
a fixé l'ordre du jour, et toujours il a été décidé que l'enseignement
supérieur viendrait avant l'enseignement inférieur. Il en résulte que nous nous
sommes préparés à la discussion de la loi sur l'enseignement supérieur ; et
comme on devait présumer que cette discussion serait assez prolongée, puisque
la loi est très importante et qu'elle se compose d'un grand nombre d'articles,
on a cru qu'on aurait le temps d'achever l'examen de la loi sur l'enseignement
primaire. Mais si maintenant vous allez hâter la discussion de cette loi, il
s'en suivra que beaucoup de membres de la chambre ne seront pas préparés. Or,
entre l'inconvénient de passer quelques jours sans séance, et celui d'examiner
d'une manière trop hâtive une loi très importante, il y a une immense
différence.
Quant à moi, je préférerais que l'ordre du jour restât fixé comme il l'est
actuellement.
Demain nous avons à examiner la question des primes de rengagement qui se
rattache au budget de la guerre. Après-demain peut-être ou le jour suivant
l'impression de ce mémoire qui vous a été adressé aujourd'hui sera terminée et
nous pourrons aborder la discussion de la loi sur l'enseignement supérieur à
laquelle nous nous sommes préparés, tandis que nous ne pouvions nous attendre à
discuter la loi sur l'enseignement primaire.
Je ne crois pas d'ailleurs qu'on puisse ainsi à chaque fin de séance
remettre en question l'ordre du jour qu'on a arrêté la veille.
Sans cela il n'y a pas de raison pour en finir.
M. Osy. - Des pétitions de plusieurs corps
constitués vous ont été adressées pour vous prier de vous occuper des intérêts
matériels du pays. Depuis huit jours, vous avez le rapport de la commission
d'enquête, et le projet qu'elle a formulé, je demande que ce
projet soit mis à l'ordre du jour après la convention avec la ville de
Bruxelles.
M. le ministre
de l’intérieur (M. Nothomb) - Je considère le rapport et le projet
présentés par la commission d'enquête, comme destinés à être discutés au
commencement de la session prochaine. Parmi les renseignements sur cet objet,
je ferais remarquer que le mémoire annoncé par la chambre de commerce d'Anvers
manque encore. Je dirai de plus que la commission n'a pas annexé à ses
conclusions les avis qu'elle doit avoir reçus de plusieurs chambres de
commerce. Je m'engage à compléter le travail de la commission en ajoutant les
mémoires des chambres de commerce adressés soit à la commission soit au
gouvernement.
J'ajouterai que le gouvernement sera prêt à prendre part à cette discussion
qui est tout à fait neuve pour lui. C'est afin que dans la session prochaine
nous puissions nous occuper des questions qui se rattachent à notre système
commercial et à notre système financier que j'ai toujours insisté pour que dans
les quelques semaines que nous allons consacrer à cette session, on s'occupe
des lois sur l'instruction. Je suis au regret que ce matin nous ayons reçu le
nouveau mémoire dont la chambre a ordonné l'impression, sans cela je n'aurais
pas demandé mieux que d'aborder la discussion de la loi sur l'instruction
supérieure. Nous pouvons très bien commencer par l'instruction
primaire, car les documents et le rapport sont imprimés et distribués depuis le
28 janvier.
M. de Brouckere. - Il est temps de prendre une décision. Je ne
demande qu'à dire quelques mots. Je répondrai à ce qu'a dit M. Osy, que la
chambre de commerce d'Anvers n a pas encore transmis son rapport et que la
chambre de commerce elle-même demande qu'on attende encore quelque temps avant
de s'occuper de l'enquête. Le motif pour lequel elle n'a pas encore envoyé son
rapport est des plus louables ; c'est qu'elle a voulu qu'il renferme non
seulement l'opinion de la chambre de commerce, mais celle de tous les
commerçants qui ont été appelés à s'expliquer sur le contenu de ce rapport.
L'enquête ne peut donc pas encore être mise à l'ordre du jour.
Maintenant, M. le ministre de l'intérieur insiste pour que demain ou
après-demain nous discutions la loi sur 1'instruction primaire. Il ne peut pas
persister dans sa proposition, quand plusieurs membres déclarent n'avoir pas eu
le temps d'examiner le projet et le long rapport qui vous a été fait. Il sait
qu'il ne suffit pas de lire des rapports et de lois semblables, qu'il faut
encore les méditer. Cette loi soulève les questions de principe les plus
délicates, et il est impossible d'être prêt à les discuter demain ou
après-demain.
