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Note d’intention
Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du lundi 20 février 1837
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi portant le budget du département des finances pour
l’exercice 1837. Cadastre (Zoude, de
Brouckere)
3) Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du
département des finances
4) Vérification des pouvoirs d’un membre de la chambre (Corneli) (de Theux, Doignon, de Jaegher, Jadot, de Brouckere, de Theux, Simons, Dubus,
Pollénus, de Brouckere, Doignon, Dumortier, de Brouckere, de Jaegher)
5) Projet de loi portant le budget du département des travaux publics
pour l’exercice 1837. Discussion des articles. (A : Abandon au
gouvernement, par le pouvoir législatif, des décisions relatives aux voix de
communication (priorité des travaux, concessions de routes, canaux et chemins
de fer, péages, mines) ; B : chemin de fer du haut et bas
Flénu ; C : répartition de l’emprunt des six millions et/ou du
produit des barrières pour construction de routes ; D : construction
d’une route particulière) (A (Dumortier, Nothomb), D (Ninove à Audenaerde) (de
Jaegher), A (Pirmez), C (Hainaut), A, B (Dolez), réplique générale (de Theux),
D (Ninove à Audenaerde) (de Jaegher, de Theux), A, B, C (Hainaut) (Dumortier),
A (de Jaegher), C (Hainaut) (Nothomb),
C (Luxembourg) (d’Hoffschmidt, Watlet),
canal de Zelzaete à la mer du Nord (Desmet, Nothomb), canalisation (et reprise par l’Etat) du Demer (Vandenhove), travaux aux polders inondés par suite de
l’agression hollandaise (Lillo et Liefkenshoek) et convention militaire avec la
Hollande (ALLER CHERCHER LE PLAN) (de Brouckere, Nothomb, F. de Mérode, de Brouckere, Nothomb, Rogier, d’Huart, de Brouckere)
6) Projet de loi prorogeant la loi relative aux péages sur les chemin de
fer
7) Projet de loi portant le budget des travaux publics pour l’exercice
1837 (poste rurale, chemin de fer)
(Moniteur belge n°52, du 21 février 1837)
(Présidence de M. Fallon, vice-président.)
M. Verdussen fait l’appel nominal à midi et un
quart.
M.
Kervyn donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la
rédaction en est adoptée.
M. de Renesse donne communication des pièces
suivantes.
PIECES ADRESSEES A
« Trois sauniers
adressent des observations sur le projet de loi relatif aux sels. »
- Cette pétition
est renvoyée à la section centrale chargée de l’examen du projet de loi sur les
sels.
________________
« Le sieur Pernot-Boyer, à Gand, adresse des observations sur le
projet de loi relatif aux os, amendé par le sénat. »
________________
« Le conseil communal de Verviers demande
une réforme de la loi électorale. »
________________
-
Ces deux pétitions
sont renvoyées à la commission des pétitions.
PROJET DE LOI PORTANT LE
BUDGET DU DEPARTEMENT DES FINANCES POUR L’EXERCICE 1837
M.
Zoude (pour une motion d’ordre). - Messieurs, la section centrale qui a
été chargée l’examen de du budget du département des finances, n’a pas cru
pouvoir présenter des conclusions sur la demande de M. le ministre des
finances, tendant à obtenir un crédit de 400,000 fr. pour les employés du
cadastre ; la section centrale a été d’avis que la demande devait être soumise
à de la commission, chargée de la révision des opérations cadastrales.
C’est pour
satisfaire aux exigences de la section que j’ai convoqué la commission, qui
s’est réunie en nombre compétent pour délibérer ; mais trois nouveaux de ses
membres ont déclare que leur mandat était irrégulier ; qu’ils croyaient même
que la commission n’avait plus droit de présenter aucune conclusion, que sa
mission avait dû cesser avec la session de la législature qui l’avait instituée.
Dans cet état de
choses, je dois prier la chambre de reconstituer la commission, à moins qu’elle
ne voulût permettre au rapporteur de faire quelques observations au moyen
desquelles la chambre trouverait probablement des apaisements qui lui
permettront d’accorder le chiffre demandé.
En effet, d’après les états produits par le ministre, il reste dû aux
employés du cadastre une somme de près de 800,000 fr., et la commission du
cadastre, dans son rapport fait à la chambre en 1834, n’a proposé sur la somme
totale réclamée qu’un chiffre de 200,000 fr. ; ainsi, en allouant la demande du
ministre, 400,000, le trésor redevrait encore au cadastre 200,000.
Si la chambre
venait à nommer une nouvelle commission, elle devrait d’abord se constituer,
discuter la question qui lui serait soumise, nommer son rapporteur, examiner le
rapport : tout cela entraînerait des délais qui excéderaient probablement le
temps que durerait la discussion du budget.
M.
le président. - Je crois qu’il convient que la chambre ne s’occupe de
cet objet que dans la séance prochaine ; on pourra le mettre à l’ordre du jour
de demain.
M. de Brouckere. - Messieurs, l’honorable M.
Zoude annonce à la chambre que la section centrale qui a été chargée de
l’examen du budget du département des finances a cru ne pas pouvoir prendre de
conclusions sur la somme de 400 mille fr., pétitionnée par M. le ministre des
finances pour le paiement des employés du cadastre.
La section centrale
a estimé que cette demande devait d’abord être soumise à la commission qui a
été nommée à l’effet de revoir les opérations cadastrales.
Voilà, si j’ai bien
compris, ce que l’honorable M. Zoude a exposé à la chambre.
Toutefois, cette
commission du cadastre déclare n’être plus constituée et refuse, par
conséquent, de donner son avis sur la demande.
M. Zoude, en sa
qualité de rapporteur de la section centrale du budget des finances, déclare
que, d’après son avis, il est inutile que la commission examine la demande du
ministre, et que la chambre peut se prononcer, sans qu’il y ait de conclusions.
Je crois, pour dire
la vérité, que si la demande est soumise à la chambre, sans qu’elle ait été
examinée par une commission quelconque, je crois, dis-je, que la chambre aura
beaucoup de peine à se prononcer en connaissance de cause, et je prévois qu’une
discussion, ainsi improvisée, sera l’ajournement de la demande du ministre.
Eh bien, pour
prévenir un semblable résultat, je désirerais que la demande ne fût soumise à
la discussion et à la décision de la chambre qu’après que des conclusions
auront été formulées par une commission, quelle qu’elle soit. Que ce soit la
commission du cadastre, que ce soit la section centrale du budget des finances,
peu importe ; mais il me semble qu’il est indispensable qu’il y ait des
conclusions.
Je demanderai à M.
Zoude s’il pense que la section centrale, si elle était invitée par la chambre
à examine la demande du ministère, se refuserait à donner son avis.
Quant à moi, je
proposerai que la chambre veuille inviter la section centrale du budget des
finances à examiner la demande et à formuler des conclusions.
M. de Brouckere. Messieurs, je crois que
puisque le budget des finances est à l’ordre du jour, il faut que nous nous
occupions dès à présent de l’objet dont il s’agit. Sinon, nous arriverons à la
discussion de la demande relative au cadastre, sans qu’il y ait des conclusions
; il faut donc que la chambre décide dès aujourd’hui qui sera invité à examiner
la demande du ministère des finances. Eh bien, que ce soit la section centrale
; la section centrale, composée d’hommes en qui la chambre a confiance,
remplirait cette mission de son mieux.
Je propose donc que
la chambre, par l’intermédiaire du bureau, invite la section centrale du budget
des finances à vouloir bien s’occuper spécialement de la demande relative au
cadastre, et à présenter des conclusions. (Appuyé
!)
M.
le président. - M. Zoude se rallie-t-il à cette proposition ?
M.
Zoude. - Bien volontiers, M. le
président.
- La proposition de
M. de Brouckere est adoptée.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN
CREDIT SUPPLEMENTAIRE POUR LE BUDGET DU DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS POUR
L’EXERCICE 1837
M.
Jadot, organe de la commission des finances, dépose un rapport sur une
demande d’un crédit supplémentaire pour le département des finances.
- Ce rapport sera
imprimé et distribué ; la discussion en sera fixé ultérieurement.
VERIFICATION DES POUVOIRS
D’UN MEMBRE DE
(Moniteur belge n°53, du 22 février 1837)
M. le ministre de l'intérieur et des
affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, il résulte du rapport
de votre commission qu’une pétition m’avait été adressée tendant à constater
que deux électeurs, autres que ceux dont il a déjà été fait mention dans le
rapport, auraient pris part à l’élection quoi qu’étant étrangers, et qu’un
autre électeur aurait voté pour le compte de son frère qui seul était inscrit
sur la liste. Je n’ai pas encore reçu des renseignements très positifs ;
toutefois je me crois obligé de vous faire part des informations qui m’ont été
adressées directement par M. le commissaire du district de la rive droite de
J’ai cherché à
m’éclairer sur l’instruction faite relativement au sieur Kribs,
dont on a contesté la qualité de Belge.
On voit dans le
rapport que, sur les 12 individus indiqués comme étrangers, « deux
seulement ont voté, ainsi qu’il conste du relevé des votants joint au
procès-verbal ; ce sont les sieurs Kribs et Kesselkoul ; celui-ci a fait en temps utile la déclaration
prescrite par la constitution. La commission, considérant que ces deux
individus sont portés sur la liste permanente et qu’aucune réclamation n’a été
faite à cet égard, estime qu’il n’y a pas lieu de s’arrêter à cette
objection. »
Voici ce que je lis
à l’égard du sieur Kesselkoul dans le rapport du
commissaire de district :
« Ces 12
individus figuraient sur la liste permanente des électeurs. Le bourgmestre de Sittard, assuré que onze d’entre eux n’avaient pas la
qualité de citoyen belge, n’en convoqua qu’un, le sieur Kesselkoul,
qui a fait en temps utile la déclaration prescrite par l’art. 133 de la
constitution. Ainsi, de ces 12 individus, il paraît qu’un seul a pris part à
l’élection. Je n’ai pas pu le vérifier, parce que les membres de la commission
ont gardé par devers eux le procès-verbal de la section à laquelle appartient
la commune de Sittard. »
Ainsi, quant au sieur Kribs, il résulte de la
correspondance du bourgmestre de Sittard qu’il le
considérait comme étranger, et que c’est par ce motif qu’il n’a pas été
convoqué.
Il résulte du
rapport de la commission que le sieur Kribs a
participé à l’élection, quoique la déclaration du bourgmestre fasse présumer
qu’il est étranger ; et d’autre part, le commissaire de district ne s’est pas
assuré de ce qui en était, croyant qu’il n’avait pas voté ; mais le bourgmestre
était tellement persuadé que Kribs était étranger,
qu’il a cru ne pas devoir le convoquer.
J’ai cru devoir
faire part de ces circonstances pour expliquer comment, malgré l’enquête
ordonnée, on n’a pas été éclairé sur la qualité du sieur Kribs.
Tels sont les
renseignements que j’ai reçus ; je m’empresserai de communiquer à la chambre
ceux que j’attends.
(Moniteur belge n°52, du 21 février 1837)
M. Doignon. - J’approuve la commission d’avoir
présenté son rapport ; l’élection a eu lieu le 22 décembre dernier ;
l’intervalle est assez grand pour que la chambre puisse statuer.
Il résulte du
procès-verbal de l’élection que M. Corneli aurait eu une majorité de trois voix
seulement ; si donc quatre ou cinq votes doivent être déclarés nuls, M. Corneli
n’aura plus la majorité.
Il me semble,
messieurs, que l’instruction n’a pas été complète. Il a été allégué que deux
fils auraient voté pour leur père ; je n’ai pas vu, dans le rapport de la
commission que l’instruction ait porté sur ce fait. Le commissaire de district
qui a été chargé de prendre des informations ne fait pas connaître son opinion
sur ce point. On objecte que ce grief est de nulle valeur, parce qu’il aurait
dû être opposé séance tenante, et quand on dressait le procès-verbal ; tel est
l’avis de la commission, elle est dans l’erreur.
Il peut arriver
qu’on découvre après l’élection qu’un fils a voté pour son père. Par exemple,
le fils aîné, la père étant mort, peut croire de bonne foi qu’il a droit de
voter à sa place. C’est ce qui est arrivé à l’élection d’un sénateur, laquelle
a été annulée.
Joignez à ces deux votes qu’il faudrait supprimer, les votes de deux
personnes nées en Prusse ; il y aurait quatre votes à supprimer, et il n’y
aurait plus de majorité.
On a encore allégué
que des autres étrangers avaient voté : il est vrai que l’on dit maintenant
qu’il n’y en aurait qu’un dans ce cas ; quoi qu’il en soit la majorité ne
serait plus acquise à M. Corneli.
Dans cet état des choses je crois qu’il y a lieu d’ajourner la
discussion sur l’élection de Tongres, afin de compléter l’instruction sur les
faits.
Si les pétitions
dans lesquelles sont contenues les réclamations nous avaient été adressées dans
les derniers moments, la chambre pourrait ne pas s’y arrêter ; car il ne faut
pas poser des antécédents d’après lesquels il serait loisible d’arrêter
constamment les jugements de la chambre en matière électorale ; mais ici nous
puisons les faits allégués dans des pétitions dont la chambre est saisie depuis
longtemps. Et puisque M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères
a demandé des renseignements, je demande que l’on attende qu’il les ait reçus.
M. de Jaegher. - Si j’ai bien compris M. le
ministre de l’intérieur, le rapport du commissaire de district dont il a donné
lecture n’est que provisoire ; ce ministre attend un rapport officiel sur les
faits ; attendons avec lui qu’il l’ait reçu ; si vous ne vouliez pas attendre,
je vous demanderais pourquoi on a réclamé des renseignements. Quant à moi je
crois qu’il y a lieu d’ajourner la discussion.
M. Jadot, rapporteur de la commission. -
M. Doignon vient de dire que l’instruction relativement au fait du vote de deux
fils pour leur père, était incomplète ; mais pour mettre la chambre à même de
se prononcer sur ce point, je n’ai qu’à
lui donner lecture du rapport du commissaire de district...
M. de Jaegher. - Mais si l’honorable M. Jadot a
trouvé des motifs plausibles pour ne pas insérer dans son rapport celui du
commissaire de district, il me semble que les mêmes motifs doivent l’empêcher
d’en donner lecture en séance publique.
M.
Jadot. - Je veux faire voir ce qu’il faut penser sur le fait allégué.
M. Cornet de Grez. - Mais on discute au fond, il faut d’abord
statuer sur la proposition d’ajournement.
M. de Brouckere. - Messieurs, l’élection qui
a eu lieu dans le district de Maestricht a été attaquée de plusieurs chefs. La
commission qui avait été chargée d’examiner les pouvoirs de M. Corneli, lequel
avait été déclaré membre élu de la chambre des représentants par le bureau
central de Tongres, cette commission a procédé à une enquête sur les faits, et
elle nous a présenté son rapport, Cette enquête étant terminée, chacun de nous
peut prendre connaissance des pièces qui font partie du dossier ; mais il ne
nous semble pas que la chambre doive ordonner qu’il sera fait lecture, en
séance publique, du rapport du commissaire de district sur l’élection ; car il
n’entre pas dans les intentions de la chambre de subordonner ses votes sur la
validité ou la non-validité d’une élection au dire d’un rapport de commissaire
de district. Que la commission consulte le rapport de ce fonctionnaire, ainsi
que toutes les autres pièces ; qu’elle nous déclare quelle est sa
conviction, et que les pièces soient toutes mises à la disposition de la
chambre, il n’y a là rien que de régulier ; mais il n’en serait plus de même si
la chambre ordonnait la lecture d’une pièce telle que celle qui émane du
commissaire de district.
