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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du mercredi 14 janvier 1835
Sommaire
1)
Pièce adressée à la chambre
2)
Projet de loi relatif à la transformation des cents en centimes (Schaetzen, Eloy de Burdinne, Desmet, A. Rodenbach, d’Huart, Eloy de Burdinne, Verdussen, d’Huart, A. Rodenbach, Verdussen, Coghen, Gendebien, d’Huart, Coghen, Meeus,
Coghen, Eloy de Burdinne, A. Rodenbach, Meeus, de Robaulx, d’Huart, Coghen, Gendebien, d’Huart, Gendebien, d’Huart, de Brouckere, d’Huart, de Brouckere, Meeus, Dumortier, d’Huart)
3) Projet
de loi portant le budget du département de la marine pour l’exercice 1835.
Discussion des articles. Agents comptables sur les bâtiments de l’Etat (de Muelenaere, Milcamps),
matériel (de Muelenaere, de
Brouckere, de Muelenaere, de Brouckere, F. de Mérode, de Muelenaere, Coghen),
protection de la marine marchande et constitution d’une marine militaire belge
(de Foere, de Muelenaere, Eloy de Burdinne, Meeus, de Foere, de Muelenaere, Eloy de Burdinne, Nothomb, Smits, de Foere, F.
de Mérode)
4)
Projet de loi portant le budget du département de la justice pour l’exercice
1835. Discussion générale. Lutte contre la pratique des duels, les jeux de
hasard et/ou mesures contre les étrangers (de Robaulx,
Ernst), lutte contre la pratique des duels (de Robaulx, Ernst, Desmanet de Biesme, Ernst)
(Moniteur belge n°15, du 15 janvier 1835)
(Présidence de M. Raikem)
M.
Dechamps procède à l’appel nominal à une heure.
M.
Brixhe donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la
rédaction en est adoptée sans réclamation.
M.
de Renesse. fait connaître l’analyse de la pétition suivante.
PIECE ADRESSEE A
« M. Carton,
vicaire à Ardoye, présente des observations sur des sourds-muets. »
- Renvoi à la commission
des pétitions.
Discussion générale
M. Schaetzen. - Je viens appuyer, messieurs, le projet
ministériel ; je partage l’opinion de la commission des finances sur les inconvénients
qu’il y aurait à remettre ou à laisser rentrer en circulation les anciens cents
au taux de deux centimes.
Aux motifs que la
commission a exposés par l’organe de son rapporteur, j’ajouterai qu’il importe
beaucoup que les cents cessent entièrement d’avoir cours, et qu’il convient que
M. le ministre des finances tienne la main à ce qu’ils ne soient reçus à aucun
taux dans les caisses publiques. S’il en était autrement,
En premier lieu, l’on
sait qu’il y a à la fabrication de la monnaie de cuivre un bénéfice d’un tiers
; ainsi, en confectionnant pour neuf cent mille francs de cents, elle ferait un
bénéfice de trois cent mille florins.
J’appellerai maintenant
l’attention du gouvernement sur un autre point qui tient à l’exécution de la
loi monétaire, je veux dire sur le manque presque total de pièces de un
centime. Il en résulte les inconvénients les plus graves et des pertes énormes
pour la classe ouvrière, celle qui a le plus besoin de la protection du
législateur.
L’absence des pièces de
un centime oblige le détaillant à fixer ses prix en nombres pairs par
l’impossibilité où il sait que se trouvent les acheteurs de solder les prix
réglés en nombres pairs, et pour ne pas perdre lui-même le centime que l’on ne
peut payer.
Le marchand gagne ainsi,
en sus du bénéfice qu’il doit faire sur le prix de sa marchandise, dix à quinze
p. c. sur l’argent, et ce lucre accidentel se fait plus particulièrement sur la
classe la plus malheureuse de la société.
Il suit de là que
l’ouvrier qui gagne par exemple en un an trois cents journées, et qui est
obligé de dépenser le salaire de ces trois cents journées en objets que lui et
sa famille doivent se procurer en détail ou par petites quantités à la fois,
perd tous les ans, sur la monnaie, le produit de trente jours de travail ; en
d’autres termes, qu’il doit travailler tous les ans trente jours pour rien.
Ce résultat est
effrayant, et il importe d’y remédier le plus tôt possible.
M. le ministre, ainsi
qu’il résulte de l’exposé des motifs qui accompagne le projet en discussion, a
l’intention de faire une nouvelle émission de cuivre pour 600,000 francs : que
M. le ministre saisisse cette occasion pour remplir la lacune que nous venons
de signaler, et il aura rendu un véritable service au pays ; un autre motif qui
doit l’engager à augmenter le nombre des pièces de 1 centime, c’est que, dans
notre système monétaire qui est composé de onze pièces, il n’y en a que trois
qui donnent un nombre impair ; savoir : la pièce de 1 centime, celle de cinq
centimes et celle de vingt-cinq centimes : de là une nouvelle difficulté pour
solder des comptes qui présentent des sommes impaires. Une plus grande quantité
de pièces de 1 centime fera disparaître cet autre inconvénient.
La
commission des finances paraît craindre que la nouvelle émission de 600,000
francs pourrait occasionner de l’embarras pour le commerce.
Je ne suis pas ici de
son avis : le cuivre, qui peut abonder dans quelques endroits parce que l’on y a
encore l’habitude de recevoir la pièce de deux centimes pour un cents, manque
généralement partout ailleurs ; mais lorsque se sera mis sur le pied de compter
en francs et centimes, l’équilibre se rétablira et aucun point du royaume ne
sera surchargé de monnaie de cuivre.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, dans
l’exposé des motifs du projet de loi sur la transformation des cents et
demi-cents en 2 centimes et 1 centime, M. le ministre des finances avait dit
que, par suite de cette transformation, il ne résulterait qu’une perte de
250,000 francs au lieu de 800,000 francs. Sur ce point il n’y a pas de doute
que la chambre n’adopte le mode le moins dispendieux. M. le ministre propose en
outre, pour couvrir cette perte, de faire battre une valeur de 600,000 francs
en pièces de cinq centimes. Voici les expressions de la commission spéciale des
finances à cet égard : « M. le ministre propose, afin de combler la perte qui
résultera de la conversion, de faire battre encore pour 600,000 francs de
pièces de 5 centimes.
« La commission ne
peut se dispenser de faire remarquer que si, avant la révolution, une valeur
numéraire de fr. 1,469,228 en cuivre suffisait aux transactions, il pourrait y
avoir lieu à beaucoup d’embarras pour le commerce de détail, si, au-delà des
995,000 fr. déjà émis, et des 1,165,000 fr. à émettre, après la transformation
à opérer, on augmentait encore de 600,000 fr. la quantité qui sera en
circulation, et qui déjà excède de 694,000 fr. celle existant avant les événements
de 1830. »
Singulière fatalité,
messieurs, dans mon opinion ! Quand on propose quelques avantages pour le
commerce, tout de suite on expose des craintes que cela n’occasionne des
embarras, des inconvénients. J’approuve au fond toute sollicitude paternelle
pour le commerce ; cependant, je ne suis pas d’avis qu’on doive aller jusqu’à
montrer tant d’inquiétudes, quand il s’agit de quelque chose d’avantageux pour
lui. Le commerce de détail n’est-il pas intéressé à avoir de la petite monnaie
de cuivre ? C’est une économie de temps réelle. Il est universellement reconnu
que l’abondance de ce genre de monnaie ne nuit jamais, et au contraire,
favorise toujours le commerce ; et en outre, cette abondance nous évite le
grave inconvénient d’employer de la monnaie étrangère, dont le bénéfice est
pour nos voisins.
L’idée
de faire battre pour 600,000 fr. de pièces de 5 centimes me paraît des plus
heureuses, et il serait à souhaiter que toutes les propositions faites dans l’intérêt
du pays ressemblassent à celle-ci. Je voterai donc pour le projet du
gouvernement.
M.
Desmet. - Messieurs, je ne comprends pas bien l’utilité de l’opération
qu’on nous propose, ni les bénéfices qu’en va retirer le pays ; je crois voir
au contraire que le pays y perdra.
Il paraît qu’il existe
dans la caisse de l’Etat une quantité de cents pour une valeur de 1,233,270 fr. 83 c. et dont la valeur vénale, comme vieux
cuivre, d’après l’exposé de M. le ministre, ne s’élèverait qu’à 430 ou 450,000
francs.
Si donc, dit M. le
ministre, vous laissez livrer cette masse au creuset, il en résultera pour le
pays une perte d’environ 800,000 francs. Mais laissez-moi transformer ces
anciens cents en pièces de 2 centimes, il ne résultera de cette conversion
qu’une perte de 230,000 francs au lieu de 800,000 ; savoir 67,822 fr. 3 c. pour
différence existant entre les valeurs monétaires respectives, et 162,000 francs
pour frais de fabrication.
Mais, messieurs, M. le
ministre n’est pas obligé de fondre les cents qui se trouvent dans la caisse de
l’Etat, ni les transformer en centimes : qu’il les mette en circulation, le
trésor ne perdra rien, et le pays y gagnera, car les spéculateurs les feront
passer en Hollande et en auront un bénéfice.
Quand les cents ont été
démonétisés, immédiatement ils ont reçu une valeur commerciale et ont été cotés
à deux centimes donc une différence en moins avec leur valeur légale, et pour
laquelle ils sont encore reçus en Hollande, de 11 centimes 64/100 par florin.
Preuve que les
spéculateurs s’en emparent et que les cents sortent de
Qu’on donne donc au
commerce les 1,233,270 francs de cents qui se trouvent dans la caisse de
l’Etat, on fera gagner aux spéculateurs de Belgique la différence en plus pour
laquelle ils sont reçus en Hollande, celle de 67,822-03.
L’Etat économisera aussi
les frais pour convertir les cents en pièces de 2 centimes, évalués par le
ministre à 162,000 francs.
Ensuite, comme on est
assuré que ces cents seront de suite sortis du pays, on pourra les remplacer
par de nouvelles espèces de cuivre, sur lesquelles le gouvernement gagne 30 p.
c. donc, sur une somme de 1,233,000 francs, il fera un
bénéfice de 366,600 francs. Les deux sommes prises ensemble, et qui feront
celle de 528,000, sera le bénéfice que le gouvernement fera faire au trésor de
l’Etat si l’opération proposée ne s’exécute pas et que les cents qui sont dans
la caisse de l’Etat sont livrés au commerce.
En outre, je trouve un
certain danger de faire circuler une monnaie comme légale qui aurait une valeur
pondérique moindre que celle prescrite par la loi
monétaire, à cause de l’abus qu’on pourrait en faire plus tard, sur quoi je
veux attirer l’attention de la chambre.
Enfin,
dans toute cette opération, il me semble qu’on aura plus servi les intérêts du
roi Guillaume que ceux de notre pays, et que si le gouvernement hollandais n’a
pas pu trouver un moyen pour arrêter l’introduction de ses cents en Hollande,
nous nous empressons de lui en procurer un, dont l’effet sera certain ; et
c’est ainsi toujours que, par un guignon inexplicable, nous servons la cause
d’un ennemi qui nous fait du mal quand il le peut, et qui ne ménage rien pour
nous tracasser et nous chagriner.
C’est ainsi que je
comprends l’opération qu’on nous propose ; et si on ne fait pas voir que j’ai
tort, je me trouverai forcé de voter contre le projet.
M.
A. Rodenbach. - Je ne partage pas l’opinion de l’honorable préopinant.
Il doit savoir qu’il y a un arrêté en Belgique qui démonétisé les cents. On en
a ordonné l’échange. Il doit ne pas ignorer non plus que Guillaume a également
prohibé cette monnaie. Il y a d’autres marchandises plus avantageuses que
celle-là à introduire en Hollande. Est-il honorable, je le demande, pour un
gouvernement qui se respecte, de favoriser le tripotage qui s’établira à ce
sujet ? Soyez-en certains, messieurs, vous verriez, si vous consentiez à cet
abus, Guillaume le spéculateur introduire une masse de cents en Belgique.
