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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 8 février 1838

(Moniteur belge n°40, du 9 février 1838)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure.

M. Kervyn donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, dont la rédaction est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse donne communication des pièces suivantes.

M. le ministre de la justice adresse à la chambre 28 demandes en naturalisation accompagnées des renseignements.

- Ces pièces sont renvoyées à la commission des naturalisations.

Composition des bureaux de section

Première section

Président : M. Duvivier

Vice-président : M. de Terbecq

Secrétaire : M. Ullens

Rapporteur de pétitions : M. Zoude


Deuxième section

Président : M. de Perceval

Vice-président : M. Mast de Vries

Secrétaire : M. Beerenbroeck

Rapporteur de pétitions : M. Doignon


Troisième section

Président : M. Raymaeckers

Vice-président : M. Angillis

Secrétaire : M. Maertens

Rapporteur de pétitions : M. Simons


Quatrième section

Président : M. de Behr

Vice-président : M. Andries

Secrétaire : M. Dubois

Rapporteur de pétitions : M. de Roo


Cinquième section

Président : M. Dubus (aîné)

Vice-président : M. de Florisone

Secrétaire : M. Lecreps

Rapporteur de pétitions : M. Dequesne


Sixième section

Président : M. Demonceau

Vice-président : M. Jadot

Secrétaire : M. de Jaegher

Rapporteur de pétitions : M. Morel-Danheel

Motion d'ordre

Droits sur les fils de lin et d'étoupes

M. Angillis. - Messieurs, à la séance d’hier, la commission d’industrie, sur la demande formelle de la chambre, a fait son rapport sur la question des fils de lin et d’étoupes. Ce rapport qui intéresse éminemment l’industrie linière, dont je vous ai exposé l’état de souffrance, a été ajourné, sur la proposition de M. le ministre de l'intérieur. Comme je pense que les honorables membres qui se sont levés en faveur de la proposition du ministre n’ont pas voulu prononcer la question préalable, je demande qu’on mettre à l’ordre du jour la discussion des conclusions de la commission d’industrie vendredi 16 de ce mois. Il serait bien entendu que si la chambre se trouvait alors occupée d’un objet non terminé, la discussion que je demande aurait lieu immédiatement après.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Veuillez-vous rappeler, messieurs, qu’hier, lorsqu’il s’est agi de s’occuper de la question sur laquelle la commission d’industrie venait de faire un rapport, M. le ministre de l'intérieur a déclaré qu’il regardait comme nécessaire de prendre l’avis des chambres de commerce et celui des commissions d’agriculture. L’observation qu’a faite alors M. Eloy de Burdinne, à l’appui de cette opinion, est très grave ; il ne s’agit pas seulement ici de l’industrie linière, mais aussi de l’agriculture. Il faut tâcher de concilier les deux intérêts, et pour atteindre ce but, il faut préalablement les entendre. Si vous fixez la discussion au 16 courant, comme le propose M. Angillis, je ne prévois pas qu’on puisse avoir reçu les renseignements que M. le ministre de l'intérieur se propose de demander. Il me semble que M. Angillis devrait se réserver de représenter sa proposition dans quelques jours, quand il supposera que M. le ministre de l'intérieur pourrait avoir reçu une partie des avis qu’il aura réclamés. En fixant la discussion au 16, nous n’aurons pas les éléments nécessaires pour prononcer en connaissance de cause, et nous perdions notre temps, amenés que nous serons alors à une remise de nos délibérations.

M. de Jaegher. - Messieurs, deux genres de protection ont été réclamées pour l’industrie linière : la première est la prohibition à la sortie du lin, et la deuxième est la prohibition à l’entrée des lins. La première de ces deux protections intéressait également l’industrie linière et l’industrie agricole, car en prohibant la sortie du lin, on pouvait nuire à l’agriculture ; mais quant à la prohibition à l’entrée du fil filé en Angleterre, cette question n’intéresse en aucune manière l’industrie agricole. Je ne comprends pas comment les commissions d’agriculture devraient être entendues avant la mise en discussion du rapport de la commission d’industrie, qui a proposé de ne donner que le dernier genre de protection, c’est-à-dire de prohiber l’entrée des fils d’Angleterre.

Ces courtes observations suffiront pour faire revenir M. le ministre des finances de l’opinion qu’il vient d’émettre, et qu’il pensera, comme M. Angillis, qu’il n’est pas nécessaire d’attendre l’avis des commissions d’agriculture tant qu’on ne s’occupera que des conclusions du rapport.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Répond-on qu’il n’y aura pas d’amendement ?

M. de Jaegher. - Vous les rejetterez.

M. Desmaisières. - Si je n’ai pas pris la parole hier pour combattre la proposition de M. le ministre de l’intérieur, c’est que les motifs donnés par M. Desmet me paraissaient tellement péremptoires, qu’il ne pouvait y avoir de doute sur le rejet de l’amendement. Malheureusement mes prévisions ont été trompées, et la décision de la chambre m’a prouvé que j’aurais mieux fait de prendre la parole.

La commission d’industrie s’est réservé de faire un autre rapport sur toutes les questions où l’intérêt de l’agriculture se trouve en opposition avec l’intérêt de l’industrie linière. C’est pourquoi elle a borné ses conclusions à proposer d’adopter ce que toutes les chambres de commerce compétentes dans la question ont demandé ; car toutes sont d’avis qu’on doit restreindre l’entrée des fils étrangers. C’était donc pour simplifier la question que la commission d’industrie s’était bornée à vous présenter ces conclusions. Il est en quelque sorte étrange qu’on vienne maintenant demander l’ajournement de la discussion de ces mêmes conclusions, en s’appuyant sur ce que les chambres de commerce n’ont pas été consultées, tandis que c’est de ces chambres de commerce qu’est partie la demande de ces conclusions.

