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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 2 mars
1833
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment
pétition relative aux droits sur les sucres (Osy)
2) Projet de loi relatif à l’impôt des
distilleries. Discussion des articles. Mesures pénales (Duvivier,
d’Elhoungne, de Muelenaere),
possibilité pour l’administration de transiger et répartition du produit des
amendes entre les agents de l’administration (de Robiano,
Delannoy, Osy, Duvivier,
A. Rodenbach, Dellafaille,
Jullien, Duvivier, de Theux, de Robiano, de Brouckere, d’Elhoungne),
entrée en vigueur (de Robiano, Lardinois,
Duvivier, d’Huart, Mary, de Tiecken, de Theux, Milcamps, d’Elhoungne, Dautrebande, de Brouckere, de Muelenaere,
A. Rodenbach, Osy, Duvivier, Jullien, d’Huart, de Theux, Dumortier, Duvivier, de Robiano, A. Rodenbach, Mary, Dumortier, d’Elhoungne, de Robiano, Jullien, Lardinois, d’Elhoungne), dispositions abrogatoires et transitoires
(Duvivier, d’Elhoungne, Dumortier, Jullien, Duvivier, Zoude, Dumortier, Verdussen, d’Elhoungne) (Dumortier))
3) Projet de loi relatif à la milice (Rogier)
(Moniteur belge n°63 du 4 mars 1833 et Moniteur belge n°64, du 5 mars
1833)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur belge
n°63, du 4 mars 1833) A une heure et un quart, M. de Renesse fait l’appel nominal.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; il est adopté.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
M. de Renesse
présente l’analyse des pétitions adressées à la chambre. Nous distinguons celle
d’un grand nombre de raffineurs de sucre d’Anvers, qui signalent la fraude qui s’exerce
à. La frontière de France sur les produits de leur industrie.
M. Osy signale
cette pétition à l’attention de la chambre ; il demande que, vu son importance,
elle soit renvoyée à la commission sans délai, avec invitation d’en faire
l’objet d’un rapport vendredi prochain ; il demande en outre que copie en soit
adressée à M. le ministre des finances, pour qu’il puisse donner aussi vendredi
prochain quelques explications à ce sujet.
Plusieurs voix. - Appuyé !
appuyé !
M. le président.
- S’il n’y a pas d’opposition, la pétition sera renvoyée à la commission, avec
invitation de faire son rapport vendredi prochain ; copie en sera adressée à M.
le ministre des finances.
Discussion des articles
L’ordre du jour est la suite de la discussion sur la
loi des distilleries.
M. le président.
- Nous sommes obligés de revenir sur l’article 49, auquel M. le ministre des finances
a proposé un amendement par suite duquel le premier paragraphe de cet article
serait ainsi conçu :
« Seront punis comme contraventions les faits
ci-après détaillés, et leurs auteurs encourront les peines qui suivent : les distillateurs
sont responsables des contraventions commises dans leurs usines ; les
propriétaires ou locataires le sont des contraventions découvertes dans les
bâtiments qu’ils occupent. »
M. le ministre des finances (M.
Duvivier). - J’ai déjà eu
l’honneur de développer cet amendement hier ; je n’ai rien à ajouter, si ce
n’est que la commission elle-même a adhéré à cette rédaction ; si M. le
rapporteur veut bien prendre la parole en ce moment, il peut s’expliquer
là-dessus.
M. d’Elhoungne. - La première partie de l’amendement n’est autre chose que la
rédaction de la commission. « Seront punis comme contraventions les faits
ci-après détaillés, et leurs auteurs encourront les peines qui suivent. » Voilà
ce qui appartient à la commission, et le commencement de l’article devait en
rester là. Ce qui suit : « les distillateurs sont responsables,
etc. » appartient à la rédaction de M. le ministre des finances, et cette
partie la commission l’a adoptée, comme je pense que la chambre elle-même
l’adoptera ; car le cas n’est pas prévu par la loi générale.
M. de Muelenaere. - Cette disposition formera-t-elle un nouveau paragraphe à l’article 49,
ou un article séparé ? Il y a déjà beaucoup de paragraphes à l’article 49 ; il
serait plus convenable d’en faire un article séparé.
M. le président.
- S’il n’y a pas de réclamation, l’article 49 restera tel qu’il a été adopté,
et la disposition proposée par M. le ministre des finances formera l’article 50
qui sera ainsi conçu :
« Les distillateurs sont responsables des
contraventions commises dans leurs usines ; les propriétaires ou locataires le
sont de contraventions découvertes dans les bâtiments qu’ils occupent. »
- Cet article additionnel mis aux voix est adopté.
M. le président.
- Nous passons à l’article 50 qui devient l’article 51 ; il est ainsi conçu :
« L’administration ne pourra transiger sur les
contraventions aux dispositions de la présente loi. »
M. de Robiano
a proposé sur cet article un amendement dont voici les termes :
« L’administration ne pourra transiger sur les
peines encourues pour contraventions à la présente loi.
« Le produit des amendes et des confiscations
sera réparti comme suit :
« 1° Au trésor, 40 p. c.
« 2° Aux employés saisissants, 35 p. c.
« 3° Aux contrôleurs de la localité où la
contravention aura eu lieu, 8 p. c.
« 4° A la caisse de retraite, 17 p. c.
« Total, 100 p. c. »
M. Delannoy, commissaire du Roi, demande la parole. Il s’exprimer ainsi. - Messieurs, dans la question
relative à la fixation du partage des sommes provenant des amendes en matière
de distillerie je me bornerai à vous soumettre mes observations sous le rapport
administratif ; étant, d’ailleurs, convaincu que cette disposition est
entièrement du ressort du pouvoir exécutif, ainsi que l’a fort clairement
démontré l’honorable M. d Elhoungne dans la séance d’hier.
Je vous prie, messieurs, de bien vouloir ne pas perdre
de vue que la disposition qui alloue aux employés saisissants une portion des
amendes ou confiscations déterminées par la loi, est le moyen le plus puissant
de son exécution ; que plus il y a d’avantages à découvrir la fraude, plus on
doit compter sur l’action de la surveillance.
Cela a été tellement senti par la plupart des
gouvernements, qu’ils ont toujours eu pour principe de ne pas trop élever les
traitements subalternes des douanes et des accises, afin de les stimuler
davantage dans la découverte de la fraude.
Ainsi donc, toute mesure qui tend à diminuer cet
intérêt est nuisible, et à l’industriel de bonne foi, et au produit de l’impôt.
Mais, dit-on, il ne convient pas d’allouer de part aux
employés supérieurs, qui directement ne coopèrent pas aux saisies ? Bien que,
d’après le système de répartition qui est en vigueur chez nous, il n’y ait que
l’inspecteur en chef à qui une part dans le produit des amendes et
confiscations soit accordée, en sa qualité de chef dirigeant la surveillance
dans toute la province, il n’en est pas moins vrai que sous ce rapport nous
différons avec ce qui est établi en France et dans la plupart des pays, où les
employés supérieurs, depuis le directeur inclusivement, ont tous une part dans
le produit des amendes et des saisies. Cette disposition est basée sur ce que
tous coopèrent à l’exécution de la loi, que c’est presque toujours par la bonne
direction qu’ils donnent au service que les fraudes de toute espèce sont, ou
prévenues, ou punies.
Mais on allègue qu’étant appelés à instruire les
affaires à décider en quelque circonstance, ils deviennent ainsi juges dans
leur propre intérêt.
J’observerai que le tribunaux sont là pour prévenir et
empêcher les exactions et défendre les prévenus, que toutes les affaires
majeures sont examinées et traitées par l’administration et le conseil du
contentieux établi auprès de l’administration centrale ; ainsi donc les abus
disparaissent sous cette garantie, outre que l’on ne doit pas supposer que les
employés supérieurs, par le rang qu’ils occupent dans la société, les
sentiments de délicatesse et d’honneur qui les animent, puissent s’abandonner à
de viles manœuvres d’intérêt personnel.
Ce que je viens de dire n’est pas pour solliciter que
l’on appelle les employés supérieurs au partage des amendes et confiscations,
mais seulement pour démontrer que cette mesure n’est pas aussi nuisible qu’on
veut bien le faire croire, et pour appuyer le mode de répartition actuellement
en vigueur.
Je pense donc que les inspecteurs en chef doivent
conserver leur part de 5 p. c., ou bien qu’il faut majorer leur traitement à
charge du trésor, parce qu’il leur deviendrait impossible de se livrer aux
courses continuelles que requiert le service actif de la surveillance, qui,
sans la présence permanente de ces employés supérieurs, se relâcherait
indubitablement ; qu’on ne peut également diminuer la part de 25 p. c. revenant
à la caisse des retraites, qui déjà est insuffisante pour subvenir aux besoins
de son service.
Je ferai également observer que dans l’impôt actuel
sur les distilleries que l’on prétend être aussi oppressif pour les
contribuables que dans le courant de l’exercice dernier, et qui a produit 4
millions de francs, il n’a été rédigé, dans tout le royaume, que 180
procès-verbaux de contravention ou de fraude. Vaut-il la peine de s’occuper
d’une modification dans le partage des saisies, pour une loi aussi libérale que
celle qui est en discussion ?
M. Osy. - Je dois combattre l’amendement de M. de Robiano,
parce que l’arrêté rendu par S. M., dans le mois de mai 1832, en vertu de
l’art. 232 de la loi générale, qui attribue au pouvoir exécutif le droit de
faire la répartition des amendes, a réglé cette répartition, et cet arrêté est
tout à fait constitutionnel. Ce n’est pas que je considère comme irréprochable
la répartition consacrée par l’arrêté ; mais je ne pense pas que ce soit à la
chambre d’y apporter des changements, d’autant plus que si nous adoptions
aujourd’hui des modifications à la répartition des amendes relativement aux
distilleries, nous consacrerions par-là deux espèces de répartition, car il en
aurait une pour les distilleries et une seconde pour les autres marchandises
sujettes à l’accise. Je crois que si M. de Robiano persiste dans son
amendement, il devrait en faire l’objet d’une proposition de loi séparée. Mais
je pense qu’il conviendrait mieux d’attendre la discussion de la loi des
douanes qu’on a promis de nous présenter.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Il est
certain que dans le cours de cette session, et j’en renouvelle ici
l’engagement, je présenterai à la chambre le projet de loi de douanes. Je pense
que c’est dans ce projet que l’on pourra donner place à la proposition de
l’honorable M. de Robiano, ici elle ne serait qu’un hors-d’œuvre. Vous venez de
l’entendre, messieurs, c’est dans une loi qui doit faire cesser la fraude, que
l’on exprime des inquiétudes sur la répartition des amendes auxquelles la
fraude donnera lieu. J’avoue, messieurs, que c’est là une contradiction que je
ne comprends pas. Si je me suis rallié au projet en discussion, c’est parce que
j’ai eu la conviction, comme beaucoup d’autres membres de cette chambre, que la
loi porterait un coup mortel à la fraude. Si nos espérances ne sont pas vaines,
il doit s’en suivre que, sous le régime de cette loi, nous n’aurons que peu, si
point du tout de fraude, et dès lors disparaissent les inquiétudes que l’on met
en avant pour proposer une nouvelle répartition des amendes.
