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Note
d’intention
Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du samedi 7 septembre 1833
Sommaire
1) Projet de loi portant le budget
de la dette publique pour l’exercice 1833. Pensions du personnel de l’Etat à
charge de la caisse de retraite (Dumortier, Duvivier, Donny, Duvivier, Verdussen, Seron, Legrelle, Fleussu,
d’Huart, de Robaulx, Faider, de Robaulx, Liedts, Dumortier, de Robaulx, Dumortier, d’Hoffschmidt, A. Rodenbach,
Liedts, de Theux, Fleussu, Seron, Duvivier,
Donny, Dumortier, de Theux, Liedts)
2) Projet de loi portant le budget du
département des affaires étrangères pour l’exercice 1833. Discussion des
articles. Traitements du personnel diplomatique en Grande-Bretagne (Nothomb, Legrelle, A. Rodenbach, Dubus, Lebeau, Legrelle, Rogier, Donny, Legrelle),
en Prusse et incompatibilité entre une charge salariée par l’Etat et la
fonction de magistrat (Nothomb, Brabant,
Legrelle, Nothomb, Brabant, Jullien, Verdussen, Dubus, de Theux, Nothomb, Legrelle, de Brouckere, d’Huart, Lebeau, de Brouckere, Nothomb, Dumortier, de Brouckere, Brabant, Nothomb, Legrelle, Dubus)
(Moniteur belge n°252, du 9 septembre 1833 et Moniteur belge n°253, du
10 septembre 1833)
(Présidence de M. Raikem)
(Moniteur belge n°252, du 9 septembre 1833) La séance est ouverte à
1 heure moins un quart.
Après l’appel nominal,
le procès-verbal est lu et adopté.
Quelques pétitions sont
renvoyées après analyse à la commission des pétitions.
Chapitre II -
Rémunérations
Article
3
M. Dumortier (au nom de la section centrale). -
Messieurs, c’est pour la troisième fois que je suis appelé à vous faire un
rapport au nom de la section centrale, sur le subside ou la subvention de la
caisse de retraite. Dans une séance précédente, vous avez renvoyé à notre
examen un amendement de M. Verdussen, tendant à faire accorder la somme qui
forme la différence entre le chiffre posé par le ministre des finances et celui
de la section centrale, c’est-à-dire 180,000 fr.
Votre section centrale a
examiné d’abord si et jusqu’à quel point, le gouvernement était lié envers la
caisse de retraite, ou, en d’autres termes, quels étaient les droits de cette
caisse à une subvention plus élevée que celle votée par vous. J’ai déjà eu
l’honneur de vous dire que les fonds de cette institution avait été
originairement employé en achats de la rente hollandaise. On a d’abord acheté
un capital en rentes actives de 678,900 fl., et en second lieu en dette
différée de 192,000 fl.
Nous n’avons pas de
calcul à établir sur la dette différée, puisqu’elle ne sortait aucun intérêt ;
mais les fonds inscrits en dette active produisent, comme vous le savez, un
intérêt de 2 1/2 p. c. Eh bien ! la caisse de retraite
touchait donc de ce chef, au moment de la séparation, une ressource de 16,972
fl. 50 c.
En outre, aux termes de
l’art. 24 de l’arrêté royal de mai 1832, la caisse de retraite jouissait d’une
subvention équivalant à son déficit, mais jusqu’à concurrence de 30,000 fl.
seulement. Le subside pouvait être moindre, mais il ne pouvait dépasser cette
somme. Ajoutant ces 30,000 fl. aux 16,972 fl. d’intérêt de la dette active,
cela faisait un total de 46,972 fl. pour tout le royaume des Pays-Bas.
Nous avions à examiner
pour quelle part environ
Ainsi, en strict droit,
voilà ce qui serait dû à la caisse de retraite, et rien de plus. Encore
pourrions-nous prétendre que nous ne devons qu’à titre d’avance les fonds
inscrits au grand livre d’Amsterdam, puisque ces fonds ayant produit intérêt et
devant faire la matière d’une liquidation, la caisse de retraite devrait nous
rembourser ces intérêts. Mais nous n’avons pas poussé l’argument jusque dans
ses dernières conséquences.
M. le ministre des
finances et M. le commissaire ont fait valoir au sein de la section centrale un
moyen qu’ils ont souvent développé dans cette enceinte, consistant à dire que
l’arrêté de 1814 établissait, en faveur des employés de finances des droits à
la pension équivalant à ceux des fonctionnaires et employés de l’ordre civil .
La section centrale à
l’unanimité n’a pas cru devoir admettre cet avis. Elle a pensé que cet arrêté
était applicable aux anciens employés qui ont été plusieurs années en exercice
sous le gouvernement autrichien ; que plus tard il avait été étendu aux autres
employés, mais qu’un décret de 1815 pris par le même pouvoir constituait la
caisse de retraite pour les employés des douanes, et réglait ce qui les
concerne. Nous avons donc rejeté le système soutenu par les organes du
gouvernement.
Après avoir ainsi traité
la question de droit, après avoir démontré que la caisse de retraite ne peut
exiger au-delà de 66,203 fr., j’aurai l’honneur de rappeler que précédemment la
section centrale a admis, et que la chambre a voté un subside de 250,000 fr.,
c’est-à-dire 135,797 fr. Nous avons beaucoup engagé M. le ministre des finances
et M. le commissaire du Roi à se rallier à la proposition qu’a déjà faite la
section centrale d’allouer 50,000 fr. ; mais nous n’avons pu les y décider.
Nous avons encore révisé les calculs sur lesquels nous avions basé notre
proposition, et nous avons reconnu que depuis la révolution il avait été donné
par la caisse de retraite presque autant de pensions qu’il en avait été accordé
pendant toute l’existence du royaume des Pays-Bas. Les pensions antérieures à
la révolution, je le répète, s’élevaient au chiffre de 400,000 fr., et celles
conférées depuis la révolution à 268,000 fr. Ajoutez à cela que les mortalités
ont amené des extinctions.
Nous avons cru, comme
précédemment, qu’il était nécessaire de réprimer de pareils abus, une pareille
prodigalité des deniers publics. Si l’on n’arrête pas l’administration dans
cette marche désastreuse, nous aurons à supporter un nombre considérable de
pensions de retraite qui sont réversibles sur les veuves et orphelins.
Votre section centrale,
messieurs, après avoir mûrement et longuement délibéré, n’a cru devoir rien
changer à ses premières conclusions. Elle vous propose donc d’allouer une
augmentation de 50,000 fr. Mais, encore une fois, ce n’est que pour cet exercice
seulement, et le ministre ne pourra s’en prévaloir dans le budget de 1834 ;
c’est simplement pour faire face aux besoins du moment. La section centrale
prie M. le ministre de prendre note de cette observation.
Nous avons pensé en
outre qu’il fallait éviter qu’on ne portât la retenue à 5 p. c. sur les petits
employés qui n’ont pas droit aux grosses pensions ; c’est aux employés
supérieurs, qui touchent de gros traitements et qui obtiennent les grosses
pensions à combler la lacune qu’il pourrait encore y avoir entre le subside
accordé et les besoins de la caisse de retraite. Nous vous proposons donc
encore le chiffre de 50,000 fr. ; mais comme le ministre n’a
point consenti à s’y rallier, nous vous proposons d’ajouter au budget que ce
ministre ne pourra disposer des fonds accordés par le budget à titre de subside
à la caisse de retraite, à moins qu’il ne s’engage à faire face à l’excédant de
la dépense qui figure à charge de cette caisse.
Vous n’ignorez pas que
l’année dernière l’honorable M. Coghen, alors ministre des finances, avait pris
l’obligation d’élever la retenue à 5 p. c. sur les traitements des employés
au-dessus de 1,200 fr. et que cette promesse, faite à la face du pays, n’a pu
être accomplie, on vous l’a déclaré, par suite de la résistance du conseil
d’administration de 1a caisse de retraite. Mais nous ne reconnaissons pas un
pareil droit à ce conseil ; nous croyons qu’il est temps de le mettre dans
l’impossibilité de contrarier les dispositions de la représentation nationale.
Ainsi donc, nous proposons de dire à la fin du budget que le ministre des
finances ne pourra employer le subside accordé à titre d’avance à la caisse de
retraite, qu’autant qu’il s’engagera à combler la lacune des besoins par
l’augmentation de la retenue sur les gros traitements des employés des
finances.
M. le président. - Quand veut-on discuter cet objet
? (Immédiatement !)
Quelques voix. - Non, il faut faire imprimer ce
rapport.
M. Dumortier, rapporteur. - C’est la troisième fois que nous faisons un rapport sur cet objet. En
conséquence, la chambre est à même de commencer la discussion tout de suite.
M. d’Huart. - Il faudrait savoir si M. le ministre des finances ne demande pas un délai.
M. le ministre des finances
(M. Duvivier) - Je désire qu’on passe à la discussion immédiate.
M. le président. - Alors la discussion est ouverte.
Le gouvernement avait demandé 380,000 fr. On a déjà voté 200,000 fr., et la
section centrale propose un supplément de 50,000 fr.
M. le ministre des finances
(M. Duvivier) - Je ne puis me rallier à la proposition qui vous est soumise ; je suis
obligé de maintenir ma demande de 180,000 fr. qui, avec les 200.000 déjà votés
et le montant des retenues à raison de 3 p. c. sur 9,000,000 de francs, somme à
laquelle s’élèvent les traitements des employés de tout grade, mettra le
ministère des finances en mesure d’acquitter toutes les pensions.
Les pensions de retraite
montaient au 1er juillet, tant celles accordées antérieurement à la révolution
que celles accordées depuis, à fr. 668,5000.
Les appointements du
ministère des finances, susceptibles de la retenue, s’élèvent à la somme ronde
de 9,000,000 de francs, à 3 p. c., fr. 270,000.
La subvention demandée
est de fr. 380,000
La part dans les
saisies, fr. 24,000
Ensemble des recettes :
fr. 674,000.
Différence entre
dépenses et recettes (en plus) : fr. 15,500.
Mais il reste des
pensions à liquider.