Il
faut les expulser de notre pays. Un honorable préopinant a dit que les cents
afflueraient en Belgique, dans
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, la seule objection
qui ait été faite contre le projet, l’a été par l’honorable M. Desmet. Ce qu’il propose tend à
remettre les cents en circulation, or cette proposition est contraire à la loi
monétaire de 1832. Les cents, en vertu d’un arrêté royal, ont été démonétisés
et ne doivent plus entrer en circulation. L’honorable député d’Alost a prétendu
que le projet du gouvernement était favorable à
L’honorable
M. Schaetzen a engagé le gouvernement à profiter de l’occasion pour frapper des
pièces de 1 centime, je lui répondrai que son désir sera accompli par
l’exécution de la loi. Car il y a plus de deux cent mille francs de demi-cents
qui seront transformés en pièces de 1 centime, et cette quantité avec celle
déjà en circulation suffira certes aux besoins du pays.
M. Eloy de Burdinne. - Je prends la
parole pour confirmer les observations de M. le ministre des finances, Il n’y a
pas de doute que
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - J’ai oublié, en répondant à
l’honorable M. Rodenbach, de parler du manque de monnaie de cuivre dans les
campagnes ; je lui dirai que cela provient de la pénurie de cette même monnaie
et que ce n’est point là, faute des receveurs. Dès que nous aurons mis en
circulation les 1,800,000 fr de centimes dont il
s’agit, il s’en trouvera partout.
M.
Verdussen. - Il est certain, messieurs, qu’on a bien mal saisi la
pensée de l’honorable M. Desmet, si on lui suppose l’intention de rendre aux
cents un cours légal en Belgique : ce n’est pas là non plus ma pensée en
parlant contre le projet de loi en discussion. La question se réduit au fond à
ce point-ci : Une monnaie démonétisée légalement, que devient-elle pour le pays
où cette mesure est prise ? De la marchandise et rien autre chose. Que ce
soient des roubles, des piastres, des ducats ou des cents, peu importe : une
monnaie qui dans un pays n’a pas un cours légal, n’y est que de la marchandise.
En partant de ce principe, je ne vois aucune déloyauté à vendre, fût-ce même
publiquement, des cents démonétisés ; et certes cette opération commerciale ne
donnerait à ces pièces pas plus un cours légal qu’aux piastres qui se vendent
et s’achètent journellement sur nos bourses.
J’ai vu dans le rapport
de l’honorable M. Coghen qu’il y avait supposition de pouvoir se débarrasser
des cents qui sont rentrés dans les coffres de l’Etat par suite de l’échange
opéré, à une perte de 25 p. c. sur la
valeur nominale de ce cuivre.
Je pars de cette
supposition pour établir sommairement quelques calculs, contraires aux
conclusions du rapport de M. Coghen.
Je regrette d’avoir eu si peu de temps pour examiner à fond cette question, et
pour mettre un peu plus d’ordre dans mes idées, dont je suis forcé d’improviser
l’énonciation.
Nous avons remarqué dans
le travail de M. le rapporteur que la perte qui, d’après la loi projetée,
résultera de la conversion des cents et des demi-cents en pièces de deux
centimes et d’un centime, s’élèvera à 230,000 fr. ; je trouve ce calcul exact,
et je tâcherai de prouver par quelques chiffres jetés rapidement sur le papier,
que le pays peut se soustraire à ce sacrifice en vendant ce vieux cuivre et en
confectionnant 1,165.000 fr. de nouveaux centimes conformément la loi monétaire
de 1832.
Pour établir ceci,
mettons en regard les recettes et les dépenses à faire. La valeur nominale du
cuivre retiré de la circulation par l’échange qui en a été fait, s’élève, somme
ronde, à fr. 1,233,000 ;
Le cuivre nécessaire à
la fabrication de l,165,000 francs en pièces d’un et
de deux centimes coûtera fr. 406 000 ;
J’ajoute pour frais de
fabrication, non pas 162,000 francs que coûterait seulement la conversion des
francs en centimes, puisque les flans se trouvent ainsi déjà préparés, mais fr.
301,000
Et j’aurai un total de
dépenses de fr. 2,000,000.
D’un autre côté, ma
recette se composera :
d’abord du prix de vente à 25 p.c. perte
des cents rentrés, fr. 925,000
Ensuite de la valeur nominale
de la nouvelle monnaie que je fabrique au poids légal fixé par la loi du 5 juin
1832, fr. 1,165,000
Ensemble, fr. 2,090,000.
Et j’aurai non pas une
perte de 230,000 fr., comme l’adoption du nouveau projet de loi l’établirait,
mais un bénéfice pour le pays de 90,000 francs. Différence totale de 320,000
fr.
On a
dit que la vente du vieux cuivre démonétisé ne pourra pas avoir lieu à 25 p. c.
de perte, et que le déchet serait bien plus considérable. Mais, messieurs,
dussions-nous perdre au-delà de 25 p. c. sur ces valeurs, il y a encore assez
de marge pour ne pas nous en effrayer. J’éviterai aussi par cette mesure le
grave inconvénient de grossir outre-mesure la masse de cuivre nécessaire aux
transactions commerciales et journalières de
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je dirai d’abord que mon
prédécesseur a pris des renseignements sur les moyens les plus propres à se
défaire convenablement de cette masse de monnaie de cuivre. Je ne sais pas si
son intention était de la vendre ou non mais ce que je sais, c’est que personne
ne s’en serait chargé au-dessous de 40 p. c. Je sais de plus qu’il s’est
adressé au chef d’un grand établissement qui, par sa nature, pourrait mieux que
des particuliers entreprendre de semblables affaires, et qu’il lui a été
répondu qu’on ne voulait s’en charger à aucun prix. Les calculs du préopinant
portent donc à faux, puisqu’il serait impossible de se défaire de ce cuivre à
25 p.c. Il a objecté qu’il y aurait trop de cuivre en Belgique, si on allait en
battre encore pour la somme indiquée aux développements du projet ; à mon avis
il est dans l’erreur.
Il
y a une nouvelle observation à faire à l’appui de la proposition du
gouvernement. Sous le régime hollandais il y avait en circulation beaucoup de
monnaie de billon, nous n’en avons plus de légale. Il y avait déjà avant cela
des escalins, des plaquettes qui ont été remplacés par les pièces de 5, 10 et
25 cents.
Ces pièces pouvaient
très bien servir aux besoins journaliers du commerce, et suppléer en grande
partie à la monnaie de cuivre ; actuellement qu’il n’en est plus ainsi, cette
dernière doit nécessairement être augmentée pour pouvoir satisfaire aux besoins
de la circulation. Je prie l’honorable rapporteur de faire attention à cette
dernière observation.
M. A. Rodenbach. - Outre l’observation du
ministre, je dirai qu’il est très difficile de fixer le nombre de la monnaie de
cuivre qui se trouve en circulation. On parle, je crois, dans le rapport d’un
million et demi ; vous devez tous savoir que Guillaume faisait battre pour Java
et Batavia. Cette monnaie est partie. dit-on ; mais je crois qu’il y en a pour
plus d’un million et demi en Belgique. Je ferai observer en outre à l’honorable
député d’Anvers que sa vente publique de cents serait le moyen de conserver ces
pièces en Belgique, et nous voulons les en extirper. Lorsqu’il y aura
suffisamment de centimes, on ne voudra plus de cents ; alors le reste partira
peut-être pour
M. Verdussen. - M. le ministre des finances et
quelques orateurs avant et après lui ont craint que la masse de cents ne soit
remise en circulation en Belgique. Si vous continuez à démonétiser les cents,
et si le peuple s’obstine à les prendre, vous ne gagnerez rien. Si le peuple
continue à s’en servir,
M.
Coghen, rapporteur. - Messieurs, dans le rapport soumis à la chambre,
j’ai été au-devant des objections que vous venez d’entendre. Je crois avoir
combattu toutes les observations qui viennent d’être faites. Qu’il me soit
permis de dire à l’honorable M. Verdussen, membre de la commission des
finances, qu’avant-hier, quand j’ai eu l’honneur de lui lire mon rapport, il
l’a approuvé. Sans doute il lui est libre de changer d’opinion et de venir vous
présenter, messieurs, les réflexions que vous venez d’entendre. Il est vrai, et
sous ce rapport je suis d’accord avec cet honorable orateur, qu’il serait plus
avantageux pour l’Etat de vendre les cents et les demi-cents ; mais la
commission a considéré comme un danger de lancer de nouveau dans la circulation
une monnaie qui n’a plus de cours légal, parce qu’il serait impossible au
gouvernement de s’assurer si, en effet, on l’exporte. Si la chose était
possible de remplacer cette même quantité en nouvelle monnaie, il y aurait un
bénéfice pour l’Etat de 380,000 fr., bénéfice qui dépasserait la perte à subir
sur les anciennes monnaies.
Votre commission,
d’accord avec le gouvernement, a jugé beaucoup plus prudent de transformer
cette monnaie en centimes et demi-centimes et de les mettre immédiatement en
circulation, puisqu’il y a pénurie de monnaie de cuivre.
Je ne saurais partager
l’opinion de l’honorable député d’Anvers, qu’on pourrait vendre les cents comme
on vend les piastres ; en effet on vend les piastres parce que par leur poids
et leur titre elles représentent une valeur réelle, tandis que la cuivre
monnaie ne représente intrinsèquement que 2/5 de la valeur que la loi lui
attribue comme monnaie ; il n’a plus dans le pays d’autre valeur que comme
vieux cuivre destiné au creuset.
La commission a soumis,
messieurs, à la méditation de la chambre les conséquences qui pourraient
résulter d’une trop forte émission de monnaie de cuivre.
Déjà on en a battu pour
une somme de 995,000 fr. La transformation des cents en centimes va augmenter
la masse de 1,165,000 fr, ; ce qui fait 691,000 fr. en
plus qu’il n’en existait dans la circulation avant les événements de 1830.
L’augmenter
encore de 600,000 fr., comme le propose M. le ministre des finances, ce serait
créer une surabondance de monnaie de cuivre, qui occasionnerait beaucoup
d’embarras, dans les relations commerciales des habitants. N’avons-nous pas
sous les yeux l’exemple ?
M.
Gendebien. - Je n’avais pas cru devoir prendre la parole dans cette
affaire, parce que j’ignore complètement tout ce qui est relatif à la monnaie.
Cependant j’ai un scrupule et je demanderai qu’on veuille bien le lever. Vous
allez réduire les cents en pièces de 2 centimes. il
est certain (au moins il n’y a à cet égard aucune discussion) que la valeur
intrinsèque du cents est moins forte que celle de la pièce de 2 centimes. Je
demanderai donc au ministère ou à ceux qui connaissent la matière, si, au lieu
de procéder ainsi que l’on le propose, l’on achetait du cuivre, qu’on le fondît
et qu’on le frappât en pièces de 2 cents, quelle serait, en opérant ainsi, la
perte pour le trésor.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - 800,000 fr.
M.
Gendebien. - Voilà ce que je ne comprends pas. Car les cents que vous
employez à battre des pièces de 2 centimes, vous coûtent leur valeur nominale,
cela est vrai ; mais, retirés de la circulation, ils n’ont plus que leur valeur
intrinsèque, quoique vous en fassiez. Si vous les laissez dans la circulation,
vous ne perdez pas. Si vous les fondez, vous faites, si je puis ainsi
m’exprimer, le bénéfice en vous-mêmes ; c’est-à-dire, vous évitez une perte
d’un côté et vous conservez le moyen ou l’occasion de faire un bénéfice sur du
cuivre brut.
Je ne parle pas ici ex professo ; je ne demande pas mieux
que d’être éclairé sur la matière. Mais il me semble qu’en définitive vous ne
gagnez, d’après votre projet, que le prix de la fonte du cuivre, et de l’opération
qui consiste à le couper en rond avant qu’il soit soumis à la pression pour
recevoir l’empreinte ; s’il en est ainsi, je demanderai combien coûtent ces
opérations préliminaires qu’on évite en substituant une nouvelle empreinte aux
cents.
Si ces opérations
coûtent une somme considérable, j’hésiterai encore à donner mon vote en faveur
de la loi ; car je ne comprends pas que l’on émette volontairement deux
monnaies de même valeur nominale avec deux types différents.