J'avais demandé qu'on commençât par le projet de loi concernant la ville de
Bruxelles. M. de Mérode a dit qu'il ne pouvait pas s'occuper de cette loi,
parce qu'il ne connaissait pas le résultat de nos lois de finances, je lui
ferai observer que quand il connaîtra ce résultat, il ne sera pas plus avancé.
J'ai toujours été d'opinion que les voies et moyens ne contrebalanceraient
pas nos dépenses, malgré toutes les assurances contraires. A la fin de l'année,
on verra si j'ai eu raison. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas par les voies et
moyens, mais par un emprunt qu'on pourrait exécuter la convention avec
Bruxelles.
Un membre. - En trois ou quatre ans.
M. de Brouckere. - En trois ou quatre ans, vous aurez des
déficits. C'est dans un emprunt qu'on doit trouver la somme demandée pour la
ville de Bruxelles ; par conséquent il n'est pas nécessaire de connaître les voies et moyens. Pour ma part ; je ne vois aucune raison pour ne
pas commencer par ce projet.
M. Orts. - Je demande que l'on mette à l'ordre du
jour la loi concernant la ville de Bruxelles, si on ne peut pas s'occuper de
celle sur l'enseignement supérieur. La ville a le plus grand intérêt à ce que
cette loi soit votée dans cette session. La loi sur les sucres à laquelle a
fait allusion M, le comte de Mérode ne pourra être discutée qu'à la session
prochaine, et la ville de Bruxelles a besoin qu'une décision soit prise d'ici
au mois d'octobre prochain. devant régler son budget d'après cette décision. Je
demande donc que la loi relative à la ville de Bruxelles
ait la priorité.
M. Coghen.
- Je demande aussi la mise à l'ordre du jour de la convention avec la ville de
Bruxelles.
Je répondrai à l'observation de l'honorable comte de Mérode qu'on doit
d'abord examiner ce qu'on doit dépenser et voir ensuite aux
moyens de pourvoir à la dépense.
M. Hye-Hoys. - Je demanderai, pour ne pas perdre de
temps, qu'on mette à l'ordre du jour le rapport des pétitions,
beaucoup de réclamations nous ont été adressées contre les abus de chasse.
M. de Foere. - M. le ministre de l'intérieur s'oppose à la
proposition de l'honorable M. Osy, parce que la commission d'enquête
commerciale n'a pas annexé à son projet de loi les avis des chambres de
commerce du pays. Il est vrai que la commission a adressé à ces chambres un
avant-projet de loi sur lequel elle demandait leurs avis. Trois chambres de
commerce seulement ont répondu à cet appel. Une a émis un avis tout à fait
approbatif ; les deux autres, celles de Bruges et de Verviers, ont accepté
aussi les bases du projet de loi et ont présenté, en même temps, des
observations sur un petit nombre de ses dispositions. La commission les a
prises en considération et elle a adopté celles qui lui ont paru fondées. Elle
a cru pouvoir inférer du silence des autres chambres de commerce qu'elles
n'avaient pas d'objection à faire contre le projet. D'ailleurs, elle ne pouvait
plus en retarder l’impression ; la discussion en était vivement réclamée de
plusieurs côtés du pays. Dans tous les cas, la commission savait que, de son côté,
le gouvernement avait sollicité des chambres de commerce un duplicata de leurs
avis demandés par la commission, Déjà il en a reçu ; il peut les faire imprimer
et livrer à l'impression les autres au fur et à mesure qu'ils lui parviennent.
C'est ainsi qu'il en a agi relativement aux avis des chambres de commerce sur
le projet de loi concernant les sucres. Ces pièces pourront toutes être
distribuées à la chambre avant le vote sur la convention avec la ville de
Bruxelles. L'objection de M. le ministre de l'intérieur n'est donc pas
recevable.
Le pays, messieurs, est fatigué de toutes ces discussions sur des questions
morales, sur des libertés publiques et sur des intérêts locaux. Il demande à
grands cris qu'enfin ses intérêts matériels et généraux soient pris en
considération. La première condition de tout pays est celle de vivre et
d'exister ; vient après le mode de son existence. Si j'avais pris part à la
discussion qui vient d'être terminée, je me serais attaché à vous prouver que
c'est à vos continuels ajournements des grandes questions matérielles qu'est
due la déplorable situation du pays dans laquelle la convention avec
M.
