Accueil Séances plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et liens Note d’intention
Séance précédente Séance suivante
Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du vendredi 24 janvier 1840
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Rapport sur des pétitions relatives à la
police médicale (Zoude)
3) Projet de loi tendant à accorder un crédit
provisoire au département de la guerre. Rapport de la section centrale (Brabant)
4) Projet de loi portant le budget de l’intérieur pour l’exercice 1840.
Discussion générale. Elections communales contestées de Ham-sur-Heure,
droit pour le gouvernement de démettre des fonctionnaires publics pour motifs
électoraux (de Theux, Fleussu (+postes diplomatiques)), Willmar, Fleussu, Nothomb, Pirson (+postes diplomatiques), de Brouckere
(+postes diplomatiques), de Theux, d’Huart, Nothomb (+postes diplomatiques), Verhaegen, Nothomb)
5) Projet de loi relatif à la refonte des
monnaies provinciales
(Moniteur belge n°25 du 25 janvier 1840)
(Présidence de M. Fallon)
M. Scheyven
procède à l’appel nominal à midi et demi.
M. Mast de Vries lit
le procès-verbal de la séance précédente, la rédaction en est adoptée.
PIECES
ADRESSEES A
M. Scheyven
rend compte des pièces adressées à la chambre :
« Des négociants en
toile et fils de lin, des cultivateurs et tisserands de la commune de Cruyshautem demandent que les lins et cotons étrangers
soient frappés d’un droit élevé, les premiers à la sortie, les derniers à
l’entrée. »
« Le conseil communal
de Vruysbeke (Flandre orientale) demande qu’il ne
soit adopté aucune majoration de droit à la sortie du lin. »
- Ces deux requêtes sont
renvoyées à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport.
_________________________
« Huit militaires
pensionnés pour cause de cécité et d’infirmité demandent que leur pension soit
portée au taux de la nouvelle loi. »
- Renvoyé à la section
centrale pour les pensions militaires.
_________________________
« Le sieur G. Lion,
fournisseur à l’Etat de 64 chevaux de remonte, demande une indemnité du chef
des pertes qu’il a essuyées pour faire arriver ces chevaux en Belgique après le
décret du gouvernement prussien qui en prohibait la sortie. »
- Renvoi à la commission
des pétitions.
RAPPORT SUR DES PETITIONS
RELATIVES A
M. Zoude, rapporteur
– Messieurs, c’est pour la quatrième fois que je viens, au nom de la
commission des pétitions, vous entretenir des plaintes qui vous sont adressées
par les pharmaciens du plat pays qui tous réclament la nouvelle loi de police
médicale, promise par M. le ministre en 1838.
Parmi les rapports que la
commission vous a faits, deux l’ont été avec assez de détail.
L’une sur la pétition de
trois pharmaciens du Limbourg, l’autre sur celle du sieur Munchen
de Bastogne.
Ces messieurs vous ont
exposé les abus de la loi qui nous régit et ont invoqué, à l’appui de la
nouvelle qu’ils sollicitent, non pas leur intérêt personnel, mais celui de la
santé publique.
Le pétitionnaire qui se
présente maintenant, le sieur Stessel de Stavelot,
vous expose qu’il est victime au plus haut degré de la loi inique qui nous
régit, et il implore la puissance de la chambre pour engager M. le ministre de
l'intérieur et des affaires étrangères à remplir la promesse qu’il a faite de
vous soumettre un nouveau projet.
Les conclusions que la
commission a l’honneur de vous présenter, sont les mêmes que celles que vous
avez déjà adoptées, c’est-à-dire le renvoi à M. le ministre que la chose
concerne. Il est vrai que, dans la séance d’hier, il vous a dit que la chambre
étant déjà surchargée de projets de loi, il était superflu d’en ajouter de
nouveaux.
La commission, messieurs,
ne partage pas, à cet égard, la manière de voir de M. le ministre, elle croit
que cette considération ne peut couvrir la responsabilité dont il est chargé,
et qu’il doit mettre la chambre à même d’examiner son projet, car si elle
trouve en effet, comme le disent les pétitionnaires, que la santé des citoyens
soit compromise dans les campagnes, il peut se tenir pour assuré que les sentiments
d’humanité qui animent la chambre, la décideront à saisir le premier moment de
loisir pour s’occuper de cette loi.
Je ne puis donc qu’engager
M. le ministre, au nom de la commission des pétitions, à vouloir hâter son
travail.
Les conclusions sont le renvoi
à M. le ministre.
- Les conclusions de la
commission sont adoptées.
Rapport de la section centrale
M. Brabant, rapporteur –
Messieurs, la section centrale a examiné le projet de loi qui vous a été
présenté par M. le ministre de la guerre, dans votre séance d’hier, et j’ai
l’honneur de vous proposer en son nom l’allocation d’une somme de trois
millions de francs pour faire face aux dépenses des mois de janvier et février.
Cette somme, avec celle qui a été accordée par la loi du 31 décembre dernier,
porte les crédits des deux mois à 5 millions, et supposerait une dépense de 30
millions pour l’année ; le projet de budget soumis maintenant à notre
examen, s’élève à 32,790,000 francs ; le travail de la section centrale
n’est pas assez avancé pour nous permettre de vous annoncer le montant des
réductions praticables ; mais il nous est démontré que trois millions s’appliquent
à des dépenses qui ne peuvent, ou du moins qui ne doivent point se faire dans
les deux premiers mois de l’année, et c’est sur ce motif qu’est fondée la
réduction de 500,000 francs. Nous devons en même temps faire observer que les
deux crédits provisoires ne doivent, en aucune manière, faire supposer
l’allocation définitive de toutes les demandes du gouvernement, et la présente
proposition n’est faite que sous toutes réserves de droit.
Discussion générale
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Messieurs, j’éprouve réellement de la peine de
devoir vous entretenir encore de cette affaire de Ham-sur-Heure,
après le rapport que j’ai eu l’honneur d’adresser à la chambre ; ce
rapport, messieurs, expose les faits d’une manière tellement lucide que je ne
conçois réellement pas qu’il puisse encore rester le moindre doute dans la
pensée de qui que ce soit, et si je réponds aux observations qui ont été faites
dans la séance d’hier, c’est principalement pour appeler l’attention de la
chambre sur la futilité de semblables questions, au moyen desquelles on absorbe
une partie d’un temps précieux, et qui devrait être employé à des affaires
importantes.
On s’est étonné, en premier lieu, de ce que le
dossier ait été retrouvé, alors qu’on l’avait cru absent ; mais veuillez
remarquer, messieurs, que le dossier que j’ai déposé sur le bureau est le
dossier de l’administration provinciale de Mons, et nullement un dossier qui
aurait reposé au greffe de la chambre, dossier que, pour ma part, je n’ai
jamais vu.
Dans l’état actuel de la discussion, messieurs, il
ne s’agit plus que de savoir, si l’élection du neuvième conseil municipal de Ham-sur-Heure, qui a eu lieu en
Vous savez, messieurs, que l’élection a eu lieu au
scrutin de ballottage ; il ne s’agit donc que d’apprécier la valeur du
scrutin de ballottage ; or, M Dupont avait obtenu 35 voix ; M. Ranwez en avait obtenu 32 ; M. Tallois
en avait obtenu 30 ; pendant le rapporteur et, après lui, M. Verhaegen ont
soutenu que MM. Tallois et Dupont auraient dû être
ballottés. Du moment où l’on reconnaît la nécessité du ballottage, et cette
nécessité est évidente aux termes de la loi communale,
alors il faut bien que le ballottage se fasse conformément aux prescriptions de
la loi communale. Or, que prescrit-elle ? Que le ballottage aura lieu
entre les deux candidats qui ont obtenu le plus de voix. De quel droit, dès
lors, M. Tallois se serait-il prévalu d’avoir obtenu
trente voix, tandis que ses deux compétiteurs en avaient obtenu, l’un 32 et
l’autre 35 ? Il a vrai que l’on a eu recours à un moyen très ingénieux,
c’est de supposer que 5 électeurs qui avaient indûment pris part à l’élection
avaient donné leur voix à M. Ranwez et à M. Dupont,
et qu’ils ne l’avaient point donné à M. Tallois ;
il est très vrai qu’en opérant de cette manière, M Ranwez
ne devait pas être ballotté ; mais qui nous assure que les voix dont il
s’agit ont été données à M. Ranwez et non pas à M. Tallois ? Dans le doute, le ballottage étant obligé,
il n’y avait qu’une seule chose à faire, c’était de procéder au ballottage
entre les deux candidats qui avaient obtenu le plus de voix ; c’est ce
qu’indique la simple raison, c’est ce qu’indique la loi communale.
Je sais très bien que s’il s’était agi d’un seul
scrutin, d’un scrutin définitif, on aurait pu dire que la majorité était
incertaine, parce qu’il était possible que les 5 voix contestées eussent été
données à M. Dumont et que par conséquent celui-ci n’eût pas eu la majorité,
mais il n’en est pas de même quand il s’agit d’un scrutin de ballottage. Le
scrutin de ballottage est dans tous les cas obligatoire, lorsque le premier
scrutin n’a pas amené un résultat complet, et le ballottage ne peut avoir lieu,
aux termes de la loi, qu’entre les candidats qui ont obtenu le plus de voix.
Ce que l’on critique, c’est
l’arrête par lequel le gouvernement a rejeté la réclamation du sieur Tallois. « Il aurait fallu, dit-on, laisser prononcer
la députation permanente du Hainaut sur cette réclamation et laisser ouvert le
recours en cassation. » Mais, messieurs, la députation des états du
Hainaut n’avait plus à prononcer sur rien ; le délai fatal pour la
vérification des pouvoirs était expiré, le collège échevinal avait été nommé
par le Roi ; il s’agissait de faire installer le collège échevinal et le
conseil, et c’est ce qu’on a décidé en rejetant la réclamation du sieur Tallois. Le recours en cassation, d’ailleurs, ne pouvait,
dans aucun cas, avoir lieu en ce qui concerne la validité de l’élection ;
le recours en cassation n’est admis que quant aux listes électorales, mais
quand il s’agit de la validité d’une élection, ce n’est plus la cour de
cassation, c’est la députation des états et le gouvernement, en dernier
ressort, qui prononcent.
Je passe, messieurs, à
quelques observations politiques.
L’honorable député de
Bruxelles auquel je réponds en ce moment a renouvelé ses attaques primitives au
sujet de la destitution du gouverneur du brabant. Je ne crains pas de vous le
dire, messieurs, ceux qui aujourd’hui semblent blâmer cette destitution comme
un abus de pouvoir, n’auraient pas manquer d’attaquer le gouvernement (et cette
fois je dois reconnaître qu’ils l’eussent fait avec fondement) si nous n’avions
point démissionné ce haut fonctionnaire ; ils auraient attribué notre
conduite à la faiblesse, et c’est ainsi qu’on aurait dû qualifier une
abstention de notre part dans une circonstance aussi grave.
Qu’on ne dise pas,
messieurs, qu’il y a eu surprise pour ce haut fonctionnaire : il a été
prévenu. Qu’on ne se prévale pas non plus d’une expression dont nous nous
sommes servi dans la discussion du budget des voies et moyens, lorsque nous
avons dit que nous jugions que ce haut fonctionnaire allait faire de
l’opposition au cabinet ; ce n’était point une pure supposition de ma
part, c’était une opinion bine motivée, fondée sur un fait très important,
surtout alors que ce fait était précédé des explications qui avaient eu lieu
entre moi et ce fonctionnaire.
On a attaché de
l'importance à la décoration qui a été
accordée au fonctionnaire dont il s’agit, et je rends grâce à l’honorable
député de m’avoir mis dans le cas de pouvoir expliquer ce qui concerne cette
décoration. Cette explication est extrêmement simple : ce n’est qu’après
m’être entretenu avec le gouverneur de la province de l'élection dont il
s’agissait, et après avoir reçu de lui l’assurance la plus formelle qu’il ne
serait point élu en opposition avec l’honorable comte d’Aerschot,
ce n’est qu’après cela que je lui ai fait connaître l’intention du Roi quant à
cette décoration. Je m’étais bien gardé de lui en parler auparavant, et j’ai eu
soin de lui dire pour quel motif je n’avais pas voulu l‘entretenir de cette
décoration avant qu’il ne m’eût fait connaître sa détermination, dans laquelle,
je dois le dire à regret, j’ai eu le tort d’avoir une entière confiance.
Le même orateur a cru que
le ministère ne doit la majorité qu’il a dans les chambres qu’à une espèce de
système de terreur ; or, messieurs, j’en appelle à vos souvenirs, je ne
sais pas dans quelle circonstance, ni à l’égard de quel membre de cette chambre
ou du sénat, le ministère aurait pu employer la terreur ? Si donc le
ministère a conservé la majorité, il la doit à la confiance qu’il croit
inspirer aux représentants de la nation.
« Mais cette
confiance, dit un autre député de Bruxelles, cette confiance est très
faible ; le ministère ne dirige point les chambres et il s’ensuit que le
pouvoir royal est affaibli. » Messieurs, nous mettrons cet honorable
membre à une épreuve bien facile : qu’il nous indique les hommes qui, dans
sa pensée, mériteraient, à un plus haut degré que nous, la confiance des
chambres, quels sont les hommes qui, dans sa pensée, jouiraient de cette
confiance, obtiendraient cette majorité imposante qui ferait pour ainsi dire,
taire toute minorité. Alors, sans doute, la chambre s’empressera de renverser
le ministère actuel, et de témoigner hautement la sympathie pour les hommes qui
pourront aussi parfaitement réaliser le système constitutionnel. Si l’on ne
veut pas nous signaler ces hommes, nous demanderons qu’ils se produisent
d’eux-mêmes, comme cela se passe dans tous les pays constitutionnels. Ainsi, en
Angleterre personne n’est embarrassé de nommer à l’avance les chefs du futur
cabinet, dans le cas de la retraite du cabinet qui est aux affaires ; ces
hommes sont désignés en quelque sorte unanimement dans les chambres, dans le
pays, dans la presse. Là donc, il n’y a aucun embarras ; les antécédents
politiques de ces hommes, leur valeur individuelle sont appréciées, et les
chambres savent qu’en renversant le ministère, elles auront tels ou tels hommes
dans le nouveau cabinet.