Vous connaissez les
faits allégués ; c’est vous à savoir si un supplément d’enquête est nécessaire
; mais le supplément d’enquête n’ajoutera rien à votre conviction, que le
commissaire de district soit pour ou contre la validité de l’élection.
Je demanderai
maintenant à m’expliquer sur la demande d’ajournement faite par M. Doignon.
Vous aurez
remarqué, messieurs, comme je l’ai déjà dit, que plusieurs griefs sont
articulés contre l’élection de Tongres. Selon le premier grief, cinq individus
munis de lettres de convocation n’ont pas été admis à voter parce qu’ils ne se
trouvaient pas sur la liste affichée dans la salle. Ces cinq individus
n’étaient pas compris sur la liste électorale rédigée en vertu de l’article 7
de la loi de mars 1831 ; mais parce qu’ils étaient porteurs de lettres de
convocation de l’autorité communale, on en a tiré la conséquence qu’il étaient
munis d’une décision de l’autorité compétente ; ceci est une erreur. Une fois
que la liste ordonnée par l’article 7 de la loi de mars 1831 est dressée, ce
n’est plus l’autorité communale qui est compétente, c’est l’autorité
provinciale.
Voici l’article...
de cette loi.
Ainsi, il résulte
de la manière la plus claire de l’art. 12 que l’autorité compétente est
l’autorité provinciale ; ainsi l’ajournement, en ce qui concerne ce grief,
n’est pas nécessaire.
Deux fils, dit-on, ont
voté pour leur père : je crois que les nullités de ce genre doivent résulter
nécessairement du procès-verbal, et que l’on ne peut pas les regarder comme
bien établies quand elles résultent de la déclaration de certains individus ;
car si vous admettiez une juridiction de cette nature, il suffirait que
quelques électeurs s’entendissent pour faire annuler une élection.
Le procès-verbal
d’élection ne fait en aucune manière mention que deux fils auraient voté pour
leur père. Cela résulte seulement du dire de quelques individus. La commission
a demandé sur ce point des renseignements. Le commissaire de district a fait
une enquête. Qu’est-il résulté de cette enquête ? Les uns ont déclaré que les
deux fils avaient voté pour leur père, les autres ont déclaré le contraire.
Voilà donc un fait qui n’est pas prouvé. Encore une fois il me paraîtrait
extrêmement dangereux de subordonner la validité d’une élection au dire de
quelques personnes, alors que ce dire n’est pas unanime, qu’il est contredit
par d’autres électeurs. Sur ce point mon avis est que l’ajournement n’est pas
nécessaire.
Une troisième
réclamation porte sur ce que 12 individus étrangers ont pris part à l’élection,
bien qu’ils n’aient pas été naturalisés. Il y a là quelque chose d’assez
bizarre ; c’est que d’une part on se plaint que ces individus auraient voté
quoiqu’ils n’en eussent pas le droit, et ensuite de ce qu’ils n’ont pas été
convoqués en temps utile.
Sans m’appesantir
sur cette bizarrerie, il est constant que les 12 individus qu’on prétend être étrangers,
deux seulement ont déposé leur vote, et l’un d’eux a fait, en temps utile, la
déclaration prescrite par l’article 133 de la constitution et se trouvait par
conséquent en droit de voter. Il ne reste donc plus de doute que sur un seul
électeur ; et si l’élection de Tongres dépend de cette voix, d’accord avec M.
Doignon, je suis d’avis qu’il faudrait une nouvelle enquête. Je pense que la
chambre doit prononcer l’ajournement du moment qu’il y a doute sur la qualité
d’un électeur qui aurait concouru à l’élection.
On se plaint
ensuite de ce que 16 électeurs de Sittard n’auraient
reçu leurs lettres de convocation que trois jours seulement avant les
élections.
En admettant ce
fait, il ne peut, en aucun cas, entraîner la nullité de l’élection ; non point
que je croie que dans aucun cas la non-convocation dans le terme prescrit par
la loi ne puisse jamais entraîner la nullité d’une élection ; je ne parle pas
en général, mais pour le cas spécial qui nous occupe, et je dis que dans ce cas
la convocation tardive ne peut pas entraîner la nullité des opérations
électorales. Je m’explique : l’art. 10 de la loi électorale porte :
« Les
commissaires de district veilleront à ce que les chefs des administrations
locales envoient, sous récépissé, au moins huit jours d’avance, des lettres de
convocation aux électeurs, avec indication du jour, de l’heure et du local où
l’élection aura lieu. »
Cet article a
évidemment pour but, et pour but unique, que tous les électeurs soient avertis
en temps du jour et du lieu où l’élection se fera, afin que chacun puisse
prendre ses arrangements en conséquence et s’y trouver.
Remarquez que les
électeurs de Sittard ont reçu leurs lettres de
convocation trois jours avant l’élection, que Sittard
n’est qu’à trois lieues de Tongres, et qu’aucun de ces électeurs ne prétend que
s’il ne s’est pas rendu au collège électoral, c’est par le motif qu’il n’a pas
été averti en temps, que l’article 10 de la loi électorale n’aurait pas été
rigoureusement exécuté à leur égard.
Ainsi l’article 10
n’a pas été violé, au moins dans le but qu’il se propose. Mais il y a bien
autre chose, c’est qu’à la rigueur il ne fallait pas de convocation nouvelle
pour l’élection attaquée. En effet, était-ce une élection nouvelle. Non,
c’était la suite d’une première opération, la continuation de l’action : il
s’agissait d’un scrutin de ballottage. Je vais vous lire la décision du bureau
principal de Tongres. et vous verrez que si le bureau principal a ordonné que
les électeurs fussent convoqués de nouveau ce n’était pas parce que la loi lui
prescrivait de faire cette convocation, mais parce que la chose lui a paru
convenable. Voici comment se termine le procès-verbal du bureau principal, lors
de la première opération qui n’avait pas amené de résultat :
« Aucun
candidat n’ayant obtenu la majorité absolue, le bureau a déclaré qu’il sera
procédé à un scrutin de ballottage jeudi 22 décembre courant, à 10 heures du
matin, entre M. François Corneli et le comte Guillaume d’Ansembourg, candidats
qui ont obtenu le plus de voix... »
Si le bureau
principal de Tongres avait voulu, il s’en serait tenu là. Il suffisait qu’il
eût averti en séance publique que le scrutin de ballottage était fixé au jeudi
22 décembre, et les électeurs étaient par là même bien et dûment avertis du
jour, du lieu et de l’heure de l’élection. Mais, par mesure de précaution, le
bureau principal ajoute : « et qu’à cet effet les électeurs seront
convoqués de nouveau et avertis qu’ils ne peuvent donner leurs suffrages qu’à
l’un des deux candidats ci-dessus désignés ; et afin d’assurer l’exécution de
la résolution qui précède, le bureau principal en a informé de suite MM. les
commissaires de district de Tongres et de Fauquemont.
»
Ainsi, vous le
voyez, cette seconde convocation qui est une convocation de convenance, que le
bureau principal a très bien fait d’ordonner, ne peut pas être regardée comme
tellement obligatoire, que l’élection devrait être viciée parce que cette
convocation n’aurait pas été faite huit jours avant. J’ajoute cette
observation, parce qu’elle me paraît de la plus haute importance dans l’espèce
: c’est que les électeurs, convoqués trois jours avant l’élection, ne se sont
pas plaints de ce que cette convocation tardive les aurait empêchés d’y
assister. Sous ce rapport encore, l’ajournement me paraît inutile.
Voici un autre
point sur lequel j’appelle l’attention de la chambre, et je l’engage
particulièrement à s’y appesantir, parce que la difficulté soulevée ne me
paraît pas bien éclaircie.
Trois électeurs de Kerkraede se sont plaints de ce que le sieur Vaessen, bourgmestre de Kerkraede
; Zaun Brecher, bourgmestre
d’Eggelshoven, et Gérard Jongen, cultivateur à Schaerberg, auraient voté sans en avoir le droit, attendu
que les deux premiers sont nés en Prusse et n’ont pas été naturalisés, et que
le troisième a exercé le droit électoral comme fils aîné d’une veuve.
Messieurs, cette pétition est arrivée à la commission, lorsque déjà son
travail était à peu près terminé. Cependant elle a communiqué cette pétition au
ministre de l’intérieur, en lui demandant des explications. Vous avez vu que
les explications que vient de donner M. le ministre ne sont pas positives. Il
résulte de la lettre dont le ministre nous a donné lecture, que deux de ces
trois électeurs sont nés à l’étranger, et que l’on n’a pas appris qu’ils aient
obtenu la naturalisation, ni fait la déclaration prescrite par l’art. 133 de la
constitution dans le temps utile.
Si vous voulez
examiner le chiffre des électeurs qui ont été présents à l’opération et le
nombre de voix obtenues, vous verrez que M. Corneli n’a obtenu qu’une majorité
de trois voix. Ainsi il suffit qu’il y ait trois votes annulés pour que la
nullité de l’élection en résulte. Je pense donc qu’il faut que la chambre soit
éclairée sur ce point, si ces trois électeurs avaient ou n’avaient pas le droit
de voter ; et qu’il faut de plus que la chambre ait ses apaisements
relativement au sieur Kribs dont il est parlé au
numéro 3 du rapport, et sur la qualité de Belge sur laquelle il y a aussi
doute. Voilà donc quatre électeurs douteux. C’est là-dessus seulement que devra
porter le supplément d’enquête, et c’est ce seul motif qui doit faire ordonner
l’ajournement.
M. le ministre de l'intérieur et
des affaires étrangères (M. de Theux). - Il faut bien préciser l’état
de la question. L’honorable orateur qui vient de terminer à demandé des
éclaircissements sur le sieur Krebs. Je dois déclarer que pour le moment on ne
fait plus d’enquête sur cet électeur, la commission n’ayant pas exprimé le
désir que cette instruction soit continuée ; de sorte que si la chambre
prononçait l’ajournement, il faudrait savoir si l’enquête devrait porter sur la
qualité de Belge du sieur Krebs, des sieurs Vaessen
et Zannbrecher, et ensuite si c’est en qualité de
fils aîné de veuve que le sieur Gérard Jongen aurait pris part à l’élection.
Indépendamment de
ces quatre électeurs, je dois signaler à l’attention de la chambre ce que me
mande le commissaire de district d’un certain Paul Emesse
qui dit avoir voté pour son frère. Cette déclaration ne peut pas à elle seule
constituer une preuve. La preuve de ce fait pourrait résulter, soit du décès de
Jean Emesse, soit de tout autre fait constatant son
absence de l’élection. La déclaration de son frère devrait alors être
considérée comme vraie. Ce serait un point de plus à éclaircir si la chambre
voulait ajourner sa décision.
M.
Simons. - Messieurs, on oppose différents griefs à l’élection de M.
Corneli ; mais existe-t-il l’ombre d’une preuve, une pièce quelconque qui puisse
faire croire que réellement ces griefs soient fondés ? Non, messieurs ; il
résulte au contraire de l’instruction que la pétition a été envoyée à la
chambre d’une manière excessivement légère, pour ne rien dire de plus. En
effet, l’on commence par établir en fait que cinq individus qui ont été dûment
convoqués, n’auraient pas été admis à voter lorsqu’ils se sont présentés au
bureau électoral, et auraient été repoussés d’une manière arbitraire ; mais il
résulte de l’instruction qui a eu lieu, que les cinq individus dont il s’agit
ne figuraient pas sur la liste électorale, et que, par conséquent, la décision
que le bureau a prise à leur égard, était fondée sur la loi. On dit encore,
sans en donner aucune preuve quelconque, que douze étrangers auraient pris part
au vote tandis qu’il résulte de la liste des votants que des douze individus
qu’on prétend être étrangers, deux seulement ont voté, et que de ces deux
individus l’un est véritablement Belge, ayant fait, en temps opportun, la
déclaration prescrite par la constitution.
Vous voyez donc,
messieurs, que les faits mis en avant par les pétitionnaires n’ont pas l’ombre
d’une preuve. Suffit-il maintenant d’envoyer une réclamation à la chambre,
d’alléguer des faits qu’on ne prouve pas pour que la chambre soit, en quelque
sorte, arrêtée d’une manière indéfinie dans ses travaux ?
D’ici à quelque temps la chambre sera renouvelée par moitié ; si vous
admettez qu’une pétition, sans preuve quelconque, doit donner lieu à une
enquête, il dépendra de quelques malveillants d’arrêter, pendant un temps
indéterminé, tous les travaux législatifs, en lançant à tort et à travers des
pétitions contestant la validité de telles et telles élections. Il faut donc,
messieurs, pour que la chambre puisse avoir égard à une réclamation, que cette
réclamation ait au moins quelque chose de plausible.
Le principe que je
mets en avant n’est pas neuf, messieurs, la chambre l’a appliqué à plusieurs
reprises ; lors de l’élection de l’honorable rapporteur de la commission, on a
également articulé une quantité de griefs de la plus haute importance contre
cette élection ; la commission demanda à la chambre s’il y avait lieu à
ordonner une enquête, et la chambre, sur les motifs que la pétition n’était
appuyée d’aucun document quelconque d’où pût résulter seulement une présomption
de la vérité des faits allégués, passa outre et déclara valide l’élection de
l’honorable M. Jadot.
Nous avons eu une
instruction pour l’élection dont il s’agit ; cette instruction est tout à fait
désavantageuse aux pétitionnaires ; il en résulte que la plupart des faits
qu’ils ont mis en avant ne sont nullement exacts ; je crois donc que dans cet
état de choses il n’y a pas lieu à ordonner une enquête ultérieure, mais que
nous devons prendre une décision immédiate, d’autant plus qu’il y a déjà deux
mois que l’élection a eu lieu et que l’instruction est parvenue à un point de
maturité suffisant.
M. Dubus (aîné). - Je viens appuyer,
messieurs, la proposition d’ajournement, car je pense qu’il y a réellement une
enquête ultérieure à faire : s’il était vrai que trois ou quatre individus,
n’ayant point la qualité de Belge, eussent pris part à l’élection, cela
constituerait un vice radical, puisque le vote de trois ou quatre personnes
suffirait pour déplacer la majorité, qui
n’a été que de trois voix, et nous serions dans le cas de rendre hommage à la
constitution en annulant l’élection.
Y a-t-il trois ou
quatre individus qui ne sont point Belges, qui ont pris part à l’élection ?
Voilà la question.
L’honorable
préopinant qui a parlé avant moi, écarte cette question en disant que le fait
n’est point prouvé ; mais c’est précisément pour cela qu’on demande
l’ajournement, et la proposition d’ajournement est bien plus raisonnable que
celle de passer immédiatement au vote, qui revient à ne pas vouloir annuler
l’élection quand même il serait prouvé que des étrangers eussent pris part à
l’élection, tandis que ceux qui demandent l’ajournement ne veulent pas déclarer
l’élection valable à moins qu’il ne soit prouvé que les personnes regardées
comme étrangères sont réellement Belges.
L’honorable
préopinant se fonde sur ce que l’instruction n’a pas encore amené la découverte
de la vérité des faits allégués dans la pétition, quoique cette pétition soit
déjà ancienne, puisqu’elle est du 25 décembre 1836 ; je conviens avec lui que,
depuis lors, à part peut-être les délais que peut entraîner la correspondance
avec toute la hiérarchie administrative, avec les autorités des pays un peu
éloignés de la capitale, je conviens, dis-je, que depuis le 23 décembre dernier
on a eu le temps de vérifier les faits ; mais l’honorable préopinant doit
convenir aussi que, dans mon sens, il aurait été aussi facile de constater si
les individus, auxquels on conteste la qualité de Belge, sont réellement
Belges, que dans son sens il aurait été facile de constater si ces individus
sont étrangers.