Dechamps. -
Les honorables membres qui s'opposent à la mise à l'ordre du jour de la loi sur
l'enseignement primaire donnent pour motif qu'on attendait à discuter la loi
sur l'enseignement supérieur, on ne s'est pas préparé à discuter celle sur
l'enseignement primaire et ils demandent qu'on donne la préférence à la
convention avec la ville de Bruxelles qui ne venait qu'en troisième ligne,
après les deux lois sur l'instruction.
Quelques voix. - Ce n'est pas cela.
M. Devaux. - Il vous a fallu huit ans pour méditer la loi
et faire votre rapport, et vous ne voulez pas nous laisser huit jours.
M.
Dechamps. - Je
ne vois pas l'inconvénient que quelques membres trouvent à ce qu'on donne la
priorité à la loi d'enseignement primaire sur la loi d'enseignement supérieur.
Nous avons une loi d'instruction supérieure, il s'agit seulement de la
modifier, Si j'en crois ce que vient de dire M. Devaux toutes les universités
s'opposent à ces modifications.
M. le ministre
de l’intérieur (M. Nothomb) - Pas toutes.
M.
Dechamps. - Il
n'y a donc pas urgence de
discuter ces modifications. Il me paraît qu'on pourrait sans inconvénient,
puisqu'une loi existe sur l'enseignement supérieur, donner la priorité à
l'instruction primaire sur laquelle il n'y a pas de loi.
M. Devaux me dit que, puisque j'ai eu huit ans pour méditer la loi et faire
mon rapport, je puis bien lui donner huit jours.
Je ferai observer qu'il n'a pas dépendu de moi de faire mon travail plus
tôt. J'ai prouvé que je ne voulais pas faire retarder la discussion de cette
loi.
Du reste je ne voudrais pas étrangler cette discussion, elle a trop
d'importance pour qu'on l'étrangle. Ne pourrait-on pas fixer un jour, admettre
un délai suffisant pour qu'on examine le projet de loi. La loi de l'instruction
primaire repose sur des principes difficiles si l'on veut, mais assez simples
et sur lesquels nous avons presque tous une opinion formée. Cette loi ne
présente pas, comme la loi sur l'enseignement supérieur un grand nombre de
questions spéciales ; ainsi il n'y a aucune difficulté à substituer la loi sur
l'instruction primaire à la loi sur l'enseignement supérieur, car la loi sur
l'enseignement supérieur existe, il s'agit de la modifier. Comme les
modifications proposées ne sont pas accueillies favorablement, on pourrait y
renoncer ; on pourrait, je le répète, fixer un délai, fixer un jour de la
semaine, de manière à laisser un temps assez long pour que les membres puissent
prendre connaissance du rapport de M. le ministre de
l'intérieur et de celui que j'ai eu l'honneur de présenter.
M. Cools. - J'appuie la proposition qu'a faite
l'honorable M. d'Hoffschmidt de ne pas intervertir l'ordre du jour. Les lois
sur l'enseignement supérieur et sur l'instruction primaire sont des lois d'une
haute importance er que nous ne devons voter qu'après un mûr examen. Quant à
moi, je m'occupe de l'examen des documents relatifs à la loi sur l'enseignement
supérieur, parce qu'il avait été décidé qu'on s'en occuperait immédiatement
après le vote de la convention avec
M. Fleussu. - M. le ministre de l'intérieur, en
demandant qu'on intervertisse l'ordre du jour et qu'on discute la loi sur
l'enseignement supérieur, dit qu'il n'y a de sa part ni tactique ni surprise.
S'il en est ainsi, je l'adjure de ne pas insister sur sa demande ; il est
évident que la plupart d'entre nous ne sommes pas préparés à cette discussion.