Si ce sont des hommes nouveaux
qu’il s’agit de faire arriver aux affaires, il faut que ces hommes fassent leur
programme ; qu’ils fassent connaître à la chambre et au pays les vues
larges, salutaires, qu’ils sont prêts à réaliser. Mais jusque là nous ne
pouvons admettre que le ministère ait tort de conserver ses portefeuilles,
parce que jusqu’à présent nous ne voyons pas quels sont les hommes qui sont
destinés à nous remplacer, ni jusqu’à quel degré ils jouiront de votre
confiance.
Le gouvernement est faible,
dit-on. L’on donne pour indice de cette faiblesse les attaques qui ont été
dirigées contre le ministère, les majorités faibles qui se sont prononcées sur
certaines questions, le mauvais accueil qui a été fait à quelques propositions
de budget.
Si le ministère est faible,
cette faiblesse résulte principalement de nos institutions. Je demande donc, la
main sur la conscience, on veuille nous dire si le pouvoir fort, tel qu’on
semble le désigner, le désirer quelquefois par opposition au ministère, est
praticable avec des institutions telles que celles qui régissent le pays.
Je le demande encore, ce
pouvoir fort serait-il praticable avec les maximes que quelques-uns de nos
adversaires ont, dans diverses circonstances, professées à la tribune
nationale.
D’ailleurs, qu’on ne perde
pas de vue les conjonctures extrêmement difficiles dans lesquelles le pays a
été placé depuis 1830 ; qu’on ne perde pas de vue qu’il n’est pas étonnant
que le gouvernement soit encore faible, dans un Etat naissant, alors que nous
voyons de pareils symptômes se manifester dans d’autres pays, où les
institutions sont anciennes, où les mœurs publiques sont formées au régime
constitutionnel.
Quant aux majorités
faibles, je ne sache pas, messieurs, qu’elles se soient prononcées sur les
questions réellement importantes. Dans tous les cas, nous aurions à demander si
d’autres joueraient d’une majorité constamment plus forte.
J’en viens au mauvais
accueil qui aurait été fait à certaines propositions du budget et, entre
autres, à nos propositions pour les missions de
Certes, messieurs, si nous
consultions les rétroactes de la chambre, nous pourrions facilement trouver
plusieurs réductions qui ont eu lieu sous nos prédécesseurs, réductions qui
étaient plus importantes que celles qu’ont subies les légations de
Si la chambre a pensé que
les ministres à l’étranger devaient jouir d’une certaine fortune personnelle ou
qu’ils devaient vivre sous un régime plus économique, certes on ne peut pas
rattacher ces réductions à des soupçons de prodigalité ; car, il n’y a
point de prodigalité possible à l’égard d’un chiffre qui a été fixé par le budget ;
il est évident que le chiffre alloué au budget pour une légation doit être
attribué à cette légation.
Il est vrai que l’honorable
député a rattaché ces réductions à certains comptes de frais de voyage dont on
a fait la critique, lors de la discussion du budget des affaires étrangères.
Mais ce qui concerne ces comptes est sans doute complètement étranger au
chiffre pour les légations de
La facilité que nous
aurions montrée à l’égard de ces comptes est d’ailleurs purement imaginaire. L’on
n’a pas attaqué les arrêtés aux termes desquels les agents diplomatiques
doivent être remboursés de leurs frais de route et de séjour. Dès lors,
messieurs, nous étions obligés de nous en rapporter aux déclarations de ces
agents, aux termes mêmes des arrêtés existants, de même que la cour des comptes
s’est également obligée de s’y référer.
Mais le tort qu’on a eu,
dans cette discussion, a été de parler en général, de laisser les choses dans
le vague, et d’ouvrir ainsi la porte à des soupçons.
Il est vrai que des
questions de personne ne doivent pas être agitées dans cette enceinte, mais ce
n’est pas notre faute si nous n’avons pu répondre spécialement sur chaque cas
particulier.
Je ferai seulement cette
remarque que certains comptes ont pu paraître exagérés, parce qu’on ignorait
les circonstances particulières qui s’y rapportaient. Ainsi, lorsqu’un agent
diplomatique est obligé de se détourner de sa route directe, pour aller remplir
une mission incidente dans une autre ville, et qu’il doit y faire un séjour,
les frais de ce séjour sont compris globalement dans le compte que l’agent
diplomatique présente pour son voyage jusqu’au lieu de sa destination
définitive.
Il est sensible qu’il doit
résulter de cette circonstance une augmentation de dépenses. Il peut se
présenter une autre circonstance encore, c’est lorsque un agent diplomatique
voyage avec une famille ou une suite nombreuse, ainsi qu’il en a le droit, car
je ne crois pas qu’il soit dans l’intention de personne de prétendre qu’un
agent diplomatique soit obligé d’abandonner sa famille, sa maison, quand il se
rend à sa destination ? cette circonstance
nécessite une dépense plus forte, comparée à celle que ferait un agent
diplomatique célibataire.
Il est d’ailleurs à ma
connaissance qu’un de ces agents, ayant eu avis qu’un de ses comptes avait été
critiqué, s’est adressé à la cour des comptes, où il a appris ce qui avait
donné lieu à cette critique : c’est qu’on avait opéré une véritable
confusion de fait, de telle manière qu’un membre de cette chambre, qui avait
d’abord accueilli le fondement du soupçon, d’exagération, a été lui-même obligé
de reconnaître son erreur.
Messieurs, nous ne
terminerons pas ce point, sans vous déclarer que, loin que nous croyions que
nous ayons démérité de votre confiance, en ce qui concerne l’administration des
affaires étrangères lorsque vous avez accordé les nombreuses allocations que
nous avons eu à demander pour la création de missions nouvelles, car vous vous
rappellerez que le personnel du corps diplomatique a été considérablement
augmenté depuis l’époque où le département des affaires étrangères a été réuni
à celui de l'intérieur, et dans cette session même cinq postes nouveaux ont été
créés.
En ce qui concerne les
réductions qui ont été proposées par la section centrale dans le budget de
l’intérieur, nous croyons qu’il est prématuré de s’en expliquer, et que
l’occasion s’en présentera plus naturellement au fur et à mesure de la
discussion des divers articles auxquels elles se rattachent.
L’on nous a annoncé des
luttes nouvelles et plus nombreuses que celles qu’aurait
rencontrées aucun autre ministère. Nous espérons, messieurs, que, dans ces
luttes nouvelles, l’on ne s’arrêtera pas à ce que nous appelons des choses peu
dignes de l'attention de la chambre, telles que l’affaire de l’élection de Ham-sur-Heure, ou de petits incidents de budget, que nous
pourrions qualifier de tracasseries parlementaires, mais qui ne sont pas dignes
d’hommes qui aspirent à la haute position de diriger le gouvernement, de
diriger l’opinion publique.
Messieurs, le pays attend
de nous tout autre chose ; il attend que le gouvernement et les chambres
s’occupent de plus graves intérêts. Si une lutte de portefeuilles doit avoir
lieu, que cette lutte soit franche, complète, qu’elle soit grave ; alors,
messieurs, si nous succombons, nous nous retirerons, ou si ce sont nos
adversaires qui succombent, nous espérons qu’on mettra fin à des incidents qui
sont sans portée, sans utilité pour le pays, et qui ne tendent qu’à la
déconsidération du gouvernement constitutionnel.
M. Fleussu –
Messieurs, j’étais dans l’intention de prendre part à la discussion générale
sur le budget de l'intérieur, parce que c’est moi qui avait proposé le rapport
que M. le ministre de l'intérieur a présenté sur les difficultés de l’élection
de Ham-sur-Heure, et parce que j’avais à faire
connaître au ministre mon opinion sur ce point ; mais si même j’avais été
décidé à garder le silence, je vous avoue, messieurs, que je l’aurais rompu,
malgré moi, pour combattre les singulières doctrines que j’ai entendu professer
hier par l’honorable ministre des travaux publics, doctrines qu’il a présentées
aux fonctionnaires publics comme morales, et que, selon moi, les fonctionnaires
publics ne pourraient accepter sans se déconsidérer, sans abdiquer leur
conscience.
Messieurs, avant de
m’occuper de ce point, je dirai un mot sur les difficultés qu’ont présentées
les élections de Ham-sur-Heure, non pas esprit de
tracasserie, comme l’a dit le ministre des affaires étrangères, non pour faire
perdre à la chambre un temps précieux, mais pour lui faire voir que, dans ces
circonstances, le ministre s’est mis au-dessus des lois. Il me semble que si je
parviens à cette conséquence, il ne sera pas exact de dire que c’est une
véritable tracasserie. M. le ministre traite la chose fort légèrement,
précisément pour qu’on ne puisse pas découvrir tout ce qu’il y a d’irrégulier
dans sa conduite.
Messieurs, retiré de la
carrière parlementaire depuis quatre ans, je n’ai connu les difficultés
relatives à l’élection de Ham-sur-Heure, que par
l’exposé fait par l’honorable M. Verhaegen qui, lui-même, je le suppose, avait
puisé ses renseignements dans la pétition du sieur Tallois.
D’après cet exposé, d’après
cette pétition, on avait, dans cette affaire, entassé abus sur abus, on avait
foulé aux pieds, outragé de la manière la plus scandaleuse l’autorité de la
cour suprême, on avait faussé les élections d’une commune, et le ministre de
l’intérieur s’est rendu complice de ces illégalités en installant le conseil de
Ham-sur-Heure.
Messieurs, en présence
d’accusations aussi graves, et j’en appelle à vos souvenirs, ces accusations
ont été articulées telle que je les présente, en présence d’accusations aussi
graves, il m’a paru que nous ne pouvions nous contenter de la réponse tout à
fait évasive qui avait été présentée par le ministre de l’intérieur ; j’ai
pensé qu’il était de la dignité de la chambre d’avoir des explications sur une
affaire que, dans l’état où on l’avait présenté, je pouvais considérer comme
aussi grave….
M. le ministre de
l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) –
Mon observation ne s’adressait pas à vous.
M. Fleussu –
Comme vous saviez que je devais parler sur cette question, j’ai dû en prendre
ma part.
Messieurs, nous vivons sous
un régime où le système représentatif a été développé dans toutes ses
ramifications ; la commune, la province et l’Etat sont régis sous
l’influence des majorités ; c’est, on peut le dire, le gouvernement de la
majorité. Nous qui sommes ici établis les gardiens de toutes nos garanties
constitutionnelles, nous devons veiller à ce que la pureté des élections ne
reçoive jamais d’attente, nous devons veiller à ce qu’au moyen de la fraude, la
minorité ne se substitue point à la majorité ; ce serait le plus dangereux
des gouvernements ; ce serait la minorité se parant de l'élection pour
faire la loi à la majorité.
C’est mû par ces
considérations que j’ai pris le parti de prier M. le
ministre de l'intérieur de nous fournir des explications catégoriques sur les
reproches articulés contre cette élection. Depuis le jour que j’ai fait cette
interpellation au ministre, il m’est arrivé, sans doute par les soins du
gouverneur de la province, un numéro du Moniteur du Hainaut où les faits se
trouvent expliqués, je dois le dire, sont présentés sous un aspect tout autre
que celui qui a été donné par le pétitionnaire ;
depuis je me suis assuré de l’exactitude de ces faits, non seulement par la
lecture du Moniteur, mais par le rapport du ministre ; je dois dire qu’une
grande partie des préventions qu’avait fait naître l’exposé que j’avais entendu
se sont dissipées. Je reconnais que l’autorité de la cour de cassation doit
être mise hors de cause, parce que l’influence de sa décision ne pouvait avoir
d’effet qu’autant que le concours aux élections de six électeurs indûment
inscrits aurait pu déplacer la majorité. D’après les chiffres consignés dans le
rapport, il est évident que la majorité était indépendante des suffrages de ces
cinq électeurs.
Je ferai à M. le ministre
d’autres concessions, dans cette question, parce que je tiens à simplifier le
débat. J’admettrai que M. Tallois aurait dû se pourvoir
au conseil provincial contre la validité de l'élection elle-même, bien qu’il se
soit présenté au bureau de l'élection pour protester, cette protestation ne
pouvant tenir lieu de réclamation contre l’élection. Je ne veux pas trancher la
question, remarquez-le bien, c’est une concession que je fais au ministre.
M. Tallois
s’est présenté au bureau de l'élection, on a protesté contre l’élection et
s’est retiré ainsi que plusieurs de ses amis. Ce n’est pas comme un électeur
qui refuse de faire usage de son droit qu’il faut le considérer, il a pu croire
qu’en concourant à l’élection, ses réserves tombaient par le fait de son
concours ; les autres personnes qui se sont retirées avec lui ont pu
partager cette opinion. Il n’est pas exact de dire que l’élection ait été faire
par tous les électeurs. Ici ce sont des élections qui se sont crus obligés de
ne pas faire usage de leur droit d’électeur, pour tenir sauvegarde de leur
droit de protestation. Malgré la réserve, malgré la protestation faite au
moment de l'élection, M. Tallois, je l’admets, devait
se pourvoir devant le conseil provincial, dans le délai fixé par l’article 43
de la loi communale, contre les élections de Ham-sur-Heure.
Cette concession n’est pas
la dernière que je puis faire à M. le ministre ; j’admettrai qu’il ait pu
faire des nominations du collège échevinal, malgré la réclamation de M. Tallois, parce qu’il pouvait dire : J’ai fait une
nomination qui n’est qu’éventuelle. Si la réclamation est couronnée de succès,
l’élection croulera, et, avec elle, les nominations que j’ai faites. Il me
semble que le ministre de l'intérieur doit reconnaître que je procède avec
beaucoup de sagesse. Cependant n’allez pas croire que nous serons toujours
d’accord. C’est ici le moment où nous allons nous séparer.
Vous avez jeté les yeux,
sans doute, sur le rapport présenté par le ministre. Il semblerait qu’il s’est
contenté de faire des nominations parmi les membres dont l’élection était
assurée. Mais il est fort curieux que le ministre passe sous silence la partie
la plus reprochable de sa conduite. Il n’a pas achevé son rapport. C’est dans
ce qu’il aurait dû dire pour compléter son rapport que je trouve qu’il a mérité
des reproches. Il faudra que je fasse le rapprochement des pièces qui me sont
parvenues et que je complète le rapport du ministre.
Dès le 5 octobre, le sieur Tallois avait adressé une réclamation au conseil provincial
du Hainaut, contre la validité de l’élection de Ham-sur-Heure.