Les individus dont
il s’agit sont les sieurs Vaessen, Zaun-Brecher, Kesselkoul
et Kribs. Quant au sieur Kesselkoul,
il a fait en temps opportun la déclaration voulue par la constitution ; quant
au sieur Kribs, l’enquête, au point où elle était parvenue lorsque la
commission s’est occupée d’en examiner le résultat, n’a pas fait connaître s’il
est né en Belgique ou à l’étranger ; la pétition qui concerne les autres paraît
avoir été reçue à une date plus rapprochée puisqu’elle a fait l’objet d’une
seconde enquête ; la lettre dont M. le ministre de l'intérieur a donné lecture
fait connaître que les sieurs Vaessen et Zaun-Brecher seraient nés en
Prusse ; dès lors il est indispensable de vérifier s’ils ont actuellement la
qualité de Belge, il faut que cela soit vérifié.
Ainsi voici trois
personnes (Kribs, Vaessen
et Zaunbrechter), signalées comme étrangères, et à
l’égard de deux desquelles il y a jusqu’ici apparence qu’elles sont nées à
l’étranger. Il suffirait que l’on justifiât en définitive que ces trois
individus sont étrangers pour que l’élection s’écroulât. Donc il y a lieu à
vérification. Donc nous ne pouvons pas valider d’emblée l’élection, alors que l’on
a encore à examiner si la majorité a été formée au moyen du vote de trois
étrangers.
On a signalé un
quatrième individu, le sieur Jongen. Mais celui-là je ne vois pas qu’il soit
signalé comme étranger. On dit qu’il a exercé son droit comme fils aîné de veuve.
Il rentre dans une autre catégorie comprenant aussi plusieurs électeurs ; car
les pétitions ont signalé deux fils qui ont voté pour leur père ; et la lettre
dont M. le ministre de l'intérieur a donné lecture a signalé un frère qui a
voté pour son frère.
Y a-t-il lieu à
prononcer l’ajournement pour qu’il soit informé sur cette autre cause de
nullité ?
Je conviens que
l’on ne peut s’en rapporter aveuglément au dire des personnes présentes à
l’élection, sur le point de savoir si un fils a voté pour son père, si des
frères ont voté pour leurs frères.
Mais je ferai
remarquer que d’abord il y a, au nombre des pièces dont la tenue est prescrite
par les lois et règlements, il y a une liste des votants tenue en double, au
moment de l’élection, et qui constate quels sont ceux qui ont pris part au
vote.
J’incline à penser que cette liste doit être considérée comme emportant
la preuve que l’électeur lui-même a voté lorsque la liste le désigne comme
ayant voté, sauf un cas qui s’est présenté quelquefois, c’est que l’électeur
était dans l’impossibilité de participer à l’élection, d’après des
circonstances ou des faits constatés. Ainsi, l’on a vu des fils se présenter
pour leur père décédé. A coup sûr, en présentant l’acte de décès de l’électeur
et en le rapprochant de la liste des votants, on prouverait qu’il y a eu un
faux électeur, et l’on devrait défalquer ce faux électeur.
Nous ne savons si,
parmi les quatre individus désignés comme ayant été remplacés par d’autres à
l’élection, il n’y en avait pas un décédé avant l’état. Si cela était, l’acte
de décès, joint à la liste des votants, formeront une preuve suffisante à
l’appui du fait signalé dans les pétitions.
Je pense donc qu’on
peut ajourner par le double motif qu’on peut désirer un supplément
d’instruction sur le second point comme sur le premier. Quant au troisième
fait, celui que deux électeurs n’ayant pas voté auraient été convoqués
tardivement, je ne le considère pas comme motif suffisant de nullité. Sous ce
rapport, je ne pense pas qu’il y ait lieu à l’ajournement. Mais la nécessité de
l’ajournement me paraît suffisamment établie par les deux premiers vices que
j’ai signalés.
M. Pollénus. - Je ne pense pas qu’il y ait lieu de prononcer
l’ajournement.
Si j’ai bien
compris les différentes objections élevées contre cette élection, elles se
réduisent à dire qu’il y a doute sur le droit qu’avaient à voter trois
personnes ayant pris part à l’élection.
Si vous jetez un
regard sur le rapport de la commission, vous voyez que ce grief, déjà objecté
dans une pétition adressée la chambre, a provoqué une enquête dirigée à l’effet
de reconnaître si plusieurs personnes n’auraient pas pris part à l’élection
sans avoir la qualité de Belge ; et vous trouvez à la page 4 du rapport :
« Rien ne prouve que
ces individus soient étrangers comme on l’a dit. »
Ainsi l’enquête
faite à la demande de la commission a déjà eu pour objet de faire reconnaître
que ce motif de nullité n’était pas prouvé.
Je demande si,
après que l’enquête a été dirigée sur ce point, il peut y avoir lieu à un
supplément d’enquête. Suivant moi, il n’y a pas lieu à faire ce supplément. M.
le ministre de l'intérieur vient de dire que sur la question de savoir si le
sieur Kribs avait la qualité de Belge, il y a doute
d’après la déclaration de bourgmestre de Sittard.
Mais je ferai remarquer à la chambre que ce Kribs
appartient à la commune de Sittard ; et pouvez-vous
admettre cette déclaration du bourgmestre, alors que M. Kribs
a été porté sur la liste des électeurs par l’administration communale dont ce
bourgmestre fait partie ?
Prétendra-t-on que
les sieurs Vaessen et Zaun-Brecher ont voté sans en avoir le droit, attendu qu’ils
sont étrangers ? Mais je prie la chambre de remarquer que ces deux individus
exercent des fonctions publiques, que le premier a été nommé bourgmestre de Kerkraede, le second bourgmestre d’Eggelshoven,
et cela probablement sur la présentation du commissaire de district qui, il y a
un mois, présentait deux individus à la nomination du Roi pour qu’il leur
conférât les fonctions de bourgmestre, fonctions qu’ils ne peuvent exercer
s’ils n’ont pas la qualité de Belge, qui vient aujourd’hui prétendre qu’ils ne
peuvent exercer les droits d’électeur, attendu qu’ils n’auraient pas la qualité
de Belge !
Je crois qu’il
importe d’en finir. Oui : si l’on ne veut pas que les passions soient soulevées
à propos de cette élection, il faut promptement en finir.
Vous voyez dans la lettre dont M. le ministre dé l’intérieur a donné
lecture que le commissaire de district chargé de prendre des informations sur
le droit qu’auraient eu de voter les sieurs Vaessen, Zaun-Brecher et Jongen, parle
également d’un sieur Hennus, et suscite ainsi un
nouvel embarras à propos d’un individu sur lequel le gouvernement ne
l’interrogeait pas.
Mais, en admettant que
le grief objecté soit vrai, c’est-à-dire que les trois individus dont il a été
question n’aient pas le droit de voter (et il y a présomption légale qu’ils
avaient ce droit), qu’en résulterait-il ? que trois personnes auraient pris
part indûment à l’élection de Maestricht. Or, vous savez que d’après le
procès-verbal d’élection M. Corneli a eu sur son concurrent une majorité de 3
voix ; ainsi, en lui ôtant 3 suffrages il y aurait parité de voix ; or, l’art.
36 de la loi électorale porte : « … S’il y a parité de votes, le plus âgé
sera préféré. » Donc en admettant comme vrais les faits allégués par les
pétitionnaires, il faudrait encore déclarer valide l’élection de M. Corneli. Je
voterai donc contre l’ajournement et pour la validité de l’élection de M. Corneli.
M. de Brouckere. - Je ne veux pas insister
pour que la chambre prononce l’ajournement.
J’ai exprimé
consciencieusement mon opinion ; je persiste à la croire bonne. Mais si la
chambre veut consacrer la validité de l’élection, je ne verrai pas cette
décision avec déplaisir.
Je dois rectifier
une erreur dans laquelle je reconnais être tombé : c’est que s’il n’y avait que
3 électeurs dont le vote aurait été annulé, l’élection ne serait pas nulle :
mais M. Corneli serait réellement et validement élu, au cas où il prouverait,
par exemple, par la production des actes de naissance, qu’il est plus âgé que
M. le comte d’Ansembourg.
Si la chambre
prononçait l’ajournement, voici, je pense, sur quels points devraient porter
l’enquête :
1° Les sieurs
Jongen, Bemelmans René et Warlimont
Nicolas, portés tous trois sur la liste des électeurs, comme ayant voté,
étaient-ils dans l’impossibilité absolue de déposer leur vote ?
(Il ne s’agit donc pas de faire intervenir des témoins pour savoir si
ces électeurs étaient présents ou s’ils se sont fait remplacer par leur fils ou
frère ; car, comme l’a fort bien dit l’honorable M. Dubus, la liste tenue par
le bureau fait preuve jusqu’à preuve contraire ; or, pour qu’il y eût preuve
contraire, il faudrait rapporter l’acte de décès ou une autre pièce d’où
résultât la preuve irrécusable que l’électeur n’a pu déposer son vote.)
2° Kribs, Vaessen et Zaun-Brecher, sont-ils Belges,
oui ou non ?
3° Gérard Jongen a-t-il
voté comme électeur ou comme fils aîné de veuve ?
Voilà, selon moi,
les seuls points sur lesquels devrait porter l’enquête, si l’on jugeait à
propos d’ajourner.
Mais si la chambre
juge à propos de valider l’élection, je regarderai comme bonne cette décision.
Un grand nombre de voix. - La clôture !
M. Doignon. - Comme auteur de la
proposition d’ajournement, je demande à répondre et à m’expliquer sur quelques
faits que l’on a avancés.
- La chambre consultée
prononce la clôture de la discussion.
L’ajournement est
mis aux voix et rejeté.
M.
le président. - Je vais mettre maintenant aux voix les conclusions de
la commission tendant à ce que M. Corneli soit admis comme membre de la chambre
des représentants.
M. Dumortier. - On ne peut pas voter sur cette
question par assis et levé ; car les membres qui ont voté pour l’ajournement ne
peuvent pas voter pour l’admission.
M. de Brouckere. - Je ne suis pas de cet
avis. J’ai voté l’ajournement ; la chambre l’a rejeté ; je voterai maintenant
pour l’admission de M. Corneli.
Plusieurs membres.
- L’appel nominal !
M. de Jaegher. - Je partage complètement
l’opinion de l’honorable M. de
Brouckere. Si les pétitionnaires n’ont pas fourni à temps les pièces
nécessaires à l’appui de leurs réclamations, cela ne doit pas porter préjudice
à celui qui a été élu représentant. Je voterai donc pour la validité de
l’élection.
M. Dumortier. - On m’a mal compris. Je pense
que ceux qui ont voté pour l’ajournement doivent s’abstenir. C’est pour qu’ils
puissent le faire que j’ai demandé que le vote eût lieu, non par assis et levé,
mais par appel nominal.
- Les conclusions
de la commission tendant à ce que M. Corneli soit déclaré membre de la chambre
des représentants sont mises aux voix par appel nominal.
Voici le résultat
du vote :
59 membres sont
présents.
13 s’abstiennent.
46 prennent part au
vote et se prononcent pour l’adoption. En conséquence les conclusions de la
commission sont adoptées, et M. Corneli est proclamé membre de la chambre des
représentants.
Se sont abstenus :
MM. Cornet de Grez, de Renesse, Devaux, Doignon, Dubus (aîné), Dubus (Bernard),
Dumortier, Fallon, Kervyn, Liedts, Stas de Voiler, Vandenbossche, Verdussen.
Ont voté pour
l’adoption : MM. Bekaert-Baeckelandt, Berger, Goblet, Coghen, Lehoye, Dolez, de Brouckere, de Jaegher, de Puydt,
Dequesne, Desmet, de Terbecq, de Theux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubois, Ernst,
Heptia, Jadot, Lebeau, Manilius, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez,
Pollénus, Raikem, Raymaeckers, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Willmar,
Scheyven, Seron, Simons, Smits, Thienpont, Troye, Ullens, Vanderbelen,
Vergauwen, Verrue-Lafrancq, L. Vuylsteke, Wallaert, Watlet et Zoude.
M.
Fallon., président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à
faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Cornet de Grez. - Je me suis abstenu parce que par suite du rejet
de l’ajournement proposé par M. Doignon, j’ai été privé des éclaircissements
que je crois nécessaires.
M. de Renesse. - Je me suis abstenu parce que
je n’ai pu me former une opinion consciencieuse.
M.
Devaux. - Je me suis abstenu parce que je n’étais pas assez éclairé.
M. Doignon. - Je me suis abstenu, parce que
l’instruction de l’affaire n’est pas achevée, et que le résultat de la deuxième
enquête ne nous a pas même été communiqué.
M. Dubus (aîné), M.
Dumortier. et M. Kervyn. se sont abstenus
pour les mêmes motifs.
M.
Liedts. - Je me suis abstenu parce que je regarde le mandat de député
comme trop important pour qu’on puisse admettre M. Corneli, alors qu’il résulte
des pièces mêmes un commencement de preuve de ce qu’ont avancé les
pétitionnaires.
M. Stas de Volder, M. Verdussen et M. Fallon se sont abstenus parce qu’ils n’étaient
pas suffisamment éclairés.
PROJET DE LOI PORTANT LE
BUDGET DU DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS POUR L’EXERCICE 1837
Discussion des articles
Chapitre IV. - Travaux publics
Article
premier
« Art. 1er. Routes : fr.
2,065,000. »
M. Dumortier. - Je déclare retirer la
proposition que j’ai faite dans la dernière séance, me réservant de la
représenter lors de la discussion du budget de l’année prochaine.
Il me reste,
messieurs, à vous présenter quelques observations sur l’article en discussion,
concernant les travaux publics.
Une réflexion ici
m’a frappé ; je crois devoir vous la communiquer. Dans le ministère de
l’intérieur, le ministre ne peut faire un pas dans le cercle de ses
attributions, sans que ces attributions elles-mêmes soient réglées par les lois
; au ministère de la justice, le ministre ne peut non plus faire un pas sans
que ces attributions soient déterminées par les lois ; au ministère des
finances, c’est la même chose.
Il n’en est pas de
même au département des travaux publics ; le système suivi dans ce ministère si
important, pour tout ce qui est relatif à l’industrie, est absolument différent
de celui que l’on suit dans les autres départements ; là on a laissé tout,
absolument tout, à l’arbitrage du ministre.
Messieurs, je le
déclare, cette réflexion l’a profondément ému ; je me suis dit : Comment se
fait-il que le pouvoir législatif ait ainsi abandonné au gouvernement toute
liberté d’action, sans contrôle aucun, en ce qui concerne les travaux publics ?
Comment se peut-il qu’alors que, dans tous les autres départements, la marche
des ministres est réglée par des lois, rien au département des travaux publics
ne soit déterminé par la loi, que tout soit laissé au libre arbitre du
gouvernement ?
Je vais citer des
faits qui prouveront la vérité de ce que j’avance.
Vous avez,
messieurs, ordonné un emprunt pour la construction de nouvelles routes. Eh
bien, le somme qui est résultée de cet emprunt se trouve mise à la disposition
du ministre des travaux publics qui peut en faire tel emploi qu’il juge
convenable, qui peut lui donner telle destination qu’il entend, sans que le
pouvoir législatif ait réglé en aucune manière quelle devait être la marche du
gouvernement en cette circonstance.
Le gouvernement
peut, si bon lui semble, accorder toute la somme à une seule province et même à
une seule localité : vous n’avez, messieurs, pris aucune mesure pour prévenir
la possibilité de pareils abus.
