Accueil Séances
plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et
liens Note
d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du vendredi 18 mars 1842
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi relatif au déballage et au colportage. Rapport
(Lys)
3) Projet de loi relatif aux indemnités. Comité général.
Vote sur l’ensemble de la loi (Eloy de Burdinne, Van Hoobrouck, de Brouckere,
Cogels, Osy, de
Villegas, Doignon, Lys, Pirson, (+ société générale) Vandenbossche)
4) Projet de loi relatif à la navigation entre Anvers
et
5) Proposition tendant à autoriser le gouvernement à
réduire dans certains cas et temporairement les péages sur les canaux et
rivières (Nothomb, Dechamps, Nothomb, Demonceau, Dumortier, Dechamps)
6) Projet de loi relatif à l’amélioration du sort de
la magistrature. Motion d’ordre (Verhaegen, Van Volxem)
7) Fixation de l’ordre du jour. Projet de loi sur les
conseils de prud’hommes (Raikem, Fleussu,
Delehaye, Nothomb, Lebeau, Raikem, Nothomb)
8) Projet de loi tendant à instituer plusieurs
conseils de prud’hommes. Discussion générale. Compétences en matière de
discipline dans les ateliers (Nothomb, Raikem, Orts, de
Villegas, Dubus (aîné), Nothomb)
(Moniteur
belge n°78, du 19 mars 1842)
(Présidence de M. Fallon)
M. de Renesse procède à l'appel nominal à midi un quart.
M.
Dedecker lit
le procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait connaître l'objet des pièces adressées à la
chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Des bourgmestres de communes de
-
Renvoi à la commission des pétitions.
__________________________
« Les
bourgmestres et échevins de l'arrondissement d'Ostende demandent que le
domicile de secours sont dorénavant le lieu de naissance. »
-
Renvoi à la commission des pétitions.
__________________________
« Le
sieur Van Ruymbeke, ancien employé, jouissant à ce titre d'une pension, demande
un secours. »
-
Renvoi à la commission des pétitions.
__________________________
« La
dame veuve Laublin, à Mons, demande à jouir de la
pension ou d'une partie de la pension de 400 fr. dont jouissait son mari, pour
cause de blessures graves, reçues à l'attaque de la porte de Nimy, à Mons, en septembre 1830. »
-
Renvoi à la commission des pétitions.
__________________________
« Le
sieur P.-J,-A. Dumortier, propriétaire à Autryve,
réclame contre la coupure d'un nouveau lit de l'Escaut, sur le territoire de la
commune d'Escanaffle pour la construction d'un
barrage sur l'Escaut dans la commune d'Autryve et
demande que dans le cas d'exécution, M. le ministre soit autorisé à lui
accorder une juste indemnité. »
Renvoi
à la commission des pétitions.
__________________________
«
Le sieur Bayot, directeur du charbonnage de
-
Renvoi à la commission des pétitions.
__________________________
« Des
propriétaires et cultivateurs des communes de PreslesMontigny
et Pont-de-Loup demandent que l'on apporte des modifications
au tarif des droits de péage établis sur les canaux de la province en ce qui
concerne le transport des engrais et récoltes. »
-
Renvoi à la commission des pétitions.
M.
Delehaye. - J'ai
l'honneur de déposer le rapport sur le projet de loi relatif au déballage et au
colportage.
M.
le président.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
Le
jour de la discussion sera ultérieurement fixé.
M.
Lys - Cette
loi est attendue avec impatience. Le ministre, en présentant le projet en
novembre dernier, avait espéré qu'il pourrait être voté avant le premier
janvier. Je demande qu'il soit mis à l'ordre du jour après ceux qui y sont
déjà.
M.
le président.
- S'il n'y a pas d'opposition, cette proposition est adoptée.
M.
Manilius. -
Après le canal de Zelzaete.
M.
le président.
- Après les projets qui sont déjà à l'ordre du jour. Le canal de Zelzaete y est
depuis longtemps.
PROJET DE LOI RELATIF AUX INDEMNITES
Formation du comité général
La
chambre se forme en comité secret à midi 3/4.
La
chambre rentre en séance à 3 heures.
M.
le président.
- Il va être procédé à l'appel nominal sur l'ensemble de la loi.
83
membres répondent à l'appel nominal ;
2
s'abstiennent ;
52
répondent oui ;
29
répondent non.
En conséquence
le projet de loi est adopté. Il sera transmis au sénat.
Les
membres qui se sont abstenus sont invités à énoncer les motifs de leur
abstention.
M. Eloy de Burdinne. - Je n'ai pu voter en faveur de la loi, 1° parce que
je ne puis considérer comme devant être à la charge du pays les dévastations
commises par l'ennemi.
J'aurais
voté des indemnités pour des pertes occasionnées par le fait du gouvernement
belge pendant la révolution.
Je
ne crois pas que mon mandat de député m'autorise (au moins consciencieusement)
à puiser dans la poche des contribuables pour accorder des indemnités à ceux
qui ont fait des pertes qui n'ont pas été le fait de la nation.
D'ailleurs
la position financière du pays ne me paraît pas tellement favorable que nous
puissions puiser dans le trésor pour donner ce qu'en strict droit nous ne
devons pas.
Comme
on n'a pas fait de distinction dans les indemnités à accorder, et que les
dévastations faites par l'ennemi comme celles faites par la nation belge sont
confondues, ne pouvant voter en faveur de ce que je
considère comme équitable sans voter pour ce que je considère comme une
largesse, j'ai dû m'abstenir.
M . Van Hoobrouck. - Messieurs, je considère la
loi que vous venez de voter comme un acte de juste réparation envers ceux qui
ont souffert dans l'intérêt général par suite de la révolution ; je la
considère encore comme une sage mesure politique tendant à cicatriser une
dernière plaie de ces mêmes événements ; je n'ai donc pas su refuser mon vote.
D'un autre côté, je considère la loi comme incomplète, parce qu'elle exclut du
bienfait national ceux dont les propriétés ont été inondées dans les polders et
qui ont été forcément privés de leurs revenus, surtout par suite de la
convention du 21 mai 1833 ; je n'ai donc pas su donner mon assentiment, et je
me suis abstenu.
Ont
répondu oui : MM. Brabant, De Lacoste, Cogels, Coghen, David, de Baillet, de
Behr, de Brouckere, Dechamps, Dedecker, Delehaye, de Mérode, Demonceau, de
Muelenaere, de Nef, de Potter, de Renesse, Desmaisières, de Terbecq, de Theux,
Devaux, Dolez, Donny, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumont, Dumortier, Duvivier,
Fleussu, Hye-Hoys, Jonet, Kervyn, Lebeau, Liedts, Maertens, Mast de Vries,
Meeus, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Osy, Raymaeckers, Rogier, Smits,
van Cutsem, Vandenhove, van Volxem, Verhaegen, Vilain XIIII, Zoude et Fallon.
Ont
répondu non : MM. Cools, Coppieters, de Florisone, de Garcia de
Le
projet de loi adopté est ainsi conçu :
Article
premier
« Art.
1er. Indépendamment de la somme de 1,234,920 fr., distribuée en avance, d'après
les lois du budget de 1831, 1835 et 1836, celle de huit millions de francs est
mise à la disposition du gouvernement, pour être répartie entre les individus,
belges ou étrangers appartenant à des nations avec lesquelles
« 1°
En bâtiments ;
« 2°
En meubles, dans l'acception de l'art. 533 du code civil ;
«
3° En récoltes sur pied ou coupées ; grains, ustensiles aratoires, bétail et
chevaux ;
« Ou
4° Marchandises,
« ont été détruites, détériorées, ou enlevées par suite des
événements de guerre de la révolution. »
Article 2
« Art.
2. Le paiement aura lieu ainsi qu'il suit :
« 1°
En numéraire, pour toute déclaration de pertes dont le montant total, tel qu'il
sera définitivement arrêté, n'atteindra pas 300 fr.
« 2°
En inscriptions à 3 p. c., au pair, sur le grand-livre de la dette publique,
pour les pertes dont le montant, tel qu'il sera définitivement arrêté, sera de
300 fr. ou au dessus.
« Il
sera créé des inscriptions de 2,500, 1,000, 500, et 300 fr.
« Les
obligations porteront intérêt à partir du 1er février 1843.
«
L'amortissement sera facultatif.
«
Lorsqu'un réclamant ne pourra être payé en totalité, en inscriptions sur le
grand-livre, le solde, calculé d'après le cours de la rente 3 p. c., lui sera remis en numéraire. »
Article 3
« Art.
3. Les réclamations seront faites et la liquidation opérée au nom de ceux qui
étaient propriétaires des objets au moment où les pertes ont eu lieu.
« Les
réclamants devront produire à l'autorité communale du lieu où les pertes ont
été essuyées : 1° les preuves de la propriété ; 2° le détail estimatif, ainsi
que la preuve des pertes.
« Ils
seront, en outre, tenus d'élire, dans leur réclamation, domicile à Bruxelles.
« Les
réclamations seront faites ou renouvelées à peine de déchéance, dans les délais
suivants, savoir :
« Dans
les six mois pour les habitants du royaume ou les personnes qui se trouvent
dans les autres Étais d'Europe :
« Dans
l'année, pour les personnes qui se trouvent hors d'Europe.