Il vous a été fait une remarque que je dois vous
remettre sous les yeux ; C’est que pendant l’exercice 1832, où les produits se
sont élevés à une somme très considérable, il n’y a eu qu’un très petit nombre
de procès-verbaux rédigés ; et sur ces procès-verbaux, il y a eu beaucoup de
transaction faites à un taux modéré ; quelque cas seulement où l’intention de
fraude était trop manifeste, ont été puni d’une manière exemplaire. Ainsi,
messieurs, toute crainte doit cesser.
Ce n’est ici ni le temps, ni
le lieu de s’occuper de retoucher à la répartition des amendes, attendu que la
loi qui est encore en vigueur a réservé au pouvoir exécutif le soin de faire
cette répartition. On vous a dit, au surplus, que les employés supérieurs n’ont
aucun intérêt dans la répartition. Le directeur n’y a plus aucune part ; en
France il en est autrement. Les employés du service sédentaire n’y ont aucune
part non plus, et l’inspecteur d’arrondissement qui avait autrefois 12 p. c.
n’y a plus une obole. Il ne reste donc que le service actif qui soit intéressé
aux transactions. Il est alloué 5 p. c. à l’inspecteur en chef ; autrefois, il
avait 9 p. c. : reste le contrôleur, qui, quand la saisie s’opère dans son
ressort, a droit à 8 p. c. Tout le reste revient aux employés saisissants dans
les grades inférieurs.
Mes observations, messieurs, celles du dernier
orateur, de M. le commissaire du Roi, et celles que M. d’Elhoungne a présentées
hier, n’ont d’autre but que de faire maintenir l’état actuel de la législation
à cet égard ; adopter l’amendement de M. de Robiano, ce serait, comme l’a dit
M. Osy, consacrer deux espèces de répartition pour les amendes prononcées en
matières d’accises, ce qui ne doit pas être. Je demande donc que l’amendement
soit écarté.
M. A. Rodenbach. - Je partage assez l’opinion de M. le ministre que nous ne devons pas
placer dans une loi spéciale l’amendement de M. de Robiano. Néanmoins, je ne
suis pas fâché qu’il ait soulevé cette discussion ; elle pourra servir plus tard
à M. le ministre quand il nous présentera la loi sur les douanes. Nous pourrons
revenir alors aussi sur la loi générale qui donne au pouvoir exécutif le droit
de régler la répartition des amendes. Mais aujourd’hui je demanderai à M. le
ministre des finances, qui nous a dit que les employés supérieurs n’avaient
point de part à la répartition, si les inspecteurs n’ont point 50 p. c. sur ces
amendes, quand ils sont eux-mêmes saisissants. Sous l’ancien gouvernement (et
c’est une justice qu’il faut rendre à ce ministère, les choses ne se passent
plus ainsi), mais sous l’ancien gouvernement, messieurs, les inspecteurs se
réunissaient au chef-lieu et ils disaient : Nous allons explorer la province,
nous allons faire quinze ou vingt procès ; et ils les faisaient, ce qui leur
rapportait quelquefois 3 ou 4,000 fr. En effet, en faisant ainsi des procès à
tort et à travers, ils obtenaient des transactions, d’un côté ou d’autre, parce
que ceux même qui n’étaient pas coupables demandaient à transiger. Ils
préféraient cela à l’obligation de soutenir un procès, attendu que
l’administration les traînait en appel, en cassation, et n’en finissait plus
avec ces poursuites. Je prie donc M. le ministre de nous dire si, quand les
inspecteurs sont eux-mêmes saisissants, ils ne reçoivent pas 50 p. c. de
l’amende, et s’ils n’ont pas droit à une partie des 10 p. c. de la
gratification.
Si
un employé supérieur, le contrôleur, par exemple, intervenait dans la saisie,
ii aurait sa part de 50 p. c., et non les 50 p. c. comme l’a dit le préopinant
; mais il n’interviendrait pas avec des employés subalternes pour diminuer la
part qui leur revient ; je n’ai jamais vu d’exemple de pareille chose.
M. Dellafaille. - Si on rejetait l’amendement de M. de Robiano,
quant à la répartition des amendes, ce rejet entraînerait celui du premier
paragraphe de son article, que je préfère cependant à la rédaction de celui de
la commission. Je demanderai donc la division de l’amendement. (Appuyé !)
M. Jullien.
- Je ne connais pas l’arrêté dont on a parlé et qui règle la répartition ; je
demanderai à M. le ministre si dans cette répartition si y a quelque chose pour
le trésor.
M. le ministre des finances (M.
Duvivier). - Voici comment
elle est réglée :
« 1° A la caisse de retraite, de 25 p c. ;
« A un fonds général de réserve destiné à
récompenser le zèle des employés qui se seront distingués par leur zèle, 10 p.
c. ;
« 2° A l’inspecteur en chef, 5 p. c. ;
« Aux contrôleurs, 8 p. c. ;
« 3° Aux employés saisissants, 50 p. c. »
(En note de bas de page du Moniteur : Le chiffre des
articles ne correspond pas au chiffre total : c’est une erreur du sténographe ;
nous la rectifierons demain. (Note du rédacteur.))
M. de Theux. - Messieurs, les explications données par M. le
ministre des finances me satisfont pour le moment. Je crois aussi qu’on doit
ajourner la question soulevée par l’amendement jusqu’à la présentation de la
loi générale sut les douanes ; mais quand ce projet sera mis en discussion, je
crois qu’il sera utile que la chambre se fasse remettre l’état de répartition
de toutes tes amendes prononcées depuis l’année 1830, afin qu’elle puisse se
former une opinion en pleine connaissance des faits.
Il me semble aussi que c’est à la loi à régler, du
moins en partie, la répartition des amendes. Cette répartition tient à
l’exécution de la loi ; par elle on a le moyen de stimuler le zèle des employés
de l’administration ; mais, en même temps, une fausse répartition peut
compromettre les contribuables et les exposer à d’odieuses vexations, à des
injustices. Il n’est donc pas inutile que la sollicitude de la loi s’étende
jusque-là.
Pour prouver que l’administration n’a pas d’idées bien
fixes à cet égard je pourrai citer 1’arrêté du 18 juillet 1823, qui accordait
25 p. c. aux employés saisissants, tandis que celui du 9 mai dernier leur
accorde 50 p. c.
Est-il raisonnable, quand une contravention, pour
laquelle l’amende s’élève à 10,000 francs, est constatée, qu’un employé reçoive
5,000 francs ?
M. de Robiano de Borsbeek. - On promet souvent des lois générales ; mais les
promesses ne s’exécutent pas toujours, et beaucoup d’améliorations n’ont pas
lieu. Je crains fort qu’en rejetant mon amendement, tout le système que je
présente ne soit oublié. La part que les premiers employés ont dans les saisies
frauduleuses fait le plus fâcheux effet sur les esprits. On peut servir le
gouvernement par le maniement des deniers et obtenir la considération publique
; mais la défaveur attachée au partage des amendes est un grand mal. Il est
certain que l’on fait une distinction entre quelques classes d’employés.
D’après ma proposition, les employés ont 60 p. c. sr
les amendes, y compris 17 p. c. donnés à la caisse de retraites ; ces 60 p. c.
seront une part assez forte, puisqu’il n’y a plus de transactions possibles.
Ainsi, ils donnent une garantie suffisante contre la fraude en stimulant
l’activité des agents subalternes.
Un honorable membre vous a fait voir tout à l’heure
que maintenant on dressait des procès-verbaux qui n’avaient pas l’approbation
publique, parce qu’on n’était pas persuadé de la justice des poursuites. Si le
chef principal se trouve intéressé au partage, le danger est plus grand pour
les contribuables, et c’est un grand inconvénient qu’un employé supérieur soit
dans une espèce d’état de suspicion.
Nous avons plusieurs arrêtés sur l’objet dont j’ai
l’honneur d’entretenir la chambre. L’arrêté de 1832 est meilleur que celui qui
régissait auparavant ; mais les arrêtés sont révocables. Celui qui fait règle
aujourd’hui existera-t-il demain ?
J’aimerais mieux augmenter le traitement des employés
que de le stimuler par une part dans les amendes ; cette augmentation serait
plus morale. Vous jugeriez d’ailleurs de ce qu’ils reçoivent ; aujourd’hui vous
ne pouvez l’apprécier et exercer à cet égard votre mandat.
Il nous faut une
loi générale pour la répartition des amendes. Si la fraude sur les sucres est
considérable, c’est que les douaniers, après s’être donné beaucoup de fatigues
pour faire une saisie, en retirent à peine une douzaine de cents.
Il est vrai que par l’arrêté du 9 mai 1822, c’est M.
le ministre qui fait la répartition des amendes sur les eaux-de-vie ; j’aime à
croire que M. le ministre la fait convenablement ; mais les ministres changent
; une loi est moins variable. Sans une loi, on ne peut remédier aux
inconvénients des dispositions éphémères des arrêtés.
Cependant, si la chambre incline à l’ajournement de ma
proposition, je ne m’y oppose pas.
M. de Brouckere. - D’après les dernières paroles de M. de Robiano, je
n’ai plus rien à dire, pus que l’honorable membre consent à l’ajournement.
M. le président.
- La première partie de l’amendement reste :
« L’administration ne pourra transiger sur les
peines encourues pour contraventions à la présente loi. »
M. d’Elhoungne. - La commission se rallie à cette proposition.
- La proposition est adoptée.
« Art. 51. Elle sera exécutoire à dater du …
prochain. » La date est en blanc.
M. de Robiano de Borsbeek. - Il faudrait mettre : « La présente loi sera
obligatoire à dater … »
M. Lardinois.
- Je demande que la loi soit exécutoire au 1er janvier 1834.
Messieurs, je ne suis pas contraire au projet de loi
qui nous occupe, en ce qu’il corrige les vices de la loi de 1822 ; je
l’approuve donc sous ce point de vue : mais je ne puis lui donner mon
assentiment sous le rapport de la diminution de l’impôt sur les eaux-de-vie, et
c’est un des motifs de mon amendement.
Il est toujours facile d’innover en matière d’impôts,
lorsque l’on ne s’enquiert pas des résultats que ces innovations doivent avoir
sur les revenus publics. On peut alors porter la cognée sur toutes les branches
de l’économie politique, et l’on est sûr de rencontrer pour approbateurs tous
ceux qui s’imaginent que l’intérêt général est assuré lorsque l’intérêt
personnel est satisfait.