Il fit notifier cette
réclamation au ministre de l’intérieur, en le priant de vouloir suspendre
l’installation des bourgmestre et échevins.
Le ministre nous dit, dans
son rapport, qu’il a répondu au sieur Tallois que sa
demande ne pouvait pas être prise en considération. Il n’y a que la forme dans
laquelle la réponse a été faite qui puisse tant soit peu soulever des
difficultés. S’il avait répondu par une missive, il n’y avait rien à dire, mais
c’est par un arrêté qu’il répond, arrêté par lequel il fait connaître qu’il est
d’avis qu’il n’y a pas lieu de prendre en considération la réclamation contre
les élections de Ham-sur-Heure. Il faut que je vous
lise cet arrêté parce que le ministre a été beaucoup au-delà de ses devoirs
constitutionnels.
« Le ministre de
l’intérieur.
« Vu la requête, en
date du 17 octobre dernier, par lequel le sieur Tallois,
de Ham-sur-Heure, demande que les élections
communales de cet endroit soient annulées pour le motif que plusieurs fils de
veuves y ont voté illégalement, ainsi constaté par l’arrêt de la cour de
cassation du 19 août dernier ;
« Vu les articles 29
et 46 de la loi communale du 30 mars 1836 ;
« Considérant que les
pourvois en cassation ne sont pas, en matière électorale, suspensifs des
décisions qui y ont donné lieu, et que, malgré l’opposition du sieur Tallois, le bureau électoral ne pouvait, par conséquent, se
dispenser d’admettre à voter les fils de veuves qui se sont présentés et qui
avaient été maintenus sur la liste électorale ;
« Considérant
d’ailleurs qu’aucune réclamation n’a eu lieu contre la validité des élections
précitées, selon la forme et dans les délais déterminés,
« décide :
« Il n’y a pas lieu
d’accueillir la demande susdite du sieur Tallois. »
Messieurs, vous remarquez
que le ministre, en rejetant une demande qui ne lui était faite qu’incidemment,
par laquelle on le priait de ne pas installer le collège des bourgmestre et
échevins, en lui annonçant qu’une réclamation était portée devant l’autorité
compétente, prend sur lui de décider la question ; c’était évidemment au
conseil provincial du Hainaut que la réclamation avait été adressée, à
prononcer sur le mérite de la réclamation. Au lieu de rejeter purement et
simplement la demande qui lui avait été adressée, le ministre décide la
question de droit ; de sorte que le conseil provincial du Hainaut a cru
ses fonctions remplies. En agissant ainsi, le ministre a fait offense et
offense évidente à la loi communale, car l’article 46 est précis. Quand on
réclame contre une élection, c’est à l’autorité provinciale à décider. Qu’a
fait le sieur Tallois, à qui s’est-il adressé ?
A l’autorité provinciale. Maintenant direz-vous que la réclamation était
tardive, qu’elle n’avait pas été faite dans les délais. Mais c’est une fin de
non-recevoir qui devait être appréciée par l’autorité à laquelle le fond du
litige était porté ; et si cette autorité, appréciant mal la question,
avait admis le pourvois du sieur Tallois, il y avait
encore un remède ; le gouvernement pouvait se pourvoir devant l’autorité
royale. C’est alors que commençait l’action du ministre.
Voilà le reproche que
j’avais à faire à M. le ministre dans cette affaire.
Je reviens sur un point
beaucoup plus délicat : ce sont les doctrines émises hier par M. le
ministre des travaux publics sur la position des fonctionnaires publics,
doctrines qui, je le répète, ne peuvent être acceptées que par des
fonctionnaires mercenaires, par des fonctionnaires misérables, sans délicatesse
et sans conscience.
Le gouvernement, messieurs,
peut-il agir dans les élections par l’influence de ses fonctionnaires
publics ? C’est là une question d’une extrême gravité. J’aurais voulu pour
moi, qu’elle fût traitée d’une manière moins générale.
Je reconnais volontiers au
gouvernement le droit de destituer ses fonctionnaires, je pense même qu’il peut
destituer des fonctionnaires sans en donner les motifs. Quand il a destitué un
fonctionnaires public, et qu’il ne l’a pas fait par système, et quand on vient
lui demander compte de cette destitution, qu’il dise qu’il l’a fait par des
motifs particuliers, et parce que le fonctionnaire ne méritait plus sa
confiance, je crois qu’il en aura dit assez. Ce n’est donc pas sur les
destitutions que je me propose de parler, mais sur la doctrine vraiment étrange
qui a été émise hier à l’égard des fonctionnaires publics.
Je demandais tout à l’heure
si on pouvait accorder au gouvernement le droit d’agir dans les élections par
l’intermédiaire de ses agents. Pour résoudre cette question, il me semble que
nous devons nous demander à nous-mêmes ce que nous sommes. ? Qu’est-ce
donc que la représentation nationale ? Qu’est-ce que le mandat que nous
avons reçu de nos commettants ? Je le disais tantôt à l’occasion d’une
difficulté que je viens de traiter, les représentants du peuple sont les
gardiens de nos garanties constitutionnelles ; ce sont les contrôleurs des
actes du ministère. Nous sommes venus ici pour l’appuyer, s’il obtient notre
confiance, pour lui refuser notre confiance, s’il abuse de la position où une
autre confiance l’a placé. Convient-il, dès lors, que le ministère se choisisse
ses juges ? Ne serait-il pas à craindre que des hommes qui devraient au
ministère l’honneur de siéger dans cette chambre, ne fussent trop sensibles à
cet honneur et ne se montrassent quelque peu indulgents envers le
ministère ? N’y aurait-il pas lieu de craindre que si le ministère,
entouré de tels hommes, suivait une fausse voie, ces hommes devinssent ses
complices, au lieu d’être ses contrôleurs ? Et puis, comment donc la
volonté de la majorité pourrait-elle se faire jour, si l’expression de la
majorité de la nation se trouve arrêtée par un système d’intimidation ?
Je reconnais que le
gouvernement peut avoir à prendre position dans la lutte des partis ; car
ainsi que je le disais tantôt, je pense que cette question ne doit pas être
discutée d’une manière générale, qu’elle ne peut être résolue que par des distinctions,
et en égard aux circonstances où le gouvernement peut se trouver. Je regrette
donc, sous ce rapport, que la discussion ait eu lieu d’une manière générale
Le gouvernement peut avoir
à prendre position dans la lutte des partis. Je suppose, par exemple, que,
comme dans un pays voisin, un parti de la légitimité veuille planter sa
bannière en Belgique ; je suppose que des hommes ennemis de nos
institutions, penchant vers le radicalisme, et, tranchons le mot, vers la
république, voulussent, pour renverser ce qui existe, pénétrer dans cette
enceinte, alors, je le dis, j’accorde au gouvernement le droit d’agir parce
qu’il ne doit pas attendre, pour se défendre, qu’il soit trop tard. Voilà les
concessions que je fais, et je les faits en conscience. Mais quand les partis
qui s’agitent dans la lutte électorale sont également attachés à l’ordre des
choses actuel, quand ils veulent les uns et les autres la constitution que nous
nous sommes donnée, alors, je le demande, le gouvernement a-t-il à prendre
position dans cette lutte ? Je ne le pense pas. Il doit alors attendre ses
juges et non les désigner ; sinon il arriverait qu’il s’enrôlerait sous la
bannière d’un parti, qu’il en deviendrait le premier et le plus fatal
instrument, et qu’il devrait en subir toutes les exigences. Les hommes de son
parti (je ne sais si nous sommes loin de la réalité de ce que je suppose),
deviendraient courtiers d’élections en faveur de candidats ministériels. Leurs
services ne tarderaient pas à recevoir une récompense ; on viendrait au ministère
réclamer le prix des services rendus dans les élections ; il arriverait
peut-être qu’on destituerait des fonctionnaires honorables pour créer des
places à des hommes qu’on voudrait récompenser, et puis, après cela, ce serait
en vain que nous réclamerions le beau principe posé dans notre
constitution : « Tous les Belges sont égaux devant la loi. »
Ce que j’ai dit jusqu’ici
doit vous faire assez comprendre que je ne veux pas affranchir les
fonctionnaires publics de toute dépendance, mais je pense qu’il y a des
distinctions à établir. S’agit-il d’une mesure d’administration ou d’une mesure
politique commandée par un chef de département, alors le fonctionnaire ne doit
pas résister ; il doit exécuter la mesure sans observation, sinon il doit
se retirer ou attendre sa destitution. Quand on destituera dans un cas
semblable, on aura mon approbation. Mais lorsqu’on réclamera des actes de
complaisance en dehors de leurs fonctions, lorsque ce sera le servilisme qu’on
demandera aux fonctionnaires, alors je n’accorde pas au gouvernement le droit
de les destituer de ce chef. Des destitutions, dans ce cas, sont des actes
arbitraires. Dans un cas semblable, les fonctionnaires publics n’ont de règle
de conduite à puiser qu’en eux-mêmes, dans leur conscience, dans leur
indépendance.
On oublie trop vite les
renseignements du passé. Nous ne sommes pas loin cependant, nous ne sommes pas
loin du temps où la révolution a éclaté : les motifs qui l’ont amenée sont
présent à tous les esprits. Vous savez qu’un honorable major, qui naguère
occupait une place au sénat avait fait aux états-généraux preuve d’une grande indépendance. Un
autre membre, M. le baron de Stassart, puisqu’il faut le nommer, dont la
destinée semble être d’être en butte à tous les pouvoirs, avait fait preuve aussi
d’indépendance. Le premier jouissait du traitement attaché à son grade, le
second d’une pension ; le major fut destitué et la pension fut retirée au
baron de Stassart. Qu’est-il arrivé ? que des
ovations populaires les ont récompensés des disgrâces du pouvoir.
Le gouvernement ne doit pas
perdre de vue qu’il y a dans le public une prévention contre lui, chaque fois
qu’il frappe un fonctionnaire public, et que, par ce motif même il doit être
sûr de son coup quand il frappe un fonctionnaire.
Jusqu’ici les plus
intrépides partisans du pouvoir fort avaient toujours admis qu’un fonctionnaire
public pouvait être libre dans les élections à condition qu’il n’intriguât pas,
remarquez le mot, et qu’il ne se montrât pas trop ouvertement contre le
gouvernement. « Jamais (a dit M. le ministre de l'intérieur), je porte à
cet égard un défi formel, on n’a imposé un vote à un fonctionnaire
public. » Eh bien, j’approuve cette conduite parce que je la trouve très
rationnelle ; mais la voici démentie, presque aussitôt après par M. le
ministre des travaux publics qui a dit, que, pour que la non-intervention du
gouvernement fût possible, il faudrait que le gouvernement pût commander à ses
agents un mutisme complet. Eh bien, entendez-le bien, fonctionnaires, il faut
que vous votiez sans ouvrir les lèvres, car si vous parliez, il faut que ce
soit en faveur du gouvernement ! mais, à ce
compte, ceux qui déposent un vote silencieux doivent déjà être suspects aux
yeux du gouvernement. Vous voulez qu’ils se livrent à vous corps et âme ;
mais vous n’avez pas réfléchi que vous leur faites une position tout à fait
insoutenable. Le vent, je ne dirai pas de l’opinion en parlant du ministère,
mais de la faveur, ne souffle pas toujours du même côté. Quand il aura varié,
il faudra que les fonctionnaires publics varient aussi, vous en faites donc de
véritables girouettes. Laissez-leur donc, de grâce, quelque
considération ! Ils en ont besoin pour faire le bien, même dans l’emploi
qui leur est confié ; ne les dépouillez pas, parce qu’ils sont au service
de l'Etat, de tout civisme, permettrez qu’ils aient un peu d’indépendance.
Assez de motifs, soyez-en sûrs, lieront à votre fortune la plupart des
fonctionnaires. N’avez-vous pas, pour les rendre obséquieux, l’avancement, les
récompenses, les honneurs ? Croyez-vous qu’il y ait beaucoup de
fonctionnaires qui, méconnaissant leur intérêt, aient le courage de se mettre
en opposition avec le gouvernement ? Hier j’ai éprouvé une sorte d’effroi
dans l’intérêt des fonctionnaires publics amovibles, lorsque j’ai entendu le
ministre des travaux publics publier des doctrines qu’il prétend être
consacrées dans tous les Etats. Jusqu’à présent, a-t-il dit, nous n’avons fait
qu’un essai, nous aurions pu aller beaucoup plus loin. Eh bien, à la bonne heure, je le félicite de cette
franchise, au moins les fonctionnaires publics seront prévenus. Mais l’audace
de votre doctrine a surpassé tout ce qui a été dit jusqu’à présent en cette
matière, et je vous le dirai même, le message du 11 décembre, que peut-être,
publiciste courageux, vous avez combattu avec d’autres, est fort pâle en
comparaison de ce que vous avez dit hier.
Cependant, messieurs, je
suis un peu revenu de ma surprise depuis, j’ai pris lecture du discours du
ministre des travaux publics ; en le lisant vous aurez éprouvé le même
sentiment que moi, car le discours écrit ne ressemble pas au discours prononcé
à la tribune hier. Si le ministre a senti qu’il a été trop loin et s’est
rétracté, je l’en félicite. J’éprouvais le besoin de faire cette observation
pour que ceux qui, dans les provinces, liront le discours au Moniteur,
n’accusent pas l’opposition de combattre des chimères.
Messieurs, vous aurez dû
remarquer que, dans votre séance d’hier, on avait eu le talent de tourner la
difficulté en généralisant les principes quand il ne s’agissait que de quelques
destitutions particulières. Il me semble qu’au lieu de se lancer dans des
principes avantageux, on aurait mieux fait d’aborder les questions une à une.
Trois membres des chambres
ont été frappés de destitution. Je vais examiner rapidement les motifs donnés à
ces destitutions, afin de voir si ces motifs sont réels ; ou plutôt si de
telles mesures ne sont pas le résultat d’un système adopté.
Je parlerai d’abord de la
démission de M. Cools, laquelle est réellement une destitution. Il a eu le tort
de vouloir remplacer dans cette enceinte un autre commissaire de
district ; il n’augmentait pas le nombre des fonctionnaires de cette
catégorie qui siègent dans cette assemblée, puisqu’il en remplaçait un du même
titre ; mais le ministre de l’intérieur nous a dit ; la chambre a
manifesté le vœu qu’il n’y eût pas trop de commissaires de district au milieu
d’elle ; si c’est là le motif de la mesure prise à l’égard de M. Cools,
j’en remercie le ministre ; il a agi conformément aux inspirations de la
chambre ; mais le ministre nous a-t-il parlé avec bonne foi ?
