Accueil
Séances plénières Tables
des matières Biographies
Livres numérisés Bibliographie et
liens Note
d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du lundi 1er août 1842
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre,
notamment pétition en faveur de la langue flamande
2)
Composition des bureaux des sections
3) Motion
d’ordre relative à un service funèbre à la mémoire du duc d’Orléans (de Mérode)
4) Projet
de loi tendant à ratifier une convention signée à
5) Projet de loi relatif à la convention
commerciale signée avec
6) Fixation de l’ordre du jour (patente
des bateliers, traitements des membres de l’ordre judiciaire)
(Moniteur belge n°214, du 2 août
1842)
(Présidence de M. Fallon)
M. de Renesse procède à l'appel nominal à midi et demi.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la précédente séance dont la rédaction
est adoptée.
M. de Renesse fait connaître l'analyse des pétitions suivantes :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Jean Jacques,
marchand de viandes à Berchem, né à Teuffelen
(Suisse), demande la naturalisation ordinaire. »
Renvoi à M. le ministre de la
justice.
_______________________
« Les négociants en vins de
Namur demandent qu'on leur accorde sur les quantités de vins qu'ils ont dans
leurs magasins, et pour lesquels les droits sont acquittés, un dégrèvement de
droit égal à la diminution que te tarif va subir. »
« Même pétition des négociants de
vins de Courtray. »
- Dépôt sur le bureau pendant la
discussion du projet de loi relatif à la convention avec
_______________________
« Les secrétaires communaux de
l'arrondissement d'Ypres demandent que des dispositions de nature à améliorer
la position des secrétaires communaux soient introduites dans le projet de loi
modifiant la loi communale. »
- Dépôt sur le bureau pendant la
discussion du projet de loi, et ensuite renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
_______________________
« Les
membres d'une société flamande dite Met tud en vlyt appellent l'attention de la chambre sur les
pétitions qui lui ont été adressées en faveur de la langue flamande. »
- Dépôt sur le bureau pendant la
discussion du projet de loi sur l'enseignement supérieur.
_______________________
« L'administration communale de Cappellen présente des observations concernant le projet de
loi tendant à fixer les limites entre cette commune et celle d'Eeekeren. »
- Renvoi à la commission chargée
de l'examen du projet de loi.
_______________________
« Le sieur Vandenbossche, fermier,
demande une indemnité du chef des pertes qu'il a éprouvées par suite du
débordement de la rivière la grande Ghète. »
- Renvoi à la commission des
pétitions.
_______________________
« Le sieur Trouwers,
secrétaire du parquet au tribunal de Hasselt, demande qu'une augmentation de
traitement lui soit accordée par la loi sur les traitements de l'ordre
judiciaire. »
« Les commissaires de police
de l'arrondissement de Courtray demandent une augmentation de
traitement. »
- Même renvoi.
______________________
« Plusieurs
pharmaciens réclament une mesure qui mette un terme au débit des médicaments
par des personnes étrangères à la pharmacie. »
- Renvoi à la commission des
pétitions.
COMPOSITION DES BUREAUX DES SECTIONS
Première section :
Président : M. de
Vice-président : M. Lebeau
Secrétaire : M. Vilain XIIII
Rapporteur des pétitions : M. Van
Hoobrouck
Deuxième section :
Président : M. Pirson
Vice-président : M. Osy
Secrétaire : M. de Villegas
Rapporteur des pétitions : M.
Manilius
Troisième section :
Président : M. de Behr
Vice-président : M. Lange
Secrétaire : M. Cools
Rapporteur des pétitions : M.
Vandenbossche
Quatrième section :
Président : M. Duvivier
Vice-président : M. Delfosse
Secrétaire : M. Sigart
Rapporteur des pétitions : M. Van
Cutsem
Cinquième section :
Président : M. Demonceau
Vice-président : M. Thienpont
Secrétaire : M. Delehaye
Rapporteur des pétitions : M. de
Potter
Sixième section :
Président : M. Raikem
Vice-président : M. Hye-Hoys
Secrétaire : M. Simons
Rapporteur des pétitions : M.
Zoude
M. de Mérode. - Nous avons, je pense, à remplir un devoir de haute convenance et de
reconnaissance nationale. Après-demain on célèbre à Paris les funérailles du
prince qui vint deux fois au secours de
Le duc d'Orléans, dont la mort a produit
sur nous tous une si pénible impression était frère d’une reine qui mérite tout
notre attachement et à laquelle nous ne pouvons trop témoigner la part que nous
prenons à ses profonds regrets.
Je propose qu'un service solennel soit
aussi célébré après-demain dans l'église de SS. Michel et Gudule pour feu S. A.
R. le duc d'Orléans, et que la chambre y assiste en corps ou par députation,
comme elle le jugera a propos.
- La chambre consultée adopte la
proposition de M. de Mérode ; elle décide qu'elle se rendra en corps au service
; elle charge le bureau de prendre les mesures nécessaires pour que ce service ait
lieu le plus tôt possible.
PROJET
DE LOI TENDANT A RATIFIER UNE CONVENTION SIGNEE A
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) présente un projet de loi tendant
à ratifier une convention signée à
- La chambre ordonne l'impression et la
distribution de ce projet de loi et de l'exposé de ses motifs et les renvoie à
l'examen des sections.
Motion
d’ordre
M. Mercier. - Je demande que la chambre
s'occupe d'abord des conclusions prises par la section centrale sur la pétition
des marchands de vins, parce que si le gouvernement, d'accord avec les
chambres, veut prendre une disposition dans le sens de cette pétition, il
serait désirable que la loi, qui sera votée, fût mise à
exécution en même temps que la convention.
M. Angillis. - Ce
qu'il y a de plus naturel, c'est de commencer par le commencement. Le
commencement c'est le projet de loi présenté par le gouvernement. La pétition
des marchands de vins, c'est un incident. Ou s'en occupera incidemment. Je
demande formellement qu'on commence la discussion par
l'ordre du jour. L'ordre du jour, c'est la discussion du projet de loi relatif
à la convention de commerce conclue avec
M. Mercier. - Il ne s'agit pas en ce moment
de prendre une décision quant au fond sur la réclamation des marchands de vins,
S'il en était ainsi, je comprendrais l'observation de l'honorable préopinant.
Mais il s'agit seulement d'appeler l'attention du gouvernement sur l'objet de
cette pétition ; il est utile de connaître le plus promptement possible ses
intentions sur cet objet. En effet, si la convention est mise à exécution, sans
qu'il ait été statué sur la réclamation qui nous a été présentée, de grandes
quantités de vins peuvent être introduites dans le pays sous ce nouveau régime,
et il deviendra difficile, si pas impossible, de les distinguer des vins qui
sont maintenant en magasin et qui ont été soumis à des droits plus élevés.
Je répète qu'il ne s'agit de rien
décider sur le fond de la réclamation. On l'examinera quand le gouvernement
présentera son rapport. Je ne conçois pas que cela puisse donner lieu à aucune
discussion. C'est pour qu'il n'y ait pas de perte de temps que je propose le
renvoi immédiat de la pétition à M. le ministre des
finances, avec demande d'explications et de renseignements suivant les
conclusions de la section centrale.
M. Rodenbach. - Il me semble que la proposition de l'honorable M. Mercier est très
admissible. Il demande si personne ne s'oppose à ce que la pétition
soit renvoyée à M. le ministre des finances avec demande d'explications. Il
demande si la chambre adhère sur ce point aux conclusions de la section
centrale. Mai, il ne demande pas de discussion. Cela ne peut retarder la
discussion de la convention.
M. Zoude. - Je demande qu'on mette aux voix les conclusions de la section centrale.
Comme les renseignements demandés au ministre sont très nombreux,
il est désirable que la pétition lui soit renvoyée le plus tôt possible.
M. Pirson. - J'adopté la proposition qui est faite. Mais il est bien entendu que la
question principale ne sera pas pour cela ajournée. Tout le monde reconnait
qu'il y a urgence à décider la question principale. Le gouvernement verra les
conséquences qu'aura la convention quand elle aura été sanctionnée.
C.est au gouvernement à faire la proposition qu'il jugera convenable.
M. Manilius. - Tout
ce que demande l'honorable M. Mercier, c'est qu'on statue sur les conclusions
de la section centrale relatives à la pétition. Je demande que M. le président
mette ces conclusions aux voix.
M. le président. - Avant de mettre ces conclusions aux voix, je dois consulter la chambre
sur la proposition de M. Mercier,
M. le ministre des finances
(M. Smits) - II n'y a aucun inconvénient à statuer
d'abord sur la proposition de l'honorable M, Mercier. Mais je dois faire
remarquer que les importations de vins ne sont nullement à craindre, tant que
vous n'avez pas pris une décision sur la réclamation des marchands de vins ;
car les marchands de vins n'importeront pas tant que vous n'aurez pas pris une
décision formelle sur cet objet.
- La proposition de M. Mercier et les
conclusions de la section centrale sont successivement mises aux voix et
adoptées ; en conséquence la pétition des marchands de vins est renvoyée à M.
le ministre des finances avec demande d'explications et de renseignements.
M. le président. - La section centrale a proposé à l'art. 2 du projet de loi un amendement
auquel M. le ministre des affaires étrangères s'est rallié. La discussion est
donc ouverte sur l'ensemble du projet de la section centrale.
La parole est à M. Lys.
M. Lys. -
Messieurs, je manifesterai toujours le désir de voir le mot prohibition biffé de notre tarif ;
et de voir admettre en Belgique les produits étrangers, pourvu que les autres
pays fassent subir la même réforme à leurs tarifs ; et remplacent la
prohibition absolue par des droits convenablement établis.
Nous savons tous, messieurs, au moyen de
quels immenses sacrifices notre régénération politique s'est opérée ; le
commerce et l'industrie étaient auparavant dans l'état le plus prospère ; le
gouvernement savait faire respecter les intérêts de l'industrie, en usant de
représailles, frappant de mesures restrictives et de prohibition certaines
provenances d'un pays qui se montrait alors peu favorable aux convenances
commerciales.
A peine
Le traité qu'on soumet à votre
ratification prouve par lui-même qu'il n'y avait aucune nécessité de recourir à
une pareille augmentation vis-à-vis de
Le gouvernement s'est soumis à toutes
les exigences de
Qu'aurez-vous à l'avenir à opposer à
Comment parerez-vous au déficit de plus
d'un million que ce traité occasionne ? Remarquez-le bien, messieurs, l'impôt
sur le vin et sur la soie pesait sur le riche, et vous le remplacerez
probablement par des centimes additionnels ou toute autre contribution qui
accablera aussi la classe si nombreuse des petits commerçants et des
prolétaires, déjà si maltraitée par la cherté du pain et des objets de première
nécessité.
N'aviez-vous pas à opposer à
Par cette convention, c'est l'intérêt de
deux provinces qui se trouve avantageusement traité, ou qui au moins ne sera
pas sacrifié ; c'est pour elles que vous réduisez vos voies et moyens de plus
d'un million annuellement.
Faites-vous pour cette industrie ce que
vous proposez pour l’industrie linière ? Non. Cependant elle ne vous demande
aucun sacrifice quelconque ; elle ne sollicite aucune prohibition, et vous
l'avez néanmoins si peu protégée jusqu'à présent, qu'à partir de 1839, vous
n'avez pas craint de lui nuire, en levant la prohibition sur les draps
français. Quel est le fruit qu'on a retiré de cet acte de faiblesse ?
Mais l'industrie lainière n'a pas jeté
des cris de détresse comme l'industrie linière ; elle n'a fait aucune
démonstration publique, elle s'est bornée, et cela remonte déjà à 1840, à vous
démontrer que le gouvernement pouvait venir à son secours, sans prohibition
aucune, sans qu'il en coutât un centime à l'Etat, sans qu'il renonçât à la
perception d'aucun imp6t.
Cette demande a été renouvelée le 13
mars dernier, et votre commission d'industrie et de commerce a été d'avis que
la demande faite par la chambre de commerce de Verviers était fondée. Sa demande
se borne à solliciter la majoration des droits d’entrée sur mes fils et tissus
de laine.
Ne pensez pas, messieurs, que je fasse
ici de l'intérêt de clocher ; car sur plusieurs points de
Si, comme le disent messieurs les
ministres, ils entendent accorder à l'industrie nationale la protection qui lui
est due, pourquoi ne présentent-ils pas, en ce moment, le projet de loi de
protection pour nos fabriques de fils et tissus de laine que sollicite depuis
deux ans la chambre de commerce et des fabriques de Verviers, qui, je le
répète, ne demande pas une prohibition des fabricats étrangers, mais seulement,
de voir majorer les droits d'entrée, en frappant les tissus de laine ou de
poils unis ou façonnés et étoffes de toute espèce, où ces matières dominent,
d'un droit de 250 francs par 100 kilog., et laissent
toujours subsister la disposition par laquelle les provenances du pays ou il
est accordé, sur les articles de l’espèce, des primes d'exportation, sont
frappées d'un excédant de droit, égal au montant de ces primes.