On a dit hier qu’il était temps d’en finir avec toutes ces propositions nouvelles qui n’avaient pas trait aux propositions primitives du gouvernement. Mais on aurait dû faire attention que la proposition relative à la sortie du fil de lin avait été introduite contrairement au projet primitif du gouvernement, et que la sortie de ce fil ayant été laissée libre, c’était apparemment parce que vous trouviez qu’on en fabriquait trop pour la consommation intérieure ; par conséquent, il n’y a pas de danger à restreindre l’importation du fil étranger. Ces deux propositions avaient une telle connexité qu’on aurait mieux fait de les résoudre en même temps. Je viens donc appuyer de toutes mes forces la proposition de M. Angillis, de fixer au vendredi 16 de ce mois la discussion du rapport de la commission d’industrie.

M. Zoude. - La commission, pour simplifier la question, s’est bornée à présenter un projet de loi sur l’entrée des fils de lin et d’étoupe. Sur ce point, nous avons consulté les chambres de commerce, les régences, et même des industriels ; tous ont eu l’obligeance de me répondre, et j’ai transmis au ministre plusieurs des réponses que j’ai reçues ; elles étaient toutes d’accord avec l’opinion de la commission. Cette question a donc été suffisamment examinée. Quant à celle des lins, elle est si grave que si vous attendez pour la décider les avis des chambres de commerce et des commissions d’agriculture, ce ne sera pas dans un an que vous pourrez aborder la discussion, et l’industrie linière qui déjà est aux abois sera ruinée.

J’appuie la proposition de M. Angillis.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Il semblerait, à entendre l’honorable préopinant, que la question dont il s’agit en ce moment n’intéresse en rien l’agriculture. Cependant la commission d’industrie propose presque la prohibition des étoupes ; et qui nous garantit d’ailleurs que lorsque vous aurez tranché la question en ce qui concerne les étoupes, on ne viendra pas demander de trancher aussi tout le reste de l’immense et difficile question de l’industrie linière ? Qui peut savoir qu’on saura restreindre la question aux étoupes ? La chambre aura le droit de traiter la question entière, et une majorité ne le voudra-t-elle pas ? Il faut sans doute avant tout s’éclairer.

Nous ne nous opposons pas à ce que la chambre aborde la question, mais nous désirons que ce soit à une époque, dans un délai qui permette de réunir tous les renseignements nécessaires. Fixer cette discussion au 16 courant, ce serait déclarer qu’on ne veut pas des avis des commissions d’agriculture et des députations des états ; et cependant l’agriculture est sérieusement intéressée dans cette matière, il importe qu’elle soit entendue. On parle sans cesse de protéger l’industrie et le commerce, mais l’agriculture n’occupe-t-elle pas un rang important auprès de ces deux branches de la fortune publique ? Ne pourrait-on pas même dire qu’elle est la mère de ces deux grands intérêts ? Remettons, messieurs, la discussion dont il s’agit aux premiers jours de mars, et observons ainsi les règles de la prudence qui nous dirige habituellement.

M. Angillis. - Messieurs, je le répète, il ne s’agit pas de l’agriculture, car il n’est pas question de la sortie du lin ; je demande seulement qu’on discute la question de restreindre l’importation des fils de lin et d’étoupe. Quant à cette question, l’agriculture est désintéressée, et il n’y a plus de renseignements à prendre ; toutes les chambres de commerce ont été consultées et ont donné leur avis. Si le ministre pense qu’il doit avoir d’autres renseignements, qu’il nous les indique. Je crois que la question est complétement instruite et qu’on pourrait dès maintenant ouvrir la discussion. Chacun a son opinion formée.

Si on pense cependant que le 16 courant soit une époque trop rapprochée, qu’on fixe le jour qu’on voudra, pourvu que l’ajournement soit limité, afin que vos commettants soient convaincus qu’il n’y a pas déni de justice.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je propose de fixer cela au 5 mars.

M. de Nef. - Au 12 mars !

M. Eloy de Burdinne. - S’il ne s’agissait que de l’entrée des fils étrangers, je ne m’opposerais pas à ce qu’on s’en occupe immédiatement. Mais dans la crainte qu’on ne traite aussi la question des lins et étoupes, nous devons attendre que les commissions d’agriculture aient été réunies ; c’est alors seulement qu’elles pourront donner leur opinion sur la question de la prohibition de la sortie des étoupes. C’est une question importante pour les Flandres ; là deux intérêts sont en présence, celui de l’agriculture et celui des fileurs et des tisserands : dans mon pays cette question est peu importante, car on ne produit du lin que pour la consommation des communes.

M. de Foere. - Je comprends l’ajournement si on veut discuter toute la question ; mais s’il ne s’agit que de l’entrée des fils étrangers, je ne vois pas de motif pour prononcer cet ajournement. Pourquoi avons-nous permis la libre sortie des fils de lin fabriqués dans le pays ? C’est parce qu’il y avait un trop plein ; par la même raison, il faut prohiber les fils de lin étrangers. Si on était suffisamment éclairé sur la première question, on l’est également sur la seconde. Toutes les chambres de commerce ont été consultées et ont été d’avis de permettre la sortie et de prohiber l’entrée des fils de lin. Je ne vois pas quel autre renseignement on voudrait avoir.

M. le président. - Il s’agit maintenant de savoir si les conclusions du rapport de la commission d’industrie seront discutées le 5 ou le 12 mars. M. Angillis s’est rallié à la proposition de M. le ministre des finances.

M. Dumortier. - Tous les orateurs qui ont demandé une prompte discussion du rapport de la commission d’industrie ont dit qu’il ne s’agissait que de la prohibition à l’entrée des fils de lin et d’étoupes étrangers. C’est une grave erreur ; il y est question encore de la sortie des étoupes.

Cette question se rattache à la sortie des lins. Elle est d’une telle importance que nous ne pouvons la décider légèrement. Deux intérêts sont en présence, l’intérêt des fileurs de lin et celui de l’agriculture. Dans quelque province on cultive le lin et on le fil : dans d’autres on cultive une quantité prodigieuse de lin, et les cultivateurs ne peuvent payer avec leurs hauts fermages qu’en exportant ce produit ; ils ne cultivent le lin que pour l’exportation. Si vous établissez de forts droits à la sortie du lin et des étoupes, vous portez un coup fatal à cette partie de l’agriculture.