Le ministère a le sentiment de
l’insuffisance de nos ressources pour les services ordinaires, telles qu’elles
sont établies par le budget des voies et moyens ; et cependant, chose
incroyable, M. le ministre des finances s’est rallié à un projet de loi qui
diminuera inévitablement nos revenus. Plusieurs orateurs en ont fait
l’observation ; ils ont demandé comment on comblerait le déficit que le projet
de loi annonce : pas de réponse. Du silence du ministre nous pouvons conclure qu’il
est sans idée à cet égard. D’ailleurs, qu’importe ! N’avons-nous pas toujours
la ressource des emprunts ? Ce n’est pas ainsi, messieurs, qu’on agit dans un
pays voisin. Là le gouvernement et les chambres ne touchent aux lois
financières qu’avec la plus grande circonspection, et l’on y sacrifie souvent
ses répugnances aux besoins du trésor : témoin ce qui s’est passé chaque fois
qu’il a été question de la régie des tabacs
En présence de nos besoins et
d’un déficit réel, je demanderai au moins que la loi en question ne soit rendue
exécutoire qu’au 1er janvier 1834. Vous assurerez de cette manière la rentrée
d’un produit sur lequel vous avez compté pour l’exercice courant, Dans
l’intervalle, on pourra présenter un projet de loi qui obviera aux ressources que
nous détruisons.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je ne m’oppose pas à la rédaction présentée par M.
de Robiano, quoiqu’elle soit inutile.
M. d’Huart.
- Je pense, messieurs, que le choix de l’époque où la loi sera rendue
exécutoire est une chose très importante.
Dans le plus grand nombre des distilleries les travaux
cessent vers la fin du mois d’avril et ne sont repris qu’à la fin d’octobre ;
quelques grands établissements seulement continuent la distillation sans
interruption pendant toute l’année.
Si la mise en vigueur de la loi a lieu de suite, les
marchands propriétaires de grandes quantités d’eau-de-vie auraient droit à une
indemnité, parce qu’il est indubitable que leur marchandise éprouvera une
diminution notable de valeur par les effets immédiats de la loi.
Si cette mise en vigueur était fixée au milieu de
l’année, au 1er juillet, par exemple, les grands distillateurs, qui ne
suspendent pas leurs travaux, retireraient, au détriment de ceux qui ne
recommencent la distillation qu’à l’automne, des premiers bienfaits de la loi
nouvelle, parce que ces derniers n’auraient pas eu le temps de vendre les
eaux-de-vie confectionnées sous l’empire de l’ancienne loi, avant que les
autres n’eussent été à même d’en faire baisser le prix.
Si, enfin, la loi ne commençait à avoir ses effets que
vers 1a fin de l’année, on ne peut se dissimuler qu’il y aurait préjudice pour
les grands distillateurs, dont les mesures et approvisionnements sont arrangés
de manière à travailler sans interruption.
Quelque parti que l’on prenne, il y aura donc des
inconvénients, et par conséquent il ne nous reste qu’à choisi le parti qui en
présente le moins.
Pour mon compte je n’hésite pas à préférer la mise en
vigueur de la loi à l’époque la plus éloignée, c’est-à-dire, vers le mois
d’octobre, parce qu’elle me paraît être celle qui froissera le moine
d’intérêts. De cette manière, on obviera à toute réclamation des marchands
dépositaires de grandes quantités d’eau-de-vie, et on garantira la concurrence
du débit entre les petits et les grands distillateurs.
A la vérité, ceux-ci éprouveront quelques pertes, mais
elles seront postérieurement compensées très largement par les avantages
immenses qu’ils auront sur les petits distillateurs agricoles classés à tort,
selon moi, dans la loi sur la même ligne que les grands distillateurs.
Je voterai donc pour l’époque la plus éloignée de la
mise en vigueur de la loi, ne me dissimulant pas toutefois que le trésor pourra
en subir quelque préjudice cette année.
M. Mary. - Divers
intérêts se trouvent en présence. D’abord vient celui du trésor. Je crois que,
pour ne pas être fatal à l’intérêt du trésor, il faut rapprocher l’époque de l’exécution
de la loi.
Après l’intérêt de l’Etat vient celui des grands
distillateurs et spécialement ceux de Bruxelles, qui demandent que la loi soit
en vigueur au premier juillet prochain.
Il faut prendre une mesure qui concilie tous les
intérêts ; alors déclarons que la loi sera exécutoire à partir du 1er avril
prochain ; de cette manière les intérêts divergents n’auront pas à se plaindre.
S’il faut s’en rapporter aux renseignements qui nous
sont parvenus, au 1er janvier dernier les magasins étaient vides. Depuis cette
époque on a très peu produit, et cela est tellement vrai, que dans une
pétition, en date du 19 janvier, on demande que l’exécution de la loi soit
fixée à la date la plus rapprochée. On dit dans cette pétition que la fraude a
rendu le droit nominal ; que les approvisionnements sont si peu considérables
qu’ils ne pourraient pas suffire jusqu’au 15 avril prochain, parce que les
distillateurs n’ont fait d’approvisionnements que pour les demandes courantes.
Si vous laissez un délai très long, tous les
établissements vont rester en stagnation ; de nouvelles distilleries ne
pourront s’établir, le trésor recevra d’autant moins ; enfin, on infiltrera les
eaux-de-vie étrangères pour la consommation.
Une considération puissante doit nous déterminer : il
y a une baisse très forte dans le prix des céréales ; il serait donc important
que la distillation en consommât une partie. Les travaux agricoles occupent peu
depuis avril jusqu’à la fin de juin ; les agriculteurs occuperaient leurs
loisirs à la distillation dans cet intervalle si la loi était exécutoire en
avril.
On dira que pendant ce temps la distillation est moins
profitable qu’en hiver.
En consultant la loi de 1822,
nous trouvons qu’en hiver il faut charger davantage les cuves, qu’en été il
faut une charge légère ; mais ces charges légères ne commencent qu’à la fin de
juin ; et le travail est encore favorable depuis avril jusqu’en juin. Ainsi les
petits distillateurs pourront travailler en attendant les travaux agricoles.
Il y aurait peut-être un autre moyen de satisfaire les
grands distillateurs, ce serait de restituer les droits des marchandises en
magasin ; mais la pétition dont j’ai parlé constate que le droit est nominal,
et on ne peut restituer des droits qui n’ont pas été perçus.
Nous sommes totalement désintéressés dans la question,
et dès lors nous devons chercher à protéger tous les intérêts, et à venir au
secours des petite distilleries sans entraver les grandes.
Je propose que la loi soit exécutoire le quinze avril
prochain.
M. Tiecken de Terhove. - Il semble que l’opportunité de l’époque à laquelle
il conviendrait d introduite la loi, sera tout autant controversée que la loi
même. Pour moi, messieurs, peu versé dans la matière qui nous occupe, je ne
vous présenterai pas mes propres observations sur l’opportunité de
l’introduction de la loi, mais celles qui m’ont été suggérées par plusieurs
distillateurs de la province de Limbourg, lesquelles, à mon avis, me paraissent
très fondées, et semblent devoir être prises en considération.
Il y a deux espèces de distilleries : les distilleries
agricoles, grandes et petites, et celles dont les travaux n’ont pour objet que
les matières distillées. Beaucoup de grandes distilleries agricoles se trouvent
à Hasselt et environs, province de Limbourg. Les distilleries agricoles ont
pour but non seulement les produits distillés, mais en même temps, au moyen de
l’engrais que leur donne le bétail, le développement de l’industrie agricole/
A Hasselt et environs, c’est le but des défrichements
qui a donné naissance et une si grande extension à cette industrie, au moyen de
laquelle ils ont rendu productives d’immenses bruyères, jusqu’alors restées
incultes ; et ces travaux de défrichement sont toujours très actifs, tant dans
les environs de Hasselt que sur divers autres points de la province de
Limbourg, où il reste encore d’immenses bruyères à rendre à la culture. Tous
les distillateurs de ces contrées nourrissent une quantité considérable de
bestiaux ; on en compte à Hasselt seul au-delà de 1,200 ; pour nourrir ce
bétail, ils sont forcés de continuer leurs distillations sur la même échelle,
et ne peuvent, par conséquent, ni ralentir, ni diminuer leurs travaux, à moins
d’être forcés de vendre à vil prix leurs bestiaux non engraissés, de perdre
ensuite les moyens d’engrais si nécessaires pour les défrichements et la
culture de leurs terres, qui devraient rester en souffrance. Ils sont donc
forcés, dis-je, de continuer leurs travaux sur la même échelle, et de produire
une masse de genièvre qui, par l’introduction de la nouvelle loi, subira une
forte baisse, et dont ils ne pourront se défaire qu’avec des pertes
considérables.
Les distilleries non agricoles qui nourrissent peu ou
point de bestiaux, ne sont pas dans ce cas fâcheux. Dans la prévision de la loi
qui nous occupe et qui doit exercer une influence si marquée sur la valeur des
produits distillés, ils ont pu modérer leurs travaux, et n’ont travaillé que
pour les besoins du moment, et au fur et à mesure qu’ils ont pu les verser dans
la consommation. Ceux-là ne peuvent donc souffrir de l’introduction immédiate
de la loi, tandis que les premiers, si on la reculait, forcés de continuer
leurs travaux et d’augmenter sans cesse leurs provisions, sans pouvoir s’en
débarrasser, essuieraient des pertes considérables.
Une autre considération, toute dans l’intérêt de
l’Etat, d’accord avec celui des distilleries agricoles, milite encore en faveur
de l’introduction immédiate ; et je pense que nous ne devons pas perdre de vue
les intérêts du trésor, dont la situation n’est pas brillante, puisque nous
nous voyons forcés à recourir à chaque instant à des emprunts ruineux.
Une quantité de distilleries, qui chôment
actuellement, n’attendent que l’adoption et la mise en vigueur de la nouvelle
loi pour être mises immédiatement en activité. De nouvelles usines seront sans
doute élevées ; celles qui ont ralenti leurs travaux, reprendront toute leur
activité et l’essor dont ils sont susceptibles.
Ainsi le gouvernement, comme les distilleries
agricoles, ont surtout intérêt à l’introduction immédiate de la loi, qui aura
cet autre avantage d’exercer une influence favorable sur la valeur des produits
agricoles, dont nos marchés sont encombrés et qui ne cessent de baisser, faute
d’écoulement, par suite de la défense d’exportation, qu’il semble que le
gouvernement, je le dirai en passant, malgré les pétitions des propriétaires et
cultivateurs, les interpellations que j’ai eu l’honneur d’adresser à M. le
ministre de l'intérieur, et la sollicitude que mérite cette industrie, source
principale de nos richesses, ne s’empresser guère de lever.