En adoptant pareil droit d'entrée,
messieurs, il n'y a pas lieu de craindre des représailles de la part de nos
voisins, car, d'un côté,
Le gouvernement voit la protection que
Pourquoi
Si, par ordre de
En augmentant l'impôt existant, nous
pourrions aussi offrir une exception à
Le silence que garde le gouvernement,
sur le rapport de l'honorable M. Desmet, lui renvoyé depuis le 14 juin dernier,
rapport que constate l'appui, que porte votre commission d'industrie et de
commerce, à la modification à porter au tarif, demandée par la chambre de
commerce de Verviers, me fait douter qu'il prenne la même mesure, vis-à-vis de
l'Angleterre, pour nos fils et tissus de laine, qu'il veut exécuter, par ordre
de
Cependant, nous avons les mêmes motifs
que
Cette mesure est commandée à
Comme
Que l'augmentation du droit a été
reconnue nécessaire, pour arrêter l'invasion des fils et tissus de laine
étrangers, dont l'importation, toujours croissante, a atteint un chiffre très
considérable, et menace de jeter la perturbation dans l'industrie nationale.
Comme
En effet, les conditions de la
fabrication sont à peu près les mêmes en France et en Belgique.
Et à la différence de
Je viens de me servir, messieurs, en
faveur de
Si tout le pays doit venir au secours de
l'industrie linière, dans l’intérêt de deux provinces (et que je ne conteste
pas), comment se fait-il que le gouvernement néglige de proposer une mesure si
avantageuse à la province de Liége et à beaucoup d'autres localités de
M. Angillis. - Messieurs, le coup mortel que l'ordonnance française porte à la
principale industrie des deux Flandres me chagrine mais ne m'étonne pas ; je
l'ai prévu depuis longtemps, et j’en ai même dit quelques mois dans la
discussion qui s'est élevée à l’occasion de la construction du canal de
l’Espierre.
En général, les grandes puissances,
lorsqu'il s'agit de traiter avec elles, accordent aux petits Etats qui les
environnent de légers avantages pour obtenir de grandes concessions. Ces sortes
de traités sont ordinairement des traités de dupes pour la partie la plus
faible. C’est toujours leur intérêt bien ou mal entendu qui fait leur loi
suprême. Le bon voisinage, les liens de famille ne sont rien, l’intérêt est
tout.
Ce
que je dis des grandes puissances en général, s'applique bien spécialement à
Tout ce que
Les réclamations que nous avons à
faire pour obtenir l'équivalent de nos concessions, par notre loi du 7 avril
1838, sont si Justes, si bien fondées, que l'on espérait, en Belgique, qu'une
politique plus sage, plus juste et plus équitable ramènerait
Tous nos vœux ont constamment tendu vers des modifications des tarifs
propres à multiplier des rapports mutuellement avantageux ;
Nous aurions dû suivre une autre
politique envers ce pays qui traite
Après ce préliminaire, qui trouve
naturellement sa place dans la discussion qui nous occupe, je dirai en peu de
mots ma pensée tout entière sur l'objet en question.
Dans cet état de choses, que restait-il
à faire ? Quelle marche était à suivre par le gouvernement ? Il y avait à
choisir entre deux moyens, savoir : prendre une grande mesure de représailles,
une mesure énergique, ou faire ce qu'il a fait. Il n'existait pas un troisième
moyen.
Le premier moyen, bien que le plus
rationnel et qu'on aurait dû prendre lorsque le gouvernement français par
l'interprétation du 6 mai
La convention prise isolément n'est pas
aussi avantageuse aux Flandres comme plusieurs personnes le pensent.
A cette occasion, je dois
rappeler à l'assemblée que le moment est venu de songer à la révision de notre
système douanier, jusqu'à que nous ayons été constamment dupes de nos principes
libéraux en matière de douane. Tous les Etats nut
élevé entre eux des barrières artificielles, toutes leurs relations avec les
pays étrangers sont protégées par des droits différentiels très élevés : nous
devons donc faire comme tous nos voisins et établir un bon système protecteur. Je voterai pour la loi, non par amour, mais par
nécessité.
M. Rodenbach. - Messieurs, les deux honorables préopinants ont
parlé en faveur du projet qui nous est soumis ; il paraît qu'aucun député ne se
propose de parler contre ; je pourrai donc me dispenser de vous présenter les
observations que j'aurais fait valoir en réponse à ceux qui auraient attaqué ce
projet. Mais, puisque j'ai la parole, je ferai observer qu'il y a déjà
plusieurs années, j'ai, avec plusieurs de mes collègues, demandé des tarifs
protecteurs pour
Messieurs, on dit que le traité est
onéreux, qu'il coûtera un million à
On dit que la convention est un avantage
incalculable pour les deux Flandres, parce que l'Angleterre exportait en France
pour 35 à 40 millions de toiles et de fils et que
On a dit aussi que les filatures à la
mécanique allaient se multiplier considérablement et que dans quatre ans (car
la convention n'a qu'une durée de quatre ans) on viendrait jeter des cris bien
plus alarmants.
Je ne partage pas ces craintes ; je ne
crois pas qu'il va s'établir par enchantement une quantité de filatures à la
mécanique. D'abord il n'y a maintenant qu'une demi-douzaine de filatures à la
mécanique en Belgique, et déjà, malgré la protection de 7 p. c. qu'elles ont
sur les fils qui arrivent de l'Angleterre, leurs actions subissent une perte de
40 p. c. On ne doit donc pas craindre de voir s'établir trop de filatures à la
mécanique. D'ailleurs la création de tels établissements exige une dépense de 2
à 3 millions, et nos négociants sont trop prudents pour engager de pareilles sommes
sur une éventualité et alors qu'il est possible que, dans quatre ans,
Je reconnais, messieurs, que le traité
est onéreux pour
Peut-être pourrions-nous couvrir cette
perte du trésor en augmentant le tarif sur plusieurs articles. Lorsque des
puissances étrangères, soit
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, mon but, en prenant la parole, n'est
pas de me livrer à une longue discussion sur les avantages et les inconvénients
de la convention qui vous est soumise. Je sais que de graves intérêts
s'opposent à ce que notre discussion se prolonge trop longtemps. Je ne me
propose donc, messieurs, que de vous soumettre quelques observations sur une
des clauses du traité. J'adopterai, du reste, la convention, à cause des
avantages qu'elle procure à une de nos grandes industries, à l'industrie
linière, qui, par son importance, par le nombre considérable d'ouvriers qu'elle
fait vivre, mérite toute la sympathie de la chambre et du pays entier. Mais,
messieurs, il faut qu'il s'agisse d'un intérêt aussi grave, d'une industrie
aussi importante pour que je sois favorable à un traité qui nous impose des conditions
si dures, qui nous fait acheter si chèrement les avantages qu'il nous procure.
L'art, 4, relatif aux ardoises, est
celui sur lequel je me propose de présenter des observations ; je sais que la
clause que renferme cet article est une des moins importantes du traité ; il
n'est point dans mes intentions d'en exagérer la portée, qui est d'ailleurs
beaucoup moindre que je ne l'aurais cru d'abord ; c'est du moins ce qui résulte
des explications données par M. le rapporteur de la section centrale, qui contenait
parfaitement toutes les questions qui se rattachent à nos ardoisières. Mais je
ne veux point laisser passer inaperçu que dans l'état actuel des choses notre
tarif favorise déjà grandement l'industrie ardoisière française au détriment de
l'industrie similaire indigène. Si les négociations entamées naguère avec
Avant la loi du 7 avril 1838, le droit
imposé à l'industrie des ardoises françaises était de 3 florins des Pays-Bas
par mille ardoises. Celte loi qui, comme on l'a déjà dit, a fait à
Pour bien comprendre, messieurs, la
différence qui existe entre les deux industries rivales, il faut d'abord se
rendre compte de la situation des ardoisières françaises et des ardoisières
belges.
Les ardoisières françaises de Fumay sont
placées sur les rives mêmes de
Ainsi, messieurs, dans l'état actuel des
choses, les ardoisières françaises partagent avec les ardoisières belges la
consommation du pays. Or, pour justifier un pareil avantage accordé à
Enfin, messieurs, chez nous la
production est illimitée, car nous possédons des bancs ardoisiers inépuisables
; la production ne peut se limiter que par la demande. Quant aux prix, vous
comprenez, messieurs, qu'il suffirait d'une pareille concurrence intérieure
pour les maintenir dans de justes bornes. D’ailleurs, les ardoises trouvent
encore une sorte de concurrence dans d'autres espèces de matériaux servant à la
couverture des habitations, tels que les tuiles, le zinc et même le chaume.
Quant à la qualité de nos ardoises, il
existe malheureusement en Belgique un préjugé fâcheux à leur égard ; depuis un
temps immémorial on y emploie les ardoises de Fumay, et on sait que lorsqu'une
pareille habitude est une fois prise, il est difficile de la déraciner.
Maintenant cependant on commence à apprécier les produits de nos ardoisières,
et ils ne tarderont pas à être connus dans tout le pays. Du reste, pour vous
convaincre de leur excellente qualité, il me suffira de lire les conclusions
d'un rapport qui a été fait par des ingénieurs nommés par le gouvernement, pour
constater cette qualité.
Voici ces conclusions :
« Nous terminerons ce rapport par
des conclusions qui nous paraissent suffisamment motivées sur les
considérations développées ci-dessus.
« 1°
« 2° La plupart des ardoises
exploitées dans la province de Luxembourg, auxquelles il faut ajouter celles
d'Oignies (province de Namur), peuvent rivaliser, pour la bonté et pour la beauté
avec celles de Fumay.
« 3° Si l'on veut, provisoirement,
et jusqu'à ce que les produits des nouvelles ardoisières aient reçu la sanction
de l'expérience ou jusqu'a ce que l'on connaisse des moyens certains
d'apprécier a priori la qualité de cette sorte de matériaux, donner la
préférence, pour les monuments publics et pour les constructions qui doivent
avoir une longue existence, à ceux qui ont fait leurs preuves, nous pouvons dès
à présent recommander les ardoises bien choisies d'Herbeumont,
de
«
4° Il importe que le gouvernement encourage et régularise, par tous les moyens
qu'il a à sa disposition, l'exploitation des ardoises qui deviendra une branche
intéressante de l'industrie nationale. »
Ce rapport, messieurs, est du 10 avril
1841 ; il est signé par MM. Cauchy, ingénieur en chef des mines ; Boget, ingénieur en chef des ponts et chaussées ; Dandelin, lieutenant-colonel du génie.
Depuis lors, le gouvernement a pris un
arrêté qui ordonne l'emploi des ardoises du pays dans les constructions
publiques.
Mais, messieurs, là ne se bornent pas
les avantages que nous accordons aux ardoises françaises, nous allons plus loin
; nous allons jusqu'à tolérer qu'elles traversent tout notre territoire pour
aller s'emparer d'un marché qui est à vos portes, dont, par cela seul, nous
nous excluons, tandis que nous pourrions l'exploiter presqu'entièrement. En
effet, au moyen du transit les ardoises françaises sont transportées par
Mais ces avantages d'un transit facile
deviendront encore bien plus fâcheux pour nos ardoises par suite de
l'achèvement du chemin de fer de Cologne.
Jusqu'à présent nous envoyons des
ardoises en Prusse, mais l'on conçoit parfaitement que les ardoises françaises
pourront très facilement être transportées dans les provinces rhénanes par
Ce canton de Viel-Salm
est, messieurs, vraiment dans une situation anormale dans notre pays, puisqu'il
est le seul en Belgique, je crois, qui n'a pas un seul mètre de route, et l'on
sent dès lors, que pour une matière aussi pondéreuse que les ardoises, cet
arrondissement doit entraîner d'immenses difficultés pour les transports.
Mais cet état de choses peut changer, si
la chambre est assez juste, et elle le sera, je n'en doute pas, pour nous
accorder les 2 millions que nous demandons avec tant d'instance depuis
plusieurs années ; alors on pourra doter le canton de Viel-Salm
de quelques routes ; et au moyen de ces routes, se dirigeant vers le chemin de
fer, nos ardoises pourront être transportées à Liége avec facilité et à bon
compte. En sorte qu'elles seront à même alors de rivaliser avec les ardoises
françaises sur le marché prussien et sur le marché hollandais.