M. Cools me paraît un homme
très recommandable ; la position qu’il avait semblait lui convenir
parfaitement et je demanderai si M. le ministre avait prévenu cet honorable membre
de sa résolution de le destituer, en cas de succès de sa candidature. Je ne
connais pas bien les motifs de la destitution de M. Delehaye, quoiqu’on les ait
plusieurs fois exposés. Selon un ministre, c’est qu’il s’est mal montré dans
les élections ; selon un autre ministre, le motif est étranger aux
élections. Je pense deviner ce motif qu’on ne dit pas : ne doit-il pas sa
disgrâce, qui, pour lui, n’en est pas une, à l’indépendance qu’il a montrée
dans un entretien qu’il eut avec le ministre, et où il a excité les sourires de
ce ministre ?
J’arrive à M. de Stassart.
La première fois qu’on a parlé de sa destitution, le ministre de l'intérieur
nous a dit, mais avec beaucoup de naïveté, que c’est parce qu’on le soupçonnait
de vouloir se mettre en opposition avec le gouvernement. C’est dans la séance
du 6 décembre que ce propos a été tenu.
C’est donc, comme l’a fait
observer l’honorable sénateur, la loi des suspects que vous avez ressuscitée
contre lui ; car jusque-là il ne vous avait pas manqué
dans l’exercice de ses fonctions administratives ; vous l’aviez même élevé
en honneur dans l’ordre de Léopold. Il valait mieux dire qu’il ne vous
convenait plus que d’alléguer qu’il s’était mis en opposition à votre
gouvernement, ou qu’il était soupçonné de s’être mis en opposition.
M. le ministre de
l'intérieur a dit tantôt qu’il avait voulu empêcher M. de Stassart de se mettre
en concurrence avec un dignitaire de la cour ; je crois que, quand on veut
maintenir sur les rangs un dignitaire de la cour, il faut être sûr de sa
candidature ; car s’il ne réussit pas, qu’arrive-t-il ? Vous
compromettez l’influence de la couronne. Que peut-on dire, en effet, à
l’étranger, lorsque l’on voit qu’un dignitaire de la cour échoue à Bruxelles,
et que le secrétaire du Roi échoue à quelque distance de Bruxelles ? Ne
détruisez-vous pas l’idée qu’on doit se faire de l’influence royale au-dehors
par de telles entreprises ?
Voilà les motifs donnés aux
destitutions des membres de la législature. Mais ne croyez pas qu’on s’arrête
aux élections concernant les chambres ; on descend à toutes les élections.
Je vous parlerai d’une destitution qui n’est guère connue ; de celle du
commissaire de district de Waremme. Ce fonctionnaire occupait ce poste depuis
la révolution ; c’était un homme de la révolution ; on ne peut
l’accuser de n’être pas attaché à l’ordre sorti des journées de
septembre ; il remplissait parfaitement ses fonctions, mais il eut une
velléité d’ambitions ; il voulut aller aux états provinciaux, mais le
gouvernement voulait y maintenir une autre personne. Le commissaire de district
échoue à sa première tentative, et n’est pas destitué ; à sa seconde
tentative, il est élu, et on le destitue ; ainsi, c’est quand on obtient
les faveurs de l’élection que l’on se rend indigne des faveurs du gouvernement.
Je ne finirai pas sans
répondre un mot à M. le ministre des travaux publics lequel a dénaturé ce que
j’avais dit dans une des précédentes discussions. J’ai dit que, dans la
situation actuelle de notre pays, que pour un royaume de troisième ordre,
constitué en état de neutralité, des agents diplomatiques revêtus de titre
pompeux, n’étaient pas nécessaires ; que nos agents au-dehors devaient
surtout être des agents commerciaux ; mais voilà que M. le ministre des
travaux publics, oubliant le petit accompagnement que j’avais donné à cette
pensée, prétend que je ne voulais que des chargés d’affaires. Cependant il
devrait se souvenir que pour Paris j’avais demandé un ministre
plénipotentiaire ; que pour Londres j’avais fait la même demande. Il ne
faut pas dénaturer les faits à ce point pour donner une teinte ridicule à ma
pensée.
Du reste, j’admets que
j’aie dit, en termes généraux, que je ne voulais que des agents
commerciaux ; est-ce là vouloir vous dépouiller de notre influence
politique Quand les choses en seront venues au point que l’on doit déduire,
est-ce que des agents d’affaires ne seront pas suffisants ? il faut bien prendre notre baptême politique comme il nous a
été donné : nation neutre, état de troisième ordre, comment pourriez-vous
vouloir obtenir de l’influence sur les cabinets étrangers ? Ne nous posons
pas en géants quand la politique n’a fait de nous que des pygmées.
M. le ministre de la guerre (M.
Willmar)
– Je désire seulement faire une observation sur la question de bonne foi
relativement au discours de M. le ministre des travaux publics. Hier soit,
quand un honorable député de Bruxelles reprochait au ministre ses doctrines en
les rendant trop absolues, j’écrivais l’observation sur le papier que j’avais
devant moi, que le reproche n’était pas exact ; car le ministre, par des
périphrases, faisait dépendre le tout des circonstances. On conteste ce que je
dis, mais c’est ainsi que j’ai entendu et je vous rends compte de mes impressions.
M. Fleussu –
Messieurs, lorsque j’ai à répondre à un ministre, j’ai ordinairement soin de
tenir notes des principaux passages de son discours, c’est ce que j’ai fait
hier pour le discours de M. le ministre des travaux publics ; mais
indépendamment de cela, j’ai, avant l’ouverture de la séance, demandé à
plusieurs de mes honorables collègues, s’ils ne trouvaient pas qu’il y avait
une différence entre le discours prononcé dans la séance d’hier par M. le ministre
des travaux publics et celui qui se trouve dans le Moniteur ; tous m’ont
répondu affirmativement.
M. le ministre des travaux publics
(M. Nothomb)
– C’est bien malgré moi, messieurs, que j’ai pris la parole dans la
séance d’hier, mais d’abord le premier orateur que vous avez entendu avait
répondu phrase par phrase à un discours que j’avais prononcé dans l’autre
chambre ; ce qui n’était peut-être pas très parlementaire, car il est
admis que dans une chambre on ne s’occupe jamais des discours prononcés dans
l’autre chambre ; néanmoins j’aurais encore gardé le silence si un député
de Bruxelles, qui a pris la parole après mon collègue le ministre de
l'intérieur, ne s’était placé sur un terrain que je ne pouvait refuser
d’accepter. Me plaçant sur ce terrain, je sentais qu’il y avait du
danger ; aussi dans tout le cours de mon discours me suis-je montré
préoccupé de ce danger ; et j’ai eu soin de mettre toute la réserve
possible dans mes expressions. J’ai dit, messieurs, qu’il fallait distinguer
entre le droit et l’application du droit ; après avoir exposé le droit du
gouvernement en termes généraux, j’ai eu soin de parler de l'application de ce
droit, des limites que trouve ce droit dans son exercice. Voilà, messieurs, en
quels termes peut se résumer mon discours, et je dois déclarer à la chambre qui
rien n’a été changé dans ses parties essentielles ; j’ai fait ce que font
tous les membres de la chambre qui revoient leurs discours improvisés, quelques
changements dans les expressions, mais c’est là tout.
Vous devez aussi vous
rappelez, messieurs, qu’il y a eu hier un moment de rumeur pendant que je
parlais et que vous étiez tous plus ou moins étonnés de l’empire d’une certaine
préoccupation ; il n’est dès lors pas étonnant que lorsque vous avez revu
froidement ce matin mon discours dans le Moniteur, vous en aurez été peut-être
beaucoup moins effrayés, pour me servir des expressions de l’honorable M.
Fleussu, que lorsque vous l’avez entendu hier.
Lorsque l’honorable M.
Fleussu a pris la parole tout à l’heure, je croyais qu’il établirait entre lui
et moi une distance beaucoup plus grande que celle qu’il a été établie. S’il m’était permis de rentrer dans cette
discussion qui est un peu de théorie, je prouverais que l’intervalle n’est pas
aussi grand que le supposait l’honorable membre, lorsqu’il a commencé à parler,
car il a fait d’importantes concessions.
Après avoir exposé le
droit, j’ai dit qu’il fallait, dans l’application du droit, avoir égard aux
circonstances ; l’honorable membre a reconnu comme moi que, dans certains
cas qu’il a cités, le gouvernement interviendrait légitimement ; les cas
cités par l’honorable membre ne sont probablement pas les seuls ; nous
pourrions en énumérer beaucoup d’autres. Ce que le ministre de l'intérieur et
moi-même avions principalement en vue, c’était moins l’intervention directe des
hauts fonctionnaires dans les élections en faveur du gouvernement, que leur
intervention dans les élections contre le gouvernement ; c’est contre l’idée
qui avait été mise en avant que les fonctionnaires publics, même les plus haut
placés avaient le droit d’intervenir dans les élections contre le
gouvernement ; c’est contre cette doctrine-là surtout que nous nous sommes
élevés. J’ai dit que le gouvernement avait généralement adopté la doctrine de
la tolérance, de l’abstention, ce qui ne se fait pas dans les autres pays,
qu’il admettait le droit d’abstention en tant que l’abstention est possible,
mais j’ai ajouté que ce serait aller trop loin que d’accorder aux
fonctionnaires le droit d’intervention contre le gouvernement ; c’est sur
ce point que j’ai surtout insisté ; c’est ce point surtout qui était en
discussion, il ne faut pas perdre de vue cette circonstance.
Si donc hier j’ai agrandi
ce débat, c’est qu’avant moi on l’avait agrandi ; mais en l’agrandissant,
j’ai fait la part du droit en général, et j’ai fait la part de son application
suivant les circonstances ; je n’ai rien à rétracter.
M. Pirson – Messieurs, n’en déplaise à M. le ministre des
travaux publics, j’aurai probablement manqué quelquefois de respect à la
diplomatie, lorsque plusieurs fois j’ai parlé de ses tripotages. Je ne sais pas
si je manquerai de respect à certain lieu, si à l’occasion de ce qu’a fait M.
le ministre de l'intérieur, j’appelle cela des tripotages de cour. Quand je
parle ici de tripotages de cour, ce n’est point que je veuille jeter de la
défaveur sur deux personnages qui, ayant été nommé par M. le ministre de
l'intérieur, peuvent également être nommés par moi, M. d’Aerschot
et M. de Stassart, ce sont tous deux des hommes très estimables, ils ont
soutenu les intérêts de
Je ferai observer à cette
occasion que depuis longtemps il y a
dans tous les pays ce qu’on appelle des sociétés de francs-maçons ; ces
francs-maçons n’ont jamais été considérés par les gouvernements comme des
hommes dangereux, puisque dans tous les pays c’était toujours un homme le plus
haut placé qui était grand-maître d’ordre. Sous l’ancien gouvernement français,
c’était le duc d’Orléans qui était grand-maître des francs-maçons ; dans
les Pays-Bas, sous le gouvernement de Guillaume, c’était le prince Frédéric.
M. Duvivier –
Son fils chéri.
M. Pirson –
Son fils chéri, comme le dit fort bien M. Duvivier ; sous notre
gouvernement, messieurs, nous n’avions pas encore un prince qui fut en âge de
pouvoir être grand-maître des francs-maçons, et je ne crois pas que M. de
Stassart se soit placé là de son propre mouvement ; je pense bien plutôt
qu’il y a été amené par une influence quelconque ; je n’en dirai pas
davantage. Eh bien, messieurs, comme l’a encore dit M. Fleussu, la girouette de
la cour a tourné, on a voulu s’appuyer sur un parti qui a exigé que M. de
Stassart fût sacrifié.
Les gouvernements, depuis
qu’on parle de gouvernements constitutionnels, ont le tort très grave de
vouloir toujours s’appuyer sur un parti, sur une fraction du pays, tandis
qu’ils seraient beaucoup plus forts s’ils s’appuyaient sur la nation toute
entière, s’il agissaient avec franchise, s’ils marchaient avec l’opinion
publique. Je parle ici, messieurs, de la bonne opinion publique ; car,
comme nous avons la bonne et la mauvaise presse, nous avons aussi la bonne et
la mauvaise opinion publique ; mais la bonne parvient toujours à se faire
jour et à prévaloir, c’est sur celle-là qu’il faut s’appuyer et non pas sur un
parti.
Qu’avez-vous vu, messieurs,
lorsqu’on a voulu s’appuyer su la haute finance ? Les trois quarts des
membres de cette chambre se sont opposés à ce projet, ils ne l’ont pas fait en
séance publique, mais toujours est-il qu’ils s’y sont opposés, et ils ont très
bien fait, car si le gouvernement s’était appuyé sur la haute finance, il
serait peut être arrivé de plus grands malheurs encore que ceux que nous avons
à déplorer.
Aujourd’hui, messieurs, le
gouvernement veut encore s’appuyer sur un parti ; ce parti, je n’ai pas
besoin de le nommer, vous le connaissez tous, c’est ce parti qui veut la
destitution de M. de Stassart. Et pourquoi le gouvernement veut-il s’appuyer sur
ce parti ? Je vais vous le dire : Tous les gouvernement nouveaux,
comme je l’ai déjà fait observer, croient devoir s’appuyer sur une fraction de
la nation, sur un parti ; c’est là un faux système ; je voudrais que
le gouvernement s’appuyât sur le pays tout entier et non pas sur une poignée
d’hommes ; mais enfin les gouvernements constitutionnels se sont laissé
entraîner dans cette fausse voix. Notre gouvernement, en particulier, s’appuie
sur le parti prêtre, parce que le parti prêtre sera toujours opposé au prince
d’Orange, parce qu’il sera toujours opposé à une réunion à
Eh bien, messieurs, l’on se
dit : « Voilà le parti, en Belgique, qui peut être le meilleur appui
pour le gouvernement, parce que les libéraux ont des têtes sur lesquelles on ne
peut pas compter (rires) ; l’un
veut le chaud, l’autre, le froid ; nous ne pouvons donc compter sur le
parti libéral. »
Voilà ce que j’avais à
dire, ce sont des vérités un peu crues, mais il faut bien qu’on s’explique
franchement les choses.