Cette manière de procéder entraînera de graves inconvénients, et donnera aux
pays voisins, il me semble, un moyen de plus d’introduire dans le nôtre leur
monnaie de cuivre. Ainsi, vous aurez non seulement l’inconvénient de la
différence entre la valeur intrinsèque et la valeur nominale, mais encore celui
de la différence entre le type de la loi primitive et celui de la loi actuelle,
et de plus vous fournirez à nos voisins le moyen de gagner leurs frais de
transport et d’assurance et de frauder leur monnaie de cuivre en Belgique.
Voilà mes doutes ; voila
sur une matière que je ne connais pas, j’en conviens, les objections que me
dicte le simple bon sens. Je demande que l’on veuille bien y répondre.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Les calculs que j’ai déjà
présentés répondent à l’objection de l’honorable préopinant. J’ai démontré dans
l’expose des motifs du projet de loi, et la commission a été du même avis, que
sur une somme de 1,200,000 fr. fabriquée en pièces de 1 et de 2 centimes avec
d’autre cuivre que celui des pièces d’un cents et d’un demi-cents, il y aurait
une différence de 400,000 fr.
Vous savez, messieurs,
que sur la fabrication ordinaire du cuivre il y a un bénéfice d’environ 33 pour
cent. Ainsi pour fabriquer 1,200,000 fr. de monnaie de
cuivre avec de nouveaux flans, il faut faire d’abord une dépense de 800,000 fr.
Il y a donc une différence de 400,000 dans la dépense, entre le système du
gouvernement et celui dont a parlé l’honorable M. Gendebien. Je ne sais si je m’explique clairement.
M.
Gendebien. - Votre explication peut être très claire ; je suis loin de
le contester. Mais cependant j’avoue que je ne la saisis pas parfaitement.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Cependant il est évident que
si la fabrication de 1,200,000 francs de pièces de deux centimes avec du cuivre
non encore monnayé coûte une somme de 800,000 fr., il n’y a que 400,000 fr. de
bénéfice, tandis que, dans le projet du gouvernement, la valeur intrinsèque du
cuivre retiré de la circulation n’étant que de 400,000 fr., et devant cependant
produire une somme de 1,200,000 fr. après la fabrication, il en résultera un
bénéfice de 800,000 fr., sauf déduction des frais de fabrication. Cela me
paraît positif.
M.
Coghen - C’est évident.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Maintenant que la monnaie soit
au-dessous du poids actuellement fixé, comme dit l’honorable M. Gendebien, cela
ne fait rien pour la monnaie de cuivre. C’est une monnaie purement nominale, et
là, par conséquent, la différence de poids ne signifie rien.
Il
est à remarquer que le principe de la tolérance en dedans, pour la monnaie de
cuivre, a déjà été admis à d’autres époques ; on le trouve consacré dans les
lois françaises et notamment dans la loi du 3 brumaire an VI. Ce principe,
établi par une précédente législature, nous devons le conserver, alors qu’il
s’agit de léser le trésor public.
Je ferai observer, pour
répondre à une dernière observation qui vient d’être présentée, que le faux
monnayage de cuivre n’est pas à craindre ; il faudrait fabriquer une trop forte
quantité de cette monnaie pour s’assurer un certain bénéfice ; les peines
comminées par les lois sont trop fortes pour qu’on s’y expose par un appât
aussi minime.
M. Coghen. - S’il y a encore du doute dans
l’assemblée, je présenterai quelques calculs en réponse à ce qu’a dit
l’honorable M. Gendebien.
Les 1,233,270
fr. 83 c. en cents et demi-cents, qui se trouvent dans le trésor, livrés au
creuset, laisseraient une perte de 800,000 fr. Si vous les transformez en
nouvelle monnaie décimale, la perte se réduit à 230,000 fr. Toutefois, il faut
remarquer qu’en confectionnant 224,097 kil. poids des anciennes monnaies en
monnaies nouvelles, il en résulterait un bénéfice de 380,000 fr. Par
conséquent, si l’opération se réduisait à fondre le vieux cuivre et à en battre
du nouveau, il y aurait une perte effective pour le trésor de 420,000 fr. ;
mais, par la transformation, elle ne s’élève qu’à 230,000 fr. Ainsi, par cette
manière de procéder, on évite au pays une perte réelle de 190,000 fr.
M. Meeus. - Je demande la parole pour faire une
observation qui me paraît avoir échappé aux honorables membres qui ont pris
part à cette discussion. On a beaucoup parlé de l’intérêt du trésor ; mais on
n’a pas assez pris en considération l’intérêt du particulier.
Veuillez bien remarquer,
messieurs, que s’il est vrai que par la fabrication de monnaie de billon en
cuivre non encore monnayé, le gouvernement perde 420,000 fr., c’est-à-dire
190,000 fr. de plus que si vous adoptez son projet, d’un autre côté par
l’adoption du projet du gouvernement vous laissez en présence deux systèmes
entièrement opposés.
Les cents ont toujours
cours en Belgique. Il est impossible qu’on ne continue pas de les recevoir,
surtout quand il s’agit d’appoint ; la raison en est facile à comprendre ; les
comptes se font encore presque tous en florins des Pays-Bas. Les pièces de 10
florins et de 25 cents ont cours en Belgique, ou au moins tout le monde le
croit. Que s’en suit-il ? Il s’en suit que quand un particulier doit payer 26
ou 27 cents, il est nécessaire que l’un paie et que l’autre reçoive l’appoint
en cuivre hollandais ; il s’en suivra donc nécessairement une infiltration
considérable de cents en Belgique de la part de
Cependant, je dois
avouer d’un autre côté que je ne comprends pas qu’il soit possible de ne pas
laisser les deux systèmes en présence ; d’où je conclus que le système que vous
avez adopté ne vaut rien. Il a été présenté par l’ancien ministre des finances,
l’honorable M. Coghen ; à cette époque, je n’avais pas l’honneur de faire
partie de l’assemblée législative ; si j’en eusse fait partie, assurément
j’aurais combattu le projet.
Il est certain que le
système monétaire français est parfait ; quant à moi, je n’en connais pas de
meilleur ; mais ce système convient-il à
Il en est des systèmes
monétaires comme de la liberté du commerce. Si toute l’Europe, si le monde
entier adoptait le principe de la liberté illimitée du commerce,
Eh bien, il arrive
souvent que lorsque les valeurs sont rares, et le change élevé, et que nous
avons des remboursements à faire à Paris, nous sommes obligés d’envoyer nos
pièces de 5 fr. Il nous faut des pièces de 5 fr. pour cela. Si nous n’avions
pas de pièces de 10 fl. de la monnaie hollandaise, il en résulterait que nous
serions réellement sans monnaie.
Voilà un très grand
malheur, parce que chaque particulier voyant la rareté momentanée des espèces
demande à l’industriel les fonds qu’il lui a prêtés ; c’est là qu’est la
perturbation. Depuis 5 ans, souvent lorsqu’il y a eu avance du change sur Paris
et
Mais, dira-t-on,
l’équilibre se rétablira ; le change baissera ; les fonds publics baisseront et
l’argent reviendra. Cela est parfait pour les banquiers ; mais il n’en est pas
de même pour les industriels qui ont été troublés dans leur industrie.
Je déclare que je vois
dans la proposition qui vous est faite ces inconvénients réels pour
Je pourrais ajouter que
ce qui prouve que votre système ne vaut rien, c’est que vous laissez les deux
systèmes en présence ; or, deux systèmes opposés ne peuvent vivre ensemble.
Sous
le gouvernement hollandais que faisait-on ? On faisait venir des pièces de 20
fr. de Paris et on les frappait comme pièces de 10 fl. Etait-ce bien ? Je ne
viens pas défendre ce système. Je pense que le meilleur système serait le
système français, si tous les peuples l’adoptaient ; si nous sommes seuls à
l’adopter, je n’y vois que des inconvénients sans aucun avantage.
Les cents,
je le répète, rentreront en Belgique, parce que le gouvernement a été obligé de
laisser en présence les deux systèmes ; et ce qui prouve que le nouveau système
ne vaut rien, c’est que vous avez laissé vivre l’ancien.
M.
Coghen, rapporteur. - Messieurs, vous venez d’entendre mon honorable
ami.
M. Eloy de Burdinne. - Pas trop votre
ami !
M.
Coghen, rapporteur. - Oui, mon ami ici, et en dehors de cette chambre.
Vous venez d’entendre,
messieurs, blâmer le système monétaire consacré par la loi du 5 juin 1832. On
voudrait voir en présence de l’ancien et le nouveau système.
M. Meeus. - Je n’ai pas dit cela ; j’ai dit tout le
contraire.
M.
Coghen - Je l’avais compris ainsi. Occupé à expliquer la position des
chiffres à l’honorable M. de Brouckere, il est possible que je n’est pas bien compris la pensée de M. Meeus. J’ai cru bien
faire en proposant le système monétaire français lorsque j’avais l’honneur
d’être ministre des finances. J’ai cru alors, et je le pense encore
aujourd’hui, que nous ne devions pas nous isoler au milieu des autres nations,
en adoptant un système à part, qui ne pouvait être qu’un système mixte, et qui
par conséquent aurait dû avoir pour résultat de rendre nos transactions plus
difficiles avec les pays voisins. Le système que vous avez adopté, messieurs
par la loi de
Le
mal n’est pas dans le système adopté, mais dans les déviations de ce même
système. D’après la loi, les pièces d’or des Pays-Bas, de 10 et de 5 florins,
ne devaient être reçues dans les caisses publiques qu’au taux de 48 1/4 fl.
pour cent, tandis qu’on les admet encore à 47 1/4. Aussi longtemps qu’on
admettra l’or hollandais dans nos caisses publiques à 1 3/4 p. c. au-delà de la
valeur réelle, c’est-à-dire, comme lingot, vous en serez inondés. Il en
résultera cet inconvénient qu’il vous sera absolument impossible de battre des
pièces de 10 et de 20 fr., et qu’on enlèvera tontes les monnaies d’argent pour
payer, à Paris, les lingots nécessaires à faire frapper des pièces d’or en Hollande.
M.
A. Rodenbach. - L’honorable M. Meeus a dit que chaque pays devait avoir
un système monétaire à soi ; c’est là, je crois, son idée. Je pense que dans un
pays d’agioteurs, de spéculateurs, en Hollande par exemple, ce système est
excellent. Mais le système que nous avons adopté me paraît convenir
parfaitement à notre pays ; comme l’a dit l’honorable M. Coghen, il a pour lui
l’expérience de 40 années, il est suivi par 32 millions d’habitants, par un
peuple éminemment commercial ; il est également suivi dans une grande partie de
l’Italie. Or, il est constant qu’un système monétaire est d’autant meilleur
qu’il est suivi par un plus grand nombre de peuples. Nous sommes loin du temps
où chaque province, chaque ville avait sa monnaie spéciale. Aujourd’hui pour
les poids et mesures comme pour les monnaies on veut un système aussi général
qui possible.
Je partage l’opinion
qu’il ne faut pas deux systèmes en présence, le système français et le système
hollandais.
Quant aux plaintes que
l’on a fait entendre relativement à la monnaie d’or, je pense que le mal
provient de ce que dans ce moment, l’or est extrêmement cher ; mais le prix de
l’or baissera, et alors je pense que notre directeur des monnaies battra de la monnaie
d’or, et que même pour la monnaie d’or on trouvera notre système excellent.
Sous
le gouvernement hollandais, que l’on préconise tant, ou payait pour la
fabrication de la monnaie d’or 12 fl. par kilog., et
pour celle d’argent 3 fl. par kil, Aujourd’hui on paie 9 fr. pour la monnaie
d’or et 3 fr. pour celle d’argent. Vous voyez que c’est une grande économie.
Il faut donc rendre
justice à l’honorable ex-ministre qui a présenté la loi monétaire ; il en est
résulté des économies. Si elle ne remplit pas encore parfaitement son but, je
pense au moins que plus tard on la trouvera excellente.
M. Meeus. - Puisqu’on veut bien discuter un peu un
objet qui me paraît de la plus haute importance, je me permettrai de faire quelques
réflexions et de répondre aux objections que l’on m’a adressées.
D’abord on doit se
demander quel but doit avoir le système monétaire d’un pays, sinon de conserver
une monnaie pour le commerce intérieur du pays.