La commission proposant de restreindre la sortie des étoupes et cette question étant connexe à celle de la sortie des lins, vous ne pouvez discuter le rapport avant d’avoir reçu l’avis des commissions d’agriculture ; comme elles se réunissent les premiers jours de mars, remettons la discussion au 12 mars ; à cette époque, elles auront pu être consultées.

M. de Langhe. - L’agriculture est non seulement intéressée dans la question du droit de sortie sur les étoupes, mais aussi dans celle du droit d’entrée sur les fils, car il est possible qu’il influe sur l’exportation du lin. Il faut consulter tous les intérêts, et je crois que si vous vous proposez de toucher au tarif des douanes, vous ferez bien de consulter l’agriculture. En général, on ferait bien de la consulter plus souvent qu’on ne l’a fait jusqu’ici. Je demande donc l’ajournement jusqu’au 12 mars. On a parlé de la difficulté de réunir les commissions d’agriculture ; mais avec un tel ajournement, on aura eu le temps de prendre leur avis.

M. Lebeau. - J’appuie aussi l’ajournement jusqu’au 12 mars. Les membres des commissions d’agriculture ne résident pas tous dans le lieu de leur réunion, il faut du temps pour les rassembler. On dit que ces commissions s’assemblent en mars ; mais il faut du temps pour qu’elles transmettent leur avis, qu’on le fasse imprimer et qu’on nous le distribue. Ainsi il est impossible de ne pas partager l’opinion de M. de Nef.

Toutes les parties de la question intéressent l’agriculture. On a souvent dit dans cette enceinte que les Anglais nous renvoyaient fabriqués les lins qu’ils avaient pris chez nous ; il est bien évident que si vous rendez l’exportation plus difficile, ou impossible, cette mesure réagira très directement sur la culture du lin, puisqu’on fera moins de demande à l’agriculture.

Il faut donc renvoyer toutes les questions concernant les lins aux commissions d’agriculture.

Je crois que ces commissions ne devront pas être consultées seulement sur les conclusions de la commission ; il est dans les intentions de la chambre, comme dans celles du ministre, de prendre l’avis des commissions d’agriculture sur la sortie des lins. D’ici au 12 mars, nous aurons un rapport de la commission d’industrie, en même temps que des rapports des commissions d’agriculture.

D’après ces considérations l’ajournement au 12 mars est préférable.

- La chambre consultée fixe au 12 mars la discussion des conclusions de la commission d’industrie sur les lins.

Projet de loi qui applique aux routes empierrées les dispositions de la loi du 29 floréal an X, relatives au roulage sur les chaussées pavées

Discussion et vote de l'article unique

M. le président. - Ce projet ne renferme qu’un seul article ainsi conçu :

« La disposition de la loi du 29 floréal de l’an X, qui autorise la suspension momentanée du roulage sur les chaussées pavées pendant les jours de dégel, est également applicable aux routes empierrées. »

- Personne ne prenant la parole, on procède immédiatement par appel nominal au vote sur ce projet de loi.

Il est adopté à l’unanimité des 66 membres présents.

Ont pris part à la délibération : MM. Andries, Angillis, Beerenbroeck, Bekaert-Baeckelandt, Berger, Brant, Coghen, Coppieters, David, de Behr, de Brouckere, Dechamps, de Florisone, de Foere, de Jaegher, de Langhe, de Longrée, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Perceval, de Puydt, Dequesne, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Dolez, Donny, Dubois, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Frison, Gendebien, Heptia, Hye-Hoys, Jadot, Keppenne, Kervyn, Lardinois, Lebeau, Lecreps, Lejeune, Liedts, Maertens, Manilius, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Metz, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Peeters, Pirmez, Pirson, Polfvliet, Pollénus, Raikem, Raymaeckers, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Scheyven, Seron, Simons, Smits, Stas de Volder, Thienpont, Trentesaux, Troye, Ullens, Vandenbossche, Vandenhove, Vanderbelen, Van Hoobrouck, Van Volxem, Verdussen, Vergauwen, Verhaegen, H. Vilain XIIII, Wallaert, Willmar, Zoude.

Projet de loi qui établit un impôt sur le débit en détail des boissons distillées et alcooliques

Discussion générale

M. de Langhe. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.

J’aurais désiré voir dans le rapport de la section centrale, qui conclut au rejet du projet, les opinions des sections particulières. Ces opinions pourraient n’être pas conformes à la sienne. Sur un tel objet, l’avis d’une section, d’un seul membre, peut être fort important à connaître. Je voudrais que la lacune que je signale fût remplie et qu’on imprimât les avis des sections.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, j’ai aussi à faire une motion d’ordre relativement au projet dont la discussion a été ouverte. Dans les motifs que je donnerai à l’appui de cette motion, je devrais exposer quelques considérations générales concernant les principes de la loi.

Il est reconnu nécessaire d’apporter un terme à l’usage immodéré des boissons alcooliques ; il est tout au moins désirable que la législature prenne des mesures pour arrêter les abus qui nous sont signalés chaque jour, par suite des excès de l’usage de ces boissons. D’un autre côté, les besoins du trésor exigent des suppléments de ressources, et si le projet de loi soumis à vos délibérations n’obtenait pas l’assentiment de la législature, il faudrait le remplacer par d’autres dispositions, tendantes à assurer à l’Etat des revenus nouveaux.

La loi proposée atteindra-t-elle ce double but ? Je pense que si elle n’y conduit pas absolument, au moins elle en approchera beaucoup. D’abord elle aura pour effet d’augmenter nécessairement le prix du genièvre, puisque le droit d’abonnement que nous réclamons des débitants de boissons devra se récupérer sur les consommateurs ; d’un autre côté la loi apportera inévitablement quelque gêne, quelques embarras pour les cabaretiers ; il s’en suivra probablement que ce nombre en sera réduit, et que par suite les occasions, beaucoup trop fréquentes, que la populations trouvent de se livrer à ces excès, diminueront d’une manière notable.

J’insiste, messieurs, sur cette dernière considération ; je crois que la loi, si elle est adoptée, aura pour résultat immédiat de réduire de beaucoup le nombre des petits détaillant de genièvre ; c’est là, messieurs, une des parties importantes du but que nous devons tâcher d’atteindre.