Le gouvernement français a
depuis longtemps avoué à la tribune qu’il n’y a plus de secret dans la
diplomatie. Tout le monde convient de cela ; eh bien, puisqu’il n’y a plus
de secret en diplomatie, qu’avons-nous besoin d’avoir partout, comme le veut M.
Nothomb, des ministres plénipotentiaires, considérés comme hommes
influents ? car M Nothomb est revenu sur ce qu’il
a appelé la « diplomatie influente » ; je voudrais savoir ce que
le ministre entend pas « diplomate influente. Veut-il, par exemple que nos
diplomates aient prendre un sixième rang dans la conférence de d’Orient ?
Où iront-ils donc exercer leur influence ? Si nous avons des ministres
plénipotentiaires qui se mettent en tête d’exercer de l’influence dans les
cours étrangères, ils seront alors repoussés ; on leur dira :
« Restez chez vous ; de quoi vous mêlez-vous ? laissez-nous faire nos tripotages à notre manière. »
Voilà ce qu’on leur répondra.
Et cependant, en me servant
de ce terme peu flatteur, je n’en rends pas moins justice aux bons ambassadeurs
qui, dans les cours étrangères, veillent constamment aux intérêts de leur pays.
Il y a de la bonne et de la mauvaise diplomatie, et je crois qu’une bonne
diplomatie est très honorable. Comme l’a dit l’honorable M. Fleussu, nous avons
besoin d’ambassadeurs à Londres, Paris, Berlin et
Puisque j’ai la parole,
j’ai besoin de savoir quelle est l’opinion de M. le ministre de l'intérieur sur
les cimetières.
M. de Stassart a sommé M.
le ministre de l'intérieur de lui dire en quoi il avait manqué au gouvernement,
et s’il pouvait lui prouver que dans une seule occasion il se fût refusé à
exécuter les ordres du gouvernement. M. de Theux est resté en défaut, mais M.
de Stassart a parlé de deux ou trois objets, entre autres d’un qui m’intéresse
beaucoup comme bourgmestre de Dinant.
M. de Stassart s’est trouvé
en opposition d’opinion avec le ministre, sur une question entre une fabrique
d’église et une commune, relativement à un cimetière. M. de Stassart a pensé
que cette affaire devait être déférée aux tribunaux ; le ministre a décidé
souverainement, et naturellement M. de Stassart a exécuté ce qui avait été décidé
par le ministre. Il était permis, je pense, à ce fonctionnaire de faire une
observation au ministre, et de lui dire que, dans son opinion, l’affaire était
du ressort des tribunaux.
Dans beaucoup de localités,
les cimetières appartiennent aux fabriques, et il en est d’autres où ils
appartiennent aux communes.
M. de Brouckere –
Messieurs, j’éprouve toujours une véritable satisfaction lorsque plusieurs
ministres veulent bien me répondre, mais il me serait agréable qu’ils le
fissent dans la même séance, pare qu’alors je serais dispensé de prendre
plusieurs fois la parole.
Hier, messieurs,
l’honorable ministre des travaux publics a essayé de réfuter quelques passages
de mon discours, et il y a mis une énergie telle que j’ai été obligé de prendre
la parole immédiatement après lui. Aujourd’hui M. le ministre de l'intérieur a
paraphrasé tout mon discours, et a de nouveau essayé d’en réfuter toutes les
parties. J’espère que la chambre me pardonnera si je lui demande la permission
de répliquer, à mon tour, quelques mots à M. le ministre de l'intérieur. Je
prends, du reste, l’engagement de n’occuper l’attention de l'assemblée que
pendant quelques instants.
Le principal reproche que
j’ai adressé au gouvernement avait pour objet son extrême faiblesse, son manque
d’énergie dans toutes les circonstances où il devrait en montrer. Eh bien, sur
ce point, j’ai obtenu un aveu de M. le ministre de l'intérieur…
M. le ministre de
l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Pas
du tout !
M. de Brouckere –
M. le ministre de l'intérieur a reconnu qu’en effet le ministère était faible….
M. le ministre de
l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) –
Pas dans le sens que vous supposez.
M. de Brouckere –
Mais le ministre a ajouté que cette faiblesse était le résultat de nos
institutions, et qu’il fallait l’attribuer encore à cette circonstance, que
Il est vrai, messieurs, que
dans aucun Etat monarchique, les institutions ne sont plus libérales que chez
nous ; mais je soutins, comme j’ai toujours soutenu, qu’à un gouvernement
qui saurait tirer parti de ces institutions, elles sont pleinement suffisantes
pour que le gouvernement soit fort, pour qu’il soit fort au-dedans et fort au
dehors.
Nous sommes, dit le
ministre, un Etat naissant. Mais, messieurs, cette assertion était bien plus
vraie, il y a quelques années, qu’elle ne l’est aujourd’hui.
Eh bien, je laisse juger
toute la chambre ; et je demande quand elle s’est trouvée en présence d’un
ministère moins fort qu’aujourd’hui. D’ailleurs, nous sommes constitués depuis
dix ans ; je voudrais que l’on me dît combien d’années encore nous serons
un Etat naissant, combien d’années encore nous serons en présence d’un
ministère obligé d’avouer sa faiblesse. Nous sommes un Etat naissant ; en
bien, c’est précisément dans un Etat naissant, que le pouvoir doit se montrer
plus fort. Mais, messieurs, la raison de la faiblesse du ministère n’est pas
dans nos institutions ; la véritable raison de la faiblesse du ministère,
c’est son manque de principes, c’est que jusqu’ici, il ne s’est jamais tracé
une ligne de conduite, c’est que, dans beaucoup de circonstances, plutôt que de
soutenir une lutte en faveur du gouvernement, en faveur du pouvoir royal
surtout, les ministres ont trouvé plus commode d’en faire bon marché et de
céder aux exigences qui venaient de quelques hommes politiques. De concession
en concession, le ministère est arrivé à cet état de faiblesse que nous voyons
aujourd’hui, état de faiblesse qu’il a été obligé d’avouer lui-même.
Mais pour me répondre, car
enfin il fallait bien trouver quelque chose à m’objecter, on a dit : Vous
nous trouvez trop faibles ; que ceux qui partagent votre opinion désignent
donc des hommes plus forts que nous, et que ces hommes, quand on les aura fait
connaître, publient leur programme.
D’abord je répondrai que ce
n’est pas à moi de signaler quels sont les hommes aptes à saisir le pouvoir.
J’en connais dans cette chambre que je regarde comme réunissant les qualités
nécessaires pour être appelés au pouvoir et ce n’est pas à moi qu’appartient de
les désigner, et mon intention n’est pas de le faire.
Et que ces hommes, ajoute
le ministre, publient leur programme. Cette exigence paraîtra singulière dans
la bouche des ministres auxquels on reproche de n’avoir pas exposé de programme
et qu’on suppliait de nous en faire connaître un aujourd’hui encore. Qu’est-ce
qu’ils nous ont répondu ? Nous n’avons pas publié et nous ne publierons
pas de programme, parce que les programmes ont la faiblesse des ministères,
parce qu’ils ne sont autre chose qu’un sujet de discorde, un aliment pour tous
ceux qui veulent attaquer le gouvernement.
Mettez-vous donc d’accord
avec vous-mêmes, MM. les ministres, quand vous trouvez les programmes mauvais,
quand vous n’en voulez pas faire, n’en demandez pas, n’exigez
pas que les autres fassent ce que vous condamnez vous-mêmes.
Messieurs, l’on a jugé à
propos de mettre encore devant vos yeux, de rappeler à votre souvenir les
discussions qui ont eu lieu à propos du budget des affaires étrangères ;
on a jugé à propos de reprocher de nouveau, non pas à l’opposition, mais à la
majorité de la chambre, de n’avoir pas fait à nos agents à l’étranger une
position convenable ; et l’on prétend que nous leur avons ainsi ôté l’influence
qu’ils pouvaient avoir près des cours auprès desquelles ils sont accrédités. Je
soutiens que la chambre a fait à nos agents à l’étranger une position
parfaitement convenable ; si elle s’était montrée plus large, plus
généreuse à leur égard, on pourrait lui adresser le reproche de prodigalité. On
pourrait surtout lui reprocher de traiter d’une manière particulièrement
favorable les agents diplomatiques, au détriment des fonctionnaires de
l'intérieur, qui seraient placés dans une position par trop inférieure
relativement à ces agents. Mais l’influence de nos agents diplomatiques ne doit
pas se puiser dans des appointements plus ou moins élevés. Leur influence doit
venir du gouvernement, et quand le gouvernement aura pris une positon nette et
franche, quand le gouvernement aura fait connaître sa position, alors nos
agents pourront avoir un langage analogue à celui du ministère, un langage
franc et ferme ; alors nos agents inspireront de la confiance à ceux
auxquels ils s’adressent. Mais, je vous le demande, quelle confiance
voulez-vous qu’on ait en eux, quand nous, qui sommes les représentants de la
nation, nous ignorons la politique du gouvernement ? J’ai fait valoir ici,
hier, des considérations les relations qu’il me semble que le gouvernement devrait
chercher à nouer avec d’autres puissances que
Que le gouvernement prenne
l’initiative, qu’il dise quelles sont ses vues vis-à-vis de l’Allemagne et des
puissances du Nord, qu’il prouve qu’il a réellement des projets et qu’il est
décidé à tout faire pour arriver à la réalisation de ces projets ; la
chambre alors, si des projets méritent son approbation, les appuiera d’une
importance majorité. On saura à l’étranger que le gouvernement et le pays sont
d’accord, et quand nos agents se présenteront à ceux avec qui nous voulons
nouer des relations en montrant la bonne foi qu’on est en droit d’attendre de
nous, on aura confiance en eux. Mais, je le répète, tant que le gouvernement
dans sa politique étrangère et intérieure se renfermera dans un déplorable
mutisme, ni lui, ni ses agents n’obtiendront confiance, ni à l’intérieur, ni à
l’étranger.
Faut-il que je parle encore
des discussions qui ont eu lieu respectivement aux indemnités allouées aux
agents diplomatiques ? Je pensais, je l’avoue, qu’il valait mieux ne pas
renouveler cette discussion. Le ministre des affaires étrangères dit que si on
avait dirigé des critiques de ce chef contre son département, c’est qu’on
n’avait été nanti que de renseignements incomplets et insuffisants.
S’il en est ainsi, je crois
que, pour certains cas c’est exact ; mais à qui la faute ? Au
ministre, car toutes les pièces sur lesquels on s’est appuyé pour faire ces
critiques lui ont été communiquées avant la séance ; et on lui a demandé des
renseignements qu’il n’a jamais donnés. Si l’on s’est appuyé sur des pièces
incomplètes, c’est à lui qu’on doit en faire le reproche, et non à ceux qui on
été chercher près de lui, sans pouvoir les obtenir, des renseignements destinés
à compléter ceux qu’ils avaient.
Quant au reproche d’avoir
parlé dans le vague, sans rien spécifier, M. le ministre s’est réfuté lui-même,
car il a dit que les discussions de personnes étaient inconvenantes. Je suis
d’accord avec lui sur ce point ; mais il était impossible de spécifier sans
nommer. D’ailleurs ceux qui parlaient n’avaient pas besoin de nommer pour qu’il
n’y eut pas de vague dans leurs paroles pour le ministre, car ils avaient eu un
entretien avec lui et avaient montré, dans cette discussion, la plus grande
loyauté, la plus grande bonne foi en ne cachant rien au ministre.
Messieurs, vous aurez
peut-être remarqué la réserve que j’ai mise à m’expliquer relativement aux
destitutions. Je dois vous avouer que, selon moi, il est bien difficile de
poser des principes certains sur cette matière et que surtout il est bien
difficile de déterminer jusqu’où l’on doit aller dans l’application de ces
principes. C’est pour ce motif que j’ai cru plus prudent de m’abstenir.
Toutefois, je le déclare ici, sans hésitation, je reconnais au gouvernement,
non pas à tel ou tel ministre, parce que je ne serai jamais d’accord avec le
ministre de la guerre, qui a prétendu qu’il n’y a que des fonctionnaires de tel
ou tel ministère ; je prétends, moi, qu’il n’y a que des fonctionnaires du gouvernement.
Je reconnais donc au
gouvernement le droit de destitution, droit qui s’étend à tous les
fonctionnaires amovibles ; mais je soutiens que, quand le gouvernement a
jugé à propos de destituer un fonctionnaire pour des motifs politiques, il doit
compte à la chambre de ces motifs, lorsque la chambre les lui demande.
Eh bien, dans cette chambre
et dans le sénat, beaucoup de voix se sont élevées pour demander au
gouvernement le motif de la destitution dont plusieurs fonctionnaires ont été
frappés un peu avant l’ouverture des chambres. Des explications ont été
données, mais si vous voulez retirer ce qui a été dit par les différents
ministres, dans les différentes circonstances, répondant aux divers orateurs,
vous verrez qu’ils sont continuellement en contradiction avec eux-mêmes. Je
vais plus loin, car, pour la contradiction des ministre entre eux, cela
n’étonnera personne, alors qu’on sait qu’ils appartiennent à des opinions
différentes ; mais le même ministre, parlant deux fois dans la même
discussion, le fait de deux manières tout à fait opposées.
Je m’en tiendrai au
fonctionnaire le plus élevé en rang, le gouverneur du Brabant. On a reproché au
gouvernement de l’avoir destitué parce qu’il n’avait pas voulu donner les mains
à des manœuvres électorales. Le ministre s’est récrié contre ces accusations.
Il a prétendu que les élections n’entraient pour rien dans cette révocation, et
que, si on avait frappé le gouverneur du Brabant, c’est parce que depuis
longtemps on remarquait dans tous ses actes, un esprit d’opposition. On a dit
que cette opposition était tellement marquée, qu’un homme d’honneur, un homme
de conscience, un homme sachant apprécier ses devoirs en pareil cas, n’eût pas
attendu une destitution, se serait retiré spontanément.
Il est vrai que, quand on a
sommé le gouverneur de s’expliquer sur cette opposition, on a bien vu que
quelque dissidence d’opinion existait entre le ministre de l'intérieur et
l’ancien gouverneur de Brabant ; mais, dans ses actes, on n’a pas pu en
signaler un qui fût véritablement opposé au gouvernement, on n’a pas pu montrer
qu’il ait refuser d’exécuter les ordres du gouvernement, de suivre ses
instructions. Aujourd’hui, messieurs, il est bien prouvé que le gouverneur du
Brabant n’a pas fait d’opposition au gouvernement, et un de mes honorables
collègues, pour le faire voir d’une manière très positive, a dit au
gouvernement : S’il en est ainsi, vous êtes en contradiction avec
vous-mêmes, car à cet homme qui vous faisait une opposition continuelle, à cet
homme qui contrariait tellement la marche du gouvernement qu’il aurait dû se
retirer de lui-même, vous lui avez donné, quelques jours avant sa destitution,
une croix qui devait être la récompense de ses bons et loyaux services.