Voilà sans doute le but
principal d’un système monétaire. Or votre loi monétaire ne l’a pas atteint,
donc elle a manqué son véritable but. Eh bien, quels autres avantages
avons-nous obtenu du système que nous avons adopté ? Aucun, absolument aucun,
excepté relativement à la valeur de l’or et de l’argent. Je m’explique. Nous
n’avons pas en Belgique de place où l’on trouve les matières d’or et d’argent.
Force est à
Quand nous étions réunis
à
Le mal, dit M. Coghen,
vient de ce qu’on laisse circuler les pièces de 10 florins, de 5 florins, etc.
; mais réfléchissez donc que du jour où vous n’admettrez ces pièces que comme
lingots, vous n’aurez plus de monnaies en Belgique ; vous n’en aurez plus que
pour les grandes opérations commerciales, parce que le haut commerce en importe
toujours suffisamment par la balance de ses transactions ; mais vous n’en aurez
plus pour les transactions usuelles, journalières. Voilà des vérités qu’on ne
détruira pas. Est-ce à dire qu’il faut mépriser le système français ? Non
certainement. Je le reconnais comme étant le meilleur. Toutefois si vous aviez
établi une différence entre ce système et le vôtre, soit par le prix soit par
le titre, vous auriez une monnaie ; tandis qu’aujourd’hui vous n’en avez pas.
Et vous n’en aurez pas tant que vous laisserez sans modifications votre système.
M.
Coghen, rapporteur. - Il ne faut pas toucher à cela !
M. Meeus. - Si vous n’y touchez pas et si vous
démonétisez les pièces de 10 florins, de 5 florins, les cents, vous n’aurez
plus la quantité de pièces de monnaie nécessaires aux échanges de chaque jour ;
vous serez gênés.
Je sais fort bien que
cette démonétisation est indifférente à la haute banque ; mais la haute banque
doit être prise peu en considération quand il s’agit des transactions que j’appellerai
populaires. C’est pour celles-ci que je suis obligé de réclamer du gouvernement
qu’il porte une sérieuse attention sur la loi monétaire de 1832 laquelle n’a
produit rien ou n’a produit d’autre effet que d’avoir des pièces frappées en
Belgique et qui s’en vont circuler en France, D’abord ces pièces y ont été
refusées ; la banque de France avait déclaré qu’elle ne les recevrait pas dans
ses caisses ; mais les banquiers ont mis une petite quantité de pièces de 5 fr.
belges au milieu d’une grande quantité de pièces de 5 fr. françaises, et toutes
ont passé ensemble ; et c’est pour cela que nous n’avons plus de pièces de 5
fr. frappées par nos balanciers ; les seules pièces de 5 fr. que nous voyions
sont celles de France qui nous viennent par les échanges qui se font le long de
nos frontières.
Pendant notre réunion à
Si
le gouvernement ne veut pas modifier son système monétaire, force lui sera de
laisser le système hollandais en présence du sien, à moins qu’il ne veuille que
l’on manque de monnaies en Belgique pour les besoins les plus usuels de la
société.
M. de Robaulx. - Je n’ai pas la prétention
d’apporter des lumières sur la question. ; chacun son métier ; les cordonniers
font bien les souliers, et les banquiers font bien les discussions de finances.
(On rit.) Cependant, je voudrais
savoir quel vote il faut émettre.
La transformation des
cents en centimes n’a pas pour but unique de mettre ses deux L de Léopold sur
les deux W du roi Guillaume ; si cela était ainsi, ce serait une puérilité qui
coûterait bien cher en la payant 162,000 fr. Si le but de la loi est d’empêcher
l’introduction des cents des Pays-Bas chez nous, je ne crois pas que l’on
parvienne à ce résultat en changeant la marque du cuivre. Je ne connais pas
toutes les ressources et toutes les finesses de l’agio ; je ne sais pas quelles
en sont les conséquences : que M. Coghen les connaisse à fond, à la bonne
heure, c’est son métier ; il s’y est enrichi. (On rit ; M. Coghen rit beaucoup lui-même.)
Quoi qu’il en soit, je
crois que de la transformation des cents en centimes il ne résultera d’autre
effet que celui-ci : on refusera les cents dans les caisses publiques ; mais on
les recevra dans tons les échanges entre particuliers. Avez-vous l’intention,
par la nouvelle empreinte, de démonétiser entièrement les cents qui sont dans
nos poches ?
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - La démonétisation est déjà
prononcée par la loi.
M. de Robaulx. - La démonétisation n’empêche
pas la circulation, comme vous voyez. On reçoit bien d’autres pièces que la
monnaie de Hollande ; on reçoit les piastres d’Espagne, les pièces de tous les
pays. Ce n’est pas le gouvernement qui fait le commerce avec
Si l’on avait déclaré
que les cents des Pays-Bas seraient reçus pour deux centimes, je concevrais
l’importance de la discussion, mais, si on ne fait pas cette déclaration, on
nous enverra des pièces hollandaises, parce qu’on y gagnera quelque chose.
Voila ce que le bon sens indique, et pour comprendre ce fait, on n’a pas besoin
d’avoir recours aux roueries des financiers. (Hilarité, interruption.) Il ne faut pas s’étonner de mes paroles ;
oui,, s’il y a des roueries, c’est surtout dans les
finances et dans la diplomatie. On fait partout des roueries ; allez sur les
places d’Anvers, de Bruxelles, et vous verrez si l’on y emploie des roueries :
chacun en fait à sa manière.
Le projet de loi ne me
paraît pas bien conçu ; il ne me semble pas bien justifié par les explications
données dans le rapport de la commission ; il ne remédiera pas au mal ; il
n’aura pas mon vote approbatif.
Puisque nous voulons
avoir une individualité financière, je demanderai au ministre pourquoi on a
fondu des pièces de cinq francs, lesquelles ne se trouvent plus en Belgique ? (Bruit, interruption.) Vous avez parlé
assez longtemps sur les cents, permettez-moi de dire un mot sur les pièces de 5
francs. (On rit.) Aujourd’hui, en
donnant 5 francs par mille, on n’en aurait pas. Je parle par expérience. Vous
vous êtes donné un système financier ; il paraît tellement bon, qu’on accapare
vos pièces : elles vont en France et n’en reviennent plus. Je ne pourrais pas
exposer les causes du mal ; mais j’adjure mes collègues, MM. Coghen, Meeus, et
autres qui ont des connaissances sur la matière, de chercher le moyen de
conserver nos pièces nationales.
J’ai changé des pièces
de 10 florins contre des pièces de 5 francs ; on m’a demandé ces dernières
parce qu’on n’en trouve plus. Comment le gouvernement pourra-t-il payer à Paris
les bons du trésor qu’il émet s’il ne peut pas avoir des pièces de 5 francs à
envoyer ?
M.
Coghen, rapporteur. - N’ayez pas d’inquiétude là-dessus ; les paiements
se feront.
M. de Robaulx. - Tout riche qu’il est, M.
Coghen n’a peut-être pas beaucoup de pièces de 5 francs. (Hilarité.) S’il en a tant mieux pour lui, il aura beaucoup d’agio.
(Hilarité générale.) Je le répète, je
ne connais pas grand-chose en finances, et je demande la cause de cette rareté
de numéraire à ces messieurs qui en savent tant sur cet objet.
Si j’ai un paiement à
faire à Paris, j’envoie un bon du trésor ; mais pour rembourser ce bon, il faut
que le gouvernement fasse des fonds pour Paris, c’est-à-dire, qu’il faut que le
gouvernement exporte des pièces de 5 francs.
Je désire que l’on
m’explique s’il y a moyen d’empêcher cette exportation. Nous avons des pièces de
10 et 5 florins, et nous n’avons plus les pièces de 5 francs frappées à notre
marque.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Avant de répondre aux diverses
objections dont la loi a été l’objet, je ferai remarquer qu’il ne s’agit pas
ici de discuter ce qui peut être relatif aux pièces de 5 fr., ni au système
monétaire ; ces matières-là ne sont pas en question. Toutefois, je dirai un mot
sur une interpellation faite par M. de
Robaulx. Cet honorable membre demande si les bons du trésor sont
payables à Paris ? Oui, sans doute, ils sont payables à Paris, comme ils sont
payables à Anvers, à Bruxelles ; et par cela même ils deviennent papiers de
commerce, sont plus utiles, plus recherchés et ont plus de crédit.
M. de Robaulx. - Mais les pièces de 5 fr.
s’en vont.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Elles vont et viennent en
Belgique, comme les monnaies des autres pays vont et viennent dans ces pays ;
cela dépend des transactions commerciales.
M. de Robaulx. - Elles sont absentes dans ce
moment-ci.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne conteste pas leur absence
; mais je déclare qu’il n’est pas possible de trouver le moyen d’empêcher
l’exportation du numéraire, et que les banquiers ni le gouvernement ne peuvent
rien contre cet état de choses, qui est dû uniquement aux transactions
commerciales.
Je passe maintenant à
l’objet en discussion. Quel est le but de la loi, demande M. de Robaulx ? Je
lui répondrai. C’est de rendre productif et utile un capital de 1,255,000 francs qui est maintenant non seulement stérile
pour le trésor, mais qui lui est même onéreux car il est remplacé par des bons
qui coûtent un intérêt. Il faut donc débarrasser la caisse de ces pièces de
cuivre dont elle est encombrée et qui perdent chaque jour de leur valeur par
l’oxydation du métal. C’est pour faire cesser ces inconvénients qu’on vous a
présenté le projet sur lequel vous discutez.
Une objection déjà faite
par M. Desmet en l’absence de M. de Robaulx a été renouvelée par ce dernier
orateur : il a demandé qu’on laissât les cents circuler avec la valeur de 2
centimes ; mais il ne fait pas attention sans doute que par l’émission et
l’introduction chez nous de ses pièces de cuivre,
Quoi
que vous fassiez, a-t-on dit,
Voilà, je crois, les
réponses que je devais aux discours qui ont été prononcés contre la loi ; quant
aux autres, comme ils étaient relatifs au système monétaire qu’il ne s’agit pas
de réviser en ce moment, je m’abstiendrai d’y répondre.
M.
Coghen, rapporteur. - Messieurs, je désirerais dire encore quelques
mots sur le système monétaire, mais de toutes parts on m’observe que ce n’est
pas la question qui est à l’ordre du jour ; je me bornerai donc à dire quelques
mots tranquillisants pour dissiper les craintes qu’on a paru vouloir faire
naître.
Lorsque
M.
Gendebien. - Mon intention n’est pas d’entrer dans la discussion du
système monétaire, je n’ai aucune notion sur ce sujet, et par conséquent je me
garderai bien d’en parler. Toutefois il me semble qu’à l’égard de l’absence des
pièces de 5 fr., il y a quelques observations à faire.
Une des causes
principales de cette absence c’est la création de bons du trésor payables à
Paris. On en émet pour 20 ou 25 millions par année, peut-être pour 30 millions
parce qu’on en renouvelle beaucoup. Il y en a une grande quantité que l’on
prend sur Paris, où il faut dès lors envoyer des écus pour les couvrir, à moins
que le commerce ne puisse les solder par des revirements de fonds. On dit que
le mal produit par ce seul fait est fort grave ; s’il en est ainsi il ne faut
plus émettre autant de bons du trésor payables à Paris, afin d’éviter l’agio de
cinq par mille pour se procurer des pièces de 5 fr.
Le trésor, nous a dit le
ministre, est encombré de cents ; d’où vient cela ? de
la négligence que le gouvernement a mise à frapper des monnaies de cuivre :
c’est une négligence que nous sommes en droit de lui reprocher, car elle est
préjudiciable sous plus d’un rapport : il y a bénéfice à frapper des monnaies
de cuivre ; et si l’on en avait frappé suffisamment, on aurait empêché
l’importation des monnaies hollandaises depuis plus de deux ans.
Il s’agit de porter
remède au mal. Je viens de parcourir le rapport sur lequel je n’avais pas jeté
les yeux avant d’entrer en séance. C’est afin d’éviter, dit-on, une perte de
800,000 fr., que l’on propose de transformer les cents en centimes par le moyen
d’une nouvelle empreinte ; je le répète, je ne comprends pas cette assertion.