« Ces
délais courent du jour de la promulgation de la présente loi. »
Article 4
« Art.
4. Ceux qui auront simulé des pertes, seront déchus du bénéfice de la présente
loi.
« La
même déchéance pourra être prononcée contre les réclamants qui omettraient de
produire l'une des pièces dont il est parlé à l'article précédent, ou qui
auraient exagéré la valeur des objet perdus. »
Article 5
« Art.
Article 6
« Art.
6. Des listes contenant les noms des réclamants, la nature des pertes et leur
montant, d'après l'expertise, sont affichées dans les villes et communes où
lesdites pertes ont eu lieu.
« Il
sera ouvert, par les soins de l'autorité locale, un registre sur lequel chacun
sera invité à venir inscrire ses observations sur le plus ou moins d'exactitude
des listes mentionnées ci-dessus. Ce registre restera ouvert pendant un mois.
« Ces
listes seront ensuite transmises à l'autorité provinciale, munies des
observations auxquelles elles ont donné lieu, et avec toutes les pièces
concernant l'objet. »
Article 7
« Art.
7. Une nouvelle expertise pourra être ordonnée, soit par la députation
permanente, soit par la commission de liquidation. »
Article 8
« Art.
8. Lorsque toutes les pièces de l'instruction auront été remises à la
commission de liquidation, dont il sera parlé ci-après, elle fixera le montant
des pertes réelles de chaque réclamant.
« Elle
n'aura aucun égard à la perte résultant de la non-jouissance des biens meubles
ou immeubles.
« Toutefois,
elle pourra allouer, à raison de la non-jouissance, un dédommagement qui
n'excédera pas la somme nominale de cinq mille francs aux fermiers et
cultivateurs nécessiteux des terrains inondés.
« Elle
n'admettra en liquidation la perte des meubles que jusqu'à concurrence d'une
somme nominale de trois mille francs au plus par chef de famille.
« Ces
opérations faites, si la somme des pertes liquidées dépasse le crédit ouvert à
l'art. 1er, la commission réduira, au marc le franc, chaque article de pertes
liquidé à 300 fr. ou au-dessus. »
Article 9
« Art.
9. Les à-comptes qui ont été remis aux parties intéressées, sur la somme de 1,234,920 fr., dont il est parlé à l'art. 1er, entreront en
déduction de la somme nominale qui leur sera allouée en vertu de la présente
loi. »
Article
10
« Art.
10. Le roi nommera une commission de liquidation, composée d'un président, de
quatre membres et de deux suppléants, chargée d'examiner les réclamations et de
statuer sur chacune d'elles.
«
Cette commission sera assistée d'un commissaire du roi, lequel donnera son avis
sur les réclamations et sur les questions qu'elles soulèvent.
« Un
greffier, également nommé par le roi, sera attaché à la commission. »
Article
11
« Art.
11. La commission ne peut délibérer qu'au nombre fixe de cinq membres.
«
Elle prononcera sur les réclamations et notamment sur le montant des pertes ;
aucune de ses décisions ne sera soumise à un recours ultérieur, soit aux
tribunaux, soit au gouvernement, ni sur le fond ni sur la forme.
« Elle
décide les questions de déchéance, celles de recevabilité de la réclamation,
sans aucun renvoi aux tribunaux. .
«
Quant aux réclamations reconnues par elle recevables et admissibles, si entre
plusieurs réclamants il s'élève des contestations sur des questions d'état ou
de propriété, elle renverra les parties à se pourvoir, sur les contestations,
devant les tribunaux qui les jugeront comme affaires urgentes. »
Article
12
« Art.
12. Les décisions de la commission seront précédées d'un rapport écrit fait par
l'un de ses membres.
« Ce
rapport contiendra les faits et l'analyse des moyens. Il sera déposé au greffe
; la notification du dépôt sera faite aux parties intéressées par huissier, en
la forme ordinaire, à la requête du commissaire du Roi et aux frais du
réclamant, au domicile élu.
« L'exploit
sera dispensé du droit de timbre et enregistré gratis, et les salaires des
huissiers seront fixés d'après l'article 91, n° 1° et 2° du décret du 18 juin
1811.
« Il
ne sera laissé qu'une seule copie de la notification à toutes les parties
intéressées dans la même réclamation et ayant fait la même élection de
domicile.
« Dans
le mois de la notification du dépôt, les réclamants seront admis à adresser
leurs observations à la commission qui pourra, selon les circonstances,
accorder des délais ultérieurs pour rencontrer les objections produites.
« La
commission sera tenue de donner, par la voie du greffe, et sans déplacement,
communication aux parties intéressées de toutes les pièces qui concernent leur
réclamation. Ces pièces seront visées par le président ou par un membre par lui
délégué ; il en sera dressé un inventaire par le greffier qui en délivrera, aux
parties intéressées, sur leur demande et à leurs frais, copies certifiées.
Article
13
« Art.
13. Un arrêté royal déterminera les formalités qui seront remplies par les
réclamants et par les diverses autorités, pour l'exécution de la présente loi.
Il fixera le délai dans lequel la commission devra terminer ses
opérations. »
Article
14
« Art.
14. Un crédit de cinquante mille francs est ouvert au ministère de l'intérieur
pour faire face aux dépenses qu'occasionnera l'exécution de la présente
loi. »
M.
le président,-
Plusieurs pétitions relatives à la loi sur les indemnités ont été adressées à
la chambre et sont restées déposées sur le bureau, quelle décision la chambre
veut-elle prendre sur ces pétitions ?
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je crois qu'il y a lieu de me les renvoyer. .
-
Ce renvoi est ordonné.
Opinions
de plusieurs membres de la chambre des représentants, à l'appui de leur vote
sur l'ensemble du projet de loi sur la réparation des pertes causées par les
événements de guerre de la révolution
M. de Brouckere. - Le projet, dont les articles ont été
successivement adoptés, est, à mes yeux, incomplet, et par cela même il est
injuste.
J'admets
volontiers qu'en strict droit la nation n'était pas tenue à indemniser de
toutes les pertes occasionnées par la révolution. Mais selon moi, elle le
devait en équité et bonne politique. J'ai expliqué en comité secret les
motifs de mon opinion.
Or,
voici ce que fait le projet. Il établit des catégories entre les perdants : aux
uns il accorde une réparation partielle ; aux autres dont les pertes
n'exigeaient pas moins d'égards, il refuse tout. Et chose remarquable, les
exclusions frappent sur des Belges ; les étrangers sont généralement admis.
De
là résulte cette double injustice que les perdants auxquels on refuse une part
dans les huit millions, ne souffriront pas seulement de cette exclusion, mais
devront encore contribuer, comme les autres habitants du royaume, au payement
de ces huit millions.
Le
projet peut s'analyser de la manière suivante :
Il n'indemnise
qu'une partie des perdants ;
Il
n'accorde à ceux qu'il indemnise qu'une partie de ce qu'ils ont perdu ;
Cette
partie, il la leur paie au moyen d’un capital nominal ne valant qu’une partie
de la somme qu’il représente.
Si,
en rejetant le projet, j’avais pu espérer la présentation et l’adoption de
mesures plus complètes, plus justes, je n’aurais pas hésité à émettre un vote
négatif. - Compter sur un pareil résultat serait se faire illusion. - Je
voterai donc pour le projet afin de ne pas retarder plus longtemps la
réparation partielle d’une partie des maux
qui ont été la suite de la révolution, quoi que soit mon regret de ne pouvoir
les réparer tous et complètement.
M.
Cogels et M. Osy. - La loi qui vient d'être
votée par la chambre ne répond aucunement à nos espérances ; n'accordant qu'une
réparation tout à fait incomplètes à quelques-unes des victimes de la
révolution, elle en exclut presque complètement d'autres dont les titres, à
nos yeux, ne sont pas moins sacrés. Après avoir vu échouer tous nos efforts
pour obtenir une réparation plus équitable, nous avons cru cependant, quoi qu'à
regret, devoir donner un vote approbatif à la loi, parce que si elle ne produit
pas tout le bien que nous nous en étions promis, elle soulagera au moins
quelques misères trop longtemps négligées, et qu'elle
ne porte aucune atteinte aux droits que les propriétaires des polders inondés
pourraient invoquer devant nos tribunaux.
M. de Villegas. - En strict droit, la nation n'est pas tenue de
réparer des pertes causées par les événements de guerre de la révolution.
Notre
état financier permet-il de faire des largesses ? Je ne le pense pas.
S'il
le permettait, comment ces largesses devraient-elles être réparties ?
La
répartition devrait être juste et équitable, non exclusive de certaines
catégories de perdants, et traitant les régnicoles au moins aussi bien que les
étrangers.
Le projet qui a été soumis à nos délibérations ne présentant
pas ces garanties de justice, il m'a été impossible de lui donner mon
approbation.
M.
Doignon a
motivé, en peu de mots, son vote négatif.