Vous avez chaque
année sur le produit des barrières un excédant notable, qui d’après la loi que
nous avons faite, est encore destiné à des constructions nouvelles. Eh bien,
cet excédant est aussi abandonné à l’arbitrage du ministère des travaux
publics, de manière qu’il peut employer tout cet excédant entre Meuse et
Moselle, sans que nous ayons le plus petit mot à y dire.
Nous avons fait une
loi pour la construction d’un chemin de fer. Dans cette loi, nous avons stipulé
qu’une route serait faite à travers le Hainaut : Eh bien, messieurs, nous avons
encore laissé au gouvernement le soin de déterminer la direction de la route
comme il l’entendra.
Vous pouvez,
messieurs, juger de l’importance de la réflexion que je présente en ce moment ;
il s’agit de la construction de la branche de la route en fer qui liera
Bruxelles à la frontière française. Eh bien, deux systèmes sont en présence :
l’un mènera la route par une direction, et doit entraîner une dépense de 11
millions ; l’autre système suivra une direction différente, et coûtera 18
millions ; voila donc une différence de 7 millions.
Or, si l’on
consulte les populations intéressées à la route en fer, elles vous diront
toutes que la route la plus économique est en même temps la plus utile pour
elles, de manière que le gouvernement, tout en économisant 7 millions sur cette
construction, procurerait, suivant le premier système, des avantages plus
nombreux aux localités qui doivent profiter du chemin de fer.
Eh bien, il n’est
pas impossible que le gouvernement méconnaisse en celte circonstance et les
intérêts du trésor, et les besoins des localités, et cela en faveur d’un seul
intéressé peut-être.
Vous voyez,
messieurs, combien nous avons procédé d’une manière fâcheuse en cette matière.
Nous avons été plus
loin, pour ce qui concerne les péages à percevoir sur la route en fer ; nous
avons accorde au gouvernement plein pouvoir, pour fixer le taux des péages
concernant non seulement les voyageurs, mais encore le transport des
marchandises, tellement que le gouvernement peut, à son gré, augmenter ou
diminuer le taux de ses péages : toutes choses qu’on devrait cependant régler
par la loi.
Aux Etats-Unis, en
Angleterre, en France, le gouvernement ne peut pas concéder un quart de lieue
ou de canal, sans un acte du pouvoir législatif. Vous avez, au contraire, donné
au gouvernement la liberté de concéder toute espèce de route, de canal (sauf la
canalisation des rivières), et cela, sans l’intervention du pouvoir législatif.
Il y a plus, le
gouvernement, sur l’avis de plusieurs personnes, pourrait concéder les routes
en fer. Et pour vous prouver, messieurs, combien il est important que le
pouvoir législatif soit consulté sur des questions aussi graves, je vous
citerai un exempte qui est à ma connaissance.
Une demande en
concession est faite en ce moment, de Tournay jusqu’à Ath. Les demandeurs
proposent de construire un chemin de fer, en établissant dans leurs conditions
qu’ils feront cinq lieues à l’heure par le moyen de locomotives. Cinq lieues à
l’heure ! Mais, messieurs, c’est là manifestement détruire le principe. En cas
qu’un pareil système fût admis mieux vaudrait qu’il n’y eût pas de routes en
fer. Si le gouvernement, en vertu du plein pouvoir dont il est investi, pouvait
à ces conditions concéder une route pour 99 ans, il est manifeste que le pays
serait grevé pendant 99 ans d’une manière déplorable.
Il y a plus,
l’expérience a démontré que les routes en fer peuvent devenir une source de
revenu considérable pour le trésor public, source d’autant plus précieuse
qu’ici l’impôt n’est payé que par qui le veut bien.
L’expérience, d’un
autre côté, a démontré que toute route en fer est nécessairement un monopole.
Eh bien, beaucoup de personnes se sont dit : Monopole pour monopole, lorsqu’il
résulte de ce bénéfice un bénéfice pécuniaire, mieux vaut que ce bénéfice soit
perçu par le trésor public que par des particuliers, surtout relativement aux
grandes communications.
Qui vous dit que
demain, sans nous consulter, on ne construira pas de routes que dans deux ou
trois ans on ne doive racheter à des prix onéreux ?
Je le répète, dans le ministère des travaux
publics, tout est abandonné à l’arbitrage du ministre, et voyez, messieurs ce
qu’engendre souvent ce pouvoir illimité du gouvernement.
Une route a été
construite depuis Schaerbeek jusqu’au pont de Laeken ; cette route a tout au plus,
je pense, 20 minutes de longueur ; sur cette route, on ne s’est pas borné à
concéder un droit de péage, un droit de barrière, on est allé plus loin : on a
accordé aux concessionnaires un droit sur les personnes, et cela, messieurs, se
passe aux portes de la capitale. Je vous le demande, messieurs, si la chambre
avait eu à délibérer sur une semblable demande en concession, aurait-elle pu y
donner son assentiment à de semblables conditions ?
Non, sans doute. On
parle de propositions qui auraient été écartées, tandis que le gouvernement
leur a donné son appui. Il y avait cependant moyen d’écarter la concession ; et
vous n’auriez pas vu ce que j’appelle un scandale aux portes de la capitale.
Le gouvernement a
concédé une route en fer dans le Hainaut, le chemin du haut et bas Flénu. Nous
savons quel a été le résultat de cette concession. Les concessionnaires, après
avoir exécuté la route concédée, l’ont rendue à une société dont quelques-uns
des concessionnaires faisaient partie avec un million de bénéfice, c’est-à-dire,
qu’une route qui avait coûté un million et demi de dépenses primitives a été
revendue pour deux millions et demi. Qu’est-il arrivé ? c’est que cette route
qui devait procurer un avantage aux localités qu’elle traversait est devenue
désastreuse pour ces localités parce qu’on ne veut pas accorder l’autorisation
de faire une route en concurrence avec elle, à cause de la faiblesse de ses
rapports. En effet, les actions qui devaient s’élever à 130 ou 140 sont tombées
au taux de 93 ou 94 p. c.
En Angleterre quand
le parlement accorde une concession, il stipule en termes exprès que jamais le
produit ne pourra s’élever au-delà de 10 p. c. du capital dépensé. Si une
pareille clause avait été mise à la concession, nous n’aurions pas vu cette
route vendue d’une manière aussi scandaleuse, et le pays aurait tiré les
avantages qu’il était en droit d’attendre de cette concession. Il est tellement
démontré que la route du haut et bas Flénu n’a pas rempli le but qu’on s’était
proposé, que des sociétés se sont établies pour opérer les transports par les
moyens ordinaires, et qu’elles les font à meilleur marché que le chemin de fer.
Cette concession
n’a eu d’autre résultat que de faire entrer dans la poche de quelques
individus, un million au préjudice du pays. Cela n’aurait pas eu lieu si la
chambre avait été chargée d’accorder les concessions.
Vous parlerai-je de
la canalisation de
C’est d’après ces
principes qu’en Angleterre et en France aucune concession ne peut avoir lieu,
si ce n’est en vertu d’une loi. Cependant en France les chambres ont bien moins
de pouvoir qu’en Belgique. En France, il n’est pas écrit dans la constitution
qu’aucun impôt ne peut être prélevé qu’en vertu d’une loi. C’est la
restauration qui a voulu concéder aux chambres cette haute surveillance sur
l’administration, et nous, nous abandonnons au gouvernement, pour tout ce qui
est relatif aux constructions de route de toute espèce, un pouvoir absolu.
Tout à l’heure vous
aurez à voter une loi sur les mines. L’exécution de cette loi appartiendra
encore à l’administration des travaux publics.
On vous propose de
laisser au gouvernement la collation des concessions de mines, qui forment une
source considérable de la richesse publique, tandis que si la proposition de M.
Rogier était écartée, après l’instruction faite par le conseil des mines, la
concession devrait être accordée par une loi : les localités auraient, dans les
chambres, des représentants qui défendraient leurs intérêts et empêcheraient
les abus qui peuvent surgir de pareilles collations, Nous avons vu ce qui s’est
passé naguère, nous avons vu un ministre se donner la collation de toutes les
mines d’une province. Si des hommes arrivaient au pouvoir qui voulussent
profiter de la faculté laissée au gouvernement, ils pourraient concéder à leurs
parents les routes les meilleures et les mines les plus riches du pays. D’une
session à l’autre, un ministère peut être renversé et remplacé par un autre
cabinet ; et vous pourriez à votre retour trouver tout concédé, mines et
routes.
Il importe que le
ministère des travaux publics soit aussi limité par des lois, comme les autres
ministères. Je pense devoir appeler l’attention de l’assemblée sur ce point que
je regarde comme de la dernière importance. Si on était venu demander à la
chambre d’accorder par une loi au ministre des travaux publics tous les
pouvoirs dont il est investi, je suis convaincu que pas un seul membre n’y eût
consenti. Nous avons voté cela en détail, sans voir où nous allions, et nous
sommes arrivés à donner au gouvernement un pouvoir absolu en matière de travaux
publics.
Cet objet, je le
répète, est de la plus haute importance ; il est urgent de régler par des lois
ce qui est relatif, aux concessions et aux péages.
Quant aux routes
pavées, il n’y a pas d’inconvénient à laisser au gouvernement le pouvoir de les
concéder. Une concession de ce genre ne peut jamais être préjudiciable aux
localités que la route traverse ; au contraire, elle les améliore toujours et,
d’un autre côté, le péage ne s’établira jamais qu’aux termes et d’après les
bases admises poux les routes de l’Etat. Mais quand il s’agira d’un canal ou
d’un chemin de fer, ce sera différent. Qu’une partie de terre soit coupée par
un canal, le propriétaire devra peut-être faire une demi-lieue de détour pour
aller d’une portion à l’autre de sa terre pour la cultiver. Il en sera de même
pour un chemin de fer. Vous savez que la première base des chemins de fer,
c’est qu’on ne peut pas les traverser.
Vous voyez que la
collation des concessions pour canaux et chemins de fer nouveaux doit
appartenir au pouvoir législatif.
Lorsque nous avons
voté la loi sur les concessions, nous étions en juillet 1832, la chambre avait
eu dix mois de session sans interruption, chacun de nous sentait le besoin de
rentrer dans sa famille. Le ministre en présentant ce projet, a reconnu
lui-même qu’il était imparfait. Mais il a insisté sur la nécessité de ne pas
entraver les concessions de routes, et nous avons voté pour le besoin du moment
une loi dont le gouvernement lui-même reconnaissait l’imperfection. Aujourd’hui
que nous sommes rentrés dans l’ordre normal, nous devons imposer des règles à
la conduite du ministre. Je pourrais citer une route pavée de quatre lieues de
longueur sur laquelle on trouve six barrières. Vous voyez à quels abus peut
donner lieu le pouvoir absolu dont le gouvernement est investi.
Je bornerai là mes observations.
J’ai voulu faire voir qu’en votant successivement des lois de détail, nous nous
étions laissé entraîner dans un ensemble déplorable. Je désire que mes paroles
ne tombent pas sur le tapis, et que quand nous réviserons les lois concernant
les travaux publics, la chambre prenne mes observations en considération et
rende au pouvoir législatif la part qui lui appartint.
Nos grands travaux
sont finis ; plus tard, nos sessions ne seront plus que de trois ou quatre
mois, vous pourrez faire par vous-mêmes l’examen des objets d’intérêt local.
C’est de la plus haute importance pour ces intérêts. Remarquez les graves
conséquences que peut avoir le système actuel. Si vous le considérez sous le
rapport parlementaire, quand le député défend ces intérêts locaux en présence
de ses pairs, il ne peut être exposé à aucune corruption, tandis que quand il
est obligé d’aller réclamer en faveur des intérêts de sa localité, dans les
salons des ministères, il se constitue en solliciteur. Lorsqu’il y a une
justice à réclamer, n’est-il pas embarrassé dans ses démarches ? N’est-ce pas
une vérité que les rôles sont renversés ?
Ici, si le député a
une réclamation à faire, il propose un amendement, il traite d’égal à égal, il
a à faire ses pairs, tandis que chez les ministres il fait des démarches en
solliciteur. N’est-il pas constant que des gens auxquels on ne peut pas
graisser la main, pourront se laisser corrompre pour une concession. Le
gouvernement pourrait, s’il le voulait, par la faculté qu’il a de concéder,
acheter des voix et par ce moyen rendre la chambre vénale.
Cette considération est de la plus haute importance, elle domine toute
la question. Vous voulez non seulement rester purs en fait, mais même être à
l’abri du soupçon. Il ne faut pas que le peuple puisse supposer que des membres
de la représentation nationale se soient laissé corrompre. Eh bien, avec le
système actuel, si vous avez demandé une concession et que vous l’ayez obtenue,
on soupçonnera tout suffrage que vous pourrez émettre dans le sens du ministère
: on dira que si vous avez voté ainsi, c’est pour prix de la concession que
vous avez obtenue.
Il faut
nécessairement adopter un système plus sage, revenir à celui suivi en France et
en Angleterre.
Je suis revenu sur
ces observations, parce qu’elles n’avaient jamais été faites dans cette
assemblée. Il est temps de voir clair. .Assez longtemps nous avons marché en
aveugles. J’espère que quand nous réviserons les lois sur la matière, nous
ferons en sorte de rendre impossibles les abus que je viens de signaler.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb).
- Le gouvernement représentatif, messieurs, est un gouvernement de confiance.
Plusieurs voix. - De défiance.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb).
- Le gouvernement représentatif est un gouvernement de confiance. Si ceux qui
sont ministres et qui ne le sont que parce qu’ils ont votre confiance, s’en
rendent indignes, excitent votre défiance, vous avez plus d’un remède contre
eux ; vous avez un pouvoir discrétionnaire pour les mettre en accusation, et
même pour qualifier le fait ; et je n’hésite point à le dire, un ministre
pourrait être mis en accusation et puni pour avoir abusé du droit de
concession. Hors du droit extrême d’accusation, vous avez bien d’autres moyens
pour rendre un ministre impossible, pour l’expulser en quelque sorte du
gouvernement ; vous pouvez lui refuser des mesures sans lesquelles il ne peut
exister ; vous pouvez faire part de vos défiances au monarque par la rédaction
d’une adresse.
Dans ce
gouvernement de confiance, on vous a signalé un ministère d’exception ; si
cette position exceptionnelle existe, il faut croire qu’elle est due à la force
des choses ; car la question soulevée par l’honorable préopinant n’est pas une
question de droit ; il ne s’agit pas de savoir si la chambre pourrait avoir
telle ou telle attribution spéciale dans la direction des travaux publics,
c’est une question de possibilité ; il s’agit de savoir si la chambre,
constituée comme elle l’est, pourrait user convenablement des pouvoirs que
l’honorable préopinant voudrait lui assigner. Il voudrait au moins une loi
organique du ministère des travaux publics ; si l’honorable préopinant se croit
en état de présenter un projet de loi sur les attributions qui tiennent à la
direction des travaux publics, j’accueillerai avec satisfaction un tel projet.
Selon moi, il n’y a
de possible que ceci : Lorsque l’expérience sera acquise, lorsque les essais
que nous faisons auront amené un grand nombre de faits, je crois qu’on pourra
poser dans une loi des principes généraux de cahiers des charges. Et encore,
dans un grand nombre de cas, ces principes généraux se trouveront en défaut ou
rencontreront des difficultés insurmontables. Je ne dis pas que la législature
ne doive se réserver certaines grandes concessions, mais je réponds à
l’honorable préopinant qui veut qu’elle se les réserve toutes.
L’honorable
préopinant a cru même devoir m’objecter le droit de concession comme un moyen
de corruption parlementaire ; Walpole a corrompu le parlement, et ce n’est pas
à l’aide de ce moyen dont le ministère anglais est privé, comme l’honorable
préopinant le reconnaît lui-même.