En frappant les cents
pour en faire des centimes, il y aurait une première perte de 67,822 fr., à
quoi il faut ajouter pour frais de fabrication 162,000 fr. ; d’où il suit que
la perte totale sur 1,233,000 fr. est 230,000 fr.
J’avoue que je ne
comprends pas ce résultat ; car les 67,822 francs, différence quant à la valeur
de l’unité monétaire, vous la perdez dans tous les systèmes ; reste donc une
perte de 162,000 flancs. Dans quel rapport cette perte est-elle dans les deux
systèmes ? Je l’ignore. Mais de quelles opérations se compose la fabrication
des pièces de cuivre ? De la fonte du métal, du laminage, de l’opération de
couper le cuivre, de l’opération de la pression pour donner l’empreinte. Que
gagnera-t-on en frappant les cents sans les refondre ? On gagnera la fusion et
le travail par lequel les pièces sont découpées : quelle dépense cela
représente-t-il ? De cette question dépend la fixation de la perte réelle dans
les deux systèmes. Je désire qu’on me réponde à cet égard.
Il y a ici un calcul
préalable à faire. D’un côté il s’agit de fondre la masse de cuivre que possède
le gouvernement, et de déterminer les frais de fonte et de fabrication de la
monnaie de billot. De l’autre le ministre des finances nous présente un système
qui consiste simplement à donner aux cents et demi-cents démonétisés une
empreinte nouvelle. Dans quelle proportion chacune des opérations
entrera-t-elle dans la somme de 160,000 francs qui est la seule perte à faire ?
J’avoue que pour une
perte de 160,000 francs je ne pourrais consentir à autoriser le gouvernement à
établir deux titres de monnaie ; à établir pour ainsi dire une fraude par
dérogation à la loi monétaire. Il ne s’agit pas ici d’une question de bénéfice
à faire par la voie que vous nous proposez. Il faut considérer le titre de la
monnaie comme une chose sacrée. Le gouvernement ne doit pas donner le dangereux
exemple d’établir deux titres différents pour une même monnaie, Il ne s’agit
pas ici de savoir si vous perdrez 800,000 fr. ou 300,000 fr. Et quand même,
c’est une perte que vous ferez toujours, si vous ne transportez pas en Hollande
la monnaie hollandaise qui s’introduira ou existera encore dans le pays.
Le seul, le véritable
moyen à employer pour faire disparaître de la circulation les cents et
demi-cents, moyen dont vous auriez déjà dû user, c’est de fabriquer assez de
pièces de billon pour faire refluer en Hollande la monnaie hollandaise, dont le
pays cesserait dès lors de sentir le besoin. Et par ce moyen, vous
n’éprouveriez aucune perte quelconque.
Je demande à M. le
ministre des finances une réponse catégorique. La perte se réduit à 162 mille francs.
Je
demande dans quelle proportion chacune des trois opérations successives
qu’exige la fabrication de la monnaie entre dans cette perte. Lorsque M. le
ministre des finances aura répondu, nous pourrons juger en connaissance de
cause si sa demande est juste, s’il y a nécessité pour nous de nous constituer
faux monnayeurs de notre propre monnaie.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je suis étonné que M.
Gendebien dise que le gouvernement n’a pas donné des renseignements suffisants
sur le projet de conversion des cents et demi-cents en centimes. Je croyais
m’être assez étendu à cet égard. Je vais, puisqu’il le faut, recommencer mes
explications.
Il existe dans les
caisses de l’Etat une quantité de monnaie de cuivre improductive pour une
valeur nominale de 1,200,000 fr. Ce cuivre, s’il était
coulé en lingots, ne vaudrait plus que 400,000 francs, donc 800,000 fr. de
perte.
Par la fabrication de l,200,000 fr. avec du cuivre nouveau, il n’y aurait qu’un
bénéfice de 400,000 fr. à déduire de la perte primitive de 800,000 fr. Il
résulterait donc en définitive de ce système une perte réelle de 400,000 fr.
tandis que dans celui du projet cette perte n’est que de 162,000 fr.
Je
relèverai une erreur de fait commise par l’honorable M. Gendebien relative à
l’émission des bons du trésor. Je pense que l’existence des bons en circulation
est de 20 à 25 millions de francs. Son calcul est inexact. Il n’y en a jamais
eu à beaucoup près autant. Je puis dire à l’assemblée, et je ne crois pas que
cette révélation compromette les opérations financières de l’Etat, que les bons
du trésor en circulation ne montent pas en ce moment à 12 millions. En outre
ces bons sont émis par petites sommes, payables presque tous à un an et
quelques-uns à six mois de date. On n’en met jamais tout d’un coup des millions
en circulation. C’est au moins ainsi que cela se pratique actuellement ; par
conséquent, en supposant tous les bons payables à Paris, les envois des fonds
ne seraient même, ni assez fréquents, ni assez considérables, pour occasionner
la pénurie des monnaies d’argent.
M.
Gendebien. - Je ferai d’abord remarquer qu’il y aurait, d’après le
calcul de M. le ministre des finances lui-même, une circulation de 24 millions de
bons du trésor. Puisque les bons du trésor s’émettent à un an et à six mois
d’échéance…
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Il y en a fort peu à six mois.
M.
Gendebien. - En prenant un terme moyen, il y aurait au moins pour 18
millions de bons du trésor en circulation. Si vous êtes obligé de payer en un
an en deux fois 12 millions, il faut donc que vous envoyiez en tout 24
millions. Nous avons créé d’un côté 15 millions de bons du trésor pour les
besoins du gouvernement et 10 millions pour le chemin de fer. Cela fait 25
millions dont 15 sont en circulation, à ce que nous a dit M. le ministre des
finances.
J’avais donc raison de
dire qui y a une circulation annuelle de 20 à 25 millions. Mon observation
subsiste donc. Je puis donc réitérer a M. le ministre la demande que je lui ai
faite de diminuer autant que possible l’émission des bons payables à Paris,
pour remédier autant que possible à la sortie trop considérable de la monnaie
frappée en Belgique.
Quant
à ce que j’ai dit sur la question en elle-même, quoique l’on ait prétendu que
mes calculs sont erronés, je crois devoir les reproduire ; car je ne les trouve
pas tels. Il y a une quantité de monnaie de cuivre pour une valeur de 1.200,000
fr. dans les caisses de l’Etat. Cette quantité de cuivre, convertie en lingots,
ne rapporterait que 400,000 fr. Qu’importe que l’Etat perde 800,000 fr. par
cette opération, si, d’un autre côté, pour convenir ces 400,000 fr. de cuivre
en monnaie, il doit payer également 800,000 fr. !
M. le ministre des finances (M. d'Huart). Le
bénéfice que fera l’Etat provient de ce que les lingots de cuivre, dans le
premier cas, ne seraient pas convertis en flans, forme sous laquelle le cuivre
doit être délivré à la monnaie.
Il y aurait entre les
deux opérations une différence de 250,000 francs, somme que coûteraient la
fonte et la réduction en flans.
M. de Brouckere. - Ce bénéfice net ne sera
jamais que de 190,000 fr.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Les 250,000 fr. dont je parle
ne formeraient pas le bénéfice de la conversion des cents et demi-cents en
centimes. J’ai seulement voulu dire qu’il faudrait, pour fondre, couper et réduire
en flans une valeur brute de 400,000 fr. de cuivre, dépenser une somme de
250,000 fr.
M. de Brouckere. - Le calcul est facile à
faire. M. le ministre des finances a oublié de compter les droits à payer pour
convertir les pièces d’un cents et d’un demi-cents en pièces d’un et deux
centimes.
1,200,000 fr. des premières représentent en cuivre une valeur
de 400,000 fr. Par conséquent, il y aurait pour le trésor une perte de 800,000
fr. Mais en convertissant les cents et demi-cents en centimes, au lieu
d’acheter des lingots de cuivre pour une valeur de 400,000 fr., d’après les
calculs de M. le ministre lui-même, le bénéfice du trésor ne sera que de 92,000
fr. et rien de plus.
Je fais cette
observation uniquement pour que l’on sache à quoi s’en tenir sur le résultat
d’une loi à laquelle je veux bien donner ma voix, tout en prévenant les membres
qui croiraient à un bénéfice exagéré, qu’il n’existe pas réellement.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). -
L’assemblée ne croit pas, je l’espère, que j’ai voulu lui en imposer. (Non ! non !) J’ai présenté à l’honorable
M. Gendebien des calculs sur la différences dans les
frais de fabrication dans les deux cas qu’il avait cités. Du reste je suis
complètement d’accord avec l’honorable M.
de Brouckere.
M. de Brouckere. - Je ne croyais pas devoir
éveiller la susceptibilité de l’honorable M. d’Huart. M. le ministre des
finances présentait une différence de 2,301,000 fr.
J’ai voulu prouver que, d’après ses propres chiffres et ceux de M. Coghen, le
bénéfice ne pouvait s’élever qu’à 190,000 fr.
M. Meeus. - Je voulais expliquer que toute cette
discussion qui s’élève entre M. le ministre des finances et M. de Brouckere
provient de ce que le rapporteur de la commission a dit :
« M. le ministre
expose que la valeur vénale, comme vieux cuivre, ne s’élèverait qu’à environ
430 à 450,000 fr., et que si on livrait cette masse au creuset, il en
résulterait pour le pays une perte d’environ 800,000 fr. »
Ou a donc réellement
parlé d’une perte de 800,000 francs. J’avais également demandé la parole pour
répondre à une observation que M. Gendebien a reproduite deux fois et que n’a
pas cependant relevée M. le ministre des finances.
Il a dit que peut-être
la rareté des pièces de cinq francs provenait de ce que les bons du trésor
étaient payables à Paris. Que ces bons soient payables à Paris ou à Bruxelles,
cela est indifférent pour la circulation des espèces monnayées. Les
particuliers qui envoient des bons du trésor à Paris, remettent ces valeurs au
lieu de pièces de cinq francs. Lorsqu’ensuite le gouvernement fait des envois
d’argent à Paris pour payer les bons du trésor, il résulte que c’est l’Etat qui
fait l’envoi à la place du particulier. Voilà tout ; il n’y a ni plus ni moins
d’espèces envoyées. Qu’il en résulte du dommage pour le trésor, ce n’est pas
ici le lieu d’examiner la question. Ainsi s’il n’existait pas de bons du
trésor, il y aurait autant de pièces de cinq francs à envoyer à Paris et par
conséquent même rareté dans la circulation des espèces monnayées.
M.
le président. - Je vais mettre aux voix l’article unique de la loi
ainsi conçue :
« Par dérogation à
l’art. 14 de la loi monétaire du 5 juin 1832, il est accordé une tolérance de
poids d’un dixième en dedans, pour la monnaie de cuivre à provenir de la transformation
en pièces de 1 et de 2 centimes, des cents et demi-cents des Pays-Bas, retirés
de la circulation, en exécution de l’art. 22 de la susdite loi monétaire. »
M. Dumortier. - Je désirerais présenter une
observation. D’après le tarif qui a été arrêté sur la confection des monnaies,
les frais de fabrication à payer au directeur de la monnaie sont indiqués pour
les cas ordinaires. Mais dans le cas spécial dont il s’agit, ne sera-t-il pas
fait une déduction sur le bénéfice du directeur, puisque la conversion des
cents et demi-cents en monnaie exigera des opérations moins difficiles. Par
exemple il n’y aura pas de frais à faire pour la fonte des métaux. Je
désirerais que M. le ministre des finances voulût bien répondre à mon
interpellation.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ferai observer à
l’honorable M. Dumortier que les frais de fonte des métaux ne figurent pas dans
les frais de la fabrication des monnaies. On fournit au directeur les métaux
convertis en flans et préparés pour la fabrication. La conversion des cents et
demi-cents en centime exige des opérations plus difficiles que dans la
fabrication ordinaire, parce qu’il faut soumettre les pièces à une opération de
recuit fort, c’est-à-dire à un feu plus ardent, et les soumettre à l’action
d’un acide.
Les frais que le
gouvernement paie au directeur de la monnaie consistent en frais de
fabrication, comptage, multiplication de coins, coussinets, transport, etc. ;
ce sont là les opérations que le directeur est dans l’obligation de faire.