C'est pour cela que la clause du traité
m'avaient d'abord inspiré des craintes ; je croyais que, par cette clause, le
transit des ardoises sur
Vous voyez par là qu'il était très
important pour nous de nous assurer qu'on ne diminuerait pas le transit sur
Quant à la réciprocité, elle offre de
l'avantage pour
De tous ces faits, il résulte que
l'industrie ardoisière qui puise dans le sol du pays tous ses éléments, qui
fournit du travail à un si grand nombre d'ouvriers dans nos pauvres Ardennes,
il en résulte, dis-je, que, par suite des avantages faits à
Quoi qu'il en soit, messieurs, si toutes
les commissions que nous faisons à
Toutes ces difficultés sont-elles
insurmontables ? C'est ce qu’il ne m'appartient pas de décider ; mais cependant
je puis dire que jusqu'à présent je n'ai rien lu ni entendu qui me fasse croire
qu'avec de la bonne volonté et de la persistance, de la part des deux
gouvernements, on ne puisse pas en venir un jour à un pareil résultat.
Messieurs, depuis quelques années il se
passe en Europe des faits économiques d'une haute importance. Il y a tendance
vers l'élargissement du cercle des douanes ; il y a tendance vers
l'agrandissement des marchés. Nous en avons un exemple frappant dans
l'association douanière allemande. Si l'on doit s'en rapporter aux journaux, il
serait question même de réunir à cette association le vaste empire d'Autriche.
D’un autre côté, on nous dit que l'Italie qui n'a pu obtenir dans les temps
modernes l'unité politique, cherche au moins à se procurer l’unité commerciale.
Dans un certain nombre d'années, il arrivera donc que l'Europe sera divisée en un certain nombre de grands marchés.
Dans cet état de choses serait-il
avantageux pour
Nous pourrions, il est vrai, nous
procurer, dit on, la jouissance exclusive du marche intérieur.
Mais est-ce que nous nous la procurerions par le système prohibitif absolu ? Ou
seulement chercherons-nous à nous assurer ce marché par une protection sage ct
modérée de notre industrie ?
Le système prohibitif qui pèse en ce moment
sur l'Europe peut être tolérable dans de vastes Etats, possédant un grand
marché ; peut-être même que temporairement ce système leur a été avantageux en
procurant du développement à leur industrie, en face surtout d'une rivale aussi
redoutable que l'Angleterre ; mais pour un petit pays accessible partout à la
fraude et doué d'une force énorme de production, je craindrais beaucoup que la
seule possession du seul marché intérieur ne lui suffise pas pour développer
toutes ses forces industrielles.
Du reste, messieurs, je me hâte de le
dire, aussi longtemps que les puissances voisines resteront renfermées dans
leurs murailles de douanes, je pense que l'industrie indigène doit être
protégée, non pas par des droits prohibitifs, mais par des droits sages, modérés
et en même temps réels et non point illusoires, qui donnent enfin à nos
produits un avantage suffisant sur le marché intérieur vis-à-vis des produits
étrangers. Il serait bizarre, d'ailleurs, que tous les produits indigènes
contribuassent aux revenus du trésor, et que les produits étrangers n'y
contribuassent pas.
Messieurs, ce n'est pas le moment de
traiter les grandes questions de notre législation douanière, et de notre
système maritime et commercial. Quand le moment en sera venu, et que ces questions
seront à l'ordre du jour, je me réserve d'émettre mon opinion à cet
égard. En attendant, je voterai en faveur du projet ; mais je ferai encore
remarquer que la convention ne donne qu'une position précaire et transitoire en
quelque sorte à
M. Van Cutsem. -
Messieurs, quel est celui d'entre nous qui n'ait été péniblement affecté en
lisant le traité de commerce conclu entre
Avant 1830, la plupart des produits
français étaient frappés de droits très élevés à leur entrée en Belgique ;
depuis la révolution, le système de protection fut sensiblement affaibli, et le
tarif néerlandais fut entièrement changé à l'avantage de
Si nous avions eu plus d'énergie,
messieurs ; si, à chaque aggravations de tarif que
Nos sacrifices, comme vous le soutenez,
me dira-t-on, sont immenses, mais nous ne les faisons pas pour rien,
Si nos négociateurs avaient bien compris
la position de l'industrie linière belge, ils auraient demandé à
Nous ne retirerons encore qu'un faible
avantage de la clause relative à la navigation sur les eaux intérieures de
Pour des avantages aussi incertains,
aussi peu importants, nous sommes forcés de sacrifier les intérêts du trésor,
de lui faire éprouver une perte annuelle de douze ou quinze cent mille francs,
d'en faire sortir des sommes qui y étaient déjà entrées pour accorder aux
marchands de vin la restitution des droits payés en trop, eu égard aux droits à
acquitter après la ratification du traité de commerce, restitution que personne
ne peut leur refuser. Nous devons anéantir la fabrication naissante de la
soierie, nous devons empêcher l'extension de la culture de la vigne sur notre
territoire, nous ne pourrons plus établir sur notre littoral des salines à
l'instar de celles de Normandie, et enfin nous nuirons encore à nos brasseries
auxquelles le vin viendra faire concurrence ; pour des avantages aussi douteux,
nous allons nous mettre sous la dépendance d'une grande puissance, ce qui
présente des dangers immenses, nous allons aliéner une partie des droits que
possède une petite nation de quatre millions tout aussi bien qu'une nation de
trente-quatre millions d'hommes ; nous nous engagerons, sans nous réserver le
droit d'examen, le droit de discussion avec
Tout homme qui a le cœur bien placé ne
peut accepter de pareilles conditions qu'avec douleur, et le pays devrait se
désespérer en voyant où nous en sommes réduits si le traité, quelqu'onéreux qu’il soit pour nous, ne nous laissait au
moins entrevoir que le gouvernement va changer son système commercial, et
abandonner les principes du laisser faire et du laisser aller, qui a été en
vigueur sous ses prédécesseurs et sous sa propre administration, pour adopter
des droits protecteurs qui aujourd’hui est apprécié à peu près par tout le
monde, tandis qu'il n'y a que deux ans, on ne combattait pas seulement ses
partisans, mais on allait jusqu'à déverser le ridicule sur eux. On nous vantait
la liberté de commerce, comme si on ne l'avait jamais mis en pratique, comme si
les nations n'en avaient pas fait la triste expérience avant d'en venir au
système de protection, comme si l'histoire commerciale n'avait pas été pour
nous apprendre que lorsque la liberté de commerce existait une ou deux nations
s'emparaient, parce qu'elles excellaient dans la fabrication de tel ou tel
produit, du monopole du commerce, et empêchaient par leur concurrence tous les
peuples avec lesquels elles étaient en relation, de développer leur
fabrication. On parle de cette liberté commerciale, comme si nous ne savions
pas que le Vénitiens, avec un système de protection, ont été la première nation
mercantile du globe ; comme si nous ne savions pas que les nations qui, de nos
jours, ont protégé leur commerce et leur industrie, ont acquis une prospérité
plus ou moins grande, suivant que le régime économique qu'elles ont pu adopter
a été plus ou moins étendu, plus ou moins sévère, et que c'est à cette cause
que
Je dis et je soutiens, l'histoire
commerciale des peuples à la main et fort des faits qui se sont passés de nos
jours, que la liberté commerciale n'est qu'une déception. Et qui n'en serait
pas convaincu, quand on voit où en sont réduites la plupart de nos industries
par suite de cette facile admission des marchandises étrangères sur notre
territoire depuis une douzaine d'années ; qui n'en serait pas convaincu en
apprenant que nos importations dépassent le chiffre de nos exportations de plus
de quarante millions par an ; encore quelques années de pareille prospérité et
C'est en espérant que le passé nous
servira de leçon, que je donnerai un vote affirmatif à la ratification du
traité que la position toute spéciale du pays ne me
permet pas de repousser comme je devrais le faire dans des temps ordinaires.
M. de Baillet. - Messieurs, nous sommes en présence d'une loi d'une nature toute
spéciale, d'une loi à laquelle des changements de rédaction peuvent être
proposés, mais qui ne souffre pas d'amendement atteignant le fond des choses.
Une convention commerciale est soumise à notre approbation, il faut la prendre
dans son ensemble, la repousser ou l'adopter. Ainsi, s'il se trouve des
industries, je ne dirai pas sacrifiées, mais oubliées dans cette convention
destinée à régler avec
Telle n'est pas mon intention, et
pourtant j'appartiens à un arrondissement dont l'industrie souffre cruellement
et souffre depuis longtemps. Je ne veux pas m'opposer à ce que justice soit
accordée à une partie du pays, mais si d’autres parties crient moins haut, ne
font pas de levées de députations, ne menacent pas en quelque sorte d'un
soulèvement, je ne pense pas que ce soit une raison pour que la sollicitude du
gouvernement fasse défaut.
De toutes les industries du pays, la
forgerie au bois est peut-être la seule pour laquelle le gouvernement n'ait
jusqu'à présent rien fait ; malgré son état notoire d’embarras et de détresse
on ne semble pas y songer. Une partie de ses produits pourrait trouver un
écoulement en France si les droits sur les fontes n'y mettaient obstacle, si
aussi les droits sur les fers forges n'équivalaient pas à une prohibition.
La détresse de cette industrie, à
laquelle on ne saurait reprocher d’avoir forcé la production au-delà de ses
limites naturelles, est signalée par la fermeture de plusieurs usines
importantes ; elle est indiquée encore par une baisse dans les prix de vente
des fers, hors de proportion avec la diminution dans le prix des matières
premières, telles que le bois et le minerai.
Les maîtres de forge d’entre
Sambre et Meuse réunis à Philippeville le 5 du mois dernier ont adressé à M. le
ministre de l'intérieur une pétition tendant à obtenir :
1° Que le gouvernement négociât
avec
2° La suppression du droit de
balance de 10 centimes à la sortie des fontes. Ce droit insignifiant sous le
rapport fiscal est onéreux aux maîtres de forges, en raison des formalités
qu’ils ont à remplir.
Aucune réponse n'a été faite par
M. le ministre à cette pétition, et nous avons lieu de croire que, pressé par les clameurs des Flandres qui ont trouvé le bon
moyen de se faire écouter, le gouvernement s'est hâté de conclure la convention
qui nous est soumise, sans s'occuper le moins du monde de l'industrie
métallurgique.
Je crois de mon devoir de provoquer à ce
sujet des explications. Je demande formellement à M. le ministre de l'intérieur
quelles sont les intentions du gouvernement, quelles sont aussi ses espérances.
Je
ne puis pas penser que dans le cours des négociations, les mots industrie
métallurgique n'aient pas été prononcés, je prie M. le ministre de nous
dire si une industrie vitale pour le pays doit succomber, si elle n'a rien à
attendre parce qu'elle a longtemps souffert en silence.
Il est temps que l'on établisse enfin un
juste équilibre entre toutes les industries du pays et que
l'on mette fin à cette prédilection constante pour celles qui réclament le plus
vivement.
M. le ministre des affaires étrangères (M.
de Briey) - Messieurs, je suis heureux d'avoir à
constater qu'aucun reproche bien grave n'a été fait jusqu'à ce moment à la
convention soumise à votre examen ; l'honorable M. Lys a témoigné le regret que
la convention n'ait point été étendue aux fils de laine. Le gouvernement est
loin de méconnaître l'importance de cette industrie, mais lorsqu’au travers
d’une négociation plus complète, une mesure nécessaire pour
Il en est de même des ardoises. Obtenir
sur cette question le maintien du statu quo était déjà un succès dans la
vive discussion que cet article a soulevée, et nous avons été forcés sur cet
article, comme sur tous ceux qui ne regardent pas les fils et les toiles, de
laisser à l'avenir la régularisation de nos relations internationales.
Cette nécessité de borner la négociation
à l'unique question des fils et des toiles peut aussi servir de réponse aux
questions posées par l'honorable comte de Baillet. Toutefois, quant aux
ardoises le gouvernement a l'intention d'accorder à nos ardoises le seul
avantage qu'il lui soit possible de leur accorder sur le transit, celui d’une
diminution à leur sortie de Belgique. M. le ministre des finances se propose de
vous présenter incessamment cette disposition dans le projet de loi qui établit
cette diminution.
On nous a cependant fait un reproche
d'avoir, au profit d'une seule industrie, imposé des sacrifices à l'Etat et à
d'autres industries qui en avaient un aussi pressant besoin. On a dit que nous
aurions dû comprendre dans le traité quelques autres articles de notre tarif.
Ce grief, messieurs, quelque grave qu'il
paraisse, me sera une occasion de remettre l'état des choses sous son véritable
jour.