Voici pourquoi. Quand nous nous sommes séparés il y a six semaines, il n’était
pas question de la loi sur l'instruction primaire ; il y avait à l'ordre du
jour quelques autres objets, la loi
relative aux communes qui ont un octroi ; la loi relative aux secrétaires communaux
et, si je ne me trompe, la loi relative à la convention avec la ville de
Bruxelles. (Dénégations.) Il avait
été convenu qu'on enverrait à domicile le rapport sur ce projet de loi, afin
qu'on pût se préparer à cette discussion. Nous avons reçu ce rapport depuis
longtemps, tandis que le rapport sur le projet de loi d'instruction primaire ne
nous a été remis que huit jours avant notre retour. Ce projet de loi, que la
section centrale a mis huit ans à élaborer, n'est pas urgent ; on peut attendre
jusqu'à la session prochaine, tandis que la loi sur l'enseignement supérieur
est urgent puisque la rentrée doit avoir lieu au mois d'octobre. Il faut donc
que, pour le mois d'octobre, il y ait une loi bonne ou mauvaise. Puisqu'il a
fallu huit ans à la section centrale pour élaborer le projet de loi, nous
pourrions bien demander trois mois pour l’examiner ; je ne demande pas cette
remise à trois mois ; mais je demande qu'on reconnaisse l'urgence de la loi sur
l'enseignement supérieur qui doit être votée pour le mois d'octobre,
tandis qu'on peut arriver au mois d'octobre sans avoir la loi sur l'instruction
primaire.
M. Devaux. - Si quelques personnes veulent voir imprimer
des documents, je ne m'y oppose pas. Mais je m'oppose formellement à ce qu'on
discute soit dans un jour, soit dans deux jours le projet de loi sur
l'instruction primaire. Je dis que quand on a mis huit ans pour faire un projet
de loi, quand on a exercé sur la chambre une voie de fait de cette espèce, ce
serait une autre voie de fait que de forcer à discuter ce projet de loi,
sans donner le temps de le méditer. Ce serait une violence sur la minorité, que
de mettre à l'ordre du jour dans deux ou trois jours le
projet de loi sur l'instruction primaire.
M. Dumortier. - Il n'y a ni violence, ni bref délai. On n'est
pas fondé à nous accuser de précipiter la discussion, lorsqu'il s'agit d’un
projet de loi présenté depuis huit ans.
M. Devaux. - Je dis que d'avoir retenu le projet de loi
pendant huit ans, c'est une violence, c'est une voie de fait.
M. Dumortier. - Il y a des membres qui ont le privilège de
qualifier la majorité d'une manière peu agréable. Ce privilège, je le leur envie pas, mais rien ne sera plus facile que de la
justifier.
Vous vous plaignez de ne pas avoir lu les documents présentés par le
ministre. Il y a six mois qu'ils sont entre vos mains. Si vous vous plaignez de
ne pas les avoir lus, vous vous accusez de paresse dans cette assemblée. Vous
avez eu tout le temps de les lire. Si l’honorable préopinant ne les a pas lus,
c'est que tel a été son bon plaisir. Mais il ne faut pas parler de violence et
de voies de fait, quand on a eu six mois pour lire des documents. Il y a un
mois que le projet est distribué : il a été distribué pendant la vacance, quand
les membres de la chambre n'avaient rien autre chose à faire que d'étudier les
projets de loi. Ainsi l'honorable préopinant a eu tout le loisir désirable pour
étudier le projet de loi. Il s'agit d'ailleurs ici d'un projet unique, tandis
que pour l'enseignement supérieur vous n'avez pas moins de six projets de loi.
Vous avez :
Le projet de l'université de Gand ;
Le projet de l'université de Liége ;
Le projet de l'université de Louvain ;
Le projet de la section centrale ;
Le projet de l'université du gouvernement ;
Le projet primitif.
Ainsi voici de compte fait 6 projets en opposition. Je vous demande quelle
confusion. Vous vous trouverez dans une vraie Babel.
C’est alors surtout qu'il est nécessaire d'examiner avec maturité. Il n’y a
rien de semblable pour le projet de loi sur l'instruction primaire.
J’ajouterai, avec l’honorable M. Dechamps, qu'il y a une loi sur l’enseignement
supérieur, tandis qu'il n'y en a pas pour l’instruction primaire.
Ainsi, les accusations de voies de fait, de violence ne sont que de vaines
paroles, au moyen desquelles on veut se donner des airs de victime. On nous a
souvent reproché de ne pas vouloir la loi sur l’instruction primaire, Voilà la
loi présentée, et les mêmes honorables membres qui nous ont fait ce reproche ne
veulent pas qu'on la discute. Qu'on juge les accusations
qu'on nous lance depuis huit ans par les accusations d’aujourd’hui.