D’après un engagement provisoire que j’ai conclu avec lui pour la loi
actuellement en discussion, il a été arrêté qu’il lui serait payé 10 pour cent
pour la transformation des cents en pièces de 2 centimes, et 14 pour cent pour
celle des pièces d’un demi cents en pièce d’un centime. J’ai fait en sorte de
concilier les intérêts du trésor avec les justes droits du directeur de la
monnaie.
_______________
Il est procédé à l’appel
nominal pour le vote sur l’ensemble de la loi.
63 membres sont
présents.
62 répondent à l’appel
nominal.
1 seul, M. Gendebien,
s’abstient.
58 membres ont répondu
oui.
4 ont répondu non.
La chambre adopte. En
conséquence la loi sera transmise au sénat.
Ont répondu oui : MM.
Verrue, Bekaert, Berger, Brixhe, Coghen, Cols, Corbisier, Cornet de Grez,
Dautrebande, de Behr, de Brouckere, de Foere, A. Dellafaille, H. Dellafaille,
de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W, de Mérode, de Muelenaere, de Puydt, de
Renesse, Dechamps, Desmaisières, Desmanet de Biesme, de Stembier,
de Terbecq, Dewitte, d’Hane,
d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Donny, Dubois, Domont, Dumortier, Eloy de
Burdinne, Ernst, Fallon, Frison, Hye-Hoys, Jadot, Lebeau, Liedts, Meeus,
Nothomb Polfvliet, Troye, Quirini, Raikem, A. Rodenbach, Rouppe, Smits,
Thienpont, Vandenhove, Vanderbelen, Wallaert, Watlet, Zoude et Morel-Danheel.
Ont répondu non : MM. de
Robaulx, Desmet, Ullens et Verdussen.
M.
Gendebien. - Je me suis abstenu parce que la question n’a pas été
suffisamment éclairée. Il m’a paru que l’on pouvait éviter la perte
considérable qui résulte du retrait de la circulation du numéraire hollandais,
en émettant une quantité suffisante de monnaie de billon belge, et que l’on
pourrait ainsi tirer un meilleur parti de la différence qui existe entre la
valeur intrinsèque et la valeur nominale de la monnaie hollandaise en la
faisant passer en Hollande.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU
DEPARTEMENT DE
Discussion des articles
Chapitre Ier. Administration centrale
Articles 1 et 2
L’article 1er (chap.
1er) ainsi conçu :
« Traitement d’un
employé et d’un garde magasin emballeur : fr. 4,850 fr. » est mis aux voix
et adopté.
L’art. 2 (chap. 1er)
intitulé :
« Fourniture de bureau,
frais d’impressions, reliures, achat de livres, chauffage, éclairage, menus
frais : fr. 3,500 fr. » est mis aux voix et adopté.
Chapitre II.
- Bâtiments de guerre
Article premier
M.
le président. - La discussion est ouverte sur l’article premier du
chapitre 2
« Personnel : fr.
333,044. »
La section centrale
propose 328,044 fr.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere). - Messieurs, d’après les observations qui avaient été
faites l’année dernière, on a cherché à diminuer autant que possible le nombre
des agents comptables à bord des bâtiments de l’Etat. Quoiqu’il y ait
augmentation de canonnières, le gouvernement n’a pas cru devoir augmenter le
personnel de la marine. Pendant l’exercice de 1834, le nombre des agents
comptables primitivement fixé à douze, avait été réduit à dix. Ce nombre est
descendu à 8 depuis la présentation du budget de la marine, par suite de la
démission donnée par l’un de ces fonctionnaires et du décès d’un second. Ainsi
au 1er janvier 1835, le corps des comptables à bord des bâtiments de l’Etat
n’est plus composé que de 8 fonctionnaires de 12 qu’il comptait au 1er janvier
1834. Comme le décès de l’un ces agents et la démission de l’autre ne sont
parvenus à la connaissance du gouvernement qu’après la présentation des budgets
on peut réduire le chiffre de 328,044 d’une somme de 2,520, montant des deux
traitements devenus sans emploi ; ce qui porterait définitivement le chiffre de
l’art. premier (chap. II) à 325,044 francs.
M. Milcamps, rapporteur.
- Dans le budget du gouvernement, l’article s’élève à 333,044 francs.. Mais cet article est divisé en deux numéros, l’un de
328,044 francs pour le personnel des bâtiments de guerre et l’autre de 5,000
francs pour le traitement des pilotes lamaneurs. En admettant la réduction que
propose M. le ministre des affaires étrangères, le numéro 1er se trouve réduit
à 325,524 francs, et si la chambre accorde l’allocation demandée pour le
traitement des pilotes lamaneurs, l’ensemble de l’article sera de 350, 524
francs.
- Le chiffre de 330,524
francs est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Matériel des
bâtiments de guerre : fr. 307,804-65. »
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere). - Messieurs comme toutes les adjudications de vivres
n’étaient pas faites à l’époque de la présentation du budget, on avait calculé
les évaluations d’après les adjudications des années précédentes et on avait
porté le chiffre à fr. 307,804-65. Par suite des adjudications qui ont eu lieu
depuis la présentation du budget et notamment de la réduction obtenue sur la
viande, cet article peut être réduit de 4,000 francs. De cette manière, le
chiffre de l’article sera réellement celui des adjudications.
M. le président. - Je mets aux voix l’art. 2 relatif au matériel des bâtiments de guerre réduit sur la
proposition de M. le ministre à 303,804-65. Si personne ne se lève contre, je
le déclare adopté. (Personne ne se lève.)
M. de Brouckere. - Je ne prétends pas
m’opposer à ce que la chambre accorde l’allocation demandée par le
gouvernement, mais je ferai remarquer que l’article qu’on vote ici sans examen,
se compose de douze numéros parmi lesquels il y en a qui me paraissent assez
élevés. On demande par exemple au n° 2, pour chauffage et lumière, 16,377 fr.
au n°2, pour voiles de rechange, 12,000 fr. Je suis persuadé qu’on ne dépense
pas 12,000 francs de voiles de rechange, pour douze petites embarcations. On ne
dépense pas non plus 16,377 fr. pour chauffage et lumière. J’aime à croire
qu’on agit avec économie dans le département de la marine. Mais je crois que la
chambre doit examiner avec plus de soin un budget qui s’élève à une somme assez
forte. Nous votons les articles presque sans discussion, et nous votons dans ce
moment douze numéros à la fois.
Je fais ces
observations, pour qu’à l’avenir on agisse avec moins de légèreté.
M. le président. - J’ai demandé plusieurs fois si
personne n’avait d’observations à faire. On ne vote les articles par division
que quand la division est demandée.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere).
- L’article dont nous nous occupons a été longuement discuté l’année dernière.
Ce ne peut être que par ce motif que la chambre le vote en masse cette année.
Je ferai observer que sur cet article il y a eu un boni considérable en 1834,
car sur la somme allouée qui s’était élevée à 338 mille francs, 238 seulement
ont été dépensés, de sorte qu’il reste environ cent mille francs de disponibles
sur ce crédit. Je dois cependant faire remarquer que cette réduction provient
principalement des congés accordés aux marins et que les autres articles n’ont
présenté que peu de diminution.
J’avais trouvé moi-même
un peu élevé le chiffre porte pour chauffage et lumière ; mais on m’a assuré
que malgré toute l’économie qu’on pourrait mettre dans cette partie du service,
il serait difficile d’y retrancher quelque chose.
M. de Brouckere. - La réponse que vient de
faire M. le ministre des affaires étrangères, prouve que mes observations n’étaient
pas sans fondement. Si je voulais continuer mon examen, je signalerais d’autres
objets pour lesquels les chiffres ne paraîtraient pas moins élevés que pour
ceux que j’ai déjà cités.
Au n°5, on demande pour
le gréement à renouveler, 10 mille francs. Il en est de même des autres
numéros, et après avoir énuméré dans onze numéros toutes les dépenses
possibles, et les avoir évaluées à un taux très élevé, on ajoute un petit
numéro de 10,000 francs pour dépenses imprévues qui passe inaperçu avec les autres.
Je ne sais si la chambre entend discuter les budgets de cette manière ; mais il
me semble que c’est accorder un champ bien large au ministère, que de lui
accorder des crédits sur lesquels il peut économiser un tiers, cent mille
francs sur trois cent.
M.
F. de Mérode. - Il ne faut pas perdre de vue que l’économie de 100,000
francs provient des congés accordés. La chambre ne peut pas se dispenser de
porter la somme nécessaire pour payer tout le personnel. Si on peut ensuite
faire une économie en accordant des congés, le trésor en profite, mais c’est
une chose qu’on ne peut pas prévoir en votant le budget. Quant à la somme
demandée pour le chauffage et la lumière des 12 bâtiments, on ne la trouvera
pas trop élevée, si on considère qu’il faut faire du feu dans les cuisines,
pour préparer la nourriture des hommes, l’été comme l’hiver. Le gréement et les
voiles de rechange sont des objets chers et qui s’usent tous les ans. Le
service maritime use beaucoup et il y a toujours à renouveler. Dans le
commencement la chambre a discuté tous ces objets avec détail ; depuis
plusieurs années, il n’y a pas eu d’augmentation ; dès lors il est inutile de
revenir sur ces discussions.
Si
nous recommençons chaque année les discussions auxquelles les articles du
budget ont donné lieu les années précédentes, nous ne pourrons nous occuper que
des budgets. Quand une question a subi un examen approfondi, il faut passer
vite lorsqu’elle se représente, si nous voulons finir les travaux dont nous
sommes surchargés.
M. de Brouckere. - Et les dépenses imprévues
!
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere). - Cet article a pour objet de faire face à des accidents.
Il est possible qu’on n’ait aucune imputation à faire sur ce crédit, mais il
est possible aussi qu’un ou plusieurs bâtiments soient jetés à la côte et
éprouvent de grands dommages. L’année dernière on n’a eu recours à ce crédit
que pour très peu de chose, pour deux mille et quelques cents francs ; mais
peut-être aurons-nous cette année des tempêtes qui nous mettront dans la
nécessité de faire des dépenses plus fortes.
M.
Coghen - Je demande qu’on maintienne l’allocation de 10,000 fr.
demandée pour dépenses imprévues. Il est impossible de prévoir les accidents
qui peuvent arriver aux quatorze embarcations que nous avons sur l’Escaut. Je
vois bien aux n°4, 5 et 6 des allocations pour mâtures, gréement et voiles,
mais je ne vois rien pour l’inventaire du navire. Tout ce que je demanderai à
M. le ministre des affaires étrangères dans les attributions de qui se trouve
la marine, c’est qu’il surveille avec beaucoup de soin les dépenses quand elles
ont lieu.
- Le chiffre de
303,804-65 est mis aux voix et adopté.
Chapitre III. - Magasins de la
marine
Article unique
« Magasin de la
marine : fr. 11,200. »
M.
de Foere. - Messieurs, dans la discussion générale, j’ai annoncé que
dans la discussion de détail je ferais la proposition de faire imprimer les
divers rapports adressés au gouvernement par les chambres de commerce sur la
question de savoir s’il convient aux intérêts du pays de faire construire une
marine de protection.
Je propose donc à la
chambre d’ordonner l’impression de ces rapports afin que la chambre puisse
éclairer son opinion sur cette question importante ; je conçois qu’à défaut de
lumières, la chambre ne puisse pas discuter ma proposition en pleine
connaissance de cause, avant d’avoir examiné les rapports des chambres de
commerce.
Je proposerai en
deuxième lieu que la chambre veuille bien ajourner cette question spéciale,
jusqu’à ce que les membres aient eu le temps d’examiner les rapports dont je
demande l’impression.
La chambre trouvera en
même temps dans ces rapports, des lumières sur une autre question, celle de
savoir s’il est de l’intérêt de notre commerce extérieur, que notre navigation
soit protégée par des droits différentiels plus considérables que ceux qui
existent maintenant.
Je
demanderai également l’impression de la pétition adressée à la chambre par un
grand nombre d’armateurs et négociants d’Anvers, et qui est inscrite au
bulletin des pétitions, sous le numéro 635. Les auteurs de cette pétition
énoncent une opinion contraire à celle exprimée par la chambre du commerce
d’Anvers dans son rapport. Vous voyez avec quelle loyauté je me conduis, car la
plupart de ces rapports sont dirigés contre ma proposition. Je ne veux pas les
combattre maintenant, j’attendrai que la chambre se soit éclairée et puisse aborder
la question.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere). - J’ai déjà eu l’honneur de déclarer que si la chambre le
désirait, je déposerais sur son bureau, tous les rapports que j’ai reçus sur la
question dont il s’agit.