Je pense donc que
l’introduction immédiate, ou peu éloignée, de la loi doit l’emporter, sous tous
les rapports, sur l’introduction à une époque plus reculée. Mieux vaudrait, peut-être,
une restitution des droits, si cela peut se faire sans craindre la fraude, que
de reculer au loin la mise en vigueur de la loi. M. le ministre pourrait nous
dire si cette mesure a des inconvénients ; car, messieurs, ne nous le
dissimulons pas, cet impôt ne produira que peu de chose au trésor d’ici à
l’introduction de la loi, parce que, comme j’ai eu l’honneur de le dire, tous
ceux qui forcément ne sont pas tenus à travailler pour l’entretien de leurs
bestiaux, ou ralentiront leurs travaux, ou les cesseront complétement, en
raison des provisions et du débit qu’ils ont, pour qu’au moment de
l’introduction de la loi leurs citernes soient vides.
M. de Theux. - Messieurs, dans son rapport du 19 décembre
dernier, la commission a proposé de mettre la loi en vigueur le premier j… Le projet a été connu dans
tout le pays ; tous les distillateurs ont pu se conformer aux prévisions
possibles de l’adoption du projet, lorsque surtout ce projet recevait
l’approbation des chambres du commerce et des distillateurs eux-mêmes.
Les distillateurs de Liége qui appartiennent à la
classe des grands distillateurs, ont demandé la prompte mise à exécution de la
loi ; d’autres distillateurs ont fait la même demande ; cependant, on vient de proposer
de retarder cette mise à exécution. Quel tort la loi peut-elle donc faire au
commerce ? (Erratum inséré au Moniteur
belge n°65, du 6 mars 1833 :) dans leur pétition du 29 janvier, les
distillateurs de Liége ont fait remarquer que le prix du genièvre était à cette
époque de 70 centimes le litre, et que d’après le projet de la commission qui,
d’après leurs calcul, fixait le droit à 8 francs par hectolitre, le prix du
litre serait de 59 centimes. Si on admettait même que le droit fixé par la loi
nouvelle ne fût que de 5 francs, le prix du litre serait réduit dans la
proportion de 70 à 57.
Si l’on admet les calculs de la commission, en
réduisant le droit à 6 francs, le prix du genièvre serait à 66 centimes ; il me
semble que les différences de valeur ne sont pas assez considérables pour qu’il
en résulte une grande perturbation dans le commerce.
Depuis que le projet est connu, les négociants, ainsi
que les distillateurs, ont déjà pu prendre leurs mesures pour n’être pas
froissés dans leurs intérêts par l’introduction du nouveau système. Si on
recule jusqu’au 1er janvier prochain la mise à exécution de la loi, les pertes
que déjà les distillateurs ont éprouvées par l’annonce du projet de loi, lequel
a fait diminuer le prix des eaux-de-vie et diminuer la fabrication, se
prolongeront tout le reste de l’année. Ces pertes s’augmenteront, et elles
seront plus sensibles pour les distillateurs agricoles, qui ont une plus ou
moins grande quantité de bestiaux et qui seraient obligés de s’en défaire.
J’ajouterai qu’il est dans
l’intérêt du fisc que la loi soit mise à exécution le plus promptement possible
: la fabrication diminuant, la recette sera moindre. Depuis le 15 avril, ainsi
que le propose M. Mary, jusqu’à la fin de l’année, on aurait le temps de
connaître les vices de la loi ; elle pourrait être révisée l’an prochain. Si
vous retardez jusqu’au 1er janvier prochain, elle exercerait son influence sur
deux exercices.
J’appuie l’amendement de M. Mary.
M. le président.
- Par l’amendement de M. Tiecken de Terhove, la loi serait exécutoire le 15
avril.
M. Milcamps.
- Il me paraît que l’on ne peut méconnaître qu’un grand nombre de distillateurs
actuellement en activité n’aient dans leurs magasins certaines quantités
d’eau-de-vie qui ont été soumises aux droits élevés qui se perçoivent en vertu
des lois actuelles. Il est à ma connaissance particulière que presque tous les
distillateurs agricoles de mon district sont dans ce cas, et même un ou deux en
ont des quantités assez fortes ; de là je dois présumer qu’il en est de même
dans la plupart des autres localités. Si donc la loi nouvelle était mise à
exécution dans un délai rapproché, il en résulterait pour ces distillateurs des
pertes considérables, et je pense que la justice ne permet pas l’adoption d’une
semblable disposition. L’époque du 1er juillet a des inconvénients moindres ;
elle en a cependant, car les distillateurs actuellement en activité ont des
bestiaux dans leurs étables, et j’en connais qui seront obligés de continuer
leurs travaux ; et, cela étant, ils n’auront pas un délai suffisant pour
l’écoulement de leurs marchandises.
Messieurs, suivant moi, il
vaudrait mieux fixer au 1er septembre l’époque de la mise à exécution de la
loi. En la fixant au 1er septembre, les distillateurs actuellement en activité
pourront continuer leurs travaux pendant quelques mois, mars, avril, mai, et
ainsi s’occuper de l’engraissement des bestiaux ; s’ils cessent au mois de
juin, et c’est l’époque où les distilleries cessent ordinairement, nous serons
alors arrivés au temps des pâturages, et il n’y aura pas à craindre que les
boucheries manquent de viande grasses. Je propose donc que la loi soit
obligatoire au 1er septembre.
- L’amendement proposé par M. Milcamps est appuyé.
M. d’Elhoungne. - Messieurs, la question actuelle est certainement la plus grave ou
pour mieux dire la plus délicate qui se soit présentée dans toute la
discussion. Il s’agit à la fois des intérêts privés, de ceux du trésor et de
l’intérêt public. C’est concilier ces intérêts différents que doivent tendre
tous nos efforts, et la commission pense que le seul moyen de le faire, c’est
de fixer l’introduction de la loi qui nous occupe au 1er juillet prochain.
Il est à remarquer, messieurs, que, s’il existait
réellement dans le pays des approvisionnements de genièvre, le concours de
plusieurs circonstances a rendu ces approvisionnements peu nombreux et surtout
peu considérables D’abord tous les distillateurs, depuis un an, ont été
prévenus que la loi devait être modifiée ; tous ont plus ou moins réglé leurs
travaux d’après cet avertissement pour ne pas être exposé par la suite à des
pertes considérables. D’un autre côté, le siège d’Anvers a absorbé une grande partie
des approvisionnements d’eaux-de-vie, et, depuis la retraite de l’armée
française, les travaux de distillation ont à peu près cessé. Or, prolonger cet
état de choses jusqu’au 1er janvier et même jusqu’au 1er septembre, ce serait
compromettre les intérêts du trésor qui ne percevrait plus rien de toute
l’année ; ce serait compromettre les intérêts de l’agriculture et des
consommateurs des viandes de boucherie. Faites attention que l’impôt sur le
genièvre ne sera acquitté que par terme de 3 mois en 3 mois ; de sorte que si
l’on fixait l’introduction de la loi au 1er octobre 1833, ce ne serait qu’au
1er octobre 1834 que l’impôt du dernier trimestre de 1833 rentrerait dans les
caisses du trésor. Je ne pense pas que l’état du trésor nous permette d’ajourner
ainsi le recouvrement de l’impôt ; et, d’ailleurs, d’ici au 1er octobre, si
l’on maintenait jusque-là le régime actuel, on empêcherait les distillateurs de
travailler, parce qu’ils attendraient le bénéfice de la loi nouvelle.
Messieurs, les intérêts privés qui pourraient se
trouver lésés par un changement de législation, sont certainement ceux à l’aide
desquels on doit venir en premier lieu. En deuxième lieu, nous devons
considérer l’intérêt public, qui depuis tant d’années réclame l’abolition de
cette détestable législation hollandaise, surtout en matière d’impôts. Il est
temps enfin qu’on dérobe le pays à cette législation qui a détruit partout nos
distilleries, qui a favorisé la fraude à l’intérieur et à l’extérieur. Ainsi
les propositions tendantes à ajourner l’introduction de la loi nouvelle au 1er
janvier et même au 1er octobre ou au 1er septembre sont inadmissibles. C’est
dans l’intervalle du 15 avril au 1er septembre qu’il faut s’arrêter, et il me
semble que l’époque la plus favorable qu’on puisse choisir est celle où les
travaux cessent forcément pour tous les distillateurs. Quant aux distilleries
agricoles, leurs travaux ne se prolongent pas au-delà du mois de mars. Pour le
moment, grâce à la législation actuelle, peu de ces usines existent, et c’est
la loi nouvelle qui doit le faire revivre. Sous ce rapport vous ne froisserez
guère d’intérêts privés. Et d’ailleurs, est-ce bien dans une assemblée
législative qu’on doit faire valoir un motif tel que celui-ci, que si l’on
fixait l’introduction de la loi au 1er juillet, les grands distillateurs en
recueilleraient seul de l’avantage Messieurs, du moment où nous faisons une
bonne loi, il est de l’intérêt de l’Etat d’en faire jouir le pays le plus tôt
possible. Si des distillateurs, par des circonstances particulières, ne peuvent
pas profiter du bénéfice de cette loi, ce n’est pas une raison pour en priver
ceux qui sont en mesure, et surtout le pays qui mérite aussi toute notre
sollicitude.
En vain dirait-on
que les approvisionnements existants ne seront pas écoulés d’ici au 1er
juillet. Si je connais bien la législation en matière d’entrepôts, ceux qui
auraient fait ces approvisionnements ne seraient pas lésés. Je ne pense pas que
d’ici à cette époque il existera des approvisionnements tant soit peu importants
dans les mains des marchands ou des distillateurs ; mais quand bien même cela
serait, le moyen de ne rien perdre est très simple, c’est celui de l’entrepôt.
Je suppose qu’au 15 juin quelque négociant, quelque distillateur ait encore des
approvisionnements. Eh ! qu’il les dépose à l’entrepôt, et quand la loi sera
introduite, il pourra les livrer à la consommation. Et à quel droit sera-t-il
assujetti ? A celui de 4 francs par hectolitre fixé par cette loi, rien de
plus.
Vous voyez donc, messieurs, que les intérêts privés se
trouvent mis à l’abri de toute perte tant soit peu considérable, et, par la
fixation de l’époque indiquée par la commission, vous donnez immédiatement de
l’activité à une de nos industries les plus intéressantes, et vous alimentez le
trésor. De cette manière tous les intérêts se trouvent garantis ; et c’est pour
cela que la commission vous a fait, à l’unanimité, la proposition de fixer
l’introduction de la loi au 1er juillet, proposition à laquelle s’est rallié M.
le ministre des finances.