La section centrale
propose de couvrir la différence de 50,000 fr. à 180,000 fr. en élevant les
retenues de 3 p. c. à 5 p. c, sur les traitements qui excèdent 1,200 fr. Deux
obstacles s’y opposent : d’abord ce serait une vraie contribution, et, en
présence des art. 113 et 112 de la constitution,
peut-elle être établie autrement que pas la loi qui, pour y être conforme,
devrait frapper tous les salariés de l’Etat ? Sans cela, il y a privilège en
faveur de ceux qui ne seraient point atteints, en violation de l’art. 112
(cité) de notre pacte fondamental. Il y aurait encore un autre privilège, en ce
que les petits traitements seraient passibles d’une retenue moindre que ceux
plus élevés. 2° Enfin il y aurait, dans une pareille mesure, le vice contraire
à toute bonne législation, la rétroactivité ; car la section centrale, dans ses
calculs pour couvrir la différence, fait remonter l’augmentation de la retenue
au 1er janvier dernier.
La révision des pensions
accordées depuis la révolution pourra, suivant elle, amener de fortes
réductions dans le chiffre auquel elles s’élèvent actuellement. Je ne le pense
pas, messieurs.
Je pense que la
persévérance qu’on a mise dans le sein des sections, et dans le sein de cette
assemblée elle-même, à accuser de prodigalité le conseil d’administration de la
caisse de retraite, n’est pas fondée. Ce conseil s’est conformé littéralement
aux attributions qui lui sont conférées par l’arrêté encore en vigueur. A mon
avis, la révision que l’on demande, et à laquelle je ne m’oppose aucunement,
n’apportera aucune réduction dans le chiffre des pensions. Croyez bien,
messieurs, que le conseil dont il s’agit n’a été influencé par aucune
considération particulière pour la collation des brevets ; il a, au contraire,
écarté toute considération de ce genre, et n’a consulté que les titres des
postulants.
Mais, dit-on, les
pensions nouvelles sont très nombreuses ! Oui, elles sont nombreuses et par
diverses causes plausibles. D’abord presque tous les anciens employés de la
douane sont entrés en fonctions après avoir déjà exercé dans l’administration
française et les administrations antérieures. Ils avaient donc droit, en raison
de leur âge, de réclamer leur retraite. Je ferai remarquer que, depuis quelque
temps, j’ai fait preuve de tant de circonspection à l’égard des retraites que
les chefs de mon administration dans les provinces me laissent en quelque sorte
la responsabilité du refus d’admettre à la retraite des employés des douanes
qui exercent à l’extrême frontière. Dans ce moment encore, j’ai dans mon
cabinet un travail complet, relatif à l’organisation du personnel sur un des
points les plus importants du royaume, je veux parler d’Anvers. Eh bien, ce
travail s’appuie sur un certain nombre d’admissions à la retraite que je ne veux pas accorder, bien que je sois
convaincu que les employés qui en font la demande ne rendront aucun service à
l’Etat.
On est de nouveau revenu
sur la hauteur des pensions de retraite ; mais j’ai prouvé que la plupart des
pensions les plus élevées avaient suivi la suppression d’emplois ; d’où il
résultait que si d’un côté ces pensions augmentaient la dépense, d’un autre
côté il y avait une économie considérable pour l’Etat, puisque les traitements
attachés à ces emplois étaient de beaucoup supérieurs.
Les pensions des
employés des finances, dit-on, sont en général plus élevées que celles des
fonctionnaires des autres départements.
C’est une vérité ; mais
on devrait leur tenir compte de la retenue qu’ils subissent chaque année ; on
doit faire attention aussi que lorsqu’on liquide leur pension, on leur alloue
toutes les années de service, quand bien même ils ont changé d’administration.
En outre, d’après les règlements, si un employé est chargé d’autres fonctions
que celles qu’il exerçait d’abord, et qu’il reçoive un moindre traitement, il
lui est libre de continuer à payer la retenue sur le taux de son traitement
primitif qui était plus élevé, et la pension lui est liquidée sur ce taux. On
conçoit alors que le chiffre en soit plus considérable.
On a
ajouté que les pensions pour les grades inférieurs de l’administration des
douanes n’allaient guère que de 3 à 400 fr. Eh bien c’est une raison pour les
employés de ne se retirer que quand ils ne peuvent plus exercer leurs
fonctions. Mais à l’instant même un honorable collègue vient de me remettre une
pétition en faveur de deux de ces employés mis à la retraite auxquels il
s’intéresse, et dont l’un, en sa qualité de lieutenant, a 675 fr., et l’autre,
en qualité de sous-lieutenant, a 601 fr. de pension. Il en est ainsi pour la
plupart.
Messieurs, en terminant,
j’appellerai tout votre intérêt sur les pensionnaires de la caisse de retraite
; je les recommande à votre sollicitude pour que vous ne les abandonniez pas
quand ils se trouvent sous le poids de l’âge et des infirmités.
M. Donny. - Messieurs, c’est bien malgré moi que je
reprends encore la parole au sujet de la caisse de retraite. Mais quand on fait
journellement des propositions nouvelles il est de mon devoir de prendre part à
la discussion qu’elles font naître.
Je répondrai d’abord au
discours que vient de prononcer M. le ministre des finances. Ce discours est à
peu près la répétition de ce que nous avons entendu à plusieurs reprises,
depuis les premiers jours de juillet. Cependant il s’y trouve trois choses
dignes de remarque. En premier lieu, un très bel éloge du conseil
d’administration, fait par M. le président de ce conseil. Je ne sais,
messieurs, si vous partagerez l’opinion de M. le ministre à cet égard et si vous
trouverez que les opérations de ce conseil méritent autant de louanges ; mais
je sais que, pour ma part, mon opinion est tout à fait différente de la sienne
sur ce point.
La seconde chose que
j’ai remarquée dans ce discours écrit, c’est l’assurance formelle qu’au 1er
juillet dernier les pensions de la caisse de retraite s’élevaient à 668,000 fr.
Il faut que M. le ministre ait la mémoire extrêmement mauvaise ; car, à la
séance du 13 août dernier, il nous a dit, dans un discours également écrit,
qu’à la même époque du 1er juillet, ces pensions s’élevaient à la somme de
650,000 fr.
(L’orateur cite la
dernière phrase de ce dernier discours, inséré dans le Moniteur.)
Que M. le ministre
concilie ses chiffres entre eux ; quant à moi, j’y renonce.
Enfin j’ai vu dans le
discours de M. le ministre une fort belle phrase, qui nous recommande les
pensionnaires de la caisse de retraite. Eh bien je dirai, moi, à M. le
ministre, que si le sort de ces pensionnaires est remis en question tous les
six mois, la faute en est au conseil d’administration et non à la chambre. Si
l’on s’appliquait à faire disparaître les justes défiances qui planent sur tout
ce qui est relatif à la caisse de retraite, nous montrerions beaucoup moins de
résistance, et pour ma part je déclare qu’aussitôt qu’on aura pris une mesure
convenable à cet égard, je serai le premier à voter tous les fonds nécessaires
pour payer les pensions légitimement dues a d’anciens serviteurs de l’Etat.
J’en viens maintenant au
rapport de la section centrale. Pour abréger la discussion, je m’abstiendrai
d’examiner si la section centrale s’est acquittée convenablement de la mission
dont elle avait été chargée, c’est-à-dire de nous faire un rapport sur
l’amendement de M. Verdussen. Je n’examinerai pas non plus si la section
centrale se montre bien conséquente avec elle-même, alors qu’elle majore
aujourd’hui la proposition qu’elle nous a faite par son rapport sur le budget.
Enfin, je n’examinerai
pas davantage si ses allégations et ses chiffres sont bien exacts, et s’il est vrai,
par exemple, comme elle le dit, que dans une seule année le conseil
d’administration aurait accordé des pensions pour 114,242 fr., somme qui me
paraît exagérée au moins de 25 p. c. Je me dispenserai même d’examiner si dans
l’état actuel des choses la chambre peut sans inconséquence majorer encore de
50,000 fr. le crédit de 200,000 fr. qu’elle a déjà voté en pleine connaissance
de cause. Je me bornerai seulement à établir qu’il n’y a ni urgence, ni
nécessité, ni même utilité quelconque à voter cette majoration, et qu’au
contraire il y a utilité à l’ajourner à quelques mois d’ici. Messieurs, les
pensions de la caisse de retraite se paient par semestre. Il suit de là que
tout ce qui est dû en ce moment, tout ce qui peut être dû jusqu’au 1er janvier
prochain, se borne au montant du premier semestre de 1833.
S’il est vrai, comme on
l’a dit aujourd’hui, contrairement à ce qu’on avait déclaré dans une discussion
précédente, que le montant des pensions s’élevait au 1er juillet à 668,000 fr.,
cela fait 334,00 fr. pour le 1er semestre. Pour payer ces 334,000 fr., la
caisse de retraite peut disposer dans les premiers jours d’octobre prochain :
1° des 200,000 fr. que vous venez de voter ; 2° des neuf premiers mois des
retenues de 1833, qui doivent s’élever au moins à 200,000 fr., même en
admettant que les retenues de l’année entière nec s’élèvent qu’à 270,000 fr.,
comme on le dit. Ainsi, voilà 400,000 fr. pour en payer 334,000, et par
conséquent, 66,000 fr. qui resteront inutiles, oisifs dans les mains du
trésorier de la caisse de retraite à moins qu’il ne les fasse valoir d’une
manière ou d’autre. Il y a plus, c’est que ces 63,000 fr. doivent être portés à
100,000 fr. par la raison qu’il y a une somme d’environ 34 000 fr. qui n’a pas
été renseignée dans les états de situation fournis précédemment. Dans un état
joint au rapport qu’a fait M. le ministre des finances dans la séance du 4 mars
dernier, il est porté, sous le titre de recettes diverses pour l’année 1832
tout entière, une somme d’environ 6,000 fr. ; et, cependant, ce produit s’est
probablement élevé à environ 40,000 fr., s’il faut en juger par l’année 1833,
dans laquelle il s’élèvera à cette somme, d’après les données du ministre
lui-même.
Il n y a donc, comme je
l’ai dit, ni urgence, ni utilité à majorer le crédit de 200,000 fr.
Il est, au contraire,
utile d’ajourner la majoration. Cet ajournement me paraît un excellent moyen
coercitif dont le résultat sera de mettre M. le ministre des finances dans la
nécessité de faire disparaître tout ce que la caisse de retraite offre
d’irrégulier. Et je pense qu’il faut que nous le mettions dans cette position
forcée, parce que les bonnes intentions de M. le ministre pourraient bien être
neutralisées par le mauvais vouloir et l’obstination de quelques fonctionnaires
qui ne respectent pas toujours les intentions ni même les décisions
ministérielles.