On a parlé, messieurs, dans le rapport de la section centrale, de fiscalité ; on a trouvé dans les dispositions de détail du projet des mesures extrêmement fiscales ; je ne sais pas dans quel sens il faut entendre ici ce mot de fiscalité de la part de la commission : est-ce d’une aggravation d’impôt qu’on entend parler ? Dans ce cas, sans doute il y a fiscalité puisqu’il s’agit d’imposer une charge nouvelle aux débitants de boissons distillées. Mais la loi donnera-t-elle lieu à des vexations ? Est-ce que ses dispositions donneront à l’administration des finances un pouvoir tellement exorbitant que les personnes imposées puissent éprouver une grande atteinte à leur liberté ? Je ne le pense pas, messieurs, et il me sera facile de démontrer l’évidence de cette assertion, si nous en venons à la discussion des articles.

Mais, avant d’aborder la discussion des articles, il importe, je pense, que la chambre se fixe sur une question tout à fait préjudicielle et qui, à mon avis, domine toute la discussion. Voici, messieurs, cette question : la loi proposée dérange-t-elle l’économie de la loi électorale actuelle ? L’impôt proposé doit-il être considéré comme impôt direct, et, en cas d’affirmative doit-il nécessairement entrer dans le cens électoral ?

D’abord, messieurs, je vous prierai de remarquer que cet impôt est d’une nature toute spéciale, qu’il n’a pas tous les caractères des autres impôts, en ce sens qu’il n’est pas établi pour l’année, mais régi par semestre et par trimestre, c’est là une distinction importante ; toutefois, et à part cette différence essentielle, la taxe dont il s’agit doit évidemment être considérée comme indirecte, puisqu’elle s’établit sur la consommation supposée, et qu’évidemment elle est recouvrée par le débitant qui en fait l’avance sur le consommateur. Je m’appuierai ici d’une spécification légale donnée par l’assemblée constituante, lorsqu’elle a déterminé la nature des différents impôts ; le texte de cette disposition est précis, et vous allez voir qu’il est parfaitement applicable à l’abonnement que nous proposons d’exiger des débitants de boissons distillées ; voici ce que porte l’instruction, en forme de loi, du 8 janvier 1790 :

« Les contributions indirectes sont tous les impôts assis sur la fabrication, la vente, le transport, l’introduction de plusieurs objets de commerce ou de consommation ; impôts dont le produit est ordinairement avancé par les fabricants, marchands ou voituriers, et supportés et indirectement payés par les consommateurs. »

Eh bien, messieurs, n’est-il pas évident que le droit d’abonnement qu’il s’agit d’imposer aux débitants de boissons sera avancé par eux et récupéré sur les consommateurs, sous une forme dégénérée, dans l’augmentation du prix de la marchandise ?

Quoi qu’il en soit, messieurs, en admettant même que l’impôt dont il s’agit soit considéré par la majorité de la chambre comme un impôt direct, dans cette hypothèse encore devons-nous nécessairement, d’après la constitution et la loi électorale, faire compter cette taxe dans le cens actuel des électeurs ? Je n’hésite pas, messieurs, à me prononcer pour la négative ; en effet, d’après l’article 47 de la constitution, le cens électoral doit être au moins de 20 florins et il ne peut excéder 100 florins ; ainsi le législateur pourrait très bien élever le cens électoral du maximum de 80 florins qu’il est aujourd’hui pour certaines villes à 100 florins ; eh bien, messieurs, le maximum du droit d’abonnement que nous proposons est de 30 fr. supposons 15 florins ; vous pourriez donc, en établissant l’impôt dont il s’agit compter dans le cens électoral, porter ce cens de 80 à 95 florins ; vous ne seriez pas, en effet, hors de la limite posée par la constitution. Eh bien, messieurs, si vous pouvez porter le cens électoral à 95 florins, vous pouvez également, par conséquent, et cela sans préjudice pour personne, ne pas compter dans le cens électoral actuellement établi l’impôt de 15 florins, maximum de celui qu’il s’agit d’établir. Nous ne sommes donc en aucune manière forcés d’admettre les 15 florins d’impôt nouveau dans les 80 florins maximum du cens actuel, puisque nous pouvons encore élever ce maximum de 20 florins. Et, messieurs, si, contre notre opinion, il arrivait un jour, si la législature aborde la question de la réforme électorale, qu’on se déterminât à augmenter le cens, il y aurait lieu d’examiner alors si la taxe dont il s’agit en ce moment ne devrait pas être comprise dans le nouveau cens qui serait ainsi fixé par une loi postérieure.

Messieurs. comme je l’ai dit en commençant, je pense qu’il serait inutile de discuter à présent les détails du projet avant de s’être fixé sur la question de principe que je viens d’indiquer ; j’ai eu l’honneur de déclarer à la chambre, dans une précédente séance, que si la majorité décidait que la taxe dont il s’agit doit nécessairement être comprise dans le cens électoral actuellement établi, le gouvernement retirerait à l’instant même le projet, parce qu’il n’est pas assez éclairé en ce moment sur la portée d’une telle disposition. En effet, messieurs, nul ne pourrait dire quelle influence une semblable innovation pourrait avoir sur le mouvement de notre système constitutionnel ; la Belgique compte à peu près 60,000 débitants de boissons distillées, et d’un autre côté nous n’avons qu’environ 45,000 électeurs ; dès lors, si l’on comprenait dans le cens électoral le droit d’abonnement dont il s’agit, ce serait vraisemblablement augmenter d’une manière extrêmement considérable le nombre des votants, et cela exclusivement dans une certaine catégorie de citoyens.

Il importe donc, messieurs, pour ne pas perdre de temps, de décider d’abord la question de savoir si la taxe dont il s’agit doit être considérée comme impôt direct, et en cas d’affirmative si cet impôt dans nécessairement compter dans le cens électoral. Voici, messieurs, en quels termes je vais déposer cette question sur le bureau :

« L’impôt semestriel ou trimestriel d’abonnement dont il s’agit, qui serait exigé des débitants de boissons distillées, devrait-il nécessairement être compté dans le cens des électeurs déterminé par la loi électorale actuelle ? »

M. Verhaegen. - Messieurs, la question que vient de poser M. le ministre des finances est extrêmement grave ; il s’agit ici d’une question électorale dont nul ne peut, sans un mûr examen, apprécier les conséquences ; si la chambre doit trancher une pareille question, nous demandons l’ajournement à demain.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je ne m’oppose nullement à la proposition de l’honorable M. Verhaegen ; c’est de la solution de la question que je viens de vous soumettre que dépend le sort du projet de loi, puisque l’affirmative sur cette question équivaudrait au rejet immédiat de la loi entière ; elle mérité donc d’être suffisamment méditée.