Depuis l'avènement du nouveau cabinet,
des relations de
Ainsi donc, nous sommes venus au secours
des lins parce que les lins étaient surtout menacés par l'ordonnance, comme
nous l'eussions fait, en pareil cas, pour les houilles, les fers et pour les
fils de laine, s'il eût y eu quelque chose de possible pour eux, et nous
croyons d'autant moins avoir, par cette conduite, fait tort aux autres
industries et au trésor, que, d'une part, la voie des arrangements est loin
d'être fermée entre
Cette nécessité d'un secours prompt et
immédiat doit faire sentir l'inanité de toutes mesures de représailles dont le
premier effet serait retombé sur nous. L'expérience tentée de 1822 à
M. Vandenbossche. - Messieurs, dans la situation où nous nous
trouvons, je regarde comme un devoir de ratifier le traité du 16 juillet, quels
que soient les sacrifices auxquels il nous oblige de souscrire ; cependant,
quand j'envisage le but que nous nous proposons, je me dis alors que, par le
traité seul, nous ne sommes pas en état de l'atteindre. C'est la misère que
l'on rencontre dans les deux .Flandres qui a fait solliciter et conclure le
traité. La cause de cette misère, c'est la ruine de l'industrie linière, qui
rendait jadis ces provinces les plus heureuses du globe, tout en faisant la
gloire de
Pour le conserver nous devons toujours
pouvoir lui livrer mieux qu'elle ne soit en état de produire elle-même, nous
devons continuer à lui livrer nos anciennes et inimitables toiles des Flandres.
Au surplus notre industrie linière demande d'autres marchés que celui de
Si je désespérais de pouvoir relever
notre antique industrie linière, le filage à la main ; si je n'avais en vue que
nos seuls établissements de filatures à la mécanique, je voterais contre le
traité, quel que soit mon désir de favoriser toutes les industries de mon pays,
par la raison que je n'y trouverais que des avantages éphémères qui ne
pourraient en aucune manière compenser les sacrifices qu'il nous impose. Mais
j'espère que nous pourrons la soutenir et la faire briller encore, et je suis
assez heureux de trouver des industriels qui partagent mes espérances. La
protéger est le seul but que je me propose dans l'adoption du traité. Mais,
comme je l'ai dit, le traité, à lui seul, est insuffisant, nous devons lui
donner d'autres protections. Mais quelles protections pouvons
nous lui donner ? Je ne suis pas un industriel, je ne pourrais pas vous
les énumérer toutes, il me suffit que nous devons la protéger, que nous devons
la tenir debout, coûte que coûte, si nous ne voulons renoncer, sous peu
d'années, à toute exportation de fils ou de toiles quelconques.
Dans une autre occasion, dans la séance
du 29 janvier 1841, je vous ai signalé trois causes auxquelles j'attribuais
l'inondation du pays par les fils filés à la mécanique au détriment de nos fils
filés à la main. C'était, dis-je :
1° La faculté pour le marchand
d'étendre ses opérations ;
2°
La facilité du tisserand de se procurer ces fils de la finesse voulue, et,
3° L’ignorance où l'on est encore
de leur valeur respective avec nos fils filés à la main.
Toutes ces causes se conçoivent sans que
l’on soit industriel. Les fils filés à la main ne sont pas numérotés. On doit
les acheter au marché et les payer comptant.
Les
fils filés à la mécanique sont tous numérotés et s’obtiennent à crédit.
Les fils filés à la main sont
plus ou moins égaux, plus ou moins bien confectionnés.
Les
fils filés à la mécanique ont tous un filament égal et le même confectionnement.
De là résulte, que pour faire le
commerce de fil filé à la main, on a besoin de grandes connaissances et de
grandes sommes à y placer.
Au contraire, pour faire le commerce de
fil filé à la mécanique, on n'a besoin ni de connaissances ni d'argent, il
suffit d'avoir du crédit.
Par ces raisons, beaucoup de
négociants se jettent sur les fils filés à la mécanique, et les mêmes causes
influent également sur le tisserand ; ensuite, comme chacun est naturellement
enclin à prôner sa marchandise et à déprécier les autres, ils prônent le fil
filé à la mécanique, et finissent par égarer le public sur la valeur respective
des deux fils.
Un respectable habitant d'Alost, voulant
éclairer le public, a acheté un kilogramme de fil à la mécanique et un
kilogramme de fil filé à la main, l'une et l'autre de la même finesse et d'un
même prix, le fil filé à la mécanique lui coûtait même deux ou trois centimes
de plus. Il a fait teindre et tordre ces deux fils en fil à coudre ; après
avoir essayé ces manipulations, il en a mesuré la longueur et la force, et son
expérience lui a démontré à l'évidence, que son fil filé à la main valait 20
pour cent de plus que son fil filé à la mécanique. Il a envoyé ces deux fils
avec une explication du mode et du résultat de son expérience à la commission
de l'industrie linière, avec offre de faire une expérience analogue sur la
toile. La commission tardant à lui en accuser réception, il a publié son
expérience dans un ou deux journaux. Eh bien ! quel
résultat en a-t-il finalement obtenu ? Une lettre de la part de la commission
qui lui en accusait la réception, et de la part de quelques journaux des
critiques. Son expérience ne menait à rien ; il aurait dû prendre des fils de
la même qualité de lin ; il aurait dû les teindre de la même couleur ; la
couleur rouge appliquée au fil mécanique, mangeait le fil et énervait sa force.
Il a fait un défi à ces criards, aux frais de celui qui aurait eu tort, de
recommencer son expérience, qu'il aurait fait teindre le fil filé à main en
rouge et le fil mécanique en bleu, couleur que l'on dit fortifier les fibres du
fil et qu'il serait arrivé au même résultat. On ne lui a plus répondu et le
tout est resté là. C'est cette expérience que je demandais, le 29 janvier, de
faire imprimer par le gouvernement et de faire publier dans toutes les
localités où l'industrie linière s'exerce, non pas une seule fois, mais tous
les dimanches après le service divin. C'est cette expérience que je voudrais
encore voir renouveler, de toutes les manières, afin d'en connaître au juste la
vérité.
J'en ai parlé en dehors de la chambre,
on m'a répondu que cette expérience ne venait plus à propos, vu l'immense
amélioration de la filature à la mécanique depuis 1839. Ce nonobstant, je
voudrais, moi, qu'on en fît de nouvelles, dans l'état actuel des choses, assuré
qu'elles tourneraient encore au profit de la filature à la main.
Nous avons dépensé tant de milliers de
francs pour l'enquête sur l'industrie linière qui nous a appris si peu de
chose, ne conviendrait-il-pas de sacrifier encore 4 ou 500 francs, pour nous
assurer sur le mérite et la valeur respectifs des deux espèces de fil, ce qui
nous apprendrait tant ? Il serait possible que cette seule connaissance,
divulguée dans toutes les localités, relèverait la filature à la main de
l'abaissement où elle se trouve.
Toutefois elle a besoin d'autres
protections plus directes. Nous devons savoir tous que c'est le bon lin qui
produit le bon fil, comme c'est le bon fil qui produit la bonne toile. D'où il
suit que, malgré sa grande supériorité, la filature à la main, n'ayant qu'une
qualité médiocre de lin à travailler, ne pourrait soutenir la concurrence avec
la mécanique, si celle-ci travaille la première qualité de nos lins. Or, nous
savons que l'étranger accapare nos premières qualités de lin. Il n'attend même
plus qu'il soit serancé ou teillé, il vient l'acheter
sur pied. Nous savons d'ailleurs que nos fileuses en général sont pauvres, au
point de ne pas pouvoir toujours se procurer le mieux de ce que l'étranger nous
laisse ; ceci passe encore à nos filatures mécaniques indigènes. Si donc nous voulons
soutenir notre antique industrie linière, et la faire briller à toujours sur
les marchés étrangers, nous devons lui procurer cette première qualité de lin.
Si nous voulons d'ailleurs que nos filatures mécaniques indigènes aient un
avenir, nous devons mettre des bornes à l'exportation de nos premières qualités
de lin, nous devons décréter des droits à la sortie.
Comment procurerons-nous ce lin de
première qualité à nos pauvres fileuses ? cette
protection sera-t-elle suffisante, dans la détresse où se trouve le filage à la
main ? Quelles autres protections le gouvernement pourrait-il leur accorder ?
Toutes ces choses sont à examiner. II suffit que nous devons
la soutenir si nous voulons donner un avenir à nos exportations. Il suffit que c'est la détresse de cette seule industrie qui nous oblige à
accepter le traité, et que les avantages qu'il nous offre seront de peu de
durée, si nous ne parvenons pas à la faire revivre.
Au surplus pénétrons-nous bien que c'est
la nécessité seule de son adoption qui puisse justifier le traité à notre égard
aux yeux des autres puissances et nous soustraire à des conséquences fâcheuses.
Pour développer cette thèse je devrais entrer dans de longues considérations
politiques, et remonter aux actes de 1815 et du traité des
24 articles, ce qui m'entraînerait trop loin, j'y renoncerai pour le moment.
M. de
Roo. - On ne peut raisonnablement s'opposer au traité
en discussion que : 1° par l'ignorance du mal immense qui affecte l'industrie
linière, et auquel il est si nécessaire de porter un prompt remède ; ou 2° par
l'indignation qu'on éprouve de devoir faire de nouveaux sacrifices à
Mais malheureusement le mal n'est que trop
réel ; et les démonstrations, faites par les notabilités du pays où l'industrie
linière s'exerce particulièrement, ne l'ont que trop confirmé pour pouvoir en
douter encore.
Aussi l'indignation qu'on éprouve n'est
pas moins fondée ; on nous prend pour un pays ami, et ou nous traite comme ses
plus cruels ennemis ; on ruine tour à tour nos industries, et notre mauvais
système de douanes les seconde singulièrement dans leurs entreprises.
Nous avons perdu notre industrie
huilière, si florissante et si répandue autrefois parmi tout le pays. Les
graines oléagineuses entrent librement en France ; nos huiles y sont repoussées
par des droits exorbitants, et ils nous envoient leurs tourteaux à des prix
qu'ils fixent à volonté, puisqu'on ne peut s'en passer pour l'agriculture.
Les blanchisseries belges, naguères si renommées,
ont disparu tout à tout sous le même système. Les teintureries les ont suivi de près.
Nos meilleurs lins sont enlevés par les étrangers,
et tout cela grâce au tarif des douanes.
Il est donc urgent de remanier tout le tarif, de
l'approprier à nos besoins commerciaux et industriels, et de s'entourer de
spécialités à cet effet, de former un concours afin de voir sortir, au moins
une fois, un bon œuvre financier digne du pays et du ministère.
Mais qu'on ne s'y trompe pas, l'ordonnance ne fera
que végéter l'industrie linière, car nos toiles resteront toujours frappées de
15 à 20 p. cent avant d'être admises sur le marché français ; ce n'est donc pas
avec si grande faveur que nous devons accueillir le bienfait du traité ; lequel
cependant, combiné arec d'autres mesures à prendre, soit à l'intérieur, soit à
l'extérieur, pourra produire un effet salutaire sur cette intéressante classe
d’industriels qui reprendront courage, entrevoyant une lueur de prospérité qui
leur est si nécessaire dans la profonde adversité où ils se trouvent.
Inutile de dire tout ce que le ministère peut
faire encore en faveur de l'industrie en général du pays : mais un traité avec
l'Espagne nous serait d'un grand avantage et aurait cet effet, que, si
Que
Nous acceptons le traité comme une nécessité actuelle,
tout en engageant le ministère à ne pas perdre de vue ce qui pourrait arriver à
l'avenir, et de se préparer dès à présent à des mesures
propres à parer le coup pour le cas échéant.
M.
Delehaye. -
Messieurs, la plupart des membres qui ont pris part à la discussion qui nous
occupe, vous ont dit que la nécessité serait le seul mobile du vote qu'ils
émettraient. Moi aussi, j'obéis à cette nécessité, mais, avant tout, il
m'importe de faire connaître à qui il faut attribuer cette nécessité où nous
nous trouvons.
Messieurs, souvent dans cette enceinte, quand il
s'est agi de l'industrie linière, j'ai été l'organe de mes compatriotes en
disant que le gouvernement négligeait cette industrie, que le gouvernement ne
prenait pas les mesures qui tôt ou tard pouvaient la relever, et que le défaut
de ces mesures aurait pour résultat qu'incessamment cette industrie serait
anéantie.
Le gouvernement, dans la convention qui nous est
soumise a, d'après moi, méconnu les intérêts du pays. Tout ce qui a été dit
dans cette enceinte par les députés des Flandres aussi bien que par les députés
des autres provinces, rentre dans mon opinion à cet égard.
Il eût été facile, pour des hommes ayant quelque
connaissance de la position industrielle de
D’un autre côté,
Par cette convention vous accordez à
Comment se fait-il alors qu'on ait fait à
II y a un an, mes amis et moi nous avons signalé
la perte qui devait résulter pour l'industrie linière de l'amendement de M. Delespaul. Ces amis et moi, nous avons fait remarquer les
conséquences qui devaient résulter, pour notre industrie, de la mesure prise
contre les blondines. Quand
Ces hommes avaient-ils de quoi forcer
En lisant le rapport de M. Cunin-Gridaine, j'ai vu que le ministère avait commis la faute la
plus grave, j'ai vu que le motif pour lequel la députation n'a rien fait, c'est
précisément parce qu'elle n'a pas voulu prêter la main aux exigences du
gouvernement français. En effet, que dit M. Cunin-Gridaine ? Que les négociations entamées avec
Ces négociations durent depuis plus d'un an et
chaque fois que j'ai interpellé le ministère sur l'état des négociations, il a
toujours répondu qu'elles n'étaient pas terminées, qu'elles n'étaient pas
rompues. Voilà ce qu'il a continuellement avancé.