Si je parle, à cet
égard, avec autant d’assurance, c’est que je m’y crois autorisé
par l’expérience même. Au mois de juillet dernier vous avez également voté un
supplément de crédit. Alors, vous avez demandé que la liste des pensionnaires
sur la caisse de retraite fût révisée. Eh bien ! cette
révision a-t-elle eu lieu ? Non… On a nommé une commission pour réviser toutes
les autres pensions ; mais, quant à celles dont il s’agit, elles sont restées
en dehors de la mesure. Le conseil d’administration aura sans doute décidé dans
sa haute sagesse que, quant à celles qu’il accordait, il n’existait pas de
constitution.
Vous vous êtes tous
élever avec force contre l’exercice illégal d’une prérogative royale que
s’arrogeait ce conseil. Cet état de choses a-t-il cessé ? Non : ce conseil a
sans doute trouvé que lui seul avait le don d’interpréter sainement les lois et
les arrêtés existants, et que la législature, en les interprétant d’une manière
différente, ne savait pas trop ce qu’elle faisait.
Enfin vous avez
manifesté l’intention de voir augmenter la retenue. Cette augmentation a-t-elle
été reniée ? Non, messieurs, et M. le ministre des finances nous a dit
qu’appliquée aux petits traitements elle était impraticable, et qu’appliquée
aux gros appointements elle ne produirait qu’un résultat insuffisant.
Aujourd’hui même vous lui avez entendu plaider le maintien de la retenue
actuelle.
Profitons donc des
leçons de l’expérience, et puisque nous avons un moyen d’obtenir par la
contrainte ce que nous n’avons pas pu obtenir par la raison, faisons usage de
ce moyen. Bientôt tout sera régularisé, et alors je ne me refuserai, je le
répète, à voter aucun crédit nécessaire pour subvenir aux besoins légitimes et
à ceux de la caisse de retraite.
Qu’il
me soit permis d’adresser, en terminant, quelques mots à M. le ministre des
finances, en faveur des pensionnaires de l’institution dont il s’agit, et de
lui dire en leur nom : « Vous voyez que la représentation nationale ne
manque pas de bienveillance à notre égard, puisqu’elle vous accorde, tantôt en
considération des événements politiques, tantôt par motifs d’humanité, tout ce
que vous lui demandez pour nous. Vous voyez d’un autre côté que les obstacles
au développement de cette bienveillance sont la persuasion qu’il s’est commis
de nombreux abus dans la collation des pensions et la crainte qu’il pourra s’en
commettre encore. Ecartez ces obstacles, entrez franchement dans les vues de la
législature, et même, s il le faut, faites le sacrifice de votre opinion
personnelle en notre faveur. Cessez de lier notre sort aux prétentions, bien ou
mal fondées, d’un conseil que la
législature regarde, à tort ou à raison, comme illégal ; faites réviser nos
pensions et présentez un projet d’organisation nouvelle de la caisse de
retraite. En agissant ainsi vous ferez disparaître jusqu’à l’ombre de la
défiance, vous empêcherez que notre sort soit sans cesse remis en question. Par
ce moyen seul vous pourrez nous prouver que vous avez pour nous une aussi vive
sollicitude, une aussi grande bienveillante que la législature
elle-même. »
M. le ministre des finances
(M. Duvivier) - Je ne ferai que quelques observations à ce que viennent de dire les
honorables préopinants. D’abord, il est à remarquer que lorsque j’ai cité le
chiffre total des pensions, chiffre qui ne s’éloignait pas beaucoup de celui
dont a parlé M. Donny, je me suis exprimé ainsi : somme ronde, environ 650,000
fr.
Quant aux recettes, qui,
dit-on, ne sont pas renseignées, j’ai déjà expliqué franchement à. quoi cela
était dû, et j’ai annoncé qu’on reviendrait à un mode plus régulier. Puisque M.
le rapporteur, au nom de la section centrale, a indiqué un nouveau mode, je
déclare qu’il sera fait droit à cette demande.
Quant au produit des
recettes diverses, il a été constamment renseigné à la chambre, et l’honorable
préopinant l’a fixé à 6,000 fr. Lorsque nous appelons au service de la douane
un ancien militaire, comme ses services peuvent lui être comptés au jour
lorsqu’il demandera sa retraite, il est obligé de présenter au conseil de
retraite l’état de ces services, et on le frappe d’une retenue à l’instant
même. Si d’un autre côté un employé quitte l’administration, il a cependant la
faculté de continuer la retenue pour maintenir son droit à la pension. Tout
cela forme les recettes diverses. Il en est de même pour l’employé qui,
changeant de fonctions, a un traitement moindre que celui qu’il avait d’abord.
Il continue de payer la retenue sur le taux de son traitement primitif, afin de
faire liquider plus tard sa pension sur ce taux. Cette retenue forme encore une
partie des recettes diverses.
Quant
à la révision des pensions de la caisse de retraite, je persiste à croire que
la commission qui a été nommée pour réviser les autres pensions n’en a pas été
changée. Mais je dirai que les observations qui ont été faites ont produit une
telle impression sur nous qu’un projet de loi est en ce moment entièrement
rédigé au ministère. De plus, il est imprimé et même j’en ai remis
officieusement quelques exemplaires à d’honorables membres de cette assemblée.
Le taux de la retenue reste en blanc, et la chambre sera maîtresses de le
fixer. Nous avons demandé les observations des principaux chefs de l’administration
dans les provinces, et alors il y aura une législation complète sur la matière.
Depuis ces observations,
messieurs, le conseil d’administration de la caisse de retraite ne m’a pas
soumis une seule délibération et il m’a annoncé qu’il cessait de liquider des
pensions, depuis qu’on avait mis en doute ses droits et la légalité de son
institution. Ainsi, il n’exerce plus de pouvoir royal, il n’en exerce même
aucun.
Je désire que la
chambre, prenne, séance tenante, un parti quelconque sur l’objet soumis sas
décision.
M. Verdussen. - Quoique je sache bien que mon
amendement trouvera peu de défenseurs, je m’applaudis cependant de l’avoir présenté,
puisqu’il a donné lieu à la section centrale de faire une proposition qui ne
s’écarte point du principe général de l’équité. J’avais eu en vue d’engager la
chambre d’être conséquente avec elle-même, et d’admettre les antécédents
qu’elle avait encore confirmés par sa loi du juillet, c’est-à-dire de combler,
par une mesure quelconque, la lacune que laisse dans la caisse de retraite
l’insuffisance de ses moyens ; mais je n’ai jamais entendu établir dans cette
enceinte, messieurs, que cette caisse eût un droit acquis à votre bienveillance
: j’ai voulu seulement établir que les employés des finances devaient être
assimilés aux autres employés de l’Etat, c’est-à-dire qu’ils étaient sous
l’empire de l’arrêté-loi de septembre 1814. J’ai pu réfléchir depuis sur la
portée de mon amendement, et je me rallie aujourd’hui volontiers à la
proposition de la section centrale.
On
m’objectera peut-être qu’il y a de l’inconséquence à abandonner ainsi ma
demande. Mais je répondrai que les variations du ministre, les incertitudes
dans lesquelles je me suis trouvé m’en ont fait un devoir. L’allocation
demandée cette année est infiniment supérieure à celle réclamée par M. Coghen ;
il y a une progression effrayante.
La section centrale
laisse une lacune, mais cette lacune peut être comblée par le produit des
amendes et des recettes diverses, et par la majoration de la retenue. Et qu’on
ne dise pas qu’il y a dans cette majoration rétroactivité,,
car nous votons le budget de 1833, et bien que nous soyons parvenus au neuvième
mois, nous réglons dans ce vote régulier les dépenses à partir du 1er janvier
jusqu’au dernier décembre.
M. Seron. - Si j’ai bien
compris le rapport fait aujourd’hui par l’honorable M. Dumortier au nom de la
section centrale, cette section voudrait combler le déficit de la caisse de
retraite au moyen d’une augmentation de retenue qui serait faite sur le
traitement des employés. Mais il en résulterait, ce me semble, une injustice :
c’est que les employés jouissant aujourd’hui d’une pension l’auraient obtenue
au moyen d’une retenue de 3 p. c., tandis que ceux qui
attendent la pension ne l’obtiendraient qu’au moyen d’une retenue de 5 p. c. Si
la caisse de retraite est envisagée comme une tontine, ses affaires ne
devraient pas nous regarder. Mais ses fonds sont en Hollande ; elle n’a pas de
canons pour les faire revenir, et nous devons venir à son secours, en nous
réservant le droit d’examiner les titres et le taux des pensions. Au lieu donc
de continuer à entendre de grands discours qui n’aboutissent à rien, il me
semble que nous devrions nommer une commission pour réviser ces pensions. (Appuyé.)
M. Legrelle. - A mes yeux les discussions n’ont
déjà été que trop longues, mais les observations qu’on a faites m’obligent à
dire encore quelques mots. D’abord si l’on ajourne la question à l’année
prochaine comme le propose M. Donny, ce sera se réserver le droit d’y revenir,
et il est plus que temps qu’on la termine : sans cette considération, je crois
que M. Donny aurait raison. Du reste on pourrait autoriser le paiement par
douzième.
Quant à la proposition
de M. Seron, consistant à faire nommer une commission pour vérifier les
pensions, la section centrale et son rapporteur se sont occupés de cet objet,
et ils ont reconnu la nécessite de cette révision.
Cet honorable membre a
parlé du capital qui se trouve en Hollande ; mais ce capital n’est nullement en
proportion avec ce que nous accordons. Tout calcul fait, nous devrions 66,203
fr. à la caisse de retraite et, au lieu de cela, la section centrale a déjà
proposé 200,000 fr. qui ont déjà été adoptés et elle propose aujourd’hui un
supplément de 50,000 fr. Elle trouve ce supplément suffisant si l’on exécute la
promesse faite par M. Coghen de porter la retenue à 5 p. c. sur les employés
supérieurs seulement, car, pour les petits employés, il nous inspirent le plus
puissant intérêt, et nous ne devons pas empirer leur sort. Je crois que la
section centrale, en agissant ainsi, a rendu un véritable service au pays et au
gouvernement lui-même.
M.
Fleussu. - Messieurs, la question relative à la caisse
de retraite est plus délicate que difficile à résoudre. D’un coté, je vois des
employés qui ont acquis des droits à la pension par la retenue qu’ils ont
supportée et les longs services qu’ils ont rendus. D’un autre côté, je vois
l’intérêt des contribuables qui s’oppose à ce qu’on puise dans le trésor public
pour subvenir à des dépenses légèrement consenties, et à de véritables abus.