Le ministère, forcé dans
ses derniers retranchements, que dit-il ? Oui nous avons donné la croix au
gouverneur du Brabant, mas (c’est le ministre de l’intérieur qui parle) après
que j’eusse été chez lui, pour lui dire sinon de nous soutenir dans les
élections, au moins de s’abstenir. J’avais eu soin de ne pas parler de l’intention
qu’avait le chef de l'Etat de lui donner la décoration ; et il ne l’aurait
pas reçue, s’il n’avait pas partagé notre manière de voir. J’ai été trompé.
Mais la croix était donnée ; il était trop tard. Je vous le demande,
messieurs, n’est-ce pas là le langage qu’a tenu M. le ministre de
l'intérieur ?
Ainsi ; voici le rôle
qu’a joué le ministre de l'intérieur : il est allé chez le gouverneur du
Brabant, une croix à la main, et il lui a dit : « Voulez-vous nous
servir dans les élections ? je vous donnerai la
croix. Ne voulez-vous pas nous servir dans les élections ? je vous destituerai. » Le gouverneur, à ce qu’il
paraît, laisse le ministre dans l’incertitude. Croyant impossible qu’il
n’obtienne pas son assentiment, le ministre lui donne la croix en reconnaissance
de ses bons et loyaux services. Et trois jours après, on le destitue !
Reconnaissez au
gouvernement, dans la plus large acception (et je serai large en pareille
manière) le droit de destituer les fonctionnaires, comme il lui convient, on
reconnaîtra qu’il y a eu abus de ce droit, je dirai plus, qu’il y a eu abus
scandaleux.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – L’honorable préopinant s’est mis parfaitement à
l’aise en me répondant ; d’abord il m’a prêté des paroles que je n’ai
nullement proférées ; il a dit que j’avais reconnu que le gouvernement
était d’une extrême faiblesse, et que conséquemment j’admettais tout ce qu’il
avait avancé hier. Malheureusement pour l’orateur, il n’en est rien. Je n’ai
pas parlé d’extrême faiblesse du gouvernement ; je me suis borné à dire
que si le gouvernement était faible, la cause en était dans nos institutions.
Ce que j’ai dit je le répète, parce que c’est mon opinion.
Quand, a-t-il ajouté,
s’est-elle trouvé en présence d’un ministère moins fort ? J’en appelle à
vos souvenirs, dans les discussions de 1833, de 1834, n’était-ce pas le même
langage que tenait l’opposition ? Le Moniteur inexorable est mon témoin,
oui, à toutes les époques il s’est rencontré que quelques hommes qui ont pris à
tâche d’entraver la marche du ministère, et qui en même temps lui ont adressé
le reproche de ne pas marcher. L’honorable comte F. de Mérode a souvent
signalé, dans cette enceinte, cette manière de procéder de la part de quelques
opposants.
Nous avons demandé à
l’honorable préopinant de faire connaître les hommes qui, dans son opinion,
devaient tenir les rênes du gouvernement, qui méritaient la confiance du pays
et des chambres, les hommes qui ne devaient plus rencontrer d’opposition, et
devaient mettre en honneur la prérogative royale. Lorsque nous avons fait cette
interpellation, nous avons puisé notre droit dans l’exemple de ce qui s’est
passé dans d’autres pays. Nous avons dit que, dans d’autres pays
constitutionnels, les chefs de l’opposition, conséquemment les futurs
ministres, ne sont pas une énigme pour les chambres.
« Vous nous demandez
un programme (dit l’orateur,), et vous-mêmes vous refusez d’en donner
un. » C’est encore une nouvelle inexactitude. Nous avons été juste envers
l’honorable préopinant ; nous ne lui avons pas demandé de programme, parce
que, pour connaître ses opinions parlementaires, ses opinions gouvernementales,
nous n’avons qu’à recourir au Moniteur. Nous dispensons également de donner un
programme tous les membres de la chambre, qui ont pris part aux discussions
essentielles, qui ont exercé de hautes fonctions politiques. Quand nous avons
parlé de programme, nous avons dit que si des hommes dont les principes politiques
fussent peu connus ou des hommes qui n’auraient pas jusqu’ici pris part à la
direction des affaires publiques, venaient remplacer le ministère, alors nous
leur demanderions quelle nouvelle pensée ils venaient réaliser.
Messieurs est-ce bien à des
hommes connus par de longs antécédents politiques ou par une longue
administration qu’on vient tardivement demander un programme ? peut-on venir sérieusement, dans les circonstances où nous
nous trouvons, demander un programme au ministère actuel, qu’il s’est fait
connaître par des actes nombreux et qui n’a reculé dans aucune occasion devant
l’explication de ses actes.
Le reproche que nous avons
adressé au sujet des réductions faites sur le traitement des ministres de
Francfort et de
Au surplus, l’orateur
approuve les réductions qui ont été adoptées, et il pense que si nos agents
diplomatiques veulent avoir de l’influence à l’étranger, ils doivent la puiser
dans la politique avouée du gouvernement. Nous supposons que c’est de la
politique extérieure qu’il veut parler. Cette politique extérieure, le
gouvernement l’a manifestée à mainte occasion, c’est la politique de la
neutralité de
S’il s’agit de la politique
intérieure, nous ne croyons pas avoir à immiscer les puissances étrangères dans
cette politique ; toutefois nous osons dire que notre politique intérieure
est telle qu’elle ne doit porter ombrage à aucun gouvernement. Au contraire,
tous ont pu reconnaître que la plus grande loyauté a présidé aux efforts
constants que nous avons faits pour raffermit le nouvel Etat.
Nous aurions été en
contradiction avec nous-mêmes dans les explications que nous avons données de
la destitution du gouverneur du Brabant. Eh bien, jamais nous n’avons
tergiversé dans nos explications, elles ont été
publiées dans le Moniteur à l’instant même ; dans aucune circonstance,
nous n’avons dissimulé les motifs de cette destitution. Vous vous êtes rendu,
nous dit-on, chez le gouverneur du Brabant une croix à la main, pour capter son
concours. Mais nous avons déclaré de la manière la plus formelle que nous
n’avions fait d’abord aucune mention des intentions bienveillantes du Roi à
l’égard de ce fonctionnaire, et que la décoration ne lui avait été annoncée
qu’après que nous avions reçu de sa part des explications qui nous avaient
complètement assuré de sa neutralité dans les élections.
Au lieu de nous faire un
reproche à cet égard, on devrait nous rendre justice. Pour moi, je le déclare, s’il
fallait une décoration pour obtenir le concours ou l’abstention d’un
fonctionnaire, je considérerais ce fonctionnaire comme indigne de la confiance
du gouvernement.
M. d’Huart – J’ai écouté avec la plus grande attention le
discours prononcé hier par M. le ministre des travaux publics, et
particulièrement la partie de ce discours par laquelle il a défendu une
théorie, un système absolu sur l’obéissance passive, ou si vous voulez sur
l’étendue des devoirs politiques des fonctionnaires de l’Etat, des agents du
gouvernement. J’ai été effrayé, comme l’honorable M. Fleussu, de l’énormité, si
je puis m’exprimer ainsi, du système proclamé par M. le ministre des travaux
publics. Je me suis dit tout d’abord, qu’ayant fait partie du cabinet dans
lequel est entré M. Nothomb, il m’importait de prendre la parole afin
d’empêcher qu’il s’élevât le moindre doute sur ma participation à un système,
tel que celui qui a été formulé.
Mais j’approuve M. le
ministre des travaux publics d’avoir atténué le développement de la théorie
qu’il a énoncée dans la séance d’hier, ou plutôt d’avoir mieux exprimé sa
pensée dans le Moniteur qu’il ne l’avait fait dans le discours que nous avons
entendu ; j’admets donc très volontiers que le Moniteur d’aujourd’hui
présente exactement les idées qu’a voulu énoncer cet orateur. Je l’approuve,
dis-je, d’avoir revu son discours, et d’avoir mieux rendu ainsi sa pensée sur
le point délicat qu’il a traité hier.
J’aurais pu, après les
explications qu’il vient en outre d’ajouter sur la portée qu’il attribue
maintenant à ses premières paroles, me dispenser de prendre part à la
discussion, pour obvier au doute dont je parlais tout à l’heure. En effet, M.
le ministre des travaux publics, d’accord avec M. le ministre de l'intérieur,
déclare actuellement que toujours le gouvernement a entendu se borner à avertir
au besoin les fonctionnaires, les agents du gouvernement, qu’ils devaient
simplement, en matière électorale, s’abstenir alors que l’influence persuasive
(la seule à laquelle on ait eu recours) ne les déterminait pas à adopter de
cœur les candidats avoués du gouvernement. Je dis donc qu’à la rigueur j’aurais
pu me dispenser de prendre la parole dans cette occasion, puisque M. le
ministre des travaux publics (et je l’en félicite) est revenu aujourd’hui aux
véritables principes. Toutefois, je rencontre encore dans son discours imprimé
des prétentions que je ne veux point laisser sans réplique.
Voici un passage que je lis
dans le Moniteur.
« Ce ne sont pas là,
messieurs, des doctrines si hardies que pourraient le supposer quelques
membres ; ce sont des doctrines qui doivent accepter tous ceux qui veulent
être pouvoir, qui veulent être gouvernement, ce sont des doctrines qui seraient
appliquées par n’importe quel parti qui viendrait aux affaires. Tel parti, par
exemple, qui viendrait en ce moment aux affaires, ne pourrait s’y maintenir
qu’en destituant le lendemain tel gouverneur, tel secrétaire général ; il
se rendrait ainsi coupable des prétendus griefs qu’il reproche en ce moment au
ministère.
« Si le gouvernement,
messieurs, n’est pas plus fort, c’est que ces doctrines ne sont pas
généralement comprises ; c’est le temps qui les fera comprendre à la
longue, c’est sur le temps qu’il faut compter pour les voir généralement
comprises. »
Ainsi, messieurs, d’après
le système du ministre des travaux publics, si une opinion bien tranchée
arrivait au ministère, si par exemple, un ministère purement catholique,
reconnu comme tel, arrivait aux affaires, tous les fonctionnaires libéraux
devraient donner leur démission s’ils avaient de l’honneur ; et
réciproquement si un ministère libéral arrivait au pouvoir, tous les
fonctionnaires catholiques devraient se retirer.
Je demande dans quelle
perturbation on jetterait le pays par suite d’une telle doctrine ? Hé
quoi, ne serait-ce rien à vos yeux, M. le ministre, que de priver de leur poste
d’anciens fonctionnaires, pères de famille qui souvent n’auraient que leur
emploi pour vivre ? ne serait-ce rien que de mettre à l’écart, de priver
l’administration, le pays, d’hommes expérimentés, possédant le maniement des
affaires, connaissant l’application des lois et règlements ?
Pour démontrer
l’applicabilité de cette prétention exorbitante, le ministre des travaux
publics s’est posé lui-même pour exemple ; il vous a dit :
« Quand un citoyen consent à remplir un poste élevé, un poste qui le
constitue le représentant du gouvernement aux yeux du pays, par cela même ce
fonctionnaire reconnaît tacitement qu’il est d’accord sur les questions essentielles
avec le ministère qui le nomme ou qui le maintient. C’est là ce qui résulte
implicitement de la circonstance qu’il est en place et qu’il y reste, et c’est
dans cet assentiment tacite des fonctionnaires, à l’ensemble du système
gouvernemental qu’est la question de moralité. Si tel fonctionnaire d’un ordre
élevé soutient le gouvernement, ce n’est pas, messieurs, parce que le
gouvernement lui a demandé l’abnégation de ses opinions personnelles, c’est
parce qu’il y a, de la part de ce fonctionnaire public, assentiment tacite à
l’ensemble du système gouvernemental, assentiment tacite sans lequel ce
fonctionnaire se serait séparé du ministère par une démission volontaire. C’est
ainsi que tout fonctionnaire concilie ses devoirs ; c’est ainsi que j’entendrais
une position si j’étais fonctionnaire public ; c’est ainsi que j’ai
entendu ma position à une époque où j’étais secrétaire général du ministère.
Tous les fonctionnaires publics qui entendent ainsi leurs devoirs sont dans une
position très morale, dans une position qui leur fait honneur et qu’ils peuvent
hautement avouer. »
J’avoue que si l’exemple
personnel invoqué par le ministre des travaux publics était applicable, ou
plutôt il était exact, il apporterait une espèce de justification de son
système quelqu’extrême qu’il soit. En un mot, cet
exemple pourrait être invoqué par lui comme une sorte de règle tracée ;
mais, messieurs, il n’en est rien. Rappelez-vous dans quelles circonstances M.
Nothomb a donné sa démission de secrétaire-général du
ministère des affaires étrangères ; ce n’était point parce qu’il se
trouvait en opposition avec les hommes qui étaient au pouvoir ; il en a
donné d’autres motifs, qui étaient les réels, dans un journal où on lit, en
effet, qu’il renonçait aux fonctions de secrétaire-général
uniquement pour améliorer sa position parlementaire. Et, effectivement,
messieurs, la position s’était améliorée, puisqu’un mois plus tard, il était
avec nous à la direction supérieure des affaires, laquelle, remarquez-le, n’a
nullement été modifiée sous aucun rapport politique ou autre. Je ne fais pas un
reproche à l’honorable M. Nothomb de sa conduite d’abord, loin de là, seulement
je rectifie un fait inexactement représenté, et je le rectifie avec d’autant
plus de raison, que M. le ministre des travaux publics n’avait pas, avant son
entrée au ministère, cessé un instant d’être secrétaire-général
depuis 1830 ; bien que cinq ministères différents se fussent succédé.
Je répète encore que je
n’adresse point pour cela de reproche à M. Nothomb ; il pouvait rester, et
il est resté très honorablement secrétaire-général.