Vous venez de voir que, dès le principe, le
gouvernement français a demandé ces concessions, le gouvernement belge a
continué à négocier et il a fini par concéder ce qui avait été primitivement
demandé.
Je suis étonné que, contrairement à ce qui se
passe dans les pays constitutionnels on n'ait pas déposé sur le bureau toutes
les pièces se rattachant à la convention, comme cela se fait en France et en
Angleterre. Si on l'avait fait, nous aurions pu nous éclairer sur la marche
qu'a suivie la négociation.
Mais il est clair que, dès le principe, on a
négocié sur la base de concessions à faire à
Le seul moyen de diminuer la consommation du vin,
c'est de hausser le droit ; le diminuer n'augmentera point l'importation, parce
que le prix du vin seul est un obstacle à une plus grande consommation.
Mais le gouvernement français a dû se soumettre
aux exigences des département vinicoles. C'est pour
cela qu'il a insisté. Et comme le gouvernement belge a été assez bon pour faire
de pareilles offres, le gouvernement français devait en tirer avantage.
J'ai commencé par vous dire que le gouvernement
belge avait fait preuve d'ignorance complète des besoins de notre industrie. Je
vais le prouver :
Elle savait aussi qu'il n'en était pas de même de
l'industrie belge, que la production de celle-ci était limitée, elle savait
qu'il était impossible que
Comment se fait-il que
Vous voyez donc que, si j'ai commencé par faire
des reproches au gouvernement, j'ai eu raison, car ces négociations ont été
entamées avec légèreté, pour ne rien dire de plus.
Je dois un mot de réponse à un honorable membre
siégeant à ma droite, qui croit que le gouvernement, en admettant la
convention, n'a fait que céder aux clameurs des Flandres.
Ce qu'il appelle des clameurs n'a été que des
démarches très constitutionnelles. Quelques députations se sont adressées au
Roi et au gouvernement pour exposer la position malheureuse de notre industrie
et l'engager à prendre, pour la relever, les mesures que la dignité et
l'intérêt du pays exigeaient. Ce ne sont pas là des clameurs. Ces députations,
dont j'ai eu l'honneur de faire partie, ne sont pas sorties des limites
constitutionnelles. Si les Flandres sont sorties, en cette circonstance, de
leur apathie ordinaire, c'est que, depuis quelque temps, des mesures de toute
nature avaient été prises contre elles, elles avaient vu détruire toutes leurs
industries.
Cependant, pour ma part, je n'ai pas voté contre
les mesures prises dans l'intérêt du Hainaut, contre la construction du canal
de l'Espierre que le Hainaut réclamait et qui devait nuire aux Flandres.
Quelles sont celles de nos industries qui soient encore florissantes ? Elles sont
presque toutes anéanties. La seule qui avait conservé quelqu'apparence
de vie n'a pas fait entendre des clameurs, mais s'est présentée aux ministres
et au Roi pour exposer en termes convenables sa misère et ses besoins. Si j'ai
commencé par dire que dans toute autre circonstance j'aurais repoussé le traité
qui nous est soumis, c'est parce qu'il nous impose des sacrifices
considérables.
Cependant l'impartialité m'oblige à vous exposer
les avantages du traité. Il éloigne l'Angleterre du marché français ; cet
éloignement est une concession accordée à toute
Eloigner l'Angleterre du marché français c'est
faire un pas vers la suppression des douanes. Ce ne sera pas seulement
l'industrie linière qui y gagnera, mais toutes les industries y trouveront leur
profit. L'industrie houilleresse, par exemple ; l'Angleterre fournit une grande
quantité de houilles à
D'un autre côté,
M. Demonceau. - Je ne puis partager l'opinion de l'honorable
préopinant que la convention faite avec
Que diraient-ils donc si les produits de
l'industrie linière étaient prohibés en France, comme le sont ceux de
l'industrie drapière ? Vous devriez alors faire ce que fait l'industrie
drapière, vous contenter du marché intérieur. Non seulement la convention
établit à toutes nos frontières des droits exorbitants en faveur de vos
produits, mais encore on fait un sacrifice d'un million pour vous conserver le
marché de
Qu'est-il arrivé, en 1838, lorsque nous avons voté
la loi, qui était une concession faite à
Les tissus de laine sont en général frappés en
Belgique d’un droit de 2 fr. 50 c. par kilogrammes, ou 250 fr. les
J'espère que mes observations engageront le
gouvernement à faire droit aux justes réclamations des producteurs de fils et
tissus de lin, et à prendre une mesure quelconque, par une loi ou autrement.
Je ne
veux en aucune manière entraver nos relations avec
M. de Brouckere. - Si la convention conclue entre le
gouvernement belge et le gouvernement français nous avait été présentée avant
l'apparition de l'ordonnance du 26 juin, je regarde comme certain qu'elle eût
été rejetée à une grande majorité, comme contraire à nos intérêts et surtout
comme compromettant avenir.
Au point où les choses en sont venues, et sans
rechercher si l’on n'a point manqué de prévoyance et de fermeté, je crois qu’il
y a nécessité d'approuver la convention ; mais en me soumettant à cette nécessité,
je tiens à déclarer que je ne me dissimule pas quels seront, bien moins
aujourd'hui que plus tard, les désastreux résultats qu'elle
aura pour ce pays.
M. Jadot. - Messieurs, les droits déjà si élevés que
payaient les fils et les toiles de lin à leur entrée en France, viennent d’y
être considérablement augmentés.
L'industrie linière qui se soutenait avec peine,
semble aujourd'hui menacée d'une ruine complète.
Ce danger a vivement ému les fileurs et les
tisserands en grand nombre, qui vivent de cette industrie dans les deux
Flandres, et le gouvernement lui-même s'en est ému ; 600,000 ouvriers à la
veille de se trouver sans travail, deux riches provinces devant bientôt offrir
l'affligeant spectacle que présentent aujourd'hui plusieurs districts
manufacturiers de l'Angleterre ; l'irritation toujours croissante des esprits,
la révolte peut-être, tout cela était bien fait pour éveiller sa sollicitude et
l'obliger à aviser au moyen de venir en aide à cette industrie ; c'est ce qu'il
a fait en signant la convention qu'il soumet aujourd'hui à votre approbation.
Il serait bien inutile d'en discuter le mérite,
puisque nous n’avons que l'alternative de la rejeter ou de l'accepter telle
qu'elle est, mais me croyant obligé dans cette grave circonstance à motiver mon
vote, je vais examiner brièvement les concessions qu'elle renferme, si ces
concessions sont, comme on le prétend, compatibles avec la dignité et les
intérêts généraux du pays.
Dans cette circonstance nous n'avons pas traité
avec
Par cette convention
Malgré mon vif désir d'aider le gouvernement à
faire sortir l’industrie linière de l'état de détresse dans lequel elle se
trouve, il m'est impossible de reconnaître que de semblables concessions sont
compatibles avec la dignité du pays. J'en dis tout autant de la permission que
Toutes les industries étant en souffrance,
l'intérêt général ne peut se résumer dans la seule industrie linière qui, comme
toutes les autres industries, doit subir les conséquences des procédés nouveaux
introduits dans la fabrication.
Il est impossible que la fabrication à la
mécanique, qui n’emploie qu'un petit nombre de bras, ne tue pas, en très peu de
temps, en Belgique comme ailleurs, la fabrication qui emploie 600,000 fileurs
et tisserands et coûte beaucoup.
Notre industrie linière, pas plus
qu'aucune autre, ne peut rester stationnaire ; déjà des industriels belges ont
établi des ateliers qui font concurrence à nos fileurs dans les Flandres, mais
bientôt d'autres ateliers feront concurrence à nos tisserands. Il est donc très
vraisemblable que la fâcheuse position dans laquelle l'industrie linière se
trouve aujourd'hui sera bien plus fâcheuse encore à l’expiration du terme fixé
pour la durée de la convention, et que restera-t-il alors ? Les impôts
que vous aurez créés ?
L'exposé des motifs du projet de
loi évalue à 400,000 fr. la diminution que les concessions faites à
L'augmentation
que devront subir les impôts sera vue de mauvais œil partout, même dans les
Flandres, parce que partout on trouve que les charges sont déjà assez lourdes.
Elle mécontentera surtout les
contrées pauvres, désintéressées dans cette question industrielle et qui,
jusqu'à ce jour semble n'appartenir à la communauté belge que pour en supporter
les charges. En effet, vous savez l'inutilité de leurs demandes pour obtenir
les routes et les canaux dont l'absence est pour elles un obstacle
insurmontable à l'amélioration de l'agriculture, leur unique ressource.
Des concessions nous étaient dues
par
Les deux gouvernements n'ayant pu
s'accorder sur les moyens de trancher ces difficultés,
Je suis loin de croire que notre
gouvernement ait consenti d’avance à accepter la position dans laquelle nous
nous trouvons, afin d'obtenir comme une nécessité notre consentement aux
sacrifices qu'il a consentis. Je crois, au contraire, que la mesure hostile à
notre industrie linière a fait sur lui la fâcheuse impression qu'elle a
produite dans tout le pays. Comment se fait-il toutefois qu'il n'ait pas
compris que le jour même où l'ordonnance du 26 juin a été connue, la dignité du
pays exigeait que l'on usât de représailles envers
De toutes les conséquences de cette
convention, la plus déplorable, à mon avis, c'est la déconsidération dont elle
nous frappera à l'étranger, lorsque l'on verra l'asservissement de notre
gouvernement aux exigences, aux volontés de
Je ne suis pas insensible aux
souffrances des populations des Flandres. Je voudrais personnellement pouvoir
leur venir en aide. Mais la seule considération que cette
convention porte une grave atteinte à l'honneur du pays, aurait suffi pour
motiver mon vote négatif. L'honneur avant tout !
M. Lebeau. - Mon
intention n'était pas de prendre part à cette discussion. Décidé à voter pour
l'adoption du traité, je croyais pouvoir me dispenser de prendre la parole ;
mais M. le ministre des affaires étrangères a paru attribuer au silence des
membres de la chambre une signification que, pour ma part, je ne puis admettre.
Mon vote emporte la reconnaissance d'une espèce de contrainte morale, d'une nécessité
que je subis. Mais je ne voudrais pas qu'il emportât, aux yeux de. M. le
ministre des affaires étrangères, l'approbation des négociations dont la
convention actuelle est le résultat.
Il est infiniment regrettable
d'avoir à discuter une convention dont l’adoption est, à tort ou à raison,
regardée par plus de deux cent mille malheureux ouvriers comme une loi de
salut. Lorsque de telles opinions ont été accréditées dans le pays, je dis
qu'il y a une véritable contrainte morale qui pèse sur la législature.
Mais
je crois devoir protester contre l’idée que nous ne trouverions rien à redire
dans les négociations qui ont amené la convention. Admettre une telle
interprétation, ce serait supposer d'abord que nous avons connaissance des
négociations ; or, elles nous sont inconnues. Peut-être, si des intérêts graves
n'avaient pas à en souffrir, le gouvernement devrait-il faire connaître ces
négociations pour se soustraire au reproche de les avoir conduites de manière à
laisser paraître l’ordonnance du 26 juin sans exception en faveur de
Si l’on était disposé à offrir ces
compensations, je me demande comment l’on n'a pas conclu avant la publication
de l'ordonnance du 26 juin. La publication de cette ordonnance, sans exception
en faveur de l'industrie linière belge , dans l'état
où se trouvait cette industrie, d'après l'opinion du moins de ceux qui plaident
le plus vivement sa cause, dépouillait le gouvernement et la législature de
leur liberté d’action.
Le gouvernement, en laissant paraître
l'ordonnance, sans qu'elle contînt une exception pour
La chambre sait que je n'ai jamais été
le prôneur d'une politique compromettante et aventureuse. La chambre sait bien
que j'ai toujours, lorsqu'il s'est agi des relations internationales, montré la
plus grande réserve, la plus grande modération. Mais une modération à laquelle
je ne puis condescendre, c'est celle qui consiste à déclarer, à avouer sa
faiblesse, en face d'un gouvernement avec qui on pouvait, grâce à une position
tout exceptionnelle, traiter d'égal à égal.
C’est donc avec peine que j'ai entendu
M. le ministre des affaires étrangères décrier ici le système des représailles.
Je ne conseillerai jamais légèrement des représailles ; mais je dis qu'un
gouvernement qui fait à la tribune la critique absolue des moyens de
représailles, dit aux gouvernements étrangers : vous pouvez tout exiger de moi,
vous pouvez me frapper avec toutes les verges, vous n’avez rien à craindre, je
ne puis, je ne veux pas vous frapper à votre tour.