M. Eloy de Burdinne. - Il me semble que
si nous faisons imprimer tous les rapports dont parle l’honorable abbé de
Foere, nous dépenserons beaucoup d’argent fort inutilement, du moins pour le
moment. Car, la chambre ne pourra pas s’occuper d’ici à longtemps du projet
auquel ces rapports sont relatifs.
Au
reste je ferai observer que dans d’autres circonstances aussi importantes que
la question de savoir s’il y a lieu de construire une marine, on n’a pas cru
devoir faire imprimer les rapports des chambres de commerce et les mémoires
adressés au gouvernement ; comme le fait observer M. Meeus (qui est derrière
moi), grand partisan de l’agriculture, on ne l’a pas fait quand nous nous
sommes occupés des céréales. Ordonner maintenant l’impression demandée, serait
créer un précédent qui pourrait nous mener loin. Chacun de nous pourrait faire
une proposition qui serait renvoyée à l’examen des chambres de commerce, il
faudrait faire imprimer toutes les réponses que ces chambres enverraient. Cela
nous jetterait dans des dépenses d’impressions qui ne sont déjà que trop
considérables.
M. Meeus. - Messieurs, je viens appuyer la proposition
de l’honorable abbé de Foere. Certes, comme l’a dit l’honorable M. Eloy de
Burdinne, je suis partisan de l’agriculture. Mais je n’en suis pas partisan
comme ceux qui veulent en faire leur affaire exclusivement particulière.
J’entends l’agriculture d’une manière plus relevée que ceux qui n’y voient que
l’intérêt du propriétaire. S’il est vrai que lors de la discussion des
céréales, on n’a pas fait imprimer tous les rapports et tous les mémoires des
chambre de commerce, ce n’est pas un motif pour ne pas faire imprimer ceux
relatifs à la marine. Il y a une grande différence entre les deux questions,
entre l’agriculture et la marine.
Tout
le monde a une idée plus ou moins formée sur tout ce qui a rapport à
l’agriculture ; et si les défenseurs des vrais principes n’ont trouvé que peu
d’échos, c’est précisément parce que chacun avait une opinion arrêtée sur cet
objet. Il n’en est pas de même de la marine, très peu de personnes se sont
occupées du commerce maritime, et la lecture, l’étude des mémoires des chambres
de commerce mettra chaque membre à même de s’éclairer sur la matière. Je
demande donc que ces rapports soient imprimés, et je crois que si la chambre
admet la proposition de l’honorable M. de Foere, elle y trouvera moyen de
s’éclairer sur les intérêts de l’agriculture, sur tout ce qui concerne la
prospérité matérielle de
M.
de Foere. - Il paraît que c’est la dépense qui effraie certains
membres. Je leur ferai observer que ces rapports ne sont pas volumineux. Mais
alors que les dépenses seraient fortes je persisterais dans ma proposition,
parce qu’il s’agit ici d’éclairer une question à laquelle tous les intérêts du
pays se rattachent, agriculture, commerce et industrie. Ce n’est pas un argent
mal placé que celui qu’on dépense dans un but semblable.
Je
dois dire, en passant, qu’on a mal compris ma proposition, je n’ai jamais
demandé qu’on créât une marine militaire pour la défense du pays, mais bien une
marine pour protéger notre commerce.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere).
- Je crois que la discussion actuelle est tout à fait oiseuse, car si la
chambre ordonne l’impression des rapports dont il s’agit, les frais seront très
minimes ; il y aura tout au plus de 20 à 25 pages d’impression.
M. Eloy de Burdinne. - Alors je
consentirai à l’impression. Je sais faire des concessions. Mais je demanderai
que l’impression ait lieu dans le Moniteur.
Je ferai cependant remarquer que nous ne pourrons pas nous occuper de cette
matière d’ici à longtemps et que si l’impression a lieu maintenant, sans doute
nous lirons les rapports, mais quand la discussion arrivera nous aurons oublié
ce qu’ils contiennent.
M. Nothomb. - Il n’y a que cinq rapports, ceux des
chambres de commerce de Bruges, de Gand, d’Ostende, d’Anvers et de Bruxelles.
Ces cinq rapports font ensemble 30 pages manuscrites et feront de 20 à 25 pages
d’impression, comme vient de le dire M. le ministre des affaires étrangères.
M. Smits. - L’honorable abbé de Foere a fait deux
propositions, l’une relative à la création d’une marine pour protéger notre
commerce et l’autre relative au droit différentiel qu’il trouve trop faible. Je
crois qu’il demande l’impression des mémoires adressés au gouvernement sur ces
deux questions. S’il ne demande que l’impression des rapports concernant la
première question, il n’y aura à imprimer que les rapports dont vient de parler
l’honorable M. Nothomb.
M. de Foere. - L’honorable préopinant est dans
l’erreur. Je n’ai fait qu’une seule proposition. J’ai ajouté que les membres de
la chambre puiseraient dans la lecture des pièces dont je demande l’impression,
des lumières sur une autre question. J’ai demandé s’il convenait ou non
d’accorder une plus grande protection à la marine nationale.
M.
F. de Mérode. - Il n’y a pas de conclusions ; l’honorable M. de Foere
ne conclut à rien : sur quoi va-t-on voter ? Va-t-on imprimer des volumes ou
seulement les 25 pages dont parle l’honorable M. Nothomb ?
Plusieurs membres. - Aux voix ! aux
voix !
M.
le président. - Maintenant l’impression sera-t-elle faite au Moniteur ?
- La chambre décide que
l’impression sera faite au Moniteur.
On passe au chapitre
III, « Article unique, 11,200 fr., magasins. » Il est adopté sans
opposition.
Chapitre IV. - Secours aux marins blessés
Article unique
Le chapitre IV, article
unique, 4,200 fr., secours aux marins blessés, est également adopte sans
opposition.
Second vote des articles
M. de Robaulx. - Maintenant que la
discussion des articles est terminée, le ministre n’a pas d’intérêt à ce que
l’on vote sur-le-champ ; pourquoi ne remettrait-on pas le vote à après-demain ?
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere). - Pourquoi pas à demain.
- La chambre consulté décide qu’on votera demain.
Discussion générale
M. de Robaulx. - Messieurs, au moment où il
s’agit de discuter le budget de la justice, c’est, à mon avis, la meilleure
occasion de demander à M. le ministre des explications sur les points généraux
de son administration.
Je vais seulement
néanmoins lui soumettre trois points sur lesquels j’appelle toute son
attention, ou plutôt celle de la chambre. Le premier est tout de moralité, et
je prie MM. les représentants de vouloir bien considérer sa gravité. Vous le
savez, messieurs, depuis quelque temps nous ne voyons que trop souvent de
déplorables événements, suites d’un préjugé fatal ; les duels se reproduisent
avec une fréquence vraiment affligeante, dans le civil et le militaire. Je prends
la parole à ce sujet, parce qu’on ne peut supposer que j’agisse ici par un
sentiment de crainte ; j’ai fait mes preuves, on le sait. Mais comme je répugne
toujours à parler de moi, je dirai promptement qu’en cette occasion je suis
guidé par un sentiment profond de philanthropie. J’admettrai d’abord avec M. le
ministre de la justice et tous ceux qui ont travaillé en jurisprudence, que
rien n’est plus difficile que de faire une loi sur cette matière.
J’ai assisté, il y a
quelque temps, à une séance de l’une des branches du pouvoir législatif, du
sénat belge. J’ai entendu un honorable orateur demander si l’on prendrait des
mesures à l’effet de réprimer le duel, si l’on porterait une loi sur cette
matière. J’ai également entendu la réponse de M. le ministre de la justice.
C’est parce qu’elle ne m’a pas satisfait que je provoque cette explication.
Le ministre de la
justice a répondu à M. de Pélichy qu’il ne pensait pas qu’il y eût opportunité,
qu’il y eût nécessité de porter une loi sur le duel, parce qu’il croyait
trouver dans la législation actuelle le moyen de réprimer les effets de ce
malheureux préjugé. Il a ajouté qu’il se proposait de prendre des mesures pour
faire poursuivre sévèrement ceux qui s’adonnent au duel.
Je ne partage pas l’avis
de M. le ministre de la justice, Il croit trouver dans le code pénal des moyens
de répression contre le duel. Or, vous savez, messieurs, que depuis notre
séparation de l’empire français, la question de savoir si le duel était prévu
par la loi, a été souvent soumise aux cours d’assises et autres tribunaux
chargés de l’application des lois répressives. Longtemps les cours et tribunaux
ont été en désaccord sur cette question. Cependant il est à remarquer que la
jurisprudence constante de la cour de cassation de France a été que le duel
n’était pas prévu par le code pénal de 1810. Mais qu’est-il résulté, en
Belgique, du désaccord des tribunaux ? Il en est résulté ce scandale que l’on a
vu traduits devant la cour d’assises, et jugés en vertu des lois qui punissent
le meurtre et l’assassinat, des hommes honorables, qui, égarés par un faux
préjugé, s’étaient battus en duel.
J’ai commencé par
déclarer que je déplorais l’abus du duel ; mais il faut faire la part du
préjugé et ne pas assimiler celui qui s’y soumet à un meurtrier et un assassin.
Les tribunaux l’ont si bien senti que dans toutes les causes de ce genre qui
leur ont été soumises, plutôt que d’appliquer une loi barbare ils ont toujours
déclaré que celui qui avait succombé était celui qui avait tort ; ils ont
toujours donné gain de cause au survivant. Mais la justice n’a pas été
satisfaite.
Le ministre veut s’en
tenir aux lois existantes ; mais avec les lois existantes, depuis 24 ans, le
duel n’est pas réprimé : et je le répète, la cour de cassation de France dont
nous ne devons pas décliner la jurisprudence puisque notre législation est la
même que celle de France, la cour de cassation de France a décidé que la loi
actuelle n’atteignait pas le duel.
Où donc cela
conduira-t-il M. le ministre de la justice de s’entêter à faire poursuivre par
les lois existantes ceux qui s’adonnent au duel ? Il me semble que de telles
mesures ne sont conseillées ni par la prudence, ni par la nécessité du moment.
J’ai pensé que M. le
ministre ferait mieux de se convaincre de la nécessité d’une nouvelle loi, de
s’en occuper et de soumettre un projet à la législature. Veuillez remarquer,
messieurs, que je n’élève pas la voix pour provoquer des peines sévères contre
le duel. Je pense qu’il faut une justice plus paternelle, qu’il ne faut pas de
peines corporelles, mais des peines qui influent sur l’honneur, puisqu’elles
doivent être appliquées à des hommes qui se battent par un faux point
d’honneur.
Ainsi dans un autre pays
on avait proposé une loi qui interdisait à ceux qui s’étaient battus en duel
une partie des droits civils et les mettait dans une sorte de tutelle. Je ne
sais jusqu’à quel point on pourrait adopter cette loi. Mais je crois qu’une loi
analogue serait préférable à la loi actuelle qui livre à la main du bourreau
celui qui s’est battu en duel.
Je livre cet objet aux
méditations de M. le ministre de la justice. Je pense que ce qu’il convient de
faire ce n’est pas d’adresser des circulaires aux cours d’assises, aux conseils
de guerre, pour faire appliquer la loi actuelle, mais de consulter la
législature. Car tant que nous resterons dans cet état d’incertitude sur
l’applicabilité de la loi, il n’y aura que de fâcheux résultats.
Il est un autre objet
sur lequel j’appellerai l’attention de la chambre et du ministère : c’est ce
que, depuis la révolution, nous voyons dans le Hainaut, depuis la révolution
qui devait être toute morale et devait développer tous les bons principes. Je
parle de la province que j’habite. Peut-être d’honorables collègues parleront
d’autres provinces.