Dans de grands
Etats, dit-on, le ministère n’a pas le droit d’accorder des concessions ;
pourquoi le gouvernement aurait-il ce droit en Belgique ? C’est peut-être,
messieurs, parce que
Dans un pays de
cette étendue, le ménage du gouvernement, si je puis m’exprimer ainsi, n’est
pas percé à jour, comme dans un petit Etat, et les pouvoirs du gouvernement
peuvent s’exercer sans que les abus soient connus d’autres que de ceux qui en
sont y victimes.
En France et en
Angleterre, on statue par une loi sur chaque demande en concession, vous dit le
préopinant ; j’ignore si le fait est exact, quant à
Vous nommerez une
commission : eh bien, cette commission nommera un rapporteur, et tout dépendra
encore de l’avis d’un seul.
Si la commission ne
veut pas s’en référer aveuglément à son rapporteur, il faudra que chacun de ses
membres refasse le travail du rapporteur ; puis, si la chambre veut ne pas s’en
référer au rapport de sa commission, il faudra aussi que chacun de ses membres
fasse de son côté un semblable travail. Tout cela est matériellement
impossible.
Le droit de
concession, dit-on, est dangereux, surtout appliqué au système nouveau des
chemins de fer. Remarquez d’abord que la concession ne s’accorde pas
directement, le demandeur en concession ne devient concessionnaire que si son
offre reste la moindre. Il y a une adjudication publique ; précisément en ce
qui concerne les chemins de fer, je soutiens que le cahier des charges que l’on
a mis peut-être un an à préparer au ministère de l’intérieur, et que je suis
assez heureux d’avoir trouvé élaboré par mon prédécesseur, je soutiens, dis-je,
que cet acte renferme plus de garanties que les lois de concession en
Angleterre.
Je n’hésite donc
pas à déclarer que, tout en avouant qu’il y a lacune dans la législation, il ne
faut pas la remplir en donnant aux chambres le droit de faire toutes les
concessions, et qu’il faut se borner, pour la remplir, de poser dans une loi
certains principes généraux de cahiers des charges. Je ne parle pas de
certaines grandes concessions qui restent par exception dans le domaine
législatif.
On a cité les abus
commis sous l’ancien gouvernement ; mais ce gouvernement était-il un
gouvernement, représentatif ? Les ministres encouraient-ils aucune
responsabilité ? Que deviendrait maintenant un ministre qui se donnerait en
concession une province ? Je ne crois pas qu’il restât longtemps ministre...
Un membre. - Il aura toujours obtenu sa concession.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb).
- On me dit que le ministre qui aura abusé du droit de concession, aura
irrévocablement agi ; mais ne serait-il pas déshonoré ? Qu’il soit même hors de
l’atteinte des lois, si vous voulez ; mais il sera puni par l’opinion publique.
Vous n’avez pas seulement contre les ministres les garanties ordinaires du
gouvernement représentatif, que vous pouvez mettre en usage par vos votes, par
des adresses au Roi ; vous avez encore pour garantie tout ce qui tient à
l’homme privé.
Ne voulant rien
oublier de ce qui constitue l’exorbitant pouvoir du ministre des travaux
publics, on vous a parlé des concessions relativement aux mines ; comme si ce
droit ne devait pas être singulièrement restreint par l’institution d’un
conseil. Pensez-vous que la chambre soit apte à s’occuper de concessions de
mines ? cela est impossible. Si la chambre portait une loi pour se donner de
semblables attributions, elle l’abrogerait au bout de trois mois.
Si la chambre
faisait les concessions, il faudrait en venir à dire : Il n’y aura plus de
concessions de mines, ni de concessions d’autre genre ; car il y a impuissance
pour elle de procéder convenablement à un tel travail.
Il faudra ne pas
s’arrêter là ; il faudra encore attribuer aux chambres les concessions de
messageries ; dans le cas de concurrence, elles seront appelées à combiner les
heures d’arrivée et de départ.
Je le dis
franchement, chaque député est en état d’être ministre des travaux publics ; la
chambre collectivement ne l’est pas : fût-elle en permanence toute l’année,
depuis le premier janvier jusqu’au 31 décembre, elle n’en finirait pas, et elle
arriverait à un arbitraire bien plus grand que celui qu’on redoute du
gouvernement. Elle verrait les affaires une à une, tandis que le gouvernement les
voit de haut et dans leur ensemble ; il est dans une meilleure position par
cela qu’il est gouvernement.
L’honorable orateur
dont j’examine l’opinion a cité des cas particuliers ; il a cité la concession
du chemin de Schaerbeek au pont de Laeken comme un exemple d’un grand abus : ce
que je sais, concernant ce chemin, c’est que les actionnaires de cette
concession ne la regardent pas comme avantageuse, ils n’ont point eu de
dividende...
Un membre. - Ils n’ont pas même d’intérêts !
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb).
- Et si ces actionnaires trouvaient à céder cette route au gouvernement, ils ne
demanderaient pas mieux et ne seraient pas très exigeants.
Quant à la
concession du chemin de fer du Flénu, dont on a parlé, elle se présente comme
une concession purement industrielle. Par la loi que vous avez votée il y a
trois ans, vous avez entendu que le gouvernement se chargeât seulement des
chemins de fer qui constituent les grandes communications dans le pays. C’est ainsi
que le préopinant lui-même limitait l’action du gouvernement : Gardez-vous,
disait-il il y a peu de jours, d’accorder des concessions qui rentrent dans le
système des grandes communications ; or, le chemin du Fleunu
est hors de ce système.
En vous disant
qu’on peut parvenir à poser dans une loi certaines conditions générales, ce
n’est pas que je pense que la clause de ne pas excéder 10 p. c. de bénéfice
soit une de ces conditions ; cette clause, en effet, est usitée en Angleterre.
Elle existe pour le chemin de Liverpool quant au transport des voyageurs
; mais rien de plus facile que d’éluder cette disposition. On grossit les
frais. Quand vous direz dans un acte de concession de chemin de fer, dans un
cahier des charges : « Vous ne gagnerez pas au-delà de 10 p. c., »
vous n’aurez rien fait à moins que vous ne régliez les frais d’entretien, de
transport et de perception, à moins que vous n’ayez des commissaires pour
surveiller tout le détail de l’administration du chemin.
Chaque société
pouvant arranger sa comptabilité à son gré vous prouvera toujours qu’elle
n’atteint pas les dix pour cent. Vous le savez, mon prédécesseur a essayé
d’insérer la garantie de 10 p. c. dans un cahier des charges ; et
l’adjudication faite au concessionnaires a dû être annulée ; on n’a pu trouver
à cette condition les capitaux nécessaires ; on savait qu’on pouvait éluder
cette clause, on ne l’a pas voulu ; on a été arrêté par un sentiment
d’honnêteté qui n’arrête pas ailleurs.
Ainsi, messieurs,
en admettant même que le gouvernement se trouve en ce moment investi d’un
pouvoir exorbitant, il n’en serait pas moins vrai que le remède indiqué par
l’honorable préopinant n’est pas le véritable. Nous trouverons ce remède quand
nous pourrons poser certains principes généraux de cahiers des charges ;
aujourd’hui vous avez d’autres garanties ; vous avez le contrôle que vous
exercez sur les actes du gouvernement ; vous avez l’intérêt privé des ministres
qui s’oppose à ce qu’ils abusent aussi follement du pouvoir.
M. de Jaegher. - Je ne suivrai pas M.
Dumortier dans l’exposé qu’il vous a fait des inconvénients de l’indépendance
entière dans laquelle se trouve le ministre des travaux publics pour le choix
des localités à doter les premières de communications nouvelles ; je
n’engagerai pas, comme lui, la chambre à s’immiscer dans les détails de ce
département, fort embarrassée que je la crois déjà de s’acquitter de sa plus
urgente besogne, loin de se sentir dans une situation à pouvoir provoquer de
nouveaux travaux.
Nous avons,
messieurs, un seul échantillon d’investigation de ce genre, c’est celui qui a
rapport aux naturalisations. Il me suffit de les citer pour vous rappeler toute
la difficulté que vous éprouvez à vous acquitter de la charge que vous vous
êtes imposée.
Je n’entrerai donc
aucunement dans la question qu’il a soulevée, et qui ne me paraît pas
soutenable ; je me bornerai à entretenir un instant M. le ministre d’une route
qui intéresse vivement l’arrondissement dont je fais partie.
Du temps du
gouvernement hollandais fut commencée une route de première classe de Bruxelles
par Ninove à Audenaerde.
Achevée jusqu’à
Ninove avant la révolution, elle fut continuée depuis jusqu’au village de Voorde, au point où elle rejoint la route de Grammont à
Alost.
D’après le projet
primitif, cette route devait être poussé comme je l’ai dit, jusqu’à Audenaerde,
et les populations des contrées agricoles qu’elle allait traverser, contrées
aux terrains glaiseux et accidentés, se réjouissaient d’avance de la
perspective nouvelle d’avoir au moins un jour le moyen de parvenir en toute
saison, avec leurs produits, jusqu’au marché voisin.
Une première
modification, arrêtée par M. le ministre de l'intérieur, vint malheureusement
un jour les désappointer, et leur apprendre que, pour économiser la
construction de deux lieues et demie de pavé, on ne continuerait cette nouvelle
route que jusqu’à la hauteur de la commune de Nederbrakel, où, par une
déviation du tracé, ou lui ferait rejoindre celle d’Audenaerde à Grammont.
Le projet primitif
avait été longtemps mûri et débattu, et des hommes honorables, alors en
fonctions, pourraient vous dire qu’il n’avait pas été légèrement adopté. Arrêté
définitivement, mis à exécution pour sa plus importante partie, sur une étendue
de plus de six lieues, il était en quelque sorte devenu un titre. Tronqué
aujourd’hui par une simple volonté ministérielle, il échappe à des populations
qui devaient en profiter.
Je n’exprimerai pas
néanmoins, quelque légitime qu’il soit, le regret que celles-ci ont éprouvé de
se voir, à la faveur de nos changements politiques, dépossédées d’un trait de
plume du ministre ; de se voir dépossédées, avant surtout que le temps lui ait
permis d’aller jeter un premier coup d’œil sur cette partie des Flandres, alors
qu’un seul voyage par certaines des rampes de la route actuelle, en lui faisant
comprendre que la crainte de verser peut faire déloger d’une chaise de poste,
lui aurait laissé le loisir de faire de salutaires réflexions sur toute
l’utilité pour le commerce et l’industrie, des constructions qu’il allait
entraver. Je n’exprimerai pas, dis-je, ce regret qui deviendrait inutile devant
un acte accompli ; mais comme là ne se sont pas arrêtées les bonnes
dispositions de M. le ministre pour cette route, j’ai d’autres observations à
faire.
Commencés sans
participation aucune dans les frais, de la part ni des provinces ni des villes
et communes, les travaux avaient été successivement poussés aux mêmes
conditions avantageuses pour elles, soit sous le gouvernement hollandais, que
sous le ministère Rogier, que jusque là sous le ministre de Theux. Arrivés à la
section d’Ophasselt, la dernière mise en
adjudication, ils devaient être entamés immédiatement après sur le territoire
du district d’Audenaerde. Rassurées par ces précédents, les communes qui en
font partie, et qui au nombre de deux seulement se trouvent sur le tracé,
n’avaient aucun lieu de craindre que le ministre serait venu leur imposer
d’autres conditions. Il avait laissé ininquiétées
sous ce rapport les villes de Ninove et de Grammont qui y gagnaient une
nouvelle communication ; il n’était pas à présumer qu’il serait venu demander
l’aumône à de pauvres communes purement agricoles, coupées en fermes dont les
plus fortes n’excèdent guère 25 bonniers d’exploitation ; des communes surchargées
de pauvres ; des communes faisant partie d’un malheureux canton de Nederbrakel
qui (les tableaux annexés au projet de loi sur la péréquation cadastrale en
font foi) a payé jusqu’ici le plus d’impôt foncier de tout le royaume, 23 1/4
p. c. ; des communes déjà lésées par la déviation du projet primitif que j’ai
cité plus haut ; et cela pour deux malheureux lieux de pavé qu’il restait
encore à faire.
Telle fut pourtant
la nouvelle innovation du ministre de l’intérieur, M. de Theux, auquel a
rapport tout ce qui précède ; il exigea d’elles une participation dans les
frais. On eut beau lui démontrer qu’eu égard aux précédents suivis par cette
route, il serait peu juste d’exiger cette participation des dernières communes
qu’elle devait traverser ; de communes qui avaient aussi longtemps été
surchargées d’au-delà de 100 p. c. ; de communes appauvries par cette surtaxe,
et que soutient seule une laborieuse économie flamande ; il
insista jusqu’à ce que l’utilité bien constatée de cette route eût arraché à
ces populations la promesse d’un sacrifice minime à la vérité, mais enfin en
rapport avec leurs ressources. La dernière résolution de M. le ministre de
l'intérieur aurait nonobstant été, si je suis bien informé, de ne pas continuer
les travaux si la province et les communes ne participaient beaucoup plus
considérablement dans les frais. C’est dans cet état de choses que je viens
demander à M. le ministre des travaux publics s’il compte continuer à cet égard
l’œuvre de son collègue, s’il compte réaliser cette menace. Cette chaussée est
de la plus urgente nécessité ; les communes qu’elle a encore à traverser sont,
à part quelques mois d’été, inaccessibles aux charrettes ; et la seule grande
route qui de ce côté soit ouverte au commerce, celle de Grammont à Audenaerde, présente
des rampes toujours dangereuses, mais à peu près impraticables en hiver. Les
Flandres paient à elles seules près de la moitié des impôts de l’Etat ; les
Flandres ne peuvent, pour la part qu’elles ont eue dans la répartition des
fonds destinés aux travaux publics, exciter l’envie d’aucune autre province,
puisque de tout l’excédant du produit des barrières, il n’a l’année dernière
pas été dépensé un décime pour elles ; les Flandres, en général peu
représentées, ont moins de moyens d’action pour faire prévaloir leurs droits.
Que M. le ministre évite des actes de la nature de celui que je viens de vous
signaler s’il veut éviter aussi qu’elles aient des motifs fondés de croire que
dans le ministère leurs intérêts manquent de défenseurs. Je fais des vœux pour
que les craintes, dont je me suis à regret rendu l’organe, ne soient pas
fondées, et que la réponse de M. le ministre les dissipe complètement.
M. Pirmez. - Je crois, messieurs, comme
l’honorable ministre des travaux publics, que dans la situation actuelle de nos
travaux il serait excessivement difficile de faire de chaque concession de
mines l’objet d’une loi ; mais il n’en est pas de même pour les routes, au
moins pour les routes d’une certaine catégorie. Remarquez, messieurs, que sous
ce rapport on n’a dans aucun pays concédé au gouvernement un aussi grand
pouvoir qu’en Belgique ; il faudrait au moins garder un juste milieu en cette
matière ; i1 faudrait que les représentants de la nation se réservassent le
soin de prononcer sur certains grands travaux, tels par exemple que la
construction de canaux : il y a en effet une très grande différence entre la
construction d’un canal qui est souvent immense, et la construction de
certaines petites routes qu’on pourrait sans danger laisser au gouvernement,
tandis qu’en laissant au gouvernement seul le pouvoir de construire les grandes
voies de communication, il en résulte souvent de très grands inconvénients, et
entre autres celui de voir très mal réussir les travaux, comme cela a eu lieu
par exemple pour le canal de Charleroy et la canalisation de
M. Dolez. - Dans la dernière séance, vous avez entendu,
messieurs, plusieurs de nos honorables collègues venir tour à tour réclamer des
routes dans l’intérêt des localités qu’ils représentent dans cette enceinte.