Cette difficulté n’aurait jamais dû se présenter ; et j’ose le dire, sans les
changements politiques qui sont intervenus, si le gouvernement du roi Guillaume
avait continue de subsister, elle ne se présenterait pas. C’est par suite de la
violation des dispositions de la loi que nous sommes tombés dans le déficit
qu’on signale aujourd’hui.
Autrefois, le
gouvernement avait soin de faire concorder la concession des pensions avec les
ressources de la caisse de retraite.
Mais, depuis que la
caisse de retraite est à La Haye et que les dispensateurs sont à Bruxelles, il
n’y a plus en aucun accord entre le chiffre de pensions et celui des ressources
de la caisse, c’est-à-dire, qu’on a oublié que la caisse de retraite pour tout
le royaume des Pays-Bas ne s’élevait qu’à une somme de 46.000 fl., et qu’on a
accordé de pensions à tous ceux qui en ont demandé, sans inquiéter des moyens
de faire face aux dépenses qu’elles nécessitent.
Messieurs, il suffit
d’un simple rapprochement de chiffre pour prouver ce que j’avance. Voyez quelle
était à l’époque de la révolution, c’est-à-dire après 15 ans d’exercice, la
liste des pensions à la charge de l’Etat. Il y en avait pour 400,000 fr. ; et
depuis la révolution, c’est-à-dire depuis 3 ans, où en est cette liste ? Elle a
presque double.
Je demande si ce simple
rapprochement ne révèle pas des abus certains ; oui, des abus ont été commis et
chacun de nous en a vu des exemples. Ainsi, voulait-on avantager un employé
supérieur, on lui accordait sa retraite. Les petits employés n’en demandent
jamais de retraite, et pour cause (on rit).
Voulait-on lancer un jeune homme dans la carrière, il fallait faire un trou, et
l’on donnait une retraite. Un employé gênait-il dans une administration à
raison de l’influence qu’il avait acquise, on le déplaçait et pour lui faire
une place, une pension de retraite était accordée. C’est ce qu’on a fait à
Liége : un commissaire de district déplaisait, son indépendance inquiétait ; on
était à la veille des élections, il fallait l’éloigner. Cependant, comme il
avait donné des gages de patriotisme, et qu’il avait marqué dans la révolution,
on n’osait pas le mettre sur le pavé. Qu’a-t-on fait ? On lui a donné la place
de directeur des postes, dont on mis le titulaire à la retraite, bien que
celui-ci ne fît que remplacer depuis peu un autre directeur mis à la retraite ;
en sorte que nous avons aujourd’hui deux pensionnaires et un titulaire pour la
même place.
Qu’on ne dise pas que
ces pensions ont été accordées d’après les titres qui ont été soumis. Je doute
que M. Nagels ait fait valoir ses droits, lui qui ne
remplissait son poste que depuis peu et qui remplaçait quelqu’un qui avait été
mis à la retraite.
Maintenant qu’il faut
faire face à de grandes dépenses déjà créées, est-ce le trésor public qui doit
y subvenir ? Mais qu’on nous indique au moins la loi qui l’exige.
On a prétendu que
l’arrêté-loi de 1814 existait ; que les employés des finances avaient droit à
ses dispositions. Si des dispositions postérieures n’y ont pas dérogé, je veux
bien admettre que l’arrêté de 1814 est applicable à tous les employés de
l’Etat. Mais assurément vous ne voudrez pas l’appliquer aux commis des douanes
dont le sort a été réglé par un arrêté spécial de 1815 ; vous ne l’appliquerez
pas non plus aux employés des accises, dont le sort a été réglé par un arrêté
de 1817 ; vous ne l’appliquerez pas davantage aux employés des finances qui,
depuis 1822, ont été tous placé sur la même ligne.
Il est bien évident que
les mêmes employés ne peuvent avoir droit aux avantages de l’arrêté de 1814 et
en même temps aux avantages des dispositions postérieures à cette époque.
Il y a une grande
différence entre les employés des finances et les autres.
Sans doute il est libre
à chacun de se retirer d’une administration quand il lui plait. Quand un
fonctionnaire de l’ordre civil ou militaire quitte sa place, il n’emporte rien
avec lui, il ne retire aucune pension. L’employé des finances a toujours des
droits assurés sur la caisse de retraite après trente années de service.
On a parlé de la manière
illégale dont les pensions avaient été conférées : assurément oui, ces pensions
ont été accordées illégalement, et il y a lieu à en faire la révision ; aux
termes des dispositions qui règlent la matière, aucune pension de retraite ne
pouvait être accordée que par un arrêté royal.
Vous
savez qu’après la chute de la souveraineté de Guillaume un gouvernement
provisoire a pris la place du gouvernement tombé. Ce gouvernement provisoire a
délégué son pouvoir à un conseil d’administration. Tout ce qui s’est fait sous
l’existence du gouvernement provisoire est légal, mais il est évident que le
pouvoir du conseil d’administration est tombé avec le gouvernement qui avait
fait la délégation. Dès lors toutes les pensions accordées sous la régence et
sous la royauté de S. M Léopold tombent également d’elle-même.
Dans tous les cas, il y
a lieu à réprimer des abus qui creusent un abîme sous nos pas. Il est évident
qu’en droit la caisse de retraite ne peut exercer aucun recours contre le
trésor public. Mais, quoique les abus existent, il pourrait n’être point sans
danger de vouloir les faire cesser tout à coup en refusant tout subside,
puisque ce serait compromettre trop d’existences à la fois, et je crois que
nous faisons assez en ajoutant 50,000 fr. aux 200,000 déjà alloués. Cette
somme, je le répète, je la voterai non comme la reconnaissance d’un droit, mais
par convenance et pour empêcher que les employés de l’administration des
finances ne souffrent trop des abus qui se sont glissés dans cette
administration.
M. d’Huart. - Il me paraît
sage d’examiner attentivement qui nous punirons en refusant le subside
demandé ; sera-ce le conseil de la caisse de retraite, contre lequel
semblent s’élever principalement plusieurs honorables préopinants ? Non, ce
seront les pensionnés dont le plus grand nombre n’ont pas d’autres moyens
d’existence que la pension acquise généralement, il faut bien le reconnaître,
par de longs et pénibles services.
S’agit-il aujourd’hui
d’examiner le droit rigoureusement légal des pensionnaires ? cela
ne peut se faire qu’au moyen de la révision demandée par M. Seron, révision que
je réclame avec lui. S’agit-il de s’arrêter aux retenues qu’aurait dû faire et
que n’a pas faites, à tort, selon moi, l’administration des finances ? je ne le pense pas. L’année est presque écoulée, et il est
impossible, sans faire un acte rétroactif, d’opérer les retenues qui auraient
dû être faites pour les trois premiers trimestres.
Tout ce que nous pouvons
raisonnablement faire, c’est d’obliger le ministre à opérer, pour le dernier
trimestre, les retenues au taux promis par son prédécesseur, et c’est ce que
j’ai l’honneur de vous proposer.
Si les retenues
projetées par M. Coghen avaient été faites, elles eussent augmenté la somme des
remises de 94,000 fr. pour l’année, savoir ; un produit de 2 p. c. sur une
somme de 4,700,000 fr., formant le taux des traitements qui dépassent 600 fl. ;
prenant le quart de cette somme pour les retenues à 5 p. c. à faire pour le
dernier trimestre de cette année, cela donne 23,500 fr., dont il y aurait lieu
de réduire la demande ministérielle, ce qui la porterait de 180,000 fr. à
156,500 fr.
D’après ces
considérations et ces calculs, je propose à la chambre d’allouer une somme de
150,000 fr., qui sera suffisante.
Voici de quelle manière
se composeraient ainsi les fonds de la caisse de retraite :
Retenues au taux actuel,
c’est-à-dire 3 p. c., sur une somme de 8,700 000 fr. :
fr. 261,000
Retenues
à faire sur le dernier trimestre, comme je viens de l’indiquer : fr. 23,500
Revenu du contentieux,
environ fr. 34,000
Somme déjà accordée, fr.
200.000
Somme que je propose
d’allouer, fr. 150,000
Somme totale, égale au
montant des pensions, fr. 668,500
M. le président. - M. d’Huart propose 150,000 fr.
M.
A. Rodenbach. - Mais ce n’est pas là toute la proposition de M. d’Huart.
M. de Robaulx.
- Je dois relever une erreur de fait qui est échappée à l’un des honorables
préopinants. Il a dit que les fonctionnaires de l’ordre civil et judiciaire se
retiraient sans emporter aucune pension avec eux tandis que les employés des
finances avaient droit à une pension. Je ferai observer que ces employés
peuvent se retirer quand il leur plaît mais qu’ils n’ont droit à la pension qu’après
trente ans de service.
Quant à la caisse de
retraite, c’est, j’en conviens, une sorte de tontine où la chambre n’a rien à
voir, tant qu’on ne lui demande rien. Mais, dès qu’on s’adresse à elle pour
obtenir des secours, c’est le droit de la chambre d’examiner comment on emploie
ces secours, et de quelle manière les fonds sont dépensés.
Il faut, messieurs,
frapper le mal dans sa racine ; il faut réviser les pensions. Je demande donc,
comme mon honorable collègue M. Seron, qu’une commission soit nommée pour
réviser toutes les pensions accordées depuis trois ans.
Tout
ce que l’honorable M. Legrelle a voulu dire contre la mesure que l’on propose,
n’a fait qu’en démontrer la nécessité. Il y a, messieurs, un fait déplorable,
c’est que les places venant à manquer, pour placer les favoris, on en crée de
nouvelles : on veut placer un jeune homme qui n’a d’autre titre qu’une
recommandation d’antichambre, et bien vite on met un fonctionnaire à la pension
pour disposer de sa place. Il faut enfin que ces abus finissent ; il faut enfin
qu’on exécute cet article de la constitution qui ne permet pas de grever le
budget pour des pensions. Voila un article qu’on ne doit pas éluder plus
longtemps.
Le congrès avait bien
senti la nécessité de la révision que l’on réclame, et l’art. 139 en fait foi.
C’est maintenant à la législature à faire cesser les abus.
Bien que je sois
l’ennemi des gros appointements, cependant je dois faire remarquer que ce n’est
pas aux employés maintenant en exercice à payer les folles prodigalités du
ministre. Il n’est peut-être pas juste d’élever tout d’un coup la retenue de 3
à 5 p.c. En effet, messieurs vous voyez que ceux sur lesquels aurait porté une
retenue de 5 p. c. obtiendraient, en se retirant, une pension modique, une
pension moins élevée que ceux dont la retenue n’a été que de 3 p. c. Il n’y
aurait pas justice. Révisons les pensions ; le trésor aura moins à payer, et
une retenue de 3 p. c. pourra suffire.