Qu'il me soit permis. de le dire ; sans
exagérer la force du gouvernement belge, tout circonscrit qu'est notre territoire,
par la richesse du sol, par la richesse des habitants, par nos belles et
populeuses villes,
Messieurs, la chambre est pressée
d'adopter le traité ; je ne m'étendrai pas sur ces considérations générales :
Je dis seulement que, par suite de la situation dans laquelle on s'est trouvé
après la publication de l'ordonnance,
Si de ces considérations générales, je
descendais à l'examen de la convention, j'y vois, messieurs, deux dispositions
qui me semblent appeler une critique légitime. On y voit d'abord inscrites une
dépendance tout à fait insolite et complètement superflue de notre gouvernement
envers le gouvernement français. Le second § de l'art 1er est ainsi conçu :
« Le gouvernement de S.M. le Roi
des Belges s'engage d'ailleurs à appliquer à l'entrée des fils et tissus de lin
ou de chanvre par les frontières autres que celle limitrophe, des droits
semblables à ceux qui sont ou pourront être établis par le tarif français
aux frontières analogues, etc. »
Ainsi, voilà le gouvernement belge qui
se soumet à enregistrer aveuglément dans son tarif toutes les modifications
qu'il plaira au gouvernement français d'introduire dans son tarif sur les fils
et tissus de lin. Je concevrais, messieurs, que dans une situation donnée, le
gouvernement français demandât que le gouvernement belge vînt discuter la
convenance d'une pareille mesure, mais elle devrait être l'objet d'une
négociation, d'une convention ultérieure. Dans les statuts même de l'union
douanière allemande, quand il s'agit de modifier les tarifs, il faut le
concours de tous les intéressés. On n'a pas accordé au gouvernement prussien,
par exemple, la faculté de modifier à lui seul le tarif de l'union. Cela
devient l'objet d'une convention spéciale ; on n'a reconnu à aucun gouvernement
de l'union la faculté de modifier à lui seul les dispositions du tarif.
Cette clause me paraît difficile
à justifier ; elle n'était pas indispensable ; je ne crois pas que la
convention en dépendît.
Je dois dire aussi que si la
disposition relative aux octrois peut se justifier en principe, on pouvait
l’atténuer dans sa rédaction et dans sa portée. Je concevrais qu'on eût fixé
une proportion maximum de droits que les octrois n’auraient pu dépasser.
Mais voyez quelle va être la position de certaines villes dont le tarif sur les
vins étrangers est très modéré.
Les villes qui ont frappé d'un droit
élevé les vins étrangers, conserveront les avantages de leur tarif ; mais
d'autres villes qui peuvent avoir des besoins financiers nouveaux et des villes
qui jusqu'alors auraient frappé les vins étrangers
de droits modérés, ne pourront plus, de ce chef, toucher à leur tarif. Je crois
qu'il aurait été plus juste, plus logique de fixer un maximum ; on
aurait d'ailleurs atteint ainsi le même but.
Messieurs, je crois la chambre pressée
d'en finir ; je n'abuserai pas de ses moments. Je voterai pour le traité par
les considérations que je viens d'émettre ; mais je
n'entends pas qu'on fasse résulter de ce vote mon approbation pour la
négociation qu’il a amenée.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - L'honorable préopinant ne m’a pas
bien compris ; je n'ai pas dit que les représailles étaient toujours inutiles ;
je n’ai pas formulé de système à ce sujet. Ce que j’ai dit, c’est que, dans
l’état actuel des choses, chaque gouvernement connaissant les ressources et les
exigences de l'industrie et la nation avec laquelle il négocie, aussi bien que
les siennes propres, la crainte des représailles ne pourrait l'arrêter, alors
qu'il sait que ces représailles ne seront pas sérieuses ou devront cesser
bientôt. Des velléités de représailles ne sont pas alors seulement inutiles,
elles sont encore dangereuses.
Quant aux autres points soulevés par
l'honorable préopinant, le moment de les traiter n’est pas venu. Lorsque la
discussion sera ouverte sur chacun d'eux, je me réserve de les examiner en
détail.
L'honorable membre a aussi été surpris
que la convention n'eût pas précédé l'ordonnance. Un autre honorable membre y a
trouvé en quelque sorte une preuve du manque de prévoyance, du manque de
fermeté de la part du gouvernement. Je répondrai à tous les deux à la fois. Je
pense au contraire que la publication de l'ordonnance ayant eu lieu sans que
M. Pirmez. - Plusieurs orateurs ont dit qu'ils voteraient pour
le traité, parce qu'ils y étaient en quelque sorte contraints moralement. Mais
il faut examiner si cette contrainte morale qui existe aujourd'hui n'existera
pas encore demain. Or, selon moi, la contrainte morale sera bien plus violente
dans quatre ans qu'elle ne l'est aujourd'hui. Dans quatre ans l'industrie des
fils aura pris des développements considérables, et alors on vous parlera plus
hautement, bien plus fermement qu'on ne le fait aujourd’hui. C'est le propre
des mesures protectrices d'augmenter dans l'avenir le mal qu'on n'atténue que
pour un court espace de temps.
Vous allez maintenant exclure les
fils anglais ; vous aurez obtenu une faveur en France ; il est évident qu'avec
cet état de choses, l'industrie des fils se développera considérablement d'ici
à 4 ans ; et alors, soit par la concurrence que vous fera le développement de
l'industrie française, qui aura écarté les produits. anglais,
soit encore, ce qui sera bien plus facile, par une mesure législative de la
part de
Certes je serais un des premiers à
admettre un traité avec
Ainsi, je le répète, ce traité est
absolument incomplet ; il fallait y comprendre tout ce qui concerne toutes les
industries, et alors j 'aurais pu y donner mon
assentiment. Je ne me soumets donc pas à la contrainte morale dont on a parlé,
parce que je suis persuadé que cette contrainte morale serait plus
grande à l'avenir que maintenant.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) -
Messieurs, je suis presque au regret que la chambre semble décidée à abréger
cette discussion et à tenir compte de l'urgence dans laquelle nous nous
trouvons. Une discussion générale sur notre situation commerciale et
industrielle, aurait eu un grand degré d'utilité. D'autres occasions se
reproduiront sans doute.
S'il fallait rechercher les causes de la
situation où nous sommes, il faudrait remonter très haut ; il faudrait remonter
jusqu'au congrès national, jusqu'aux premiers changements faits à notre tarif
des douanes sans qu'aucune concession réelle nous ait
été accordée. Ceci tient à des théories qui semblent aujourd'hui avoir perdu
leur empire.
Je
ne rechercherai pas non plus quels sont ceux qui se sont montrés les plus
ardents défenseurs de ces théories. Je laisse le passé à lui-même et je veux
m'abstenir de toute récrimination.
Je me permettrai cependant de rappeler à
la chambre quel est le cabinet qui, le premier, a semblé entrer dans une autre
voie. Le cabinet actuel n'existait pas lorsque la loi du 6 mai 1841, qui a fait
la première brèche, et la brèche la plus large aux concessions que
Ainsi, messieurs, le ministère actuel a
fait ce que les ministères précédents n'avaient pas fait ; il a donné quelque
action au gouvernement vis-à-vis des gouvernements étrangers en faisant revivre
l'art. 9 de la loi de 1822.
Les discours de plusieurs des honorables
préopinants peuvent se réduire à ceci : « Nous acceptons l'acte, mais nous
nous réservons de désapprouver le ministère. » Je crois, messieurs, que
l'on serait plus conséquent en rejetant également l'acte, car si des mesures de
représailles pouvaient être toutes puissantes, il y a quelques mois, de
semblables mesures peuvent encore être efficaces aujourd'hui.
Le gouvernement aurait pu obtenir une
convention portant exception à l'ordonnance du 26 juin, avant que cette
ordonnance ne fût publiée. S'il n'a pas obtenu une semblable convention, c'est
qu'il n'a pas voulu celle qu’on lui offrait ; et en effet il a obtenu
aujourd’hui des conditions meilleures à certains égards. (Marques d'étonnement.) Nous vous déclarons, messieurs, que les
conditions que nous avons obtenues sont, à certains égards, meilleures que
celles qu'on nous offrait avant que l'ordonnance ne fût rendue.
Ainsi, messieurs, il nous est démontré
que, par des représailles nous n'aurions pas pu nous soustraire aux effets de
l'ordonnance du 26 juin. Des négociations ont été ouvertes avant que
l'ordonnance ne fût rendue ; le gouvernement français a tenu ces négociations
ouvertes et elles ont amené la convention qui est en ce moment soumise à la
chambre. Il importe d'arrêter notre attention sur ce point, de ne pas perdre de
vue que la convention ne crée qu'une situation précaire ; quatre années se
passent bien vite ; c'est une espèce de convention du 21 mai pour une de nos
grandes industries.
Il ne faut pas, messieurs, vous
laisser prendre au dépourvu dans l'avenir ; il faut rechercher, le gouvernement
et les chambres doivent rechercher quelles modifications nous devons apporter à
notre système douanier, à notre système commercial et industriel. Il faut que
nous mettions à profil les quatre années que nous avons devant nous pour fonder
un système commercial et industriel. Voilà, messieurs, la véritable leçon que
moi je tire de cet incident, car je ne considère encore cet acte que comme un
incident ; c'est là la leçon que je tire de cet incident pour tout le monde,
pour le gouvernement comme pour les chambres. Vous
voudrez bien me pardonner cette dernière réflexion.
(Moniteur
belge n°215, du 3 août 1842) M. de Mérode. - Messieurs, je partagerais
l'opinion de l'honorable M. Pirmez, s'il était question d'encourager le
développement de l'industrie linière par l'exportation. Or, il ne s'agit pas de
lui donner de l'extension croissante, mais simplement de soutenir les moyens
d'existence créés d'ancienne date pour des milliers de familles ; c'est là un
besoin impérieux auquel il faut accorder une sollicitude exceptionnelle.
Nous
voyons en effet aujourd'hui dans quelle situation se trouve l'Angleterre, qui a
ainsi exploité les autres nations. Je crois qu'il faut éviter de tomber dans
cette situation ; aussi je me garderai bien de faire des sacrifices pour
procurer à des industries nouvelles d'autres marchés que le marché intérieur,
parce que je pense qu'il ne faut pas laisser la clef du pain que l'on mange
entre les mains de ses voisins.
Quant aux représailles dont d'honorables
membres, et entre autres l'honorable M. Lebeau, nous ont parlé, pour les
exercer il faut avoir des moyens efficaces de réprimer la fraude ; il faut
avoir, par exemple, l'estampille, la recherche à l'intérieur et d'autres
mesures que j'ai proposées d'accord avec plusieurs de mes honorables collègues
; or, c'est là ce qu'on nous a constamment refusé, ce que l'on a constamment
ajourné, et dès lors, il est ridicule de proposer des mesures de représailles,
quand nous n'avons pas le moyen d'en exercer avec efficacité. Si vous
établissiez des droits élevés sur les soieries, qu'en résulterait-il ? C'est
que le trésor public ne recevrait plus rien et que les soieries entreraient
comme auparavant.
Comme le disait M. le ministre
des affaires étrangères, les gouvernements étrangers savent très bien ce qui se
passe chez nous, ils connaissent parfaitement les moyens dont nous disposons
pour repousser la fraude, et dès lors, il serait fort inutile de parler de
représailles aussi longtemps que ces moyens ne seront pas rendus plus forts.
Je suis très disposé, messieurs, à voter
en faveur de la convention qui doit donner des moyens d'existence aux
nombreuses populations des Flandres ; mais, comme cette convention porte
atteinte aux revenus du trésor, je regrette de devoir l'adopter avant que nous
n'ayons créé des ressources au moins égales à celles que le trésor va perdre,
par suite de la diminution des droits sur les vins. Depuis longtemps, une loi
sur les sucres nous est soumise et je crains qu'il ne s'écoule encore beaucoup
de temps avant que nous n'en venions à voter cette loi. D'après ce qu'a dit
dernièrement l'honorable M .Mercier, la section centrale ne pourra faire son
rapport que dans une quinzaine de jours, Je vois que, pour cette loi, l'on
s'arrête principalement devant une difficulté qui n'est pas bien grande à mes
yeux, je veux parler de la question du sucre de betteraves. La betterave est un
moyen très secondaire de fabriquer du sucre ; ce n'est qu'à force de privilèges
qu'une industrie semblable à celle du sucre de betteraves peut subsister, et,
quant à moi, je voudrais que l'on s'occupât fort peu de cette industrie. Nous
avons besoin de moyens de subsistance, et la culture de la betterave destinée
au sucre ne nous donnera point de blé ni de pommes de terre, ni tout autre
denrée de première nécessité. J'engage donc M. le rapporteur de la section
centrale à activer autant que possible son travail et à
ne pas s'occuper autant du sucre indigène, qui ne subsiste qu'à nos dépens.