Il
a voté contre la loi, principalement parce qu'on a mis à l'écart le système de secours
de la section centrale qu'il a défendu : système d'ailleurs admis par les lois
antérieures sur la matière, et que, dans tous les cas, même en adoptant ce
système, une réparation équitable pouvait toujours être donnée aux étrangers,
parce qu'alors que l'Etat en droit ne doit rien, n'est obligé à rien, ainsi que
la chambre l'a reconnu, la situation financière du pays ne permet évidemment
pas d'être libéral envers ceux qui sont notoirement dans l'aisance ou dans
l'opulence : parce qu'il y a iniquité de traiter sur le même pied le riche et
ceux qui se trouvent dans une position malheureuse ; et spécialement, en outre,
à l'égard des marchandises de l'entrepôt d'Anvers, parce qu'il est
suffisamment établi, au moyen d'une enquête juridique, que le feu a été mis à
cet entrepôt, avant le bombardement, par les Hollandais eux-mêmes dans des
vues tout à fait malveillantes, et sans que cet acte, de pure méchanceté, pût
aucunement servir à la défense ou à l'attaque.
Il
est d'ailleurs au moins prématuré et imprudent de comprendre comme on l'a fait,
dans le chiffre des huit millions, un million pour lequel on avoue qu'il
n'existe réellement pas de réclamation, puisque depuis onze ans les prétendus
perdants ne se sont pas encore fait connaître, et que très probablement ces
perdants ne sont autres que des Hollandais formellement exclus du bénéfice de
la loi, d'autant plus qu'il est maintenant à craindre que
leurs réclamations ne se produisent sous le nom de certains Belges.
M.
Lys. - En strict
droit, la nation ne devait aucune réparation pour les désastres de la
révolution. Les tribunaux ont aussi décidé que les communes n'avaient aucun
recours contre l'Etat, à l'occasion des pillages. Aujourd'hui on accorde une
indemnité partielle, à titre d'équité, à ceux qui ont souffert par suite de la
guerre de la révolution ; on doit alors pareille indemnité aux communes,
victimes des pillages.
Dans
l'une comme dans l'autre hypothèse, la révolution a été l'occasion et non la
cause directe.
Les
localités les plus importantes ont été souillées par des scènes de désordre et
d'anarchie ; la révolution a été l'occasion qui a permis de se livrer au
pillage et à la dévastation ; c'est ainsi qu'elle a commencé, c'est le premier
acte de la guerre, c'est la première hostilité.
L'on
ne peut, d'un côté, mettre à la charge de l'Etat une indemnité pour désastres
de la guerre, à Bruxelles, à Anvers ; si vous l'étendez cette faveur aux
communes qui ont souffert de la guerre intestine qui fut généralement faite aux
employés du gouvernement, et fut, je le répète, le premier acte d'hostilité
contre
S'il
en était autrement, les communes si obérées, par suite de la réparation par
elles due pour ces pillages, devraient venir payer une seconde indemnité pour
les désordres de la guerre dans d'autres provinces ; ce serait pour elles payer
deux fois, ce serait là avoir deux poids et deux mesures, ce serait avantager
certaines localités et nuire aux autres ; vous accorderiez des indemnités à
Bruxelles pour dévastation des propriétés par suite de la guerre de la
révolution, et depuis cette révolution ces maisons dévastées sont doublées de
valeur, tandis que dans nos villes de fabriques, qui par suite de la révolution
ont souffert des pillages et ont encore des souffrances de tout genre, les
établissements manufacturiers sont aujourd’hui sans valeur, et ne trouvent
aucun acheteur quand on est forcé de les mettre en vente.
En
refusant l’indemnité pour dévastations, par suite des pillages, on forcerait
ces mêmes villes de fabriques à fournir leur quote-part pour indemniser les
propriétaires de Bruxelles ; ce serait là l’injustice la plus criante.
Les
pillages qui ont eu lieu en 1830 sont des désastres occasionnés par la
révolution.
L’Etat
ne doit rien pour désastres quelconques par suite de la guerre, parce qu’ils
sont le résultat de la force majeure.
Mais
si, par équité, il donne une indemnité, il le doit à tous ceux qui ont
souffert.
Si
l’amendement présenté par mon collègue M. Dolez et moi, tendant à faire
participer ces communes aux indemnités, n’était pas adopté, je devrais refuser
mon assentiment à la loi proposée, et me borner à accorder des secours aux
malheureux.
Cet amendement ayant été écarté par la question préalable,
j’ai voté contre la loi.
M.
Pirson. -
Messieurs, lorsque je demande de motiver publiquement mon vote sur un projet de
loi que nous avons discuté en comté secret, pendant quinze mortelles séances,
vous pressentez, j’imagine, que je veux voter contre. En effet, si telle n’était
pas mon intention, je me croirais heureux si mon nom pouvait passer inaperçu.
Je
m’explique : la guerre de la révolution comme toutes les guerres a causé
quelques désastres, a fait quelques victimes.
Depuis
10 ans on réclame des indemnités. D’abord la question de droit n’a point été
abordée, mais l’humanité a parlé. On a voté trois fois de légers secours en
faveur des plus nécessiteux. Cela ne pouvait convenir à ceux qui, ayant fait
les pertes les plus considérables, conservaient néanmoins assez de fortune pour
n’être pas compris dans une répartition de secours. Leur voix plus haute que
celle des indigents, n’a pas cessé de se faire entendre jusqu’aujourd’hui.
Cependant,
à deux époques différentes, on a essayé d’apaiser les clameurs. Deux projets de
loi ont été présentés, rapport en a été fait ; mais ces projets écartant tout
droit à indemnité, et n’admettant toujours que des considérations d’humanité,
des hommes riches et de grandes prétentions sont parvenus à faire ajourner
toute discussion. Ils attendaient, je ne dirai pas des temps plus heureux, mais
des opinions plus favorables. On avait soin de les préparer avec des mémoires
et des instances plus ou moins astucieuses.
Troisième
époque : enfin, nous y voilà. La discussion est engagée. Mais on a voulu qu’elle
eût lieu en comité secret, est-ce un bien, est-ce un mal ? Je ne peux répondre,
sans indiscrétion, à cette question. Tout ce que je peux dire, c’est qu’il y a
eu unanimité complète sur la question de droit : l’Etat ne doit rien pour
les pertes et les dommages occasionnés par la guerre. Qui croirait qu’après
cela on a mis en avant la générosité, la munificence nationale en faveur de
tous les perdants riches et pauvres ? On n’était pas honteux de demander 20 à
25 millions, on s’est rabattu à 18, puis à 16, puis à 12, puis à 10. puis à 8, dernière proposition du ministre. L’opinion
opposée ne voulait et ne veut encore qu’accorder des secours aux nécessiteux.
Trois ou quatre millions au plus suffiraient pour les indemniser complètement.
Si
le projet de loi est accepté on ne donnera qu’une demi-satisfaction aux riches,
on ne fera point cesser leurs plaintes ; ce sera tout simplement un objet de
spéculation pour des hommes qui spéculent sur tout et pour les agents
solliciteurs. L’agiotage n’avait plus rien à faire sur les actions
commerciales, vous lui donnerez pour pâture les actions d’indemnité en
attendant mieux ; toutefois, huit millions font une assez belle curée par le
temps qui court.
On
veut faire cesser des cris qui allaient s’éteignant, mais vous allez en exciter
bien d’autres qui partiront de tous les coins du royaume. Croyez-vous que les
contribuables verront sans murmurer s’accumuler des dépenses énormes, des
dépenses de généroriste et de munificence, lorsque
chacun se ressent plus ou moins du malaise général ?
N’allez-vous
pas encore bientôt voter une somme de huit millions pour accomplir la
convention faite par le gouvernement avec la ville de Bruxelles (une mesure
pourrait bien compromettre l’autre, soit dit en passant) ?
Il
faudra bien encore finir par bâtir un palais de justice à Bruxelles ; ce sera
encore une affaire de plusieurs millions.
On
veut augmenter les traitements de l’ordre administratif et ceux de l’ordre
judiciaire.
On
veut un canal dispendieux pour évacuer les eaux des Flandres.
On
veut canaliser
L’Escaut
et
N’avez-vous
pas déjà voté des crédits supplémentaires pour quelques millions, y compris
En
vérité, du train que l’on va, il semblerait que chambres et ministère vont
déguerpir et prennent à tâche d’engloutir auparavant le dernier écu de
Je ne
peux croire que ceux qui amoncellent ainsi les embarras financiers espèrent rester longtemps aux affaires.
Je
voterai contre le projet de loi en discussion, les sollicitations et les
insistances de quelques hauts intéressés me touchent peu.
Mais
je veux qu’on sache, qu’en cas de rejet, je suis prêt à voter une loi de
secours pour dédommager complètement ceux que la
guerre de la révolution a placés dans le besoin et y sont restés jusqu’à
présent.
M. Vandenbossche. - Je ressens une répugnance à voter pour la loi d’indemnité
qu’on nous propose, et cela pour deux motifs :
Le
1e parce que c’est le gouvernement hollandais qui en droit et en équité devrait
les supporter.
Le
2e parce que notre gouvernement aurait pu et dû les payer depuis longtemps sans
charger le trésor public.