M. Faider, commissaire du Roi. - Je prends la parole, messieurs,
sans beaucoup d’espérance de succès, ce n’est que pour l’acquit de ma
conscience (On rit.) Le ministre,
dans son budget, vous a demandé, pour le service de la caisse de retraite, une
somme de 380,000 fr. Cette somme a été réduite à 200,000 fr. par la section
centrale, et enfin l’honorable M. Verdussen vous a proposé de combler le
déficit au moyen d’une allocation de 180,000 fr.
Cette proposition a été
renvoyée à la section centrale, qui a réduit le chiffre de 180,000 fr. à
50,000, et M. Verdussen s’y rallie. M. d’Huart vient à son tour de proposer une
allocation de 150,000 fr. ; mais cette proposition n’a pas été appuyée. Et
maintenant nous aurions mauvaise grâce à espérer que vous accordiez plus que la
section centrale ne vous propose de le faire.
Messieurs, la discussion
est née de ce que l’on a considéré la caisse de retraite comme tenue de payer
les pensions accordées par le gouvernement précédent. Mais c’est là une erreur
de droit ; car ces pensions sont laissées expressément à la charge des Belges
par le traité des 24 articles, que l’on invoque sans cesse comme notre droit
politique et le gage de notre indépendance. La disposition de l’art. 22 est
tellement incontestable à cet égard, que l’art. 23 stipule les droits des
employés en exercice qui ont concouru à la caisse de retraite, et qui n’ont pas
participé à la distribution parce qu’ils n’avaient pas les conditions d’âge et
d’invalidité nécessaires pour y prétendre.
Il
ne s’agit donc pas de subvenir à la caisse de retraite directement mais
indirectement, et parce que vous êtes chargés d’assurer le service des pensions
de l’ancien gouvernement des Pays-Bas.
Ce que j’ai voulu
aujourd’hui, c’est protester contre cette obligation que l’on veut regarder
comme inhérente à la caisse de retraite, de supporter les pensions accordées
sous l’ancien gouvernement. Les employés actuels sont tous Belges, et, comme
tels, ils ne sont pas plus imposable à merci et miséricorde que les autres
citoyens de
- La clôture est mise
aux voix et adoptée.
M. de Robaulx. - L’honorable M. Seron a proposé de nommer une commission à l’effet de
réviser les pensions : il me semble que cette proposition doit avoir la
priorité sur toutes les autres ; car, du moment que nous aurons la certitude
que les abus vont disparaître, nous serons plus faciles à voter les fonds....
Une voix. - La discussion est close...
M. de Robaulx.
- Oui, mais j’en fais connaître le résultat.
M. Liedts. - J’ai entendu plusieurs orateurs
parler de commission de révision. Mais que veut-on réviser ? S’agit-il de voir
si les employés des finances ont droit à une pension ? C’est là une question
que vous pouvez décider aujourd’hui : l’arrêté de 1822 est explicite ; il exige
que ce soit le Roi qui accorde ces pensions, et M. le ministre des finances a
avoué lui-même qu’il n’a été accordé aucune pension en vertu d’un arrêté royal.
Ce n’est donc pas là qu’il est besoin d’une commission.
Veut-on examiner si la
caisse de retraite tombe dans l’arrêté de 1822 ? Mais nous savons que les
pensions ne peuvent être accordées que pour incapacité de continuer ses
fonctions, et que 30 ans de service n’y donnera aucun
droit sans ce titre. Or, les trois quarts des pensionnaires sont valides. Il
n’est donc pas besoin d’une commission de révision pour déclarer que vous
n’accordez pas de fonds pour ceux dont la pension n’est pas légale. Et dès lors
cette commission n’aurait aucun but.
M. Dumortier, rapporteur. - La caisse de retraite est une institution spéciale, c’est une société
d’assurance mutuelle aussi longtemps qu’elle ne nous demande rien, nous n’avons
aucun droit de nous immiscer dans ses affaires ; mais dès qu’elle s’adresse à nous,
nous avons un droit de surveillance pour ordre, nous devons voir si les
pensions ont été bien conférées. Voilà la question nettement précisée ; mais si
la chambre révise elle-même les pensions, c’est là s’immiscer dans les affaires
d’une société particulière, et la chambre ne le doit pas ; elle doit se borner
à constater que des abus existent. Si elle révisait les pensions elle-même, ce
serait reconnaître que ces pensions sont accordées par l’Etat, et que dès lors
elles doivent retomber à sa charge.
Nous voulons que la
révision ait lieu par l’autorité, nous voulons surtout qu’il intervienne une
nouvelle mesure législative ; car, messieurs, on n’a donné aucune exécution à
l’article qui prescrit de n’accorder une pension qu’après incapacité de
travail. Mais il est encore une vérité de fait, c’est que les bases de la
fixation des pensions sont singulièrement élastiques ; il faut que ces bases
soient révisées, il faut qu’un maximum soit déterminé.
En résume, messieurs, je
pense que ce n’est pas à nous de faire la révision des pensions, et qu’il faut
attendre qu’une loi ait été faite, qu’un arrêté ait été pris.
M. de Robaulx. - M. Dumortier est d’accord avec moi sur la nécessité d’une révision ;
c’est lorsque nous formulons notre demande que M. Dumortier recule, et tout à
l’heure, pour nous contester la forme, il va faire crouler le fonds. Il faut
cependant être conséquent avec soi-même.
Le congrès a délégué ses
pouvoirs à la chambre. Si vous dites que les pensions ne sont pas légalement
concédées, alors il n’y a pas de pensions à accorder ; si elles ont été
accordées en vertu d’un arrêté légal, nous pouvons, lorsque la caisse de
retraite vient nous demander un subside, nous pouvons, dis-je, examiner si
cette caisse n’a pas été prodigue, si les pensions ne sont pas
disproportionnées avec les services ; et telle serait la mission d’une
commission de révision.
M. Dumortier, rapporteur. - Le préopinant a eu tort de me représenter comme inconséquent avec
moi-même. Je ne reconnais pas la légalité des pensions accordées depuis la
révolution. Elles ont été conférées en violation de la loi, du règlement et de
la constitution elle-même. Je ne diffère avec le préopinant que sur un point :
je dis comme lui que les pensions doivent être révisées, mais je ne crois pas
que nous soyons appelés à faire cette révision. Si nous intervenions dans les
affaires de la caisse de retraite, nous serions liés, selon moi, et il faudrait
y pourvoir jusqu’au dernier denier.
Je vous ai dit quelle était ma manière de
penser ; mais, à coté de la question de légalité, il y a la question d’humanité
il y a de malheureux pensionnaires que nous ne pouvons pas rendre responsables
des faveurs ministérielles ; ils ont été remplacés, ce n’est pas leur faute, et
si vous refusiez maintenant les fonds, ce serait les rendre victimes d actes
dans lesquels ils ne sont pour rien.
M. d’Hoffschmidt. - On avait prononcé la clôture de la discussion
; mais puisqu’on l’a rouverte, j’ai le droit d’y rentrer. Je demanderai à M. le
ministre des finances s’il s’engage formellement à porter la retenue sur les
gros traitements à 5 p. c. ; vous savez que nous
n’avons accordé un subside qu’à titre d’avance.
M. A. Rodenbach. - Plusieurs de nos honorables
collègues ont demande une commission de révision. Mais il paraît qu’une
commission existe déjà. Elle a été nommée il y a quelques mois ; je demanderai
s’il est vrai qu’elle n’ait été convoquée qu’une seule fois ; je demande en
outre où en est son travail et ce qu’elle a fait.
M. Liedts. - Cette commission a été nommée par le pouvoir
royal, et je ne pense pas qu’il ait été rendu compte de sa mission à la chambre. Seulement, je
crois pouvoir dire qu’elle n’a pas à s’occuper de révision.
M. de Theux. - Je pense qu’il n’y a pas lieu à adopter la motion de M. Seron. Le
gouvernement a pris l’initiative pour la révision des pensions à la charge du
trésor ; il y aurait anarchie si nous prenions l’initiative de la révision des
pensions à la charge de la caisse de retraite. Je trouve que nous pouvons
toujours accorder provisoirement un crédit ; car il est certain qu’un certain
nombre de ces pensions sont légales. Celles qui ont été accordées avant la
révolution sont légales sans aucun doute et, dans tous les cas, celles qui ont
été conférées après la révolution peuvent être révisées et légalisées.
M. Fleussu.
- Je ne crois pas que la commission que propose M. Seron ait le droit de
réviser les pensions ; mais la chambre peut nommer une commission à titre
d’enquête, pour avoir une connaissance exacte de tous les abus. (Appuyé ! appuyé !)
M.
Seron. - C’est bien cela.
M. le ministre des finances (M. Duvivier)
- La chambre sera incessamment saisie d’un projet de loi sur les
pensions ; elle en examinera l’ensemble, elle pourra fixer le taux de la
retenue ; mais je pense que d’ici là elle ne doit pas se prononcer.
La chambre sait du reste
que je crois le pouvoir exécutif incompétent pour exercer des retenues de son
chef.
M. Donny. - Je pense que, d’après ce que vient de dire M. le ministre des
finances, la discussion est arrivée à son terme. Il vous a promis de vous
présenter incessamment un projet de loi, et il dit qu’en attendant qu’on ait
statué sur ce projet il consentait à ce que la demande de majoration de subside
fût ajournée.
Quant à la proposition
de M. Seron, je crois pouvoir l’appuyer et elle me paraît être une raison de
plus en faveur de l’ajournement de toute majoration d’allocation. Car le
résultat de l’enquête pourrait être tel, que nous fussions dispensés de toute
augmentation.
M. Dumortier, rapporteur. - Il est encore une question importante à décider. Voilà plusieurs fois
que la chambre interpelle le ministre des finances pour savoir s’il s’engage à
couvrir toutes les pensions avec les fonds qui lui seront accordés. Maintenant
M. le ministre déclare qu’il croit le pouvoir exécutif incompétent pour opérer
des retenues ; ce qui signifie, en d’autres termes, qu’il acceptera volontiers
le crédit, mais qu’il n’élèvera pas le taux des retenues.
Je ne saurais assez
m’élever contre un pareil système. Il est de toute nécessité que nous adoptions
la rédaction de la section centrale ; sans cela le ministre prendra les 250,000
fr., et ne paiera pas l’intégralité des pensions.