(Moniteur belge n°214, du 2 août 1842) M. Verhaegen. - Messieurs, les observations rétrospectives de M.
le ministre de l'intérieur, m'engagent à prendre la parole et j'ose
espérer que vous voudrez bien me donner quelques moments d'attention.
M. le ministre de l'intérieur vous a
dit, messieurs, que pour connaître la cause de notre position commerciale, il
fallait remonter à 1838 ; il vous a dit que c'était à certaines théories qui
avaient prévalu alors, qu'ils fallait attribuer cette
position, et il a eu soin d'ajouter que le ministère de 1841 actuel était tout
à fait étranger à la marche qui avait été suivie. C'est ainsi que le cabinet
actuel veut rejeter sur d'autres une responsabilité arbitraire qui doit
exclusivement peser sur lui.
Messieurs, personne mieux que moi ne
peut rendre compte de ce qui a été dit et fait dans cette enceinte en 1838. On
me traitait alors d'exagéré, d'excentrique ; je soutenais avec beaucoup de
chaleur, il est vrai, le système que la grande majorité de cette chambre
soutient aujourd'hui.
Moi aussi, en 1838, je demandais
des mesures de représailles et nous étions, je pense, à cette époque, dans une
position à peu près semblable à celle dans laquelle nous nous trouvons
aujourd'hui. Eh bien messieurs, on n'a pas voulu faire droit à mes réclamations
: à peine a-t-on daigné m'écouter ; il fallait, disait-on, être large à l'égard
d'un pays ami ; on ne voulait pas de ces idées rétrécies, on proclamait la
liberté illimitée du commerce, et quand j'invoquais certains principes
d'économie politique, on me répondait par des reproches d'exagération. Le temps
a prouvé que j’avais raison et que mes adversaires avaient tort ; en
La section centrale, dans son rapport, a
constaté tout cela, et, je l'avouerai franchement, en lisant les explications
qu'elle a données, j'ai cru que ses conclusions allaient être contraires au
traité. En effet, ce rapport est d'autant plus explicite que j'y retrouve
plusieurs considérations, je dirai même plusieurs phrases de mes discours de
1838. II n'est pas inutile, messieurs, de vous remettre sous les yeux les
paroles de la section centrale, Voici comment elle s'exprime :
« Chargé de vous présenter le
rapport de la section centrale, sur le projet de ratification de la convention
commerciale conclue avec
« Veuillez en effet vous rappeler,
messieurs, que faisant accueil alors aux réclamations de
« Après un acte aussi généreux,
nous avions droit d'espérer une réciprocité d'avantages, mais nous ne l'avions
pas stipulée ; aussi les promesses dont nous nous étions contentés, n'ont-elles
reçu qu'une exécution presqu'illusoire ; car les réductions opérées par
« Cependant nous avions déjà fait
diverses concessions importantes à
« Nous avions donc largement payé
les concessions que nous avions droit d'attendre ; cependant, comme le dit M.
le ministre des relations étrangères dans les développements des motifs à
l'appui du projet qui vous est soumis, on nous demande encore le prix de la
faveur de la convention (…)
« La section centrale, avant de se
livrer à la discussion générale du projet qui vous est soumis, a examiné quelle
avait été la situation du pays envers
« Que si parfois il y a eu
allégement, ce n'a été que pour les matières premières dont
« Qu'en modifiant son tarif sous ce
rapport, ce n'est pas par des vues de réciprocité, mais exclusivement dans
l'intérêt de ses manufactures ; que ce qu'elle a paru accorder d'abord sur les
toiles, avait été plutôt une aggravation qu'une faveur. et
que, si elle nous offre plus d'avantages aujourd'hui, c'est à la condition de
les payer chèrement. Aussi ne se borne-t-elle plus à la réduction de notre
tarif des douanes sur le vin, il faut qu'elle intervienne encore dans
l'économie de nos lois d'accises.
« Cependant, par la loi de 1838,
nous avions déjà réduit le droit de douanes de plus de moitié, c'est-à-dire
que, de ce chef, nous avions fait un sacrifice alors de 180,000 fr. qui, par la
nouvelle réduction que l'on nous impose, s'élèvera au total de 315,000 fr. ; en
y ajoutant la réduction de l'accise, montant en chiffre rond à 720,100 fr. le
pays achète la convention, sur le vin seulement, par une somme annuelle de
1,035,000 fr. ; ajoutez-y le prix des autres conditions, et la chambre
jugera l'importance du sacrifice à faire pour le soulagement momentané d'une
industrie particulière à deux provinces. »
Messieurs, voilà justement ce que je
prédisais en 1838 ; et je ne suis pas fâché de vous rappeler aujourd'hui, mais
en peu de mots, quel était alors l'état de la question.
La loi que nous discutions en 1838 avait
pour objet de faire une foule de concessions à
En effet, et je ne suis pas fâché,
messieurs, de fixer votre attention sur ce point puisqu'on est allé fouiller
dans le passé, il existait une ordonnance, contresignée par M. Duchâtel, qui
avait été publiée le 10 octobre 1835 ; en outre, un projet de loi avait été
présenté aux chambres françaises par M. Passy, le 2 avril 1836. Dans le rapport
qui précède l'ordonnance du 10 octobre 1835, on promet une réduction de droit
sur les rails destinés au chemin de fer. La discussion a écarté cette
réduction. Le projet de loi de M. Passy promettait une réduction sur les
machines ; les débats l'ont ajourné ; le même projet avait proposé d'abaisser à
150 francs par
Un avantage offert sur l'entrée par
terre des grandes peaux brutes et sèches n'a pas été conservé.
Et c'était tous ces prétendus avantages
qu'on faisait valoir pour nous engager à faire les concessions demandées, à
nous montrer larges et généreux ; nous avons été généreux et larges, beaucoup
trop généreux, mais en même temps nous avons été dupes.
En 1838, nous étions, entre autres, en
présence d'une grave question qui intéressait surtout le district de Verviers,
et dans laquelle, quoiqu'étranger à cette localité, j'ai pris part, parce que
l’honneur national y était engagé, et je me hâte de vous dire quelle était
cette question.
Par un arrêté de 1825, que j'ai toujours
considéré comme très sage, le roi Guillaume avait adopté des mesures de
représailles, et si l'on avait compris les choses, depuis notre régénération
politique, comme on devait les comprendre, on aurait suivi la voie qui avait
été indiquée par le roi Guillaume.
Le roi Guillaume avait prohibé l'entrée
des draps français en Belgique. Pourquoi ? Parce que l'entrée des draps belges
était prohibée en France. Y avait-il quelque chose de plus raisonnable et de
plus juste. Une nation qui se respecte, une nation qui ne veut pas déchoir,
traite ses voisins comme ceux-ci la traitent. Eh bien, en 1838, j'ai eu beau dire
et beau faire, on a qualifié mes paroles d'exagérées ; on m'a dit que je
voulais tout renverser, tout démolir ; on m'a en quelque sorte imposé silence,
en prononçant la clôture, et on a voté la loi.
Voici, messieurs, les paroles que
je prononçais en 1838, et qui sont extraites textuellement du Moniteur ; et
je ne suis pas fâché que le Moniteur soit là pour prouver que j'ai eu
raison.
« Nos draps, disais-je, sont
prohibés en France et nous avons prohibé les draps français. Et c'est au moment
où les draps belges ne peuvent entrer en France que l'on veut autoriser les
draps français à entrer en Belgique. Est-ce une loi belge nationale que l'on
veut faire ? Non, disons-le franchement, c'est une loi étrangère, une loi qui
nous avilira aux yeux de l'Europe, parce qu'elle nous met à la remorque de
Toutes les raisons que j'ai fait valoir
n'ont pas arrêté le gouvernement. Je lui ai signalé le danger, mais il n'a pas
voulu y croire ; et cependant aujourd'hui c'est à 1838 qu'il attribue la cause
du mal actuel.
Cette cause, il pouvait l'empêcher de
naître, mais il ne l’a pas voulu. Mais qui donc ne l'a pas voulu ? C'est le
cabinet de Theux dont M. Nothomb faisait partie. Voilà comment, en voulant
combattre d'anciens collègues, on se combat soi-même.
Un premier pas fait, il n'est pas
difficile de comprendre quelles devaient en être les conséquences. Nous avons
marché de concession en concession, et on en veut de nouvelles aujourd'hui ;
cependant, car il faut rendre justice à qui elle est due, il y a eu un point
d'arrêt ; et les ministres auxquels M. Nothomb a voulu faire allusion, ont fait
tout ce qui était en leur pouvoir pour réparer le mal.
Ne sait-on pas qu'à une certaine époque
des négociations avaient été entamées à Paris ? Ne sait-on pas que notre
ambassadeur M. Lehon s'était donné beaucoup de peine
pour arriver à un résultat. Il s'agissait dans le projet de traité qu'il avait
élaboré, et qui avait reçu la sanction du ministère français, de concilier les
intérêts réciproques ;
Ainsi si des tentatives ont été faites,
elles sont dues à l'initiative d'un ministère autre que celui qui est aux
affaires et qui veut se dégager de la responsabilité qui pèse sur lui.
Messieurs, nous sommes, vous a-t-on dit,
dans une position très difficile, et je suis d'accord à cet égard avec les
honorables préopinants. Il fallait, messieurs, rechercher la cause de cette
position. M. le ministre de l'intérieur l'a recherchée, mais je ne pense pas que
les conséquences qu'il a déduites de ses prémisses soient celles auxquelles il
voulait arriver. Si le gouvernement avait changé de théories, comme il le
prétend, il aurait fait l'inverse de ce qu'on a fait ; s'il est obligé de
convenir que le système de représailles offre des avantages, pourquoi donc
n'est-il pas entré franchement dans cette voie ? M. le ministre de l’intérieur
vient de dire qu'il en est temps encore, que ce qui arrive aujourd'hui est une
leçon pour l'avenir et qu'on saura profiter de cette leçon.
Messieurs, moi je pense que ce qu'on
pouvait faire avant l'ordonnance, on ne le peut plus depuis qu'elle est rendue.
Enoncer cette proposition, c'est en démontrer le fondement. Un pays tel que
Oh ! dit M. le ministre de l'intérieur,
notre position avant le traité était bien plus mauvaise ; les exigences de
Mais quand vous ne faites rien,
quand vous attendez que le coup soit porté par un voisin puissant qui, à raison
de la position où vous vous êtes placés, peut vous faire la loi, oh ! alors, vous n'avez plus rien à espérer. Et je voudrais bien
savoir maintenant à quoi, tout en profitant de la leçon qui vous coûtera très
cher, nous serviront à l'avenir des mesures de représailles vis-à-vis de
Vous userez de représailles ? Mais
d'abord ceux que vous menacerez sauront une fois pour toutes qu'en vous
poussant jusque dans vos derniers retranchements, vous serez toujours disposés
à faire des sacrifices pour éviter la ruine de l'industrie qui sera frappée au
cœur. C'est ainsi que vous avez cédé aux exigences de
Nous allons faire un sacrifice en
faveur de l'industrie linière. Certes, cette industrie est digne de toute notre
sollicitude ; et je croirais engager ma responsabilité si, par mon vote,
j'allais compromettre son existence, mais si je donne mon assentiment au projet
ce sera comme contraint par suite de la position que nous a faite le
gouvernement, et encore seulement lorsqu'il aura répondu d'une manière
satisfaisante aux questions que je serai obligé de lui soumettre, faute de quoi
force me sera de m'abstenir.
D'après la section centrale, le
sacrifice que nous allons faire se montera à un million 30 mille francs ; et
pour me servir d'une expression de M. le ministre des affaires étrangères,
c'est le prix de la faveur qu'on
nous accorde. Ainsi, pour que notre industrie linière puisse marcher, nous
devons acheter de
En acquit de ma conscience, je dois dire
ici toute ma pensée : le traité soumis à l'approbation de la chambre est fait
pour quatre ans ; et dans l'intervalle, nous nous isolons complètement de tous
nos voisins, et la concurrence anglaise, pour le
marche de l'intérieur comme pour celui de l'extérieur, sera remplacée par la
concurrence française.
Quelle sera, du reste, la position de
Alors que ferez-vous ? Je n'ose pas vous
le dire :... Placés à remorque d'une nation puissante, ne pouvant vivre que par
elle, obligés de suivre ses destinées, de partager ses revers, vous devinez
tous quel vœu exprimeraient les industriels belges pour se soustraire à une
ruine certaine ; et sous ce point de vue le traité, je le dis de conviction,
porte une grave atteinte à notre nationalité, à notre indépendance, L'avenir
démontrera si mes craintes étaient fondées.