M. Dautrebande. - Messieurs, je viens insister pour que l’époque du 1er juillet, fixée
pour la mise à exécution du projet de loi actuellement en discussion, et qui
été admise à l’unanimité par votre commission, soit maintenue.
Peu de développement suffira, messieurs, pour vous
démontrer combien il serait inconvenant de ne pas adopter une mesure aussi
équitable et aussi juste : refuser d’admettre une disposition transitoire
serait prononcer une condamnation inique et ruineuse pour les distillateurs,
qui ont en ce moment des quantités considérables de genièvre en magasin, et sur
lesquelles ils éprouveront une perte sensible, nonobstant l’adoption de la
proposition de loi. Il est à remarquer que cette fâcheuse et malheureuse position
ou ils sont placés est entièrement due au projet de loi qui est en ce moment en
discussion ; il est cause, messieurs, dès l’instant qu’il a été connu, que la
vente des boissons distillées a totalement cessé, et cependant ils ont été
forcés de continuer leurs travaux, pour être à même de pouvoir achever
d’engraisser le bétail qu’ils avaient et qu’ils ont encore dans leurs étables,
et dont ils ne pourront trouver à effectuer la vente que par petite partie, et
à mesure des besoins de la consommation. Ce travail oblige a augmenté
considérablement la quantité de genièvre qu’ils avaient déjà en magasin, et
c’est à un tel point que j’en connais qui en ont 100,000 litrons qui, à raison
de 17 c. de diminution de droit, devraient supporter de ce chef une perte de
17,000 fr. ; à laquelle perte il faut ajouter celle qu’ils éprouveront par la
diminution du prix du genièvre, laquelle sera proportionnée aux prix actuels
des grains de ceux qu’ils ont employés dans la fabrication du genièvre qui sont
dans les magasins.
Il est facile de comprendre que, le projet de loi
étant connu, il devait en résulter une stagnation complète dans la vente de
eaux-de-vie, attendu que les spéculateurs, étant informés que le droit devait
être diminué de 16 à 17 centimes au litron, n’avaient garde d’en faire l’objet
d’une spéculation.
La restitution du droit payé eût été la mesure la plus
équitable à suivre, et j’en aurais volontiers fait la proposition si je n’avais
pas reconnu que deux raisons péremptoires la rendaient inadmissible : la première,
c’est que par suite de la réduction accordée, par les lois et décrets de 1830
et 1831, de 7 litrons 78 dés à 5 litrons, il est impossible de connaître, d’une
manière bien exacte, les droits que les distillateurs ont payés au trésor ; la
deuxième, qui seule me paraît suffisante pour ne pouvoir admettre la
restitution, c’est que les détenteurs de genièvre, dont les droits ont été
fraudés, seraient admis à en exiger le remboursement, comme ceux qui loyalement
les auraient acquittés.
Etant reconnu que la restitution des droits ne peut
être admise, il reste, pour diminuer la perte qu’éprouveront indubitablement
les possesseurs de genièvre, d’employer le moyen de ne rendre la loi exécutoire
pas plus tôt qu’au 1er juillet. Ce délai est indispensable ; il est même trop
court pour qu’ils puissent écouler tout le genièvre qu’ils ont, et pouvoir, à
mesure qu’ils vendront leur bétail, diminuer leurs travaux, de manière à ce
qu’il leur reste peu de produits au moment de la mise à exécution de la loi.
Quelques distillateurs ont fait la demande qu’elle
reçoive de suite son exécution ; s’ils n’avaient pas eu leur magasins vides, ou
peu de genièvre d’avance, ou enfin leurs distilleries fermées, comme il en
existe beaucoup. Même les principales de Liége (la pétition dont l’honorable M.
Mary a parlé en donne la preuve), je suis persuadé qu’ils se seraient abstenus
d’adresser cette sollicitation. L’on sait que les distillateurs de Hasselt, qui
sont du nombre de ceux qui ont fait cette demande, n’ont pas accumulé de genièvre
; ils ont eu les moyens de l’écouler par des débouchés aussi faciles
qu’avantageux. Il est à votre connaissance, messieurs, combien Hasselt et les
environs ont été constamment garni de troupes ; donc une consommation
considérable de cette boisson s’y faisait, et suffisait pour absorber la
majeure partie du genièvre que l’on y fabriquait ; placé dans cette position,
l’on conçoit facilement que les distillateurs de Hasselt n’ont que peu ou point
du tout de perte à redouter et que, pour ce motif, une prompte introduction de
la loi leur convient parfaitement
L’on a manifesté la crainte que, s’ils avaient des
quantités de genièvre en magasin, ils comprendraient bien mal leurs intérêts,
et les verraient dans un tout autre sens que leurs confrères, qui ont des provisions
considérables d’eau-de-vie, et qui, comme eux, ont aussi leurs étables garnies
de bétail ; ils se diraient qu’une prolongation de mise à exécution de la loi
leur donnera le moyen de diminuer leurs travaux à mesure de l’engraissement et
de la vente de leur bétail, et aussi celui de livrer à la consommation la
majeure partie de ce qu’ils ont en magasin.
Si la loi n’était
pas mise, sans retard, à exécution, le trésor ne recevrait plus rien des
distilleries. Cette prévision serait juste si beaucoup de distillateurs
n’étaient pas forcés de continuer à travailler pour nourrir leur bétail ; et en
admettant qu’ils parviennent à diminuer leurs travaux de moitié, ils devront
toujours payer au trésor une somme aussi élevée que celle que la loi nouvelle
pourrait produire, puisque, d’après celle existante, le montant s’est élevé à
plus de 4 millions de francs.
D’après toutes ces considérations je ne puis douter
que vous ne consentirez jamais à ce que la loi soit mise de suite à exécution,
attendu que cette mesure causerait le détriment, je dirai même la ruine des
distillateurs qui ont tant de pertes à essuyer, et qui ont versé des sommes
considérables dans les caisses du trésor pour faire l’avantage de ceux dont les
intérêts ne peuvent être froissés.
M. de Brouckere. - Messieurs, mon intention était plutôt de chercher à m’éclairer
moi-même sur la question, qui est véritablement importante et difficile, que de
vouloir y jeter de la lumière. Mais vous avez été frappés comme moi de la
divergence des opinions, et, ce qui a dû vous étonner plus encore, c’est que
tous les orateurs ont basé leurs opinions contradictoires sur des faits qu’ils
prétendent incontestables. C’est ainsi que les uns ont dit que les
distillateurs devront avoir beaucoup de genièvre en magasin, par la raison que
depuis l’annonce de la loi nouvelle, on a cessé tous les achats, tandis que les
autres ont soutenu que les distillateurs ne devront rien avoir dans leurs
magasins, parce que, connaissant le projet, ils se sont abstenus de faire de
approvisionnements. De ces deux opinions opposées quelle est la véritable ? Je
n’en sais rien ; mais ce n’est pas seulement l’intérêt des distillateurs qui
doit vous occuper : celui du trésor doit vous importer plus que tout autre, par
la raison qu’on a annoncé qu’un déficit considérable serait le résultat de la
loi, et que nous ne savons pas encore comment combler ce déficit. M. le
ministre des finances n’en a pas trouvé le moyen.
Je l’avoue franchement, quoique je sache bien que ce n’est
pas ainsi que j’acquerrai de la popularité, je ne me déciderai dans cette
circonstance que par l’intérêt du trésor.
L’honorable M.
Lardinois proposé d’ajourner l’introduction de la loi jusqu’au 1er janvier
1834. Si cet amendement a été dicté par le désir de soutenir les intérêts du
trésor, si la loi actuellement en vigueur doit produire plus que la nouvelle,
je voterai pour ; mais si M. le ministre des finances me dit qu’il vaut mieux,
toujours dans l’intérêt du trésor, fixer l’époque du 1er juillet, j’adopterai
la proposition de la commission. Jusqu’ici je suis dans une incertitude
complète à cet égard. Il est incontestable que si la production était la même,
la loi actuelle rapporterait davantage au gouvernement ; mais il est à craindre
que les distillateurs, par suite du changement de la législation, ne fabriquent
plus que ce qui leur sera indispensable. S’il en pouvait être ainsi, je crois
que le mieux serait d’adopter la proposition de la commission. J’attendrai, au
surplus, les explications de M. le ministre des finances.
M. de Muelenaere. - Ce qui vient d’être dit, dans cette enceinte doit vous avoir
convaincus, messieurs, que la question qui est soumise à votre décision est
d’une extrême difficulté. En effet, comme vous l’a très bien dit un honorable
préopinant, il s’agit de concilier autant que possible, les besoins du trésor
avec l’intérêt public et avec les intérêts privés. Quant à moi, quoique je ne
cherche pas non plus la popularité, je ne me déciderai pourtant pas
exclusivement dans l’intérêt du trésor. Si j’avais à me décider dans ce sens,
je vous ferais une proposition diamétralement contraire à celle qui pour but de
fixer l’introduction de la loi au 1er janvier ; je demanderais, moi, qu’on
fixât cette introduction au 1er avril, car, plus vous en reculerez l’époque.
Plus vous nuirez au trésor ; mais je déclare que ce n’est point l’intérêt du
trésor exclusivement qui déterminera mon opinion.
Il est, messieurs, des
industriels qui ont eu confiance dans la loi en vigueur, qui ont travaillé sons
l’empire de cette loi : je ne prononcerai certainement pas leur ruine pour
venir au secours du trésor. S’il éprouve un déficit, c’est par un autre moyen
que nous devons le combler ; mais je dis qu’il y aurait injustice à sacrifier,
sans pitié, les intérêts privés par la brusque transition d’un système à un
autre. En 1822, une législation nouvelle a succédé à l’ancienne, et les objets
en magasin ont été soumis à toute la différence du droit. Si l’on pouvait être
juste en ce moment il faudrait faire le recensement des marchandises
emmagasinées, et restituer le surplus du droit ; mais l’honorable M.
Dautrebande a montré que cela était impossible. Il faut donc chercher à
concilier, autant que cela se pourra, ces intérêts divergents, c’est-à-dire
laisser aux industriels le temps moralement nécessaire pour faire écouler le
liquide en magasin. Cependant, s’il y avait moyen de mettre ce liquide en
entrepôt, c’est-à-dire de passer à la législation nouvelle, sans compromettre
les intérêts de ceux qui ont travaillé sous l’empire de l’ancienne loi, je
donnerais la préférence à cette mesure, sur laquelle j’attendrai les
explications de M. le ministre des finances.