J’admets
le principe que, hors le fait de guerre, toute personne est obligée à réparer
le dommage qu’elle a causé à autrui par son fait ou par son imprudence, et
j’entends l’appliquer aux gouvernements comme aux particuliers. - Si le
gouvernement belge avait percé des digues pour inonder des terrains, détruit ou
incendié des maisons, je n’hésiterais pas à dire qu’il est obligé à réparer les
dommages qu’il aurait causés par ces actes. Mais ici, c’est le Hollandais qui a
percé les digues et inondé les poldres. C’est le Hollandais qui, par pure
méchanceté, la torche à la main, a brûlé l’entrepôt d’Anvers, et non le feu de
la citadelle, c’est le Hollandais qui a occasionné tous les dégâts dont on nous
demande réparation ; c’est donc au gouvernement hollandais qui devrait incomber
cette réparation.
En
guerre avec
En
agissant ainsi, le gouvernement n’aurait fait que se conformer aux principes
tant anciens que nouveaux du droit des gens.
Or,
si le gouvernement avait pensé à ses propres concitoyens, les malheureux qui
depuis 1831 gémissent dans la misère, auraient été directement soulagés et en
1842, nous n’aurions plus eu une obole à payer de ce chef. Le produit des
actions du roi Guillaume dans la société générale était seul en état de les
indemniser de leurs pertes, tandis qu’à présent on vient nous proposer de leur
payer une partie de ce qu’ils auraient dû recevoir ; et qu’on ne dise pas que
les actions d’une société anonyme ne puissent être atteintes. Les actions du
roi Guillaume étaient connues, on ne pouvait pas même les cacher au gouvernement.
Le gouvernement pouvait donc en exiger les intérêts et les dividendes. Les
actions de la société générale ne sont pas des actions au porteur ; elles sont
inscrites nominalement sur ses registres, et on ne peut même sans formalité les
transmettre. C’est ce que nous apprend l’article 15 des statuts de la société , qui porte :
«
Les actions ne pourront être mises au porteur, elles seront représentées par
une inscription nominale sur les registres de la société, tenus en double ;
cette inscription établira la propriété.
« La
cession s’en fera soit par acte authentique dûment inscrit sur les dit
registres, soit par une simple déclaration écrite dans les mêmes registres, et
signé tant par le cédant que par le cessionnaire, ou par des mandataires
spécialement à ce autorisés par des procurations notariales. Dans l’un et
l’autre cas, il sera fait mention du transfert sur l’action transférée, et les
actes ou les procurations qui y auront été employés, demeureront déposés dans les archives de la société. »
J’ai
dit que le produit de ces actions était seul suffisant, et je ne pense pas
l’exagérer. - Le roi Guillaume avait primitivement 25,800 actions dans la
société générale et en 1830 il y en avait peut-être d’avantage, il y était donc
intéressé pour un capital nominal de 13 millions de florins des Pays Bas, qui
rapportaient 5 p. c. d’intérêt et souvent la moitié en sus pour dividendes, de
sorte que ces actions produisaient de 800 à 900 mille florins des Pays Bas par
an. Or cette somme annuellement appliquée à indemniser ceux qui avaient
souffert par l’agression hollandaise, à commencer pas les plus nécessiteux,
tous auraient déjà oublié depuis longtemps les malheurs qu’ils avaient essuyés.
Si
le gouvernement n’a mis le séquestre sur ces actions comme sur les autres biens
du roi Guillaume et de sa famille, que pour lui refuser momentanément la
jouissance de ses revenus et pour s’en constituer dans l’intervalle le gardien
; s’il n’a point pensé à profiter des avantages que les principes du droit des
gens y attachaient, je crois pouvoir dire que son séquestre n’avait ni but ni
motif rationnel. Quoi qu’il en soit, le gouvernement n’a pas fait d’emploi de
ces produits. C’est une erreur à pardonner parmi les mille et une autres que
nos gouvernants ont commises depuis 1830.
Toutefois
je ne me serais pas opposé à la loi, j’aurais même été disposé à voter une
somme plus forte que celle que le ministère précédent, dans son projet du 2
décembre 1840, nous proposait. Je voudrais en premier lieu qu’on ne tînt aucun
compte des 1,234,920 francs déjà distribués, attendu que toutes ces sommes ont
été distribuées aux nécessiteux, qu’elles ont été directement mangées, et que
personne n’en a profité pour l’avenir, de sorte que leur porter ces sommes en
compte, serait, sous certain point de vue, faire tourner à leur détriment les
avances faites. J’aurais voté 7 millions et plus pour l’avenir en oubliant
complètement ce qu’ils pourraient déjà avoir reçu. Mais, attendu que
Je
ne veux accorder que des secours, parce que,
Quoi
qu’il arrive de la loi qu’on nous propose, les chambres législatives
affecteront toujours des millions pour subvenir au secours de leurs malheureux
compatriotes, victimes de l’agression hollandaise ; mais quand on propose ou
vote des millions extraordinaires, on doit penser aux moyens de les payer. Nous
en avons déjà voté et nous serons appelés à en voter encore. Persistera-t-on
toujours à trouver ces sommes sur le pauvre contribuable ? Ne
pensera-t-on jamais à récupérer ce que le gouvernement trouve de bon ?
Dans la séance du 29 janvier 1841, j’ai signalé à la chambre que
Dans
la même séance j’ai aussi réclamé la discussion de la question des droits et
actions du gouvernement envers la société générale du chef des domaines
nationaux, dont elle prétend avoir la propriété. Les circonstances n’ont pas
voulu qu’on y donne suite pendant la session précédente. Je réitère aujourd’hui
ma réclamation et demande de nouveau que l’on procède à cette discussion, soit
avant soit immédiatement après la discussion du canal de Zelzaete, qui est à
l’ordre du jour.
Jusqu’à
présent on n’a invoqué que trois actes pour étayer les prétentions de la
société, savoir l’arrêté du 28 août 1822, ses statuts et l’arrêté approbatif du
13 décembre même année. J’ai démontré, dans la même séance du 29 janvier, que
ni l’un ni l’autre de ces trois actes ne pouvaient être sérieusement regardés
pour des actes translatifs de propriété, et personne ne m’a contredit.
L’honorable M. le comte Meeus lui-même a cru devoir en convenir, car la
société, m’a-t-il dit, a encore un petit acte authentique sur qui elle fonde ses prétentions.
J’aurais désiré connaître ce petit acte authentique, mais il ne me l’a
point montré. L’honorable M. le baron Osy m’a aussi soutenu que la
société avait un titre de propriété de ces domaines, mais il m’a franchement
confessé ne pas le connaître.
Or
si la société n’avait pas de titre de propriété, ce dont je doute
ou si elle n’avait pas de titre valide comme je le prétends ; si les
domaines, qui ont été cédés en remplacement d’une partie de la liste civile, à
la couronne ou la personne royale, et nullement à la personne privée du roi
Guillaume, comme l’ont prétendu et établi les deux commissions qui ont été
chargées de l’examen de cette matière, comme l’ont reconnu l’honorable ministre
d’Huart et ses collègues, comme l’a compris la grande majorité des membres de
la chambre des représentants, si ces domaines, dis-je, situés en Belgique, sont
retournés à leur principe avec l’extinction de la royauté de Guillaume, pour
les Belges, et appartiennent de nouveau à la nation ; alors le gouvernement
trouverait, dans ces domaines et dans les caisses de la société générale, de
quoi payer les millions que nous votons et que nous sommes encore appelés à
voter sans devoir recourir à des augmentations d’impôts qui ne sont déjà que
trop accablants pour les contribuables.
Dans
les circonstances où se trouve placé le trésor public, toujours en déficit, pouvons-nous
différer davantage de recourir à ces fonds, s’ils nous appartiennent ?
Pouvons-nous abandonner à
Quel
est parmi nous l’homme qui, voyant un domaine de son père entre les mains d’un
tiers, ne lui demanderait pas comment il possède ce bien, quel est son titre de
propriété, et n’examinerait pas avec la dernière attention la validité de ce
titre, avant d’abandonner son droit de propriété d’un bien que lui a délaissé
son père ?
Ce
que nous ferions tous pour nous-mêmes, nous devons, messieurs, le faire pour la
nation, dont nous avons accepté la mission de défendre les intérêts.
Or,
qu’est-ce qui nous fait différer cet examen ? J’ai démontré dans la séance
précitée que l’intérêt du pays et l’intérêt de la société générale lui-même
exigeaient une prompte solution de toutes les questions.
On
m’a un jour objecté que la société générale avait fait des pertes
considérables, et que si on lui enlevaient les domaines, on la ferait crouler ;
ou que la faillite de la société générale jetterait dans le pays une perturbation,
beaucoup plus nuisible à l’Etat que la perte totale de ces domaines. Ces
craintes, je ne les partage pas ; mais devrais-je les partager, je n’y
trouverais pas un motif pour différer d’établir définitivement les droits ou
actions du gouvernement envers elle.
Je
suis aussi du nombre de ceux qui veulent conserver la société mais lorsque
l’Etat aurait récupéré ses domaines et ses droits, alors nous pourrons la
soutenir ; et pour empêcher sa déconfiture, je serais disposé à y consacrer les
plus grands sacrifices, devrais-je même y affecter les domaines et leurs
produits. Mais retarder, dans les circonstances où nous sommes, la discussion
de ces questions et augmenter les contributions, c’est là jeter le trouble dans
le pays, c’est provoquer le peuple aux révoltes.
PROJET DE LOI RELATIF A
M.
le président.
- La chambre veut-elle s'occuper du projet de loi relatif à la navigation entre
Anvers et
Plusieurs membres. - Oui ! oui
!