Voici, messieurs, une autre proposition éventuelle que je vais ajouter à la première.

Pour le cas où la question déposée sur le bureau serait résolue négativement, je demande qu’une commission soit nommée par le bureau pour vous présenter des conclusions sur chaque article du projet ; la section centrale ne s’est pas prononcée spécialement à l’égard de ces articles, et je suis porté à me rallier de cette façon à la demande de l’honorable M. de Langhe, qui pense que, pour aborder convenablement la discussion des détails de la loi, il faudrait qu’une commission nous eût présenté des conclusions sur ces détails. Je demande la nomination d’une commission, parce que la section s’étant déjà plus ou moins prononcée, ce serait peut-être la mettre dans une fausse position que de lui demander un nouvel avis.

C’est cette unique considération qui me détermine à demander le renvoi à une commission nouvelle, car si les membres de la section centrale ne trouvent pas d’inconvénient à réviser la chose, il me serait personnellement aussi agréable de les voir saisis de nouveau de cet examen que tous autres membres de l’assemblée.

M. Demonceau, rapporteur. - Un honorable collègue a reproché à la section centrale de ne pas avoir donné les résumés des procès-verbaux des sections. Je suis fâché de dire que si je présentais les procès-verbaux des sections, on n’y trouverait que cette énonciation : qu’on charge le rapporteur de la section centrale d’examiner la loi. Il n’y a guère que la première section qui ait examiné la loi ; elle l’a modifiée considérablement ; elle a d’abord examiné la loi sous le rapport de la question de savoir si le droit proposé était un droit de consommation proprement dit. On a pensé dans cette section et à la section centrale que tout impôt qui atteignait le détaillant, au lieu de frapper la consommation, était une véritable patente.

Je pense que la question qui a été soumise par M. le ministre des finances est une question très grave. Je ne sais pas même si le pouvoir judiciaire n’est pas plus compétent que la chambre pour décider que la taxe dont il s’agit doit ou ne doit pas faire partie du cens électoral. Je prie le ministère d’y faire attention. Il faut que la loi décide positivement que l’abonnement dont nous nous occupons ne sera pas compris dans le sens électoral ; une simple décision de la chambre ne suffirait pas.

M. le ministre des finances a fait observer que nous n’avions pas examiné les articles de la loi. Cependant si on lit attentivement le rapport que nous avons fait, l’on verra que la loi a été examinée en masse ; des articles ont été trouvés admissibles, d’autres ont été trouvés exorbitants, et tendant à laisser trop au pouvoir de l’administration.

Nous avons, messieurs, examiné attentivement les articles de la loi ; si la chambre juge à propose de nous renvoyer de nouveau le projet, nous nous chargerons de faire un rapport sur les modifications qui ont été proposées par une section ; cependant je préférerais qu’une commission fût nommée.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, nous sommes parfaitement d’accord avec l’honorable préopinant sur ce point qu’il ne suffirait pas d’une réponse négative de la chambre à la question qui a été posée par M. le ministre des finances, pour trancher toute difficulté pour l’avenir ; aussi, en vous soumettant la question dont il s’agit, nous avons voulu qu’une décision négative de la chambre eût pour résultat l'adoption d’un article de loi, d’après lequel il serait clairement décidé que la taxe relative à l’abonnement des débitants de boissons distillées ne peut pas être comprise dans le cens électoral. Nous avons cru, en présence d’un rapport tendant au rejet du projet de loi, qu’il convenait de procéder par une question de principe. Cette question étant résolue, la chambre aura à décider s’il y a lieu de renvoyer le projet à la section centrale ou à une commission spéciale, ainsi que le propose l’honorable rapporteur de la section centrale.

M. de Langhe. - Je n’ai pas entendu faire un reproche à la section centrale, dans toute l’étendue du mot, de ne pas nous avoir donné les procès-verbaux des sections, relativement aux détails de la loi, mais je pense que, dans sa préoccupation contre la loi, elle a négligé l’accomplissement d’un devoir qui lui était imposé par l’article 55 du règlement. Aux termes de cet article, le rapport doit contenir, autre l’analyse des délibérations des sections et de la section centrale, des conclusions motivées.

M. le rapporteur a dit que la première section avait seule donné son avis sur la loi, et que les autres sections avaient chargé le rapporteur de la section centrale d’examiner la loi. J’ai eu l’honneur de faire partie de la deuxième section, et je me rappelle fort bien que nous avons fait quelques observations de détail. Il est vrai, toutefois, qu’à la suite de ces observations, nous avons prié M. le rapporteur de la section centrale d’en fournir d’autres à la section centrale, s’il le jugeait convenable ; mais toujours est-il qu’on aurait pu relater le petit nombre d’observations que nous avions faites.

M. Pirmez. - Messieurs, il me paraît que la question devrait être posée autrement que M. le ministre des finances ne l’a posé ; on devrait dire : L’impôt dont il s’agit est-il un impôt direct ou un impôt indirect ? Si l’impôt est direct, il ne dépend pas de nous, en présence de la constitution, de le changer en un impôt indirect.