M. le ministre
de l’intérieur (M. Nothomb) - On pourrait supposer que j'hésite à
aborder la discussion de la loi sur l'enseignement supérieur. Je prie la
chambre de se détromper. Je suis prêt à soutenir le projet de révision que j’ai
présenté avec la section centrale.
Ce n'est pas que j'aie, comme l'a dit l'honorable M. Devaux, puisé mes
inspirations dans la brochure d'un professeur de l'université de Louvain. Les
bases de ce projet sont des idées que j'ai eues très anciennement ; je n'hésite
pas à les soumettre à l'épreuve d’une discussion publique. On veut dès à
présent créer de grandes préventions contre le projet de révision de la loi sur
l'enseignement supérieur. Il me sera très facile de répondre aux objections
dirigées contre le projet de loi ; je ne désespère pas d'en voir adopter les
bases principales.
Quant au projet de loi sur l'instruction primaire, le document principal
est le rapport que j'ai présenté en janvier dernier. Je suppose qu’on en a pris
connaissance. On dit que le rapport de l'honorable M. Dechamps n'est distribué
que depuis peu de temps ; mais mon rapport est distribué depuis six à sept
mois. Le projet de la section centrale n'est pas un système nouveau ; c'est le
système de 1834 complété. C’est ce que nous démontrerons le premier jour de la
discussion. Il n'y a pas maintenant de loi sur l'instruction primaire. Vous
êtes saisis d'un projet de 1834. Le projet nouveau, c'est l’ancien projet
complété ; nous le prouverons, je le répète dès le premier jour de la
discussion. Le projet de 1834 n'était, à certains égards, qu'un programme qui
contenait des principes généraux sans indiquer des moyens d’exécution.
M. Verhaegen. - Et l'article 5 !
M. le ministre
de l’intérieur (M. Nothomb) - Je remercie l'honorable membre de son
interruption. Le projet de 1834 renfermait cette proposition très vague sur
laquelle tout le monde est d'accord. La commune doit l'instruction gratuite aux
enfants pauvres. Mais où et comment ? là devait commencer le dissentiment. Ce
sont ces moyens d'exécution que contient le nouveau projet.
M. Dumortier. - Vous voyez bien qu'on a examiné puisqu’on
discute les articles.
M. le ministre
de l’intérieur (M. Nothomb) - C'est parce qu'on m'a interrompu. Dans
l'ancien projet on énonçait un principe ; dans le nouveau, on indique les
moyens d'exécution. Je crois que sans faire violence à personne on peut aborder
la discussion du projet sur l’enseignement primaire ; je désire qu'il n'y ait
pas une plus grande perte de temps. Je crois ne manquer à personne en insistant
sur la proposition que j'ai faite. Il faut d'ailleurs être juste envers tout le
monde : l'université de Louvain a fait parvenir ses observations ; je crois que
l'université de Bruxelles fera aussi parvenir les siennes ; il faut lui en
donner le temps.
- La chambre consultée décide que les seuls objets à1'ordre du jour de
demain sont : 1° le projet de loi relatif aux primes de rengagements ; 2° les
rapports de pétitions, Elle met ensuite à l'ordre du jour d'après-demain le
projet de loi relatif à l'instruction primaire.
PROJET DE LOI RELATIF A
Vote sur l’ensemble de la loi
M. le président. - Il va être procédé au vote par appel nominal sur
l'amendement apporté par le sénat au projet de loi relatif à la patente des
bateliers.
- Cet amendement est adopté à l'unanimité des 65 membres présents.
Ces membres sont : MM. Cools, Coppieters, David, de Baillet, de Behr, de
Brouckere, Dechamps, Dedecker, de Foere, Delehaye, Delfosse, de Man
d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef,
de Potter, Deprey, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq,
Devaux, de Villegas, Donny, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumortier, Eloy de
Burdinne, Fallon, Fleussu, Henot, Hye-Hoys, Huveners, Kervyn, Lange, Lejeune,
Lys, Maertens, Malou, Manilius, Mercier, Nothomb, Osy, Peeters,
Puissant, Raikem, Rodenbach, Scheyven, Sigart, Simons, Thienpont, Troye, Van
Cutsem, Vandenbossche, Vandensteen, Van Hoobrouck, Verhaegen, Vilain XIIII,
Wallaert, Zoude.
- La séance est levée à 5 heures.