M.
le président.
- Le projet du gouvernement est ainsi conçu :
« Article
unique. Le ministre des affaires étrangères est autorisé à prélever sur les
allocations des différents chapitres du budget de la marine, pour l'exercice
1812, la somme nécessaire à l'achat d'un bateau à vapeur à basse pression,
destiné à compléter le service du passage d'eau d'Anvers à
La
section centrale propose de rédiger l'article de la manière suivante :
« Le
ministre des affaires étrangères est autorisé à prélever sur les allocations
des différents chapitres du budget de la marine, pour l'exercice 1842, la somme
nécessaire à la construction en Belgique d'un bateau à vapeur à basse pression
destiné spécialement à compléter le service du passage d'eau d'Anvers à
« Le
gouvernement prendra les mesures nécessaires pour que la dépense à laquelle
donnera lieu la construction d'un second bateau à vapeur, n'excède pas le
montant des économies à faire sur le budget de la marine pour le présent
exercice. »
M. le ministre se rallie-t-il au projet de la section
centrale ?
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - Je ne vois pas comment l'addition du mot spécialement
proposée par la section centrale au § 1er, pourra remplir le but qu'elle se
propose d'après les conclusions de son rapport où elle dit : Votre section
centrale vous propose d'ajouter dans le premier paragraphe le mot spécialement,
afin qu'il soit bien entendu que le gouvernement pourra se servir du
nouveau bateau pour la remorque des navires et le service de Tamise.
L'addition de ce mot me semblerait devoir dire un sens
contraire au but que paraît s'être proposé la commission.
M. Vilain XIIII, rapporteur. - L'amendement de la
section centrale a pour but d'exprimer que le deuxième bateau à vapeur aurait
pour destination principale de desservir le passage d'Anvers à
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - Le mot principalement serait plus clair, selon moi.
M. Vilain XIIII. - La section centrale n'a pas de motif sérieux pour
s'opposer au changement proposé par M. le ministre.
M.
Delfosse. - Je
ne m'attendais pas à voir discuter ce projet aujourd'hui, je n'ai pas le texte
sous les yeux ; si je ne me trompe, il n'y a pas de somme
fixée pour l'achat du bateau, ne serait-il pas bon de fixer un maximum que
M. le ministre ne pourrait pas dépasser ?
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - La dépense sera de 110,000 fr. à 120,000 fr. Il y aurait quelque
inconvénient à le mettre dans la loi. Ce serait préjuger
l'adjudication qui aura lieu.
M. Demonceau. - Je crois qu'il faut employer le mot principalement plutôt
que le mot spécialement ; parce que ce dernier mot est exclusif de tout
autre service ; ensuite je dis qu'on devrait déterminer dans la loi le
maximum de la somme à dépenser. Il serait contraire aux règles d'une
bonne comptabilité de faire autrement.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) – Le deuxième paragraphe de l'article forme redondance avec le 1er
paragraphe. J'en propose la suppression, et je propose un paragraphe nouveau,
ainsi conçu :
« En aucun cas la somme à prélever sur ces différentes
allocations ne pourra dépasser 130,000 fr. »
M.
Manilius, - Je
ne sais pas pourquoi on demande un crédit pour la construction d'un bateau à
vapeur, alors qu'on n'en a pas demandé pour l'achat de la
goélette
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il est très vrai qu'on a remplacé une canonnière
par la goélette
M.
Jadot. - Le
mode déterminé pour le paiement de ce bateau étant tout à fait contraire aux principes
et aux règles d’une bonne comptabilité, si j'émettais un vote il serait
négatif, par ce motif je m'abstiendrai.
-
La chambre adopte l'amendement consistant à remplacer le mot spécialement par
le mot principalement, supprime
le 2e paragraphe de l'article et adopte le paragraphe
nouveau présenté par M. le ministre des affaires étrangères.
L'article
unique du projet de loi est adopté dans les termes suivants :
« Article
unique. Le ministre des affaires étrangères est autorisé à prélever sur les allocations
des différents chapitres du budget de la marine, pour l'exercice 1842, la somme
nécessaire à la construction en Belgique d'un bateau à vapeur à basse pression,
destiné spécialement à compléter le service du passage d'eau d'Anvers à
« En
aucun cas la somme à prélever sur les différentes allocations ne pourra
dépasser 130,000 francs. »
La
chambre déclare l'urgence de ce projet de loi et adopte définitivement les
amendements qui y ont été introduits.
Il
est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.
72
membres prennent part au vote.
2
s'abstiennent.
70
votent pour le projet.
En
conséquence, le projet est adopté. Il sera transmis au sénat.
Ont
voté pour le projet : MM. Brabant, de
Se
sont abstenus : MM. Fleussu et Jadot.
La parole est accordée à MM Fleussu et Jadot pour faire
connaître les motifs de leur abstention.
M.
Fleussu. - Je
me suis abstenu parce que je ne conteste pas l'utilité du projet. Mais je
trouve qu'il y a irrégularité pour la comptabilité. Il me semble que ce n'est
qu'à l'aide de transferts qu'on peut faire une acquisition au moyen de crédits
qui ont été ouverts pour telle ou telle dépense spéciale. Je ne vois pas qu'on
puisse régulariser la comptabilité lorsque l'on dit que c'est au moyen
d'économies sur l'ensemble du budget qu'on pourra faire l'acquisition.
M.
Jadot. - Je me
suis abstenu pour les motifs que j'ai donnés tout à l’heure.
PROPOSITION TENDANT A
AUTORISER LE GOUVERNEMENT A REDUIRE DANS CERTAINS CAS ET TEMPORAIREMENT LES
PEAGES SUR LES CANAUX ET RIVIÈRES
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - La chambre se rappellera que le projet de budget
des voies et moyens renfermait un article qui donnait au gouvernement le droit
de réduire dans certains cas les péages sur les canaux et rivières. Il a été
entendu que cet article serait renvoyé aux sections comme proposition spéciale,
et que de plus il serait demandé des renseignements au gouvernement. Je tiens
en main ces renseignements ; je les dépose sur le bureau. Je
prie la chambre d'en ordonner l’impression et de donner suite à l'examen en
sections de la proposition.
M.
Dechamps. - Je
demanderai à M. le ministre s'il verrait quelque inconvénient à ce qu'on renvoyât
l'examen de cette proposition à l'ancienne section centrale du budget des
voies et moyens, qui s'en occuperait comme commission
spéciale. Veuillez remarquer, messieurs, que les sections ont déjà été
appelées à examiner l'art. 4 du budget des voies et moyens, qui contient le
principe dont vient de parler M. le ministre de l'intérieur. La section
centrale a aussi procédé, du moins partiellement, à cet examen. Il me paraît donc que nous perdrions infiniment moins de
temps en chargeant cette section de compléter l'examen de la question.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Le motif principal pour lequel on a ajourné la
discussion de cet article, c'est que les sections ne l'avaient pas examiné. On
a remarqué dans les procès-verbaux des sections qu'elles ne s'en étaient point
occupées. Dès lors, la section centrale a pensé qu'il
fallait faire de cet article un projet spécial.
M. Demonceau. - Les observations que vient de faire M. le ministre de
l'intérieur sont exactes. Lorsque la section centrale a eu à examiner cet
article du projet du budget des voies et moyens, elle a trouvé que dans aucune
des sections, ou tout au plus dans une seule, on s'en était occupé. La section
centrale a vu dans ce projet un grand changement au système suivi
jusqu'aujourd'hui. Elle a cru ne pas devoir s'en occuper et elle a proposé
l'ajournement, qui a été adopté par la chambre.
Pour mon compte je crois qu'il est de l'intérêt de la
proposition elle-même qu'elle soit renvoyée aux sections ; car elle exige un sérieux
examen.
M. Dumortier. - Messieurs, la question dont il s'agit est de la plus
haute importance. Nous venons encore de voter une augmentation de dépenses. Je
ne sais si on sera d'avis d'autoriser le gouvernement à réduire les revenus. Il
me semble que la question mérite d'être examinée en sections ; car elle
entraîne un bouleversement total du régime qui nous régit depuis longtemps.
Je demande donc le renvoi en sections pour que chacun puisse
former son opinion sur ce projet.
M.
Dechamps. -
Puisque le gouvernement n'est pas de mon avis, je n’insisterai pas. J'avais cru
que la section centrale avait procédé à l’examen de la question.
-
Les documents déposés par M. le ministre de l’intérieur seront imprimés et
distribués. L’examen de l'art. 4 du projet de budget des voies et moyens,
formant un projet spécial, est renvoyé aux sections.
M. Verhaegen. - Il y a trois semaines j'ai rappelé pour la vingtième fois
ma proposition faite en 1837 pour l'amélioration du sort de la magistrature et
qui n'a été entravée que par la promesse formelle faite par M. le ministre de
la justice de présenter un projet complet sur la matière.
L’honorable
M. Malou, en l'absence de M. le ministre de la justice, répondant à ma
réclamation, nous avait annoncé que le projet de loi serait présenté dans la
quinzaine, les 15 jours sont écoulés et nous n'avons rien obtenu.