M. A. Rodenbach. - Je ne m’opposerai pas à la proposition de mes
honorables collègues qui font partie de la commission, proposition tendante à
indiquer le 1er juillet pour l’introduction de la loi ; mais si l’on voulait
l’ajourner jusqu’au 1er janvier ou jusqu’aux mois d’octobre et de septembre, je
m’y opposerais formellement, par le motif que cela serait fatal au pays et au
trésor. Vous savez en effet, messieurs que le grain baisse considérablement. Au
marché d’hier le seigle ne s’est vendu que 9 francs. Si vous tardez à faire
exécuter la loi, nos céréales tomberont à vil prix. D’un autre côté, ce que
vous a dit M. de Theux démontre qu’il ne faut pas d’ajournement, car 1es
distillateurs, au moyen d’une fraude scandaleuse, gagnent considérablement sur
les consommateurs.
M. Osy. - L’honorable M. d’Elhoungne nous a dit que le
genièvre distillé sous l’empire de la loi actuellement en vigueur pourrait être
mis à l’entrepôt et qu’il serait astreint à un droit de 4 fr. par hectolitre
seulement. Je crois que cette opinion est tout à fait contraire à l’amendement
proposé par M. le ministre des finances sur le paragraphe 1er de l’article 52,
qui porte : « Les droits dus sur les genièvres fabriqués avant la mise à
exécution de la présente loi seront apurés au taux et sur le pied établis par
les lois préexistantes. » Si nous admettons cet amendement, il est
impossible d’introduire la loi avant le 1er juillet. Mais, si M. le ministre
des finances déclare que l’on pourra entreposer comme l’ont expliqué d’honorables
préopinants, alors l’exécution de cette loi pourrait commencer à dater du 15
avril. Je prie M. le ministre de s’expliquer sur ce point.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je reconnais, comme tous les honorables collègues
qui ont parlé, avant moi, l’extrême difficulté de la question. Il est certain
que je n’en connais pas de plus ardue, en ce sens qu’il s’agit d’amener une
mesure qui ne lèse aucun intérêt privé. Je crois que, de quelque manière qu’on
s’y prenne, on ne parviendra pas à atteindre ce but.
Cette question, messieurs, a été traitée très
longuement dans la commission. Comme j’ai suivi les travaux de cette commission
tant par moi-même que par ceux qui y ont assisté en ma place, et qui m’en
rendaient compte, j’ai su, comme l’a dit M. d’Elhoungne, son rapporteur,
qu’après des débats plus on moins controversés, on avait adopté le 1er juillet
pour l’introduction de la loi. J’ai partagé et je partage encore l’avis de la
commission.
Mais il est un certain point
très important, sur lequel il m’est impossible de fixer la chambre ; c’est la
connaissance des quantités d’eaux-de-vie qui se trouveraient encore en magasin.
L’administration n’a pu avoir de données positives sur ce point, attendu que
les eaux-de-vie, aussitôt qu’elles sont fabriquées, ne sont plus soumises à son
contrôle. Dès lors on ne saurait dire jusqu’à quel point il serait porté
préjudice aux détenteurs de ce liquide, en hâtant on en reculant l’époque de
l’introduction de la loi. Quoi qu’il en soit, j’adopterai l’époque du 1er
juillet, parce que c’est celle qui me paraît devoir le moins léser les intérêts
que l’on veut conserver.
Mais, a dit M. d’Elhoungne, on pourra mettre en
entrepôt les quantités d’eaux-de-vie qu’on aurait en magasin. Je conviens que
si ces eaux-de-vie sont encore en cours de crédits à termes vis-à-vis de
l’administration on pourra déposer dans les entrepôts libres, destinés à
l’exportation, conformément à la loi du 19 janvier 1832. Mais quand ces
eaux-de-vie seront ainsi entreposées, quel sort leur réservera-t-on ?
Sera-t-on- obligé de les exporter ? Je crois que ce serait le meilleur moyen.
Si cependant on demande à les remettre en consommation, à quel régime
devront-elles-être soumises ? M. d’Elhoungne a dit que c’était au régime de la
loi nouvelle ; mais il y aurait une grande perte pour le trésor. Toutefois,
comme toute marchandise ne doit payer le droit qu’à l’époque où elle est mise
en consommation, je serais assez d’avis que les eaux-de-vie entreposées ne
fussent astreintes qu’au droit existant à cette époque. C’est dans ce sens que
je me rallie au vœu de la commission, exprimé par son rapporteur.
(Moniteur belge
n°64, du 5 mars 1833) M. Jullien. - Messieurs, après la question de principe,
il est incontestable que celle qui vous est soumise présente les plus grandes
difficultés ; car il s’agit de régler d’une manière équitable la transaction
d’un système à un autre, chose qui est toujours extrêmement délicate. Vous
aurez beau parcourir tout le calendrier depuis le 15 avril jusqu’au 1er janvier
1834, il n’en restera pas moins vrai que depuis que l’on s’occupe de la loi sur
les distilleries, le commerce du genièvre a été paralysé. En effet, vous ne
comprendriez pas comment, lorsque l’on compte sur une législation nouvelle,
dont le droit devra être très minime, on se livrerait à la fabrication sous
l’empire de l’ancienne législation qui fixe un droit considérable. Les
industriels aimeront mieux attendre pour fabriquer, comme les consommateurs
aimeront mieux retarder leurs achats.
Après avoir entendu toutes les observations qui vous
ont été faites relativement à l’introduction de la loi, je me rallie à ceux qui
ont demandé l’époque la plus rapprochée, parce que, plus tôt vous sortirez les
industries de leur état d’inaction, mieux vous concilierez l’intérêt du trésor
et les intérêts privés C’est pourquoi l’époque du 15 avril me paraît être la
plus favorable.
Mais, dit-on, si on laisse le
temps au négociant ou au distillateur qui aura des marchandises en magasin, il
pourra les écouler. Quant à moi, je ne crois pas que vous puissiez compter sur
ce résultat, parce que tout le monde attendra l’effet de votre loi. D’un autre
côté, je vous prie de considérer aussi que dans l’intérêt de la culture du sol,
il est urgent que les distilleries agricoles se mettent en activité. Plus tôt
elles reprendront de l’activité, plus tôt le but que vous vous êtes proposé
sera rempli.
Je crois qu’il y aurait un moyen de concilier, autant
que possible, les intérêts des contribuables, avec ceux du trésor, c’est celui
qu’a proposé M. d’Elhoungne. Il est impossible de revenir sur les droits déjà
acquittés, ainsi que l’a démontré M. Dautrebande ; mais pour les eaux-de-vie
qui auraient été prises en charge et qui n’auraient pas acquitté le droit, je
ne vois pas pourquoi on ne pourrait les déposer dans les entrepôts publics, en
les soumettant au droit du nouveau régime. De cette manière la loi ne
consacrerait pas une injustice. Par ces motifs, puisque M. le ministre des finances
s’est rallié à la proposition de la commission, je ne crois pas qu’il y ait
d’inconvénient à fixer l’époque du 15 avril.
M. d’Huart.
- Messieurs, à moins d’indemniser les dépositaires de grandes quantités
d’eau-de-vie, l’on ne peut, sans froisser l’équité, adopter l’époque du 15
avril pour mise en vigueur de la loi ; or, le mode d’indemnité étant
impraticable, il est inutile de s’arrêter sur ce point.
L’honorable M. d’Elhoungne a critiqué amèrement un des
motifs que j’ai donnés tantôt contre l’époque du 1er juillet, à savoir que les
grands distillateurs seraient seuls, de cette manière, en situation de jouir
pendant plusieurs mois des bienfaits de la nouvelle loi ; il faut, dit-il,
faire jouir le plus tôt possible la nation d’une bonne législation. Mais ici ce
n’est pas le cas, quelques individus seuls seraient appelés à en profiter ; car
l’honorable M. d’Elhoungne n’ignore pas qu’il est un autre motif que les
travaux de la campagne, qui fait stater généralement la distillation ; les
grandes chaleurs, les orages sont là pour obliger les distillateurs, qui ne
peuvent placer leurs vaisseaux à fermentation dans des cuves, à suspendre leurs
travaux.
Le 1er octobre est l’époque où toutes les distilleries
se remettent en activité, c’est aussi celle-là que j’ai choisie, parce qu’alors
tout le monde peut travailler, et qu’ainsi il n’y aurait de privilège pour
personne.
D’ailleurs, en choisissant cette époque, on donnerait
un temps suffisant aux propriétaires de grandes quantités de genièvre de s’en
défaire, ce que l’équité réclame impérieusement.
L’honorable M. d’Elhoungne
pour prouver que les intérêts du trésor seraient lésés par la fixation de
l’époque au 1er octobre, vous a dit que l’impôt ne se percevant de trois en
trois mois, les rentrées du dernier trimestre de l’année courante ne
s’opéreraient que dans le premier trimestre de l’exercice suivant, et qu’ainsi
les caisses publiques resteraient vides pour faire face aux dépenses. Mais,
messieurs, la création des bons du trésor répond à cette objection, et vous
vous rappellerez que ces bons ont été expressément décrétés pour le cas de
l’espèce de celui signalé par M d’Elhoungne.
Quant aux céréales dont a parlé l’honorable M. A.
Rodenbach, je pense que nous n’avons pas à craindre que la baisse de ces
denrées continue ; prochainement il nous sera présenté un projet tendant à
permettre la libre exportation des grains, et nous avons lieu de compter que
l’adoption de cette mesure maintiendra leur prix à une hauteur convenable aux
intérêts de l’agriculture.
M. de Theux. - Lorsqu’en appuyant l’amendement de l’honorable M.
Mary, je vous signalais l’opinion de la commission, j’avais sous les yeux le
rapport qu’elle voua a présenté, et dans lequel il est dit :
« La commission a pensé que l’on éviterait ce
grave inconvénient tout en gardant les ménagements que l’on doit aux
contribuables, en fixant un terme assez éloigné pour la mise en vigueur de la
loi projetée, pour que, dans l’intervalle de son adoption et sa mise à
exécution, les distillateurs et les marchands en gros d’eaux-de-vie puissent
les livrer à la consommation ou les exporter. Un à deux mois lui ont paru
suffire. »
Ainsi, messieurs, au mois de décembre dernier la
commission ne réclamait qu’un à deux mois pour la mise à exécution de la loi.
Dès lors j’étais fondé à croire qu’elle se rallierait à l’amendement de M.
Mary, qui fixait même une époque un peu plus reculée. Mais nous venons
d’apprendre par son honorable rapporteur que dans une séance récente elle avait
adopté le terme du premier juillet. J’avoue que j’aurais désiré que la
commission, pour motiver sa dernière opinion, se fût appuyée sur des faits
nouveaux, par exemple, sur les quantités d’eaux-de-vie en magasins. Mais,
d’après ce que vient de dire M. le ministre des finances, il n’existe aucun
renseignement sur cet objet. Ainsi je suis autorisé à m’en tenir aux premiers
motifs allégués par la commission ; ces motifs ont été appuyés par les
distillateurs des deux classes, les grands distillateurs de Liége et les
distillateurs agricoles de Hasselt. Dès lors la première opinion de la
commission acquiert un nouveau degré de force.