Vous êtes incompétent, dites-vous ; mais vous
avez bien élevé déjà la retenue de 2 à 3 p. c. Vous avez donc encore
aujourd’hui tout pouvoir pour satisfaire au vœu de la représentation nationale.
Tout cela, messieurs,
vous prouve de plus combien il est urgent de voter à la fin du budget des
recettes et des dépenses pour ordre, et de compter les retenues parmi ces
recettes. Voilà ce qu’il faudra faire. (Aux
voix ! aux voix !)
M. le président donne lecture de la proposition de
M. Seron telle qu’elle résulte de son discours.
M. de Theux. - On vous a dit qu’il s’agissait de commission d’enquête, mais il me
semble qu’il est question de révision et pas d’enquête.
M. Liedts. - Qu’il s’agisse d’enquête ou de révision, il
est bien évident que cette proposition ne peut être insérée dans le budget.
Nombre de voix. - L’ajournement ! l’ajournement !
- L’ajournement de la
proposition est mis aux voix et adopté.
Le chiffre demandé par
le gouvernement est ensuite mis aux voix et rejeté.
La chambre adopte
l’allocation proposée par la section centrale.
(Moniteur
belge n°253, du 10 septembre 1833) M. le président. - La chambre reprend la discussion du
budget des affaires étrangères.
Discussion des articles
Chapitre II -
Traitements des agents du service extérieur
Article
2 (projet de la section centrale)
« Grande-Bretagne :
fr. 88,000. »
La section centrale
propose de n’allouer que 80,000 fr.
M. Nothomb,
commissaire du Roi. - Messieurs, je n’ignore pas quelles sont les préventions qui
s’attachent à ce qu’on est convenu d’appeler des gros traitements ; mais pour
savoir si les allocations qu’on vous demande méritent réellement cette
qualification, il faut tenir compte des circonstances où vous placez ceux à qui
vous les accordez : tout ici doit s’apprécier d’une manière relative. Le
gouvernement s’est convaincu que le traitement de l’année dernière était
insuffisant. Les raisons de cette insuffisance sont connues de vous tous.
Chacun sait combien la vie est chère dans la capitale de l’Angleterre. Le
gouvernement vous demande 88,000 fr. ; en déduisant le traitement d’un
secrétaire et d’une personne qu’il faut lui adjoindre comme commis, il restera
au chef de la légation un traitement qui sera encore bien loin de le placer sur
la même ligne que les agents des puissances du même ordre. Je n’ai pas de
chiffres précis, mais je puis vous soumettre des calculs approximatifs. Le
ministre plénipotentiaire de Suède à Paris à 92,000 fr., celui de Bavière
75,000, celui de
M. Legrelle, rapporteur. - Le gouvernement demande, sur l’allocation
de l’année dernière, une augmentation de 12,000 fr. Les explications données
par M. le commissaire du Roi à la section centrale l’ont déterminée à accorder
une augmentation de 8,000 fr. Je crois devoir vous faire remarquer que le
chiffre de 1832 était déjà plus fort que celui de 1831 ; ainsi l’on va pour cet
article, comme pour les autres, toujours en augmentant.
M.
A. Rodenbach. - On nous demande, il me semble, 66,000 fr. de plus que l’année
dernière. Je crois que la vie est excessivement chère à Londres. Notre ministre
doit avoir au moins une remise, ce qui coûte une guinée par jour ; il doit
avoir un logement convenable, c’est 14 guinées par semaine environ. Si nos
finances étaient dans un état prospère, on pourrait accorder le chiffre 88,000
fr. demandé ; mais je crois que le chiffre de la section centrale doit être
maintenu, eu égard à notre déficit de 30 millions, indépendamment des 55
millions que la conférence nous fera peut-être payer à
M. Dubus. - Si on nous démontrait que la légation de
Londres est tenue cette année à des dépenses auxquelles elle n’était pas tenue
l’année dernière, je penserais qu’on peut augmenter le chiffre. Au congrès, M.
Lebeau, ministre des affaires étrangères, avait demandé 42,000 fl. ; et il faut
remarquer qu’à cette époque, 1831, on exagérait le traitement à cause des
retenues considérable dont il devait être frappé. L’année dernière on a demandé
31,000 fl. qui ont été portés dans le vote définitif à 34,000 fl. Maintenant,
avec des lieux communs, on prétend qu’il faut accorder une majoration ; mais on
ne nous en expose pas les motifs. Hier, relativement à l’ambassade de France,
on nous la représentait comme une légation centrale ; on ne nous dit pas que
l’ambassade anglaise soit changée. A Londres, indépendamment du ministre
plénipotentiaire, nous avons un envoyé extraordinaire ; et notre ministre des
affaires étrangères y a été lui-même ; ce sont là des occasions de grandes
dépenses. Il semble que plus notre état financier s’empire et plus on augmente
les dépenses. Je propose le chiffre 72,000 fr.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Si je me lève, c’est pour
répondre successivement à quelques-unes des observations de l’honorable
préopinant. C’est, dit-il, par des lieux communs qu’on vient demander et
justifier les majorations : si le reproche était fondé, je crois que d’autres
en auraient leur part et que l’on pécherait un peu de tous les côtés en fait de
lieux communs ; car je ne vois pas de quels arguments victorieux on s’est servi
pour prouver que l’augmentation devait être refusée. Quand les
plénipotentiaires de Bavière, de Wurtemberg, de Suède, reçoivent à Paris de 60
à 90 000 fr., ce qui en suppose 80 à 100,000 à Londres, je crois que le
représentant de
Sommes-nous donc
tellement en faveur auprès des cabines étrangers, que nous consentions à nous
placer dan un état d’infériorité sociale quand nous avons plus que
M. A. Rodenbach, qui
sait allier un sens droit à un grand amour de l’économie, et qui ne s’est pas
montré, que je sache, dispensateur facile des deniers publics, a cité un fait
qui peut servir d’exemple pour d’autres faits, pour d’autres dépenses. Ceux de
nos honorables collègues qui ont été commissaires à Londres vous diront que la
dépense y est bien plus considérable qu’à Paris. La différence est certainement
de plus du tiers.
Il y a une observation à
faire encore, c’est que du temps du congrès on allouait des frais de bureau ;
c’était une sorte de supplément au traitement de ministre plénipotentiaire ;
mais, depuis l’arrêté royal de 1831, on ne peut plus recevoir de tels
suppléments. De plus nos envoyés à Londres ne touchent rien pour visa et
légalisation des passeports belges.
Messieurs,
soyez-en sûrs, et je crois en cela être l’interprète du ministre
plénipotentiaire dont en ce moment nous défendons les droits, s’il y avait
moyen de faire face, non à ses besoins personnels, mais aux exigences de sa
position, à ce que commandent les intérêts, la dignité du pays, la manière dont
on accueille toute demande de majoration l’empêcheraient de revenir à la
charge. Le succès même d’une semblable réclamation est durement acheté par le
genre d’obstacles et de récriminations qui le précède. C’est par suite de la
véritable appréciation des intérêts du pays, plus que par préoccupation de ses
intérêts personnels, que l’honorable M. Van de Weyer et nous-mêmes pouvons attacher
quelque importance à nos réclamations.
M. Legrelle,
rapporteur.
- Je pense qu’il n’y a aucun motif de changer le chiffre de 72,000 fr. accordé
en 1832. Malgré mon vif désir de voir terminer nos affaires à Londres, je crois
que l’augmentation n’accélérera pas leur conclusion. M. le ministre de la
justice ne veut pas qu’on emploie de termes vagues. Cependant que vient-il dire
à l’assemblée ? Il nous parle de besoins sociaux, d’intérêts, de la dignité… ;
mais avec ces termes on peut motiver l’augmentation de tous les traitements. Je
m’opposerai à tous les frais de luxe pour la diplomatie quand ils surpasseront
le cercle d’une puissance de troisième ordre. Si j’ai consenti à l’augmentation
du traitement de M. Lehon, c’est parce qu’il s’occupe
de notre commerce.
Il
faut, messieurs, nous défier des éloges que l’on donne aux dépenses de luxe ;
c’est un mauvais enseignement pour les nations que de leur faire croire que des
superfluités soient indispensables ; il ne faut pas encourager la frivolité. Je
sais que le luxe s’appelle bon goût, amour des arts ; mais je demande à quoi
serviraient ces superfluités pour le succès de nos affaires ? Nous n’avons pas
encore dégénéré de la simplicité de nos ancêtres, et les mots ordre, économie
ont toute leur valeur en Belgique. N’écoutons donc pas de vains discours, et
tenons-nous-en aux lois du bon sens.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier) - M. le rapporteur de la section centrale, qui
doit défendre les opinions de cette section, vient de prononcer un discours
fort édifiant sans doute, mais où il a censuré la décision de la section
centrale ; nous espérons que quelque membre nous fera connaître l’avis de la
majorité de la section centrale.
M. Donny. - Il y a quelque chose d’étrange
dans l’espèce de philanthropie sentimentale (hilarité) que M. le rapporteur a lancée contre le travail de la
section centrale. La majorité de cette section a examiné le chiffre proposé par
le ministre ; elle a tenu compte de la position où se trouve l’envoyé à Londres
; elle a cru qu’il devait avoir les moyens de vivre avec décence et de faire
quelque dépense extraordinaire si nos affaires l’exigeaient.
Notre envoyé à Londres
n’a pas sans doute des dîners diplomatiques à donner ; mais il peut être dans
le cas de se lancer plus ou moins dans la polémique, ce qui en Angleterre est
fort coûteux. Du reste, la majorité a cru remplir consciencieusement ses
devoirs en votant la somme proposée, et je crois encore le faire en appuyant
cette allocation.
M. Legrelle, rapporteur. - Je ne crois pas qu’il soit admis
en principe que le rapporteur, quand il appartient à la minorité, ne puisse pas
défendre son opinion...
Plusieurs membres - C’est clair ! c’est
clair !
M. Legrelle, rapporteur. - J’ai rappelé ce qui s’était
passé dans la section centrale, et j’ai cru qu’il m’était permis de faire voir
que le chiffre 72,000 fr. était suffisant.
- le chiffre 88,600 fr.
du gouvernement, mis aux voix, est rejeté.
Le chiffre 80,000 fr. de
la section centrale est adopté.
Article 3 (projet de la
section centrale)
« Prusse : fr.
60,500. »
La section centrale
propose 45,000 fr.