Je viens renouveler mes pressantes réclamations et j'ose
espérer que les vacances que la chambre paraît se vouloir donner seront
employés par M. le ministre de la justice, pour achever un travail qu'il nous
promet depuis si longtemps et qui est destiné à faire cesser une criante
injustice.
M. le ministre de la justice (M. Van Volxem) - Le projet sera présenté
le jour de la rentrée.
M. Verhaegen. - Je prends acte de cet engagement et j'ose espérer que ce
ne sera pas en vain.
M.
le président.
- Quel projet la chambre veut-elle mettre à l'ordre du jour de demain ?
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Le projet de loi sur les prud’hommes, M. le
président.
M.
le président. -
A quelle heure veut-on fixer la séance ?
Plusieurs membres. - A dix heures.
M.
Raikem. - Je
ne sais si dans la séance de demain nous pourrons terminer le projet de loi sur
les prud'hommes. Peut-être cette proposition soulèvera-t-elle quelque
discussion ; et d'un autre côté il peut arriver que nous ne soyons pas bien
nombreux.
Il
faut avouer que si nous ne pouvons terminer dans la séance de demain, et si
ultérieurement on doit prendre des vacances ; ce serait une séance inutilement
employée. Je crois qu'il serait plus avantageux de prendre tout de suite la
vacance et de discuter le projet de loi sur les
prud'hommes le jour de la rentrée.
M.
Fleussu. - Je
demanderai s'il ne faudrait pas faire un appel nominal pour savoir si demain
nous serons en nombre. Je voudrais que ceux qui répondraient
oui, fussent censés prendre par là l'engagement de se trouver à la séance.
M.
Delehaye. -
Messieurs, le projet de loi sur les conseils de prud'hommes renferme plusieurs
articles. D'un autre côté il soulève une question constitutionnelle qu'il
faudra examiner. Et cette question n'est pas facile à décider ; car un conseil
de prud'hommes a reculé, depuis dix ans, devant elle, il a pensé qu'en présence
de la constitution, il ne pouvait mettre à exécution l'ancienne loi. Il faut
donc examiner mûrement cette question constitutionnelle, et je crois que la
discussion ne peut être terminée en une séance. Si donc vous ne décidez pas que
vous vous réunirez de nouveau lundi prochain, je crois que la séance de demain
sera perdue. Je demande donc qu'on n'ait séance demain
que pour autant qu'il soit entendu qu'on se réunira encore lundi.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il n’y a qu'une seule question à examiner
dans cette proposition.
Les
attributions des conseils des prud'hommes sont de trois espèces, et il n'y a de
doute que pour l'une de ces espèces d'attributions ; je pense que les deux autres
sont à peu près hors de cause. Or, je crois qu'en une séance, si on commence à
10 heures, on peut statuer sur ce point. Je demande donc qu'on discute ce
projet demain. Il s'agit d'une loi impatiemment attendue dans le pays. Le
gouvernement en a d'ailleurs besoin pour qu'il soit à même de s'occuper
d'autres questions qui se rattachent à la classe ouvrière, à la police des
ateliers.
M.
Lebeau. - Je
comprendrais que l'on reculât devant l'examen du projet de loi concernant les
conseils de prud'hommes, si la chambre avait pris irrévocablement le parti de
n'avoir point de séance la semaine prochaine, mais je crois que l'on était à
peu près d'accord pour prolonger les séances jusqu'à mardi. (Non, non.) Il me semble au moins que M.
le ministre a donné d'excellentes raisons pour qu'il en fût ainsi, alors
surtout qu'il s'agissait de prolonger la vacance jusqu'au 11 avril. Je crois que si l'on veut absolument s'ajourner demain, il
faudrait au moins fixer alors la rentrée au 4 du mois prochain.
M.
Raikem. -
J'admettrais tous les motifs que vient de faire valoir l'honorable préopinant,
si l'on pouvait avoir quelque certitude que la chambre se trouvera en nombre
suffisant pour délibérer, dimanche, lundi et mardi. Quant à moi j'assisterai
bien volontiers à ces séances, mais l'expérience nous prouve que lorsqu'on a
fixé des séances dans la semaine des Pâques, on ne s'est jamais trouvé en
nombre ; alors ceux qui étaient restés à Bruxelles étaient véritablement dupes
de leur zèle, et il n'en résultait aucune espèce de profit pour la chose
publique, car vous conviendrez, messieurs, qu'on n'avance nullement
les affaires du pays en venant ici pour assister à un appel nominal, et s'en
retourner ensuite faute de s'être trouvé en nombre.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Nous avons encore trois quarts d'heure devant nous
; la discussion peut commencer aujourd'hui ; j'exposerai la question et l'on
sera ensuite mieux à même de décider si l'on pourra discuter le projet avant de
se séparer. (Oui ! oui !)
Discussion générale
M.
le président.
- Je demanderai d'abord à M. le ministre s'il se rallie à la proposition de la
section centrale.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je me rallie au projet de la section centrale tel
qu'il a été imprimé, c'est-à-dire en maintenant toutes les attributions des
conseils de prud'hommes. Je déposerai seulement un amendement tendant à ajouter
Alost aux villes de
M.
le président.
- La discussion générale est ouverte.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, les conseils de prud'hommes sont
investis, par les décrets de l’empire, de trois espèces d'attributions. Les
conseils de prud'hommes remplissent d'abord les fonctions de tribunaux de
conciliation ; en deuxième lieu, ils jugent, comme tribunaux de commerce
certains cas, définitivement lorsque l'objet de la contestation ne dépasse pas
une somme déterminée, sauf appel lorsque l'objet excelle cette somme. En 3e
lieu, les conseils de prud'homme jugent en matière de police répressive ou
disciplinaire. Je ne me sers de ces dernières expressions qu'avec une
certaine réserve, parce que c'est sur ces expressions que porte la discussion.
Passons
en revue ces trois espèces d'attributions et nous verrons sur quel point il y a
controverse.
Les
conseils de prud'hommes ont des attributions comme tribunaux de conciliation ;
c'est un bureau spécial et non pas le conseil tout entier qui exerce ces
attributions. Cette juridiction peut-elle être maintenue ? Aucun doute n'a été
élevé sur ce point dans aucune des sections de la chambre. (Assentiment).
Les
conseils de prud'hommes jugent comme tribunaux de commerce, définitivement
jusqu'à 100 francs. (Interruption).
Voici la disposition du décret du 5 août 1810, qui règle cette deuxième espèce
d'attributions des conseils de prud'hommes :
«
Art. 2. Leurs jugements sont définitifs et sans appel si la condamnation
n'excède pas cent francs, en principal et accessoire. Au- dessus de cent
francs, il seront sujets à appel devant le tribunal de commerce, etc. »
Un
doute s'est élevé sur la question de savoir si cette deuxième espèce
d'attributions pouvait être maintenue aux conseils de prud'hommes, et la
section centrale, après quelques hésitations, s'est prononcée pour
l'affirmative. Je dis : après quelques hésitations, parce que j'en
trouve des traces dans le rapport. Il est évident que les conseils de
prud'hommes ne sont ici que de véritables tribunaux commerciaux, placés
vis-à-vis de tribunaux de commerce d'arrondissement dans une position à peu
près analogue à celle où se trouvent les juges de paix, vis-à-vis des tribunaux
civils d'arrondissement.
Je
pense donc que ce deuxième point peut également être mis hors de contestation (nouvel assentiment). J'arrive donc à la
3e espèce d'attributions et c'est ici que commenceront véritablement les
doutes, que s'établit la controverse.
Je
lirai d'abord l'art. 4 du même décret impérial, du 3 août 1810, qui définit
cette 3e espèce d'attributions ; voici ce que porte cet article :
« Titre II. Attributions du conseil de
prud'hommes en matière de police.,
« Art
4. Tout délit tendant à troubler l'ordre et la discipline de l'atelier, tout
manquement grave des apprentis envers leurs maîtres pourront être punis par les
prud'hommes d'un emprisonnement qui n'excédera pas trois jours, sans préjudice
de l'exécution de l'art. 15 de la loi du 22 germinal an XI et de la concurrence
des officiers de police et des tribunaux. »
Cet
article investit dans les conseils de prud'hommes du droit de punir tout délit
tendant à troubler l'ordre et la discipline de l'atelier, tout manquement
grave des apprentis envers leurs maîtres.
Peut-on
maintenir aux conseils de prud'hommes cette troisième espèce d'attributions ?
Voilà la seule question que nous avons à examiner.
Les
uns soutiennent la négative en disant que c'est là une véritable juridiction de
police, une véritable juridiction répressive, dans le sens ordinaire du mot. On
ne peut donc plus, ajoutent-ils argumenter ici de l'article de la constitution
qui maintient les tribunaux de commerce, car il est impossible d'assimiler
cette troisième espèce d'attributions des conseils de prud'hommes aux
attributions des tribunaux de commerce ; il s'agit ici d'une juridiction de
police qui tombe dans les juridictions ordinaires indiquées par la constitution
et qui entre autres caractères, doivent présenter celui de l'inamovibilité.