Quelques orateurs ont plaidé
la cause des détenteurs des eaux-de-vie qui, disent-ils, n’auront pas le temps
de les écouler. Je conviens que ceux qui auront spéculé et qui surtout fait de
grands approvisionnements, n’auront pas écouté toutes leurs marchandises ; mais
ceux qui se livrent à ce genre de spéculations auront dû s’attendre aux pertes
comme aux bénéfices. D’ailleurs, depuis le congrès on a proposé de réduire le
droit, et l’on a toujours réclamé ce nouveau système, de sorte que les grands
distillateurs et les négociants ont eu le temps de se préparer au changement de
législation. Je pense donc qu’il ne faut pas, en faveur de ces détenteurs,
sacrifier les intérêts de leurs concurrents qui par un retard seraient exposés
à des pertes considérables.
M. Dumortier.
- Cette question est subordonnée à une question bien plus importante. C’est celle
de savoir s’il ne convient pas d’accorder une remise aux distillateurs qui ont
des eaux-de-vie en magasin. C’est avec étonnement que j’ai entendu dire qu’il
n’y avait pas lieu à restitution et que le gouvernement ne pouvait connaître
les marchandises existantes. Lorsque le gouvernement établit des droits sur les
sucres, sur les sels, sur d’autres marchandises, il sait bien trouver les
moyens de s’assurer de la quantité de ces denrées qui sont en magasin, et il ne
le saurait pas quand il s’agit d’un dégrèvement équitable pour les
distillateurs ! Les gouvernements doivent avoir en tout de la bonne foi, de la
loyauté. Si le gouvernement en manquait, les chambres devraient en avoir. Si le
système ministériel prévalait, je ne sais plus où il faudrait se réfugier pour
trouver la justice. Les genièvres, les sels, les sucres, n’échappent pas aux
droits ; ils ne doivent pas échapper non plus à l’attention du gouvernement
quand il faut restituer les droits.
La question préalable à la mise à exécution est, je le
répète, celle de savoir s’il y aura restitution ; plus tôt vous mettrez votre
loi à exécution, et mieux vous ferez. Je ne puis pas croire que le système
présenté par M. d’Elhoungne, de mettre les genièvres dans les entrepôts
publics, soit praticable. Les habitants des grandes villes trouveraient un
avantage dans cette mesure, mais les habitants des campagnes ne pourraient en
faire usage.
Si vous n’accordez pas un dégrèvement, il y aura effet
rétroactif dans la législation, si vous ne pouvez rétablir le principe. Lorsque
des membres de cette assemblée présentèrent, l’année dernière, un projet de loi
qui sert de base à celui que nous discutons ils sentirent la justice des
observations que je vous soumets maintenant. MM. Serruys, A. Rodenbach,
Goethals étaient au nombre des membres qui ont rédigé le projet dont je parle.
Dans l’article 39 de ce projet, on trouve qu’il sera accordé aux distillateurs
et marchands en gros d’eaux-de-vie indigènes une décharge à raison de 10 fr.
par hectolitre. Il n’y avait pas justice complète : les genièvres payaient 34 ;
mais il y avait quelque chose dans la loi. Actuellement il n’y a rien.
Je proposerai l’amendement
suivant :
« Il sera accordé aux distillateurs et marchands
d’eaux-de-vie de grains restitution des quantités en magasin, à raison de 10
fr. par hectolitre, pourvu que cette quantité ne s’élève pas au-dessus de celle
prise en charge depuis le premier janvier. »
Vous avez d’abord à discuter un principe : y aura-t-il
restitution du droit ? La restitution que je propose est le tiers du droit, et
comme elle ne pourra dépasser la somme prise en charge, le gouvernement ne sera
pas dupe.
M. le président
donne lecture de l’amendement de M. Dumortier et demande s’il est appuyé.
- Personne ne répond, et la chambre passe à la
discussion d’autres propositions.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Plusieurs honorables orateurs ont traité la
question comme elle devait l’être. Dans l’attente d’une loi qui ne pouvait
manquer d’être portée, il n’y a pas de doute que les fabrications se sont
ralenties et qu’ainsi les inquiétudes sur les approvisionnements et les pertes
qui en peuvent résulter, doivent disparaître, et ne plus vous préoccuper.
Quoi qu’on en ait dit,
l’administration ne peut être fixée sous le rapport des quantités d’eaux-de-vie
existantes. Maintenant ce n’est pas le genièvre qui doit, c’est l’individu ;
nous sommes sous le régime des crédits à terme ; sous le régime des crédits
permanents qui existaient auparavant, c’était la marchandise qui devait ; alors
l’administration restait constamment au courant des quantités de la denrée qui
était dans le commerce, puisqu’aucune décharge ne pouvait avoir lieu que sur un
acquit. Pour la substitution des crédits à terme aux crédits permanents, on ne
connaît plus que l’individu et non la marchandise, et l’administration ne peut
savoir ce qu’il y en a en magasin.
L’administration sait seulement, et c’est l’avis de
ceux qui ont parlé parfaitement sur cette matière, que les approvisionnements
sont extrêmement médiocres.
Pour les approvisionnements il y a encore cours de
crédit. Cependant le marchand qui renoncerait à l’exportation, et qui voudrait
livrer ses eaux-de-vie à la consommation, ne serait soumis qu’au droit actuel.
Mais toute restitution est inexécutable ; elle serait ruineuse pour le trésor.
M. de Robiano de Borsbeek. - Nous sommes ici pour défendre tous les intérêts.
Je voterai pour la proposition de la commission, c’est-à-dire, pour la 1er juillet,
par la raison que, pour le 1er avril, il y aurait des intérêts lésés : je suis
des Flandres ; dans ces pays, au mois d’avril, les herbages couvrent de bétail
les prairies ; vous les mettriez en concurrence avec les distillateurs
agricoles qui engraissent aussi des bestiaux. Ce n’est pas seulement dans les
Flandres que les herbagers seraient lésés par une résurrection subite des
distilleries agricoles, mais encore dans le pays de Limbourg, de Tirlemont, et
dans d’autres.
On dit qu’il faut commencer de bonne heure à mettre la
loi à exécution, afin d’en connaître les vices avant l’année prochaine ; mais
le budget de 1834 sera, je l’espère, discuté, cette année, et il ne pourra
contenir aucune amélioration de la loi que vous portez.
Le terme de juillet est celui qui me paraît concilier
le plus grand nombre d’intérêts.
M. A. Rodenbach. - Pour ne pas laisser induire en erreur et la
chambre et le public je dois signaler une inexactitude avancée par l’honorable
M. Dumortier, qui a dit que le droit s’élevait à 30 fr. ; le droit ne s’élève
qu’à 19 fr.
Quant à la question qui nous occupe, je crois que le
terme de juillet est un mezzo termine que nous devons adopter.
M. Mary. - Nous
n’avons pas voulu les intérêts du trésor aux dépens des intérêts privés. La
date que nous proposons n’est pas prise au hasard ; nous voulons que les
petites distilleries puissent renaître à partir du 15 avril jusqu’au 15 juin,
les agriculteurs ont assez de temps pour se livrer à la distillation, et mettre
à profit les quantités immenses de céréales qui sont dans ce pays, et dont le
prix baisse par la défense de l’exportation.
Au 1er juillet, les distillateurs seront occupés aux
travaux de la campagne jusqu’au mois d’octobre. Les grands distillateurs
pourront, pendant que les distillateurs agricoles seront dans leurs champs,
forcer leurs travaux, multiplier les produits, et jeter dans le commerce une
grande quantité d’eaux-de-vie, de manière que les petits distillateurs ne
pourront pas soutenir la concurrence et trouver des débouchés.
Il ne faut pas tant s’apitoyer
sur le sort des grands distillateurs ; vous savez que depuis le premier janvier
ils n’ont rien en magasin. Ils ont un crédit à terme de trois, six ou neuf
mois, et ils n’ont rien payé pour les eaux-de-vie de décembre. En mettant en
entrepôt, ils ne seront pas lésés.
Je ne réfuterai pas les observations de M. de Robiano.
C’est un privilège que cet honorable membre veut créer en faveur des habitants
des Flandres ; il ne veut pas que les herbagers entrent en concurrence avec les
distillateurs ; ce qui est créer un monopole pour les uns au détriment des
autres. Il faut de plus remarquer qu’il y a de nombreux distillateurs dans les
Flandres.
Mettez la loi à exécution le 15 avril prochain ; si, à
cette époque, on s’apercevait que des intérêts peuvent être froissés, le
ministre pourra proposer une mesure pour mettre les eaux-de-vie en entrepôt.
M. Dumortier.
- On a voulu relever une inexactitude que j’aurais avancée, et moi je ferai
observer que c’est une grave erreur que de dire que le droit est de 19 fr. Il
suffit d’ouvrir un tarif pour connaître ce droit ; il est aujourd’hui de 33 à
34 fr.
J’admets, ce qui n’est pas vrai, que l’assertion de M.
Rodenbach soit vraie ; en proposant une restitution de 10, ce n’est proposer
que la restitution de la moitié du droit que les distillateurs ont payé ; ainsi
cette proposition n’est pas ridicule.
Je trouve un avantage dans la
proposition de la commission : c’est de permettre de mettre en consommation les
genièvres mis en entrepôt pour l’exportation. C’est une justice ; mais ce n’est
pas justice complète, puisque ce n’en est pas une pour les habitants des
campagnes. Le ministre prétend que l’administration ne peut connaître les
eaux-de-vie qui sont maintenant dans le commerce ; mais, quand il s’agit de
droits, vous n’avez pas honte d’aller dans les magasins vous informer des
quantités de marchandises que vous pouvez frapper, et quand il s’agit d’un acte
de justice à rendre aux particuliers, vous ne pouvez plus rien connaître ; je
ne conçois pas un pareil gouvernement.
J’appuie de toutes mes forces la proposition de la
commission.
M. d’Elhoungne. - La question qui nous occupe est de savoir si ce sera le 15 avril ou
le 15 juillet que la loi sera exécutoire. On a invoqué les intérêts du trésor.
Il me semble que le gouvernement éprouve, outre le besoin d’argent, un autre
besoin également impérieux, c’est d’avoir des amis ; et maintenir jusqu’au
premier janvier prochain, sous le joug de la législation de 1822, des
populations industrielles et agricoles, n’est pas le moyen de s’en faire ;
c’est plutôt le moyen d’aliéner les esprits, et c’est ainsi que la révolution a
été produite.
Cet intérêt du trésor, à quoi se réduit-il ?