Nous devons subir la loi française, et
ce qui est plus extraordinaire, ce qui est sans exemple, non seulement on nous
force de diminuer nos droits de douanes, mais on arrive jusqu'à notre régime
intérieur, jusqu'à nos droits de consommation, nos droits d'accise et même à
nos droits de ville, à nos droits d'octroi ; le gouvernement français est, à
certains égards, immiscé dans le gouvernement de
Au reste, comme d'autres honorables
préopinants, mon intention est de prouver au pays que je ne suis pas dupe des
menées du ministère, ou tout au moins de son impéritie et de sa négligence, Si
force nous est de donner les mains à un traité que le gouvernement actuel a
fait et préparé, nous n'en voulons pas la responsabilité. Nous voulons qu'elle
pèse tout entière sur le cabinet actuel.
Maintenant, avec l'honorable comte de
Mérode, je demanderai de quelle manière il se propose de combler le déficit
annuel qui doit résulter de la convention ? Quant à moi, je ne suis pas rassuré
sur ce point, et ce sera peut-être un des motifs pour lesquels je m'abstiendrai
jusqu'à ce que des renseignements positifs m'aient été fournis.
Les droits sur les vins et les soieries
frappent le riche, ce sont des droits imposés au luxe. Il me semble qu'il est
tout rationnel de remplacer ces droits par d'autres droits de même nature, Si,
exemple, on allait frapper des denrées dont le pauvre a besoin tous les jours,
je m'opposerais de toutes mes forces à pareil projet. Remplacer des droits sur
le riche par des droits sur le pauvre, serait une injustice révoltante !
Eh bien, par suite de la
convention, le budget des recettes doit présenter un déficit considérable ; je
prie donc M. le ministre de l'intérieur et son collègue des finances de nous
dire de quelle manière le gouvernement entend combler ce déficit.
D'un
autre côté, indépendamment des sacrifices d'argent, nous touchons à des
industries également intéressantes.
D'abord,
je ne trouve pas dans la proposition adoptée au commencement de la séance une
garantie suffisante pour ces industries ; j'entends parler surtout du commerce
de vins en cercle. Je ne donnerai mon assentiment à la loi que pour autant
qu'on donne satisfaction à cette industrie, elle ne demande aucun avantage,
elle demande seulement qu'on ne la sacrifie point. Le renvoi des réclamations
des marchands de vins à M. le ministre avec demande d'explications n’est pas
une garantie. Nous voterons la loi, et quand la loi sera votée, le ministre
donnera ou ne donnera pas d'explications ; nous nous séparerons et le mal sera
fait. C'est pour cela que j 'insiste actuellement.
Vous savez, messieurs, que la
concurrence que font à nos marchands de vins les voyageurs français est déjà
assez forte pour ne pas aggraver encore leur position déjà assez critique.
Presque tous les jours nous recevons les visites des commis-voyageurs de
Bordeaux, de
Indépendamment de ces avantages, ils
nous diront aujourd’hui : mais vos marchands de vins ne peuvent pas soutenir la
concurrence avec nous, car ils ont payé 24 fr. de droits par hectolitre de plus
que nous. Nous pouvons vous offrir les vins à meilleur compte qu'un marchand
belge, car nous n'avons ni patente ni frais d’établissement, et nous payons des
droits moindres, et leurs observations seraient fondées, si on ne faisait pas
droit aux réclamations des marchands belges, surtout de ceux qui ont des
crédits à terme et qui ont encore leurs vins en magasin.
Si
nous ne venons pas au secours de ces marchands, le commerce de vins est détruit
en Belgique. Plus un marchand belge ne vendra une pièce de vin, et encore moins
des vins en bouteilles.
Quant aux vins en bouteilles, c'est une
chose vraiment extraordinaire : Le gouvernement hollandais avait compris qu'il
importait de favoriser le commerce de détail, de manipulation, et alors que le
droit sur le vin en cercles était de 2 fr. par hectolitre, il avait porté ce
droit à 12 fr. sur la même quantité de vin en bouteilles. Les avantages
résultant de cette élévation de droit sont sensibles : non seulement elle
favorise le commerce de détail, mais elle favorise encore les verreries ; on
avait compris qu'en portant à 12 fr. l'hectolitre le droit sur le vin en
bouteilles, on faisait vivre le commerce de détail, et c'est là, à proprement
parler, le commerce de nos marchands belges. Or, c’est à 2 fr. qu'on a réduit
le droit sur les vins en bouteilles, tandis que les droits sur les bouteilles
vides, même quantité, se montent à 6 fr. ; et si je dois en croire certains
bruits, M. le ministre, sur des plaintes qui lui étaient adressées, a répondu
qu'on était fort heureux que le droit ne fût pas réduit à 50 centimes.
Si ce sont là les exigences de
Je veux, comme d'autres, protéger
l'industrie linière. Mais il ne faut pas pour cela frapper de mort d'autres
industries. Pour faire vivre l’une, vous tuez trois ou quatre autres. Les
négociants en vins sont aussi dignes de notre sollicitude que l'industrie
linière. Je serai obligé de m'abstenir, si le gouvernement ne me donne pas la
garantie qu'aucune aucune industrie ne sera sacrifiée et que le droit sur le
riche sera remplacé par un autre droit sur le riche, et non par un droit sur le
pauvre. Ce ne sera qu'à ces deux conditions que je pourrai donner mon
assentiment au projet de loi.
Je suis étonné qu'on se soit borné à
demander, sur la question des vins, des explications à M. le ministre de
l'intérieur. Si ces explications devaient précéder le vote de la loi, ce serait
fort bien, mais comme elles ne doivent venir qu'après, c'est une chose tout à
fait illusoire.
Quant à moi, je pense de même qu'il y a
eu un recensement pour les vins et les eaux-de-vie, quand il y a eu
augmentation de droits ; il est nécessaire de faire aussi un recensement
aujourd'hui et de restituer aux marchands de vins la différence entre le droit
actuel et le droit qui a été payé, au moins pour tous les vins encore en
magasin et pour lesquels il y a des crédits à terme. Je ne parle pas des vins
en entrepôt, car ils ne sont pas dans le pays, ils sont censés à l'étranger.
Mais j'entends parler des vins pour lesquels les négociants ont des crédits à
terme. Ainsi ils déclarent en consommation cent ou deux cents barriques ; ils
ont des crédits de 6, 12 ou 18 mois. La plupart de ces vins pour lesquels ils
ont des crédits à terme, sont encore dans leurs magasins. Il serait injuste de
leur faire payer 100, alors que d'autres ne payent que 75. Le commerce des vins
a tout autant de droit à notre protection que l’industrie linière.
En terminant, je déclare que je ne pourrai
pas donner mon assentiment au projet de loi si l'on n'explique pas de quelle
manière on comblera le déficit annuel, et si l'on ne prend pas l'engagement de
donner des garanties aux négociants en vins.
Je laisse à d'autres le soin de soutenir
les droits de l'industrie ardoisière, des salines et des bateliers, s'il y a
lieu, les renseignements me manquent à cet égard.
Si je
n'ai pas mes apaisements sur ces divers points, je ne voterai pas contre la
convention, mais je m'abstiendrai.
M. Rodenbach. - L'honorable préopinant vient de dire que le renvoi de la pétition à M.
le ministre des finances n'est pas sérieux. Je faisais partie de la section centrale
; je déclare que ce renvoi est très sérieux ; car, pendant deux heures, nous
nous sommes occupés très consciencieusement de la réclamation des marchands de
vins. M. le ministre a déclaré qu'il ferait un rapport.
L’honorable membre a dit que les
marchands de vins étrangers n’étaient pas patentés. II a oublié que nous avons
voté une loi qui assimile aux colporteurs, les commis-voyageurs de maisons
étrangères.
Il pense que l'on devrait, dans
la réduction des droits, donner la préférence aux marchands de vins qui ont des
crédits à terme. Mais les vins qu'ont ces marchands sont également en
consommation. Ce qui le prouve c’est qu'ils peuvent les vendre. Ils sont dans
le même cas que ceux qui achètent au dessous de 500 fr. de vins et qui payent
le droit, aux termes de la loi. Si vous rendez aux uns, vous devez rendre aux
autres. Nous avons été arrêtés, parce que le ministre n'a pas pu se procurer
tous les renseignements. Il a dû s’adresser à tous les directeurs de province.
Nous avons donc dû séparer la réclamation du projet de loi, bien que nous la croyons juste.
D’ailleurs les négociants en vins
peuvent attendre, tandis que les Flandres ne peuvent pas attendre. J'ai montré
infiniment de modération ; mais je dois le déclarer, il s'agit d'une nécessité.
Si vous refusez la convention aux Flandres, il vous faudra établir le
paupérisme, le hideux paupérisme, comme en Angleterre, le paupérisme, cette
lèpre de l’Angleterre. Il faut avoir le courage de le dire, 300,000 personnes
demandent à vivre, et ne peuvent attendre ; il faut leur donner du travail ;
sans cela elles n'ont pas de pain.
J’ai demandé moi-même au ministre
en section centrale ce qu'il a fait avant la convention, quelles mesures il a
prises. Le ministre a déclaré qu'avant l’ordonnance
Depuis 1830, tous les ministères ont marché sans système commercial, ont
vécu au jour le jour, ont baissé, haussé le tarif, aussi bien le ministère de
Theux que les autres. Ce sont là de grands torts. La chambre aussi a peut-être
été coupable ; car beaucoup de membres ont été de cette opinion. Moi, je
demande des augmentations pour que nous puissions faire des traités de
commerce.
L’honorable membre a parlé de
rupture avec l'Angleterre. Je ne pense pas qu’on tire le canon pour un tarif
douanier. Si la guerre éclate, ce ne sera pas parce qu’on aura élevé ou diminué
le tarif. Se brouiller avec l’Angleterre ! Mais serait-ce donc un si grand
malheur ? Nous exportons en Angleterre pour 14 millions, tandis qu’elle nous
importe pour 40 millions.
Et l’Allemagne. Elle fabrique les mêmes articles
que nous, et peut les livrer à meilleur marché, parce que les impôts sont moins
forts. Nous n'avons rien à en attendre.
Je suis loin de prôner la convention ;
car je l'ai flétrie moi-même ; les exigences de
Une population amie de l'ordre et
du travail nous demande du pain, La convention est un moyen de lui en donner.
C'est pour cela que je voterai pour la ratification. Mais c'est avec regret que
je voterai pour cette convention.
M. le ministre
de l’intérieur (M. Nothomb) - Mon intention n'est pas de
répondre à toutes les observations de l'honorable M. Verhaegen. Mais je dois
répondre à une de ses observations, qui avaient déjà été faites par l'honorable
M. Lebeau. On vous a signalé comme une atteinte à notre indépendance, à notre
nationalité la disposition par laquelle nous nous sommes soumis à appliquer à
nos frontières le tarif français. II est vrai que nous aurons cette sujétion
pendant quatre années. Mais remarquez qu'il y a réciprocité de sujétion. Le
dernier paragraphe de l'article premier du traité qui porte : « Enfin,
dans le cas où les droits d'entrée en France sur les fils et tissus de lin ou
de chanvre, importés par des frontières autres que celle limitrophe,
viendraient à être réduit de plus d'un sixième au-dessous de ceux fixés par
l'ordonnance du 26 juin 1842, le gouvernement de sa majesté le roi des Français
s'engage à abaisser aussitôt et dans la proportion de cet excédant de
réduction, les droits d'entrée sur les fils et tissus importés par la frontière
limitrophe, de telle façon qu'il y ait toujours au moins la proportion de trois
à cinq entre les droits existants à cette dernière frontière et ceux
existants aux autres frontières françaises, » c'est-à-dire, qu'il y aura du
côté de
Voilà, messieurs, la sujétion que de
notre côté nous avons imposée.
Maintenant je ne m'étonnerais pas
qu'à la chambre des députés de France, un orateur se levât pour signaler le
dernier paragraphe de l'art. premier comme
attentatoire à la dignité, à la souveraineté de
Plusieurs membres.- A
demain ! à demain !
M. le président. - Je
demanderai à M. le ministre des affaires étrangères si le projet qu'il a
présenté au commencement de la séance est d'une nature urgente, et s'il est
nécessaire de convoquer immédiatement les sections pour l'examiner. Plusieurs
sections centrales s'occupent dans ce moment d'autres objets.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - Ce projet ne présente rien d'urgent.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Un projet de loi d'une nature très
urgente, c'est celui sur la patente des bateliers, qui a été renvoyé à la
chambre par le sénat. Ce projet se rattache à l'exécution de la convention dans
ce moment en discussion, je prierai M. le président d'activer les travaux de la
section centrale chargée de l'examen de ce projet.
M. le président. -
Cette section centrale sera convoquée pour demain, j'engage les membres de la
section centrale chargée de l'examen du projet de loi relatif aux traitements
des membres de l'ordre judiciaire à ajourner ses travaux à après-demain.
- La séance est levée à 4 heures et
demie.