Mais, messieurs, alors qu’on s’appuyait de son propre exemple pour préconiser
des principes gouvernementaux qui pourraient placer dans la plus fausse
position des citoyens très recommandables, d’honorables collègues même,
fonctionnaires publics, qui siègent avec distinction dans cette enceinte, il
aurait fallu être plus sûr de sa mémoire.
Que le gouvernement offre à
un membre de l’une des deux chambres, ou à toute autre personne, un poste élevé,
que ce membre, ou cette personne refuse d’accepter parce que le ministère ne
suit pas le système gouvernemental qui lui convient, ou parce que parmi les
ministres il se trouve des hommes qui n’ont pas sa confiance, ces personnes ne
sauraient agir autrement avec honneur ; mais est-il raisonnable de
prétendre qu’il doit en être de même pour ces fonctionnaires qui, remplissant
leur emploi depuis de longues années avez zèle et distinction, ont consacré
leur existence à la carrière administrative ; et s’il arrive au pouvoir un
ou plusieurs hommes dont les idées politiques ne coïncident pas avec celles de
ces fonctionnaires, pourrait-on exiger que ceux-ci abdiquent leurs
fonctions ? prétendrait-on qu’ils doivent se
retirer s’ils ont de l’honneur ? Une telle prétention, si elle était de
nature à recevoir son application, entraînerait un bouleversement en classant
tout d’abord le pays en deux camps ; une espèce de guerre civile ne
tarderait pas à en être la conséquence.
En matière gouvernementale,
en matière électorale spécialement, le véritable système qui puisse convenir en
Belgique est celui auquel est en dernier lieu revenu le ministre des travaux
publics, c’est-à-dire celui qu’avait indiqué avant lui le ministre de
l’intérieur. Vous le voyez donc, messieurs, je suis loin de demander que le
gouvernement n’exerce pas d’influence. Il peut, il doit même, dans certaines
circonstances, agir sur l’esprit des fonctionnaires publics, à l’occasion des
élections, mais son action doit être purement persuasive ; je reconnais
qu’il a le droit d’exiger leur abstention, non pour leur propre vote, qui doit
rester hors de toute atteinte, mais pour l’influence active qu’ils exerceraient
dans leur position administrative.
Aller plus loin, comme le
prétendait d’abord M. le ministre des travaux publics, serait avilir les agents
du gouvernement et, par conséquent, l’affaiblir lui-même. En vain oppose-t-on
l’exemple de pays voisins pour appuyer une théorie plus rigoureuse, ce qui
notamment se passe en Angleterre, où toutefois l’organisation administrative ne
ressemble aucunement à celle de
Je ne puis reconnaître que
le gouvernement ait fait grand abus du moyen des démissions ; aussi je
n’entends pont scruter des cas spéciaux, et j’ai parlé en thèse générale.
J’engage le pouvoir exécutif, dans son intérêt, dans l’intérêt de la force même
du gouvernement, à continuer les errements de modération précédemment suivis.
Tel est l’unique but de mon discours.
M. le ministre des travaux publics
(M. Nothomb)
– Ce n’est pas sans un sentiment de surprise et de peine que j’ai entendu
l’honorable membre me donner un démenti et sur des principes et sur des faits.
Je dois répondre ; je m’occuperai d’abord des principes.
Lorsqu’il faisait partie du
même cabinet que moi, nous nous sommes souvent entretenus de l’état d’abandon
où se trouvait le ministère, de la part de ses propres agents, abandon qu’il
déplorait avec autant d’amertume, et peut-être avec plus d’énergie que
moi-même.
Je n’ai pas atténué le
discours prononcé hier ; je ne répéterai pas les explications que j’ai
déjà données. Il n’est pas étonnant que ce discours, lu froidement aujourd’hui,
paraisse peut-être différent en quelques points de ce qu’il a paru quand je
l’ai prononcé hier, alors que les auditeurs se trouvaient sous l’empire d’une
première impression, tout instantanée.
Me référant au discours du
ministre de l'intérieur, j’ai fait comprendre qu’il y avait une différence
entre le droit et l’application du droit. Le droit, c’est la théorie ; l’application
est subordonnée aux circonstances. J’ai dit que l’on demandait en général
l’abstention aux fonctionnaires, que c’était là une doctrine de
tolérance ; j’ai ajouté qu’en admettant cette doctrine de tolérance, on ne
pouvait pas permettre aux fonctionnaires d’user de leur influence pour
intervenir contre le gouvernement.
Je demanderai à l’honorable
membre si, lorsqu’il était au pouvoir avec moi, nous n’avons pas sévi contre
des fonctionnaires qui étaient intervenus contre le gouvernement ? Je le prierai
de se rappeler ce qui est arrivé en 1837, aux élections de Louvain, lorsqu’un
haut fonctionnaire de mon département est intervenu contre la réélection de
quatre députés sortants. N’ai-je pas dans ce cas été autorisé par le ministère
à déclarer à ce fonctionnaire qu’il serait destitué s’il ne se désistait
pas ? Cette résolution a été délibérée en conseil ; mon ancien
collègue, de son côté, a fait intervenir plusieurs de ses agents pour les
charger de détromper les électeurs, pour les charger de dire : Si vous
croyez, avec un haut fonctionnaire du département des travaux publics, que vous
ferez chose agréable au gouvernement, en empêchant la réélection des députés
sortants, vous êtes dans l’erreur.
Si donc il y a manque de
mémoire à cette occasion, ce n’est pas de ma part, c’est de la part de
l'honorable préopinant ; quand il faisait partie du cabinet, on a fait
quelquefois un pas de plus ; on ne s’est pas contenté de l’abstention.
Je ne veux pas aller plus
loin, parce que je tomberais peut-être dans des indiscrétions, j’imiterai en
cela la réserve que l’honorable membre a mise lui-même dans son discours.
J’ai dit et je maintiens
que de la part des hauts fonctionnaires, il y a dans la circonstance qu’étant
en place et y restant, assentiment tacite, non pas à tous les détails, mais à
l’ensemble de la marche du gouvernement, il n’y a rien là de déshonorant. Je ne
mets personne dans un fausse position : c’est tout le contraire.
J’arrive maintenant,
messieurs, au fait qui me concerne personnellement.
Je me suis permis de me
citer. Je l’ai fait parce que, dans d’autres circonstances, on m’avait cité. Il
est très vrai que, sous cinq ministres, j’ai été secrétaire-général
du ministère des affaires étrangères et pourquoi ? Je l’ai dit et répété
tant de fois, c’est parce que le système de politique extérieure, qui, sauf
quelques nuances, a toujours été considéré dans une idée de réconciliation avec
l’Europe, dans une transaction entre
Je n’ai pas besoin de
parler des circonstances qui ont déterminé ma retraite comme secrétaire-général ; si je me suis retiré, c’est que
cela me convenait, mais ma retraite n’avait rien de commun avec la
politique ; ce n’est donc pas à ce fait-là que je faisais allusion, mais à
l’ensemble de ma conduite, et je crois, messieurs, que c’est ainsi que mes
paroles ont été comprises de vous tous.
M. d’Huart –
Si je les avais comprises ainsi, je ne les aurais pas relevées.
M. le ministre des travaux publics
(M. Nothomb)
– Du reste, messieurs, chaque fois qu’un ministre nouveau arrivait aux
affaires étrangères, je le mettais parfaitement à son aise : j’ai offert ma démission à tous
les ministres qui se sont succédé à ce département ; je leur ai déclaré à
tous que, s’ils croyaient que le moindre changement devenait nécessaire dans la
politique extérieure, changement auquel je pourrais être un obstacle, je
m’empresserais de le retirer. C’est donc bien à tort que l’honorable membre a
cherché à jeter sur moi je ne sais quel ridicule, en dénaturant un fait très
simple, fait connu de vous tous, fait qui m’a valu, de la part de l'honorable
M. Dumortier, qui m’écoute, la qualification d’ « avocat du ministère »,
quant à la politique extérieure du pays.
L’honorable M. Fleussu,
tout en rectifiant ce qu’il avait dit relativement à la diplomatie purement
commerciale qui, d’après lui, suffirait au pays, a cependant ajouté qu’il
pourrait aller jusqu’à admettre le système d’une diplomatie de chargés
d’affaires ; dès lors je ne vois pas pourquoi l’honorable membre s’est
donné tant de peine pour rectifier ses paroles. Je persiste, moi, à regarder
comme insuffisante une diplomatie qui n’aurait pas une position convenable, qui
n’exercerait pas à l’étranger un ascendant convenable, et telle serait une
diplomatie de chargés d’affaires et même une diplomatie de ministres
plénipotentiaires qui ne serait pas mis à même d’avoir une véritable position
sociale.
L’honorable M. de
Brouckere, dans la séance d’hier, a rappelé avec raison la discussion qui vient
d’avoir lieu en France ; cette discussion nous a révélé de nouveau toutes
les arrière-pensées qui subsistent dans les esprits en France.
Je le demande.
Si, comme on nous le prédit
du haut de la tribune de France, l’Europe doit subir un remaniement, si dans ce
vaste mouvement
Auriez-vous profité de
l’intervalle pour nous faire des amis ? Auriez-vous donné aux hommes
d’Etats et aux notabilités de l’étranger la conviction que
M. Verhaegen –
Messieurs, la discussion à laquelle je viens d’assister a dissipe les doutes
que j’avais avant d’entrer dans cette enceinte. J’avais lu et relu le Moniteur,
et je pouvais à peine croire qu’au discours de M. le ministre des travaux, tel
qu’il se trouve consigné dans le Moniteur, j’avais fait la réponse qui s’y trouve
aussi consignée. Je viens d’apprendre que ce discours a été atténué. J’ai donc
eu raison, et je me serais bien gardé de rien affirmer sur ce point si d’autres
honorables membres n’avaient confirmé mon opinion ; je n’osais pas y
croire, mais mon doute s’est évanoui, et il devient évident pour moi que mon
discours tel qu’il se trouve dans le Moniteur ne peut plus servir de réponse au
discours de M. Nothomb. Que résulte-t-il de là, messieurs ? C’est que hors
de cette enceinte, on me fera le reproche d’avoir combattu des fantômes, et je
ne suis pas fâché que le Moniteur consigne aujourd’hui que ce que j’ai dit hier
n’est pas la réponse à ce qui a été consigné dans ce journal comme discours de
M. le ministre des travaux publics, mais la réponse à ce que M. le ministre des
travaux publics a dit dans cette enceinte. J’en appelle à cet égard au souvenir
de tous mes honorables collègues.
Pour qu’il en reste des
traces, je vais résumer, moi, en peu de mots, ce qui a été dit par M. le
ministre des travaux publics et ce que j’ai attaqué. J’ai pris la parole pour
répondre à M. Nothomb, et je pense que dès lors je suis plus à même que tout
autre de rappeler exactement les théories que j’ai combattues.
M. le ministre des travaux
publics vous a dit, messieurs, que dans son opinion le gouvernement n’avait pas
été assez loin dans sa marche à l’égard des fonctionnaires publics, dans sa
marche relativement aux élections, il vous a dit (je me rappelle ses
expressions) que les fonctionnaires publics, en acceptant les fonctions qui
leur sont conférées, contractent tacitement l’obligation envers le gouvernement
d’adopter ses opinions, de suivre ses impulsions, et cette théorie, il l’a
présentée d’une manière générale, sans exception : c’est cette théorie que
j’ai combattue, et c’est relativement à cette théorie que je vous ai fait
apercevoir certaines conséquences que j’ai considérées comme subversives de
toute idée constitutionnelle. J’ai dit, en réponse au discours de M. Nothomb,
que c’était d’abord faire injure à tous les fonctionnaires publics qui siègent
dans cette enceinte, et auxquels nous avons accordé notre estime ; j’ai
dit que, d’après la manière dont M. le ministre des travaux publics avait
exposé ses principes, on pouvait désormais voir d’une manière certaine comment,
dans son opinion, se forment les majorités dans cette chambre ; j’ai dit,
messieurs, que de cette manière, un ministre qui ne jouissait pas de la
confiance du pays, pouvait obtenir une majorité dans une assemblée législative,
et j’ai ajouté qu’avec un autre principe dont il faisait également usage, celui
de diviser pour mieux régner, de soulever les partis contre les partis,
certaines fractions du pays contre certaines autres, qu’avec de semblables
moyens un ministère pouvait rester au pouvoir malgré le pays ; qu’une
discussion récente, celle du canal de l'Espierre,
m’avait appris de quelle manière un ministère qui ne jouissait pas de la
confiance du pays, pouvait obtenir une majorité dans les chambres ; j’ai
dit qu’avec les théories exposées par M. le ministre des travaux publics, les
majorités ne seraient que des majorités factices. Voilà, messieurs, de quelle
manière j’ai combattu le ministre des travaux publics, et ma réponse était en
rapport avec le discours qu’il a prononcé dans cette enceinte, mais elle n’était
plus en rapport avec le discours qu’il a fait insérer dans le Moniteur. A cet
égard, j’en appelle au souvenir de tous mes honorables collègues, et le
Moniteur de demain fera au moins connaître mes réclamations, le Moniteur de
demain fera connaître que je n’adopte pas comme discours de M. Nothomb le
discours qu’il a fait insérer dans ce journal.
Je ne reviendrai plus sur
ce que j’ai dit hier à ce sujet, parce que les observations qui ont été faites
aujourd’hui ne sont pas de nature à combattre ce que j’ai dit ; cependant
je me permettrai de répondre à deux ou trois observations qui ont été faites
par le ministre de l’intérieur relativement aux destitutions politiques, et je
suis encore à même, messieurs, plus qu’aucun de mes honorables collègues, de rétablir
le véritable état des choses et de démontrer que le ministère est en
contradiction relativement au système de destitutions, car c'est en réponse aux
discours que j’ai prononcés dans cette enceinte que successivement le ministère
a pris un nouveau système ; il m’importe de rétablir les faits, et pour
cela j’en appelle au Moniteur, à l’inexorable Moniteur, comme l’a appelé M. le
ministre de l'intérieur.
Lorsque la première fois
nous avons fait un grief au ministère de la destitution du gouverneur du Brabant,
après une triple élection, après une triple couronne civique (c’est
l’expression dont nous nous étions servi), le ministère nous a dit qu’il ne
s’agissait pas d’élection, que le gouverneur du Brabant avait été destitué
parce que depuis longtemps il avait fait de l’opposition au gouvernement, et
sur une observation qui était partie d’un autre coin de la salle, le ministère
s’était repris et avait dit que c’était parce qu’on « soupçonnait »
qu’il allait faire de l'opposition..