A
cela, messieurs, il me semble qu'on peut répondre qu'il ne s'agit pas ici d'une
véritable juridiction de police, mais d'une juridiction disciplinaire. Si dans
le libellé du titre III du décret impérial du 3 août 1810, dont je viens de
lire quelques dispositions, on rencontre les expressions : Attributions des
conseils de prud'hommes en matière de police, c'est qu'à cette époque il
n'était pas nécessaire de faire les distinctions auxquelles on a recours
aujourd'hui pour établir la constitutionnalité d'une institution ; de sorte que
pour moi c’est comme si le titre en question portait : « Attributions des
conseils de prud'hommes en matière de discipline. »
Un membre. - Vous ne changez que les
mots.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Eh bien, messieurs, la question n'est réellement
qu'une question de mots. Qu'est-ce ici que cette prétendue peine de trois jours d'emprisonnement, au minimum ?
ce sont de véritables arrêts, rien de plus.
Je
dis que les conseils de prud'hommes peuvent tout aussi légitiment, tout aussi
constitutionnellement prononcer des arrêts semblables que le font aujourd'hui
beaucoup d'autres autorités, par exemple, dans l'armée, les officiers
supérieurs et même le ministre de la guerre. Dans les ponts et chaussées, les
mines, le ministre peut également infliger des arrêts.
Que
fait ici le conseil des prud'hommes ? Il prononce des arrêts ; il les prononce
sans préjudice de peines véritables, c'est-à-dire que si les faits que le
conseil des prud’hommes réprime par des arrêts, avaient été accompagnés de
coups et de blessures, par exemple, ce serait sans préjudice de la poursuite du
chef des coups et des blessures : c'est ce que l'article 4 du congrès impérial
du 3 août 1810 dit formellement, de sorte que la distinction se trouve dans le
décret lui-même.
Ce
décret donc pour moi présente des vices de rédaction ; si l'on a égard aux
principes qui nous régissent aujourd'hui, il aurait fallu se servir d'autres
expressions, mais le fond des choses est le même. C'est pour des faits, je le
répète de nouveau, qui ne sont réputés ni crimes ni délits par les lois
ordinaires, qui sont en dehors de l'échelle des crimes et des délits ordinaires
; de manière que le conseil des prud’hommes inflige des arrêts, sans préjudice
de l'exécution de toutes les autres
dispositions pénales que l'individu dont il est question peut avoir enfreintes.
Ainsi,
messieurs, si vous réduisez ces attributions de manière à n'y voir que de
simples mesures disciplinaires, des arrêts infligés non pas par un homme, comme
cela arrive dans l'armée et le corps des ponts et chaussées, mais par un
conseil, je crois que vous pouvez dire que cette troisième attribution peut
être maintenue. Si, au contraire, vous en faites une juridiction de police, des
doutes surgissent, et alors vous arrivez à la négative sur la troisième
question.
Voilà,
messieurs, en peu de mots, le résumé des trois points que vous avez à examiner
; les deux premiers points doivent être mis hors de cause, et je pense que nous
sommes d’accord qu’une controverse ne peut s'établir que sur le troisième
point. Je suis convaincu qu'on ne peut voir dans les
attributions de la troisième espèce que le droit d'infliger des arrêts ne
pouvant excéder trois jours.
M.
Raikem. -
Messieurs, je crois, comme M. le ministre de l'intérieur, qu'il ne se présente
ici qu'une seule question, Les deux premières qu'il a soulevées me paraissent
être hors de cause. Les conseils de prud'hommes subsistent ; car nous avons à
cet égard des décrets qui ont force de loi. Mais, l'on se fait naturellement
les questions suivantes : Les conseils de prud'hommes subsistent encore
aujourd’hui comme corps conciliateurs ? Subsistent-ils encore aujourd’hui comme
jugeant certaines affaires commerciales, soit en premier ressort, soit en
dernier ressort, jusqu'à 100 francs ; en un mot, les conseils de prud'hommes
conservent-ils leur juridiction soit gracieuse pour concilier les parties, soit
contentieuse relativement à certaines matières, autres que celles de
répression. Je crois qu'aucun doute ne peut surgir sur ce point ; et vous
remarquerez, messieurs, que la loi ne vous est pas présentée, dans ce sens
qu’il s’agirait d’établir des conseils de prud’hommes : les décrets qui ont
institué ces conseils ont été publiés en Belgique, ils y ont force obligatoire,
à moins toutefois qu’il n’aient été abrogés par la constitution. Or, il me
semble qu'une seule question d'abrogation se présente, c’est relativement aux
peines que les conseils de prud'hommes pouvaient prononcer, et c'est sur ce
point que je ferai quelques observations.
Vous
avez dû remarquer, messieurs, que, par le projet de loi qui vous est soumis, le
gouvernement demande d'instituer dans certaines villes désignées des conseils
de prud'hommes. Si l'on adopte la proposition du gouvernement en principe, nous
n'aurons à nous occuper que d'une seule question, celle de savoir si dans le
sens de la constitution, nous devons modifier la législation subsistante, de
manière à remplacer les conseils de prud'hommes par une juridiction qui existe
actuellement, par la juridiction des juges de paix qui statuent en matière de
simple police.
Aussi
M. le ministre de l'intérieur a-t-il ramené la question à celle de savoir si
c'étaient véritablement des peines de simple police que les conseils de
prud'hommes sont autorisés à prononcer d'après le décret du 3 août l810, ou
bien si ce n'étaient en quelque sorte que des mesures disciplinaires.
Pour
se bien fixer sur cette question, je crois qu'il sera bon de rappeler
brièvement les principes de la législation.
Le
décret du 3 août 1810 date d'une époque antérieure à celle à laquelle le code
d'instruction criminelle et le code pénal ont été mis en vigueur. Avant
et postérieurement à ce décret, nous étions régis par le code du 3 brumaire an
IV qui avait comminé des peines de simple police dont le maximum était trois
jours d'emprisonnement.
D'après
ce même code, c'était le juge de paix qui prononçait sur les matières de simple
police, c’était lui qui était chargé de l’application de ces peines. Nous
avons cependant à constater quelques dérogations à cet égard relativement aux
manufactures ; il est intervenu une loi, celle du 22 germinal an XI, qui est
rappelée dans le décret du 3 août 1810.
Suivant
le code de brumaire, an IV, le juge de paix était saisi des contraventions de
police, et d'après la loi du 22 germinal, an XI, certaines contraventions de
police, indiquées dans cette loi, devaient être portées devant le maire ou
devant son adjoint, et il paraît assez que les attributions conférées aux
conseils de prud'hommes par le décret du 5 août 1810, sont de même nature que
celles qui ont été données aux maîtres et aux adjoints. Le code d'instruction
criminelle de
Cette
juridiction ne pouvait nullement être contestée, tant que ces lois étaient en
vigueur ; or, elles n'ont pas été rapportées postérieurement, à moins qu'on ne
prétende qu'elles ont été abrogées par la constitution.
Il
s'est par suite élevé la question de savoir si la juridiction conférée aux
maires et aux adjoints (bourgmestres et échevins) en matière de simple police,
subsisteraient encore en présence de la constitution ; s'il y a abrogation, les
maires et leurs adjoints (les bourgmestres est les échevins) ne pourraient pas
plus exercer aujourd'hui la juridiction qui leur est déférée par le code de
1808, qu'ils ne pourraient exercer la juridiction qui leur est donnée par la
loi du 22 germinal an XI.
Certes,
cette question donnait ouverture à une controverse. Je n'entrerai pas dans de
longs détails à cet égard. D'un côté, on peut dire que la constitution a pris
les choses dans l'état où elles se trouvaient ; que l'intention des auteurs de
cette constitution n'a pas été d'anéantir tout d'un coup toutes les
juridictions ; qu'à la vérité elle défendait d'établir des tribunaux
extraordinaires et des commissions ; mais que les maires et les adjoints, par
rapport aux attributions dont il s'agit, n'étaient certainement que des commissions,
et qu'il est douteux qu'ils fussent des tribunaux extraordinaires, puisqu'ils
existaient, et que les abrogations ne se déduisent pas par induction. On
pouvait donc prétendre que la juridiction des maires et des adjoints subsistait
encore, et par suite celle des prud'hommes, en matière répressive ; d'un autre
côté, on a argumenté des termes de la constitution, Bref, la constitution a été
déférée, dans l'intérêt de la loi, à la cour de cassation, et par un arrêt de
1840, dont je ne me rappelle pas la date précise, il a été décidé que par la
publication de la constitution il y avait abrogation de la juridiction qui
avait été déférée aux maires et aux adjoints en matière de simple police.
Ainsi,
d'après cette décision, nous n'avons d'autres tribunaux en matière répressive
de simple police que le juge de paix, et il paraît même que M. le ministre a
assez abondé dans ce sens, lorsqu'il a dit que ce n’était pas véritablement une
peine en matière répressive que les prud'hommes sont appelés à prononcer, mais
simplement une peine disciplinaire.
J'avoue,
messieurs, que j'aurais penché pour l'opinion qu'en ce qui concerne la
juridiction des maires et des prud'hommes, la constitution l'avait laissé subsister,
et que pour changer cette juridiction, une loi nouvelle aurait dû intervenir,
mais j'ai peine à admettre qu'on puisse considérer les peines comminées par le
décret du 3 août 1810, comme des peines purement disciplinaires.