M. Lebeau. - Messieurs, je crois que la question doit rester posée comme l’a soumise M. le ministre des finances. Je pense que tout ne serait pas tranché si, sur la question de savoir si l’impôt est direct ou indirect, l’on répondait : L’impôt est direct. Car de ce qu’un impôt est direct, il ire s’en suit pas qu’il doive être essentiellement compris dans le cens électoral. Est-ce qu’un impôt provincial, par exemple les centimes additionnels, ne forme pas un impôt direct ? N’en est-il pas de même des impositions communales, notamment des contributions personnelles, dans les communes qui manquent des moyens nécessaires pour subvenir à leurs dépenses ? Néanmoins toutes ces impositions n’entrent pas dans le cens électoral. Et cependant la constitution parle de l’impôt direct d’une manière absolue. S’il y a une restriction dans cette qualification de l’impôt direct, elle n’est pas dans la constitution, mais c’est dans la loi électorale qu’elle a été posée. Si une restriction a été posée dans la loi électorale, une restriction nouvelle peut être posée dans une nouvelle loi électorale. Voilà au moins des doutes. Je ne prétends pas que mon opinion soit irréfutable, mais ces doutes me suffisent pour préférer que la question reste posée telle que M. le ministre des finances nous l’a soumise.

M. Dumortier. - Messieurs, je suis aussi d’avis qu’il faut absolument laisser la question dans son entier, mais je ne suis pas de l’opinion de l’honorable préopinant, lorsqu’il vient dire que de ce qu’un impôt est direct, il ne s’en suit pas qu’il doive faire partie du cens électoral. Je suis d’un avis tout contraire ; lorsqu’un impôt est direct, il ne dépend pas de nous de dire qu’il est indirect. Dire qu’un impôt direct est indirect, ce serait consacrer un mensonge dans la loi ; or, nous ne devons jamais consacrer de mensonge dans la loi.

Maintenant, qu’est-ce qu’un impôt direct ? qu’est-ce qu’un impôt indirect ? L’impôt direct est celui qui s’applique aux personnes, l’impôt indirect est l’impôt qui s’applique aux choses, par exemple, aux vins, aux spiritueux, à la bière, au sel ; ce sont là des impôts indirects ; mais les impôts qui s’appliquent aux personnes sont directs.

L’impôt foncier, dans le système de l’honorable préopinant, pourrait devenir un impôt indirect, si nous jugions à propos de le décider ainsi, car l’on pourrait dire que cet impôt ne fait pas partie du cens électoral.

L’honorable préopinant a dit qu’il existe des impôts provinciaux et communaux, et que ces impôts sont directs. Je lui répondrai que ces impôts ne sont pas perçus au profit du trésor de l’Etat, et que c’est là toute la question. A cet égard, il n’y a pas, comme il l’a prétendu, une restriction dans la loi électorale, mais une simple explication. Mais, elle veut que les impôts au profit de l’Etat fassent partie du cens électoral, et que tous en fassent partie.

Voici ce que porte la constitution :

« La chambre des représentants se compose des députés élus directement par les citoyens, payant le cens déterminé par la loi électorale. »

La loi électorale porte :

« Art. 1er. Pour être électeur, il faut :

« 1° Etre Belge de naissance ou avoir reçu la grande naturalisation ;

« 2° Etre âgé de vingt-cinq ans accomplis ;

« 3° Verser au trésor de l’Etat la quotité des contributions directes, patentes comprises, déterminées dans le tableau annexé à la présente loi. »

Vous le voyez, verser au trésor public la quotité de contributions directes.

Un membre. - Ce n’est pas la constitution.

M. Dumortier. - C’est la constitution appliquée par le congrès, et vous n’avez pas le droit d’expliquer la constitution autrement que ne l’a fait le congrès. Sans cela, vous mettriez une restriction au droit électoral ; c’est ce que veut M. Lebeau et ce que je ne veux pas. La constitution veut que tout impôt direct versé dans la caisse de l’Etat soit compris dans le cens électoral, et il ne nous appartient pas de faire qu’un impôt direct de sa nature soit réputé impôt indirect. Ce serait, je le répète, insérer un mensonge dans la loi.

M. Verhaegen. - J’ai demandé la remise à demain, et maintenant on discute le fond. Si la chambre veut discuter maintenant la question, qu’elle le décide ; mais avant que cela soit décidé, c’est perdre du temps que d’entrer dans la discussion par anticipation. Il y a deux choses à examiner : 1° ajournera-t-on à demain la proposition de M. le ministre des finances, et peut-être 2° nommera-t-on une commission ? Sur ce second point, je me permettrai une observation. Je crois qu’il y aurait un grand inconvénient à nommer une commission pour examiner un projet de loi que déjà les sections et la section centrale ont examiné. Quand la section centrale a fait un rapport un projet de loi, il n’y a pas lieu à nommer une commission.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, quant à la seconde proposition, je pense qu’il n’y a pas lieu de la décider aujourd’hui. Elle est éventuelle. Si la première question était résolue d’une manière affirmative, la seconde serait sans objet, car ce serait le rejet de la loi.

Si j’ai proposé le renvoi à une commission, ce n’est pas pour moi, c’est parce qu’un honorable membre avait désiré un rapport sur chacun des articles du projet.

Je dois reconnaître avec M. le rapporteur qu’il a été présenté dans le rapport des observations qui, bien que sous forme générale, se rattachent à tous les articles de la loi. Je déclare donc que si un membre n’insistait pas, je ne reproduirais pas la proposition. Ainsi, quant à présent, nous pouvons nous borner à la première proposition.

- Le renvoi de la discussion à demain est prononcé.

Ordre des travaux de la chambre

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Je propose de mettre à l’ordre du jour la discussion de la convention relative à l’achat du canal de Charleroy. On pourrait la mettre à l’ordre du jour pour une séance fixe, pour la séance de lundi par exemple. Tout le monde pourrait être préparé. Il est bien entendu que ce serait sans interrompre la discussion de la loi dont la chambre s’occupe en ce moment.

M. Desmaisières. - Il y a, je crois, deux ans que j’ai déposé le rapport de la commission chargée d’examiner le projet de loi relatif au canal de Charleroy.