Vous voyez, messieurs, combien
on était peu d’accord avec soi-même. On affirmait d’abord qu’il avait fait de
l’opposition, qu’il avait fait une opposition soutenue contre le gouvernement
et cela depuis longtemps ; et un instant après, l’on se reprend et l’on
dit qu’on soupçonnait qu’il allait faire de l’opposition.
Cela est consigné au
Moniteur, et je renvoie M. le ministre de l'intérieur au Moniteur.
Dans une discussion
récente, nous avons eu l’occasion, messieurs, de vous parler de cette
destitution. Alors, messieurs, le système n’a plus été le même ; alors on
a fait un reproche au fonctionnaire destitué d’avoir contrarié le gouvernement
dans les élections : on ne lui a pas fait seulement un reproche de ne pas
s’être abstenu, mais on lui a encore fait le reproche d’avoir pris une part
active dans les élections. Tantôt pour couronner l’œuvre, on vous a dit que la
triple élection de M. de Stassart était l’opposition la plus fragrante qu’il
pouvait faire au gouvernement.
Voilà comment le ministre a
successivement présenté des systèmes contradictoires.
Je vais examiner celui
qu’il a présenté en dernier lieu.
Maintenant ce n’est plus un
système, et un système d’opposition qui date de loin, qu’on reproche à ce haut
fonctionnaire, mais c’est la triple élection dont il a été honoré et que le
ministre considère comme un acte d’opposition au gouvernement.
Eh quoi ! dans un pays comme le nôtre, une triple élection, fait inouï
dans les fastes électoraux, est une marque d’opposition au gouvernement !
mais je dirai, moi, que c’est une marque de popularité pour celui qui en est
l’objet, et une marque de faiblesse pour le gouvernement qui n’a pas su
l’empêcher ; car, MM. les ministres, avec votre pouvoir fort, avec ce
système que vous préconisez, vous n’avez pu empêcher la triple élection de M.
de Stassart, vous avez fait vos efforts pour l’empêcher, s’il faut vous en
croire, et vous n’êtes pas parvenus à votre but, voilà ce qui montre votre
faiblesse.
Mais comment a-t-on voulu
excuser l’arrêté dont nous avons parlé, l’arrêté par lequel on a encore compromis
la dignité du Roi, l’arrêté qui confère le grade d’officier de l’ordre de
Léopold à ce fonctionnaire ?
On a dit, messieurs, que Sa
Majesté avait voulu montrer ses intentions bienveillantes à l’égard de ce haut
fonctionnaire ; et M. le ministre de l'intérieur, dépositaire du secret du
Roi, se transporte chez ce haut fonctionnaire qui en ce moment était alité. Il
lui fait des représentations sur les élections qui devaient avoir lieu ;
il ne lui communique pas les intentions bienveillantes du Roi, il s’en garde
bien, et ce n’est qu’après qu’il aurait obtenu une quasi-promesse de ce haut
fonctionnaire qu’il lui donne connaissance de l’arrêté.
M. le ministre de
l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) –
L’arrêté n’était pas encore signé.
M. Verhaegen –
C’était encore compromettre le Roi ; car si le Roi avait l’intention de
montrer sa bienveillance à l’égard de ce haut fonctionnaire, ce n’était certes
pas à raison des élections que le Roi voulait l’honorer de cet acte de
bienveillance ; S.M. a voulu récompenser, comme l’arrêté le porte en
toutes lettres, les longs et loyaux services du gouverneur du Brabant ; et
ce que le ministre de intérieur voulait faire, au moyen de la croix qu’il
présentait au gouverneur du Brabant, n’entrait pas dans l’intention du Roi, et
à coup sûr, nous ne pouvons pas le supposer. Si le Roi avait l’intention de
conférer le grade d’officier de son ordre à M. de Stassart, aucun fait
quelconque ne pouvait certes venir entraver cette intention ; les
sélections y ont été tout à fait étrangères, et lorsque M. le ministre de
l'intérieur vient nous dire qu’il a profité de cette circonstance pour
connaître les dispositions du gouverneur du Brabant, il se retranche de nouveau
derrière une mauvaise excuse, parce qu’il sent que toutes les autres ne lui ont
pas réussi.
Messieurs, si nous sortions
des limites parlementaires, et puisqu’on a parlé de démentis, nous pourrions
aussi, à l’égard de cette prétendue promesse qui aurait été faite par M. de
Stassart, donner un démenti formel à M. le ministre de l'intérieur. Mais nous
ne sortirons pas des limites parlementaires : nous aimons mieux signaler
les contradictions dans lesquelles le ministre est successivement tombé.
Ce que je vois de plus
clair dans tout cela, c’est qu’à chaque pas qu’on fait, on compromet la dignité
du Roi ; tantôt c’est avec une décoration, tantôt c’est en soulevant une
portion du pays contre une autre, en excitant les partis les uns contre les
autres ; et le ministère se retranche constamment derrière celui qui
devrait rester toujours étranger dans nos discussions.
En répondant à une
objection qui avait été faire par l’honorable M. de Brouckere, M. le ministre
de l'intérieur a dit :
« Si le gouvernement
est faible en Belgique, cette faiblesse est due à nos institutions. »
Voilà, messieurs, un
ministre qui désapprouve nos institutions, un ministre qui doit s’excuser de sa
faiblesse sur nos institutions qu’il croit mauvaises. Peut-il encore continuer
à tenir les rênes du gouvernement avec nos institutions telles qu’elles sont,
et telles que nous devons les conserver, au moins jusqu’à révision légale.
Certes, ce n’est pas sur les bancs du ministère qu’on devrait proférer des
paroles qui doivent jeter les perturbations dans l’Etat ; les institutions
que nous avons, nous les avons obtenues de la révolution, et ces institutions
subsisteront jusqu’à ce que, par une vois légale, on y en ait substitué d’autres.
Si le ministère pense que ces institutions sont insuffisantes pour gouverner,
que le gouvernement est impossible avec ces institutions, il doit prendre son
parti.
La réponse qui avait été
donnée à l’honorable M. de Brouckere, loin de combattre ce système, ne fait,
messieurs, que le renforcer.
Je répondrai maintenant à
deux observations qui ont été faites par M. le ministre des travaux publics.
Dans son système
d’aujourd’hui, qui n’est pas celui d’hier, M. le ministre des travaux publics
vous a dit : « que le gouvernement tolère aujourd’hui que les
fonctionnaires publics s’abstiennent. »
Mais, messieurs, cette
tolérance au gouvernement est la reconnaissance d’un droit formel que le
gouvernement aurait de prétendre le contraire ; ainsi la tolérance dont on
parle aujourd’hui ne fait que confirmer le système qui a été développé hier et
qu’on n’a pas osé soutenir ensuite.
Il n’en est pas moins vrai,
messieurs, qu’avec ce système de tolérance, les fonctionnaires publics dans
cette enceinte, seront placés, quand il plaira au gouvernement, dans sa
dépendance la plus absolue ; et par conséquent dans le système
d’aujourd’hui, comme dans celui d’hier, les fonctionnaires publics dans cette
enceinte ne seraient que des machines gouvernementales, et la majorité se composerait
de cette manière ; c’est ce que je ne puis admettre, et pour l’honneur de
mes collègues que j’estime, je ne l’admettrai jamais.
Je terminerai, messieurs,
en disant un mot sur le fait que je considère comme personnel à M. le ministre
des travaux publics.
L’honorable M. d’Huart, qui
a développé ses principes dans le discours que nous venons d’entendre, vous a
dit, messieurs, « que M. Nothomb n’avait pas toujours été d’accord avec
lui-même, et que quand il s’était retiré à raison de la dissidence qu’il pouvait
y avoir entre lui et le chef du cabinet, il avait pris une position qui était
beaucoup plus avantageuse pour lui. »
M. Nothomb prétend que M.
d’Huart est dans l’erreur ; moi, messieurs, le Moniteur à la main, je
trouve que M. d’Huart a raison ; car, à moins de dire que M. le ministre
des travaux publics s’est mal expliqué, on ne peut pas se refuser au sens des
paroles qu’il a prononcées et qui se trouvent consignées au Moniteur :
après la phrase où il parle des fonctionnaires publics qui, se respectant et n’étant
pas d’accord avec leurs chefs, étaient obligés de se retirer, vient
immédiatement cette phrase :
« Moi, j’ai donné
l’exemple, j’ai été le fidèle observateur de ces principes dans toutes les
circonstances ; alors que j’étais secrétaire général, je me suis
retiré. »
Qu’est-ce que cela veut
dire ? cela veut dire pour tout le monde que M.
Nothomb étant secrétaire général au département des affaires étrangères, et
n’étant pas d’accord avec ses chefs, s’est retiré et est devenu ministre ;
et qu’a dit l’honorable M. d’Huart ? Que M. Nothomb, peu après sa
retraite, au lieu de secrétaire-général, était devenu
ministre.
M. le ministre des travaux publics
(M. Nothomb) – Messieurs, le gouvernement avait-il le droit
de demander au gouverneur du Brabant de ne pas intervenir contre un
cabinet ?
Oui.
Nous sommes tous d’accord à
cet égard.
Voilà pour la question de
droit.
En fait que s’est-il
passé ?
Qu’a demandé le ministre de
l'intérieur ?
Il a demandé au gouverneur
du Brabant de ne pas intervenir contre un candidat. Qu’a promis le gouverneur
du Brabant ? il a promis de ne pas intervenir
contre un candidat. Qu’est-il résulté de tout cela ? Il a été constaté que
le gouverneur du Brabant était intervenu, malgré sa promesse, contre ce
candidat ; il est arrivé que le gouverneur du Brabant, qui avait annoncé
qu’il ne serait pas élu, a été élu.
Voilà en quoi se résume
toute la discussion et pour le droit et pour le fait. Voilà ce que les
ministres qui ont pris la parole au sujet de cette destitution n’ont cessé de
répéter ; il n’y a donc aucune
contradiction dans l’explication si simple donnée uniformément par chaque
ministre sur ce fait.
Mais nous disions que c’est
au moins de s’abstenir que le gouvernement peut demander aux hauts
fonctionnaires, c’est-à-dire, qu’il aurait le droit de demander davantage, si
les circonstances l’exigeaient, mais en usant de moyens légitimes
d’intervention, par exemple, de ceux qu’a indiqué M. d’Huart : la
persuasion, la discussion raisonnée. Je dois dire que M. d’Huart se rapproche
singulièrement des doctrines du ministère ; il ne pouvait pas en être
autrement de la part de mon ancien collègue des finances.
Je sens qu’il tarde à la
chambre de voir finir cette discussion, aussi n’ajouterai-je que quelques mots.
On persiste à vouloir faire croire que je me suis rétracté dans le Moniteur.
Cette rétractation, je ne l’accepte pas. Le passage dont a parlé le préopinant
n’a pas été changé. Il n’y a pas eu un mot essentiel de ma part ajouté ou retranché
sur la copie qui m’a été envoyée par les sténographes. Je n’ai pas dit qu’il y
avait un contrat entre les fonctionnaires et le gouvernement, et qu’ils
devaient recevoir aveuglément toutes les impulsions quelconques qui pouvaient
leur venir de la part du ministère. Je ne me suis pas servi de ces expressions,
j’en appelle à vos souvenirs. Cette partie de mon discours, je le répète, a été
conservée telle qu’elle a été recueillie.
C’est au commencement de
mon discours que j’ai dû faire quelques changements, parce que cette partie
avait été complètement écourtée et affaiblie par le sténographe ; je
dirai, loin de l’atténuer, je l’ai peut-être renforcée.
La partie à laquelle
l’honorable membre pense, d’après ses notes, que j’aurais apporté des
modifications, est restée intacte ; c’est l’œuvre d’autres sténographes.
(En note de bas de page du Moniteur, on peut lire le texte suivant : (1)
rentré chez moi, j’ai fait demander le manuscrit du discours d’hier, manuscrit
qu’on a pu retrouver ; j’ai constaté l’exactitude des ces
explications ; le passage, notamment, auquel M. Verhaegen avait
particulièrement répondu, et qui était rédigé par un autre sténographe que le
rédacteur du début du discours, est resté intact, à l’exception de deux mots
insignifiants : Pour le pas dire deux fois « annihilé », j’ai
remplacé une fois cette expression par « annulé ». ; Au lieu
de : « l’honorable membre taxe notre doctrine comme immorale »,
j’ai mis « d’immoralité », ce qui est plus français. (Note de
l’orateur).)
L’honorable membre est
revenu sur ce reproche que j’aurais voulu, dans la discussion du canal de l'Espierre, exciter la division dans le pays, soulever une
partie du pays contre l’autre. Rappelez-vous, messieurs, ce que je disais au
début de mon premier discours : je déplorais précisément ce moyen que je
voyais employer dans quelques discours. Depuis quelques temps on présentait
tantôt les Flandres comme sacrifiées aux provinces wallonnes, tantôt les
provinces wallonnes comme sacrifiées aux Flandres. Comment ai-je été, par la suite,
amené à vous dire que je pourrais soulever une partie des Flandres comme
l’autre ?
On ne cessait de répéter
que j’avais contre moi, dans cette question du canal de l’Espierre,
les deux Flandres entières ; j’ai été conduit naturellement à répondre que
le projet d’établissement d’une nouvelle ligne de Bossuyt
par Courtray et Ypres à la mer du Nord, ligne parallèle à celle de Gand, Bruges
et Ostende ; que c’était un projet de dépossession de ces trois villes.
J’ai ajouté, à mon tour, pour prouver que je n’avais pas les deux Flandres
contre moi, que je pourrais isoler Ypres et Courtray et soulever contre ces
villes le reste des Flandres. Voilà ce que j’ai dit, ce que je devais dire, et
que je pouvais dire très légitimement, pour détruire l’objection que j’avais
contre moi les deux Flandres tout entières.
PROJET DE LOI RELATIF A
M. Pirmez –
Je viens déposer le rapport de la section centrale sur la refonte des monnaies
provinciales.
M. le président –
Ce rapport sera imprimé et distribué ; je propose d’en fixer la discussion
immédiatement après les projets qui sont à l’ordre du jour.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DE L’INTERIEUR POUR L’EXERCICE 1840
La discussion générale est
fermée.
Discussion des articles
La discussion des articles
du budget du ministère de l’intérieur est renvoyée à demain.
- La séance est levée à 4 heures et quart.