Voudriez-vous croire,
messieurs, que malgré les dispositions pénales du code de 1810, on importe
aujourd’hui des jeux de hasard, la roulette, dans toutes les petites communes
Dans une commune de cinq ou six cents habitants, on voit une ou deux roulettes
! Que résulte-t-il de cela ? Les enfants, les domestiques, même des pères de
famille se livrent à un fol espoir et se démoralisent à cet infâme jeu de
hasard. Ou ne voit aucun officier public, ou un officier judiciaire, ou un
procureur du Roi qui cherche à empêcher le mal ; cependant il se fait au vu et
au su du peuple, Je demande que M. le ministre de la justice, par une
circulaire, attire l’attention des officiers judiciaires sur ce point pour
qu’ils arrêtent ce scandale, cette plaie faite à la morale publique.
On avait promis que
notre révolution serait morale ; je ne crois pas que ce soit en offrant au
peuple, dans chaque fête communale, une ou deux roulettes, qu’on formera ses
mœurs.
Il est un troisième
point sur lequel j’attirerai l’attention du ministère ou plutôt de la chambre
Vous vous rappelez qu’à
la formation du nouveau ministère, nous avions conçu beaucoup d’espérances par
l’introduction de deux membres de l’opposition dans l’administration ; nous
avions tous cru que le cabinet suivrait désormais un système plus large, plus
généreux ; que ces vexations contre les étrangers, si funestes à ceux qui les
subissent, si mesquines par rapport à l’Etat, allaient cesser ; que l’on
interpréterait mieux enfin une constitution tant de fois lacérée.
Eh bien, ces messieurs sont
aux affaires ; qu’en est-il advenu ? L’un deux, M. Ernst, avait fait la
promesse de nous présenter une loi sur les étrangers ; mais par un singulier
escamotage, on a mis la police de la justice à l’intérieur et les choses en
sont restées an point où elles étaient ; seulement au lieu d’avoir pour bouc
émissaire, pour bouc d’Israël, le ministre de la justice, on a M. le ministre
de l'intérieur. Voilà tout. (On rit.)
Ce n’est pas ainsi que l’on gouverne un pays. Quand des hommes ont proclamé des
principes aussi libéraux que l’a fait M. Ernst, ils doivent manifester leur
présence au pouvoir d’une manière plus généreuse. Il nous avait, je le répète,
promis une loi sur les étrangers, et à Anvers, nous avons vu le nommé Crammers expulsé brutalement de
Quelle
différence y a-t-il donc entre l’administration Lebeau et l’administration
Ernst ? Sous M. Lebeau on était cité devant la justice, on vous faisait
condamner. Aujourd’hui, s’il faut en croire les papiers publics, on vous
expulse sans procès, sans donner le temps à l’autorité judiciaire de prononcer
; ou si elle a fait entendre une voix indépendante, on n’écoute pas sa
décision.
Je demanderai à M. le
ministre s’il persiste a maintenir, tant qu’elle existe, la législation sur les
étrangers ; s’il ne présentera pas une loi sur cette matière ; s’il ne la
présentera pas dans le plus bref délai ?
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - L’honorable préopinant m’a fait
l’honneur de m’adresser trois interpellations ; la première concerne le duel.
Je dois à cet égard rectifier la manière dont il a rapporté, par erreur, des
paroles que j’ai prononcées dans une autre enceinte. Lorsqu’un honorable
sénateur me fit aussi des interpellations sur le duel, je déclarai que, suivant
mon opinion, la législation en vigueur punissait l’homicide et les blessures
occasionnées par le duel ; qu’à la première occasion, je soumettrais à la cour
de cassation cette question de l’applicabilité des lois pénales ; que si cette
cour croyait que le code pénal ne réprimait pas le duel, je m’empresserais de
présenter une loi. Je le répète, j’ai dit que dans mon opinion les lois
existantes étaient applicables, et que j’avais donné des ordres pour poursuivre
les duellistes. J’ai tenu mes promesses. la cour de cassation
sera bientôt dans le cas de se prononcer : M. le procureur-général va soumettre
cette semaine, si cela n’est déjà fait, cette question à la cour suprême : un
citoyen a-t-il violé ou pas violé la loi en se rendant coupable d’un homicide
ou de blessures à l’occasion d’un duel ?
Je n’ai pas laissé le
pays dans l’indécision, Les deux jugements rendus contre des militaires sont
également dénoncés à la cour régulatrice. C’était la seule voie à suivre. Avant
tout il faut savoir si nous avons une loi ou si nous n’en avons pas.
Il n’est pas exact de
dire qu’en Belgique on considère le code comme non-applicable au délit dont il
s’agit : à Liége, à Bruxelles des condamnations ont été prononcées. J’ai
toujours eu l’opinion que le code, dans sa généralité, frappait les duellistes.
Je ne puis répondre de ce qui s’est fait avant mon entrée à l’administration ;
mais dans la conviction où je suis que nous avons une loi, je n’en ai pas
présenté d’autre, et j’en ai ordonné l’application.
M. de Robaulx. - Mais avons-nous une bonne
loi ?
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - Il ne s’agit pas de discuter
ici si nous avons la meilleure des lois ; mais de savoir si l’homicide et les blessures,
qui sont la suite d’un duel, sont punissables.
M. de Robaulx. - C’est pourtant le cas !
M. le ministre de la justice (M. Ernst). -
Relativement aux jeux de hasard, je remercie l’honorable préopinant des faits
qu’il vient de signaler. Rien n’est plus capable de démoraliser les peuples que
ces funestes jeux de hasard, et je puis assurer que je ferai tout ce qui
dépendra de moi pour mettre un terme à ce scandale.
Quant aux étrangers il
ne s’agit plus de promettre qu’on présentera une loi ; la promesse a été faite
et je réitère à la chambre la déclaration qu’un projet lui sera soumis assez
tôt pour qu’on puisse le discuter immédiatement après les budgets. (Bien ! bien !)
M. de Robaulx. - Il rien à dire sur les deux
derniers points qu’a traités M. le ministre de la justice. Il a fait des
promesses ; nous verrons s’il les tiendra.
Quant à la loi sur les
duels, je ne crois pas que M. le ministre ait apprécié la portée de mes
observations. A mon avis la question n’est pas de savoir s’il y a une loi
pénale. Qu’importe qu’il y ait des dispositions pénales, si elles ne peuvent
pas être portées et si la cour de cassation a une jurisprudence particulière à
cet effet. En législation le doute même est un mal.
Quand une loi est
nouvelle, je reconnais qu’il faut laisser aux tribunaux le soin de
l’interpréter. Mais quand il est arrêté que la législation en vigueur n’a pas
été assez forte pour réprimer un mal, je dis que c’est le cas de chercher à
présenter un projet de loi qui lève tous les doutes.
Supposons un instant que
la loi soit applicable d’après l’opinion erronée du ministre. Il faut se hâter
de la révoquer pour ne pas confondre deux choses distinctes.
Il ne faut pas, dans
l’intérêt de la morale et du bien public, que l’on punisse des mêmes peines les
meurtriers et les hommes qui n’ont cédé qu’à l’impulsion d’un préjugé. C’est à
vous à examiner si dans la législation des autres peuples, il n’y a pas moyen
de trouver une loi qui puisse punir plus efficacement le duel. Mais, je ne veux
pas que l’on inflige des peines atroces aux duellistes ; je ne veux pas qu’on
les fasses asseoir sur les bancs des cours d’assises que la loi a réservés aux
meurtriers, aux brigands, Ce n’est pas ainsi que l’on réprimera le duel. On l’a
tenté en France sous l’ancienne monarchie. On a fulminé contre les duellistes
des lois de mort, des lois de sang. Celle du code pénal est une loi de sang.
Elle flétrit par la main du bourreau ceux qui ont cédé à l’influence d’un
préjugé. Aussi n’a-t-elle pas reçu d’exécution depuis 20 ans qu’elle a été
portée. Elle a mis dans un pays voisin le duel à l’abri de toute répression.
Aussi
longtemps que la loi sera aussi sanglante, je ne blâme pas la non-poursuite de
duellistes. Mais je dis que c’est le cas de chercher à mettre la législation
sur les duels en harmonie avec nos mœurs. Si donc vous, ministre de la justice,
vous voulez être à la hauteur de vos éminentes fonctions, il faut que vous
présentiez un projet de loi pour réprimer les tristes résultats des duels.
Je crois, je le répète,
que vous n’avez pas compris ma pensée.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - Je conviens qu’en fait de
législation le plus grand des maux c’est le doute. Ce doute cessera d’exister
maintenant qu’il existe une cour suprême régulatrice, dont les arrêts sur la
matière serviront d’antécédents et fixeront la jurisprudence. Mais je ne vois
pas que sous l’empire du code pénal l’on ait jamais appliqué comme le dit M. de
Robaulx, des peines atroces, que l’on n’ait pas tenu compte des circonstances
atténuantes qui doivent faire modifier la peine. Lorsque les cours ont eu à
porter des arrêts dans des questions de duel, et veuillez remarquer qu’à
l’époque à laquelle je fais allusion, l’institution du jury n’existait pas,
souvent elles ont déclaré le meurtre excusable à cause d’une provocation et
n’ont condamné ceux qui s’en étaient rendus coupables qu’à un emprisonnement de
2 à 3 années. Les hommes des classes inférieures du peuple, les ouvriers, les
habitants des campagne vengent leur honneur, répondent à une provocation en se
battant à leur manière en employant des armes qui leur sont familières et l’on
ne trouve pas exorbitant qu’eux qui ne se servent ni de l’épée ni des
pistolets, soient condamnés aux peines comminées par notre législation contre
l’homicide volontaire. Je relèverai encore une autre erreur de M. de Robaulx.
Les cours d’assises ne sont pas seulement appelées à juger des assassins, des
meurtriers. C’est devant elles que sont portés les délits politiques, les
délits de presse. Ce sont elles qui connaissent des crimes et des délits dont
l’opinion publique est juge. Sous le rapport de la justice en elle-même, on ne
peut donc récuser les cours d’assises. Quant à la loi que l’on voudrait voir
porter sur le duel, s’il faut comme l’a dit l’honorable membre pour m’élever à
la hauteur de la mission que le roi m’a confiée, faire une bonne loi sur la
matière, j’avoue ne pas faire un acte d’humilité en ne me regardant pas plus en
état d’atteindre ce but que les législateurs d’un pays voisin. En France, on déplore vivement que la cour de cassation n’ait pas fait
l’application des lois existantes. On a cherché à plusieurs reprises à
introduire une législation nouvelle et on a reculé devant les difficultés
qu’elle présentait, Si la cour de cassation de notre pays ne parvient pas à
fixer la législation sur le duel, comme ministre de la justice, reconnaissant
la nécessité de moyens de répression, je ne reculerai pas devant mon devoir et
je ferai tout ce qui dépendra de moi pour présenter aux chambres un projet de
loi aussi complet qu’il sera possible de le faire.
M. Desmanet de Biesme. - La question
proposée par M. de Robaulx n’est pas tant de savoir ce que la cour de cassation
décidera sur la mise en application de la loi sur les duels. Quand même la cour
de cassation déciderait affirmativement, M. de Robaulx pense qui faut porter
une loi nouvelle sur la matière.
On prétend qu’une loi sur
les duels serait d’une difficulté extrême. Mais sans traiter les duellistes
comme des assassins, ne pourrait-on pas, s’ils sont militaires, les priver de
leurs grades, s’ils ne le sont pas, leur imposer de fortes amendes. On peut,
j’en suis persuadé, améliorer ce qui existe. J’appellerai l’attention de M. le
ministre de la justice sur cet objet.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - Si on présentait un projet de
loi sur le duel, avec les travaux dont la chambre est déjà surchargée, il n’est
pas probable qu’il pût être voté dans cette session, ni peut-être dans la
suivante. Ce serait donc déjà un grand mal qu’il fût reconnu que le code pénal
n’est pas applicable au duel, puisque nous serions privés de lois répressives
dans le moment où leur nécessité est généralement tentée. Cependant je tiendrai
compte des observations qui ont été faites dans cette séance sur les
changements et les améliorations à apporter à cette partie de la législation.
Mais quant à présent, je persiste à penser, que ce qu’il y a de mieux à faire,
c’est de régulariser la jurisprudence. (A
demain ! à demain !)
- La séance est levée à
4 heures et demie.