M. Nothomb,
commissaire du Roi. - Je me rallie à la proposition de la section centrale, mais avec une
réserve que je dois faire connaître. La légation de Berlin n’est pas encore
définitivement établie ; l’agent qui s’y trouve n’y est qu’à titre précaire en
quelque sorte ; il est chargée d’une mission
extraordinaire ; il ne touche pas de traitement proprement dit, mais on se
propose de prélever sur l’allocation une indemnité proportionnée au séjour. La légation
de Berlin restera peut-être dans le même état jusqu’à la fin de l’année. Mais
quand il s’agira d’y établir un envoyé qui, à raison de sa mission permanente,
sera tenu à des frais considérables, il sera nécessaire que le gouvernement
demande une somme suffisante pour que son envoyé tienne le même rang que les
envoyés des puissances du même ordre ; il ne doit pas vous cacher ses
intentions sur ce point et donner lieu à des précédents contraires. Il vous
propose pour exemples des puissances du même ordre que
M. Brabant. - Quoique le ministère se soit
rallié au chiffre de la section centrale, je ne crois pas que ce qu’on demande
soit accueilli favorablement. La place de ministre extraordinaire à Berlin se
trouve remplie par une personne qui, aux termes de la constitution, ne peut
toucher ni traitement ni indemnité. Cette personne fait partie de la haute cour
militaire. « Aucun juge ne peut accepter du gouvernement des fonctions
salariées, à moins qu’il ne les exerce gratuitement, sauf les cas
d’incompatibilité établis par la loi, » dit l’art. 103 de la constitution.
M. le commissaire du Roi l’a si bien senti qu’il a dit que ce ministre ne
touchait pas de traitement, mais qu’on lui allouait une indemnité. Je ne sais
pas faire de distinction entre indemnité et traitement ;
les indemnités sont des traitements que l’on reçoit pour des soins donnés aux
intérêts d’autrui. La constitution veut que les juges exercent gratuitement les
fonctions qui ne sont pas judiciaires ; croyez-vous que celui qui reçoit une
indemnité exerce des fonctions gratuitement ?
On ne conteste pas les
fonctions de juge à celui qui est notre agent à Berlin ; au reste, si ce titre
était contesté un discours récent du ministre de la justice prouverait
l’exactitude de mes observations.
M. Legrelle, rapporteur. - La section centrale a admis
45,000 fr. comme s’il y avait réellement une légation à Berlin. D’après ce que
l’on vient de nous dire, je pense qu’il n’y a rien à accorder.
M. Nothomb,
commissaire du Roi. - Il me semble que les observations de l’un des préopinants tendent à
changer l’état de la question. La question consiste à fixer le chiffre de la
légation de Berlin. Le gouvernement vous dit dans quel sens le chiffre suffira
pour cette année ; l’honorable M. Brabant soulève une question qui est en
dehors de la discussion actuelle ; il se demande si le gouvernement a bien ou
mal interprété l’article 103 de la constitution.
Le gouvernement a cru
qu’un juge envoyé en mission pouvait toucher une indemnité, et d’autant plus
que les juges touchent des indemnités dans bien des cas que vous connaissez.
L’affirmative adoptée par le gouvernement a été admise par la cour des comptes.
Quand la chambre statuera sur la loi des comptes de 1833 et 1834, elle jugera
la question en dernier ressort ; c’est là où elle trouvera sa place. Le seul
objet en débat est la légation de Berlin. La question particulière et
personnelle, la question de cumul, doit être écartée.
M. Brabant. - On veut écarter ma réclamation
par une fin de non-recevoir. Quand la loi des comptes de 1833 nous sera
présentée, je proposerai qu’il ne soit pas passé en compte la somme payée à
l’ambassadeur à Berlin ; mais aujourd’hui, en votant le budget, nous votons une
espèce de compte ; puisque voilà neuf mois que l’agent a touché.
Puisque neuf mois sont
écoulés, je demande réduction des trois quarts sur le chiffre du budget.
Les
juges, a-t-on dit, touchent des indemnités dans certains cas ; mais alors ils
exercent des fonctions judiciaires et leurs indemnités sont réglées par la loi
judiciaire. Il n’y a aucune assimilation entre un juge ambassadeur et un juge
exerçant des fonctions de judicature.
M. Jullien. - La question n’est pas en dehors de la discussion ; elle est bien en
dedans ; et la preuve, c’est qu’il ne s’agit pas de déterminer au budget si vous
accorderez une indemnité, puisqu’on vous demande un traitement. Dès lors vous
pouvez examiner d’après l’art. 103 de la constitution, si un juge peut exercer
les fonctions d’ambassadeur autrement que gratuitement. Mais, dit-on, le
gouvernement n’accorde qu’une indemnité ; eh bien ! il
faut savoir si cette indemnité s’accorde avec le texte et l’esprit de la
constitution.
M.
Verdussen.
- La question ne doit pas être personnelle ; elle doit être administrative : il
s’agit du traitement à l’envoyé sans désignations d’individu. Si la personne
envoyée n’a pas le droit de toucher deux traitements, on pourra lui retrancher
l’indemnité. Si on retranchait la totalité de la somme, qu’arriverait-il ?
C’est que le Roi, si demain il voulait envoyer à Berlin une autre personne, ne
pourrait pas la payer.
M. le commissaire royal
assure que l’agent n’a pas de caractère définitif à Berlin, et que pour cela il
consent le chiffre de 45,000 fr. Je crois que la réduction doit être plus forte
; mais je ne puis fixer la somme, n’ayant pas les renseignements suffisants.
M.
Dubus. - A entendre le préopinant, nous ne devons voir que l’ambassade de
Berlin sans rechercher la personne qui l’occupe, sauf ensuite à examiner l’emploi
du crédit.
Sans doute, nous
pourrions opérer ainsi au commencement d’une année ; mais puisque nous sommes à
la fin de l’année, nous devons examiner le fait actuellement.
Il
est de fait que, depuis l’année 1832, le poste de Berlin a été occupé par un
membre de l’ordre judiciaire, qui ne devait rien recevoir. Il y aurait
contradiction à déclarer que l’agent ne peut rien recevoir, et à voter le
traitement. Il s’agit de traitement, et on ne pouvait pas l’employer en
indemnité. Il y a un crédit au budget pour les indemnités, pour les frais
d’ambassade ; nous devons éviter que l’abus se perpétue, abus qui a déjà, eu
lieu l’année dernière et que l’on continue cette année.
Il me paraît d’abord de
toute justice de réduire l’allocation des trois quarts ; mais le quart de
quelle réduction restera-t-il ? C’est encore ce qu’il faut savoir.
L’année dernière vous
avez voté 38,000 fr. Pourquoi majorerait-on cette somme ? Est-ce que cet
ambassadeur a négocié des traités de commerce ? Est-ce que sa légation est
centrale ? Cette ambassade est complètement inutile, c’est de l’argent jeté et
ce n’en est pas moins l’argent du peuple. Je crois que nous devons maintenir le
chiffre de l’année dernière dont le quart serait 9,500 fr.
M. de Theux. - Je ne pense pas que ce soit le moment de discuter la question ; elle
peut être soutenue d’une manière plus ou moins spécieuse comme l’ont fait les
honorables orateurs, mais puisqu’il s’agit d’indemnité, il n’y a pas lieu à
augmenter le chiffre de l’année dernière. Je propose 38,000 fr.
M.
Dubus. - Il y a un secrétaire qui doit toucher son traitement de 8,000 fr. En
ajoutant à cette somme le quart du traitement du ministre, on aurait en tout
16,000 fr.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Je persiste à soutenir que la
question du cumul est étrangère à la discussion. Tous les mandats délivrés par
la cour des comptes l’ont été sans difficulté et l’ont été sauf régularisation,
puisqu’il s’agissait de crédits provisoires. Si la cour des comptes décidait
qu’il y a cumul et incompatibilité, le gouvernement n’hésiterait pas à demander
à l’agent d’opter ; et les paiements seraient régularisés dans le sens de
l’option.
La loi des comptes,
enfin, est la véritable loi d’application ; il s’agit aujourd’hui de
l’allocation en principe, d’un crédit. Si, il y a quelques jours, dans la
discussion du budget de la justice, on vous avait dit, lorsqu’il s’est agi de
la haute cour militaire : « Il faut retrancher le traitement d’un
conseiller, attendu qu’il touche un traitement diplomatique, » vous vous
seriez refusés au retranchement.
M. de Brouckere. - Je demande la parole.
M.
Nothomb, commissaire du Roi. - Vous m’objecterez peut-être que les traitements judiciaires sont
fixés par une loi ; eh bien, au lieu d’un conseiller supposez un gouverneur ;
c’est là un traitement administratif. Admettons que le gouverneur de telle
province soit en mission extraordinaire : retrancheriez-vous l’allocation
demandée en principe au budget pour le gouverneur, sous prétexte qu’il y a
cumul ? Non sans doute. L’abus, s’il existe, s’il est toléré par la cour des
comptes, sera réprimé lorsqu’il s’agira d’arrêter définitivement les comptes de
l’année.
M. Legrelle, rapporteur. - Du chiffre 45,000 fr. en ôtant
le traitement du secrétaire, ou 8,400 fr., et le traitement d’un commis, ou
2,400 fr., et en prenant le quart du reste, on trouve environ 9,000 fr. ; alors
ou pourrait accorder 18,500 fr.
M. de Brouckere. - La question soulevée par M. Brabant est fort délicate. Mais je ne
puis m’empêcher de faire observer, contre l’avis de M. le commissaire du Roi,
que l’envoyé à Berlin ne peut pas opter pour toucher ses appointements pour le
temps écoulé. Il ne peut pas faire que jusqu’à aujourd’hui il n’ait été membre
de l’ordre judiciaire ; la discussion ne pourrait avoir d’effet que pour
l’avenir. Il optera quand il voudra mais son option n’aura pas d’effet
rétroactif. M. le ministre de la justice, conseiller à la cour de Liége, ne
touche que 5,000 fr. comme conseiller ; croyez-vous que s’il donnait sa
démission de magistrat à la fin de l’année, il pourrait toucher le traitement
entier pour les fonctions de ministre ?
M. d’Huart. - Les besoins pour l’ambassade de Berlin se trouvent réduits au quart,
et il ne faut voter que le quart. La cour des comptes a donné son visa avec des
réserves ; c’est que la cour des comptes attend que vous décidiez la question.