Depuis lors, le ministre de l’intérieur a fait paraître un contre-rapport, et depuis il a déposé de nouveaux documents sur la matière ; en outre, l’état de la question se trouve changé par suite de la mise à exécution des embranchements du canal de Charleroy. Je crois qu’avant de mettre à l’ordre du jour ce projet de loi, il y aurait lieu, soit de nommer une nouvelle commission, soit de demander à l’ancienne un nouveau rapport sur la question, car elle est tour à fait changée ; et le chemin de fer du Hainaut vient encore ajouter à la complication.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je ne pense pas qu’il y ait lieu de renvoyer le rapport que j’ai déposé en 1836 à l’examen d’une nouvelle commission ; ce serait ajourner un projet qu’il est important de voter. Il est constant que le trésor est en perte considérable par suite du retard qu’a éprouvé le vote de ce projet de loi. Mais il est un moyen simple d’atteindre le but proposé : M. le rapporteur, ainsi que les autres membres de la commission, peuvent examiner mon rapport et les autres documents que j’ai transmis à la chambre, faire part à l’assemblée des lumières qu’ils y auront puisées, et déclarer s’ils persistent dans les premières conclusions ou s’ils abandonnent leur opinion primitive. Il vaut mieux fixer à lundi la discussion du projet de loi ; tous les membres auront eu le temps d’examiner les rapports. Ils sont à la vérité assez volumineux, mais quatre jours suffiront pour les examiner et se remettre toute cette question en mémoire. La question s’est d’ailleurs beaucoup simplifiée par la connaissance du chiffre des recettes. Il est évident que la convention est avantageuse à l’Etat.

M. Zoude. - M. le ministre estime la question élucidée, il trouve qu’elle est très claire et très simple. Nous qui l’avons examinée avec attention dans la commission, nous trouvons qu’elle est très compliquée, et nous la trouvons encore plus depuis le deuxième rapport de M. le ministre. Comme nous avons pensé avoir présenté des arguments de nature à décider M. le ministre à renoncer à son projet, nous ne nous en sommes plus occupés. Si on veut le mettre à l’ordre du jour, qu’on le fasse dans un délai qui nous permette de rajeunir nos idées sur cette affaire que nous avons perdue de vue. La question se complique par la construction du chemin de fer, qui pourra paralyser le revenu du canal.

M. Dolez. - Il importe de mettre au plus tôt à l’ordre du jour le projet dont il s’agit, car la société concessionnaire pourrait se lasser d’attendre aussi longtemps et retirer les offres faites à l’Etat ; si ces offres étaient favorables, il y aurait perte pour l’Etat dans cette temporisation, car elle pourrait lui faire perdre l’occasion de prendre ce canal.

En fixant à lundi ou à un autre jour, chacun de nous aurait le temps de se préparer.

M. Zoude. - Dans l’opinion de la grande majorité de la commission, la question est de la plus haute gravité ; il s’agit de plusieurs millions. Si les concessionnaires croyaient avoir tant de bénéfice, ils n’ont pas assez de bienveillance pour l’Etat pour s’abstenir de faire valoir leurs droits ; lorsqu’il s’agit d’une affaire si importante, on peut bien, ce me semble, nous laisser quelque temps pour que nous puissions nous la remémorer.

M. Verdussen. - Je me réunis à l’opinion de mes honorables collègues. MM. Zoude et Desmaisières. Si la commission qui a examiné l’objet en question avait été d’accord avec la manière de voir du gouvernement, la discussion immédiate serait possible ; mais la commission a été d’un avis tout à fait opposé, et depuis le rapport de la commission, de nouvelles pièces sont venues compliquer la question. Il est nécessaire de soumettre ces nouvelles pièces à la commission qui a examiné les premières. Je ne sais pourquoi on insiste pour que la discussion ait lieu sans un examen préalable qui empêcherait cette discussion de se prolonger. Je crois que nous aurons beaucoup de peine à en sortir si un premier examen n’est pas fait par l’ancienne commission ; je demande donc le renvoi à cette commission des nouvelles pièces présentées par le ministre, ou si on ne veut pas le renvoi à l’ancienne commission, je demande le renvoi à une autre commission.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Pour moi, il m’est tout à fait indifférent que la commission examine ou non le projet, mais je crains que le renvoi à une commission ne recule la discussion à une époque très éloignée. Un premier rapport avait été fait par la commission ; nous aurions pu en aborder immédiatement la discussion et présenter en séance publique les moyens par lesquels nous voulions combattre ses considérations et ses conclusions. Nous avons procédé avec plus de franchise ; nous avons fait imprimer un rapport en réponse à celui de la commission, contenant nos observations en regard de celles présentées par la commission. Les membres de la commission ont eu le temps de méditer nos observations ; s’ils ont de nouvelles observations à faire, ils pourront les présenter en séance publique. Mais s’il faut attendre un rapport de la commission, la discussion ne pourra être ouverte qu’à une époque très éloignée.

Maintenant je ne tiens pas à ce que la discussion ait lieu lundi prochain, ainsi que l’a proposé mon collègue ; si un jour plus éloignée convient à la chambre, je ne m’oppose pas à ce qu’il soit fixé. Je demande que la question soit examinée, que tous les membres lisent le rapport de la commission et le contre-rapport qui a été fait ; quant à moi, je ne doute pas que la convention ne soit justifiée à l’évidence.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Je n’ai pas indiqué d’une manière absolue la séance de lundi, j’insiste seulement pour que la discussion soit mise à l’ordre du jour à une date fixe.

Quant au renvoi à une commission, qu’en résultera-t-il ? Qu’il y aura un nouveau rapport, et si le ministère à son tour veut répliquer, nous n’en sortirons jamais. Les rapports s’accumuleront sans éclairer la question.

Le renvoi à la commission est absolument sans objet, car chacun des membres de la commission peut présenter individuellement ses observations en séance publique. En acceptant les faits tels qu’ils sont posés par les documents, chaque membre peut intervenir dans la discussion ; il n’est pas nécessaire que nous connaissions de nouveau l’opinion collective de la commission. S’il y a un rapport, ce ne sera qu’un embarras de plus, et un ajournement deviendra nécessaire ; car pour la rédaction d’un rapport il faut évidemment un délai plus long que pour que les membres se mettent en mesure de prendre part à la discussion en séance publique, par improvisation ou sur notes.

Je demande donc que la chambre, sans renvoi nouveau à une commission des documents connus et imprimés, fixe d’une manière certaine l’ordre du jour au 5 mars, par exemple.