Chacun de vous, je pense, aurait pu élever de semblables réclamations.
Quant à moi,
messieurs, j’ai cru devoir garder le silence, convaincu que j’étais que des
réclamations de ce genre, lancées à l’occasion de la discussion générale d’un
budget, étaient presque toujours inefficaces : en effet, des demandes si
générales, parties de tous les coins de la salle en faveur de tous les coins du
royaume, s’entre-détruisent nécessairement, et nous laissent, par suite, après
la discussion, au point où nous étions avant de l’avoir commencée.
Voilà, messieurs,
pourquoi je n’ai pas parle dans la dernière séance en faveur du Hainaut, et si
aujourd’hui je prends la parole, ce n’est pas pour demander quelque chose à M.
le ministre des travaux publics, mais c’est pour lui donner un avertissement
qui, je pense, ne sera pas moins utile au gouvernement qu’à la province de
Hainaut.
Cet avertissement,
je le puise dans la loi sur l’emprunt des 6 millions, destiné à la construction
de nouvelles routes dans notre pays ; je le puise surtout dans les paroles que
j’ai entendu prononcer dans cette enceinte sur la destination probable des
fonds de cet emprunt.
Si j’avais à me
prononcer, messieurs, sur l’utilité de cette loi, surtout sur sa justice,
j’attacherais peut-être une haute importance à l’opinion que déjà plusieurs
fois, depuis le temps que j’ai eu l’honneur de siéger parmi vous, j’ai entendu
émettre par un honorable député du Hainaut. Mais, messieurs, cette loi existe ;
juste ou injuste, je crois de mon devoir de la respecter.
Mais si la loi
existe, je dirai au ministre qu’il dépend de lui de la rendre toute juste ou
toute inique. Je m’explique. Cette loi, et tout à l’heure M, le ministre des
travaux publics même reconnaissait qu’il en était ainsi des lois de cette
espèce, cette loi, dis-je, est toute de confiance. La loi sera juste, si le
ministre l’applique d’une manière impartiale ; si, au contraire, il l’applique
avec partialité, votre œuvre, messieurs, sera essentiellement inique.
Il importe, dès
lors, non seulement pour la propre responsabilité du ministre, mais encore pour
la dignité de la législature, que cette loi soit appliquée par le ministre
d’après les règles d’une bonne justice distributive. Si ces règles sont
observées, d’avance je donne mon approbation à la conduite de M. le ministre ;
et je dirai que vous avez fait une œuvre profitable pour toutes les provinces
du pays. Par exemple, le Hainaut qui, dans le remboursement de l’emprunt des 6
millions, prendra une part si large eu égard à l’importance du produit de ses
barrières, le Hainaut, dis-je, a, selon moi, des droits incontestables à être compris
pour une part équitable dans la répartition des fonds de cet emprunt.
Ne croyez pas,
messieurs, que je sois guidé, en parlant ainsi, par un esprit de provincialisme
; ne croyez pas surtout que je sois porté, quant à moi, à adopter la critique
qui a été faite de la composition actuelle de cabinet de Meuse et Moselle. Je
pense que M. le ministre sera juste entre les provinces auxquelles ces membres
appartiennent, comme à celles auxquelles ils n’appartiennent pas.
Je dirai donc à M. le
ministre des travaux publies que la province de Hainaut que je représente ici
compte, de la manière la plus formelle, avoir une part équitable dans l’emprunt
des 6 millions. Si cette part lui était refusée dans l’application que l’on
fera de la loi, le Hainaut se croirait victime d’une grande injustice.
Je pense que, tant
dans l’intérêt de ma province que dans celui des autres, il est une voie que M.
le ministre ferait bien de suivre : ce serait, avant d’en venir à l’application
de la loi de l’emprunt, de s’enquérir près des chambres de commerce et près des
autorités provinciales, de toutes les routes qu’il importe le plus de
construire, et d’attribuer alors à chaque province la quotité de l’emprunt qui
doit lui revenir, eu égard à l’importance de la province et aux besoins de son
industrie.
Comme je suis
convaincu que M. le ministre des travaux publics est animé des meilleures
intentions, je crois qu’il conviendrait peut-être que M. le ministre visitât
par lui-même les différentes localités. J’ai souvenir qu’il y a quelques années
un ministre des travaux publics d’un pays voisin, qui alors était déjà plein de
l’avenir qu’il a réalisé depuis, que M. Thiers en un mot, à son avènement au
département des travaux publics, s’empressa de visiter les localités les plus
industrieuses ; et je crois que notre jeune ministre des travaux publics, en
suivant cet exemple, récolterait des notions extrêmement utiles pour son
département. Il verrait par lui-même quels sont les véritables besoins des
localités, et notamment du Hainaut qui, sans doute, ne manque pas de voies de
communication, mais dont l’industrie, si puissante et si féconde, a besoin de
se créer de nouveaux débouchés ; M. le ministre s’assurerait que le Hainaut est
loin de ne pas avoir des titres à la part qui lui revient dans l’emprunt des 6
millions.
Puisque j’ai la
parole, je ne terminerait pas sans répondre quelques mots à l’honorable député
de Tournay, relativement aux observations qu’il a faites tout à l’heure,
d’abord sur notre système de législation en matière de travaux publics, et
spécialement sur certaines entreprises particulières dont il a parlé. A en
croire l’honorable membre auquel je réponds, il importerait, dans l’intérêt
bien entendu du pays, que la législature s’occupât de toutes les concessions,
même les plus minces ; et pour appuyer son opinion, M. Dumortier a cité ce qui
existe en France.
Qu’il me soit
permis de dire que l’honorable membre est, je crois, dans l’erreur sur ce
point. En France, si je ne me trompe, le gouvernement peut, sans l’intervention
de la législature, accorder des concessions pour la construction de routes et
de canaux, pourvu que ces routes et canaux n’aient pas une étendue de plus de
Mais s’il fallait
dans nos assemblées délibérantes, où l’on parle bien sans doute, mais où l’on
parle beaucoup, s’il fallait venir discuter chaque demande en concession, où en
serions-nous donc, je vous le demande ! Quoiqu’on ait dit que nos travaux
importants sont terminés, je regarde, quant à moi, ce qui nous reste à faire
comme le plus important de tout : je veux parler de la révision des codes,
révision dont le congrès nous a fait un impérieux devoir. Cette révision n’est
pas encore abordée et loin d’avoir achevé les travaux les plus importants qui
nous incombent, nous devons nous montrer très avares de notre temps, et le
consacrer à des travaux réellement utiles et je dirai même indispensables.
Je n’insisterai pas
sur ce point, parce que M. le ministre a répondu d’une manière satisfaisante,
selon moi, à l’idée générale qui a été émise par l’honorable M. Dumortier.
Je dirai seulement
quelques mots relativement à ce que cet honorable membre a dit du chemin de fer
du haut et bas Flénu. Je ne suis pas de ceux qui critiquent à tout bout de
champ l’essor que prend l’industrie belge ; je crois, quant à moi, que tout
doit tendre, au contraire, à favoriser cet élan, et loin de voir avec envie sa
prospérité qui peut advenir à certaines entreprises, je me réjouis toujours de
les voir réussir.
Mais je demanderai
si dans la circonstance qui nous occupe, il y a réellement matière à récriminer
contre le gouvernement pour avoir accordé la concession de ce chemin de fer. Je
dirai d’abord à l’honorable membre auquel je réponds que si le gouvernement
avait été chargé des travaux de cette entreprise, le chemin de fer du haut et
bas Flénu, serait encore à faire ; c’est à l’industrie qu’on en doit la pensée.
Le gouvernement pouvait-il accaparer cette pensée de l’industrie privée ? Le
pouvait-il sans anéantir la conception de semblables projets pour l’avenir ?
Messieurs, poser de semblables questions n’est-ce pas les résoudre ?
Mais, d’ailleurs,
toutes les garanties n’ont-elles pas été données ? l’industrie n’a-t-elle pas
reçu toutes les garanties désirables ? Le gouvernement n’a pas remis le marché
à forfait ; cette entreprise a fait la matière d’une adjudication publique au
rabais des péages, ce qui est toujours le seul mode favorable à l’industrie,
Ainsi, on ne peut pas prétendre que le gouvernement ait ici abusé de la faculté
qu’il a de concéder.
On s’est récrié ensuite contre un bénéfice d’un million qui aurait été
de prime abord par les entrepreneurs. Je ne sais si l’honorable M. Dumortier
est dans la confidence intime des entrepreneurs, mais je lui demanderai s’il
est bien sûr de ce qu’il a avancé. Cependant, quand on pose des chiffres, il
fau en être sûr. Quant à moi, qui ai d’assez bonnes raisons pour connaître ce
qui s’est passé à l’égard du chemin de fer du haut et bas Flénu, je crois
pouvoir dire à mon honorable collègue qu’il se trompe sur ce point.
Je puis encore lui
dire qu’il se trompe, quand il dit que l’industrie du Borinage a à se plaindre
de l’établissement de cette construction. Mon honorable collègue se trompe
également quand il avance que des sociétés font les transports par chariot, en
concurrence avec le chemin de fer, et l’emportent sur ce dernier quant au prix.
II y a au moins un tiers de différence pour le peu en faveur du transport par
le chemin de fer. Il y a de plus un fait qui renverse tout ce qu’a dit à cet
égard le député de Tournay, c’est qu’il n’existe plus de transport par chariot
pour tous les établissements qui sont à portée de se servir du chemin de fer.
Ce chemin présente tant d’avantage aux établissements voisins, qu’on les voit
construire les embranchements nécessaires pour pouvoir profiter de ce moyen de
transport. Que notre honorable collègue prenne des renseignements sur les
lieux, auprès de personnes désintéressées, il verra que je suis resté dans la
plus exacte vérité dans les explications que je viens d’avoir l’honneur de
donner à la chambre.
(Moniteur belge n°53, du 22 février 1837)
M. le ministre de l'intérieur et des
affaires étrangères (M. de Theux). - Qu’il me soit permis, messieurs,
de faire quelques observations sur les discours des honorables préopinants.
Le gouvernement n’a
jusqu’ici manqué d’aucun moyen d’appréciation du degré d’utilité des diverses
routes dont la construction a été demandée.
En effet, les
réclamations des particuliers, des diverses autorités dans l’intérêt de leurs
administrés n’ont pas manqué. D’une autre part, l’expérience de
l’administration des ponts et chaussées qui est établie dans toutes les
provinces, puisque chaque province a un ingénieur en chef, a apporté des
lumières particulières,
Nous avons en
outre, sur ces divers projets, réclamé des enquêtes, consulté les chambres de
commerce, les administrations provinciales. Ainsi il est impossible que le
gouvernement ignore les besoins du pays, et qu’en comparant attentivement les
divers projets et les divers intérêts, il ne puisse les apprécier
convenablement, surtout lorsqu’il s’est formé un système sur l’emploi des fonds
mis à sa disposition.
Il faut bien le
remarquer, c’est là le premier devoir d’un ministre chargé de la direction des
travaux publics, de se rendre compte des besoins et des ressources, et
d’employer les ressources suivant le degré de besoin des diverses localités.
Cette règle a été suivie jusqu’ici, et je ne craindrais pas de soutenir une
discussion sur chaque application de fonds aux travaux publics ; je pourrais
démontrer devant toute personne impartiale que cette règle a toujours été
rigoureusement suivie.
Cependant, un honorable membre a parlé d’une route de Ninove à
Audenaerde, à l’égard de laquelle j’aurais dévié du principe que je viens
d’exposer. Je pense que non, et je pourrais en donner la démonstration la plus
parfaite. D’abord, dans une partie de la direction, cette route qui devait
coûter de un million à 1,200 mille fr., s’est trouvée être latérale à une autre
route.
Avec le peu de
fonds mis à ma disposition, je devais, au point convenable, faire opérer la
jonction de la route nouvelle avec l’ancienne, alors surtout que la province
intéressée n’a voulu fournir aucun subside. On s’est étonné que nous ayons
demandé des subsides à la province, pour les parties de la route qui la
traverse, alors que dans la province de Namur ayant fait la même demande, le
conseil provincial n’a pas hésité à faire au gouvernement l’abandon d’une
section de route exécutée à ses frais pour une somme de 200,000 francs et à la
condition de continuer la route. Il n’est pas étonnant que pour
(Moniteur belge n°52, du 21 février 1837)
M. de Jaegher. - M. le ministre de
l’intérieur nous a cité un fait exact ; c’est que la route dont j’ai parlé aurait
suivi une direction parallèle à une route existante. Mais ce qu’il n’a pas
ajouté, c’est que cette route est tellement défectueuse qu’il est impossible
que le commerce s’en serve. Il a dit que je m’étais étonné à tort qu’on ait
demandé un subside aux localités. Je ne m’étonne pas qu’il ait demandé un
subside, mais ce dont je m’étonne c’est qu’il ne l’ait demandé que pour les
deux dernières communes seulement, alors que les autres communes traversées par
la route n’avaient pas contribué.
Le ministre nous a cité ensuite la province de Namur qui aurait fait la
cession d’une section de route qu’elle aurait construite à ses frais, pour une
somme de 200 mille fr., à la condition que le gouvernement l’achèverait.
C’est une bonne
affaire qu’à là faite cette province, puisqu’après avoir commencé une route à
ses frais, parce qu’elle lui paraissait d’une nécessité absolue, elle a trouvé
moyen d’en mettre la continuation à la charge du gouvernement.
Le cas d’ailleurs
n’est pas identique à celui dont j’ai parlé. Ce qui fait l’objet de ma
réclamation, c’est que la route de Ninove à Audenaerde a été décidée sous
l’ancien gouvernement, qu’elle a reçu un commencement d’exécution, et que
depuis la révolution on y a apporté des changements, et on ne l’a plus
continuée que dans la proportion d’une lieue.
Je regrette d’avoir
dû vous entretenir d’un objet purement local, mais les démarches
administratives n’ayant pas suffi pour obtenir justice, j’ai dû en parler à la
chambre.
(Moniteur belge n°53, du 22
février 1837) M. le ministre de
l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je ne puis que
persister dans les explications que je viens de donner. Je ne vois pas qu’on
puisse trouver rien de particulier dans la demande des subsides que j’ai
adressée aux commues que traverse la route. C’est une règle suivie depuis 2 ans
que d’inviter les administrations provinciales, ainsi que les communes et même
au besoin les particuliers, à contribuer, soit au moyen de subsides, soit au
moyen de l’abandon dans les constructions auxquelles ils sont intéressés. C’est
là l’exécution d’une mesure générale.
Je regrette de
n’avoir pas sous la main le dossier de cette affaire, ni le tableau des
adjudications faites, et je lui montrerai qu’il a été fait, pour la route dont
il s’agit, des allocations considérables de la part du gouvernement, que
l’étendue des constructions sur cette route est plus considérable qu’il ne le
croit, et qu’aucun de ces griefs n’est fondé.
(Moniteur belge n°52, du 21 février 1837)
M. Dumortier. - Parmi les orateurs qui ont
voulu répondre aux observations que j’avais présentées, celui qui m’a le plus
amusé, c’est l’honorable membre qui, après avoir qualifié d’absurde ce que
j’avais dit, s’est lui-même constitué solliciteur pour avoir une route dans sa
province. Il aurait dû voir que si, au lieu de se poser en solliciteur, il
était venu présenter un amendement à la chambre pour avoir cette route, justice
lui aurait été faite plus promptement que cela ne paraît avoir eu lieu. Cela
prouve que mes observations sont très judicieuses. Et comme je l’ai déjà dit,
notre rôle est interverti. Quand une route est nécessaire dans nos localités,
nous devons, pour soutenir leurs intérêts, leurs droits, nous constituer en
solliciteurs auprès d’un ministre, tandis que si la chambre était appelée à
délibérer sur ces questions, nous pourrions, commue membres du pouvoir
souverain, soutenir en souverain les droits de nos localités. Nous les
débattrions devant nos pairs, et en discutant devant ses pairs, on ne se
compromet pas.