Messieurs, il n’y aura pas déficit au trésor par les distilleries seulement ;
et de plus, remarquez que, par suite de la mauvaise législation qui les régit,
les consommateurs paient pour la viande de boucherie un million environ de plus
qu’ils ne devraient payer.
L’époque du 15 avril est inadmissible. Une foule de
détenteurs d’eaux-de-vie ne peuvent pas les entreposer pour obtenir décharge
des droits. Tous ceux qui les ont acquittés sont dans ce cas. Dès lors, il faut
fournir à ces détenteurs le moyen de placer leurs eaux-de-vie au prix actuel
avant l’exécution de la loi ; ce moyen est celui de fixer l’exécution de la loi
au premier juillet. Il y a quatre mois d’ici à cette époque, et alors toutes
les eaux-de-vie en magasin pourront être placées.
On
a dit qu’on ferait tort aux herbagers de la Flandre en fixant une époque trop
rapprochée ; mais ce n’est qu’au mois de mai que les herbagers mettent sur les
prairies les bestiaux maigres : avant le mois de mai, ils n’achètent pas de
bétail, par la raison qu’ils ne pourraient le nourrir. Il n’y a que les
distillateurs qui puissent nourrir le bétail dans l’étable.
Messieurs, toute spéculation faite sous une
législation existante, faite par suite de la confiance qu’on accorde aux lois,
me paraît sacrée ; c’est la plus grande faute qu’on puisse commettre envers une
nation que de violer le contrat qui existe entre le gouvernement et les
particuliers, que de changer brusquement les lois.
M. de Robiano de Borsbeek. - Je ne veux pas créer un privilège ; je veux que
l’on ne nuise pas à une grande partie de la population des Flandres et d’autres
contrées. C’est depuis le 1er avril que le bétail entre dans les herbages,
c’est en mars qu’on l’achète. En fixant l’époque de l’exécution de la loi au
mois d’avril, on mettrait les herbagers en concurrence avec les distillateurs :
juillet est préférable.
M. Jullien.
- L’attention de la chambre doit être fatiguée ; je ne me propose de présenter
que de courtes observations.
Si le commerce des eaux-de-vie n’était pas gâté comme
il l’est par la fraude, je déclare que j’adopterais les principes de M.
Dumortier ; mais du moment que vous voulez outrer dans la voie des
restitutions, vous vous mettez dans le cas de faire cadeau des droits à des
gens qui ne les ont pas payés.
On a parlé des droits acquis. On n’enlèverait les
droits acquis qu’autant qu’on pourrait dire qu’en payant l’ancien droit, les
marchands avaient par-là le droit de vendre toujours sous l’ancienne loi ; il
ne peut en être ainsi : le gouvernement a le droit de modifier les lois. Il ne
faut donc pas parler de droits acquis.
Le crédit étant accordé jusqu’à ce que la marchandise
soit exportée ou mise en consommation, si elle n’est exportée ou mise en
consommation qu’après l’exécution de la loi, il y aurait injustice à faire
payer l’ancien droit au détenteur de la marchandise, tandis qu’il ne vendrait
que sous l’empire de la nouvelle. Mais les détenteurs d’eaux-de-vie auront la
faculté de mettre en entrepôt celles qui sont fabriquées ou qui sont prises en
charge ; ils ne paieront que le droit imposé par la loi nouvelle, s’ils ne
vendent ou n’exportent que sous la loi nouvelle.
On pourra donc fabriquer ; les distilleries n’auront
rien à perdre ; et c’est là le point principal de la difficulté.
Cependant, si vous mettez
l’époque de la mise en exécution au 1er juillet, voici le grave inconvénient
qui en résultera : les grandes distilleries fixeront leurs produits, et il se
trouvera une quantité considérable de liquide sur le marché quand les
distillateurs agricoles pourront commencer à se mettre à l’œuvre ; ils ne
pourront pas soutenir la concurrence ; et la loi que vous avez faite en vue de
protéger l’agriculture aura manque une grande partie de son but.
Si l’on ne peut pas détruire dans mon esprit les
conséquences fâcheuses qui me paraissent devoir résulter de la prolongation du
système sous lequel nous sommes, je voterai pour le 15 avril.
M. Lardinois.
- Les observations que vous venez d’entendre, messieurs, surtout celles de
l’honorable M. Dumortier, suffisent pour motiver l’époque reculée de mon
amendement. On demande une restitution pour les négociants et distillateurs qui
auraient beaucoup d’eaux-de-vie en magasin ; mais je ne vois pas pourquoi le
trésor subirait cette perte. Qu’on accepte mon amendement, et ces détenteurs
auront le temps d’écouler leurs marchandises. On ne peut pas se plaindre que
les intérêts des distillateurs aient été négligés, ce sont ceux du trésor qu’on
semble avoir oubliés.
La seule objection qu’on a fait valoir dans l’intérêt
du trésor est que, si l’on fixe une époque reculée, tontes les distilleries
étant paralysées, l’impôt produira peu de chose ; mais, tant qu’il y aura
consommation, il y aura aussi fabrication, et ceux qui auront besoin d’un verre
de genièvre n’attendront pas l’introduction de la loi pour le prendre. Mon
amendement n’offre qu’un seul désavantage, assez grand à la vérité, c’est qu’en
ajournant cette introduction jusqu’au 1er janvier 1834, les petites
distilleries ne pourront se relever avant cette époque. (Aux voix ! aux voix !)
- L’amendement de M. de Robiano consistant à
substituer le mot « obligatoire » au mot « exécutoire, »
est mis aux voix et adopté.
L’amendement de M. Lardinois tendant à fixer
l’introduction de la loi au 1er janvier 1834, est rejeté.
Celui de M. Milcamps, auquel s’est rallié M. d’ Huart,
qui porte le 1er septembre, est également rejeté.
Enfin, la proposition de la commission indiquant
l’époque du 1er juillet prochain, est mise aux voix et adoptée.
L’article ainsi modifié est également adopté.
Article 53
« Art. 52. A partir de son introduction cessera,
pour l’accise sur la fabrication des eaux-de-vie, la perception de tout droit
additionnel, soit à titre de timbre collectif, soit à tout autre. »
M. d’Elhoungne demande, au nom de la commission, la suppression de cet article comme
faisant double emploi avec les articles 4 et 48 du projet.
- Cette suppression est mise aux voix et adoptée.
« Art. 53. A partir de la même époque, la loi
spéciale du 26 août 1822 (Journal
officiel, n°37), l’arrêté du gouvernement provisoire du 17 octobre 1830, le
décret du congrès national du 4 mars 1831, et toutes les autres dispositions
légales antérieures, relatives à l’accise sur la fabrication des eaux-de-vie,
sont abrogées.
« La loi générale du 26 août 1832 (Journal officiel, n, 38) est maintenue
dans toutes les dispositions auxquelles il n’est pas dérogé par la présente
loi. »
M. le ministre des finances (M.
Duvivier) propose
l’addition suivante au premier paragraphe :
« Les droits dus sur les genièvres fabriqués avant
la mise en exécution de la présente loi, seront apurés au taux et sur le pied
établis par les lois préexistantes. »
Il explique que cet amendement pour but de prévenir
toutes contestations.
M. d’Elhoungne. Si cet amendement a seulement pour but de consacrer
un principe existant, il est inutile ; et s’il a pour objet de rendre passibles
de l’ancien droit les eaux-de-vie qui seraient entreposées, je m’y oppose de
toutes mes forces, parce que ce serait une injustice flagrante, une spoliation.
Vous voyez donc que dans l’un et l’autre cas il est inadmissible.
M. Dumortier. - Je concevrais qu’on pût proposer une telle mesure,
s’il s’agissait de droits échus ; mais, pour les droits qui ne le sont pas, ce
serait une monstruosité.
M. Jullien. - Il me semble que ce que M. le ministre des finances donne d’une
main, il le reprend de l’autre. En effet, quand il s’est agi de la fixation de
l’époque où la loi serait obligatoire, l’assemblée est convenue que les
eaux-de-vie qui seraient seulement prises en charge, et celles qui seraient
fabriquées par la suite, pourraient être mises en entrepôt moyennant le droit
du nouveau régime.
Eh bien ! maintenant il propose une disposition toute
contraire, et qui aurait pour effet de consacrer une injustice frappante. Je
repousse cet amendement de toutes mes forces.
M. le ministre des finances (M.
Duvivier). - Mon amendement
n’a jamais eu pour but de toucher au régime des entrepôts. Il est évident que
si les eaux-de-vie entreposées sont mises en exportation, elles seront soumises
au régime nouveau. Mais, je le répète, il ne s’agit nullement des entrepôts
dans mon amendement ; il a seulement pour but de prévenir le retour de
nombreuses réclamations qui ont été faites précédemment.
M. Zoude propose l’amendement suivant :
« Les eaux-de-vie qui seront déposées en entrepôt
par les distillateurs et les marchands avant l’introduction de la présente loi
pourront être livrées à la consommation au paiement du droit de 6 francs par
hectolitre pour les eaux-de-vie marquant 50 degrés de l’aréomètre de
Gay-Lussac. »
M. Dumortier. - Messieurs, si vous n’adoptez pas la disposition
proposée par M. Zoude, je ne sais pas comment on pourrait mettre en
consommation les eaux-de-vie entreposées. Elle est tout à fait nécessaire. Ce
que propose M. Zoude est tout à fait différent de l’amendement de M. le
ministre des finances, qui pourrait être aussi adopté, si, au lieu des
« droits dus, » on mettait les « droits échus. »
M. Verdussen
propose de substituer le mot « liquidés » au mot « dus. »
M. d’Elhoungne fait observer que, dans l’énumération des lois dont l’article prononce
l’abrogation, on a omis celle du 19 juillet 1832, et il propose de faire cette
addition.
- L’amendement de M. le ministre des finances, avec la
modification proposée par M. Verdussen, est mis aux voix et adopté.
L’amendement de M. Zoude est
aussi adopté.
L’addition proposée par M. d’Elhoungne est également
adoptée.
Enfin l’article 53, avec toutes ces modifications, est
lui-même mis aux voix et adopté.
M. le président.
- On votera lundi sur l’ensemble de la loi.
M. Dumortier
demande que la loi soit renvoyée à la commission, pour qu’elle dise si tous les
amendements qui y ont été introduits concordent bien avec les articles.
- Cette proposition est appuyée, et la chambre ordonne
ce renvoi.
PROJET DE LOI RELATIF A LA MILICE
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) demande ensuite la parole pour une communication du
gouvernement. Il annonce un projet de loi tendant à modifier la loi sur la
milice,
De toutes parts. -
L’impression ! l’impression !
- La chambre donne acte à M. le ministre de la présentation
de ce projet de loi, et en ordonne l’impression et la distribution.
La séance est levée à cinq heures.