M. Desmaisières. - Voilà ce qui s’est passé sur cette grave question du canal de Charleroy ; car c’est peut-être une des plus graves questions qui aient été soumises à la chambre. Il s’agit de 10 millions. Je crois que la somme est assez considérable pour qu’on y fasse attention. Voilà, dis-je, ce qui s’est passé : Il y a environ deux ans, j’ai déposé sur le bureau de la chambre mon rapport sur la question, rapport qui était nécessairement très volumineux, parce que, je le répète, la question est très compliquée, très grave. Qu’a fait M. le ministre de l'intérieur, qui cependant insiste tant pour que le projet soit mis en discussion ? Il n’a pas demandé que l’on mît le rapport en discussion. Il s’est donné le temps de faire un contre-rapport auquel il a consacré de 6 à 7 mois de travail. Depuis lors il a changé tout à fait la question de face, parce que les embranchements n’avaient pas encore été adjugés ; ils ont été adjugés depuis ; ils sont même en cours d’exécution ; ces embranchements importent beaucoup dans la question.

Depuis lors une commission a été instituée par M. le ministre des travaux publics pour donner son avis sur la question de la direction du chemin de fer par le Hainaut. C’est là une question qui se rattache essentiellement à celle du canal de Charleroy, puisque le chemin de fer est en concurrence immédiate avec ce canal.

Ainsi la question ayant changé de face, il est de toute nécessité que l’ancienne commission ou la nouvelle donne son avis.

Un mot de plus ; c’est que depuis deux ans que le rapport a été déposé, il est arrivé à la chambre beaucoup de membres qui n’ont en leur possession aucun document sur cette question. Il est cependant nécessaire que ces nouveaux membres puissent être éclairés.

M. Zoude. - Je viens rappeler l’observation de l’honorable M. Verdussen, qui a dû, je crois, convaincre la chambre de la nécessité de renvoyer les nouvelles pièces à l’ancienne commission ou à une nouvelle commission. Mais l’honorable M. Verdussen a fait comprendre que l’ancienne commission est en quelque sorte seule apte à se retrouver dans le dédale de difficultés que présente cette question ; car il nous a fallu un certain temps pour trouver le fil qui nous a conduits à un résultat dans nos recherches.

M. le ministre des travaux publics a demandé que la discussion soit fixée au 5 mars. J’avais demandé la date du 8 mars. Mais je consens volontiers à celle du 5 mars.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - J’ai demandé cela, mais sans nouveau renvoi à une commission.

M. Zoude. - Un nouveau renvoi est indispensable. Il s’agit de plusieurs millions. Si l’équité exige qu’ils soient payés par l’Etat, ils le seront. Mais qu’est-ce qu’un retard de quelques jours dans une telle question ? Personne n’admettra sans doute que l’état de nos finances nous permette de prodiguer ainsi, légèrement, des millions.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Messieurs, il y a deux propositions en discussion : la fixation à une séance connue à l’avance. J’ai indiqué le 5 mars ; l’honorable M. Zoude a indiqué le 8 ; il m’est absolument indifférent que l’on admette l’une ou l’autre de ces dates. L’autre proposition est celle du renvoi à l’ancienne commission ou à une commission nouvelle pour avoir un rapport. Ces propositions sont contradictoires, car comment mettre une commission en demeure d’avoir, au 5 ou au 8 mars, examiné toutes les pièces et présenté un nouveau rapport ?

Je reviens à l’objection que j’ai faite tout à l’heure. Un nouveau rapport ne sera qu’une pièce de plus dans cette espèce de procès législatif, et ne fera qu’embrouiller la discussion. S’il y a un nouveau rapport, le ministère répliquera et nous ne sortirons jamais des rapports, car il semble qu’on se dispute à qui aura le dernier mot.

Ainsi, j’accepte la mise à l’ordre du jour au 5 ou au 8 mars ; mais j’insiste pour que ce soit sans nouveau renvoi à une commission. L’ancienne commission, je le répète, interviendra dans la discussion.

M. Zoude. - On dit que les pièces déjà distribuées aux membres de la chambre ont dû suffisamment les éclairer sur la question. Mais on a déjà fait observer qu’il y a dans la chambre beaucoup de nouveaux membres qui n’ont reçu aucune pièce. J’ajouterai que plusieurs anciens collègues peuvent n’avoir pas encore lu le rapport de M. Desmaisières, et encore moins le rapport de M. le ministre de l’intérieur. Il est nécessaire qu’un nouveau rapport résume toute la discussion. Le faible retard auquel donnera lieu ce travail n’est rien en comparaison de la perte de plusieurs millions. L’honorable M. Desmaisières évalue à 10 millions la somme dont il s’agit dans cette affaire. Mais ne s’agît-il que d’un million, nous ne devrions pas légèrement le sacrifier.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - S’il est vrai que les nouveaux membres n’aient pas reçu les rapports, il n’y a qu’à vérifier s’il y en a aux archives en nombre suffisant pour leur être distribués, ce qui est de toute justice ; s’il n’y en a pas, je désire qu’on fasse imprimer le projet de loi, le rapport de la commission et le contre-rapport fait par le gouvernement, afin que les nouveaux membres aient sous les yeux tous les documents et ne se bornent pas à avoir sous les yeux un rapport nouveau auquel le gouvernement sera tout à fait étranger.

M. Zoude. - Tout cela ne suffit pas, car il y a beaucoup d’arguments que la commission n’a pas fait valoir, et qu’elle fera valoir s’il le faut. Voilà la vérité.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je serai charmé que la vérité soit mise du grand jour. J’invite l’honorable M. Zoude à faire connaître tout ce qu’il a pu entendre sur la question. Je suis prêt à répondre à tout ce qu’il peut avancer. Il s’agit, dit-on, de plusieurs millions ; cela est vrai, mais de plusieurs millions de bénéfice pour l’Etat. Quant à moi, je me fais honneur de la convention qui a été faite.

- Le renvoi à la commission est mis aux voix et adopté à une très grande majorité.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Il ne peut plus être question maintenant de fixer le jour de l’ouverture de la discussion, parce qu’après que la commission aura fait son rapport, le ministre des travaux publics aura probablement à faire un contre-rapport, et il faudra donner le temps et de le préparer et de l’imprimer.

- La séance est levée à quatre heures.