En
effet, remarquez, messieurs, que c'étaient des contraventions de police,
relativement aux ouvriers, que la loi du 22 germinal an XI, déférait aux maires
et aux adjoints ; ce n'étaient pas dans ce cas des peines disciplinaires que
les maires ou les adjoints infligeaient aux ouvriers, en ce qui concernait les
contraventions prévues par la loi.
Cependant,
on conçoit plus aisément qu'un maire, un adjoint, un fonctionnaire seul inflige
une peine disciplinaire plutôt qu'un corps délibérant, tel par exemple,
qu"un conseil de prud’hommes ; je conçois difficilement qu'un corps
délibérant inflige une peine disciplinaire, et il me semble que, dans ce cas,
il s'agit réellement non pas de peines correctionnelles, mais des peines de
police, et que les peines infligées par les maires en vertu de la loi du 22
germinal an XI, sont semblables à celles infligées aux ouvriers par ses
conseils de prud’hommes, en vertu du décret du 3 août 1810. Car remarquez que
le maximum des peines de simple police est fixé à 3 jours d'emprisonnement, et
c'est cette peine qu’il est permis d'infliger en vertu du décret de 1810 : ce
qui me porte à croire que ce sont véritablement des peines répressives que les
conseils de prud'hommes sont appelés à prononcer. Mais cependant je crois que
cela ne doit pas arrêter l'adoption du projet de loi proposé, car il aura
toujours son côté utile quant aux deux questions qui ont été exposées par M. le
ministre de l'intérieur, et qu'il a dit ne pouvoir rencontrer de contestations
sérieuses. Mais quant à celle-ci, au lieu de donner aux conseils des
prud'hommes le pouvoir d'infliger la peine de l'emprisonnement, si la
disposition n'est pas constitutionnelle, il faudra prendre des mesures telles
que l'affaire pût être portée devant le juge de paix, en sa qualité de juge de
police, dont la juridiction constitutionnelle ne peut être mise en doute. Avec
un léger amendement que pourrait présenter M. le ministre, la loi, selon moi,
ne pourrait pas souffrir de difficulté quant à son adoption.
M.
le président.
- Nous
allons passer à discussion des articles.
M.
Orts. - Il serait important de
pouvoir fixer son attention sur le décret impérial qui a institué le conseil
des prud'hommes et l'a investi d'un pouvoir répressif, car selon moi la peine
qu'ils sont autorisés à infliger est une peine répressive ; selon d'autres, ce
ne serait qu'une peine disciplinaire. On sait que l'empereur rendait des
décrets qui prononçaient des peines correctionnelles ; c'est ainsi que le décret
du 4 mai 1812 prononce contre le délit de chasse sans port d'armes des peines
vraiment correctionnelles. Ces décrets avaient force de loi, quand dans les dix
jours, ils n'étaient pas attaqués comme inconstitutionnels. Il ne serait pas
mauvais de pouvoir appesantir son attention sur les termes du décret impérial.
Si
le conseil des prud'hommes participe des tribunaux consulaires dont on dit
qu'il n'est en quelque sorte qu'une dérivation, il est impossible de l'investir
du droit de prononcer des peines, puisque les tribunaux de commerce eux-mêmes
ne peuvent jamais prononcer de peines disciplinaires, même pour les délits
commis à l'audience, ce que peuvent faire les juges de paix et les tribunaux
correctionnels.
Si donc il est vrai que ce soit une peine qu'il
s'agisse d'infliger aux ouvriers, il est impossible d'investir les conseils de
prud'hommes du droit de la prononcer.
M. de Villegas. - Je demande le renvoi de la discussion à demain. Mon
intention était de prendre part à la discussion, mais je ne m'attendais pas à
ce que ce projet serait discuté dans la séance d'aujourd'hui.
Je
demanderai que la discussion générale ne soit pas close. J'ai pris quelques
notes, je ne les ai pas devant moi, et je ne les ai pas non plus présentes à la
mémoire. Je désirerais cependant présenter quelques
considérations à la chambre sur la question constitutionnelle et sur
l'organisation même de l'institution des prud'hommes.
M. Dubus (aîné). - M. Orts a demandé qu'on lui présentât le texte
attribuant aux conseils de prud'hommes le droit de prononcer des peines. L'art.
4 de la loi du 3 août 1810, porte : « Tout délit tendant à troubler
l'ordre ou la discipline de l'atelier, tout manquement grave des apprentis
envers leurs maîtres pourront être punis par les prud’hommes d'un
emprisonnement qui n'excédera pas trois jours, sans préjudice de l'article 19,
titre V de la loi du 22 germinal an XI, et de la concurrence des officiers de police
et des tribunaux. »
L'ensemble
de l'article me parait exclure toute idée de discipline, il s'agit de punir des
délits d'un emprisonnement dont le maximum n'excédera pas trois jours.
L'art.
19, titre V de la loi du 22 germinal an XI porte :
« Toutes
les affaires de simple police entre les ouvriers et apprentis, les
manufacturiers fabricants et artisans seront portées à Paris devant le préfet
de police ; les commissaires généraux de police là où il y en a d'établis, ou
devant le maire ou un des adjoints. Ils prononceront sans appel les peines
applicables aux divers cas, selon le code de police municipale. »
Soit
qu'on consulte le décret de 1810 de l'article 19 du titre V de la loi du 22
germinal an XI, on voit que toujours il s'agit de délits de peines répressives
à appliquer et non de discipline et de peines disciplinaires. Je conçois qu'une
juridiction soit armée du droit de prononcer des peines disciplinaires pour
maintenir 1'ordre dans son audience, mais ici il s'agit de délits commis en
dehors de l'audience. L'expression est même tellement générale, qu'elle
embrasse les délits déjà prévus et punis par le code pénal, car
il y a plusieurs cas prévus par le code pénal qui constituent des délits de
nature à troubler l'ordre et la discipline de l'atelier.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J'ai dit que toute la question consistait en ceci :
est-ce une peine qu'il s'agit d'infliger, on bien n'est ce qu'une mesure
disciplinaire équivalent à ce qu'on appelle les arrêts dans d'autres
circonstances ? Je pense qu'on peut donner ce caractère à la chose.
J'ai
dit que l'art. 4 du décret du 3 août 1810 renfermait des expressions impropres.
J'en trouve la preuve dans les premiers mots mêmes de l'article : Tout
délit. Ces expressions sont tellement impropres qu'au commencement de cet
article on manque déjà au langage législatif. Et on faisait cela quelque temps
après la promulgation du code pénal qui a eu lieu le 12 février 1810 !
La
classification rigoureuse des actes punissables en crimes, délits et
contravention, tout est oublié ; on se sert d'une expression impropre en
débutant. Tant il est vrai qu'il a été rédigé avec peu de soin et
qu'aujourd'hui nous sommes obligés de voir le fond des choses plutôt que les
termes dont on s'est servi dans le décret. Je persiste donc à dire qu'il ne
faut pas s'arrêter aux termes du décret, attendu qu'ils sont impropres.
Il
n'est pas exact de dire avec M. Raikem, dont je rencontrerai quelques-unes des
objections, ne pouvant les rencontrer toutes aujourd'hui, il n'est pas exact de
dire que c'est une chose extraordinaire que de voir un corps prononcer des
peines disciplinaires. Tous les jours, dans la garde civique, nous voyons
prononcer des peines disciplinaires par les conseils de discipline. Voilà donc
des corps, des conseils qui prononcent des peines disciplinaires de sorte que
tel argument, que c'est un individu et non un corps qui prononce des peines
disciplinaires, vient à disparaître devant les faits que je vous cite ici.
Maintenant
trouvera-t-on un obstacle à considérer ces trois jours comme des arrêts dans la
circonstance que l'emprisonnement aurait lieu dans la maison ordinaire d'arrêt
? C'est là un inconvénient qu'on peut faire facilement disparaître. Prescrivez
que l'emprisonnement de trois jours, prononcé à titre d'arrêt, n'aura pas lieu
à la maison ordinaire de détention, mais à l'hôtel de ville ou dans d'autres
locaux.
Je
fais cette observation parce que j'ai entendu faire la remarque que
l'emprisonnement avait lieu dans l'endroit où l'on emprisonne en matière
ordinaire. Le gouvernement aura soin de prescrire qu'on ne soit pas mis aux
arrêts dans le lieu ordinaire de détention. On me dit : quels que soient les
mots, quelque soit le lieu, la chose est toujours la même, puisqu'on est privé
de sa liberté. Mais alors on doit prescrire tout ce qui s'appelle arrêt ; si
vous ne voyez qu'une seule chose la privation de la liberté, vous devez
supprimer les arrêts infligés dans l'armée, les arrêts que peut infliger le
ministre des travaux publics, l’inspecteur général, l'ingénieur en chef, car
ces arrêts emportent également la privation de la liberté.
Du
reste si l'on est frappé de cette circonstance, que ce qui donne à cette
privation de la liberté le caractère ordinaire de l'emprisonnement ; si
l'on est frappe de ce qu’à Gand et à Bruges, où il y a des conseils de
discipline, l'emprisonnement prononcé par ces conseils a lieu dans la maison
ordinaire de détention, on peut faire cesser cet inconvénient en assignant au
lieu spécial pour subir ces peines disciplinaires, et l'argument qu'on tire de
là vient à tomber.
Plusieurs membres. - A demain.
-
La séance est levée à 4 1/2 heure.