Les orateurs qui
ont voulu me répondre ne pouvant pas attaquer le principe au fond, ont voulu le
présenter comme ridicule.
On a dit que si la chambre
avait la collation des concessions de routes de chemin de fer et de mines, elle
ferait de l’administration. Mais administrer c’est régir. Or, accorder une
concession c’est une aliénation, et une aliénation n’est pas un fait
d’administration, c’est un fait de propriétaire.
On veut me jeter
dans l’absurde et pour cela on de rendre ridicule la demande que je fais. Je ne
dis pas que nous devons appeler à nous toute espèce de concession, quoique je
n’aie pas tous mes apaisements sur la question de constitution qui a été
défendue avec talent par l’honorable M. de Brouckere, lorsque nous avons fait
la loi de 1832 ; mais je conçois qu’on pourrait laisser au gouvernement la
concession des routes pavées, parce que là il n’y a jamais préjudice pour les
citoyens, mais au contraire toujours avantage. Il n’en est pas de même pour la
concession des canaux ou des chemins de fer. Un canal, comme un chemin de fer,
coupe un bien en droit et détruit une propriété, sans être d’aucune utilité au
propriétaire, et d’un autre côté une concession de ce genre peut priver le
trésor de ressources immenses, il importe que la législature intervienne.
J’irai même plus
loin, et à cet égard je rappellerai la loi de 1791. On pourrait, si on le juge
convenable, établir une différence, abandonner au pouvoir exécutif certaines
concessions et laisser celles d’une certaine importance au pouvoir législatif.
En un mot, le gouvernement veut tout accaparer. Moi je ne dis pas que le
pouvoir législatif doit tout accaparer, mais je dis que le gouvernement ne doit
pas tout accaparer. Il importe que le pouvoir législatif intervienne avant que
la concession soit accordée ; car, si elle n’intervient qu’après, il n’en
résultera que des déboursés considérables à la charge du trésor public, ainsi
qu’il en a été dans plusieurs circonstances.
Le gouvernement
représentatif n’est pas, comme dit M. le ministre des travaux publics, un
gouvernement de confiance ; c’est un gouvernement de défiance. Les
gouvernements de confiance, ce sont les gouvernements absolus. Mais les
gouvernements représentatifs, qui votent eux-mêmes leur budget, qui discutent
les moindres dépenses, sont des gouvernements de défiance ; et en supposant
qu’on accorde à un ministère quelque confiance, jamais elle ne sera illimitée.
Toujours est-il que l’intervention du pouvoir législatif est nécessaire pour
empêcher les abus.
L’honorable
ministre de l’intérieur et des affaires étrangères a prétendu établir que le
système consistant à faire donner les concessions par la loi était un système
impossible, impraticable, inexécutable. A cela la réponse est facile ; c’est
que ce système est suivi aux Etats-Unis, en Angleterre, et en France. Dans ce
pays, les routes les canaux, les chemins de fer sont concédés par la loi. Le
gouvernement français ne peut concéder un quart de lieue de route pavée sans
une loi ; et l’on dira que ce système est inexécutable. Tous les jours cela
s’exécute en France. Sommes-nous plus inhabiles que les chambres françaises ?
Ne pouvons-nous pas faire ce qui se fait en France ?
Je sais qu’il y a
des membres qui trouveront ce système inexécutable. Ce sont ceux qui veulent
des concessions ; car ils trouvent plus commode de les demander aux ministres
qu’à une assemblée parlementaire. Mais la masse des électeurs, des citoyens, a
intérêt à voir ses droits discutés avec les concessionnaires ; elle doit donc
désirer que les concessions soient données par une assemblée parlementaire.
Vous voyez donc que
c’est une grande inexactitude que présenter comme inexécutable un système suivi
aux Etats-Unis, en Angleterre et en France, en un mot dans tous les
gouvernements représentatifs connus.
Mais, dit le
ministre les bills passent sans examen en Angleterre. Le même ministre nous
apprend que plusieurs années s’écoulent avant qu’ils soient votés. Le ministre
sait comme moi que les bills sont examinés, qu’ils sont discutés dans leur
ensemble et dans leurs détails.
An reste je suis
loin de prétendre (et je désapprouverais ce système s’il était présenté par
quelqu’un) que la chambre doit tout faire dans les concessions. Je pense que le
gouvernement doit instruire, faire l’enquête, amener l’affaire à maturité ; et
qu’alors la concession doit être le fait du pouvoir législatif pour les grandes
concessions. Je ne pense pas qu’il y eût plus de lenteur en procédant ainsi. En
effet, combien de concessions se sont données depuis six ans ? Certes la chambre
aurait pu les donner toutes. D’ailleurs combien le système suivi maintenant
n’offre-t-il pas de dangers ? Je citerai un exemple pour le prouver.
Vous savez qu’il a
été question de la concession d’un canal de l’Escaut jusqu’à Roubaix.
M.
Desmet. - C’est-à-dire une partie de
M. Dumortier. - Soit :
Voyez dans quelle
position se sont trouvés les députés de
On vous cite pour
exemple de l’avantage des concessions accordées par le gouvernement la route de
Laeken. A cet égard, je dois détruire un fait erroné.
A entendre M. le
ministre des travaux publiés, la route de Laeken sur laquelle voitures,
cavaliers et piétons paient un droit de péage, n’aurait rapporte jusqu’ici ni
dividende ni intérêt. Mais, dites-nous alors ce qu’on a fait du produit de
cette route ; car il faut bien qu’on en ait fait quelque chose.
Un membre. - Et l’entretien !
M. Dumortier. - Oui, une route de 3/4 de lieue,
nouvellement construite. Que son produit soit absorbé par les frais
d’entretien. Ah ! prenez garde, celle-là est vraiment trop forte. (On rit.)
Lorsque je vois sur
cette route des milliers de personnes, lesquelles paient un droit de péage
comme du bétail (on rit), il est bien
clair pour moi que cette route produit un revenu ; si on ne l’a consacré ni à
l’intérêt ni à l’amortissement, alors, que diantre en a-t-on fait ? (Hilarité.)
On a parlé du
chemin de fer du Haut et du Bas-Flénu On a dit que ce n’était pas une grande
communication, que c’était à tort que je l’avais dit. Mais je ne l’ai pas dit.
Je me suis borné à dire que si ce chemin avait été concédé par une assemblée
parlementaire, on n’aurait pas vu les abus dont on s’est plaint, abus qui
subsistent encore, quoi qu’ait pu dire le préopinant qui a, dit-il, de bonnes
raisons pour être mieux informé que moi.
L’abus que j’ai
signalé n’est pas de mon invention. La preuve de cet abus se trouve dans les
archives de la chambre ; dans les plaintes des sociétés voisines qui toutes ont
vu avec déplaisir la concession accordée par le gouvernement. D’ailleurs il est
incontestable que ce chemin vendu un million et demi a été revendu 2 millions
et demi. Ensuite les actions qui étaient à 110 et 120 sont tombées à 93.
Pourquoi ? parce que la concession a été accordée par le gouvernement avec si
peu de réserve que cette route qui devait être un bienfait pour l’industrie est
tombée dans l’agiotage. Elle a été exploitée par des sociétés particulières,
par la banque et ses agents. Les bénéfices qui devient être pour tous les
citoyens ont été tous pour la banque et les agents de la banque.
Moi je tremble
quand je vois le gouvernement dans la possibilité d’accorder de grandes
concessions à des sociétés particulières qui viendront agioter et qui feront le
malheur du pays.
Pensez-vous si vous
aviez à voter une loi de concession de mines dont les sociétés désirent tant
s’emparer, une loi de grande communication par chemins de fer, que vous ne
pourriez pas y introduite des stipulations telles que vous empêcheriez les
abus ? Certes dans une assemblée délibérante de 100 personnes, il y a plus
de lumières qu’il n’en sortira jamais des lumières du gouvernement. Vous voyez
donc que l’intérêt du pays exige que ces grandes communications soient
concédées par le pouvoir législatif. Lorsque nous viendrons à la loi sur les
concessions, j’espère que la chambre prendra mes observations en considération.
On a parlé des
adjudications et on croit avoir trouvé là un grand argument. Sans doute
l’adjudication publique est une garantie. Cependant nous voyons souvent combien
cette garantie est illusoire. Ce sera un ingénieur du gouvernement qui aura
fait le projet qui demandera la concession pour lui ou ses adhérents. Que
devient en pareil cas la garantie de l’adjudication ? Si c’est un individu
opposé aux ingénieurs qui obtient l’adjudication, ils feront tout pour
l’empêcher d’exploiter la route. D’ailleurs ici, l’adjudication est la seule
garantie, tandis que si la chambre faisait la loi il y aurait d’immenses
garanties dans la publicité et dans la faculté que nous aurions tous de
recueillir des renseignements.
J’ai maintenant un
mot à répondre sur le produit des barrières. Voyez à combien d’abus on peut
donner lieu. Vous savez que la presque totalité du produit de barrières
provient de trois provinces : les deux Flandres et le Hainaut. Pourquoi ? Parce
qu’avant la révolution française ces provinces ont construit elles-mêmes leurs
routes. Le gouvernement s’est emparé de ces routes. Le produit de ces routes
forme un fonds commun. Je le veux bien. Que l’on mette dans ce fonds commun le
produit des impôts et des sueurs de trois provinces. Mais ce n’est pas seulement
cela. On est injuste pour ces localités.
Ainsi, l’honorable
M. A. Rodenbach nous citait une route de Roulers ; il y a plusieurs années que
l’on sollicite pour remplir la lacune qui existe de ce côté ; la province a
voté soixante mille francs pour cet objet, et le gouvernement n’a encore rien
décidé ; si les chambres avaient eu à statuer sur cette question, il y a
longtemps qu’elle serait résolue.
J’ai cité, dans une
autre occasion, la commune de Dixmude et ses communications avec Furnes : les
routes de ce pays sont des moins praticables pendant l’hiver, et néanmoins on
n’a rien fait pour ces contrées, tandis que l’on a dépensé des millions dans le
Limbourg et dans le Luxembourg. (Bruit.)
M. d'Hoffschmidt et M. A. Rodenbach demande la parole.
M. Dumortier. - Je citerai encore un
fait, et je le puiserai dans les discussions de la chambre. Vous savez qu’on a
adressé des plaintes pour une roule de Beauraing à Bouillon, dans la province
de Namur ; eh bien ! je tiens d’un habitant de la contrée qu’on a dépense là un
million inutilement, et qu’avec la moitié ou le tiers de cette somme, on aurait
pu satisfaire aux besoins de ces localités.
Je crois que toutes
ces considérations démontrent à l’évidence qu’on doit entrer dans un système
nouveau.
Je n’en dirai pas
davantage, parce que la chambre doit être convaincue que le système actuel est
vicieux.
M. de Jaegher. - M. Dumortier a dit
que je m’étais servi du terme d’ « absurde » pour qualifier soit
opinion ; je ne sais si ce mot lui a été utile pour rentrer en matière,
toujours est-il que je ne l’ai pas employé. Dans mon discours, j’ai apprécié
son opinion, mais je ne l’ai pas qualifiée ; quand à mon discours en lui-même,
je ne sais, comme il a dit, s’il l’a amusé, mais ce que je sais, c’est que je
ne puis en dire autant du sien. (On rit.)
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb).
- A en croire l’honorable M. Dumortier, la province du Hainaut a été traitée
injustement par mon prédécesseur ; je tiens à prouver le contraire.
M. Dumortier. - Je n’ai pas dit cela.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb).
Si vous ne l’avez pas dit, c’est tout comme.
Le Hainaut a reçu
en 1836, sur le produit des barrières, 337,997 fr. pour l’entretien de ses
routes, et 269,716 fr. pour en construire des nouvelles ; en tout 603,715 fr.
Et comme le montant
des droits de barrières est un peu plus de 2 millions, le Hainaut a reçu plus
du quart du produit total.
M.
Pirmez. - Vous dites ce qu’il a reçu ; dites aussi combien produisent
ses barrières.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb).
- Je n’ai pas ce tableau ; mais prétendez-vous que le Hainaut doit recevoir une
somme égale au montant de la perception dans cette province ? Dans ce cas
proposez que le montant des droits de barrières restent dans chaque province.
Quoi qu’il en soit, le Hainaut a reçu en 1836 plus de 600,000 fr ; il me semble
que c’est quelque chose.
M. Dumortier. - Je demande la parole pour un
fait personnel. Je n’ai pas dit que le Hainaut fût tout à ait déshérité par le
ministre précédent pour l’entretien des routes ; mais j’ai dit que dans
l’emprunt de six millions le Hainaut n’aurait rien, ou presque rien.
M. d'Hoffschmidt. - Je demande la
parole.
De toutes parts. - La clôture ! la clôture !
M. d'Hoffschmidt. - Je demande la parole
contre la clôture.
Je m’oppose à la
clôture parce que je tiens à rectifier l’erreur dans laquelle est tombé M.
Dumortier en avançant que le Luxembourg a reçu plusieurs millions pour
constructions de routes, tandis qu’il n’a été accordé que 645 fr. à cette
province l’année dernière pendant que le Hainaut a été si bien doté ; j’aurais
en outre quelques observations à présenter et pour lesquelles quelques mots
suffiraient.
(Addendum
inséré au Moniteur belge n°53, du 22 février 1837) M.
Watlet. - Messieurs, je ne comptais point prendre la parole dans cette
discussion, car il me paraissait aussi inutile de réclamer dans cette enceinte
des mutations de routes que de combattre celles demandées, parce que dans
l’état actuel des choses, la chambre est incompétente pour prendre une décision
sur cette matière.
Mais, parmi les orateurs entendus, plusieurs ayant
insisté d’une manière toute particulière sur l’inégalité de la répartition de
l’emprunt de six millions et sur la circonstance que le Luxembourg en absorbait
la plus grande partie, il m’importe dans l’intérêt de la province que je
représente, et dans celui de la vérité, de rétablir les faits et de ne point
laisser sans réponse de pareilles allégations. Je m’oppose donc à la clôture et
demande que la parole me soit maintenue. Je promets d’ailleurs de ne pas abuser
trop longtemps des moments que voudra bien m’accorder la chambre, car je pense
qu’il sera très facile de réfuter victorieusement les récriminations que j’ai à
combattre.
M.
Pirmez. - Je demande aussi la parole contre la clôture pour rectifier
beaucoup d’inexactitudes avancées dans la discussion.
De toutes parts. - La clôture ! la clôture !
- La chambre ferme
la discussion.
Le chiffre
2,065,000 fr. pour les routes est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Canaux
et rivières : fr. 298,510. »
M.
Desmet. - Je demanderai à M. le ministre des travaux publics s’il
présentera un projet de loi sur le canal de Zelzaete. Il y a une grande
nécessité de le construire.
Le canal d’Ostende
à Bruges est le plus beau canal de l’Europe ; il a
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb).
- Si le temps le permet, je présenterai à la chambre deux projets : l’un
relatif à la canalisation de l’Escaut et de
M. Vandenhove. - Messieurs, depuis plus de quarante ans les
communes riveraines de Demer réclamaient en vain contre le mauvais état de la
navigation, qui est tel que dans certaines localités les navires peuvent à
peine passer.