Le ministre de la justice nous a formellement déclaré qu’il se soumettrait à la
constitution et qu’il ne toucherait que son traitement de conseiller ; voilà un
antécédent. Il ne faut pas remplir le budget de sommes qui ne doivent pas y
figurer, et je voterai pour l’amendement de M. Dubus.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Il y a ici avant tout une
question de bonne foi. Depuis le mois de mai 1832, l’honorable général auquel
on fait allusion est envoyé extraordinaire chargé d’une mission spéciale et
temporaire à Berlin ; personne assurément n’a eu l’idée qu’il pourrait faire
face aux dépenses de sa mission avec le traitement qui lui est affecté comme
membre de l’ordre judiciaire. Depuis qu’il a été envoyé à Berlin, personne,
dans cette chambre ni dans l’autre, n’a fait entendre la moindre réclamation ;
personne n’a adressé de question au ministère du chef du prétendu traitement
accordé, et cependant personne, je le répète, n’a pu croire qu’un membre de la
haute cour militaire pût remplir dignement une mission diplomatique de cette
importance avec les appointements de magistrat.
Il y aurait donc eu de
la part des chambres sanction tacite de ce qui s’est fait jusqu’ici. Il y a
plus : la cour des comptes, en 1832 comme en 1833, n’a pas fait d’observations
et a constamment visé les mandats demandés pour faire face aux dépenses de la
mission de Berlin.
Elle a accordé au même
fonctionnaire, dont elle connaissait officiellement la position, le traitement
de membre de l’ordre judiciaire et les frais de voyage et de séjour à Berlin,
comme on les accorde pour une mission extraordinaire. Le gouvernement a été
dans la conviction fondée que l’article 103 de la constitution n’était pas
applicable à ce cas spécial.
Si vous votez le budget
tel qu’il vous est demande, abdiquez-vous vos droits ? abdiquez-vous
le droit de réviser le travail de la cour des comptes et la loi qui vous sera
proposée. Nullement. C’est dans l’examen de la loi des comptes que la chambre
exercera son droit. Là tout est vérifié, la nature, le taux de la dépense, la
qualité des parties prenantes. Ces détails, ces questions de personnes sont
déplacées au budget.
En voilà assez pour la
question préjudicielle.
Si je voulais entrer
dans le fond, il me serait facile de faire ressortir la faiblesse des arguments
employés par l’honorable M. Brabant pour soutenir que par le mot
« gratuitement » l’art. 103 exclut toute rétribution, soit comme
frais de voyage, soit comme frais de séjour.
Le traitement et une
indemnité sont choses très différentes. Quand un magistrat est chargé d’une
mission spéciale qui entraîne des dépenses, s’il se fait rembourser, pièces en
main, des dépenses qu’il a faites, direz-vous qu’il n’a pas exercé gratuitement
?
Dernièrement il s’est
agi de constituer un conseil des mines : on voulait y appeler des magistrats
d’une cour d’appel qui ne siège pas à Bruxelles. C’était bien là une mission
administrative. Si le gouvernement avait remboursé ces magistrats les frais de
voyage et de séjour à Bruxelles, pensez-vous qu’on aurait pu censurer cette
conduite en invoquant l’article opposé par M. Brabant ?
Des juges d’appel et de
première instance, comme membres de commissions administratives des prisons,
touchent une indemnité ; on ne les soumet pas à l’art. 103. Ces indemnités sont
minimes, insignifiantes, dira-t-on. Soit, mais cela ne change rien au principe
; ce n’est là qu’une différence de chiffre.
Pour savoir s’il y a
traitement ou indemnité, il faut attendre la loi des comptes ; il faut savoir
si la dépense a été prise sur l’allocation votée pour traitements, ou si
on l’a prise ailleurs. Vous ne pouvez
officiellement connaître ces choses, ces détails de personne maintenant...
M. de Brouckere. - Si !
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Vous devez attendre que les
pièces de comptabilité soient mises sous les yeux de la chambre. Votre débiteur
ici est le gouvernement, et vous ne devez pas craindre qu’il fasse banqueroute
; vous pouvez attendre la loi des comptes. C’est ainsi que vous avez procédé
pour le traitement affecté au titulaire de mon département. Ces allocations ne
sont que des crédits. De cela qu’ils sont votés, il ne s’ensuit pas
nécessairement que l’administration ait le droit d’y toucher. Procéder
autrement, ce n’est plus faire une loi de budget, c’est faire une loi des
comptes. C’est anticipé sur une discussion qui n’est pas à l’ordre du jour.
M. de Brouckere. - Le gouvernement
ne conteste plus le fondement de la motion faite par M. Brabant ; il semble
avouer que notre ministre à Berlin, étant membre de l’ordre judiciaire, n’a droit
à aucun traitement. Mais le ministre de la justice ne veut concéder le principe
que si on lui donne l’argent.
Si le ministre croit que
tous les abus du gouvernement contre lesquels nous ne nous récrions pas, nous
les sanctionnons, il se trompe ; nous signalons les abus les plus graves. Si
nous faisions autrement, au lieu de discuter les lois, nous serions occupés de
la censure des actes ministériels.
Quand
le fonctionnaire est parti, on a dit qu’il allait à Berlin pour notifier
l’avènement du Roi au trône de la Belgique ; alors on n’a pas examiné comment
il serait payé.
Nous ne croyons pas
devoir donner un crédit qui ne sera pas employé, qui ne peut pas l’être. On
donne une indemnité aux juges membres des commissions des prisons, parce qu’on
leur paie les déboursés de route. Quand M. Lebeau, député seulement, touchait
en cette qualité 200 fl. à la chambre, c’était une indemnité de séjour ; mais
ici on demande un crédit de traitement fixe.
Je suis loin de
prétendre que le conseiller à la haute cour militaire, envoyé à Berlin, n’ait
pas droit de réclamer des frais de séjour et de voyage ; mais le chap. IV du
budget et le chap. VI offrent des moyens de prendre les sommes nécessaires pour
rembourser les frais de séjours et les frais de voyage. Quant à un traitement
la chambre ne peut pas en voter. La sanction de la cour des comptes, dont on a
argumenté, ne peut avoir d’influence sur les décisions de la chambre.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - D’après les explications
données, je puis dire de part et d’autre, je pense que nous allons être bientôt
d’accord. La question de cumul est écartée par le préopinant lui-même. La
question est maintenant une question d’imputation : il s’agit de savoir sur
quel chapitre on allouera l’indemnité due à l’envoyé à Berlin. Je crois avec M.
de Brouckere que, pour régulariser cette affaire, il faudra imputer l’indemnité
sur le chapitre qui a pour titre « Missions extraordinaires. » Il n’y a
plus à fixer que le traitement du secrétaire pour l’année, et celui dû au
ministre pour le dernier trimestre, car il peut y en avoir un. J’adopterai donc
la réduction au quart, non dans le sens indiqué par MM. Brabant et Dubus,
c’est-à-dire, non pour juger la question de cumul, ni pour refuser toute
indemnité à l’envoyé extraordinaire ; mais dans le sens que laisse entrevoir M.
de Brouckere, à savoir que l’indemnité sera prise sur le chapitre des missions
extraordinaires.
Je
ne terminerai pas sans me disculper d’une erreur que le préopinant a cru devoir
signaler.
J’ai supposé que la
faculté de l’option pouvait encore exister pour l’envoyé extraordinaire à
Berlin ; je le crois en effet, Le gouvernement, d’accord avec la cour des
comptes, a pensé que cet envoyé pouvait toucher une indemnité pour sa mission,
et rester conseiller. Je suppose que, mieux éclairé, le gouvernement et la cour
des comptes changent d’opinion. Il y a eu doute : rendrez-vous
l’envoyé responsable du doute ; lui ferez-vous supporter les conséquences de la
double erreur du gouvernement et de la cour des comptes ? Il y aurait là
absence d’équité ; et, dans ce sens, j’ai dit que le cas échéant, en cas de
décision contraire, il y aurait option, quant aux fonctions, et régularité,
quant aux comptes.
M. Dumortier. - On n’a pas encore soulevé de
question plus claire dans cette assemblée.
C’est une grave erreur
que de penser qu’il reste à savoir sur quel chapitre il faut prendre
l’indemnité pour l’envoyé de Berlin ; dès l’instant que la constitution est
violée, que le traitement soit pris à gauche ou à droite, le résultat est le
même. Voyez les conséquences de la doctrine de M. Nothomb ! le
traitement de l’envoyé ne serait pas au chapitre des traitements, mais au
chapitre des indemnités ; la constitution n’en serait pas moins violée.
La constitution parle de
fonctions salariées ; eh bien, le juge ne peut être ambassadeur, puisque
l’emploi d’ambassadeur est salarié. Personne, dit-on, ne s’est plaint ;
pourquoi ? Parce que l’ambassadeur a été nommé après le vote du budget, et que
la difficulté ne s’est pas présentée à la chambre.
La
cour des comptes a visé sauf régularisation : ainsi elle a senti qu’il y avait
là quelque irrégularité, et l’on voudrait nous rendre complices de la violation
de la constitution.
Les commissions des
prisons, dont on a parlé, rentrent dans l’ordre des travaux des magistrats, et
cet exemple ne prouve rien pour nos adversaires, car il n’y a pas là de cumul.
M. de Brouckere. - Nous ne pouvons discuter ici que le traitement pour les trois
derniers mois de l’année. Nous discuterons l’indemnité à un autre chapitre.
M. le président. - M. le commissaire du Roi réduit sa
demande à 20,000 fr.
M. Brabant. - Pour quelle somme le traitement du ministre
à Berlin entre-t-il dans les 20,000 fr. Il faut savoir pour l’année prochaine
quel sera le traitement du ministre en Prusse.
M. Nothomb, commissaire du
Roi. - De
45,000 fr. je déduis 8,400 fr. ; il reste 34,400 fr, dont le quart est égal à
8,600 fr.
M. Legrelle, rapporteur. - Dans les 34,400 fr. pour le
secrétaire, on fait entrer le traitement d’un commis ; or, il n’y a pas de
commis ; je propose 17,025 fr.
M. le président. - M. Dubus propose 16,000 fr.
M.
Dubus. - J’insiste sur la nécessité de ne pas majorer les traitements. On a
cité les traitements accordés par d’autres puissances ; je ferai remarquer que
ces puissances diminuer les traitements de leurs agents au lieu de les
augmenter, et qu’en Angleterre même, ils sont diminués de 35 p. c.
- Le chiffre 17,025 fr.,
mis aux voix, est adopté.
La séance est levée à 5
heures.