Le gouvernement
précédent, par deux arrêtés du 19 décembre 1819, remit à la province du Brabant
méridional les ouvrages situés sur la rivière le Demer, et le dévasement de la
rivière, et tous les revenus sans aucune exception. Alors les intéressés
renouvelèrent leurs instances aux états provinciaux pour l’élargissement et le
curage à vif fond, etc., etc. du Demer ; leurs réclamations n’eurent aucun
succès ; on perdit du temps en arpentage, en formation de devis, jusque un an
avant la révolution ; à cette époque on apaisa leurs plaintes par un projet de
canal à creuser à côté de la rivière, à partir de Vilvorde à Diest ; ce projet
ne s’exécutant pas, et la navigation s’empirant de jour en jour, en 1835, j’ai
ouvert une correspondance avec les autorités des communes lésées et M. le
gouverneur de la province de Brabant, qui eu pour seul résultat, l’envoi de M.
le commissaire d’arrondissement de Louvain sur les lieux, ainsi que des
ingénieurs provinciaux, qui firent de nouveaux calculs et dressèrent des devis
; et en dernière analyse après huit mois de correspondance, M. le gouverneur
m’écrivit que l’affaire était ajournée jusqu’à la prochaine session du conseil
provincial ; effectivement dans une de ses séances, la navigation du Demer fut
mise en délibération ; mais à la fin de la discussion, la députation fut
invitée de proposer au gouvernement de reprendre le Demer ; comme cette
proposition se trouve au ministère des travaux publics, je prie M. le ministre
de vouloir l’examiner ; je suis persuadé qu’après l’avoir bien appréciée, il
mettra un terme aux justes réclamations des habitants de la vallée du Demer sur
l’état déplorable de la navigation ; cet état cause aussi un grand préjudice
aux gouvernement, depuis l’établissement du camp à Beverloo, où les
approvisionnements arriveraient à bien moins de frais s’ils pouvaient remonter
la rivière jusqu’à Diest.
- Le chiffre 298,510
fr. est adopté.
Articles
3 à 7
« Art. 3.
Ports et côtes : fr. 280,585. »
- Adopté.
_________________
« Art. 4.
Phares et canaux : fr. 9,704. »
- Adopté.
_________________
« Art. 5.
Polders : fr.
- Adopté.
_________________
« Art. 6. Bâtiments civils : fr. 28,000. »
- Adopté.
_________________
« Art. 7. Personnel : fr. 339,800. »
- Adopté.
« Art. 8.
Exécution de la convention du 19 janvier 1837, relative au resserrement de
l’inondation de Liefkenshoek et à l’endiguement du polder de Lillo. Pour
mémoire. »
M. de Brouckere. - Je veux faire remarquer à
l’assemblée que le rapport présenté par le ministre sur ce dernier article ne
renferme aucune conclusion ; il pose seulement trois hypothèses et dit : choisissez
; or, quelque détaillé, quelque bien fait que soit ce rapport, nous ne pouvons
pas voter sur des hypothèses.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb).
- Je propose l’exécution de la convention en ce qui concerne le rétrécissement
de l’inondation de Liefkenshoek ; je suis forcé de demander l’ajournement de
l’exécution de cette convention quant au nouvel endiguement du polder de Lillo,
et cet aveu de ma part ne vous surprendra pas ; entré depuis un mois au ministère,
je ne puis légèrement vous proposer une si énorme dépense qui nous laisse
d’ailleurs sans résultat complet.
M. Vergauwen. - Il faut ajourner
l’article.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb).
- Nous pouvons ajourner pendant quelque temps la deuxième partie de la
convention ; si le gouvernement est forcé de pourvoir à l’entretien du grand
endiguement du polder, il trouvera les fonds nécessaires pour cet objet à
l’art. 5.
Ma proposition se réduit
donc à ceci : « Exécution de la convention du 19 janvier 1837, en ce qui
concerne le resserrement de l’inondation de Liefkenshoek,, et ajournement
provisoire de l’exécution de la convention relative à la nouvelle digne du
polder de Lillo.
M. F. de Mérode. - Cet ajournement
inquiétera jusqu’à un certain point les habitants des polders qui environnent
Lillo, et qui sont inondés depuis la révolution. Il y a plusieurs de ces
habitants qui sont réduits à la misère, de propriétaires qu’ils étaient
auparavant.
Je sais qu’il
existe des difficultés relativement à la digue à établir et qu’on peut
resserrer autour du fort Lillo à certaines conditions, ou éloigner, à d’autres
conditions moins onéreuses sous le rapport militaire et plus avantageuses aussi
pour les intérêts des agriculteurs. J’appelle sur cet objet l’attention très
spéciale de la chambre, car il est vraiment inouï que des propriétaires soient
si longtemps privés des revenus de leurs terres, dans l’intérêt général et sans
aucun dédommagement ; si les travaux ne peuvent être faits prochainement, il
faut, au moins qu’on accorde aux propriétaires le revenu présume de leurs
propriétés ; cela serait parfaitement juste.
J’espère donc que
M. le ministre des travaux publics pourra nous présenter très prochainement
l’état des réparations à faire ; sans cela je ne pourrais voter pour l’article.
M. de Brouckere. - M. le ministre des travaux
publics à très bien senti, messieurs, que nous ne pouvions pas discuter un
rapport sans conclusions formelles, mais il a déclaré à la chambre que n’étant
chargé que depuis peu du département à la tête duquel il se trouve, il n’était
pas à même de prendre lui-même une décision sur l’objet dont il s’agit ; mais
en attendant que la question puisse être jugée par lui en premier ressort et en
dernier lieu par la chambre, il demande que nous votions 50,000 francs pour
l’exécution d’une partie de la convention du 19 janvier.
Je ne crois pas,
messieurs, que nous puissions adopter une semblable proposition ; car, quoique
M. le ministre modifie la somme, il veut néanmoins que nous consacrions le
principe ; une fois que nous aurions par un premier vote consacré le principe,
nous serions bien forcés d’en subir toutes les conséquences, et après avoir
voté aujourd’hui 50,000 francs, nous ne pourrions pas faire autrement que d’en
voter de nouvelles pour achever de mettre le traité à exécution.
La matière dont
nous nous occupons soulève des questions de la plus haute importance, du plus
grand intérêt ; la décision que vous allez prendre intéresse d’abord la
politique du pays, la dignité nationale ; veuillez lire les articles du traité
et vous verrez qu’il y en a de vraiment humiliants pour le pays, il y en a qui
sont d’une sévérité dont je crois qu’on n’a jamais vu d’exemple. Pour n’en
donner qu’un exemple, veuillez remarquer que le batelier qui aurait oublié
d’allumer sa lanterne ou dont la lanterne se serait éteinte, serait exposé à
voir son bâtiment coulé bas sans aucun avertissement préalable et sans avoir le
droit de faire aucune plainte. Je fais cette remarque non pas pour critiquer
aujourd’hui le traité, mais seulement pour prouver que nous ne pouvons pas
l’approuver légèrement, sans l’avoir mûrement examiné et mûrement discuté.
Le rapport soulève
de plus une question de défense militaire ; et du premier pas que vous allez
faire dans cette voie, pourront résulter des conséquences qui nous
entraîneraient beaucoup plus loin que nous ne pouvons le prévoir dans ce
moment. Je pense donc que nous commettrions un acte très imprudent en émettant
aujourd’hui un vote, quel qu’il fût, relativement à l’objet dont nous nous
occupons.
Comme l’a très bien
dit l’honorable comte de Mérode, la position des habitants des polders est
extrêmement malheureuse et qu’il leur est dû des secours efficaces, mais je
crois qu’il y a un meilleur moyen à proposer que le simple vote d’une somme de
50,000 fr. ; je demanderai qu’une commission soit chargée d’examiner le rapport
de M. le ministre des travaux publics, qu’elle invite M. le ministre à se
rendre dans son sein, qu’elle examine mûrement toutes les questions que soulève
ce rapport et qu’elle vienne ensuite nous présenter des conclusions formulées
contradictoirement ou d’accord avec le ministre des travaux publics. Cette
commission pourra terminer son travail dans un temps peu
éloigné et nous émettrons alors un vote définitif, un vote raisonné, nous
prononcerons alors en connaissance de cause. C’est là, messieurs, le seul moyen
de venir efficacement au secours de nos malheureux concitoyens qui
véritablement méritent à tout égard que nous nous occupions activement d’eux ;
tandis qu’aujourd’hui en votant la somme de 50,000 fr., nous consacrerions un
principe dont nous ne prévoirions pas les conséquences, et nous ne ferions que
peu de chose en faveur des malheureux habitants des polders.
Je propose qu’une
commission soit nommée par le bureau pour examiner toutes les questions que
soulève le rapport de M. le ministre des travaux publics et qu’après avoir
entendu M. le ministre, elle nous présente des conclusions sur ce rapport.
La commission
sentira elle-même qu’elle ne peut pas différer longtemps l’exécution de la
tâche que la chambre lui aura confiée ; je demande qu’elle s’en occupe dans le
plus bref délai possible.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb).
- Le ministère consent volontiers, messieurs, à la nomination d’une commission
pour examiner l’importante question donc il s’agit ; je me propose de visiter
les polders ; je serai à même de donner à la commission des renseignements
positifs. Cependant je crois que l’honorable préopinant s’exagère les
conséquences du vote que j’ai proposé à la chambre relativement au
rétrécissement de l’inondation de Liefkenshoek : on aurait pu faire deux
conventions : l’un relative à ce rétrécissement et l’autre relative au nouvel
endiguement du polder de Lillo ; aujourd’hui ces deux objets se trouvent réunis
dans une même convention mais l’exécution n’en devient pas pour cela
corrélative ; le vote de 50,000 fr. pour le rétrécissement de l’inondation de
Liefkenshoek n’engagerait à rien relativement au polder de Lillo. Vous
connaissez le rapport et la carte qui doit y être jointe ; vous avez dû voir
que les deux polders sont séparés par l’Escaut.
La commission
pourrait donc n’être saisie que de l’arrangement relatif au polder de Lillo,
car c’est, je crois, là, la seule partie de la convention qui fasse question.
Quant au rétrécissement de l’inondation de Liefkenshoek, il n’y a aucune
difficulté à cet égard ; celte partie-là peut recevoir immédiatement son
exécution. Si la convention est ratifiée du jour où la ratification sera
notifiée au commandant des forts, les eaux seront abaissées autour de
Liefkenshoek.
M.
Rogier. - Puisque M. le ministre des travaux publics n’est pas encore à
même de faire à la chambre une proposition formelle relativement au polder de
Lillo et qu’il a consenti à la nomination d’une commission chargée d’examiner
son rapport et de présenter des conclusions à la chambre, je prierai les
honorables membres qui feront partie de la commission de s’occuper activement
de cet objet. Il est évident que la situation des habitants des polders mérite
tout l’intérêt de la chambre et qu’il est temps de leur rendre une justice qui
s’est trop longtemps fait attendre. J’espère donc que la commission voudra bien
s’écarter un peu de l’usage établi par beaucoup d’autres commissions et
présenter son rapport dans un très bref délai.
Depuis la
convention du 21 mai la position des polders de Lillo et de Liefkenshoek est
devenue toute particulière : à l’époque où eut lieu la prise de la citadelle
d’Anvers par un de nos alliés
Les Hollandais
restèrent nantis de ces deux forts, mais
L’on peut dès lors
considérer l’inondation des polders de Lillo et de Liefkenshoek comme une
espèce d’expropriation opérée par
Il y a donc eu
véritablement expropriation forcée pour cause d’utilité publique ; et tout le
monde conviendra avec au moi qu’au partir du départ des Français de
C’est, je pense,
sous ce point de vue que la commission devra examiner la question.
Il est certain
qu’il y a différentes manières d’indemniser les propriétaires des polders
inondés.
M. le ministre a indiqué à la chambre un moyen de dédommagement qui
consisterait a acquérir pour le compte du domaine, sans doute, une partie des
polders. C’est là encore une hypothèse qui est susceptible de se réaliser.
Du reste, si
l’affaire est renvoyée à une commission, que cette commission veuille bien
faire son rapport et présenter des conclusions dans un bref délai. Je bornerai
là mes observations, me réservant d’en présenter de nouvelles, lorsque la
chambre sera saisie du rapport de la commission.
M.
le président. - M. le ministre des travaux publics s’est rallié à la
proposition de M. de Brouckere, seulement en ce qui concerne l’endiguement du
polder de Lillo ; M. de Brouckere propose le renvoi de toutes les questions à
l’examen d’une commission.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). -
Messieurs, il me paraît qu’on pourrait renvoyer simultanément les deux
questions à l’examen de la section centrale, à la condition qu’elle fasse
ensuite un rapport spécial sur la petite digue qui concerne l’assèchement du
polder de Liefkenshoek, car la chambre est d’avis sans doute qu’on peut
utilement isoler les projets des deux digues et donner de toute manière au
gouvernement les moyens d’assécher de suite le polder que je viens de nommer.
Je demanderai à la
chambre de me permettre de lui présenter une courte observation que je désire
faire parvenir aussi à la section centrale, afin que si elle le juge
convenable, elle veuille bien en faire l’objet de ses méditations.
Vous aurez remarqué, messieurs, que dans un passage du rapport de M. le
ministre des travaux publics, il est parlé, d’une manière incidente, il est
vrai, d’un moyen de dédommagement aux inondés, qui consisterait à acquérir le
polder de Lillo. Je demanderai que la section centrale tienne compte de cette
idée qui mérite toute son attention.
L’année dernière on
a demandé 300 mille francs pour les victimes de l’inondation. On en demandera
peut-être encore autant cette année.
Or, il serait
possible qu’il résultât de grands avantages de l’acquisition par le
gouvernement du polder de Lillo, et par suite du paiement annuel, au moyen, par
exemple, d’une inscription au grand-livre de la dette publique, d’une somme
quelconque aux intéressés.
Je ne puis
qu’indiquer sommairement cette observation dont la commission voudra bien faire
l’objet d’un examen particulier.
M. de Brouckere. - Ce que vient de dire M.
le ministre des finances est fort juste, il peut être bien tranquille sur les
opérations de la commission, relativement au point qu’il vient de traiter ; car
l’observation qui a faite relativement qu’il a faite relativement à la
possibilité d’acquérir le polder inondé a frappé beaucoup de membres de cette
chambre, et il n’est pas douteux dès lors qu’elle attirera également toute l’attention
de la commission.
Quant à la demande
de M. le ministre des finances, tendant à ce qu’un rapport spécial soit
présenté relativement à la digue du polder de Liefkenshoek, la commission y
aura tel égard qu’elle jugera convenable. Si elle trouve qu’il n’y a pas
d’inconvénient à diviser son rapport en deux parties, et à présenter dans un
plus bref délai celle qui concerne le polder Liefkenshoek, elle le fera. (Adhésion.)
- La proposition de
M. de Brouckere, modifiée dans le sens des observations qui précède, est mise
aux voix et adoptée.
La chambre décide
ensuite que la commission qui sera chargée de l’examen des deux questions sera
composée de 7 membres et nommée par le bureau.
PROJETS DE LOI
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb)
dépose sur le bureau :
1° Un projet de
loi, portant prorogation de la loi concernant les péages sur les chemins de fer
;
2° Trois
amendements, dont l’un relatif à la poste rurale, et le seconde concerne une
demande de crédit supplémentaire au budget (transfert de l’exercice 1833) ; le
troisième enfin est le budget des dépenses du chemin de fer.
- La chambre décide
que l’amendement relatif à la poste rurale sera renvoyée à la section centrale
du budget des finances ; et les deux autres, concernant la demande du crédit
supplémentaire et le budget du chemin de fer, à la section centrale du budget
de l’intérieur.
La séance est levée
à 4 heures trois quarts.